LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME PREMIER — LES PEUPLES DE L’ANTIQUITÉ

L’ASIE — VI. - L’ASIE MINEURE

 

 

ASPECT DU PAYS. - NOTIONS HISTORIQUES. - LA CAPPADOCE ET LE PONT. - LA PHRYGIE. - LA BITHYNIE. - LA MYSIE. - LA LYDIE. - LES VILLES D’IONIE. - LA CARIE. - LA LYDIE. - LA PAMPHYLIE ET LA CILICIE.

 

ASPECT DU PAYS. — Située à l’extrémité la plus occidentale du continent asiatique, l’Asie Mineure est une vaste presqu’île qui s’avance vers l’Europe comme une sentinelle avancée de l’Orient. Le nom d’Asie Mineure n’est pas fort ancien et n’apparaît pas avant l’empire romain, mais il est aujourd’hui si universellement accepté pour désigner cette contrée, qu’il ne serait pas possible de lui en assigner un autre : Elle est bornée à l’est par l’Euphrate, au nord par le Pont-Euxin, au Sud parla Méditerranée, et à l’ouest par la mer Égée. La dimension totale du pays est à peu près égale à celle de la France.

Comme relief du sol, l’Asie Mineure présente un vaste plateau, couvert de lacs et hérissé de montagnes, s’abaissant, vers les trois mers qui la baignent, par des pentes plus ou moins abruptes. Ces montagnes forment, en courant de l’est à l’ouest, deux chaînes principales qui sont lé Taurus au sud et l’anti-Taurus au nord. Les rameaux qui s’en détachent sont séparés par des vallées profondes et boisées, où d’innombrables ruisseaux entretiennent la fraîcheur.

L’Halys est le fleuve le plus considérable de la péninsule ; il se jette dans le Pont-Euxin (mer Noire), ainsi que le Thermodon, célèbre par le combat des Amazones, et le Sangarius qui arrose la Phrygie, Dans la Propontide (mer de Marmara), nous signalerons seulement le Granique, dont le nom est inséparable de celui d’Alexandre. Dans la mer Égée, viennent déboucher le Scamandre et le Simoïs, simples filets d’eau qu’Homère a rendus fameux ; le Caïque, l’Hermus, le Caystre et le Méandre. La Méditerranée reçoit le Xante, torrent qui traverse la Lycie, le Cestrus, l’Eurymédon et le Mélas, dans la Pamphylie, enfin, le Cydnus en Cilicie.

 

NOTIONS HISTORIQUES. — Des peuples nombreux et sortis de contrées différentes vinrent tour à tour s’établir d’ans l’Asie Mineure, et les traditions que chacun d’eux apportait, formèrent en se croisant la plupart des légendes dont s’enrichit la mythologie grecque ;

Parmi ces traditions, il y en a une qui ne relève pas directement de l’histoire, mais que nous ne pouvons passer sous silence, parce qu’elle a été admise dans toute l’antiquité, c’est celle qui concerne les amazones. Ces femmes guerrières conservaient leur virginité pendant toute la durée du service militaire, et se mariaient ensuite pour avoir des enfants. Elles remplissaient les magistratures et toutes les fonctions publiques. Les hommes passaient leur vie à la maison, comme ailleurs les ménagères, et ne se livraient qu’à des occupations domestiques. Quand un enfant naissait, les amazones le remettaient entre les mains des hommes qui le nourrissaient de lait et d’autres aliments convenables à son âge. Si l’enfant était une fille on lui bridait les mamelles, afin d’empêcher ces organes de se développer par suite de l’âge ; car des mamelles saillantes eussent été incommodes pour le maniement de l’arc. Les artistes, toutefois, n’ont tenu aucun compte de ce dernier caractère, et, dans les statues notamment, les amazones ont presque toujours de fort beaux seins.

Le costume de ces femmes guerrières présente une grande diversité dans les ornements des étoffes, et réunit une richesse un peu sauvage à une véritable élégance. Quelquefois elles portent de longs pantalons étroits et des manches collantes : leur costume ressemble alors à une espèce de maillot tout bigarré de dessins, comme l’indique la figure 225. L’amazone tient sa hache sur l’épaule et adresse la parole à un guerrier placé devant elle. La figure 228 nous montre une amazone portant le costume qu’on voit aux guerriers grecs. C’est là un fait assez rare et qu’il était important de signaler. Elle est en compagnie d’une autre amazone vêtue à peu près comme celle de la figure précédente, sauf le capuchon.

Les amazones combattent souvent avec deux javelots, comme le montre la figure 229, dont le costume est d’ailleurs parfaitement bien caractérisé. Cette guerrière ne porte pas de pantalons ; les jambes sont, chaussées de brodequins très élégants qui remontent jusqu’au-dessous du genou. Une large ceinture la serre à la taille, et deux bretelles qui se croisent sur la poitrine viennent s’y ajuster. La figure 227 nous offre une autre variante du costume des amazones ; celle-ci a les jambes nues.

Le bouclier des amazones est généralement échancré, comme on le voit sur la figure 226. Celle-ci combat avec une épée courte et large : toutefois l’épée n’est pas l’arme habituelle de ces héroïnes ; plus ordinairement, elles tiennent en main un arc, des javelots, ou bien encore une hache. Cette hache, dont un côté est arrondi tandis que l’autre est pointu (fig. 230), est une arme caractéristique des amazones. Cette dernière figure est coiffée du bonnet que nous avons l’habitude de nommer bonnet phrygien, mais qui est commun à plusieurs peuples de l’Asie.

Le mythe des amazones se relie absolument au culte de Diane qui parait avoir eu une grande importance dans les contrées que la mythologie leur assigne comme résidence. Quelquefois même, comme sur la figure 232 que nous donnons plus loin, ces héroïnes portent un costume analogue à celui de la déesse : c’est la chemise courte des Doriens que nous retrouvons aussi sur plusieurs statues célèbres, entre autres sur la fameuse amazone du Vatican (fig. 231).

Pline parle de cinq statues d’amazones exécutées pour le temple de Diane à Éphèse, par autant de Sculpteurs célèbres, entre lesquels il y eut un concours. Le jugement fut remis aux concurrents eux-mêmes, et chacun d’eux plaça naturellement son œuvre au premier rang ; la statue de Polyclète, qui, d’après le vote de ses rivaux, avait mérité la seconde place, obtint la première, et celle de Phidias fut classée immédiatement après. L’amazone du Vatican (fig. 231) est regardée comme une imitation de celle qui remporta la victoire, mais c’est une hypothèse dénuée de preuves sérieuses.

Les anciens historiens et les poètes font mention de plusieurs reines des Amazones dont les noms sont parvenus jusqu’à nous ; nous citerons parmi les plus fameuses Antiope qui  vaincue par Thésée, épousa son vainqueur ; Penthésilée, tuée par Achille au siège de Troie ; Thomyris, qui fit périr Cyrus ; et enfin, Thalestris, qui visita, dit-on Alexandre.

Les amazones sont assez souvent représentées sur les sarcophages, car on croyait rendre là hommage à la valeur du défunt. Dans la figure 233, la tunique dorienne a été remplacée par un vêtement asiatique avec un pantalon à petits plis serrés. La différence de costume qu’on remarque dans les amazones sur les monuments antiques, prouve la divergence des traditions qui se rapportent à ces héroïnes.

Les anciens croyaient les amazones originaires de Scythie, pays où plusieurs reines ont laissé un nom fameux dans l’histoire ; on a supposé qu’il pouvait y avoir dans les fables qui les concernent comme de vagues souvenirs transformés par la mythologie. Il parait certain, dans tous les cas, que les Scythes ont fait de nombreuses incursions dans l’Asie Mineure, et y ont fondé des établissements. Ils comptent même parmi ceux auxquels on attribue la population primitive de cette contrée.

Quant aux éléments de la civilisation qui s’est développée en Asie Mineure, ils se rattachent à clés événements sur lesquels on a des données historiques plus positives. Nous savons par Hérodote que l’Égypte a été longtemps maîtresse du pays, bien que son influence y soit peu apparente. Mais il n’en est pas de même de l’Assyrie et de la Médie, avec lesquelles les provinces situées à l’orient de l’Halys, et notamment la Cappadoce, offrent de nombreuses similitudes. Les Phéniciens ont en grande partie peuplé la Cilicie, et envoyé des colonies sur toutes les côtes de la mer Égée, où les Grecs se sont établis ensuite. Il y a donc eu en cette contrée un mélange complet de l’Orient et de l’Occident, mélange qui apparaît surtout en Lydie à l’époque de Crésus. La Grèce et l’Asie semblent là se coudoyer absolument.

Après la chute du royaume lydien, l’Asie Mineure a passé successivement aux mains des Perses, des Grecs et des Romains, qui tous y ont laissé des traces de leur génie propre. Plusieurs royaumes, formés des débris de l’empire d’Alexandre, s’y sont successivement fondés, et quelques-uns tiennent dans l’histoire une place assez importante. Mais comme leurs limites ont été extrêmement variables, il vaut mieux en parler séparément, en étudiant chacune des contrées qui composent l’Asie Mineure. Pour cette étude, nous commencerons par les provinces orientales, où l’esprit asiatique est beaucoup plus prononcé que dans celles qui regardent la Grèce. Nous verrons donc successivement la Cappadoce et le Pont, la Phrygie, la Bithynie, la Mysie, la Lydie, les villes d’Ionie, la Carie, la Lycie, la Pamphylie et la Cilicie.

 

LA CAPPADOCE ET LE PONT. — La Cappadoce, la contrée la plus, orientale de l’Asie Mineure, confine à l’Arménie dont elle est séparée par l’Euphrate ; le royaume de Pont, qui la borne au nordet s’étend à l’ouest jusqu’au fleuve Halys, peut être considéré comme faisant partie de la même contrée.

