ÉTUDES CHRONOLOGIQUES POUR L'HISTOIRE DE N. S. JÉSUS-CHRIST

 

QUATRIÈME PARTIE — CONCORDE DES QUATRE ÉVANGILES

CHAPITRE Il. — Harmonie chronologique des quatre Évangiles[1].

 

 

§ I — Vie cachée du Sauveur.

I. L’origine de l’histoire évangélique remonte avant tous les temps, jusqu’aux profondeurs de l’éternité.

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était dès le commencement avec Dieu. Tout a été fait par lui, et rien de tout ce qui a été fait ne l’a été sans lui. (Jean, I, 1-3).

Tel est l’exorde de l’Évangile ; en peut en faire l’exorde de toute la Bible.

Après la génération du Verbe et après l’éternité sans commencement, l’ordre des temps amène la création da monde et des hommes, la chute originelle et tous les récits de l’histoire sacrée ou profane jusqu’à la venue du Sauveur.

II. L’apôtre saint Jean raconte la génération éternelle du Verbe (I, 1-14) ; un autre apôtre, saint Matthieu, raconte sa génération temporelle (I, 1-17).

Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham...

Suit la liste des ancêtres du Sauveur depuis Abraham jusqu’à Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ.

III. Après l’exposé préliminaire de cette double génération, le premier chapitre de saint Luc ouvre le récit des faits purement historiques, en racontant :

L’apparition de l’ange Gabriel au prêtre Zacharie (juin 4706, P. J.) ;

La conception de Jean-Baptiste (24 septembre 4706) ;

L’apparition de l’ange Gabriel à la vierge Marie ;

L’incarnation du Verbe (25 mars 4707) ;

La visite de Marie à sa cousine Elisabeth ;

La naissance de Jean-Baptiste (24 juin 4707) ;

Et la circoncision de l’enfant (1er juillet 4707).

IV. C’est seulement après la naissance de Jean-Baptiste, et le retour de Marie à Nazareth, que l’on peut placer l’apparition de l’ange envoyé à Joseph pour l’avertir de la maternité divine de Marie ; cette apparition est racontée par saint Matthieu (I, 18-25).

V. Nous reprenons ensuite le récit de saint Luc (II, 1-38) et nous y trouvons :

La nativité du Sauveur à Bethléem (25 décembre 4707) ;

L’adoration des bergers ;

La circoncision de l’Enfant divin (1er janvier 4708) ;

La purification de Marie au temple, avec tous les détails qui s’y rattachent (2 février 4708).

D’après l’opinion la plus probable, la sainte famille continua de rester à Bethléem après la purification et jusqu’à l’arrivée des Mages.

VI. Le second chapitre de saint Matthieu vient alors s’intercaler intégralement entre les versets 38 et 39 du second chapitre de saint Luc. Il comprend :

L’adoration des Mages (6 janvier 4709) ;

La fuite en Egypte ;

Le massacre des Innocents ;

La mort d’Hérode (1er avril 4710) ;

Et le retour de la sainte famille à Nazareth.

VII. Les quatorze derniers versets du second chapitre de saint Luc font suite à ces événements et comprennent :

La vie intime de Jésus à Nazareth ;

Ses voyages à Jérusalem ;

Et le séjour qu’il fit dans le temple à l’âge de douze ans, après la Pâque (20 avril 4720).

La vie de Jésus à Nazareth se trouve ensuite résumée par le même évangéliste en ces termes :

Et Jésus était soumis à Marie et à Joseph, et il croissait en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes.

Ainsi se termine l’histoire de la vie obscure du Sauveur ; elle est courte, mais pleine d’enseignements pour l’immense majorité des hommes appelés à vivre dans les mêmes travaux et la même obscurité.

VIII. Les difficultés relatives à la chronologie des deux premiers chapitres de saint Matthieu et de saint Luc ont été résolues dans la seconde partie de ces Études ; nous y renvoyons le lecteur. Nous revenons toutefois sur les faits dont l’indication précède, afin d’ajouter au texte sacré quelques explications chronologiques sur la naissance du Sauveur, l’adoration des Mages et les faits suivants jusque après la Pâque de l’an 4720.

IX. D’après une tradition ancienne recueillie par saint Epiphane (Hœres., LI, 10), saint Joseph serait né plus de quatre-vingts ans avant Notre-Seigneur, c’est-à-dire vers l’an 4627, P. J., au plus tard. Comme il vivait encore à l’époque où le Sauveur avait atteint sa douzième année (Luc, II, 42 et 48), il s’ensuit qu’il aurait vécu plus de quatre-vingt-douze ans. Cet âge peut paraître bien avancé. Cependant l’Histoire, apocryphe mais très ancienne, de Joseph le charpentier, le fait mourir à l’âge encore plus élevé de cent onze ans[2]. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’il était mort à l’époque où le Sauveur commença sa vie publique (29, E. C.)

X. Nous résumerons ici brièvement les principaux événements arrivés depuis l’époque présumée de la naissance de saint Joseph.

En l’année 4627, le roi Alexandre Jannée terminait les discordes civiles des Juifs par le supplice atroce de huit cents d’entre eux qu’il fit crucifier en sa présence.

Vingt-quatre ans après, Pompée, profitant de la guerre civile survenue entre les deux fils d’Alexandre Jannée, Hyrcan et Aristobule, prenait Jérusalem d’assaut et entrait de vive force dans le Saint des Saints (10 Thisri ou 22 septembre 4651). Cicéron et Antoine étaient alors consuls à Rome.

Le temple fut de nouveau profané et pillé par Crassus, neuf ans plus tard, en 4660. Pompée et Crassus n’eurent plus que des revers depuis leur sacrilège.

En l’an 4665, la bataille de Pharsale rendait Jules César seul maître de l’empire ; Hyrcan fut confirmé par lui dans la dignité de grand-prêtre et de prince des Juifs. César mourut assassiné cinq ans après.

En l’an 4673, les Parthes envahissent la Judée, emmènent Hyrcan captif, et donnent le trône de Jérusalem à son neveu Antigone.

L’année suivante, Hérode, fils d’Antipater, procurateur de Judée sous Hyrcan, se fait déclarer roi des Juifs par le sénat romain, et trois ans plus tard (4677) il s’empare de Jérusalem.

La bataille d’Actium, qui rend Octave seul maître de l’empire, en l’an 4683, ne change rien dans la situation du royaume de Judée[3].

Au milieu de toutes ces révolutions et de toutes les guerres qui bouleversèrent alors la Palestine entière, les descendants de David vécurent dans une obscurité relative, et cette obscurité paraît les avoir constamment dérobés aux persécutions des ambitieux.

