LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME PREMIER — LES PEUPLES DE L’ANTIQUITÉ

LA GRÈCE — VI. - LES CONTRÉES DU NORD

 

 

LA MONARCHIE MACÉDONIENNE. - LA MACÉDOINE. - LA THRACE. - L’ILLYRIE. - L’ISTRIE. - LA MÉSIE. - LA PANNONIE. - LA DACIE. - LA SCYTHIE.

 

LA MONARCHIE MACÉDONIENNE. — La Macédoine (fig. 447) a été longtemps considérée par les Grecs comme une contrée à peu près barbare. C’est un pays, en général stérile, qui s’étend entre la Thessalie, l’Illyrie et la Thrace. A part quelques colonies grecques établies sur ces côtes, la Macédoine n’a, pour ainsi dire, pas d’histoire avant Philippe et Alexandre. Ce pays fut complètement en dehors de la civilisation grecque des premiers temps. Cet isolement s’explique par les hautes montagnes qui séparent la- Macédoine de la Grèce le mont Olympe était considéré comme inaccessible, et les Grecs, franchissaient bien rarement ses cols abrupts et ses gorges arides. Les côtes seules, profondément échancrées par la mer Égée, présentaient quelques villes franchement, grecques et qui n’avaient que peu de rapports avec celles de l’intérieur. Ce fut, en réalité, Philippe qui fonda la puissance macédonienne, en lui donnant une organisation toute militaire, qu’Alexandre développa encore. A l’aide de cette armée, Alexandre commença par imposer son pouvoir à la Grèce et se rendit ensuite maître de l’Asie jusqu’à l’Indus. Les traits d’Alexandre nous ont été conservés sur plusieurs bustes, et le héros nous apparaît avec son costume de guerre sur la fameuse mosaïque de Pompéi, dont la figure 448 reproduit un fragment.

Les cheveux du roi sont châtains. Sa cuirasse est blanche avec une ceinture verte bordée de jaune ; la Gorgone qui est peinte au milieu a le visage couleur de chair et les cheveux blonds avec des serpents verts. Les deux épaulières de la cuirassa sont rougeâtres avec des ornements blancs et les attaches sont en cuir. Le manteau qui est par dessus la cuirasse est d’un rouge violâtre.

La Grèce, asservie par Alexandre, initia ses vainqueurs a sa civilisation à ce point qu’il n’y eut bientôt plus de différence entre un Grec et un Macédonien. Les Macédoniens avaient tout à gagner à ce contact ; mais les Grecs, en perdant leur indépendance, se plièrent aux mœurs monarchiques.

Certains emblèmes furent adoptés par les rois de Macédoine, et les monnaies les représentent quelquefois avec des cornes. Nous avons déjà expliqué pourquoi Alexandre se fit proclamer fils d’Ammon, et nous avons donné (fig. 60) une médaille qui le représente avec des cornes de bélier. Les cornes se retrouvent également, mais dans une disposition différente, sur la figure 449-450 et le même emblème se rencontre sur plusieurs rois de Macédoine, comme on peut le voir sur la figure 451-452, qui représente une médaille d’Antigone Gonatas. Cet emblème, du reste, n’est pas particulier à la Macédoine, et il peut être appliqué, en général, à tous les successeurs d’Alexandre. Il en est de même pour les insignes d’autorité, et le diadème que nous voyons à Philippe V (fig. 453) ne diffère pas essentiellement de ceux que nous avons vus aux Ptolémées (fig. 50 et 54) ou bien aux Séleucides (fig. 305, 307, 309). Il n’y a donc pas à insister sur les emblèmes .macédoniens, qui ne présentent rien d’absolument spécial.

 

LA MACÉDOINE. — La Macédoine n’est pas aussi riche en villes célèbres que le Péloponnèse ou la Grèce propre ; cependant il y en a quelques-unes qu’il est nécessaire de signaler ici.

Pella, lieu de naissance d’Alexandre le Grand, fut, à partir de Philippe, la résidence habituelle des rois de Macédoine. Ce privilège lui fut donné à cause de la situation exceptionnellement forte de cette ville, qui renfermait le palais, le trésor des rois de Macédoine et la prison d’État. L’emplacement de l’ancienne ville a été nettement déterminé ; les monuments qui l’enrichissaient ont tous disparu.

Édesse ou Égée (aujourd’hui Vodkena), l’ancienne capitale de la Macédoine antérieurement à Philippe, contenait les tombeaux des rois, qui devaient toujours être enterrés en ce lieu, parce qu’un oracle avait prédit que, si leurs cendres reposaient ailleurs, le pays serait exposé aux plus grandes calamités. On a retrouvé dans cette contrée de nombreuses antiquités, mais peu de ruines importantes.