Après avoir appartenu successivement aux Perses et aux Grecs, ce pays, constitué, en royaume, prit une grande importance avec Mithridate et finit par être réduit en province romaine.

Les anciens considéraient les habitants de la Cappadoce comme appartenant à la même race que les Syriens. C’est sur les rives du Thermodon, fleuve qui se jette dans le Pont-Euxin, qu’ils plaçaient le séjour des amazones ; mais Thémiscyre, qui, dans la fable, était leur lieu de résidence, n’a pas laissé de ruines antérieures à l’époque romaine.

L’ancienne capitale de la Cappadoce, Masaca, appelée Césarée sous les Romains, était située dans une contrée volcanique, au pied du mont Argée, dont les neiges ne fondent jamais ; l’absence d’eau, la stérilité du sol et la fréquence des tremblements de terre ont arrêté les accroissements de cette ville, qui a pourtant laissé des ruines assez importantes. C’est à Amasée, la patrie de Mithridate et du géographe Strabon, que sont les tombeaux des anciens rois ; il en reste des ruines dont le style présente de l’analogie avec ceux de Persépolis. Placée au fond d’une gorge profonde et escarpée dont tous les abords étaient défendus, cette ville passait autrefois pour extrêmement forte.

Sous la domination romaine, la ville la plus importante de la contrée fut Trapezus, aujourd’hui Trébizonde, mais cette ville n’a pas conservé d’antiquités intéressantes.

En redescendant vers le sud, on trouve Tyane, où naquit le fameux thaumaturge Apollonius ; elle était bâtie sur une de ces hautes terrasses qu’on appelait autrefois chaussées de Sémiramis. Un superbe aqueduc, dont cinquante arcades sont encore debout, est tout ce qui reste de la ville antique.

Dans le mont Taurus, on trouvait Castabales, dont le temple de Diane, signalé par Strabon, était desservi par des prêtresses, qui pouvaient, dit-on, marcher impunément pieds nus sur des charbons ardents. Au reste, Strabon nous dépeint toute cette contrée, qu’il connaissait à fond puisqu’il en était natif, comme un lieu de pèlerinage, où on accourait en foule pour assister aux cérémonies.

Parmi ces sanctuaires fameux, les plus importants étaient Zéla ; avec un grand temple consacré à la déesse Anaitis et les deux Comana, l’une en Cappadoce, l’autre dans le Pont (fig. 234 et 235). Bien que soumis nominalement aux autorités civiles, les habitants de ces villes relevaient bien plutôt du grand prêtre, et cette fonction était fort recherchée car elle passait pour plus lucrative que celle du gouverneur de la province. A Comana, la déesse était desservie par six mille hiérodules, tant hommes que femmes. Le culte de la déesse était d’ailleurs purement asiatique, et ses cérémonies n’avaient rien de commun avec celles qui sont d’origine grecque.

Les ruines les plus importantes de la Cappadoce sont celles de Pterium, très ancienne ville dont l’histoire ne fait mention que pour raconter sa destruction par Crésus et la transportation de ses habitants dans d’autres contrées. Ce qui donne à ces, ruines un très grand intérêt, c’est leur caractère purement asiatique et antérieur à toute influence grecque. Il ne reste plus que les alises de son temple, dédié à la déesse Anaitis ; elles sont formées de blocs énormes, et le plan de cet édifice présente, suivant M. Texier, une grande analogie avec celui du temple de Jérusalem. On voit aussi à Pterium les débris de l’Acropole (fig. 236) ; le rempart très épais, et formé de pierres sèches d’appareil polygonal, est percé de portes, dont l’une est décorée de têtes de lion de 90centimètres de saillie.

A quelque distance de Pterium, est une enceinte taillée dans le roc, autour de laquelle sont sculptés des bas-reliefs arec de nombreuses figures : ce sont les rochers d’Iasili-Kaia. Notre figure 237 donne un fragment de ces bas-reliefs. Une femme, couronnée de tours et montée sur un lion, échange un emblème mystique avec un personnage, coiffé d’un bonnet long et pointu, et qui tient en main une massue. Des cortèges. de figures toutes semblables et qui se suivent, des emblèmes qui trahissent comme un vague souvenir de l’Égypte et de la Phénicie,  des animaux fantastiques comme on en trouve dans tout l’Orient, constituent la décoration énigmatique de ces rochers sculptés. Mais le bonnet pointu et le soulier recourbé par le bout peuvent au moins donner à ce bas-reliefs une date approximative, celle de la domination des Mèdes dans cette partie de l’Asie Mineure.

A l’occident du royaume de Pont, vient la Paphlagonie, qui a fait également partie des possessions de Mithridate. Parmi les villes de cette  province, nous signalerons seulement Sinope, qui devint très importante  par son commerce et sa marine, mais dont les ruines n’offrent un intérêt secondaire. Sinope est la patrie de Diogène le cynique.

 

LA PHRYGIE. — La Phrygie, située à l’occident de l’Asie Mineure, mais séparée de la mer par la Lydie et la Carie, a formé autrefois un royaume indépendant. Vouée au culte de Cybèle, qui s’est répandu de là dans tout le monde antique, cette contrée a une très grande importance mythologique. Le roi de Phrygie, Midas, a été le compagnon de Bacchus, dont le culte est si intimement lié à celui de Cybèle : cette liaison se rapporte à l’extension de la culture de la vigne, comme la plupart des mythes qui concernent Bacchus.

Malgré les fables que les Grecs ont attachées au roi Midas, il parait certain que ce nom a été porté par une dynastie de rois phrygiens, avant la conquête du pays par Crésus. Ces rois avaient établi leur résidence dans une contrée montagneuse qu’arrose le fleuve Sangarius. Une vallée, remplie de monuments funéraires, passe pour avoir été le lieu de leur sépulture. Le plus important de ces monuments a reçu le nom de Tombeau de Midas (fig. 238).

Le rocher sur lequel il est sculpté, dit M. Texier, est isolé de tous les autres et présente une surface de 400 mètres carrés environ, sur laquelle sont sculptés des méandres en relief qui entourent une niche... A droite et à gauche de cette surface sont deux espèces de pilastres, qui supportent une frise, si l’on peut donner ce nom à un pareil ajustement. Les pilastres et la frise sont ornés de losanges en creux, dans l’intervalle desquels sont de petits quadrilatères. Le monument est couronné par un fronton, orné aussi de différents ajustements de losanges en creux et en relief. Au sommet du fronton sont deux sculptures circulaires, que l’on prendrait pour des boucliers, si les autres monuments de ce genre n’indiquaient que c’est un ajustement particulier dans le genre des volutes. M. Texier traduit ainsi l’inscription qui accompagne ce monument : Atys, grand prêtre, a dédié ce cénotaphe au roi Midas, fils de Gordius.

Les tombeaux phrygiens présentent souvent, à l’intérieur, une disposition qu’il importe de signaler. La coutume de l’ensevelissement sur des lits funèbres, dit M. Heuzey, parait avoir pris naissance en Asie Mineure. S’il n’est pas possible de désigner le peuple qui l’a inventé, on peut dire pourtant que c’est en Phrygie qu’on en trouve les plus anciens exemples. Les vallées intérieures de la Phrygie renferment, en effet, des grottes sépulcrales, caractérisées par de larges banquettes taillées dans les parois de la chambre funéraire. Ces lits sont en général au nombre de trois, de manière à former un véritable triclinium funéraire ; ils étaient destinés à recevoir les corps.

Pessinunte ou Pessinus, la ville sainte des Phrygiens, était située aux pieds des monts Dindyme, dont les vallons retentissaient sans cesse du son des cymbales et des tambourins, et des hurlements que poussaient les adorateurs de Cybèle, qui a reçu de là le nom de Dindymène.

Cybèle, divinité d’origine purement asiatique, était une personnification de la terre dans sa fécondité. Les Grecs l’identifièrent promptement avec Rhéa, mère de Jupiter, et elle fut honorée sous l’empire romain sous le nom de Mère des dieux. Mais son culte à Rome même n’est pas très ancien : Attale, roi de Pergame, avait donné aux Romains une image de la déesse, qui manifesta tout de suite sa puissance en montrant l’innocence de la vestale Claudia Quirina. Cette vestale, injustement accusée, conduisit avec sa seule ceinture le vaisseau qui portait la statue et l’amena dans le port du Tibre, tandis qu’aucune force humaine n’était parvenue à le faire bouger.

Ce miracle, qui fit acquitter la vestale et donna un grand crédit à la déesse, est figuré dans un bas-relief placé sur le piédestal de la statue de Cybèle (fig. 239). La déesse, assise sur un cube, symbole de l’immobilité de la terre, est couronnée de tours et appuyée sur un tympanon ou tambour, qui est son attribut ordinaire.

Le lion est l’animal consacré à Cybèle et, sur plusieurs monuments (fig. 240), on voit la déesse conduisant un char attelé de lions.

Les prêtres de Cybèle avaient le rang de princes, et le temple qu’ils desservaient à Pessinunte était renommé dans toute l’antiquité ; on a retrouvé l’emplacement de ce temple ; les débris qui en subsistent paraissent appartenir à l’époque macédonienne.

Le palais des rois de Phrygie, qui s’élevait sur les bords du fleuve Sangarius, avait été autrefois une véritable ville, mais au temps de Strabon il h’y avait plus là qu’un village.

