ÉTUDES CHRONOLOGIQUES POUR L'HISTOIRE DE N. S. JÉSUS-CHRIST

 

RESTITUTION DE L’ANCIEN CALENDRIER HÉBRAIQUE

DEPUIS LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST JUSQU’À LA RUINE DE JÉRUSALEM - 4707-4783, P. J.

ARTICLE Il — LE CALENDRIER LUNI-SOLAIRE.

 

 

§ I — Notions générales

I. Le calendrier luni-solaire a pour principes constitutifs de régler les mois sur le cours de la lune, et l’ensemble de l’année sur le cours du soleil.

Cette forme d’année a été autrefois la plus répandue ; c’était celle de tous les orientaux : Grecs, Juifs, Chaldéens, Indiens, Chinois ; de plusieurs peuples d’Occident, notamment des Gaulois ; et encore aujourd’hui les chrétiens conservent l’usage de l’année luni-solaire pour fixer l’époque de la fête de Pâques et de toutes les fêtes mobiles.

II. Mais le calendrier luni-solaire est sujet à certaines difficultés qui ont fini par le faire abandonner presque partout.

Parmi ces difficultés, lia première et la plus grande consiste à accorder ensemble les mois lunaires avec les années solaires, les révolutions de la lune avec celles du soleil. Pour obtenir cet accord, on intercale un treizième mois, tous les deux cru trois ans, et l’on maintient ainsi le retour des saisons à une même époque de l’année civile, à quinze jours prés.

Avec cet expédient, le calendrier luni-solaire présente tous les avantages du calendrier purement lunaire ; mais il ne possède qu’imparfaitement ceux du calendrier solaire, à cause du jeu trop grand des intercalations. De plus, les années de treize mois ou de 354 jours forment une anomalie excessive avec les années de douze mois ou de 354 jours. Enfin, même avec le système des mois intercalaires, on parvient, difficilement à accorder les révolutions de la lune avec celles du soleil ; ce n’est qu’après une période de dix-neuf ans, comprenant sept mois intercalaires, que les deux astres recommencent leur révolution propre ensemble, sauf une différence d’environ deux heures.

Quand le calendrier luni-solaire est bien réglé, les années de treize mois, où années embolismiques, se présentent dans l’ordre suivant : 3e, 6e, 8e, 11e, 14e, 17e et 19e.

III. Le calendrier luni-solaire offre une seconde difficulté qui lui est commune avec le calendrier purement lunaire : le mois synodique de la lune était en moyenne de 29 jours 12 h. 44’ 3’’, il s’ensuit que les mois civils sont alternativement de 19 jours et de 30 jours ; mais la fraction des 44 minutes, après avoir été longtemps négligée, finit, en se multipliant, par former un jour entier, et l’intercalation de ce jour vient nécessairement déranger la succession alternative des mois de 29 jours et des mois de 30 jours.

Ce sont ces deux difficultés qui ont fait abandonner le calendrier luni-solaire par la plupart des peuples modernes, et se sont elles aussi qui rendent si laborieuse la restitution des anciens calendriers luni-solaires.

Elles constituent pour le chronologiste les deux problèmes suivants : 1° A quelles années faut-il rapporter l’intercalation du treizième mois : et 2° dans quel ordre ont été distribués, chaque année, les mois de 29 jours et les mois de trente jours ?

Ces deux problèmes se compliquent encore des erreurs commises par les Anciens sur la véritable durée de l’année solaire, et de leur ignorance touchant l’époque précise des néoménies astronomiques.

IV. Une remarque importante, et que nous ne devons point oublier ici, c’est que tous les peuples qui ont fait usage de mois lunaires, les Chinois seuls exceptés, ont placé le commencement du jour civil au crépuscule du soir, et compté ainsi leurs jours d’un soir à l’autre. Ces mêmes peuples divisent, comme nous, le jour en vingt-quatre heures ; mais, l’origine du jour étant placée le soir au coucher du soleil, les douze premières heures sont appelées heures de la nuit, et les douze autres heures du jour[1]. Les auteurs sacrés suivent cette manière de compter.

