ÉTUDES CHRONOLOGIQUES POUR L'HISTOIRE DE N. S. JÉSUS-CHRIST

 

QUATRIÈME PARTIE — CONCORDE DES QUATRE ÉVANGILES

CHAPITRE III. — Chronologie des temps apostoliques.

 

 

I. À la chronologie de l’histoire évangélique nous ajoutons ici celle des temps apostoliques, qui est le complément nécessaire de la première.

Les temps apostoliques s’étendent depuis la première Pentecôte chrétienne, dimanche 24 mai de l’an 33, jusqu’à la mort du dernier des Apôtres, saint Jean l’évangéliste, en l’an 100. Mais la partie la plus importante de cette période s’arrête à la ruine de Jérusalem, en l’an 70, et nous n’irons pas plus loin dans cet exposé.

II. Le principal point de repère entre l’an 33 et l’an 70 est la captivité de saint Pierre à Jérusalem, fait que nous croyons pouvoir rapporter avec certitude à l’an 42. Les autres événements, qui peuvent encore servir de base chronologique, sont le retour de saint Paul de Damas à Jérusalem, en l’an 37 ; le concile de Jérusalem, en l’an 48, l’arrestation de saint Paul à Jérusalem, en l’an 57 ; le martyre de saint Jacques le Mineur, en l’an 62, et enfin le martyre des apôtres Pierre et Paul, en l’an 67, trois ans seulement avant la ruine de Jérusalem.

III. La captivité de saint Pierre à Jérusalem doit être fixée, disons-nous, à l’an 42, et en voici les raisons : 1° Elle a eu lieu au temps de Pâque, sous le règne d’Hérode Agrippa (Actes, XII) ; or Agrippa n’a pris possession de son trône à Jérusalem qu’après la Pâque de l’an 41, et il est mort avant celle de l’an 44[1]. 2° D’après saint Luc (ibid.) cette captivité a coïncidé avec la mission des apôtres Paul et Barnabé, tous deux délégués par les chrétiens d’Antioche à ceux de Jérusalem, à l’occasion d’une grande famine arrivée sous le règne de l’empereur Claude. Or les historiens profanes rapportent la plus grande intensité de cette famine au second consulat de Claude, en l’an 42. La disette a duré, il est vrai, au delà des limites de cette année ; mais c’est à sa première apparition qu’il faut rapporter le voyage des deux envoyés ; car saint Luc observe (Actes, XI, 28, 29 et 30) que la collecte apportée par eux avait été provoquée par les prédictions du prophète Agabus, et conséquemment dès le principe de cette famine.

Tillemont retarde la captivité de saint Pierre jusqu’en l’an 41, afin de pouvoir ainsi la faire suivre immédiatement de la mort d’Agrippa ; il prétend se conformer ainsi au récit de saint Luc qui raconte, en effet, cette mort aussitôt après la captivité de saint Pierre (Hist. ecclés., t. I, p. 521). Mais il est d’abord certain, d’après Josèphe, qu’Agrippa était mort avant la Pâque de l’an 44, et de plus il faut observer que, d’après saint Luc lui-même, Agrippa aurait séjourné quelque temps à Césarée après la captivité de l’apôtre ; si ce séjour est faiblement indiqué dans la version latine, il l’est bien mieux dans l’original : Καί, κατελθών άπό τής Ίουδαίας είς τήν Καισαρείαν, διετρίβεν. Ce séjour, du reste, ne fut pas très long : la mort d’Agrippa arriva en l’an 43, un an seulement après la captivité de saint Pierre, et la brièveté de cet intervalle permettait bien à saint Luc de réunir les deux événements dans un même récit.

IV. La date de la captivité de saint Pierre étant une fois connue, on voit aussitôt la vérité de la tradition qui fait siéger le prince des Apôtres vingt-cinq ans à Rome (de 42 à 67), tradition attestée par Eusèbe dans sa Chronique. Ce fut, en effet, aussitôt après sa délivrance que Pierre quitta l’Orient pour se dérober aux persécutions des Juifs, et qu’il vint à Rome où il fixa pour toujours le siège de son pontificat.