Élevée sur les flancs d’un coteau qui domine la mer, l’ancienne Therma ne fut d’abord qu’un petit bourg de la Macédoine. Cassandre, un des anciens généraux d’Alexandre, l’agrandit considérablement et l’appela Thessalonique, du nom de sa femme. Cette ville devint très importante sous la domination romaine, et, au temps de Strabon, elle était la première des villes de Macédoine. Elle se couvrit de monuments splendides, parmi lesquels on citait notamment son hippodrome, qui rivalisait avec ceux de Rome et de Byzance. Sous Théodose, les courses de chars occasionnèrent une émeute terrible entre les différents partis du cirque. On traîna dans la boue les images de l’empereur, qui se vengea par un terrible massacre : ce fut à cette occasion que saint Ambroise soumit Théodose à une pénitence publique, demeurée célèbre dans l’histoire.

Thessalonique a été longtemps considérée comme la capitale du christianisme en Orient ; la plupart des monuments qu’on y trouve se rattachent à la période chrétienne. Les propylées de l’hippodrome ont’ laissé des restes intéressants, entre autres des cariatides qui sont maintenant au Louvre d’après les légendes locales, ces figuras, autrefois vivantes, auraient été pétrifiées par enchantement.

On voit aussi dans la ville un arc de triomphe à moitié ruiné, élevé par Constantin ; mais ce sont surtout les vieilles églises, du plus ancien style byzantin, qui constituent la valeur archéologique de Thessalonique. La plus curieuse, dédiée à saint Georges, est connue sous le nom de la Rotonde, et remonte, dit-on, à Constantin. Les mosaïques qui la décorent sont considérées comme l’œuvre capitale des peintres byzantins. La cathédrale, élevée par Justinien sur le même plan que Sainte-Sophie de Constantinople, est également ornée de mosaïques célèbres.

Pydna est la première ville maritime que les Macédoniens aient possédée : c’est aussi près de cette ville que s’est livrée la fameuse bataille après laquelle les Romains, commandés par Paul-Émile, devinrent maîtres de la Macédoine. Les localités voisines ont gardé de nombreuses traces de cette importante cité, qui n’a pourtant laissé aucun monument ; mais les tombeaux découverts par M. Heuzey sont extrêmement intéressants au point de vue archéologique.

Akanthos (Érisso) est cette langue de terre, large tout au plus de 2 kilomètres, que Xerxès fit couper pour éviter de doubler le promontoire d’Acté, autrefois si fatal à la flotte de Darius. Plusieurs auteurs, anciens et modernes, ont regardé cette entreprise de Xerxès comme une fable sortie de l’imagination des historiens grecs, mais les découvertes récentes ont donné raison aux assertions d’Hérodote et de Thucydide ; on retrouve encore, du côté sud, des excavations, des terrassements et des fondations qui indiquent la direction du canal de Xerxès. L’exécution du travail était facile, grâce à la nature du terrain on comprend d’ailleurs ces avantages à une époque où la navigation était peu avancée ; car, même de nos jours, les marins grecs hésitent à doubler le mont Athos pendant les mois d’hiver.

Les monnaies d’Akanthos, en Macédoine (fig. 454-455), présentent souvent ; et sous divers aspects, l’image d’un lion terrassant un taureau ; les archéologues voient dans cet emblème une importation orientale. La victoire du lion sur le taureau représentait, dans les cultes de l’Orient, le triomphe du soleil sur les ténèbres, ou de l’âme sur la matière.

Olynthe était située sur le promontoire de Pelléne (Cassandra) et en vue du golfe de Salonique. Les ruines de cette ville ont servi de carrière aux moines du mont Athos pour la construction de leurs couvents.

Potidée, dont l’antique port n’est plus qu’un vaste marais, n’a conservé d’autre trace qu’un reste de muraille qui traversait l’isthme. Au sud de la Macédoine, il faut nommer l’antique Dion (Malathna) où l’on a retrouvé quelques antiquités.

Amphipolis, près de l’embouchure du Strymon, a gardé quelques restes de ses fortifications ; mais, parmi les anciennes villes de Macédoine, il en est peu qui aient conservé des ruines aussi importantes que Philippes. Cette ville, située sur les confins de la Thrace, est célèbre par la défaite de l’armée de Brutus et de Cassius, poursuivie par celle d’Octave et d’Antoine ; c’est là aussi qu’eut lieu la première prédication de saint Paul en Europe. L’enceinte hellénique et l’Acropole montrent, par leurs débris, l’importance militaire que cette place avait dans l’antiquité. On y voit aussi les restes d’un théâtre et de nombreuses inscriptions et monuments votifs disséminés dans les rochers du voisinage.