Au contraire, les peuples modernes, qui suivent le calendrier solaire, font durer leur jour d’un minuit a l’autre, et appellent les douze premières heures les heures du matin, et les douze autres les heures du soir.

 

§ II — Le calendrier hébraïque actuel.

Le calendrier hébraïque a toujours été luni-solaire ; mais les règles qui déterminent sa forme chez les Juifs modernes sont relativement récentes ; elles doivent en grande partie leur existence aux Pharisiens, secte célèbre dont l’origine ne remonte pas à plus de deux siècles avant notre ère. M. Terquem, auteur d’une notice sur le calendrier Hébraïque moderne, dit en parlant des Pharisiens : C’est encore à eux que nous devons le calendrier, objet de cette notice ; on verra que l’on y a multiplié les obstacles pour avoir le plaisir de les surmonter, accumulé les difficultés pour se donner la fatigue de les résoudre. Tel est encore aujourd’hui le plaisir du talmudiste (Bible hébraïque de Cahen, IIIe vol., p. 175).

II. Quelques hébraïsants donnent à l’établissement officiel de ce calendrier la date de l’art 338, E. C.[2] ; l’Art de vérifier les dates retarde cette époque de quelques années, dans le passage suivant : Le premier qui travailla à mettre l’année hébraïque sur le pied où elle est fut Rabbi Samuel, docteur de l’école juive de Sora, dans la Mésopotamie. Rabbi Adda, habile astronome, suivit son plan ; après lui, Rabbi Hillel[3] y mit la dernière main, l’an de Jésus-Christ 360, et, étant Nasi ou président du sanhédrin, il introduisit la forme d’année que les Juifs ont conservée jusqu’à nos jours, et qu’ils disent devoir durer jusqu’à la venue du Messie (t. II, p. 217, édit., in-8°).

L’époque donnée ici par l’Art de vérifier les dates est généralement adoptée. Voici ce que dit M. Munk sur ce sujet (La Palestine, p. 609) : Une circonstance qui dut contribuer également à diminuer l’influence du patriarcat fat l’introduction d’un calendrier uniforme à l’usage des Juifs dispersés dans tous les pays. Jusque-là, les néoménies et les fêtes avaient été fixées par le Synhedrium de Palestine, selon l’ancien usage ; mais vers 360, le patriarche Hillel convoqua un synode qui eut pour mission d’établir un calendrier fixe, qui pût servir de guide à tous les Juifs. On adopta pour base le calendrier grec de Méton, avec son cycle de dix-neuf ans, afin de mettre d’accord les années lunaires avec les années solaires. La durée de l’année solaire, selon le calcul des Juifs, tient le milieu entre l’année julienne et l’année grégorienne.

III. Ainsi la réforme du calendrier hébraïque, au quatrième siècle de notre ère, est une preuve que ce calendrier n’est plus le même aujourd’hui que du temps du Sauveur. Mais les différences entre les deux formes d’années, ancienne et moderne, ne peuvent être considérables, car les Juifs ont toujours passé pour le peuple le plus attaché à ses anciennes traditions, et, au temps d’Hillel, lorsque les débris d’Israël étaient dispersés sur tous les points de l’ancien monde, il eût été moralement impossible d’établir un calendrier nouveau et des observances nouvelles. Le travail d’Hillel n’a dû porter que sur les éléments astronomiques du calendrier, et tout au plus sur certains cas où l’application des anciennes règles présentait quelques difficultés. Mais ces règles étaient admises depuis longtemps par les Pharisiens, secte qui finit, comme on sait, par absorber la nation tout entière.

Avant de voir ce que la réforme d’Hillel a dû modifier et ce qu’elle a dû respecter, nous exposerons ici brièvement tout le système du calendrier hébraïque actuel.

IV. Les Hébreux commencent le jour à 6 heures du soir, et le partagent, comme nous, en 24 heures ; chaque heure est ensuite divisée, non pas en 60 minutes, mais en 1080 chelakim : une minute vaut ainsi 18 chelakim.