Tillemont rapporte la mort des apôtres Pierre et Paul à l’an 66, de préférence à l’an 67, et la principale raison qu’il en donne c’est que, le 29 juin 67, l’empereur Néron n’était pas à Rome, mais en Grèce, et qu’ainsi il n’aurait pu condamner lui-même les deux apôtres (Hist. ecclés., t. I, p. 529). Mais rien ne prouve que la condamnation ait été prononcée par Néron lui-même. Un contemporain du fait, le pape saint Clément, détruit même cette supposition, en disant de saint Paul qu’il a confessé la foi devant les préfets, car, d’après Pearson, tel est le sens des mots : έπί τών ήγουμένων[2].

Rien n’empêche donc de rapporter le martyre des deux apôtres à l’an 67, et telle est la date la plus autorisée, car elle est donnée par plusieurs auteurs, et notamment par Eusèbe et saint Prosper dans leurs chroniques ; de plus elle s’accorde avec la durée traditionnelle de vingt-cinq ans attribuée au pontificat de saint Pierre à Rome. Plusieurs Pères, il est vrai, et notamment saint Jérôme, d’ans sa notice sur saint Pierre, donnent au martyre des deux apôtres la date de l’an 68, dernière année de Néron ; mais cet empereur mourut le 9 juin de l’an 68, et l’anniversaire du martyre des deux apôtres tombant le 29 juin, Néron n’a pu ordonner leur mort en cette année-là, la date de l’an 68 devient ainsi impossible, et son indication confirme la date du 29 juin 67, de préférence à toute autre date plus récente. C’est aussi à cette date de l’an 67 que revient saint Jérôme, quand il place la mort de Sénèque deux ans avant celle de saint Pierre. Tacite nous apprend, en effet (Ann., XV, 48 et 64), que Sénèque se donna la mort en l’an 65. Quant aux écrivains qui rapportent la mort des deux apôtres avant l’an 67, leur nombre est très restreint, et leur autorité est loin d’être comparable à celle d’Eusèbe et de saint Jérôme.

V. Le pontificat de saint Pierre à Rome a donc commencé en l’an 42, quelque temps après la Pâque. Mais avant de fixer son siège à Rome, le prince des Apôtres avait été sept ans évêque d’Antioche, ce qui reporte à l’an 35 le commencement de son pontificat dans cette dernière ville. C’est, en effet, à cette époque que remonte l’existence de l’Église d’Antioche, et il est tout à fait probable que saint Pierre qui, cette année-là même, visitait toutes les chrétientés dispersées dans la Syrie, a passé à Antioche, la capitale de la province, où se trouvait l’une des plus importantes de ces chrétientés.

L’Église catholique est superposée au monde et, par une règle invariable, elle a toujours pris pour capitale et pour centre la capitale des pays qu’elle a occupés. Tant qu’elle fut circonscrite dans les limites de la Palestine, saint Pierre, son chef, fut évêque de Jérusalem ; lorsqu’en l’an 35 le vent de la persécution eut semé des chrétientés naissantes dans toute la Syrie, saint Pierre fut évêque d’Antioche, et, lorsque après une nouvelle persécution, en l’an 42, l’Église franchit les limites de l’Orient pour s’étendre à tout l’empire romain, saint Pierre fut évêque de Rome, et il le sera toujours, car Rome, la ville éternelle, est à jamais la capitale du monde.

VI. C’est aussi en l’an 42, et pendant le voyage que saint Paul fit alors, d’Antioche à Jérusalem, que nous croyons devoir placer la vision qu’il eut dans le temple, et par laquelle le Seigneur lui-même l’institua apôtre des Gentils[3]. Cette vision, la plus importante de toutes dans la vie de saint Paul, nous parait être la même que celle dont il place la date mémorable quatorze ans avant l’époque où il écrivait sa seconde épître aux Corinthiens (Epist. ad Corinth., II, XII, 2). Or cette seconde épître est de l’an 56.

VII. Après avoir établi ces dates principales, nous pouvons maintenant exposer plus facilement la suite chronologique des faits.

Après l’ascension du Sauveur, arrivée le jeudi 14 mai de l’an 33, les Apôtres, les soixante-douze disciples et quelques autres, en tout cent vingt personnes, se réunissent dans le cénacle pour y attendre la venue de l’Esprit-Saint. Le disciple Matthias est alors élu pour compléter le nombre des douze Apôtres.

Le dimanche 24 mai, jour de la Pentecôte, vers la troisième heure du jour, l’Esprit-Saint descend sur les Apôtres. Trois mille personnes se convertissent et forment la première communauté chrétienne.