XI. Vers le premier Thisri de l’an 4692, P. J., ou le 8 septembre de l’an 22 avant l’ère chrétienne, quinze ans avant la date réelle de la naissance du Sauveur, naquit à Nazareth la Vierge immaculée. Ses parents, saint Joachim et sainte Anne l’appelèrent du nom prédestiné de Marie, en hébreu Miriam ou Mariam, ce qui signifie reine ou dame. D’après d’anciennes traditions, Marie, à l’âge de trois ans, fut présentée au temple et se consacra elle-même à Dieu pour demeurer vierge[4].

Par une coïncidence remarquable, à l’époque où Marie prenait rang parmi les femmes consacres au service du temple (4695), Hérode entreprenait de reconstruire cet édifice, et, à la fin de l’an 4706, lorsque après deux ans de préparatifs et neuf ans de construction, le nouveau temple ouvrit ses portes pour sa dédicace[5], la vierge, alors âgée de quatorze ans, quittait l’asile de son enfance pour retourner à Nazareth. Ainsi, dans la personne de Marie, le temple vivant du Verbe incarné grandissait et s’élevait parallèlement avec le temple matériel de Jérusalem. Alors une ardente ferveur et une immense activité régnaient parmi toutes les personnes consacrées au service de Dieu : en même temps que les constructeurs travaillaient au gros œuvre de l’édifice, les femmes renouvelaient, sur de plus grandes proportions, le voile du temple et les divers tissus nécessaires au lieu saint. Mais, au milieu de cet empressement général, rien n’égalait l’ardeur et le succès de l’humble et jeune enfant qui, par un travail intérieur, préparait, dans la beauté de son âme, la forme que devait revêtir un jour le Fils de Dieu.

D’après les mêmes traditions[6], Marie atteignait sa douzième année, lorsqu’elle perdit son père, saint Joachim, dont elle était la principale sinon l’unique héritière. C’était en l’an 4704, P. J.

AN 4706, P. J. ; 8 AVANT L’ÈRE CHRÉTIENNE.

Asinius Gallus et Marcius Censorinus, consuls.

XII. L’empereur Auguste ordonne le dénombrement général des citoyens romains, et ensuite celui de tous les sujets de l’empire.

La même année, l’ange Gabriel apparaît au prêtre Zacharie, et lui annonce la naissance future de saint Jean-Baptiste.

AN 4707, P. J. ; 7 AVANT L’ÈRE CHRÉTIENNE.

Tiberius Claudius Nero II et Calpurnius Piso, consuls.

XIII. Vers le commencement de cette année, Hérode fait mettre à mort ses deux fils, Alexandre et Aristobule.

La vierge Marie se trouvant en âge d’être mariée, les prêtres auxquels elle avait été confiée délibèrent sur le parti qu’elle doit suivre ; la bienséance ne permet plus qu’elle reste dans le temple, et, d’autre part, son vœu de virginité défend de l’assujettir aux liens d’un mariage ordinaire. Dans cette difficulté, ils décident de la confier à une personne éprouvée, qui vivrait avec elle comme étant son fiancé, et serait son protecteur et le gardien de sa virginité. Saint Joseph, parent de Marie, homme d’une justice éprouvée, et très avancé en âge, est choisi pour remplir ce double but (V. la note 4).

L’Église célèbre la fête des fiançailles de la vierge Marie le 23 janvier.

INCARNATION DU VERBE (25 MARS).

Quelques jours après l’annonciation, Marie se rend à Hébron, pour visiter sa cousine Elisabeth. Elle revient à Nazareth, environ trois mois après, vers le 2 juillet, et c’est alors que Joseph est averti miraculeusement de l’état où elle se trouve.

L’édit du recensement général est publié en Palestine.

Ce recensement, dit saint Luc (II, 2), est le premier qui se fit sous la direction de Quirinius, commandant de Syrie. — Sentius Saturninus était alors préfet ou propréteur de cette province (voir première partie, c. III).

Le 24 décembre, Joseph se rend à Bethléem, sa ville natale, pour se faire inscrire avec Marie, son épouse. La nuit suivante (vendredi 25 décembre), le Sauveur riait dans une étable de Bethléem et commence, dans la crèche, sa vie de sacrifice et de rédemption.

AN 4708, P. J. ; 6 AVANT L’ÈRE CHRÉTIENNE.

Lelius Balbus et Caïus Antistius Vetus, consuls.

Circoncision du Sauveur, le vendredi 1er janvier.

Purification de Marie et présentation de Jésus au temple, le mardi 2 février.

AN 4709, P. J. ; 5 AVANT L’ÈRE CHRÉTIENNE.

Cæsar Augustus XII et Cornelius Sylla, consuls.

Suivant notre opinion, l’adoration des Mages doit être placée vers le 6 janvier de cette année.

XIV. Les Mages venaient d’Orient (Matth., II, 1 et 2), c’est-à-dire de l’ancienne Chaldée, pays de cette caste[7]. Ce qui prouve le grand éloignement de leur pays, c’est qu’arrivés à Jérusalem, ils ignorent la cruauté pourtant bien connue d’Hérode, et ne craignent pas de demander publiquement où est né le nouveau Roi des Juifs. On savait cependant, dans tout l’empire romain, qu’Hérode venait de faire mourir ses deux fils, Alexandre et Aristobule, coupables d’aspirer à cette royauté.

D’après une ancienne tradition, ces Mages portaient le titre de rois, et cette tradition est d’autant plus vraisemblable qu’il y avait alors, dans ces contrées, un grand nombre de petites principautés dont les chefs aimaient à prendre ce titre.

Nous avons dit précédemment pourquoi les Mages n’ont dû arriver à Jérusalem qu’au commencement de l’an 4708, lorsque le Sauveur entrait dans sa deuxième année.

Après avoir pris à Jérusalem toutes les informations possibles, les Mages partent pour Bethléem, le soir du g janvier, à une heure avancée. Bethléem n’étant qu’à deux lieues de Jérusalem, ils avaient le temps de trouver un logement à leur arrivée, et le lendemain ils s’informeraient du lieu où était né l’Enfant.

Telles étaient sans doute leurs dispositions sur la route de Bethléem, lorsque les étoiles commençant à paraître, ils reconnaissent parmi elles l’astre qu’ils ont vu en Orient et qui maintenant, par une course miraculeuse, vient peu à peu se placer au-dessus du lieu où est le Sauveur[8]. Il pouvait être alors six ou sept heures du soir, car, à l’époque du mois de janvier, le soleil se couche, vers cinq heures après midi, en Palestine. La nuit était donc close à l’arrivée des Mages, et si l’on accepte dans sa rigueur la date du 6 janvier 4709, la lune était alors absente du ciel, et la canstel3atioli du bélier passait silencieusement au zénith de Bethléem.

Les Mages, guidés par l’étoile, vont droit à l’étable, et l’adoration de l’Enfant a lieu aussitôt après leur arrivée. Quelques heures après, un ange leur apparaissait et leur recommandait de fuir immédiatement, sans retourner à Jérusalem.