La durée moyenne des lunaisons est fixée à 29 jours 12 h. 793 chelakim. La fraction des 793 ch. équivaut à 44’ 3’’ 20’’’. Cette durée est précisément, celle qu’avait indiquée l’astronome grec Hipparque (128 av. E. C.), et qui se trouve consignée dans l’Almageste de Ptolémée. Mais, dans le calcul hébraïque, la double fraction des minutes et des secondes est avantageusement remplacée par la fraction simple des 793 chelakim.

Les Hébreux ont adopté un cycle de 19 ans semblable à celui des Grecs, mais mieux ajusté que le nombre d’or de ces derniers : 235 lunaisons forment, suivant le calcul hébraïque, une durée totale de 6939 jours 16 h. 595 ch., et contiennent exactement les 19 années hébraïques. Chaque année se trouve ainsi avoir une durée moyenne de 385 jours 5 h. 55’ 25’’ 26’’’.

V. Comme l’année solaire est en réalité de 365 jours 5 h. 48’ 51’’, il s’ensuit que l’année hébraïque est plus exacte que l’année julienne de 365 jours 6 heures.

Aussi, depuis la réforme d’Hillel, l’année hébraïque, dans un intervalle de 1500 ans, n’est en retard que de 7 jours sur l’année solaire vraie, tandis que la différence s’élève à 12 jours entiers pour l’année julienne.

La réforme grégorienne ayant supprimé cette différence, les Juifs se trouvent maintenant en retard de 7 jours sur notre calendrier, et leur Pâque, qui a pu tomber le 19 mars en 311 et 379, et même le 18 en 360, ne pourra plus tomber désormais avant le 26 mars.

C’est pour cela que notre fête de Pâques précède parfois d’un mois entier la Pâque juive ; tandis que d’autres fois celle-ci précède pareillement d’un mois la fête de Pâques des Grecs toujours fidèles au calendrier julien (Voir le tableau VII, à la fin du volume.).

VI. Les Hébreux comptent les années suivant l’ère de la création du monde, qu’ils font remonter seulement à l’an 953 de la période julienne, ou 3781 avant l’ère chrétienne. Leur année sainte ou liturgique commence au printemps, avec le mois de Nisan, suivant le précepte donné par Dieu lui-même à Moïse (Exode, XII, 2) ; leur année civile, au contraire, commence vers l’équinoxe d’automne, avec le mois de Thisri[4]. Ainsi, la première année civile des Juifs a commencé avec le lundi 7 octobre de l’an 953, P. J., et la première néoménie hébraïque est datée de ce jour-là même, à 5 h. 244 ch. (style hébraïque) ; cela revient au dimanche B octobre, à 11 h. 11’ du soir, ou 49 minutes avant mi-nuit, suivant notre manière de compter le temps.

Cette date, lundi 5 h. 244 ch. (7 octobre de l’an 953, P. J.), fait la base de tout le calendrier hébraïque ; elle est le point de départ d’où l’on compte ensuite les mois, les années et les cycles, jusqu’au temps présent.

Mais à quel méridien faut-il rapporter cette date primordiale ? La plupart des auteurs qui ont parlé du calendrier hébraïque donnent à entendre que les dates en sont comptées d’après le méridien de Jérusalem. Toutefois nous lisons dans un ancien auteur[5] : Les Juifs comptent les temps non pas d’après le méridien de Jérusalem, comme on l’a cru jusqu’ici, mais d’après le méridien de l’Eden où Adam a été créé. Ce méridien est le même que celui des Chaldéens[6], et il est à l’orient d’Alexandrie de 849 chelakim (47’ 10’’).

D’après cette donnée, le méridien de l’Eden serait à 26 minutes de temps à l’est de Jérusalem ; nous avons cru pouvoir négliger cette légère différence pour suivre le sentiment général, et nous avons adopté le méridien de Jérusalem pour tous les calculs relatifs au calendrier hébraïque ancien ou moderne.