Quelques jours après, cinq mille personnes viennent augmenter le nombre des premiers convertis ; alors a lieu l’arrestation de Pierre et de Jean, puis celle de tous les Apôtres ; ils sont relaxés le lendemain sur l’avis de Gamaliel ; vient ensuite le châtiment d’Avanie et de Saphire, et enfin l’élection des sept diacres. On peut, sans la moindre difficulté, placer tous ces faits pendant les sept derniers mois de l’an 33. Dans la suite de son histoire, saint Luc a toujours soin de noter les intervalles notables qui ont séparé les faits qu’il raconte. Or, s’il n’indique ici rien de semblable, c’est que les faits se sont suivis à de courtes distances, et telle est l’opinion commune parmi les chronologistes.

A la fin de l’an 33 a lieu le martyre du premier diacre ; une grande persécution s’élève contre l’Église naissante et disperse la plupart des fidèles hors de Jérusalem.

VIII. Au commencement de l’an 34, le diacre Philippe évangélise Samarie, et, dans le courant de la même année, les apôtres Pierre et Jean vont donner la confirmation aux Samaritains convertis.

La même année (34), Saul, l’un des plus ardents persécuteurs, est envoyé à Damas pour y poursuivre les chrétiens réfugiés. Damas appartenait alors au roi des Arabes, Arétas, et, ce prince n’étant pas encore en état de guerre ouverte avec Hérode Antipas, les communications entre les pays étaient faciles : Saul pouvait y faire des arrestations au nom du grand-prêtre des Juifs, et conduire ensuite les personnes arrêtées à Jérusalem. La guerre éclata entre les deux pays en l’an 36, au plus tard, et cette circonstance nous assure la date du voyage de Saul à Damas, en l’an 34, à deux ans près ; les faits qui suivent nous semblent encore resserrer davantage cette approximation et en fixer les limites dans le courant de l’an 34. Paul est converti soudainement, avant d’arriver à Damas ; il reste ensuite dans cette ville et dans l’Arabie (Epist. ad Galat., I, 17-18), c’est-à-dire dans les environs de la ville, pendant trois ans : la guerre a lieu durant cet intervalle, et les relations ayant cessé entre les deux pays, les fidèles de Jérusalem restent ignorants de la conversion de Saul, autrement saint Paul (Actes, IX, 26).

En l’an 37, Paul est dénoncé par ses ennemis au gouverneur de Damas ; sa qualité de citoyen romain, loin de le protéger, ne peut alors que lui nuire, car le roi Arétas est en guerre avec les Romains. Dans cette extrémité, les chrétiens descendent Paul par-dessus les murailles, et il revient à Jérusalem.

IX. Mais bien avant cette époque, et dès l’an 35, Pierre avait confié à Jacques le Mineur l’Église de Jérusalem, et il était allé lui-même visiter toutes les chrétientés naissantes de la Syrie. Il dut alors passer à Antioche., et, il se trouva naturellement le chef direct et immédiat de l’Église établie dans la capitale de la Syrie (Actes, IX, 32).

La même année (35), Antioche voyait arriver dans ses murs le nouveau préfet de Syrie, Vitellius, qui venait enfin remplacer Pomponius Flaccus, mort depuis deux ans. Il est très probable que les chrétiens qui avaient fui de Jérusalem à Antioche se plaignirent alors, au nouveau préfet, des violences qu’ils avaient subies car, au commencement de l’an 36, Vitellius s’étant rendu à Jérusalem au temps de Pâque, il déposa le grand-prêtre Caïphe dont il n’est plus parlé dans l’histoire, et le remplaça par Jonathas, pontife beaucoup plus doux et plus juste (Antiq., XVIII, 6, et XX, 6). La persécution cessa alors complètement[4]. Or, dit saint Luc, l’Église répandue dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie, avait la paix, et elle s’édifiait en marchant dans la crainte du Seigneur, et elle était remplie de la consolation de l’Esprit-Saint (IX, 31).

X. La même année (36), Pierre continue de visiter les Églises ; nous le retrouvons, dans les Actes, à Lydda, à Joppé, et enfin à Césarée, où a lieu un des faits les plus importants de l’histoire religieuse, la conversion du centurion Corneille.

Cette conversion est accompagnée de signes éclatante, et longuement racontée par saint Luc, parce qu’elle eut pour conséquence l’admission des Gentils dans l’Église. Ici se terminent les soixante-dix semaines de la prophétie de Daniel, qui vont ainsi depuis l’an 4259 de la période julienne, jusqu’à l’an 4749 ou 36 de l’ère chrétienne.