La même nuit, saint Joseph pareillement averti fuyait, avec Jésus et Marie, vers l’Egypte, dans une direction opposée à celle des Mages. Hérode, qui avait congédié ces derniers dans la soirée du 6 janvier, ne pouvait compter sur leur retour que le lendemain ou même le surlendemain ; il ne put donc constater leur fuite que dans la journée du 8 janvier, lorsque déjà la sainte famille était complètement hors de ses atteintes.

Les évangiles canoniques ne nous disent rien des épisodes de cette fuite.

XV. A peine la sainte famille avait-elle franchi les limites de la Judée, qu’Hérode, d’accord avec ses conseillers intimes, Antipater, son fils, et Phéroras, son frère, ordonnait le massacre des enfants de Bethléem depuis l’âge de deux ans et au-dessous. Peu après, Antipater complote avec Phéroras l’empoisonnement d’Hérode, et, quand il croit ses mesures bien prises, il part pour Rome. La mort imprévue de Phéroras fait tout découvrir, et, sept mois après, Antipater revenant en Judée est aussitôt mis en jugement et condamné à mort.

AN 4714, P. J. ; 4 AVANT L’ÈRE CHRÉTIENNE.

Calvisius Sabinus et Passienus Rufus, consuls.

Au commencement de l’année, Hérode envoie demander à l’empereur Auguste la permission de faire mourir son fils Antipater. Lui-même, dans l’intervalle, tombe malade.

Antipater est mis à mort cinq jours avant le décès d’Hérode lui-même, qui meurt vers le premier avril.

Un autre fils d’Hérode, Archélaüs, est aussitôt proclamé roi de la Palestine entière ; quelques jours après une émeute ayant eu lieu pendant la fête de la Pâque (mardi 10 avril), Archélaüs fait massacrer trois mille Juifs dans le temple. Il part ensuite pour Rome, afin de faire confirmer sa royauté par l’empereur Auguste. Mais Auguste lui donne seulement le titre d’ethnarque de Judée, et constitue deux autres fils d’Hérode, Hérode-Antipas et Philippe, tétrarques, l’un de la Galilée, et l’autre de l’Iturée. La province d’Abilène est en même temps donnée à Lysanias, prince étranger à la famille d’Hérode.

XVI. D’après l’Évangile (Matth., II, 22), la sainte famille revint d’Égypte, lorsque Archélaos régnait en Judée, mais non en Galilée. Or la Galilée fut définitivement soustraite à l’autorité d’Archélaos par la décision d’Auguste rendue à Rome, et, d’après le récit de Josèphe (Antiq., XIII, 9 et 14), on voit que la nouvelle de cette décision ne put être connue en Palestine que deux ou trois mois après la mort d’Hérode.

La date du retour de la sainte famille à Nazareth se trouve ainsi reportée jusqu’au mois de juillet de l’an 4710. Le Sauveur avait alors deux ans et demi passés.

Durant les quelques mois qui séparèrent la mort d’Hérode de l’avènement de ses fils, la guerre avait étendu ses ravages sur toute la Galilée, et, entre autres désastres, la capitale de cette province, Séphoris, ville peu distante de Nazareth, fut prise et détruite par les Romains. La guerre cessa enfin après la décision d’Auguste (Josèphe, Antiq., XVII, 10, 11, 12 et 13).

La sainte famille se trouva dérobée, par son absence, aux fléaux de cette guerre ; mais elle dut trouver bien des ruines à son retour d’Egypte. L’Évangile se tait sur les difficultés de cette époque et passe aussitôt à un temps plus éloigné.

AN 4720, P. J. ; 7, E. C.

Licinius Nerva et Cecilius Metellus, consuls.

Publius Sulpitius Quirinius, propréteur de Syrie, et Coponius, procurateur de Judée.

XVII. Jésus, âgé de douze ans, se rend avec Joseph et Marie à Jérusalem pour y célébrer la Pâque. Après la fête, il reste dans cette ville, à l’insu de ses parents (Luc, II, 42-50).

La douzième année de Jésus correspond à l’an 4720 et à l’un des plus graves événements de l’histoire juive c’est, en effet, cette année-là même que Quirinius, alors gouverneur de Syrie, réduisit la Judée en province romaine et la soumit à un nouveau recensement. Archélaüs avait été privé de ses Etats dès la fin de l’année précédente, 4719, et, par suite, la nation tout entière se voyait dépouillée de son indépendance et soumise au procurateur romain et païen, Coponius. L’historien Josèphe (Antiq., XVIII, 1 et 3) raconte les nombreuses révoltes des Juifs à l’occasion de ce dernier envahissement de Rome : comment le feu de la guerre porta ses flammes jusque dans le temple de Dieu, et comment le grand-prêtre Joazar dut employer toute son influence pour apaiser le peuple, prêt à un soulèvement général[9].

Cette grande question de l’indépendance nationale était donc la préoccupation du peuple entier, réuni pour la Pâque de l’an 4720, et, si le Sauveur est entré alors dans une discussion publique avec les docteurs de la nation, cette discussion a dû naturellement toucher ce point si grave et si palpitant d’actualité : Fallait-il subir le joug de la nouvelle Babylone et payer des tributs de toutes sortes aux publicains envoyés par elle ? Les temps du Messie étaient accomplis ; ne pouvait-on pas cette fois espérer, en se révoltant contres la tyrannie des Gentils, que Dieu enverrait aux zélateurs de l’indépendance le Messie tant désiré ? Ne pouvait-on pas espérer que, suivant l’antique promesse, le Messie “ réduirait alors ses ennemis à devenir les marchepieds de sa gloire ” (Ps. 109) ?

Telles étaient les questions qui s’agitaient autour de Jésus, dans le temple de Jérusalem. On comprend dès lors l’importance des réponses données par le Sauveur. Or tous ceux qui l’entendaient étaient dans la stupéfaction, touchant sa prudence et ses réponses. (Luc, II, 47).

Les paroles et l’esprit de l’Évangile nous font deviner aisément le sens de ce premier enseignement de Jésus ; la résistance aux envahissements de Rome pouvait être légitime, mais elle était inutile et contraire aux desseins de Dieu. On désirait l’avènement et le règne du Messie ; mais ce règne, avant tout spirituel, ne devait point s’établir par la force des armes, et il fallait même, suivant la prophétie de Jacob mourant, que le sceptre sortit de Juda pour que le Messie fût donné à la terre. De telles paroles, jetées au milieu de la foule et des chefs, devaient faire comprendre à tous la volonté de Dieu et les déterminer à adopter le parti de la résignation.

XVIII. La prophétie de Jacob, que nous venons de rappeler, nous indique une corrélation profonde entre les manifestations de plus eu plus grandes du Messie et l’assujettissement parallèle de la nation juive.