VII. Dans chaque cycle, les sept années de 13 mois, que l’on appelle aussi années embolismiques, sont les 3e, 6e, 8e, 11e, 14e, 17e et 19e. Le 297e cycle a commencé le samedi 1er octobre grégorien de l’an 1864, E. C., à 8 h. 284 ch. Chaque cycle hébreu se trouve ainsi en avance d’environ trois ans sur le cycle chrétien correspondant.

L’année simple de 12 mois, aussi bien que l’année embolismique de 13 mois, peut avoir trois longueurs différentes, et on commence à voir ici l’esprit talmudique qui vient gâter, par ses complications subtiles, la belle simplicité de l’ancien calendrier.

Ainsi l’année simple peut être défectueuse, ayant seulement 353 jours, ou commune, ayant 354 jours, ou abondante, ayant 355 jours.

Pareillement, l’année embolismique peut être défectueuse avec 383 jours, ou commune avec 384, ou abondante avec 385. Nous verrons plus loin les motifs de ces différences dans la longueur de l’année.

VIII. Les mois civils ont chacun un nombre de jours invariable, à l’exception du 2e et du 3e mois, lesquels varient suivant la longueur des années où ils se trouvent.

Ainsi le deuxième mois, Marscheran, a 29 jours ordinairement, et 30 jours dans les années abondantes. Le troisième mois, au contraire, Casleu, a 30 jours ordinairement, et seulement 29 dans les années défectueuses.

Les autres mois sont : 1er Thisri, 30 jours ; 4e Tebeth, 29 jours ; 5e Schebat, 30 jours ; 6e Adar, 29 jours ; 7e Nisan, 30 jours ; 8e Jiar, 29 jours ; 9e Sivan, 30 jours ; 10e Tammuz, 29 jours ; 11e Ab, 30 jours ; 12e Elul, 29 jours.

Dans les années embolismiques, le mois intercalaire est placé immédiatement avant le mois pascal de Nisan, et prend le nom de Véadar (second Adar) ; mais alors le mois précédent Adar a 30 jours, et Véadar 29.

IX. Problème capital. Quel jour est le premier Thisri hébraïque dans une année julienne quelconque ?

Pour résoudre ce problème, il faut : 1° chercher quelle est, dans le cours de l’année indiquée, et suivant le calcul hébraïque, la date précise de la néoménie astronomique de Thisri ; et 2° voir si cette date ne serait point soumise à l’une des cinq exceptions que nous allons énumérer plus loin, et qui forcent à transporter le premier du mois civil un jour ou deux après celui de la néoménie.

X. Exemple. Quel a dû être, suivant les principes du calendrier hébraïque actuel, le premier Thisri en l’an 4706 de la période julienne ?

Comme on sait que la première néoménie hébraïque a eu lieu en l’an 953, P. J., le 7 octobre, à 5 h. 204 ch., suivant le calcul des Talmudistes, on prend, sur le calendrier julien, l’anniversaire précis de cette date en l’an 4706, et pour cela on observe que l’année 4706 étant la première après la bissextile, et n’ayant que 365 jours, il faut ajouter un complément de 6 heures à la date du 7 octobre 5 h. 204 ch., pour avoir l’anniversaire julien précis de cette date, en l’an 4708[7]. On obtient ainsi le 7 octobre 11 h. 204 ch. Mais, pour la commodité des calculs futurs, il vaut mieux rapporter cet anniversaire au mois de septembre précédent, et on a le 37 septembre 11 h. 204 ch.

Depuis la première néoménie hébraïque jusqu’à cette dernière date, il y a exactement 3753 années juliennes de 385 jours et 6 heures.

Reste à chercher les différences que le système luni-solaire des Hébreux doit nécessairement faire subir à l’anniversaire indiqué. Pour trouver ces différences, on décompose les 3753 années, et on a d’un côté 197 cycles de 19 ans, et de l’autre 10 années entières appartenant au 198e cycle.

