LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME PREMIER — LES PEUPLES DE L’ANTIQUITÉ

L’ÉGYPTE — II - L’ÉGYPTE SOUS LES PHARAONS

 

 

LES LISTES DE MANÉTHON. - L’ANCIEN EMPIRE. - LE MOYEN EMPIRE. - LES PASTEURS. - LE NOUVEL EMPIRE. - LA DÉCADENCE.

 

LES LISTES DE MANÉTHON. - L’incertitude où lion est sur ce qui concerne la chronologie égyptienne, surtout à ses origines, ne permet pas de classer par siècle l’histoire de ce pays. En dehors des historiens grecs, les monuments connus sous le nom de Salle des Ancêtres, de Table d’Abydos et de Table de Sakkarah fournissent des documents extrêmement précieux, mais malheureusement incomplets.

Les Égyptiens classaient les faits dans leurs annales, d’après le nombre d’années écoulées depuis l’avènement du souverain régnant. Il en résulte que les inscriptions et les papyrus ne donnent que des renseignements insuffisants. On a bien échafaudé divers systèmes d’après des données astronomiques, mais sans arriver à un résultat, et il a fallu forcément en revenir aux listes de Manéthon.

Sous Ptolémée Philadelphe, le prêtre Manéthon, après avoir consulté les archives soigneusement conservées dans les temples, écrivit en langue grecque une grande histoire d’Égypte, qui n’est malheureusement pas arrivée jusqu’à nous. Mais il avait placé, à la tête de son livre, une liste des dynasties ou familles royales qui ont régné sur l’Égypte jusqu’à Alexandre, et cette liste, contenant le nombre d’années que chaque dynastie avait duré, a été citée par d’autres écrivains et nous a été ainsi conservée. Ce document, le plus important qui nous soit resté sur l’histoire de l’ancienne Égypte, est devenu plus précieux encore, depuis qu’on a appris à déchiffrer les hiéroglyphes et qu’on a été sur plusieurs points à même de constater sa sincérité.

Malheureusement on ne sait pas si les dynasties dont parle Manéthon ont toujours été successives, ou si quelques-unes n’ont pas été collatérales. L’Égypte, en effet, n’a pas toujours constitué un royaume unique, et, si l’on compte comme collatérales deux dynasties ayant pu régner ensemble sur la haute et la basse. Égypte, on restreint beaucoup le chiffre formidable d’années qu’on est obligé d’admettre en comptant comme successives les dynasties de Manéthon.

Les savants ne parvenant pas à s’entendre sur ce point, nous nous trouvons, pour la chronologie égyptienne, en présence de deux systèmes principaux.

Dans l’un, M. Mariette pense que les dynasties collatérales ont été fort nombreuses, mais que l’historien grec a dû nécessairement les éliminer et qu’aucun monument ne nous autorisé à penser que la liste de Manéthon n’est pas successive. D’après cette opinion, qui est aujourd’hui la plus répandue, les trente et une dynasties qui, suivant Manéthon, ont régné sur l’Égypte antérieurement aux Ptolémées, dont la domination commence 332 ans avant Jésus-Christ, occuperaient un total de 4.672 années, et l’histoire de la monarchie égyptienne commencerait ainsi 5.004 ans avant notre ère.

D’après l’autre système, proposé par Lieblein et adopté par Lepsius, il fauchait considérer comme collatérales les IXe, Xe, XIe, XIIIe, XVIe, XXIIe et XXVe dynasties qui, réunies ensemble, représentent une durée de 1.777 ans. La liste de Manéthon, ainsi interprétée, réduirait la durée de la monarchie égyptienne, antérieurement aux Ptolémées, à 3.555 ans, chiffre déjà bien respectable.

Parmi les Pharaons qui ont formé les dynasties égyptiennes, les uns sont indigènes, les autres ont régné par droit de conquête. Les dynasties indigènes prennent le nom de la ville qu’elles ont choisies comme siége du gouvernement : ainsi l’on dit les dynasties memphites, thébaines, éléphantines, tanites, etc. Les dynasties qui ont régné par la conquête prennent au contraire le nom des pays dont .elles sont originaires ; ainsi il y a des dynasties éthiopiennes, persanes, ou grecques.