Au moment probable où Auguste envoie de Rome l’ordre de comprendre le royaume d’Hérode dans le recensement de l’empire, c’est-à-dire au printemps de l’an 4707, l’ange Gabriel est aussi envoyé de Dieu pour annoncer à Marie l’incarnation du Verbe.

Quelques mois après, au moment où les descendants de David prêtent le serment de fidélité aux censiteurs romains de Bethléem, le Messie naît et est aussitôt inscrit sur le registre des sujets de Rome.

Deux ans et demi plus tard, lorsque Auguste porte un nouveau coup à l’indépendance des Juifs, lorsqu’il divise le royaume d’Hérode, refuse le titre de roi à ses différents successeurs et s’empare même, au nom de Rome, de plusieurs villes de la Palestine ; alors le Sauveur revient d’Egypte et prend possession de sa demeure à Nazareth.

Dix ans plus tard la Judée est réduite en province romaine, et alors, pour la première fois, le Christ, assis au milieu des docteurs de Jérusalem, leur fait des questions et leur donne des réponses.

Enfin, vingt-deux ans plus tard (4742, P. J., ou 29, E. C.), lorsque Tibère enlève au sanhédrin de Jérusalem le droit suprême de porter des peines capitales, alors le Christ annonce au peuple humilié la venue du royaume de Dieu, l’Évangile du salut est prêché, et bientôt la rédemption des hommes est opérée.

Le règne spirituel du Christ s’établissait ainsi de plus en plus à mesure que son royaume temporel était détruit par ses ennemis. De même, aussi pour le chrétien, les humiliations et la ruine du corps fournissent à l’âme la matière de son triomphe.

On voit ici l’importance de la chronologie : en fixant les dates respectives de l’histoire sacrée et de l’histoire profane, elle nous fait découvrir les rapports admirables de ces deux histoires, ainsi que la parfaite réalisation des prophéties de l’Ancien Testament,

XXI. En l’an 10, E. c. (4723, P. J.), Coponius est remplacé par Marcus Ambivius, qui a lui-même pour successeur, en l’an 13, Annius Rufus.

En l’an 14, le 19 août, l’empereur Auguste meurt à Nole, en Campanie, il a pour successeur son beau-fils, Tibère, de la famille des Claudius.

En l’an 15, Valerius Gratus est envoyé par Tibère pour administrer la Judée à la place d’Annius Rufus.

Après la disgrâce d’Archélaüs, Hérode-Antipas et Philippe, ses frères, étaient restés tranquilles possesseurs de leurs tétrarchies. Antipas bâtit alors une ville nouvelle sur les bords du lac de Génésareth et lui donna le nom de Tibériade, en l’honneur de Tibère. De son côté, Philippe augmenta Panéade, prés des sources du Jourdain, et la nomma Césarée. C’est près de cette ville que Notre-Seigneur promit à saint Pierre les clefs du royaume des cieux.

Vers l’an 23 au plus tard, Valerius Gratus ôta le pontificat à Ananus, pour le donner à Ismaël, fils de Phabi, et, depuis cette époque, les grands-prêtres furent changés presque chaque année.

Le grand-prêtre Ananus, ou Anne dans l’Évangile, passa, dit Josèphe, pour avoir été le plus heureux des hommes, parce qu’après avoir lui-même longtemps possédé le pontificat, il eut cinq de ses enfants revêtus de la même dignité, savoir : Eléazar, en l’an 24 ; Jonathas, en l’an 36 ; Théophile, en l’an 37 ; Matthias, en l’an 42 ; et Ananus le jeune, en l’an 61. Il faut y joindre son gendre Joseph, surnommé Caïaphe, qui posséda la même dignité, de l’an 26 à l’an 36, et qui parait en avoir alors partagé les honneurs avec son beau-père. Caïaphe, Ananus le jeune, et probablement les autres membres de cette famille appartenaient à la secte des Sadducéens[10], laquelle niait l’immortalité de l’âme ; on conçoit que cette négation les ait mis à l’aise dans leur haine contre Jésus, et on n’en comprend que mieux pourquoi Jésus, dans sa passion, assurait avec tant de force la vérité du jugement dernier en répondant au grand-prêtre Caïaphe.

En l’an 26, Valerius Gratus, après avoir été, pendant onze ans, procurateur de Judée, est remplacé par Ponce Pilate.

Pilate est représenté, par les historiens juifs, Philon et Josèphe, comme un homme servile, avare et cruel ; il fut le premier procurateur dont la mauvaise administration provoqua des séditions : une première fois, parce qu’il avait fait porter à Jérusalem des images idolâtriques représentant l’empereur Tibère ; une seconde fois, parce qu’il employait l’argent du trésor sacré à la construction d’un aqueduc. Comme cet aqueduc amenait ses eaux à l’endroit de Jérusalem appelé Siloé, il est assez probable que Pilate eut pour complices, dans cette œuvre sacrilège, les dix-huit malheureux qui furent écrasés en ce même lieu, et dont la mort est attribuée, dans l’Évangile, à un juste jugement de Dieu (Luc, XVIII, 4). Ces deux premières séditions sont placées par l’historien Josèphe avant la mort de Jésus (Antiq., XVIII, 4).

Philon raconte pareillement que Pilate souleva contre lui les susceptibilités des Juifs, en consacrant des boucliers à Tibère (Legat. ad Caium, p. 1033).

En l’an 32, Pilate fit massacrer plusieurs Galiléens occupés à offrir des sacrifices (Luc, XVIII).

En l’an 33, il ordonna la mort du Sauveur, et peu après il toléra la persécution des Juifs contre saint Etienne et les premiers chrétiens.

Enfin, en l’an 36, il dispersa par la force une troupe de Samaritains réunis sur le mont Garizim ; il en tua même un grand nombre. Les plaintes des Samaritains, celles des Juifs, et probablement aussi celles des premiers chrétiens déterminèrent le gouverneur de Syrie, Vitellius, 1 révoquer Pilate de ses fonctions, et à l’envoyer en jugement devant l’Empereur ; Pilate dut partir après avoir administré la Judée pendant dix ans ; il arriva à Rome après la mort de Tibère (17 mars 37), et l’empereur Caligula l’exila à Vienne, dans les Gaules, où il finit par se tuer de désespoir.

 

§ II — Première année de la vie publique du Sauveur[11].

An 29, E. C. ; 4742, P. J. ; 15 DE TIBÈRE CÉSAR.

Rubellius Geminus et Fusius Geminus, consuls.

I. Commencement, de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, fils de Dieu.

Suivant la prophétie d’Isaïe : Voici que j’envoie mon ange devant toi, pour te préparer le chemin, une voix crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur ; rendez droits ses sentiers, Jean-Baptiste, dans le désert, baptise et prêche le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés.