Le cycle hébraïque étant plus court que 19 années juliennes de 1 h. 485 ch., on multiplie ce dernier nombre par celui des cycles écoulés, et on a le retard ou déficit total au commencement du 198e cycle.

Déficit pour 197 cycles, ci. : 11 jours, 21 h. 505 ch.

Les dix années, restantes se décomposent à leur tour en 7 années simples et 3 années embolismiques. Comparée à l’année julienne, chaque année simple est en retard de 10 jours 21 h. 204 ch., et chaque année.....

[ici il manque les pages 436 et 437 du livre]

.....après le sabbat ; ce qui occasionne une interruption de deux jours dans les travaux corporels. Au contraire, la règle de Badu obtient un effet plus régulier et plus explicable, si elle a pour but, comme nous en sommes convaincu, d’empêcher la coïncidence des grandes fêtes avec un vendredi. La loi du repos était, en effet, beaucoup plus rigoureuse les jours de sabbat que les autres jours de fêtes chômées. On ne pouvait même pas, le jour du sabbat, préparer les aliments, ce qui était permis le jour des plus grandes fêtes. Les Pharisiens avaient encore exagéré la rigueur du repos sabbatique, et il en résultait pour les Juifs un surcroît de travail le vendredi, jour appelé pour cette raison la Parascève ou la Préparation du sabbat. L’occurrence d’une fête avec ce jour était donc extrêmement fâcheuse, surtout pour les prêtres qui étaient alors complètement occupés par les sacrifices de la fête. Or les prêtres étaient aussi chargés d’annoncer chaque néoménie, et qu’y a-t-il de plus variable que la néoménie ? Le cours de la lune est inégal, l’astre lui-même est alors invisible, et de plus, il est impossible d’alterner régulièrement les mois de 28 jours et les mois de 30 jours. Tout cela était plus que suffisant pour introduire la coutume de reculer le jour de la première néoménie de l’année, toutes les fois que ce jour présentait une occurrence fâcheuse. La règle de Badu s’établit ainsi peu à peu. Les Pharisiens l’adoptèrent comme une tradition importante, et l’influence de la secte la fit recevoir par toute la nation.

Parmi les fêtes chômées[8], le septième jour de Pâque et la Pentecôte sont les seules qui puissent tomber un vendredi ; mais il est facile de comprendre pourquoi : la translation des premières fêtes oblige déjà de ne pas commencer le mois de Nisan un lundi, un mercredi ou un vendredi ; si l’on eût voulu transférer aussi les deux autres fêtes en cas d’occurrence avec un vendredi, on aurait été obligé d’ajouter le jeudi et le samedi aux jours prohibés pour être le premier Nisan ; mais alors le dimanche et le mardi seraient seuls restés libres, et il aurait fallu parfois reculer le mois de Nisan, et avec lui tous les autres mois, de quatre jours consécutifs, du mercredi au dimanche ; cette translation énorme aurait eu le souverain inconvénient de briser complètement la concordance des mois civils avec les lunaisons, concordance déjà bien compromise par la règle de Badu telle qu’elle est.

XIV. Troisième exception, Jach-Adu. Cette exception, comme l’indique le mot qui l’exprime, se compose de la première et de la deuxième réunies, et elle a lieu lorsque, la première exception, Jach, fait reculer le commencement de Thisri sur un des jours prohibés par la seconde, Adu. Le premier Thisri est alors fixé deux jours après sa néoménie.

Exemple : en 1857, la néoménie aura lieu le samedi 28 septembre, à 23 h. 485 ch. ; l’exception Jach reportera le premier Thisri au dimanche, et ensuite l’exception Adu le reportera du dimanche au lundi 30 septembre.

XV. Quatrième exception, Gatrad (ce mot signifie 3, 9, 204). Lorsque la première néoménie d’une année simple tombe un mardi (3e férie), à 9 h. 204 ch., ou plus, le premier du mois doit être reporté au jeudi.