L’ancienne Célènes, célèbre dans la mythologie par les aventures du Silène Marsyas, avait été primitivement la capitale de la Phrygie. Marsyas est une antique personnification de la musique phrygienne. Quand minerve eut inventé la flûte, elle rejeta avec mépris cet instrument qui l’obligeait à faire une vilaine grimace en enflant ses joues pour la faire vibrer. Marsyas ramassa aussitôt, la flûte et, n’ayant pas les mêmes scrupules que la déesse, il se mit à en jouer et devint d’une habileté telle qu’il réglait à sa volonté le cours des fleuves. C’est ainsi qu’il préserva la Phrygie d’une invasion, en faisant déborder une rivière devant l’armée ennemie qui ne parvint pas à la franchir. Une monnaie des Apaméens représente Marsyas jouant de la double flûte (fig. 249) et placé sur le fleuve Méandre, que représentent allégoriquement les deux sinuosités sur lesquelles reposent les pieds du Silène.

Enflé de ses succès, Marsyas osa défier Apollon : le dieu vainquit la flûte phrygienne avec sa lyre grecque, et écorcha sans pitié son ennemi après l’avoir attaché à un arbre. Les nymphes de la contrée pleurèrent si abondamment que leurs larmes formèrent la rivière qui porte le nom de Marsyas. Cette fable n’est qu’une des mille manières dont la mythologie traduit la rivalité des Grecs et des Orientaux.

L’antique ville de Célènes fut ruinée par les guerres. Antiochus Soter, qui la releva, lui donna le nom d’Apamée, que portait sa mère. Cette cité devint très importante par son commerce ; quelques-unes de ses monnaies sont parvenues jusqu’à nous (fig. 242 et 243).

Antiochus Soter donna aussi le nom de sa femme, Laodice, à une ville qu’il fonda sur le Lycus, Laodicée ; cette ville acquit une grande renommée par la beauté de ses laines qu’on exportait partout. Plusieurs citoyens opulents contribuèrent à son embellissement ; Strabon cite entre autres Hiéron, qui lui fit une donation magnifique et y éleva à ses frais plusieurs monuments somptueux. Les ruines qui subsistent de Laodicée datent toutes de l’époque romaine.

La ville d’Aizani n’a pas une grande importance dans l’histoire, mais elle a laissé des ruines magnifiques. L’édifice qui attire d’abord les regards est un temple de Jupiter, tout en marbre blanc, placé sur une vaste terrasse, à laquelle on parvient en traversant des décombres amoncelés. Dix-huit colonnes d’ordre ionique sont encore debout. De vastes souterrains placés sous l’acropole, les ruines de deux autres temples, d’un agora, d’un hippodrome assez vaste, d’un théâtre considérable creusé dans la colline et avec des gradins en marbre blanc, attestent la magnificence de cette cité, à peine mentionnée par les auteurs anciens. Le Rhyndacus, qui séparait la ville en deux parties, était bordé de quais ornés de sculptures et traversé par deux ponts de marbre qui subsistent encore. De nombreux tombeaux se voient en dehors de la ville.

Il faut encore citer, parmi les villes phrygiennes, Hiérapolis, connue par ses eaux minérales qui y faisaient affluer les malades de toutes les parties de l’Asie Mineure ; il en reste un théâtre, un arc de triomphe et des thermes.

Il ne subsiste rien de l’ancienne Acmonia, dont la fondation remonte à l’époque mythologique, mais on en a quelques jolies médailles (fig. 244 et 245).

Ancyre (aujourd’hui Angora), dans la Galatie phrygienne, a conservé des ruines gréco-romaines d’un grand intérêt, entre autres le fameux monument où est la copie du testament d’Auguste, inscrit à Rome sur deux tables de bronze. Le temple d’Auguste a conservé sa belle porte en marbre et les deux murs parallèles qui formaient le grand côté de la Cella.

La ville de Germa, qui fut fondée par les Galates et devint plus tard une colonie romaine assez importante, n’a pas laissé d’autres monuments que ses médailles. L’une d’elles (fig. 246) est particulièrement intéressante parce qu’elle représente les trois Grâces vêtues : elle date de l’époque romaine.

 

LA BITHYNIE — Les provinces de Bithynie et de Mysie, situées contre le Bosphore et l’Hellespont, formaient la contrée qu’on appelait précédemment Petite Phrygie. C’est un pays riche en souvenirs historiques et en villes autrefois florissantes. En Bithynie, il faut nommer Héraclée qui avait un bon port sur le Pont-Euxin, d’où cette ville a pris le nom d’Heraclea Pontica ; on en a quelques médailles (fig. 247 et 248).

Prusa, aujourd’hui Brousse, au pied du mont Olympe, était une ville peu importante avant l’époque byzantine. Chalcédoine, sur le Bosphore en face de Byzance, était au contraire une ville florissante, bien quelle ait été appelée ville des aveugles, parce que ses fondateurs avaient méconnu l’admirable situation de Byzance. Cette épithète fut, suivant Strabon, prononcée par la Pythie dans un oracle donné aux fondateurs de Byzance.

Nicomédie, sur la Propontide, devint sous la domination romaine le siége du gouverneur de la province et fut plus tard le séjour favori de plusieurs empereurs, notamment de Dioclétien et de Constantin. Elle n’a pas conservé de monuments antiques, mais on voit, a quelques lieues de là, sur le Sangarius, un pont élevé par Justinien, qui passé pour une des plus belles constructions romaines dans ce genre. L’historien Arrien est natif de cette ville.

La ville la plus importante de la Bithynie était Nicée, où s’est tenu, en 325, le fameux concile œcuménique, auquel on doit le Symbole des Apôtres. Elle n’a gardé de son ancienne splendeur que ses portes et -ses murailles, mais elles sont d’une admirable conservation. Il y a deux enceintes flanquées de tours demi-circulaires (fig. 250) : l’une a cent huit tours, et l’autre cent trente. Strabon signale la disposition particulière de cette ville : Elle est, dit-il, de forme carrée et percée de quatre portes ; comme elle est bâtie toute en plaine, et que ses rues tirées au cordeau se coupent à angle droit, on peut, d’une certaine pierre qui s’élève au centre du gymnase, apercevoir à la fois les quatre portes. Les quatre portes dont parle Strabon subsistent encore ; l’une d’elles est accompagnée d’un arc de triomphe.

On a conservé de belles médailles de Nicée ; la plupart se rattachent à l’époque romaine.  Celle dont on voit le revers (fig. 249) représente Esculape entre Hygie et Télesphore.

 

LA MYSIE. — L’ancienne Troade faisait partie de la province de Mysie, mais il n’est rien subsisté de la ville de Troie. Son emplacement même a été l’objet de discussions ardentes ; ce, qui rend cette recherche extrêmement difficile, c’est que les deux rivières dont parle Homère, et notamment le Simoïs, ont souvent fort peu d’eau en été, et deviennent, en hiver, des torrents dévastateurs dont le lit parait avoir changé plusieurs fois de direction. De nos jours, des fouilles, exécutées sous la direction du docteur Schlieman, ont amené la découverte d’objets intéressants ; que l’auteur des fouilles regarde comme provenant de la ville de Priam. Toutefois, cette prétention a été vivement contestée par des archéologues très instruits ; mais, tout en niant les attributions données, tous ont reconnu l’énorme antiquité des objets découverts.

C’est aussi avec une grande réserve qu’on doit accepter, pour certains monuments funéraires, les attributions qu’on en fait à des personnages dont la vie, tout empreinte de merveilleux, appartient au domaine de la mythologie autant qu’à celui de l’histoire. Tels sont les tombeaux d’Achille, de Patrocle, d’Ajax, etc. Le plus grand de ces monuments est celui qu’on désigne sous le nom de tombeau d’Ilus ; il est construit sur un tertre naturel et s’élève à une hauteur de 20 mètres. Ilus, petit-fils du fleuve Scamandre, est le fondateur d’Ilion. Sur plusieurs de ces tumuli, dont la construction est fort ancienne, on trouve des débris de l’époque macédonienne ou romaine. Les anciens, grands admirateurs d’Homère, ont, en effet, élevé plusieurs autels aux héros qu’ils croyaient ensevelis en ces lieux.

Du reste, les anciens se sont toujours trompés dans leurs suppositions sur l’emplacement où s’était élevée la ville de Priam. Six siècles après la destruction de Proie, une ville nouvelle s’éleva à l’endroit où l’on supposait qu’avait été l’ancienne. Elle reçut le nom de Nouvelle Ilion, et les habitants, qui se disaient issus des anciens Troyens, reçurent, à ce titre, de nombreuses faveurs des rois de Perse, et ensuite d’Alexandre le Grand, admirateur passionné des couvres d’Homère. Plus tard les Romains, qui voulaient rattacher leur origine à Énée, lui accordèrent de nouveaux privilèges ; malgré cela, cette ville ne s’éleva jamais à un bien haut degré de prospérité. On a reconnu, de nos jours, que cette nouvelle Ilion n’était pas du tout sur l’emplacement de l’ancienne ville.

La ville d’Alexandria-Troas, fondée par Alexandre et agrandie par Antigone, a laissé quelques antiquités de l’époque macédonienne et romaine.

Bien autrement intéressantes sont les ruines d’Assos, situées un peu plus au sud : ses murailles, les mieux conservées parmi les murailles grecques de l’Asie Mineure, sont faites avec de grands blocs de trachyte, sans mortier ni ciment. Des tours carrées et des portes, dont les pierres sont appareillées en encorbellement, attestent l’antiquité de ces murs. Une de ces portes est ogivale, forme qui se retrouve souvent en Asie Mineure et parait avoir été assez usitée du VIIIe au Ve siècle avant notre ère.

Plusieurs routes, dont là trace est encore visible, conduisaient à l’acropole, au centre duquel s’élevait un temple dorique d’un style très archaïque ; nous avons au Louvre plusieurs bas-reliefs et un chapiteau de ce temple. Saint Paul et saint Luc sont venus prêcher à Assos.