Ainsi commence l’évangile de saint Marc : l’événement qu’il raconte partage les siècles en deux parts à jamais distinctes, et la date de cette époque fastique de l’histoire humaine est donnée par saint Luc en ces termes :

L’an 15 de l’empire de Tibère César, Ponce Pilate étant procurateur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, Philippe, son frère, tétrarque de l’Iturée et de la Trachonite, et Lysanias tétrarque de l’Abilène ; sous les princes des prêtres Anne et Caïaphe, la parole du Seigneur se fit entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert, etc.

L’an 15 de l’empire de Tibère commençait le 19 août de l’an 28 de l’ère chrétienne, et le milieu de cette année impériale se trouve coïncider à peu près avec la Pâque de l’an 29.

FÊTE DE PÂQUE, DIMANCHE 17 AVRIL.

Les quatre évangélistes donnent un récit parallèle de la prédication préparatoire de saint Jean-Baptiste, et l’harmonie de ces quatre récits est facile à établir (Matth., III ; Marc, II, 1-11 ; Luc, III ; Jean, I, 6, 7 et 8).

II. Le baptême du Sauveur nous a paru devoir être figé vers le 8 novembre. Le 8 novembre de l’an 29 (mardi) correspondait au 14 du mois juif de Marshevan. Notre-Seigneur avait alors trente-quatre ans et dix mois.

Après le baptême du Sauveur vient son jeûne de quarante jours, ce qui nous conduit jusqu’au 19 décembre suivant. Alors a lieu la tentation (Matth., IV, 1-11 ; Marc, I, 12 et 13 ; Luc, IV, 1-13).

Saint Marc se contente d’indiquer cette tentation, saint Matthieu et saint Luc la racontent plus au long, et leurs récits, semblables en tout le reste, diffèrent seulement dans l’ordre des deux dernières scènes. Cette différence n’est pas une difficulté, car tous les interprètes s’accordent à suivre, pour ces trois scènes, l’ordre donné par saint Matthieu ; cet évangéliste présente en effet, dans le récit de la tentation, une gradation plus rationnelle, et il relie les trois scènes entre elles par des transitions expresses (τότε et πάλιν), transitions qui manquent dans saint Luc. Après la tentation, le Sauveur revient prés des lieux où Jean-Baptiste prêchait, comme nous le voyions par l’Évangile de saint Jean (I, 15 et suiv.).

AN 30, E. C. ; 4743, P. J. ; 16 DE TIBÈRE CÉSAR.

Cassius Longinus et Marcus Vinicius, consuls.

III. L’histoire des faits qui suivent se trouve presque exclusivement dans le quatrième évangile, depuis le verset 15 du chapitre I jusqu’au chapitre V.

Ce récit contient. :

Les témoignages de Jean-Baptiste touchant la mission divine de Jésus ;

La vocation des cinq premiers disciples du Sauveur ;

Le retour en Galilée ;

Les noces de Cana (c. II) ;

Le séjour à Capharnaüm ;

Le voyage de Jésus à Jérusalem, pour la pâque de l’an 30 (jeudi 6 avril) ;

Les vendeurs chassés du temple ;

La mention des miracles opérés le jour de la Pâque ;

La discussion de Jésus avec Nicodème (c. III) ;

Le séjour de Jésus en Judée ;

Les objections des disciples de Jean-Baptiste sur le baptême conféré par Jésus ;

La réponse de Jean-Baptiste à ses disciples ;

L’arrestation de Jean-Baptiste[12] ;

Le retour de Jésus en Galilée par la Samarie (c. IV) ;

L’entretien arec la Samaritaine et le séjour à Sichar.

Une parole du Sauveur aux Apôtres (IV, 35) nous apprend qu’à l’époque de ces derniers faits, il n’y avait plus que quatre mois jusqu’à la moisson prochaine. Cette époque correspond ainsi au 30 novembre de l’an 30.

IV. Tels sont les faits connus de cette première année de la vie publique du Sauveur : Jésus passe cette année en Judée, à l’exception d’un court séjour à Capharnaüm avant la Pâque. Aussi les trois premiers évangélistes, qui racontent de préférence les faits arrivés en Galilée, se taisent-ils presque entièrement sur ceux de cette année ; ils se contentent de mentionner le baptême du Sauveur, son jeûne et sa tentation au désert, et enfin l’arrestation de Jean-Baptiste.

V. Suivant l’opinion de saint Épiphane (Hœres., LI, 16), nous rapportons à la date du 6 janvier le miracle opéré aux noces de Cana, et, d’après cette date, nous plaçons au commencement de l’an 30 les témoignages que Jésus reçoit de son précurseur à Béthanie au delà du Jourdain[13]. Ces témoignages se trouvent cités dans le quatrième évangile (I, 15 et suiv.) : C’est lui dont j’ai parlé, lui qui doit venir après moi, quoique supérieur à moi, parce qu’il était avant moi, etc.

L’ambassade envoyée à Jean-Baptiste par le sanhédrin de Jérusalem se trouve ainsi figée vers le 3 janvier de l’an 30.

Le lendemain (τή έπαύριον, le mardi 4 janvier), Jean-Baptiste voyant Jésus venir à lui, le désigne à ses disciples, en disant. : Voici l’agneau de Dieu... etc.

Le même jour (τή έπαύριον πάλεν) vers la dixième heure du jour, c’est-à-dire la quatrième après midi, Jean-Baptiste renouvelle le même témoignage, et aussitôt deux de ses disciples, André, frère de Pierre, et Jean, fils de Zébédée, s’attachent à la suite de Jésus ; Pierre est ensuite amené par son frère.

Le jour suivant (5 janvier), Jésus quitte Jean-Baptiste pour retourner en Galilée, et le troisième jour ont lieu les noces de Cana (6 janvier).

Les disciples de Jésus croient alors complètement en lui, et c’est très probablement aussi à cette époque que Jésus inaugure son baptême, en le leur conférant[14].

VI. Après les noces de Cana, Jésus quitte Nazareth pour venir habiter Capharnaüm avec sa mère, ses frères (cousins) et ses disciples. Il y demeura peu de jours, dit saint Jean (II, 12-13), et la Pâque des Juifs était proche, et il monta à Jérusalem.

FÊTE DE PÂQUE DE L’AN 30, JEUD1 6 AVRIL.

VII. Après la Pâque et après l’entretien avec Nicodème, Notre-Seigneur fait un séjour considérable (environ huit mois) en Judée.

Nous n’avons pas le récit détaillé de ses paroles et  de ses actions durant tout cet intervalle. Le quatrième évangéliste nous apprend seulement que Jésus fit alors un plus grand nombre de disciples que Jean-Baptiste, et que tous allaient à lui (Jean, III, 22-26, et IV, 1).

VIII. La première année de la prédication évangélique se termine alors par l’arrestation de Jean-Baptiste et le retour de Jésus en Galilée. Saint Matthieu (IV, 12) et saint Marc (I, 14) donnent pour motif de ce retour l’arrestation du Précurseur, et saint Jean, au contraire, en donne pour motif la jalousie des Juifs de Jérusalem.