Exemple : en l’an 1879, la néoménie aura lieu le mardi 16 septembre, à 12 h. 109 ch. ; comme il s’agit d’une année simple, le premier du mois sera reporté au jeudi 18 septembre.

Voici le motif de cette exception : Lorsque la néoménie d’une année simple tombe un mardi, après 9 h. 204 ch., la néoménie de l’année suivante tombe inévitablement un samedi après 18 heures, ce qui oblige à remettre le premier du mois au lundi. Or, si on laissait au mardi le commencement de l’année précédente, cette année aurait 356 jours, durée anormale pour le calendrier hébraïque. On remet donc le commencement de cette première année du mardi au jeudi, et elle n’a plus que 354 jours.

XVI. Cinquième exception, Batuthakpat (mot dont les lettres hébraïques signifient 2, 15, 589). Lorsque après une année embolismique la néoménie de l’année suivante tombe un lundi (2e férie), à 15 h. 589 ch., ou au-dessus, le premier jour de l’an est remis au mardi.

Exemple : la néoménie tombait, en l’an 1758, le lundi 4 septembre (date grégorienne), à 17 h. 701 ch., et l’année précédente avait été embolismique : en conséquence de la cinquième exception, le premier du mois fut remis au mardi 5 septembre.

Cette exception est très rare, et, pour la retrouver, il faudra aller jusqu’en l’an 1927.

Voici le motif de cette exception. Lorsque la néoménie qui suit une année embolismique arrive le lundi, après 15 h. 589 ch., la néoménie de l’année embolismique a nécessairement di] être un mardi après 18 heures, et, en vertu de l’exception Jach-Adu, le premier Thisri a été remis au jeudi suivant ; cela étant, si le premier jour de l’année suivante était laissé au lundi, il arriverait que l’année embolismique n’aurait que 382 jours, durée trop courte pour une année de 13 mois.

XVII. Les trois dernières exceptions ne sont que des conséquences de la deuxième, la fameuse règle de Badu, qui est évidemment d’origine pharisienne.

D’aprés cet exposé, on voit que pour établir le calendrier d’une année hébraïque quelconque, il suffit de connaître à quelle date précise, dans l’année solaire et dans la semaine, tombent la néoménie de cette année et celle de l’année suivante. Cette double connaissance permet de donner à l’année entière, et ensuite à chacun des mois, leur véritable longueur, conformément aux règles établies précédemment.

Nous nous abstenons d’exposer ici les autres méthodes imaginées par les rabbins pour arriver au même but. Cela nous entraînerait à de longues et inutiles digressions. Ces méthodes permettent aux rabbins de fixer les dates de leur calendrier, sans s’occuper du calendrier julien ou grégorien.

XVIII. La constitution du calendrier hébraïque donne lieu aux deux remarques suivantes :

1° Le jeu des semaines, au milieu des années plus ou moins longues, fait nécessairement varier la position du sabbat par rapport à celle des fêtes annuelles. Ces variations donnent lieu à quatorze calendriers différents, qui comprennent toutes les occurrences possibles des jours de la semaine avec ceux des mois.

2° Après un intervalle de 13 cycles (247 ans), les néoménies reviennent aux mêmes jours de la semaine, à quelques minutes près ; la différence se borne à un retard de 905 chelakim. Il s’ensuit que, sauf les rares exceptions produites par cette différence, les années hébraïques se représentent alors avec les mêmes longueurs et les mêmes féries initiales et finales.

Cette période luni-solaire de 247 ans est appelée le grand cycle par les Hébreux ; elle est beaucoup plus satisfaisante que le petit cycle de 19 ans ; mais sa longueur la rend d’un usage moins facile et moins fréquent.        `

Le grand cycle a été inventé par Gamaliel, celui sans doute qui fut le maître de saint Paul, et que juifs et chrétiens entourent d’une égale vénération.