Pierre revient à Jérusalem et déclare aux fidèles que les Gentils sont aussi appelés au bienfait de la nouvelle Alliance. La dispersion des Apôtres doit avoir eu lieu après cette déclaration ; c’est seulement de l’an 36 à l’an 42 que l’on peut placer le voyage de Jacques le Majeur en Espagne, car cet apôtre fut martyrisé en l’an 42 à Jérusalem. C’est aussi en l’an 36 que saint Thomas envoya le disciple Thaddée à Édesse, et le roi Abgar se convertit bientôt après.

XI. Au commencement de l’an 37, Vitellius ôte à Pilate le gouvernement de la Judée, et l’envoie à Rome rendre compte de sa conduite à l’empereur. Pilate est remplacé en Judée par Marcellus.

Vitellius reçoit alors l’ordre de marcher au secours d’Hérode le tétrarque, contre le roi des Arabes, Arétas. La mort de Tibère, arrivée le 16 mars de l’an 37, met fin aux hostilités.

Caïus Caligula, successeur de Tibère, exile Pilate à Vienne, dans les Gaules, et donne à Hérode Agrippa le titre de roi avec la possession des deux tétrarchies qui avaient appartenu à Philippe et à Lysanias (Josèphe, Antiq., XVIII, 7 et 8).

La même année, Paul, revenu de Damas à Jérusalem, reste quinze jours avec Pierre, prêche la foi du Christ aux Juifs hellénistes, et, pour éviter les embûches de ses ennemis, prend le parti de se retirer de Jérusalem à Tarse, sa patrie.

Vers l’an 38, l’Église d’Antioche reçoit un grand nombre de Gentils dans son sein, et, vers l’an 39, Pierre leur envoie de Jérusalem Barnabé, pour les fortifier dans la foi.

En l’an 40, Barnabé va chercher Paul à Tarse, et l’amène à Antioche pour lui faire partager son ministère.

La même année, Caligula enlève à Hérode Antipas la tétrarchie de la Galilée, et la donne au roi Hérode Agrippa. Antipas et sa femme, la rameuse Hérodiade, sont d’abord exilés à Lyon, dans les Gaules, puis en Espagne, où ils périssent misérablement. Caligula entreprend en même temps de faire placer sa statue dans le temple de Jérusalem.

Pendant une année entière (Actes, XI, 6) Paul et Barnabé évangélisent les habitants d’Antioche et en convertissent un grand nombre. Les fidèles commencent alors à être désignés sous le nom de chrétiens. C’est aussi à Antioche et à la même époque que le prophète Agabus a prédit la famine qui devait bientôt désoler l’empire romain. On voit par saint Luc (Actes, XI, 28) que cette prédiction a dû précéder l’avènement de Claude à l’empire.

En l’an 41, le 24 janvier, l’empereur Caligula est tué ; Claude, son oncle, est proclamé le lendemain à sa place, et l’un des premiers actes du nouvel empereur est de donner la province de Judée au roi Hérode Agrippa, et de faire cesser toutes les vexations dont les Juifs étaient alors les victimes en Palestine, en Égypte et ailleurs (Josèphe, Antiq., XIX, 4).

La même année, saint Matthieu, après avoir prêché la foi aux Hébreux et aux Syriens, compose pour eux le premier évangile, et part ensuite pour aller évangéliser l’Éthiopie. A la fin de l’année, la famine commence à se faire sentir dans l’empire romain.

XII. En l’an 42, à l’époque de la Pâque (dimanche 25 mars), Paul et Barnabé vont à Jérusalem porter la collecte des fidèles d’Antioche, et soulager ainsi la misère des chrétiens de Jérusalem. Hérode Agrippa venait alors de faire mourir Jacques le Majeur, et préparait le même sort à Pierre. Celui-ci est miraculeusement délivré pendant les jours des Azymes ; aussitôt après il quitte Jérusalem et la Syrie, où la haine de ses ennemis l’aurait facilement découvert et atteint ; il se rend en Occident et arrive à Rome, avec Marc, son disciple (Eusèbe, Chronic.).

En l’an 43, le roi Hérode Agrippa meurt à Césarée, visiblement frappé par la colère divine. Tout le royaume de Palestine retombe alors sous la juridiction romaine, et Cuspius Fadus y est envoyé comme gouverneur. Fadus fut remplacé, vers l’an 46, par Tibère Alexandre, juif apostat, neveu de Philon (Josèphe, Antiq., XIX, 7, et XX, 3).