 

LA THRACE. — La Thrace est une contrée située au nord de la Macédoine et dont les limites ont beaucoup varié. Elle est demeurée étrangère au grand courant de la civilisation ; les villes que nous signalerons sont toujours des colonies grecques ou romaines. Quelques-unes sont fort anciennes. Les plus importantes sont

Abdère (fig. 456-457), ville dont la fondation mythologique remonte à Hercule, et qui a joué un grand rôle dans l’histoire : elle n’a pas laissé de ruines ; Héraclée ou Périnthe, lieu de retraite d’Alcibiade ; Adrianopolis (Andrinople) ville importante élevée par Hadrien sur l’emplacement de la très antique cité d’Orestias, où Oreste s’était purifié du meurtre de sa mère ; enfin, Byzance, qui était déjà importante sous les Grecs, et qui devint la capitale de l’empire d’Orient. Nous reparlerons plus loin de cette ville, dont les souvenirs et les monuments se rattachent presque tous à l’époque byzantine.

 

L’ILLYRIE. — Cette contrée, qui s’étendait le long de la mer Adriatique, comprenait l’Illyrie grecque au sud et la Dalmatie au nord.

Les principales villes de l’Illyrie grecque sont : Apollonia et Dyrrachium. C’est un monastère qui occupe aujourd’hui l’emplacement d’Apollonia, ville opulente, où Octave achevait ses études lorsqu’il fut rappelé à Rome par la mort de César. On y a découvert plusieurs fragments antiques apportés depuis- au musée du Louvre.

Dyrrachium (Durazzo) est une colonie romaine qui a remplacé l’ancienne ville grecque d’Épidamnos. C’était le port le plus fréquenté pour se rendre de Grèce en Italie. Ce port, centre d’un commerce immense, présentait en tout temps une extrême animation. Cicéron vint y passer son temps d’exil, lorsqu’il fut chassé de Rome. Je suis venu à Dyrrachium, dit-il, dans une de ses lettres, ville libre, agréable et voisine de l’Italie ; mais si son bruit me gêne, je me rendrai ailleurs. Les villes de grand commerce étaient en effet fort bruyantes. Dyrrachium a conservé une partie de ses murailles romaines, et un grand nombre de fragments antiques sont encore encastrés dans des constructions d’une époque postérieure. Les monnaies de Dyrrachium et d’Apollonia représentent une vache allaitant son veau.

Il faut encore citer l’antique Lichnidos, qui n’a pas laissé de ruines.

Salone, dans l’ancienne Dalmatie, est la ville où Dioclétien s’était retiré après son abdication, et le palais qu’il y éleva est le monument le plus important de l’architecture romaine au IVe siècle.

L’édifice avait une forme rectangulaire et se divisait en quatre parties séparées par de longs portiques se coupant à. anales droits dans les deux axes. Ces galeries aboutissent ainsi à quatre portes, désignées de la façon suivante (fig. 458) : K, la porte dorée, au nord, était l’entrée principale de l’édifice ; sur les côtés latéraux L, L, la porte de fer et la porte d’airain, et, au sud, du côté du golf M, la porte de mer, qui s’ouvrait sur un souterrain extrêmement étroit. Cette partie du palais, qui regarde la mer, contenait les appartements intimes, tandis que celle qui ouvre du côté de la porte d’or, K, était destinée aux prétoriens et aux gens de service. Ces derniers bâtiments (I et J du plan) sont aujourd’hui détruits.

Il n’en est pas de même dû côté méridional, où l’on retrouve encore l’imposants débris. Si, par exemple, on se place à peu près au centre du plan, on aura devant soi le péristyle de l’ancien palais, tel que le représente notre figure 459 ; c’est ce qu’on appelle aujourd’hui la place du dôme. Elle est décorée de grandes colonnes à chapiteaux corinthiens supportant des arceaux en plein cintre, système contraire aux habitudes de l’architecture romaine, mais dont le style byzantin et romain devait offrir, par la suite, de nombreux exemples. Au fond de ce péristyle, on voit, au sud, une loggia élevée sur quelques marches et soutenue par quatre belles colonnes de granit rouge. Cette loggia donne accès dans une construction circulaire D (fig. 458), qui paraît avoir été le vestibule d’honneur. des appartements impériaux. Ceux-ci sont extrêmement délabrés ; on a cru retrouver l’emplacement de quelques salles E, F, G, H, mais il est bien difficile d’en déterminer la destination.