Pour bien comprendre, dans cette occasion, la conduite du Sauveur et le récit des évangélistes, il importe d’observer que les Pharisiens de Jérusalem étaient de connivence avec Hérode-Antipas pour l’emprisonnement du Précurseur[15], et que leur haine venait du grand nombre de disciples qu’il avait. Jésus, qui en attirait alors un plus grand nombre que Jean-Baptiste, avait donc à craindre la même persécution, et ce fut pour l’éviter qu’il quitta la Judée et si retira à Capharnaüm. Or, pour expliquer ce retour, les évangélistes se contentent de nommer l’un ou l’autre des auteurs de la persécution.

Il importe aussi d’observer que le lac de Génésareth, sur le rivage duquel Capharnaüm était située, séparait les États d’Hérode de ceux de Philippe, son frère, prince beaucoup plus doux. Notre-Seigneur pouvait ainsi, en quelques instants, passer de l’un à l’autre de ces territoires. Capharnaüm et Bethsaïde, dont il est souvent parlé dans l’Évangile, se trouvaient elles-mêmes dans les États de Philippe. L’historien Josèphe le dit formellement de Bethsaïde (Antiq., XVIII, 3), et saint Matthieu le donne bien à entendre pour Capharnaüm, quand il dit (IV, 15) que Jésus en allant dans cette ville, se fixa dans la Galilée des Gentils (l’Iturée), AU DELÀ DU JOURDAIN, c’est-à-dire sur la rive orientale du lac et du fleuve. Il n’est donc pas étonnant que les pèlerins et les géographes ne trouvent aucun vestige de cette ville sur la rive occidentale où on la place ordinairement.

 

§ III — Seconde année de la prédiction du Sauveur.

I. La seconde année de la prédication divine commence avec l’arrestation de Jean-Baptiste et se termine avec sa mort arrivée vers la fête des Tabernacles de l’an 31.

Cette année et la suivante forment, comme nous l’avons dit, la période la plus florissante de la prédication évangélique, période qui s’écoule presque entièrement en Galilée sur les bords du lac de Tibériade.

L’année qui fait l’objet de ce paragraphe comprend des faits de la plus haute importance, tels que la vocation et l’élection des Apôtres : Le quatrième évangéliste nous en dit peu de chose ; mais les trois premiers en présentent un récit détaillé, et c’est dans l’ordonnance de ce récit que se trouvent le plus de difficultés pour établir la concorde ; aussi les discussions qui vont suivre ont-elles une grande importance au point de vue exégétique, le seul dont nous nous occuperons, pour ne pas étendre à l’excès les limites de cet ouvrage.

II. Lorsque Jésus, dit saint Matthieu (III, 12-15), eut appris que Jean avait été livré (par les Juifs à Hérode), il se retira en Galilée, et, abandonnant la ville de Nazareth, il vint habiter Capharnaüm, sur les bords de la mer (de Tibériade), aux confins de Zabulon et de Nephtali.

Et ainsi fut accomplie cette prophétie d’Isaïe : La terre de Zabulon et la terre de Nephtali, la voie qui longe la mer au delà du Jourdain, la Galilée des Gentils, la contrée assise dans les ténèbres, a vu une grande lumière et le jour a brillé dans la région des ombres de la mort.

Après que Jean eut été livré, dit saint Marc (I, 14-15), Jésus vint en Galilée, prêchant la bonne Nouvelle du règne de Dieu et disant : Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est arrivé, faites pénitence et croyez à la bonne Nouvelle.

Et Jésus, dit saint Luc (IV, 14 et 15), revint en Galilée avec la vertu de l’Esprit-Saint, et la renommée s’en répandit dans toute la région, et il les enseignait dans les synagogues, et tous disaient de grandes choses de lui.

III. Saint Jean nous apprend (IV, 43-54) que Jésus, à son retour, s’arrêta tout d’abord à Cana, et qu’il reçut dans cette ville la prière d’un officier de Capharnaüm, auquel il accorda la guérison de son fils.

De là Jésus se rend à Capharnaüm, et, passant sur les bords du lac, il appelle à lui les quatre pécheurs, Pierre, André, Jacques et Jean. Les deux premiers évangélistes placent en effet cette nouvelle vocation[16] des premiers apôtres immédiatement après l’arrivée du Sauveur ; saint Luc insère entre les deux faits un voyage de Jésus à Nazareth ; mais, comme il est question dans ce voyage de miracles déjà opérés à Capharnaüm, nous croyons devoir le reporter plus loin, et l’identifier avec celui que les deux premiers évangélistes racontent un peu plus tard.

A la vocation des quatre premiers apôtres, il faut joindre une pèche miraculeuse, comme on le voit par saint Luc. (VI, 1-11).

IV. Jésus rentre à Capharnaüm, prêche dans la synagogue de cette ville, et délivre un possédé ; le soir de ce jour, il guérit la belle-mère de Saint-Pierre et une foule d’autres malades.

Tous ces faits sont placés par saint Luc (IV, 31-43) avant la vocation des quatre pécheurs ; saint Matthieu, au contraire, le reporte assez longtemps après (VIII, 14-17). Leur véritable place est sans nul doute celle que leur assigne saint Marc (I, 21-29). Ce dernier observe, en effet, que Jésus avait alors avec lui les quatre premiers disciples qu’il venait d’appeler à sa suite.

Il remarque aussi que ce fut seulement après le coucher du soleil, ou après le terme final du repos sabbatique, que les malades de la cité furent amenés à Jésus et guéris par lui. Ces détails, dans saint Marc, ont, comme on sait, pour véritable auteur saint Pierre, dans la maison duquel les faits eurent lieu. Cette considération nous détermine à suivre ici l’ordre du second évangéliste, d’autant plus que rien ne s’y oppose dans le texte des deux autres.

Après avoir raconté la vocation des quatre pécheurs, saint Matthieu indique un temps assez long en disant (IV, 23-25) : Et Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant la bonne nouvelle du règne de Dieu et guérissant toute langueur et toute infirmité parmi le peuple, et le bruit de sa renommée se répandit dans toute la Syrie... et il fut suivi par des foules nombreuses venues de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée et d’au-delà du Jourdain.

AN 31, E. C. ; 4744, P. J. ; 17 DE TIBÈRE CÉSAR.

Tiberius Augustus V et Ælius Sejanus[17], consuls.

V. Les chapitres V, VI et VII de saint Matthieu reproduisent le célèbre discours sur la montagne, ce discours est lié formellement par l’évangéliste avec ce qui précède et ce qui suit, et c’est pour nous une raison pour ne point le déplacer.