En l’an 44, Marc écrit à Rome le second évangile (Eusèbe, Chronic.).

XIII. Vers le même temps, Paul et Barnabé quittent Antioche pour aller évangéliser les contrées voisines : ils parcourent l’île de Chypre, et arrivent à Paphos, où a lieu la conversion du proconsul Sergius Paulus.

Revenant ensuite sur le continent, les deux apôtres s’arrêtent à Perge, en Pamphylie, à Antioche de Pisidie, à Iconium, à Lystre, et Derbe, et dans toutes les principales cités de la Lycaonie.

Vers l’an 47, ils reviennent à Antioche de Syrie, en repassant par les villes qu’ils ont évangélisées, et partout ils établissent des évêques et des prêtres, après quoi ils séjournent à Antioche un temps assez considérable (Actes, XIII et XIV).

En l’an 48, un grand trouble s’élève à Antioche, parmi les nouveaux convertis, que plusieurs judaïsants veulent forcer à recevoir la circoncision. Paul se rend alors à Jérusalem quatorze ans après sa conversion[5].

XIV. CONCILE DE JÉRUSALEM. Pierre, revenu de Rome à Jérusalem, préside ce Concile oit se trouvent plusieurs apôtres, notamment Jacques, évêque de Jérusalem, Jean, Paul et Barnabé. L’inutilité des observances mosaïques est décrétée : Paul et Barnabé sont chargés de publier cette décision parmi les Gentils (Actes, XV).

La chronique d’Eusèbe rapporte à cette année la mort de la vierge Marie, et la permanence de saint Jean à Jérusalem jusqu’à cette époque confirme cette indication historique. Marie devait avoir alors soixante-dix ans.

Pierre étant allé à Antioche, vers cette époque, refuse de fréquenter les chrétiens de la gentilité, afin de plaire à ceux du judaïsme. Cette faiblesse lui est reprochée par Paul, dans une discussion restée célèbre (Epist. ad Galat., II, 11-12).

En l’an 49, l’empereur Claude, pour mettre fin aux querelles des Juifs et des chrétiens, les exile tous de Rome (Orose, VII, 6 ; Suétone, in Claude).

La même année, entre mai et septembre, le jeune Agrippa, fils du roi Hérode Agrippa, est fait roi de Chalcide[6], et quatre ans après, en l’an 54, il échange ce royaume pour celui de la Trachonite, en Palestine.

XV. De l’an 48 à l’an 50, Paul et Barnabé quittent Antioche ; Barnabé s’associe Jean-Marc, et passe avec lui dans l’île de Chypre. Paul, ayant Silas avec lui, va visiter les chrétiens de l’Asie-Mineure ; il repasse à Lystre, à Derbe, et dans les autres villes déjà évangélisées, publiant partout le décret du concile de Jérusalem. Il traverse ensuite la Phrygie, la Galatie et la Mysie, sans y prêcher. A Troade, saint Luc se joint à lui. Ils passent de là en Macédoine et s’arrêtent à Philippes, à Thessalonique, à Bérée, à Athènes, et enfin à Corinthe, alors capitale de la province d’Achaïe.

A la fin de l’an 59[7], Paul arrive à Corinthe, où il va loger dans la maison du juif Aquila, lequel avait quitté Rome TOUT RÉCEMMENT (Actes, XVIII, 2), en l’an 49 (Orose, VI, 7), pour obéir au décret de l’empereur Claude.

Pendant son séjour à Corinthe, Paul écrit successivement les deux épîtres aux Thessaloniciens[8].

En l’an 53, après un séjour de dix-huit mois (Actes, XVIII, 11-21), une émeute a lieu à Corinthe, contre Paul ; Gallion, frère de Sénèque, était alors proconsul d’Achaïe. Cette émeute n’empêche point l’apôtre de rester encore plusieurs jours. Il part ensuite pour aller a Jérusalem, apparemment pour la fête de la Pentecôte.

Pendant le voyage, Paul s’arrête à Éphèse, où il prêche dans la synagogue et fait quelques prosélytes ; il repart presque aussitôt, mais en promettant de revenir ; il arrive à Césarée de Palestine, monte à Jérusalem, où il salue les fidèles, et descend ensuite à Antioche, où il reste quelque temps (Actes, XVIII, 1-18).