On divise généralement l’histoire de l’Égypte en cinq grandes périodes qui sont désignées sous les noms suivants 1° Ancien Empire. – 2° Moyen Empire. – 3° Nouvel Empire. – 4° Époque Grecque. – 5° Époque Romaine.

Les monuments égyptiens qu’on peut voir dans nos musées se rattachent à des époques très différentes, et les catalogues, ne pouvant leur assigner une date positive, indiquent généralement la dynastie à, laquelle ils appartiennent. Il est donc important, si l’on veut connaître approximativement l’antiquité d’un monument, de savoir à quelle époque répondent chronologiquement les dynasties dont Manéthon a donné la liste. Nous avons adopté, pour éviter les confusions, le tableau donné par M. Mariette dans le catalogue du Musée de Boulaq.

L’an 332, l’Égypte tombe sous la domination macédonienne, et dès lors l’époque dite pharaonique cesse d’exister.             

 

L’ANCIEN EMPIRE. — Il faut distinguer dans l’histoire des mœurs égyptiennes deux périodes bien distinctes : celle des Pharaons et celle des Ptolémées. On donne le nom de Pharaons aux rois d’Égypte antérieurs à la conquête d’Alexandre. C’est durant cette période, d’ailleurs fort longue, qu’il faut étudier les habitudes égyptiennes dans ce qu’elles ont de caractéristique ; car, sous la domination des rois grecs, l’Égypte, bien qu’extrêmement florissante sous le rapport du commerce et de l’industrie, a perdu en quelque sorte sa personnalité. La brillante civilisation d’Alexandrie remplace les vieux sanctuaires de Memphis et de Thèbes ; l’Égypte pourtant se survit à elle-même par la tradition, mais la sève n’est plus sur les bords du Nil, et de nouveaux usages viennent sans cesse battre en brèche les anciennes coutumes. Cette période de transformation est assurément fort intéressante à étudier, niais elle doit former un chapitre spécial et, quand on veut connaître exactement la part de l’Égypte d’ans la civilisation antique, il faut l’étudier sous les Pharaons, c’est-à-dire à l’époque cil elle garde toute sa personnalité et n’a pas encore subi les innovations étrangères.

On a admis longtemps, d’après l’autorité des historiens grecs, que l’Éthiopie avait été le berceau de la civilisation égyptienne. Celte opinion est complètement abandonnée aujourd’hui. L’étude des monuments a prouvé : 1° que les Égyptiens sont d’une race venue d’Asie et non originaire d’Afrique ; 2° que la civilisation qu’ils ont fondée sur les .bords du Nit a remonté le fleuve et ne l’a pas descendu. C’est pour cela que M. Mariette appelle l’Éthiopie fille de l’Égypte.

Suivant les historiens grecs, Ménès a été le fondateur de Memphis et le premier roi d’Égypte. C’est à lui que commence la Ire dynastie des Pharaons, qui a duré 253 ans. Aucun des monuments élevés dans cette période n’est parvenu  jusqu’à nous.

La IIe dynastie a duré 302 ans on attribue à cette période la construction de la grande, pyramide à degrés qui se, voit à Sakkarah et qui aurait été la sépulture d’un des rois de cette époque. Cette pyramide serait ainsi le plus ancien monument de l’Égypte et peut-être dû monde. La porte basse et étroite, qui donnait accès à la chambre sépulcrale de la pyramide, a été enlevée en 1845 par Lepsius et transportée au Musée de Berlin. On attribue généralement à cette dynastie l’introduction du culte des animaux sacrés, et notamment du bœuf Apis, manifestation vivante du dieu Ptah, adoré à Memphis. Le tombeau d’un haut fonctionnaire appelé Thoth-Hotep découvert par M. Mariette dans la nécropole de Sakkarah, et le groupe de Sépa et de ses fils, au Louvre, passent pour remonter aux derniers rois de cette dynastie. Les inscriptions montrent l’écriture égyptienne déjà constituée.

La IIIe dynastie parait originaire de Memphis c’est dans cette maison royale qu’on voit apparaître les premiers Pharaons notés dans l’histoire comme conquérants. On a de cette époque un tombeau découvert à Sakkarah et maintenant au Musée de Berlin. Les représentations de cette tombe nous montrent une civilisation déjà avancée dans l’agriculture. Un grand nombre d’animaux sont déjà domestiqués, et l’on y voit le bœuf, l’âne et le chien ; mais le cheval ne parait pas encore, non plus que le chameau, qui ire se trouve jamais sur les monuments de l’ancienne Égypte.