XIX. Les Hébreux ont trois sortes de fêtes : 1° le sabbat, qui revient à la fin de chaque semaine, et qui est chômé avec la plus grande rigueur ; 2° la néoménie, ou le premier jour du mois civil, fête qui, sans être chômée, est l’objet d’un culte particulier ; 3° les fêtes annuelles. Ces dernières sont essentiellement fixes et se célèbrent toujours au même quantième du mois.

Sept d’entre elles sont chômées, conformément à la loi de Moise ; ce sont : la Pâque (15 Nisan), le septième jour de la Pâque (21 Nisan), la Pentecôte (6 Sivan), le premier jour de l’année civile (1er Thisri), le grand Jeûne ou l’Expiation (10 Thisri), les Tabernacles (15 Thisri), l’octave des Tabernacles (22 Thisri).

XX. Les Talmudistes ont statué que, hors de la Palestine, toutes ces fêtes, excepté celle de l’Expiation, qui est un jour de jeûne, seraient de deux jours consécutifs.

La même décision est appliquée aux néoménies, mais seulement à celles qui terminent les mois de trente jours ; le trentième jour du mois est alors férié, à l’instar du jour suivant, premier de l’autre mois. Cette décision remonte jusqu’à Esdras ; tous les peuples d’Asie suivaient alors le calendrier luni-solaire ; mais, comme ils ne s’accordaient pas tous pour l’agencement des mois de 29 jours avec ceux de 30 jours, les Juifs répandus au milieu d’eux eurent recours à la double célébration, des fêtes, pour être plus sûrs de ne point manquer le jour chômé à Jérusalem.

XXI. Tékuphat (révolution). Ce mot est employé par les Hébreux pour désigner le commencement des saisons, de sorte qu’il y a quatre tékuphat, celle d’automne, celle d’hiver, celle de printemps et celle d’été. Mais, par une anomalie étrange, les tékuphat reviennent périodiquement après une année solaire de 365 jours et 6 heures, tandis que l’année hébraïque moyenne est moins longue de près de 5 minutes ; il s’ensuit que les tékuphat retardent de plus en plus sur l’année hébraïque moyenne. Elles retardent encore plus sur la véritable année solaire, qui n’est que de 365 jours 5 h. 49’.

Ce dernier retard devient sensible après,un certain nombre de siècles ; aussi le célèbre Hillel, au quatrième siècle, a, dit-on, fait remonter toutes les tékuphat onze jours plus tôt, et, nonobstant cette réforme, elles sont aujourd’hui d’environ dix-sept jours en retard sur les saisons solaires.

XXII. La tékuphat du printemps, ou tékuphat-nisan, est arrivée en l’an 1867, le 7 avril, à 6 heures du matin, tandis que l’équinoxe du printemps a eu lieu le 20 mars, à 8 h. 4’ du soir.

Par suite de leur retard sur l’année solaire, les tékuphat ont nécessairement reculé de 12 jours depuis le quatrième siècle, et on constate ainsi qu’Hillel a dû alors fixer la tékuphat du printemps au 25 mars à midi (pour l’année bissextile), et, sans la suppression des 11 jours faite par ce réformateur, la tékuphat aurait même dû arriver le 5 avril au quatrième siècle. En acceptant cette donnée, il faut remonter jusqu’en l’an 2980, P. J., ou 1754 avant l’ère chrétienne, pour trouver la coïncidence de cette tékuphat avec l’équinoxe. Cette dernière date n’est antérieure que de 30 ans à la naissance de Moise, et il est probable que les Hébreux ont alors emprunté aux Égyptiens, parmi lesquels ils se trouvaient, la connaissance du jour de l’équinoxe, et l’usage d’en fixer le retour après une année complète de 365 jours et 6 heures. Telle était, en effet, la durée que les Égyptiens attribuaient dès lors à l’année solaire ; leur année civile ne comprenait, il est vrai, que 365 jours ; mais ils reconnaissaient que la fraction des heures négligées forçait le premier Thot de cette année vague à parcourir successivement toutes les saisons de l’année solaire, et à revenir à sa première place au bout d’une période de 1461 ans.