À la fin de l’an 53, Paul parcourt la Galatie et la Phrygie, et fait un grand nombre de conversions dans ces contrées.

Au commencement de l’an 54, il revient à Éphèse et y reste deux ans et quelques mois (Actes, XIX, 9 et 10). Pendant cet intervalle il écrit aux Galates et ensuite aux Corinthiens[9].

XVI. En Judée, Tibère Alexandre, Juif apostat et neveu du célèbre Philon, avait succédé au gouverneur Cuspius Fadus dès l’an 46, et il avait été lui-même remplacé par Ventidius Cumanus, en l’an 48. Ce fut sous le gouvernement de ce dernier que des rixes sanglantes eurent lieu entre les Juifs et les Samaritains. A l’occasion de ces rixes, et quelque temps avant la Pâque de l’an 52, Cumanus fut déposé par le préfet de Syrie, Quadratus (Josèphe, Antiq., xi, 5) ; Ananie, grand-pontife, Ananus, son fils, capitaine du temple, et Jonathas, fils d’Anne, furent envoyés prisonniers à Rome. Félix, affranchi de Claude, et frère du fameux Pallas, favori de Néron, fut alors nommé gouverneur de Judée en remplacement de Cumanus.

Sous Félix, le trouble et le brigandage augmentèrent encore en Judée. Il dut dissiper par les armes la faction d’un imposteur égyptien, qui s’enfuit au désert avec quatre mille hommes (Actes, XXI, 38 ; Josèphe, Antiq., XI, 6). Le même Félix fit tuer le grand-pontife Jonathas.

A Rome, l’empereur Claude, empoisonné par sa femme Agrippine, meurt le 13 octobre de l’an 54, et a pour sui censeur son beau-fils, Néron. Celui-ci 6t tuer sa mère en l’an 59.

XVII. Après la Pentecôte (Ep. ad Corinth., I, XVI, 8) de l’an 56, Paul avait quitté Ephèse pour se rendre en Macédoine. Arrivé à Philippes, il est rejoint par Titus, qui vient lui apprendre le bon effet produit à Corinthe par sa première épître. Paul en écrit alors une seconde à la même Église[10], et, dans cette secondé épître, il rappelle la vision qu’il a eue quatorze ans auparatant (en l’an 42).

. L’apôtre traverse ensuite la Macédoine, et revient en Grèce oit il passe les trois mois de l’hiver à Corinthe (Actes, XX, 3-6 ; Epist. ad Cor., I, XVI, 6). Pendant cet intervalle, il écrit l’épître aux Romains[11].

En l’an 57[12], il revient de nouveau en Asie par la Macédoine, s’arrête à Philippes, pour la Pâque (jeudi 7 avril), et continue ensuite sa route par mer, vers Jérusalem, en passant par Troade, Asson, Mitylène, Chio, Samos, Milet, où les fidèles d’Éphèse viennent le saluer, Cos, Rhodes, Patare, Tyr, Ptolémaïs, et enfin Césarée, où il passe quelques jours chez le diacre Philippe. Il monte ensuite à Jérusalem pour y célébrer la fête de la Pentecôte, et, cinq jours après son arrivée, il est surpris dans le temple par ses ennemis qui soulèvent le peuple contre lui. Le tribun Lysias le dérobe à la fureur du peuple, et deux jours après le fait conduire à Césarée, où il reste captif deux années entières, jusqu’au rappel du gouverneur Félix (Actes, XX, XXIV).

En l’an 59, Portius Festus, successeur de Félix, ordonne que Paul sera conduit à Rome pour y être jugé par l’empereur. Le départ s’effectue au commencement de septembre ; mais, par suite des mauvais temps, le navire se trouvait encore dans les eaux de l’île de Crête à l’époque du grand jeûne (10 Thisri ou 16 octobre).

[ici il manque les pages 368 et 369 du livre]

. . . . . populaire, et livra aux supplices les plus raffinés une secte d’hommes vulgairement appelés chrétiens, et que leurs infamies avaient déjà rendus odieux. Leur nom vient du Christ qui, sous le règne de Tibère, avait été mis à mort par le procurateur Ponce Pilate... Une multitude immense de ces malheureux furent alors condamnés, moins comme incendiaires que comme victimes de la haine du genre humain.....