La ville la plus importante de la Mysie était Pergame, qui fut quelque temps capitale d’un royaume puissant. Elle possédait un temple d’Esculape avec une École de médecine extrêmement célèbre : Pergame est la patrie de Gallien. C*était une ville savante, et sa bibliothèque, qui contenait deux cent mille volumes, ne le cédait qu’à celle d’Alexandrie. C’est à Pergame que fut inventé le parchemin, afin de suppléer au papyrus que le roi d’Égypte, Ptolémée, refusait de laisser exporter.

La ville de Pergame renfermait un grand nombre de monuments remarquables par leur magnificence. C’est là qu’a été trouvé le fameux vase, maintenant au Louvre, et qui est connu sous le nom de Vase de Pergame. Outre l’acropole, situé sur une éminence qui dominait la ville, on trouve à Pergame les débris du palais de Lysimaque, les restes d’un pont romain, une basilique chrétienne antérieure à Justinien, les restes d’un théâtre, et un très curieux amphithéâtre qui est coupé au milieu par un ravin profond dans lequel coule un ruisseau. Des rochers, dit le Guide en Orient, couronnent de chaque côté ce ravin, sur lequel on jetait sans doute un plancher mobile, quand on voulait unir les deus parties de l’amphithéâtre. Un barrage placé en travers arrêtait les eaux qui remplissaient le ravin et formaient, au besoin, un bassin suffisant pour les joutes nautiques.

Parmi les autres villes de la Mysie, il faut citer Abydos, située dans la partie la plus étroite de l’Hellespont (Dardanelles). C’est là que Xerxès a jeté un pont de bateaux pour passer d’Asie en Europe. Il ne reste aucun vestige de cette ville, non plus que de Lampsaque, que le roi de Perse avait donnée à Thémistocle pour lui fournir sa provision de vin.

Lampsaque était surtout connue par le culte spécial qu’on y rendait à Priape, et par les mœurs licencieuses de ses habitants. Priape, divinité asiatique, dont la mission est de féconder les champs et de faire multiplier les troupeaux, passait pour fils de Bacchus et de Vénus. Mais Junon, qui était souvent en querelle avec Vénus, le fit naître avec une difformité telle, que Vénus, honteuse d’avoir un pareil fils, l’abandonna. Des bergers recueillirent le nouveau-né et l’amenèrent à Lampsaque, où les habitants s’empressèrent de lui rendre les honneurs divins. L’attribut de Priape, dont la crudité naïve ne choquait personne dans les temps primitifs, ne lui était pas particulier, et il le partageait avec tous les dieux champêtres qui expriment l’éternelle fécondité de la nature. Priape a presque toujours la forme d’un hermès : les images de ce dieu (fig. 251) étaient peintes en rouge ; il porte habituellement en main des fruits et une serpette, ou bien une corne d’abondance.

Cyzique était une ville importante et qui a conservé quelques restes, entre autres les fameuses murailles qui furent attaquées vainement par Mithridate. On a retrouvé aussi les restes d’un agora et d’un amphithéâtre qu’on croit avoir été bâti sous Gallien. La ville était bâtie sur une petite île, que deux ponts reliaient au confinent du temps de Strabon, mais qui aujourd’hui s’y trouve complètement annexée ; elle était en outre pourvue d’un double port.

En face de la côte de Mysie, était l’île de Lesbos, célèbre par ses vins, par ses carrières de marbre, et surtout par le talent musical de ses habitants. C’est sur ses rivages que, selon la fable, la tête et la lyre d’Orphée furent apportées par les flots, quand l’époux d’Eurydice fut mis en pièces par les Bacchantes. Lesbos possédait plusieurs cités florissantes, entre autres Mitylène. Épicure et Aristote y ont professé ; Pittacus, Alcée et Sapho y sont nés. Chaque année il y avait à Mitylène des luttes fameuses, où l’on venait de toute part pour disputer le prix de poésie.

 

LA LYDIE. — La Lydie a été en quelque sorte le berceau des traditions de la Grèce, avec laquelle elle s’est trouvée en rapport dès la plus haute antiquité par les marins qui sillonnaient la mer Égée. Le mont Tmole, si célèbre dans la mythologie, était le père de Tantale, premier roi de Lydie, suivant la fable. On connaît le repas que ce roi offrit aux dieux et le châtiment qui en fut la conséquence. Le fils de Tantale, Pélops, qui fut le père de Thyeste et d’Atrée, le grand-père d’Agamemnon et de Ménélas, donna son nom au Péloponnèse, et toute l’histoire des temps héroïques se rattache à lui.

Le dieu national de la Lydie, Bassareus, était un vainqueur de l’Orient, qui avait parcouru les contrées les plus lointaines de l’Asie.

Son retour de l’Inde est figuré sur un vase peint, où l’on voit le dieu monté sur un chameau à deux bosses (fig. 252), animal particulier à la Bactriane et aux contrées situées au nord de l’Indus. Le caractère oriental des figures est très prononcé. Aussi, les Grecs l’ont promptement identifié avec Bacchus, conquérant de l’Inde ; c’est le type primitif de cette divinité qui, dans nos musées, est ordinairement désignée sous le nom de Bacchus indien. Les Ménades., compagnes du dieu, portent souvent une longue robe appelée bassara, sur laquelle elles jetaient ordinairement une peau de panthère (fig. 253). Le personnage qui, sur cette figure, précède la Ménade est Bacchus ou Bassareus : il tient en main la canthare mystique. Il porte aussi la longue robe en tissu transparent ; mais la peau de panthère qui le recouvre est serrée dans une ceinture, et la tête de l’animal pend par devant.

La statuaire grecque bous a laissé un admirable type du Bacchus lydien, dans plusieurs bustes (fig. 255), et surtout dans la belle figure 254 qu’on désignait autrefois sous le nom de Sardanapale, sur la foi d’une inscription placée sur le vêtement du personnage, mais qu’on a reconnue, depuis, être une addition faite postérieurement au monument.

C’est un personnage vêtu d’une ample tunique, enveloppé d’un large manteau qui entoure deux fois le corps : il porte une longue barbé, et sa tête, dont les cheveux sont relevés vers les tempes, est d’une douceur et dune gravité sans pareille.

Tout le cortége habituel de Bacchus, c’est-à-dire les Satyres et les Ménades, a son origine en Asie Mineure. La panthère est l’animal favori de ce dieu, comme le lion est l’animal de Cybèle. Aussi, dans plusieurs représentations, Bacchus nous apparaît monté sur une panthère et tenant en main la canthare sacrée (fig. 256). On remarquera sur cette représentation, dont le caractère oriental est néanmoins très prononcé, Bacchus imberbe : mais, en général, on donne le nom de Bacchus-Thébain aux représentations du dieu lorsqu’il est sans barbe, par opposition au Bacchus oriental qui est barbu ; du reste, ce dieu apparaît sous ces deux aspects en Grèce aussi bien qu’en Asie : seulement, c’est en Asie, et plus particulièrement en Lydie, que le type du Bacchus barbu a pris naissance en imitation des figures assyriennes, et c’est là, aussi, que s’est formée la singulière conception des Satyres. Toujours le dieu en est escorté. Dans la figure 256, les Ménades portent le flambeau auquel sont attachées les bandelettes sacrées, en même temps que les Satyres jouent de la.,double flirte. La peau de panthère, attribut caractéristique des suivants de Bacchus, reparaît sur le bras des Ménades, et les Satyres la portent nouée autour de leur cou. Souvent une panthère accompagne les jeunes satyres qui portent le thyrse orné de ses bandelettes, comme le montre la figure 257. Nous reparlerons de Bacchus et de ses attributs à propos de Thèbes, qui fut son principal sanctuaire dans la Grèce d’Europe.

Les traditions rapportées par les mythologues sur les amours d’Hercule et d’Omphale sont d’origine lydienne, et se rattachent directement à l’histoire de la contrée.

Sandon, l’Hercule lydien, a été confondu par les Grecs avec l’infatigable héros qui, dans les mythes d’origine hellénique, ne se repose jamais et est incapable d’aucune faiblesse. Mais l’Hercule lydien lui-même n’est qu’une transformation d’un type encore plus ancien, l’Hercule assyrien, que l’on croit reconnaître dans le personnage qui tient un lion dans son bras, et dont nous avons au Louvre une représentation colossale. Ce personnage serait ainsi le plus ancien type connu d’Hercule.

Omphale est une reine de Lydie, que la légende nous représente souffletant de sa sandale le héros qui file à ses pieds : nous devons à cette tradition, qui plaisait aux artistes de l’antiquité, une foule de monuments qui font toujours allusion à la force domptée par l’amour (fig. 259) ; mais c’est une conception tout orientale, qu’il faut en passant restituer à la Lydie, dont elle est originaire.

Les descendants d’Hercule et d’Omphale régnèrent longtemps en Lydie. Le dernier d’entre eux, Candaule, avait une femme dont la beauté le rendait si fier qu’il la fit voir nue à son favori Gygès, pour jouir de son admiration. Mais la reine, piquée de cet affront, posa à Gygès l’alternative ou de périr lui-même ou de faire périr Candaule. Gygès n’hésita pas : à l’aide d’un anneau qui rendait invisible ; il s’introduisit dans l’appartement royal et tua le roi. Il épousa ensuite la reine, s’empara du trône, et devint la souche d’une dynastie nouvelle avec laquelle nous quittons la mythologie pour entrer dans l’histoire (718 avant Jésus- Christ). Cette dynastie régna jusqu’à la chute de l’empire lydien sous Crésus.