Le petit bâtiment B a été longtemps désigné sous le nom d’Esculape ; on croit y reconnaître aujourd’hui le mausolée même de Dioclétien. La partie la plus importante de ces ruines est le bâtiment marqué A ; c’est un ancien temple de Jupiter ou de Diane, dont on a fait la cathédrale en y ajoutant un campanile qui date du XVe siècle. Notre figure 460 montre l’intérieur de ce temple, qui présente à l’extérieur une forme octogone. La décoration interne a subi récemment encore d’importantes modifications, nécessitées par les besoins du culte, modifications qui ont eu l’inconvénient d’altérer le caractère du monument.

L’enceinte du palais de Spalato est composée de murailles construites en grosses pierres à la base et flanquées de tours ; celles qui occupent les angles de l’édifice avaient quatre étages, et quelques-unes sont encore debout. La façade du côté de la mer est décorée de 50 pilastres doriques et de 50 arcades formant une galerie portant probablement une rangée de statues. On a trouvé dans les ruines une foule de fragments antiques, qu’on a réunis pour en former un petit musée.

 

L’ISTRIE. - L’Istrie, petite presqu’île baignée par l’Adriatique et qu’on considère quelquefois comme faisant partie de l’Italie, passait dans l’antiquité pour une contrée à peu près inculte et dont les habitants étaient adonnés au brigandage.

La seule ville digne d’être mentionnée est Pola, dont la fondation remonte à une époque mythologique ; très importante sous la domination romaine, elle a laissé des ruines magnifiques en témoignage de sa grandeur passée : En premier lieu, dit le Guide en Grèce, un amphithéâtre (fig. 461) plus vaste que celui de Nîmes, mais inférieur à celui de Vérone (141 mètres de long sur 115 mètres de large). La circonférence extérieure, si souvent ruinée dans les édifices de ce genre, est d’une remarquable conservation. Il est bâti sur une hauteur, de telle sorte que, du côté de la terre ferme, il ne présente qu’un rang d’arcades, tandis que, du côté de la mer, il y en a deux rangs, surmontés d’un étage supplémentaire. Deux temples : le temple de Rome et d’Auguste, édifice d’une excellente conservation et’ d’une rare élégance, malgré sa petitesse, et datant évidemment du siècle d’Auguste ; le temple de Diane, moins bien conservé, et converti en habitation moderne. On le désigne vulgairement sous le nom de Palais de Julie, probablement en souvenir de Julia Domna, femme de Septime Sévère, qui avait une prédilection particulière pour ce pays. La Porte dorée (Porta aurea), espèce d’arc de triomphe élevé par un certain Sergius, forme encore la porte sud de la ville. On peut citer encore deux autres portes (Porta herculea et Porta germina) et quelques portions des anciens murs. Tous ces édifices sont d’un calcaire blanc à grain fin, assez semblable à du marbre. Il ne reste malheureusement rien du théâtre romain, qui a été détruit, en 1636, pour bâtir la citadelle, ni des nombreux tombeaux et sarcophages, semés autour de la ville, dont Dante fait mention.

 

LA MÉSIE. — L’ancienne Mésie, dont l’emplacement est à peu près celui qu’occupent aujourd’hui la Bosnie, la Servie et la Bulgarie, était une vaste contrée peu habitée et qui passait pour malsaine à cause des marécages formés par le Danube. Sous la domination, romaine, la Mésie fut dotée d’importantes voies de communication ; mais elle ne posséda jamais beaucoup de villes florissantes et n’a gardé nulle part de monuments qu’il soit important de signaler.

 

LA PANNONIE. — La Pannonie, que les Romains divisaient en supérieure et inférieure, répond aux provinces de l’Autriche situées au sud du Danube. Les peuples qui l’habitaient étaient sauvages et très belliqueux. Les Romains s’en emparèrent à cause des positions militaires qu’il était important pour eux de garder ; la civilisation antique n’y prit jamais aucun développement, et, au point de vue auquel nous nous sommes placés, la Pannonie est une contrée qu’il faut nommer, mais sur laquelle il n’est pas utile de s’étendre.