XXI. La même année, Gessius Florus avait remplacé Albinus en Judée. La ruine de Jérusalem allait bientôt s’accomplir.

La veille de la Pâque, ou le 8 avril de l’an 65, des prodiges effrayants eurent lieu dans le temple ; le 21 mai on vit dans l’air comme des multitudes de chariots et de gens armés qui s’agitaient de toutes parts, et le jour de la Pentecôte, on entendit dans le temple une voix extraordinaire qui disait : Sortons d’ici. Pendant près d’une année, une comète ayant la forme d’un glaive brilla dans les cieux (Josèphe, Guerre, VI, 31, et Tacite, Hist., V, 13).

XXII. En l’an 66, au printemps, Paul quitte Nicopolis, passe à Troade, à Milet, à Corinthe, et revient à Rome où il est presque aussitôt arrêté, enchaîné et abandonné de tout le monde. Appelé une première fois devant les juges, il n’est point condamné à mort, mais il reste captif ; il écrit alors la seconde épître à Timothée, et il lui recommande de venir le trouver à Rome, avant l’hiver[13].

A Jérusalem, le 18 mai de la même année, le procurateur Gessius Florus fait massacrer, sans raison, plus de trois mille personnes (Josèphe, Guerre, II, 25 et 26). La guerre éclate au mois d’août suivant (Ibid., II, 31). Cestius Gallus, gouverneur de Syrie, se laisse battre le 8 novembre par les rebelles, et Néron, qui se trouvait alors en Grèce, envoie Vespasien pour le remplacer comme général en chef des troupes romaines.

XXIII. En l’an 67, au commencement de l’année, à Home, le Seigneur Jésus apparaît à Pierre, et lui révèle sa mort prochaine. L’al titi e écrit alors sa seconde épître. Paul écrit, pareillement l’épître aux Colossiens et celle de Philémon, et, le 29 juin, les deux apôtres sont mis à mort par ordre des préfets de Rome. Saint Lin succède à saint Pierre, et, occupe le pontificat pendant quelques mois.

A Jérusalem, les zélateurs juifs traînent au milieu du temple. Zacharie, fils de Baruch, homme que Josèphe représente comme un modèle de vertu, ne pouvant le faire condamner par le peuple, les zélateurs le massacrent au milieu même du temple (Guerre des Juifs, IV, 19).

Dom Calmet, Tillemont et plusieurs autres commentateurs ont pensé que ce Zacharie, fils de Baruch ou Barachie (noms identiques en hébreu) était le même Zacharie que Jésus-Christ dit avoir été tué entre le temple et l’autel, et dont il reproche le meurtre aux Juifs comme étant le dernier de tous leurs crimes (Matth., XXIII, 35). Le Sauveur aurait ainsi parlé à la manière des prophètes en mettant le passé pour le futur. Ce sentiment nous parait très probable.

La même année (67), Vespasien et Titus commencent la guerre et l’extermination des Juifs en Galilée et en Judée. Les chrétiens de Jérusalem et des pays voisins se retirent alors à Pella.

XXIV. En l’an 68, les Gaules, l’Espagne et l’Italie se révoltent contre Néron qui, de désespoir, se tue le 9 juin. Galba est proclamé empereur, il est massacré le 15 janvier suivant. Othon, qui le remplace, se tue lui-même trois mois après, et Vitellius, successeur d’Othon, est mis à mort le 3 octobre suivant. Au milieu de cette anarchie, Vespasien avait été proclamé empereur le premier juillet de l’an 69. Il laisse alors à son fils Titus le commandement de l’armée dirigée contre les Juifs, et il vient à Rome.

XXV. En l’an 70, au commencement d’avril, Titus investit Jérusalem, et alors commence le siége le plus horrible qu’une ville ait jamais eu à subir ; le 17 juillet, le sacrifice perpétuel cesse faute de victimes ; le vendredi 10 août, le temple est réduit en cendres, et, le vendredi 7 septembre suivant, le reste de la ville est envahi par les Romains. Onze cent mille Juifs périssent pendant cette guerre, et un nombre beaucoup plus considérable est réduit en esclavage. — Les sacrifices ont cessé, l’abomination de la désolation est à jamais dans le temple, et Jérusalem est mise sous les pieds jusqu’à ce que les temps des Gentils soient accomplis (Daniel, IX, 27 ; Luc, XXI, 24).