Crésus, le riche Crésus, est le dernier roi de la Lydie ; il en marque aussi la période la plus brillante. Prince guerrier, il conquit presque toute l’Asie Mineure, et imposa le tribut aux villes grecques de la côte. Ami des lettres et des sciences, il vit à sa cour Ésope le fabuliste et Solon le législateur. Après avoir étalé pompeusement ses trésors devant Solon, il lui demanda avec orgueil quel était l’homme le plus heureux qu’il ait encore rencontré ; Solon ayant cité plusieurs noms obscurs, Crépus manifesta son étonnement de n’être pas nommé avant eux, et Solon lui répondit qu’avant la mort d’un homme il était impossible de savoir s’il avait été vraiment heureux. Plus tard, quand Cyrus, roi de Perse, après avoir vaincu Crésus et s’être emparé de ses États, condamna le malheureux roi de Lydie à être brûlé vif, Crésus, en montant sur le bûcher s’écria plusieurs fois : Solon, Solon !  — Cyrus lui ayant demandé ce que ce mot signifiait, le roi de Lydie lui raconta l’entretien qu’il avait eu avec le philosophe grec ; et Cyrus, frappé de l’inconstance de la fortune, le fit retirer du bûcher, et lui accorda son amitié. Une curieuse peinture de vase (fig. 260) montre Crésus assis sur le bûcher, où il s’apprête à la mort en faisant une libation aux dieux.

A partir de la conquête de Cyrus, la Lydie n’a plus de vie propre, mais elle est restée, jusqu’à la chute du monde antique, une des provinces les plus riches de l’Asie. Sardes, l’ancienne capitale de la Lydie, située au pied du mont Tmole, sur la rivière du Pactole, près de sa jonction avec l’Hermus, était renfermée dans une triple muraille, et défendue par une citadelle réputée inexpugnable, située en haut d’un rocher escarpé. On y célébrait tous les cinq ans des jeux magnifiques en l’honneur de Diane, à qui on avait élevé un temple magnifique aux environs de la ville, sur le lac Gygès. La fondation de Pergame a beaucoup diminué l’importance de cette ville autrefois très riche et très peuplée. Détruite sous Tibère, par un tremblement de terre, elle fut aussitôt rebâtie, et devint un des siéges les plus anciens de la religion chrétienne, et l’une des sept églises auxquelles saint Jean adresse son Apocalypse.

Magnésie avait aussi un temple célèbre, dédié à Diane Leucophryne ; plusieurs bas-reliefs, provenant de ses ruines, se voient aujourd’hui au Louvre. Le sol est couvert de débris de colonnes, mais les murailles, composées de blocs de pierre de grande dimension, sont très bien conservées. Le temple de Magnésie avait été bâti par le fameux architecte Hermogène. Vitruve en parle ainsi : Dans la ville de Magnésie, dit-il, on voit le temple de Diane Leucophryne. Si l’on en excepte le temple d’Éphèse, ce monument, par la richesse des offrandes, par ses justes proportions et l’art avec lequel il est construit, par l’ornementation du lieu sacré, surpasse tous les temples d’Asie, et par sa grandeur il les surpasse aussi tous, excepté deux, celui de Didyme et celui d’Éphèse.

Non loin de là était Tralles, plusieurs fois ruinée, mais dont il reste encore quelques débris ; on connaît de jolies monnaies (fig. 263 et 264) de cette ville.

 

LES VILLES D’IONIE. — L’Asie Mineure est la contrée où s’est opéré le mélange des mœurs de l’Orient avec celles de la Grèce. En effet, le fond de la population était asiatique, mais presque toutes les villes de la côte étaient complètement grecques. Elles devaient leur fondation à des colonies éoliennes, ioniennes et doriennes, mais les villes ioniennes, établies pour la plupart sur les côtes de la Lydie ; étaient les plus nombreuses et les plus importantes. Ces villes avaient formé une espèce de confédération, qui fut promptement enveloppée dans le royaume de Lydie, mais qui primitivement portait le nom d’Ionie.

L’Ionie a été réputée dans toute l’antiquité pour son luxe, sa civilisation raffinée et la mollesse de ses habitants ; les arts et les sciences y ont été cultivés à une époque où la Grèce proprement dite était encore passablement barbare ; et c’est là encore que, sous la décadence ; les travaux de l’intelligence ont trouvé leur dernier refuge.

Milet, situé a à l’embouchure du Méandre, était particulièrement renommée pour son opulence et pour sa mollesse. Cette ville fameuse avait quatre ports dont tin pouvait contenir une flotte entière ; de là vient qu’elle a été longtemps toute-puissante sur la Méditerranée et le Pont-Euxin, et qu’elle a fondé un nombre prodigieux de colonies. Pline en compte jusqu’à quatre-vingts, parmi lesquelles il faut citer Abydos, Cyzique et Sinope. Comme toutes les villes de Fionie, i1iiletâ été plusieurs fois détruite et rebâtie : quand la ville fut prise par les Perses, tous les habitants furent réduits en esclavage et emmenés à Suse. Les Grecs virent là la réalisation d’un oracle qui avait dit : Pour toi, ô ville de Milet, artisan de tant de maux, tes richesses serviront de récompense à bien des gens ; tes femmes laveront les pieds d’on grand nombre d’hommes aux longs cheveux, et mon temple de Didyme sera confié à d’autres soins.

Apollon était la grande divinité des 1llilésiens, comme Diane était, la grande divinité des Éphésiens. Le temple d’Apollon Dydiméen, près de Milet, a été fouillé dans ces dernières années, et le musée du Louvre s’est enrichi de plusieurs fragments importants provenant de ces fouilles ; il y a surtout deux bases de colonnes qui sont de la plus grande magnificence.

Éphèse, la plus ancienne ville et la métropole de l’Ionie, a été, suivant la tradition, bâtie par les Amazones. D’après la mythologie, une statue de Diane, présent de Jupiter, fut consacrée par l’amazone Smyrna, dans un temple rustique qui n’était probablement qu’un tronc d’arbre : l’ancienne Éphèse portait en effet le nom de Smyrne.

Quant à l’image de Diane qu’on y vénérait, c’était une divinité purement asiatique, qui n’a jamais eu aucun rapport avec l’Artémis des Grecs. Il est certain que lorsque les colons grecs arrivèrent en ce lieu, ils y trouvèrent un culte déjà établi depuis longtemps, et confondirent leur divinité avec celle qu’on vénérait dans le pays. C’est ce qui fait que sur les monnaies d’Éphèse (fig. 267 et 268) on voit d’un côté l’abeille, symbole de l’antique Diane asiatique, et de l’autre. la biche, qui a toujours été l’attribut de la Diane ou plutôt de l’Artémis des Grecs. La Diane d’Éphèse, personnification assez vague de la fécondité de la nature, était représentée sous la forme d’une momie (fig. 269) : ses nombreuses mamelles indiquaient la grande nourrice de l’univers, et les têtes de bœuf dont elle était couverte, étaient un symbole de l’agriculture.

Quoi qu’il en soit, la grande célébrité d’Éphèse vient surtout de son temple de Diane, qui était bâti à peu de distance de la cité. Ce fameux temple, qui renfermait des richesses immenses et était desservi par un collège de prêtres magnifiquement doté, fut brillé par Érostrate, la nuit même de la naissance d’Alexandre. Érostrate déclara qu’il n’avait eu d’autre raison, en détruisant un monument aussi célèbre, que de faire connaître son nom à la postérité, et les Éphésiens firent aussitôt une loi pour défendre de le prononcer jamais ; mais ils ne purent empêcher ce fou d’atteindre le but qu’il poursuivait, puisque son nom est parvenu jusqu’à nous. Le temple d’Éphèse fut bientôt rebâti plus somptueux encore qu’auparavant.

Éphèse a donné le jour au philosophe Héraclite et au peintre Parrhasius ; cette ville a eu une grande importance dans l’antiquité et, pendant les premiers temps du christianisme, elle fut visitée par saint Paul et saint Jean qui adressèrent des épîtres à ses habitants.

La ville d’Éphèse a été détruite ou déplacée jusqu’à sept fois. Ces, déplacements de villes, dont les historiens anciens font souvent mention, nous causent toujours un étonnement qui augmente encore quand nous voyons la manière dont ils s’opéraient. Strabon raconte gravement le stratagème employé par Lysimaque pour déplacer les habitants d’Éphèse. Il avait fait bâtir une enceinte nouvelle dans un emplacement qu’il jugeait plus avantageux ; mais les habitants s’obstinaient à rester dans leurs anciennes maisons. Un jour qu’il pleuvait à torrents, Lysimaque fit boucher tous les égouts, de manière à produire une inondation qui obligea les Éphésiens à aller demeurer dans le lieu qu’il leur destinait.

Après, tous les bouleversements que cette ville a subis, il est aujourd’hui fort difficile de déterminer ses emplacements successifs, car des débris de tous les âges sont répandus dans la plaine. Néanmoins, les murailles de Lysimaque sont encore debout sur une étendue de deux kilomètres, en suivant les pentes de la montagne. Elles ont conservé les tours carrées qui les flanquaient de distance en distance. Le stade, le théâtre et les thermes appartiennent à l’époque romaine. Quant au fameux temple de l’antique Éphèse, on n’a pas encore pu en déterminer l’emplacement d’une manière définitive. Après avoir été, dépouillé par Néron et pillé par les Goths, les matériaux qui le composaient furent utilisés parles chrétiens. Les douze colonnes de marbre vert qui décorent la nef de Sainte-Sophie furent enlevées par Justinien des ruines du temple : mais ce ne sont pas les grandes colonnes, car celles-ci avaient soixante pieds de haut et n’auraient pu être transportées qu’en morceaux.

Smyrne, qui avait d’abord appartenu aux Éoliens, a été admise plus tard à faire partie de la confédération ionienne. La fondation de cette ville remonte mythologiquement à Tantale, tradition qui en atteste la haute antiquité. D’après une autre version, la population primitive de Smyrne serait simplement un démembrement de celle d’Éphèse. Cette ville, plusieurs fois détruite, se releva toujours : c’est la seule ville grecque de cette côte dont la prospérité ait survécu aux événements de l’histoire et, aujourd’hui encore, elle forme une des stations les plus importantes du Levant.