 

LA DACIE. — Au nord du Danube on trouvait la Dacie, qui forme aujourd’hui la Valachie, la Moldavie et une partie de la Hongrie. Les peuples barbares qui habitaient ces parages passaient pour extrêmement farouches. Ils ne furent soumis que sous Trajan, qui fonda dans la contrée de nombreuses colonies. La figure 462 représente Trajan imploré par les Daces : on sait, en effet, que ce fut pour perpétuer le souvenir de la brillante expédition de cet empereur que fut élevée la colonne Trajane, où l’art trouve de si beaux modèles, et l’archéologie de si précieux documents.

Bien que la Dacie ne soit pas restée bien longtemps sous la domination romaine, elle en a conservé quelques souvenirs. Le plus curieux, assurément, est le pont élevé par Trajan sur le Danube. Ce pont célèbre a été jeté sur le fleuve par l’architecte Apollodore de Damas, qui éleva aussi, à Rome, la colonne Trajane, sur laquelle le pont dont nous parlons est figuré (fig. 463). C’est l’ouvrage de ce genre le plus hardi qu’ait exécuté l’antiquité, le fleuve en cet endroit n’ayant pas moins de 1.200 mètres de large et de 6 mètres de profondeur. Les piles en sont encore visibles quand les eaux sont basses.

 

LA SCYTHIE. — Les vastes contrées qui forment aujourd’hui la Russie et la Tartarie indépendantes étaient désignées, dans l’antiquité, sous le nom de Scythie. Tous les peuples qui habitaient depuis le mont Imaüs (Hymalaya) jusqu’à la Germanie étaient considérés comme des Scythes ; la distinction, assez vague d’ailleurs, qu’on faisait entre les Scythes d’Europe et les Scythes d’Asie, était purement géographique, et n’impliquait nullement aux yeux des anciens une_ différence de race on de nation. Ils n’avaient aucune notion de l’étendue de ces contrées du côté du nord et les regardaient comme absolument inhabitables.

Dans tout le pays dont je viens de parler, dit Hérodote, l’hiver est si rude et le froid si insupportable pendant huit mois entiers, qu’en répandant de Veau sur la terre on n’y fait point de, boue, mais seulement en y allumant du feu. La mer se glace dans cet affreux climat, ainsi que tout le Bosphore Cimmérien ; les Scythes de la Chersonèse passent en corps d’armée sur cette glace et y conduisent leurs chariots..... Quant aux plumes dont les Scythes disent que l’air est tellement rempli qu’ils ne peuvent ni voir ce qui est au delà, ni pénétrer plus avant, voici l’opinion que j’en ai. Il neige toujours dans les régions situées au-dessus de la Scythie, mais vraisemblablement moins en été qu’en hiver. Quiconque a vu de près la neige tomber à gros flocons, comprendra facilement ce que je dis : elle ressemble en effet à des plumes. Je pense donc que cette partie du continent qui est au nord est inhabitable à cause des grands froids, et que, lorsque les Scythes et leurs voisins parlent de plumes, ils ne le font que par comparaison avec la neige. Voilà ce qu’on dit de ces pays si éloignés.

Le pays occupé par les Scythes était trop pauvre pour tenter beaucoup l’ambition des conquérants ; mais, par une raison inverse, leurs hordes nomades ont plus d’une fois envahi des contrées plus favorisées. Il n’y a pas jusqu’à l’Inde où ils n’aient pénétré, et ce qui est plus extraordinaire, c’est qu’on a conservé un monument de leur passage. C’est une monnaie (fig. 464-465) où l’on voit, d’un côté, le roi scythe Mokadphisès, et de l’autre, Siva sur le bœuf Nandi. Ce roi barbare porte une espèce de gros paletot qui lui donne l’air assez étrange.

Toutefois quelques colonies grecques vinrent s’établir sur les côtes de la Scythie, principalement à l’embouchure des grands fleuves. Après avoir traversé clé vastes solitudes, le Tanaïs se jette dans une espèce de grand lac ou de mer, appelé Palus Méotide (mer d’Azof), qui se joint au Pont-Euxin (mer Noire) par le Bosphore Cimmérien. Là était la ville grecque de Panticapée, qui fut longtemps capitale d’un petit royaume sur la côte orientale de la Chersonèse taurique. Panticapée, dit Strabon, couvre les flancs d’une colline de 20 stades de circuit. Dans sa partie orientale se trouvent le port, des arsenaux ou chantiers pour trente navires environ et aussi l’Acropole. Cette ville est d’origine milésienne.  Nous donnons (fig. 466-467) une monnaie de Panticapée : elle représente, d’un côté, la tête de Pan, de l’autre, un griffon. Le griffon est un animal fabuleux qu’on disait habiter du côté des Scythes.