Le P. Patrizzi[18], dont l’unique règle est l’autorité de saint Luc, laisse cependant ce discours à la place indiquée par Saint Matthieu ; il montre les différences qui empêchent de confondre le discours sur la montagne avec celui qui fut prononcé dans la plaine, et que saint Luc place à quelque temps de là (VI, 20-19) :

Les deux discours ont, en effet, leur date respective bien déterminée : le premier se trouve expressément rattaché en saint Matthieu (VIII, 1) à la guérison d’un lépreux ; or saint Marc (I, 40-45) et saint Luc (V, 12-11), rapportant la même guérison à la même époque, montrent par cet accord que le discours lui-même ne doit pas être déplacé. Le discours dans la plaine a suivi l’élection des Apôtres, et cette élection est de beaucoup postérieure à la guérison du lépreux (Luc, IV, 17).

Ce second discours reproduit, il est vrai, une partie du premier (environ 21 versets sur 109) ; mais ce n’est pas là une raison suffisante pour les identifier. Saint Luc a également reproduit les autres parties du discours sur la montagne, en différents endroits de son évangile, sans que pour cela l’on doive rapporter à tous ces fragments le discours entier. Il nous semble plus rationnel de dire que le Sauveur a prononcé d’une seule fois, au commencement de sa prédication en Galilée, le grand discours reproduit par saint Matthieu, et qui résume si bien toute la morale évangélique. Rien de plus naturel ensuite que Jésus ait rappelé quelques-unes des grandes maximes en différentes occasions, et surtout au moment où il venait d’élire les douze apôtres pour en faire les échos de sa doctrine.

Il est très probable, en outre, que saint Matthieu, encore publicain, se trouvait, avec une grande partie des habitants de Capharnaüm, parmi les auditeurs de Jésus, lorsque le sermon sur la montagne fut prononcé ; la sublimité des paroles aura gravé ce discours dans sa mémoire, et plus tard cette impression aura été le germe de sa conversion, le motif de sa prompte obéissance à rappel du Sauveur.

VI. La guérison du lépreux suit le discours sur la montagne (Matth., VIII, 1-4 ; Marc, I, 40-45 ; Luc, V, 12-14) ; Jésus rentre à Capharnaüm. Saint Matthieu place en cet endroit la guérison du serviteur d’un centurion ; saint Luc, au contraire, place le même fait après l’élection des Apôtres (VIII, 1-10). Nous préférons suivre ici saint Matthieu, qui habitait alors Capharnaüm, et nous croyons qu’il n’aurait pas placé avant sa propre conversion un fait arrivé sous ses yeux, si ce fait eût été en réalité postérieur à son apostolat.

Il semble impossible, en effet, que saint Matthieu se trompe lui-même sur l’époque de sa conversion, le fait le plus mémorable de sa vie, et nous croyons que tout ce qu’il place avant est réellement arrivé avant, et que tout ce qu’il rapporte après est pareillement arrivé après. Le dernier évangile contient sans doute des faits intervertis, avant comme après cette conversion ; mais ce dernier fait est pour nous une limite en deçà ou au-delà de laquelle les autres faits ne doivent pas être reportés.

VII. Du verset 18 au verset 23 (VIII), le même évangéliste nous montre le Sauveur s’embarquant sur le lac de Tibériade. Au moment même du départ, deux disciples hésitent à le suivre, et l’évangéliste rapporte les réponses faites à chacun d’eux. Ces deux épisodes, placés entre l’ordre de l’embarquement et l’embarquement lui-même, sont ainsi parfaitement localisés en saint Matthieu, et ce serait violenter le texte que de les reporter ailleurs. Saint Luc raconte plus loin ces deux épisodes avec un autre du même genre, mais il commence son récit par ces mots (IX, 57-62) : Or il arriva, tandis qu’ils étaient en chemin, etc. Le vague de cette formule nous oblige à nous en tenir au classement de saint Matthieu pour les deux premiers épisodes, et à laisser seulement le troisième, ajouté par saint Luc, à l’endroit ors il est placé par cet évangéliste.

VIII. Pour les faits suivants, nous réunissons dans une même discussion tout le récit de saint Matthieu, depuis le verset 23 du chapitre VIII jusqu’au verset 35 du chapitre IX.

Les trois synoptiques s’accordent, en effet, à raconter successivement la tempête sur le lac, la délivrance du possédé ou des possédés de Gérasa, avec la submersion des pourceaux, puis le retour à Capharnaüm, la guérison de l’hémorrhoisse et la résurrection de la ville de Jaïre.

Tous ces faits sont réunis, mais leur ensemble occupe une place différente chez saint Matthieu et chez les deux autres. Le premier les place à l’époque de sa propre conversion et les deux autres les rejettent assez longtemps après l’élection des Apôtres (Marc, IV, 35-VI, et Luc, VIII, 22-56). Quel parti suivre ?

Sans parler ici de la présomption qui, dans les cas douteux, appartiendrait à saint Matthieu, témoin oculaire des faits, il y a ici une considération décisive en faveur de cet évangéliste : au milieu même de cet ensemble de faits, il place un événement bien mémorable pour lui : c’est sa propre conversion, précédée de la guérison d’un paralytique, et suivie d’une discussion du Sauveur avec les Pharisiens. Les deux autres évangélistes s’accordent mieux avec saint Matthieu pour réunir ces trois derniers faits, mais non pour les rattacher à l’ensemble indiqué plus haut, cependant saint Matthieu relie expressément tous ces faits ; il nous montre Jésus discutant avec les Pharisiens, et il ajoute : Il leur parlait encore, et voici qu’un chef (de synagogue), nommé Jaïre, s’approcha de lui et l’adora en disant : etc.

Saint Matthieu est formel ; impossible de séparer les faits sans détruire le texte ; de plus son témoignage est inattaquable au point de vue humain : les faits se passent chez lui, dans la circonstance la plus mémorable de sa vie ; il affirme, en termes exprès, la succession immédiate de ces faits, et la critique historique, serait-elle seule, ne permettrait pas de supposer ici une erreur de sa part. Nous suivons donc l’ordre de saint Matthieu pour tous ces faits et pour deux autres qui viennent après, et dont cet évangéliste seul donne le récit ; ces deux faits sont la guérison de deux aveugles et celle d’un sourd-muet.

Et Jésus parcourait toutes les cités et les villages, enseignant dans leurs synagogues, prêchant la bonne nouvelle du règne de Dieu et guérissant toute langueur et toute infirmité (Matth., IX, 35).

PÂQUE DE L’AN 31, MARDI 27 MARS.

IX. La concorde générale a jusqu’ici suivi à très peu prés l’ordre du premier évangile, mais immédiatement après les faits qui précédent, l’ordre de cet évangile présente de graves difficultés :

Le chapitre X nous expose la mission des Apôtres, sans parler de leur élection préalable, tandis que saint Marc et saint Luc, beaucoup plus explicites en cet endroit, distinguent les deux faits et les séparent même par plusieurs autres, ce qui suppose entra eux un intervalle notable[19].