Tout ce qui touche les .trois premières dynasties égyptiennes est obscur : ce n’est qu’à partir de la IVe que l’histoire commence à s’éclaircir un peu. On rattaché à cette époque les grandes pyramides ainsi que le grand sphinx de Giseh. La belle statue de Chephren, au Musée de Boulaq, est de la même période. Le gouvernement semblé être une sorte d’aristocratie militaire bien plutôt que sacerdotale. Un grand nombre de monuments, contenant des scènes de -la vie privée plutôt que religieuse, nous montrent une société extrêmement avancée sous le rapport au bien-être matériel.

La VIe dynastie marque le point culminant de la civilisation de l’ancien empire, qui avait duré dix-neuf siècles. Le spectacle qu’offre alors l’Égypte, dit M. Mariette, est bien digne de fixer l’attention. Quand le reste de la terre’ est encore plongé dans les ténèbres de la barbarie ; quand les nations les plus illustres, qui joueront plus tard un rôle si considérable dans les affaires du monde, sont encore à l’état sauvage, les rives du Nil nous apparaissent comme nourrissant un peuple sage et policé, et une monarchie puissante, fondée sur une formidable organisation de fonctionnaires et d’employés, règle déjà les destinées de la nation. Dès que nous l’apercevons à l’origine des temps, la civilisation égyptienne se montre ainsi à nous toute formée et les siècles à venir, si nombreux qu’ils soient, ne lui apprendront presque plus rien. Au contraire, dans une certaine mesure, l’Égypte perdra, car, à aucune époque, elle ne bâtira des monuments comme les pyramides.

Après la VIe dynastie, l’Égypte paraît avoir éprouvé de fortes commotions politiques, dont on ignore la nature. Une éclipse se manifeste alors dans la civilisation et, pendant plusieurs siècles, on ne trouve aucun monument. Il semble qu’une invasion et l’introduction d’une race nouvelle soit venue modifier profondément toutes les vieilles habitudes de la nation. La période qu’on est convenu d’appeler l’Ancien Empire s’arrête à la Xe dynastie.

 

LE MOYEN EMPIRE. - Quand, avec la XIe dynastie, dit M. Mariette, on voit l’Égypte se réveiller de son long sommeil, les anciennes traditions sont oubliées. Les noms propres usités dans les anciennes familles, les titres donnés aux fonctionnaires, l’écriture elle-même et jusqu’à la religion, tout semble nouveau. Tanis, Éléphantine, Memphis, ne sont plus les capitales choisies : c’est Thèbes qui, pour la première fois, devient le siège de la puissance souveraine.

La ville de Thèbes, qui, suivant M. Lenormant, n’existait pas encore au temps de l’éclat de V ancien empire et fut fondée pendant l’anarchie que nous avons signalée sous les dernières dynasties, devint la capitale de l’Égypte pendant la période que l’on est convenu d’appeler le Moyen Empire.

Les hypogées de Beni-Hassan, qui remontent à la XIIe dynastie, retracent les détails les plus curieux sur l’agriculture et les mœurs privées des anciens Égyptiens. Dans une inscription de la XIIe dynastie, un gouverneur de province, nommé Améni, fait le tableau suivant de son administration : Toutes les terres étaient ensemencées du nord au sud. Des remerciements me furent adressés de la maison du roi pour le tribut amené en gros bétail. Rien ne fut volé dans mes ateliers. J’ai travaillé et la province entière était en pleine activité. Jamais petit enfant ne fut affligé, jamais veuve ne fut maltraitée par moi ; jamais je n’ai troublé de pécheur ni entravé de pasteur. Jamais disette n’eut lieu de mon temps et je ne laissai jamais d’affamé dans les années de mauvaise récolte. J’ai donné également à la veuve et à la femme mariée, et je n’ai jamais préféré le grand au petit dans tous les jugements que j’ai rendus.

Les premières dynasties du moyen empire marquent dans l’histoire d’Égypte une période de grande puissance politique. Non seulement la basse et la haute Égypte furent réunies sous le même sceptre, mais encore les Pharaons commencèrent à revendiquer comme leur patrimoine toutes les terres qu’arrose le Nil. En même temps ils élevèrent un grand nombre de monuments : le labyrinthe et le lac Mœris remontent à cette période.