La fête des Éleuthéries, qui se célébrait à Smyrne avec une grande pompe, était destinée à rappeler un fait qui nous retrace un côté curieux des mœurs des âges primitifs. La ville étant assiégée par les Lydiens, ceux-ci contraignirent les habitants à leur envoyer leurs femmes. Les assiégés étaient sur le point de céder, quand les servantes se proposèrent pour remplacer leurs maîtresses ; elles se rendirent alors au camp des Lydiens, et s’y comportèrent de telle façon que ceux-ci finirent par tomber entre les mains des habitants de la ville.

Smyrne était une des villes qui se glorifiaient d’avoir donné le jour à Homère, et on montrait près de la ville une grotte où Homère avait, disait-on, composé ses poésies. On avait construit en l’honneur du divin vieillard un temple avec, sa statue. Quintus de Smyrne, qui a raconté la fin de la guerre de Troie, était aussi natif de cette ville.

Les environs de Smyrne sont remarquables à cause de plusieurs monuments qui remontent à la plus haute antiquité. On y voit d’abord plusieurs tumuli à base circulaire et reposant, les uns sur un soubassement en maçonnerie, les autres sur le roc. Le plus important est celui qu’on désigne sous le nom de tombeau de Tantale, à cause des rapports qu’il présente avec la description de Pausanias. La base de ce monument décrit un cercle parfait et le couronnement était conique. Sa hauteur totale mesurait 27m60 et son diamètre est de 35m60. Au centre était une chambre rectangulaire.

Une autre antiquité d’un bien plus grand intérêt se voit à Nymphi, près de Smyrne. C’est une figure haute de 2m50, sculptée en relief et enfoncée dans une baie creusée sur la surface plate du rocher ; le personnage est debout, vu de profil et tenant ses armes (fig. 272).

Hérodote décrit une figure analogue, qu’il regarde comme une image du conquérant Sésostris, ce qui fait que ce bas-relief a été longtemps désigné sous le nom de trophée de Sésostris. Cette opinion a été vivement combattue de nos jours, et les archéologues s’accordent pour assigner une origine purement asiatique à ce curieux monument.

La ville de Priène ne fut renommée ni par son commerce, ni par son industrie, mais c’était un sanctuaire religieux fort important. Elle nommait le président des fêtes que les Ioniens célébraient en l’honneur de Neptune. Les monuments de Priène étaient tous consacrés au culte et aux fêtes religieuses. Il y avait notamment, à Priène, un temple très fameux dédié à Minerve Peliade, dont il reste des ruines assez importantes. Ce temple était l’ouvrage de Pythius, un des architectes les plus fameux de l’antiquité. Pythius, dit Vitruve, cet ancien architecte qui s’est rendu célèbre par la construction du temple de Minerve dans la ville de Priène, avait écrit un ouvrage sur l’architecture, dont la perte est bien regrettable. Le temple de Priène était d’ordre ionique.

Colophon, dont les ruines ont presque entièrement disparu, était surtout renommé pour son oracle d’Apollon établi à Claros, dans le voisinage. Le culte d’Apollon dans cette contrée était extrêmement ancien. L’antiquité du sanctuaire de Claros devance l’es premiers temps de la civilisation hellénique ; il était déjà célèbre au temps de la guerre de Proie. Après la prise de Troie, le devin Calchas, qui avait accompagné les Grecs, vint dans le bois sacré d’Apollon à Claros : il y rencontra Mopsus, qui le surpassait dans l’art de la divination. Calchas ne put dire combien il y avait de figues dans un figuier du voisinage, et Mopsus déclara sans hésiter qu’il y en avait dix mille moins une ; Calchas en mourut de chagrin. Le temple d’Apollon s’élevait sur une esplanade de rochers dominant la mer : on en a retrouvé l’emplacement.

Lébédos était connue par ses eaux thermales qui attiraient un grand nombre de. malades. Elle était située entre Colophon et Téos ; le sol qu’elle occupait a gardé quelques débris.

Téos était une ville carienne dont la population se trouva absorbée par les colons venus de Grèce. Téos, qui est la patrie du poète Anacréon, honorait Bacchus d’un culte particulier et les’ fêtes qu’on rendait à ce dieu étaient fort célèbres. Comme Bacchus est l’inventeur de la comédie, Téos était devenu le point de réunion de tous les comédiens qui avaient formé là une confrérie. Les entrepreneurs de spectacles et les organisateurs de fêtes publiques Menaient, en ce lieu, chercher des troupes d’acteurs qu’ils trouvaient tout organisées. De là, elles partaient pour donner des représentations dans toutes les villes du monde antique, et une inscription trouvée à Vienne, en Dauphiné, constate qu’il en venait jusqu’en Gaule. Le temple. de Bacchus à Téos a laissé des ruines importantes : il avait été bâti par l’architecte Hermogène. Le théâtre subsiste aussi, mais dépouillé de ses sièges.

Clazomène, située non loin de Smyrne, était encore une ville importante au temps d’Hérodote, bâtie en grande partie dans une île aujourd’hui à peu près déserte. Alexandre avait relié la ville au continent par une chaussée dont on croit avoir retrouvé les traces. Il ne reste presque rien des anciens édifices de Clazomène (fig. 273 et 274).

Erythræ, bâtie par une colonie de Crétois qui se mêlèrent aux anciens habitants de la contrée, avait un temple fameux dédié à Hercule. La statue de ce dieu avait été apportée de Tyr en Phénicie, sur un radeau que les habitants, malgré tous leurs efforts, ne purent jamais conduire à terre. Un pécheur fut averti en songe que le radeau ne pourrait être amené que par des femmes et au moyen d’une corde tressée avec leurs cheveux. Les femmes d’Erythræ refusèrent de couper leur chevelure, mais des femmes thraces qui habitaient la ville firent une corde de leurs cheveux et amenèrent la statue. On éleva au dieu un temple dans l’intérieur de la ville, et les femmes thraces avaient seules le droit d’y entrer : la corde faite avec leurs cheveux était conservée comme une précieuse relique au temps de Pausanias. Les ruines d’Erythræ semblent indiquer une ville assez forte, et de nombreux fragments de colonnes éparses témoignent de sa richesse passée (fig. 275 et 276).

Phocée, fondée par les Phocéens de Grèce, devint une ville assez riche pour établir elle-même plusieurs colonies, dont la plus importante est Massalia (Marseille), en Gaule. La plupart des habitants de Phocée s’embarquèrent pour échapper à la domination de Cyrus, et vinrent s’établir dans la nouvelle colonie.

Outre ces villes continentales, Samos et Chio, dans les îles qui portent le même nom, faisaient partie de la Confédération ionienne. L’île de Samos, située dans le voisinage d’Éphèse, se vantait d’avoir vu naître Junon ; la déesse avait en ce lieu un temple magnifique qui renfermait des statues admirables et une grande quantité de vases précieux. Il y avait aussi des temples consacrés à Diane, Vénus, Minerve, Cérès, Apollon, Neptune et Bacchus ; mais celui de Junon éclipsait tous les autres, et Hérodote,le signale comme un des plus beaux qu’il y ait en Grèce. Aujourd’hui, quelques monceaux de pierres indiquent seuls l’emplacement de ce temple fameux.

Au temps d’Hérodote, Samos (fig. 277 et 278) était regardée comme une des villes les plus policées du monde connu. Elle était le centre des talents, du luxe, des sciences et des arts de l’Ionie. Son école de statuaire fut très importante dans la période archaïque, et les architectes samiens étaient renommés dans toute la Grèce. Elle a donné le jour à plusieurs peintres très célèbres, entre autres à Timanthe. Les poteries de Samos étaient connues dans tout le monde ancien. Le célèbre philosophe Pythagore était natif de Samos.

Chio (fig. 279 et 280), capitale de l’île du même nom, était renommée pour ses vins exquis et ses marbres magnifiques. Chio est la patrie de Théocrite, et comptait parmi les villes qui se disputaient l’honneur d’avoir donné le jour à Homère.

 

LA CARIE. — La Carie, située au sud-ouest de l’Asie mineure, avait pour population primitive une race asiatique, mais plusieurs colonies doriennes s’étaient établies sur les côtes. Mylasa, l’ancienne capitale, était autrefois renommée pour la beauté de ses  édifices, qui sont aujourd’hui détruits. Il est pourtant resté près de cette ville un tombeau extrêmement curieux : il se compose d’un soubassement dans lequel est la chambre sépulcrale, et qui est surmonté d’un édicule quadrilatère dont chaque face est ornée de colonnes à chapiteaux décorés de feuilles d’acanthe. Les angles sont formés par quatre pilastres carrés. Cet édifice paraît remonter tout au plus au IIe siècle de notre ère (fig. 281).

Une voie sacrée, pavée en marbre, conduisait de là à Labranda, où était un temple de Jupiter. Dans la même contrée on voyait encore Stratonicée, dont les monuments ne sont plus aujourd’hui qu’un amas de ruines.

Halicarnasse, ville dorienne, qui fut la patrie d’Hérodote, doit sa célébrité à Mausole, roi de Carie, qui la choisit pour capitale. Son palais avait une vue magnifique sur le port et la ville. Mais le monument le plus fameux d’Halicarnasse était le monument funèbre connu sous le nom de Mausolée, que la reine Artémise avait élevé à son époux Mausole : cet édifice, qui fut placé au rang des sept merveilles du monde, était l’œuvre des architectes Pytheos et Satyros. Il se composait d’un soubassement rectangulaire avec une pyramide tronquée, formée de 24 gradins, et surmontée d’un quadrige. La pyramide était accompagnée d’une colonnade et décorée de bas-reliefs dus aux plus fameux sculpteurs du temps. Mausole est mort l’an 353 avant J.-C. ; c’est-à-dire au moment de la plus belle époque de l’art.