XXIII. Voici quelles sont les données fondamentales du calendrier hébraïque :

Commencement de l’ère hébraïque : 7 oct. 953, P. J.

Première néoménie : lundi 7 oct., à 5 h. 204 ch.

Tékuphat-Thisri : 12 j. 20 h. 204 ch. avant la néoménie.

Mois synodique de la lune : 29 jours 12 h. 793 ch.

Douze mois (année simple) : 354 jours 8 h. 876 ch.

Treize mois (année embolismique) : 383 jours 21 h. 589 ch.

Année julienne moyenne : 365 jours 6 h.

Cycle hébraïque de 19 ans : 6,939 jours 16 h. 595 ch.

Cycle julien de 19 ans : 6,939 jours 18 h.

Déficit de l’année simple hébraïque sur l’année julienne : 10 jours 21 h. 204 ch.

Excédant de l’année embolismique hébraïque sur l’année julienne : 18 jours 15 h. 589 ch.

Déficit du cycle hébraïque sur le cycle julien 1 h. 485 ch.

 

 

 



[1] Les Juifs modernes placent invariablement le commencement du jour civil à 6 heures du soir ; mais leurs ancêtres le faisaient commencer avec le coucher du soleil ; les douze heures du jour étaient alors beaucoup plus courtes en hiver qu’en été, et de là vient la distinction faite par les anciens entre hora hiberna et hora œstina. Pour éviter cette inégalité, les anciens astronomes rapportaient leurs observations aux heures équinoxiales, qui sont toujours de soixante minutes, comme les nôtres.

[2] Voir le calendrier hébraïque de Venture (Amsterdam, 1770).

[3] Saint Épiphane raconte comment un patriarche juif du nom d’Hillel se convertit au christianisme peu de temps avant de mourir (Hœres., XXX, 5). Mais cet Hillel vivait environ un siècle avant celui qui réforma le calendrier. Cependant dom Calmet et plusieurs identifient ces deux personnages.

[4] Les années sabbatiques et jubilaires d’autrefois étalent comptées suivant l’usage civil, et comprenaient ainsi les semailles et la maturité de la même récolte. Toutes les semaines d’années, dans le Pentateuque, dans Daniel ou ailleurs, commencent ainsi vota l’équinoxe d’automne.

[5] Nicolas Muler, Judœorum annus lunœsolaris (Groningue, 1630).

[6] Comparé au méridien de Paris, celui de Jérusalem est à 2 h. 11’ à l’est ; celui d’Alexandrie à 1 h. 50’ ; celui de Babylone à 2 h. 45’ et celui de l’Eden serait, suivant Muler, à 2 h. 37’ 20", toujours à l’orient de Paris.

[7] Il faut ainsi ajouter 6 heures pour la première année après la bissextile, 12 heures pour la deuxième, 18 heures pour la troisième, et 0 pour l’année bissextile elle-même.

Nous appelons ici année julienne l’année complète de 365 jours et 6 heures, sans aucune suppression.

Lorsqu’il s’agit d’une date postérieure à l’an 1582, E. C., et soumise à la réforme du calendrier julien par le pape Grégoire XIII, on opère comme dans l’exemple indiqué ; mais, à la fin de l’opération, il faut avoir soin d’ajouter au résultat les jours retranchés par la réforme grégorienne, jours qui sont au nombre de 12 pour le dix-neuvième siècle, et de 13 pour le vingtième.

[8] Les fêtes chômées chez les Juifs, en vertu de la loi mosaïque, sont au nombre de sept : le commencement de l’année civile, Rosch Haschana (1er thisri), l’Expiation, Kippour (10 thisri), les Tabernacles, Soukkot (16 thisri), l’octave des Tabernacles, Schemini Azzéreth (22 thisri), la Pâque, Pessah (15 nisan), le septième jour de la Pâque (21 nisan) et la Pentecôte, Schebouoth (6 sivan).

En suivant le calendrier actuel, les cinq premières de ces fêtes ne peuvent jamais tomber un vendredi.