 

 

 



[1] L’empereur Claude commença à régner le 25 janvier de l’an 41, et un des premiers actes de son règne fut de donner la province de Judée à Hérode Agrippa déjà roi d’Abilène et d’Iturée depuis la mort de Tibère (16 mars 37). Mais Agrippa, qui se trouvait à Rome à l’époque de cette dernière faveur, y resta encore un temps assez long et ne put certainement arriver en Judée pour la Pâque de l’an 41. Or il mourut la septième année de son règne sur l’Iturée, et la troisième de son règne à Jérusalem, c’est-à-dire avant la fin de janvier de l’an 44 (Josèphe, Antiq., XIX, 4 et 7). La Pâque pendant laquelle ce prince fit arrêter saint Pierre ne peut donc être que celle de l’an 42 ou celle de l’an 43.

[2] Voir Patrologie grecque, de Migne, t. I, col. 220.

[3] Actes, XXII, 17-21 ; Epist. ad Corinth., II, XII, 2 ; Epist. ad Gal., I, 1.

[4] Tertullien (Apol. V) et après lui Eusèbe, Orose et d’autres historiens rapportent que Tibère, ayant reçu de Pilate la relation des faits concernant la vie et la mort du Sauveur proposa au sénat de mettre le Christ au nombre des Dieux. Mais le Sénat n’ayant point agréé cette proposition, Tibère défendit de persécuter les chrétiens, et cette défense transmise à Vitellius aurait alors fait cesser la persécution suscitée par Caïphe.

[5] Dans l’épître aux Galates (I, 18, et II, 4) saint Paul dit qu’il a été à Jérusalem trois ans après sa conversion et ensuite quatorze ans après. Plusieurs chronologistes, au lieu de compter ces quatorze ans depuis l’époque de la conversion, les comptent depuis le premier voyage à Jérusalem, ce qui reporte le second voyage et le concile en l’an 51. Mais alors il ne reste plus assez de temps pour placer tous les faits survenus ensuite jusqu’à la captivité de saint Paul, en l’an 58 au plus tard.

[6] Voir Tillemont, Hist. des empereurs, t. I, p. 481 et 634.

[7] Cette date et les suivantes, qui sont relatives à l’histoire de saint Paul, sont basées sur celle de l’an 57 attribuée à la captivité de cet apôtre et sur les intervalles écoulés avant ou après cette date. Voir plus loin la note 12.

[8] Voir Tillemont, Hist. ecclés., t. I, p. 556, notes 10 et 11, et dom Ceiller, Auteurs sacrés, VII, saint Paul, IV, 4.

[9] Voir Dom Ceiller, Auteurs sacrés, VII, saint Paul, III, 1, et II, 5 et 6.

[10] Voir le même (Ibid.), II, 7.

[11] Voir le même (Ibid.), II, 1.

[12] La plus grande difficulté, dans la chronologie des Actes, est de déterminer la date de l’arrestation de saint Paul à Jérusalem, deux ans avant la fin du gouvernement de Félix en Judée et le commencement de celui de Festus.

Félix fut nommé gouvernent en l’an 52 (Tacite, Hist., V, 9). Il y avait déjà plusieurs années (Actes, XXIV, 10) qu’il en faisait les fonctions, lorsque saint Paul eut à se justifier devant lui, et il les remplit encore pendant deux ans. (Ibid., XXIV, 26).

D’un autre côté, Festus mourut en l’an 62 au plus tard ; car Albinus, son successeur, était déjà gouverneur de Jérusalem à la fête des Tabernacles de cette année-la, puisque Jésus, fils d’Ananus, commença à lancer ses malédictions prophétiques (Jos., de Bello, VII, 12). Or les faits arrivés sous Festus demandent un intervalle d’environ deux ana pour le temps de son gouvernement. Ainsi Félix serait sorti de charge au plus tard en l’an 60, et saint Paul aurait été arrêté au plus tard en l’an 58. D’autres considérations ne permettent pas de faire remonter ces deux dernières dates plus de deux ans plus tôt, et, dans cette indétermination, nous avons adopté la date moyenne de l’an 57 pour celle de la captivité de saint Paul. Cette date nous parait en outre confirmée par l’intervalle de quatorze ans que saint Paul place entre son ravissement au troisième ciel et l’époque où il écrivait sa seconde épître aux Corinthiens. Malgré ces considérations, la date de la captivité de saint Paul et toutes celles qui s’y rattachent restent approximatives à un an près.

[13] Cf. Epist. ad. Tim., II, IV, 10-16, et Tillemont, Hist. ecclés., t. I, p. 582.