Cnide, ville dorienne, située en partie sur une petite île unie à la côte par une chaussée, avait deux ports et faisait un commerce considérable. Strabon s’exprime ainsi en parlant de cette ville : Vient ensuite Cnide avec ses deux ports, dont l’un destiné aux trirèmes peut être fermé ; l’autre peut contenir une vingtaine de vaisseaux. Devant Cnide est une île d’environ sept stades de circuit, élevée en amphithéâtre, et jointe à la terre ferme par un môle qui fait de Cnide une double ville, car une partie des Cnidiens habite l’île qui abrite les deux ports.

La ville de Cnide était célèbre par son temple de Vénus ; et la fameuse Vénus de Praxitèle, qui y était renfermée, attirait dans ses murs un nombre considérable de voyageurs. On tonnait ce mot de Pline : De toutes les parties de la terre, on navigue vers Cnide pour y voir la statue de Vénus. On croit avoir une imitation de cette Vénus sur le revers  d’un médaillon de Caracalla, frappé à Cnide (fig. 282) et sur une autre médaille de la même ville, où la déesse est associée à Esculape (fig. 283). La pose de ces deux figures, prototypes de la Vénus de Médicis et de la Vénus du Capitole, est à peu près identique, et l’on a lieu de présumer que les Cnidiens ont dit reproduire dans ces médailles le chef-d’œuvre dont ils étaient si fiers.

La Vénus de Praxitèle était pour les habitants une source de richesses, à cause des voyageurs qui affluaient pour la voir. Le roi Nicomède offrit aux Cnidiens, s’ils voulaient la lui céder, d’acquitter en échange la totalité de leurs dettes qui étaient considérables. Ils refusèrent cette proposition et avec raison, ajoute Pline, car ce chef-d’œuvre fait la splendeur de leur ville.

Lucien, qui a fait comme tout le monde le voyage obligé de Cnide, raconte ainsi l’impression qu’il a reçue dans la ville et dans le temple : Nous nous déterminâmes alors à débarquer à Cnide pour voir la ville et y admirer le temple de Vénus, célèbre par la statue de Vénus, chef-d’œuvre de Praxitèle. Nous atteignîmes le rivage sans accident, comme si la déesse elle-même eût guidé notre barque. Pendant que lei matelots s’occupaient aux préparatifs ordinaires, je ris le tour de la ville, ayant avec moi deux de mes aimables compagnons. Nous nous amusâmes des petites figures de poterie, bizarres et lascives, dont cette ville consacrée à Vénus abonde. Quand nous eûmes visité le portique de Sostrate, et que nous eûmes vu tout ce qu’il y avait d’intéressant, nous nous dirigeâmes vers le temple de Vénus.

En approchant de l’enceinte sacrée, les parfums les plus délicieux nous enivrèrent ; car au dedans il n’y a pas de pavé poli,-mais l’area est disposée comme il convient à un sanctuaire de. Vénus, et abonde en arbres odoriférants qui parfument l’air de leurs senteurs. Le myrte, qui fleurit sans cesse et se couvre d’une profusion de fruits, honore surtout la déesse ; aucun des arbres n’y souffre de la vieillesse ; ils sont toujours jeunes, et poussent toujours de nouveaux rejetons. Ceux qui ne produisent pas de fruits se distinguent par leur beauté : tels sont le cyprès élancé, le grand platane et le laurier. Le lierre embrasse amoureusement tous ces arbres, pendant que la vigne montre l’heureuse union des deux divinités. Sous les épais ombrages se trouvent des lieux de repos, destinés à des repas joyeux et qui, quoique rarement visités par les habitants de la ville, reçoivent de nombreuses visites des étrangers. Après nous être avidement rassasiés des beautés de la nature, nous entrâmes dans le temple... Nous tournâmes autour du posticum où le gardien de la porte nous ayant ouvert, nous fûmes frappés d’un étonnement subit à la vue du chef-d’œuvre. Nous ne pûmes nous empêcher de manifester à plusieurs reprises notre admiration.

On a retrouvé, à Cnide, l’emplacement du temple de Vénus dont les débris sont d’ailleurs réduits à bien peu de chose ; on y voit aussi les restes de deux théâtres, des tombeaux, et divers ouvrages cyclopéens. Les monnaies de Cnide montrent en général d’un côté l’image de la déesse, de l’autre la tête et la patte d’un lion (fig. 284).

Aphrodisias était, comme Cnide, une ville consacrée à Vénus. Le temple de la déesse a laissé des ruines considérables ; seize colonnes sont encore debout, au milieu de débris en marbre blanc. A gauche du temple s’élevait une grande place entourée d’une colonnade ionique. Le stade et l’arène, dont vingt-six rangs de gradins garnissaient le pourtour, sont assez bien conservés. Les monnaies d’Aphrodisias représentent généralement Vénus avec divers attributs (fig. 285).

A un tout autre ordre d’idées appartiennent les ruines de l’antique ville d’Iassus, qui couvrent un îlot escarpé réuni au continent par un isthme. C’est une longue muraille abrupte, que M. Texier regarde comme un camp retranché des Léléges (fig. 286). On a retrouvé dans le même endroit des tombeaux de diverses époques et les restes d’un théâtre.

En face des côtes de Carie, est l’île de Rhodes ; d’après la fable, cette île est surgie du sein des flots pour être donnée au Soleil, qui avait été oublié dans le partage que les dieux firent de l’univers, après leur victoire contre les Titans. Elle possédait plusieurs villes fameuses, entre autres Lindes et Camiros ; où des fouilles récemment exécutées ont amené d’importantes découvertes qui ont singulièrement enrichi notre musée du Louvre. Mais aucune cité n’égalait en importance la ville même de Rhodes, capitale de l’île. Cette cité renommée pour ses fleurs, dont on voit l’empreinte marquée sur ses monnaies (fig. 287), passait en effet pour une des plus belles villes de l’antiquité. Les arts et les sciences jouent un grand rôle dans l’histoire de Rhodes, dont les écoles avaient une célébrité égale à celle d’Athènes. Ce fut là que Cicéron alla prendre des leçons du rhéteur Molon. Rhodes est la patrie du peintre Protogène, et des trois sculpteurs Agésandre, Polydore et Athénodore, auxquels on doit le célèbre groupe du Laocoon, une des rares statues antiques dont l’auteur soit connu.

Aristide (In Rhodiaca) a laissé une curieuse description de Rhodes. Dans l’intérieur de Rhodes, on ne voyait point une petite maison à côté d’une grande ; toutes les habitations étaient d’une égale hauteur et offraient la même ordonnance d’architecture, de manière que la ville entière ne semblait former qu’un seul édifice. Des rues fort larges la traversaient dans toute son étendue. Elles étaient percées avec tant d’art que, de quelque côté que l’on portât ses regards, l’intérieur offrait, toujours une belle décoration. Les murs, dans la vaste enceinte de la ville, étant entrecoupés de tours d’une hauteur et d’une beauté surprenantes, excitaient surtout l’admiration. Leurs sommets élevés servaient de phare aux navigateurs.

La statue colossale du Soleil, placée à l’entrée du port, passait pour une des sept merveilles du monde.

Le fameux colosse de Rhodes, œuvre de Charès de Lindos, élève de Lysippe, était placé à l’entrée du port ; d’après les évaluations des auteurs anciens, il n’avait guère moins de 34 mètres de hauteur. Il avait été élevé, après le siège de Rhodes, par Démétrius Poliorcète, et fut renversé, selon Pline, quarante-six ans après son érection, par un tremblement de terre qui dut avoir lieu entre les années 229 et 226 av. J.-C. Les Rhodiens reçurent des sommes considérables des rois et des peuples de la Grèce pour relever cette colossale statue du Soleil qui excitait une admiration universelle. Mais un oracle ayant défendu de le rétablir, les autorités en profitèrent pour faire un autre emploi de leur argent, et le colosse demeura gisant à terre pendant plusieurs siècles.

Ce fut seulement l’an 672 ap. J.-C. qu’il fut dépecé par les Arabes, et les morceaux en furent vendus à un marchand juif qui en chargea neuf cents chameaux, s’il faut en croire les historiens byzantins toujours suspects d’exagération. Aucun auteur ancien ne dit que ce colosse ait jamais servi de phare, et il est fort peu probable qu’il ait écarté les jambes pour laisser passer les navires. Quelques archéologues ont pensé qu’une monnaie de bronze, frappée dans l’île de Rhodes au commencement de l’empire romain (fig. 288), devait être une reproduction du fameux colosse ; mais, si ingénieuse que soit cette supposition, elle ne repose sur aucune certitude historique.

Cos (fig. 289 et 290), ville principale de l’île du même nom, était célèbre par son temple d’Esculape à qui l’île était consacrée. Cette île produisait des vins renommés, des parfums, des poteries ; mais son industrie consistait surtout en étoffes de soie légère et transparente, que portaient souvent les danseuses et les courtisanes, et dont les peintures antiques nous montrent de fréquentes représentations. Cos est la patrie du médecin Hippocrate et du peintre Apelles.