Cet état florissant dura plusieurs siècles, mais, après la XIVe dynastie, l’Égypte paraît avoir été de nouveau en proie à des déchirements qui eurent pour résultat d’ouvrir le pays à des conquérants étrangers.

 

LES PASTEURS. — La dernière partie du moyen empire est Marquée par un événement formidable qui transforma complètement la basse Égypte : ce fut l’invasion des pasteurs, peuples venus d’Asie et qui, pendant cinq cents ans, restèrent, les maîtres du pays. Cette invasion parait avoir eu dans l’Égypte une importance -analogue à celle des invasions barbares dans l’empire romain, mais elle West toujours demeurée fort énigmatique et l’on ne sait pas encore au juste ce qu’étaient les pasteurs, ni d’où ils venaient. Il y eut, — dit Manéthon dans un fragment conservé par l’historien Josèphe, — un roi sous le règne de qui le souffle de la colère de Dieu s’éleva, je ne sais pourquoi, contre nous. Contrairement à toute attente, des hommes obscurs, venant du côté de F.0rient, firent une invasion dans notre pays, dont ils s’emparèrent facilement et sans combats. Ils assujettirent les chefs qui y commandaient, brûlèrent les villes et renversèrent les temples des dieux ; ils firent aux habitants tout le mal possible, égorgeant les uns, réduisant en esclavage les femmes et les enfants des autres.

On a contesté de nos jours le caractère dévastateur et barbare que les historiens anciens ont attribué ails pasteurs, et M. Mariette a découvert à Tanis des monuments dus à leur initiative. Mais il paraît certain que ces pasteurs, venus très probablement de Syrie ou d’Arabie, différaient absolument des Égyptiens par les mœurs aussi bien que par la race. Il a dû nécessairement se produire entre les deux peuples un choc très violent qui a pu arrêter la marche civilisatrice des anciens habitants ; seulement il n’y a pas eu, comme on le dit parfois, une destruction complète de cette civilisation, laquelle s’est maintenue intacte dans la Thébaïde et l’Éthiopie, où les pasteurs n’ont pas pénétré.

 

LE NOUVEL EMPIRE. — Un changement, qui eut pour résultat de ramener en Égypte une dynastie nationale, marque le début du nouvel empire, dont le premier acte politique fut l’expulsion des pasteurs. Cette lutte, dont le récit est généralement très obscur et rempli de contradictions, paraît avoir eu surtout un caractère de guerre religieuse. C’est du moins ce qui résulte d’un papyrus du Musée britannique, cité par M. Lenormant. Il arriva que le pays d’Égypte tomba aux mains des ennemis, et personne ne fut plus roi du pays entier au moment où cela arriva. Et voici que le roi Taaaken fut seulement un hak (prince vassal) de la haute Égypte. Les ennemis étaient dans Héliopolis et leur chef dans Avaris... Le roi Apapi se choisit le dieu Souteckh comme seigneur et ne fut pas serviteur d’aucun autre dieu existant dans le pays entier... Il lui bâtit un temple en bon travail durant à toujours.

Le roi pasteur Apapi, apprenant que le prince de la Thébaïde Taaaken refusait d’adorer son dieu Souteckh, lui envoya une sommation qui fut reçue avec mépris ; une guerre longue et sanglante survint à cette occasion et aboutit à l’expulsion des pasteurs.

Malgré les incertitudes où l’on est relativement à l’époque de l’expulsion des pasteurs, elle paraît avoir été définitive sous Amosis, l’un des successeurs du roi Taaaken. C’est après son règne que commence la grande période militaire de l’Égypte. Aménophis Ier porte ses armes en Asie et s’empare de la Mésopotamie ; Touthmès II fait des campagnes heureuses en Éthiopie et en Palestine ; enfin Touthmès III entreprend une série d’expéditions dont le récit est figuré sur les murs de Karnak.

Il fit passer sous son joug, dit M. de Rougé, les peuples de l’Asie centrale et nous voyons figurer parmi ses vassaux Babel, Ninive et Sennaar, au milieu de peuples plus importants alors, mais dont les noms se sont obscurcis dans la suite des temps.