 

LA LYCIE. — La Lycie, située au sud de l’Asie Mineure et dans le voisinage de l’île de Rhodes, a reçu de bonne heure des colons grecs. La fable des Harpies et des filles de Pandarus forme, avec le combat de Bellérophon contre la Chimère, le fond des traditions mythologiques de ce pays. Les Harpies sont des femmes à corps d’oiseaux, comme celle qui est représentée sur notre figure 291. Elles enlevèrent les malheureuses filles de Pandarus et les donnèrent pour suivantes aux Furies. Les Harpies étaient filles de Neptune et de la Mer : les poètes de l’âge primitif les disent fort belles, mais ceux des époques postérieures les dépeignent sous des formes hideuses, causant la famine partout où elles passent, et revenant toujours lorsqu’on les a chassées. On a donné de ce mythe plusieurs explications : suivant les plus récentes, les Harpies seraient une personnification des vents qui accompagnent la tempête.

Le nom de Lycien, donné à Apollon, montre aussi que cette contrée revendiquait l’honneur d’avoir donné le jour au dieu de la lyre.

Parmi les monuments assez nombreux que renferme la Lycie, les plus importants sont les tombeaux. Il y a, en effet, dans ce pays, d’eux espèces de monuments funéraires qui ne ressemblent en rien au style grec, et dont on ne trouve l’analogue dans aucun autre pays. La première catégorie comprend les tombeaux taillés dans le roc : ils ont cela de remarquable qu’on y voit clairement l’imitation de constructions en bois, comme l’indique notre figure 292, d’après un tombeau de Myra.

Le toit repose sur des rondins, et l’édifice est divisé en plusieurs compartiments séparés par des montants et des traverses ressemblant parfaitement à des solives. L’intérieur présente plusieurs chambres qui communiquent entre elles : ces tombeaux sont souvent décorés de figures sculptées en bas-relief, et dont plusieurs ont conservé des traces évidentes de couleur. On y a trouvé plusieurs inscriptions en caractères lyciens ; les lettres qui les composent sont peintes alternativement en bleu et en rouge. Ces excavations sont creusées dans le flanc de la montagne et souvent assez rapprochées les unes des autres.

Une autre série de tombeaux lyciens consiste en sarcophages isolés et posés sur un soubassement en forme de dé. Le tombeau proprement dit a la forme d’une barque renversée, dont les deux versants sont convexes et arrondis, de manière qu’ils forment à leur jonction un arc ogival, comme le montre notre figure 293. Ces deux versants sont décorés de têtes de lion saillantes, et le faîte est couronné par un chéneau sur lequel était sans doute ajusta un ornement en forme d’acrotère. Il est bon de remarquer que la forme d’arc brisé n’est pas ici un fait isolé formant exception, mais qu’elle se retrouve sur un assez grand nombre de sarcophages lyciens. L’imitation des constructions en bois se retrouve encore dans cette catégorie de monuments, et une porte à deux battants est simulée sous l’arcade ogivale qui constitue le tombeau proprement dit. L’intérieur des tombeaux lyciens renferme généralement des banquettes funéraires destinées à servir de lits aux morts. La plupart de ces tombeaux sont d’ailleurs d’une date moins ancienne que ceux que nous avons vus dans d’autres parties de l’Asie Mineure.

Xanthus, la ville la plus importante de la Lycie, fut prise et détruite de fond en comble par Harpagus, général de Cyrus le Grand. Elle se releva pourtant, mais elle fut de nouveau détruite par Brutus, le meurtrier de César, et à partir de ce moment il h’en est plus question dans l’histoire. Les ruines sont importantes, et la beauté des fragments qui en proviennent, maintenant au Musée britannique, donne une haute idée du degré de civilisation auquel le pays était arrivé. Ces fragments proviennent du monument désigné sous le nom de tombeau des Harpies ; cet édifice se composait d’un soubassement carré contenant une chambre sépulcrale, et surmonté d’un édicule dans le genre du tombeau de Mylasa, en Carie.

Tios, une des six villes de la confédération lycienne, renferme des ruines importantes de l’époque romaine, entre autres un théâtre admirablement conservé. Les flancs de l’acropole sont remplis d’excavations funéraires, présentant la forme d’un petit temple dont le fronton repose sur des colonnes d’un style très primitif ; leur fût, beaucoup plus large à la base qu’au sommet, est couronné par un chapiteau massif. Le souvenir de Bellérophon a laissé des traces profondes dans ces contrées ; son combat contre la Chimère est représenté sur un des tombeaux.

Pinara est une ville que l’histoire nomme à peine, mais l’importance de ses ruines supplée au silence des écrivains. Dans toute la période hellénique, dit M. Texier, il n’est pas fait mention de cette ville, et elle parait être restée tout à fait en dehors des affaires politiques sous l’empire romain. Oubliée de la sorte, ses ruines se sont conservées presque intactes au milieu d’un peuple qui est peu destructeur, et représentent encore aux yeux du voyageur le tableau d’une grande cité lycienne, avec ses monuments publics entourés de tous côtés par les tombeaux des générations passées. Une roche colossale, ayant la forme d’une pyramide tronquée, domine un profond précipice ; elle est couronnée de fortifications et percée de milliers de tombeaux. Dans le fond du ravin, on aperçoit les monuments de la ville et de nombreux sarcophages ; les sommets ombreux du Cragus se découpant eu lignes  accentuées, occupent le fond du tableau ; en un mot, tout concourt à prouver que l’ancienne Pinara est une des villes les plus populeuses, les plus puissantes de la Lycie.

Patara, ville très commerçante et renommée pour son oracle d’Apollon, possède encore un théâtre avec trente et une rangées de gradins, un temple romain, un arc de triomphe et une vaste nécropole avec de nombreux tombeaux lyciens.

L’antique Telmissus possède des ruines considérables disséminées sur une grande surface. Au bas d’un ravin profond on trouve les restes d’un ancien théâtre parfaitement conservé, avec vingt-huit rangs de gradins. L’ancienne acropole occupait un mamelon isolé, à l’est de la ville mais au nord se trouve une vaste nécropole qui est de beaucoup la partie la plus intéressante des ruines.

Il y a trois catégories de tombeaux : les tombeaux romains, les tombeaux grecs et les tombeaux lyciens. Les tombeaux grecs sont en formé de, temple, avec un fronton d’ordre ionique et creusés dans la paroi d’un rocher vertical. Le plus fameux est connu sous le nom de tombeau d’Amyntas. Il se compose, dit M. Texier, d’un portique d’ordre ionique formé de deux colonnes et de deux pilastres supportant un entablement orné de denticules et un fronton décoré de palmettes. La porte du monument est dans le style grec avec des consoles, et les vantaux simulent une porte véritable avec ses clous et ses serrures. Chacun des pilastres est orné de trois patères. La porte est divisée en quatre panneaux simulés ; un seul est ouvert ; il était jadis fermé par une dalle ; il donne accès dans une chambre sépulcrale où sont disposées des banquettes pour déposer les corps. C’est une règle invariable dans tous les tombeaux de la Lycie, taillés dans le roc. Aucun ne contient de sarcophage ; les corps étaient déposés sur des banquettes qui sont ordinairement sculptées en forme de lits funèbres ; en cela ils sont semblables à ceux des Étrusques, qui étaient sans un peuple asiatique. Cette disposition est parfaitement visible dans les figures 294 et 295 qui représentent le plan et l’élévation du tombeau d’Amyntas.

Il faut encore citer, parmi les villes lyciennes, Antiphellus, avec ses innombrables tombeaux étagés sur une colline dont la mer baigne le pied, son agora, son théâtre et ses anciennes murailles. La nécropole d’Antiphellus comprend deux sortes de tombeaux : les sarcophages et les monuments taillés dans le roc. C’est à cette dernière série qu’appartient le monument reproduit ci-dessous (fig. 296). L’entrée de la chambre sépulcrale est de forme ogivale, et des panneaux sont simulés à l’intérieur. Elle est accompagnée de deux inscriptions, l’une en lycien, l’autre en latin ; cette dernière est ainsi conçue : Claudia Recella à sa sœur aînée, monument de piété et de souvenir.

Phellus n’a gardé que sa nécropole ; Myra, la ville où saint Paul a débarqué, a des ruines importantes. Son théâtre parait avoir été un des plus grands de l’antiquité : mais, parmi les colonnes de granit qui le décoraient, une seule est restée debout ; les antres gisent à terre, avec des masques et des’ fragments d, toute espèce. La nécropole de Myra contient plusieurs tombeaux décorés de bas-reliefs de style archaïque.

Apertæ renferme d’anciennes murailles qui servent de soubassement à un château turc moderne ; au pied de ce château est un odéum (fig. 297), taillé dans le roc et dont toutes les pierres subsistent encore.

 

LA PAMPHYLIE ET LA CILICIE. — La Pamphylie, située au sud de l’Asie Mineure, est beaucoup moins riche ne monuments et en souvenirs que les provinces précédentes. Les principales villes, Perga, Attalée, Olbia et Side n’ont pas laissé de ruines importantes.

Les anciens auteurs sont d’accord pour regarder les habitants de la Cilicie comme d’origine phénicienne, et pour les représenter comme de hardis pirates. Une médaille phénicienne, trouvée en Cilicie (fig. 298),  nous montre des guerriers sur une embarcation dont l’avant figure une tête de cheval.

A l’exception de Tarse et d’Anchiale, la Cilicie n’avait guère de villes. Les historiens grecs parlent de ces deux villes, à propos d’une inscription, placée sur le tombeau de Sardanapale et qui était ainsi conçue : Sardanapale, fils d’Anaxyndarax, a bâti Tarse et Anchiale en un jour ; passant, mange, bois, ris, le reste ne vaut rien. Il n’est rien resté d’Anchiale. Tarse était une ville florissante, située sur le Cydnus. On a trouvé près de Tarse, plusieurs médaillons en or qui remontent au temps de Caracalla et représentent Alexandre le Grand (fig. 299 et 300). Tarse a été le centre d’une école littéraire célèbre dans l’antiquité ; elle a donné le jour au philosophe Athénodore, au rhéteur Hermogène et à saint Paul.