La grandeur politique de l’Égypte se continue sous Aménophis III, le prince que les Grecs ont appelé Memnon, et dont le colosse brisé résonnait dans la plaine de Thèbes au lever du soleil. Une révolution religieuse vint troubler l’Égypte après lui, et le fanatisme effaça partout le nom du dieu Ammon, la grande divinité de Thèbes. Une multitude de monuments nous montrent en effet ce nom mutilé.

Pendant ces troubles, l’empire de l’Asie échappa à l’Égypte, qui se releva pourtant sous Séti Ier, et arriva à l’apogée de sa puissance, sous son fils Ramsès II, appelé par les Grecs Sésostris, et dont le nom sur les monuments se lit Ramsès-Meïamoun. L’Éthiopie et l’Asie furent de nouveau conquises et les nombreux prisonniers que le vainqueur ramena avec lui furent employés à élever d’immenses édifices.  

Ramsès II, dit M. de Rougé, couvrit l’Égypte de monuments ; son nom marque d’importantes constructions depuis l’anis jusqu’au fond de la Nubie. A Thèbes, le célèbre Ramesséum est un monument religieux et funéraire spécialement consacré à sa mémoire. L’art déclina rapidement sous son règne malgré ses immenses travaux. Il eut le tort de faire substituer ses propres cartouches à ceux de son père sur la salle hypostyle de Karnak et sur d’autres monuments du règne précédent. Son orgueil parait n’avoir pas connu de bornes. Souvent il s’introduit lui-même dans les triades divines auxquelles il dédie les temples. Le soleil de Ramsès-Meïamoun qu’on aperçoit sur, leurs murailles n’est autre chose que le roi, déifié de son vivant. Le souvenir de ses conquêtes était encore vivant en Égypte sous les Romains et Tacite l’a rappelé ; mais nous ne trouvons aucune trace qui nous montre sa mémoire vénérée après sa mort. Un de ses successeurs atteste seulement qu’il régna soixante sept ans, et qu’il était resté célèbre pour le nombre et l’éclat des monuments de son règne.

Néanmoins les savants ne sont pas complètement d’accord sur ce règne : c’est ainsi que, suivant M. Paul Pierret, les Grecs auraient concentré sur la tête de cet unique personnage des exploits que noua devons partager entre plusieurs souverains.

La domination des Égyptiens en Asie se soutint pendant la XIXe et la XXe dynastie, dont tous les rois portent le nom de Ramsès comme leur aïeul. Les pays conquis gagnèrent probablement au contact des Égyptiens plus civilisés qu’eux, mais les institutions et les usages qui faisaient la grandeur de l’Égypte s’altérèrent ; la religion même fut atteinte et des divinités asiatiques, comme Baal et Astarté, reçurent un culte officiel dans la ville de Ramsès.

 

LA DÉCADENCE. — Vers la fin de la XXe dynastie, les prêtres d’Ammon s’emparent peu à peu de l’autorité et finissent par remplacer la famille des Ramsès. Le caractère sacerdotal de cette période, est très accusé, mais la grande organisation militaire de l’époque précédente tend à s’effacer, et l’Égypte, après avoir perdu l’Asie, se trouve réduite à ses limites naturelles. On compte pourtant encore quelques expéditions heureuses dans l’une d’elles, les Égyptiens s’emparent de Jérusalem et emmènent son roi, que nous voyons représenté sur tin monument les mains liées derrière le dos. Mais l’Égypte ne lutte pas plus loin que la Syrie et la Palestine l’Assyrie, alors toute-puissante, eût arrêté les envahisseurs.

Enfin, sous la XXIVe dynastie, l’Égypte est envahie par les Éthiopiens, son roi pris et brillé, et une dynastie éthiopienne arrive au pouvoir. L’Égypte retrouve ensuite des rois nationaux ; mais ceux-ci, par crainte des Éthiopiens, appellent à leur aide des mercenaires grecs. Cette innovation indispose l’armée nationale, et l’Égypte, complètement désorganisée, n’offre plus la moindre résistance le jour où elle est envahie par Cambyse.

Les Perses ne surent pas se faire aimer des Égyptiens, et Cambyse s’en fit haïr quand, dans un accès de fureur religieuse, il tua le bœuf Apis. Bien que Darius, plus habile, eût sacrifié aux dieux de l’Égypte, la domination persane ne fut jamais bien vue ; aussi Alexandre fut-il salué par le plus grand nombre comme un libérateur.