Le récit plus explicite de ces deux évangélistes doit donc être accepté et servir à rectifier celui de saint Matthieu. D’après cette rectification, les récits contenus aux chapitres X et XI de ce dernier doivent être déplacés et reportés immédiatement après ceux du chapitre XIII. L’épisode des épis cueillis se trouve alors suivre ces paroles du Sauveur : La moisson est grande, mais les ouvriers peu nombreux ; etc. (Matth., IX, 36-38) Comme on sait que Notre-Seigneur taisent ordinairement allusion, dans ses paraboles, aux choses qu’il avait sous les yeux, ces paroles doivent indiquer le temps de la maturité des blés, domine plus loin les paraboles de la semence nous indiqueront le temps des semailles. Sauf cette modification en saint Matthieu, le récit des faits concorde dans les trois évangélistes. La transposition indiquée ici, dans le récit de saint Matthieu, a été reconnue par tous les exégètes, et il est bien probable qu’elle est due à quelque dérangement des feuilles dans le manuscrit original ; sans elle on pourrait dire que le premier évangéliste a suivi l’ordre des temps avec une fidélité comparable à celle de saint Jean lui-même.

X. Le sabbat second-premier. — L’épisode des épis cueillis, qui vient ensuite des derniers faits classés, est rapporté à un sabbat que saint Luc appelle second-premier et qui doit être, selon nous, le samedi 5 mai de l’an 31.

Voici comment nous croyons devoir établir cette date.

Le fait se rapporte nécessairement à la moisson de l’an 31, et la moisson commençait ordinairement, en Judée, le lendemain de la Pâque, pour finir à l’époque de la Pentecôte. Or, en l’an 31, la Pâque tombait le 27 mars, époque peu avancée, où les orges elles-mêmes étaient à peine assez mûres pour fournir la gerbe des prémices ; la maturité des blés doit donc être reportée après cette date, aussi loin que le permet l’interprétation du mot second-premier. Nous rappellerons ensuite que la fête de la Pentecôte, en hébreu Schebouoth, ou fête des semaines, était ainsi appelée parce que, d’après la loi, elle devait être célébrée sept semaines après la Pâque[20]. Vous compterez sept sabbats, etc., avait dit Dieu à Moïse pour déterminer le jour de cette fête. Or, comme le sabbat second-premier se trouve nécessairement compris entre la Pâque et la Pentecôte, la plupart des interprètes pensent avec raison que l’indication du mot second-premier se rapporte à ce compte prescrit par la loi ; ruais ils diffèrent singulièrement entre eux sur le sens de ce mot. Est-ce le second sabbat après le premier jour des Azymes, ou le premier sabbat après le second jour, ou le second sabbat de la Pâque ; c’est-à-dire le septième jour de la fête ? Ou bien est-ce le jour de la Pentecôte lui-même, ou le premier sabbat après la Pentecôte ? Aucune de ces interprétations n’offre un sens vraisemblable : les trois premières, parce que les blés n’étaient pas assez mûrs ; et la dernière, parce que la moisson devait être finie à l’époque indiquée.

Nous croyons donc que saint Luc compte ici les sabbats en remontant du septième au premier, ou de la Pentecôte à la Pâque, suivant une méthode familière aux Anciens ; on sait que, chez les Romains, le deuxième jour des calendes était le deuxième avant et non après le premier jour du mois[21]. Cette interprétation nous paraît justifiée par la composition singulière du mot second-premier, qui signifierait ainsi second AVANT le premier. Ce sabbat tombe le 5 mai, en l’an 31, et à cette époque les blés étaient parfaitement mûrs en Palestine.

XI. La guérison de l’hydropique est placée, par les trois synoptiques, immédiatement après l’épisode des épis ; saint Luc dit toutefois qu’elle eut lieu dans un autre jour de sabbat (VI, 6). On peut donc, avec beaucoup de probabilité, la rapporter au samedi suivant (12 mai).

Viennent ensuite plusieurs faits dont l’ordre ne présente ici aucune difficulté :

La prédication faite sur la barque de Simon-Pierre (Marc, III, 7-12) ;

L’ÉLECTION DES APÔTRES (Marc, III, 13-19 ; Luc, VI, 13-16) ;

Le discours dans la plaine (Luc, VI, 17-49) ;

La délivrance d’un démoniaque sourd-muet[22] ;

La discussion des Scribes avec Jésus ;

Le blasphème contre le Saint-Esprit ;

La demande faite par les Scribes d’un signe dans le ciel ;

L’arrivée des parents du Sauveur ;

Les paraboles sur la semence ;

Et enfin celles de l’ivraie, du trésor découvert et de la pèche des poissons.

XII. Tous ces faits nous conduisent au mois de Thisri (6 septembre) de l’an 31. C’est, du moins, ce que l’on conjecture des allusions faites par Jésus aux semailles que l’on commençait alors en Judée, et c’est aussi ce qui semble résulter de l’époque probable à laquelle on doit rapporter un voyage que Jésus fit alors à Jérusalem.

Mais nous croyons devoir placer environ deux mois avant cette époque le passage du Sauveur à Nazareth (Matth., XIII, 54-58 ; Marc, VI, 1-6 ; Luc, IV, 16-30). Le samedi où Jésus entra dans la synagogue de Nazareth, on lui donna à lire le livre des prophéties d’Isaïe ; or le samedi, où les Juifs d’aujourd’hui lisent les prophéties d’Isaïe dans leurs synagogues, est le premier après le 9 du mois Ab. Ce samedi tombait le 21 juillet en l’an 31.

XIII. De Nazareth, Jésus, se dirigeant vers Jérusalem, passe à Naïm, où il ressuscite le fils d’une veuve (Luc, VII, 11-17).

Ce miracle fait grand bruit dans toute la Judée, et arrive jusqu’aux oreilles de Jean-Baptiste, dans sa prison de Machéronte ; c’est alors qu’il envoie deux de ses disciples à Jésus (Luc, VII, 18-35). Cette ambassade est racontée par saint Matthieu (XI, 1-19) aussitôt après la mission des Apôtres ; mais, comme cet évangéliste n’a pas distingué l’élection de la mission, presque tous les exégètes suivent ici l’ordre plus précis de saint Luc, qui place l’ambassade dans l’intervalle de ces deux faits.

XIV. Notre-Seigneur se trouvait alors en Judée, comme on le voit par la fin du chapitre VII de saint Luc. On croit en effet que la pécheresse, dont la conversion est racontée en cet endroit, est Marie-Madeleine ; que Simon le Pharisien, chez lequel cette femme entre en toute liberté, est le même que Simon le lépreux, lequel demeurait à Béthanie, prés de Jérusalem, et était le parent ou l’ami intime de la famille de Madeleine ; enfin que la ville, désignée en cet endroit d’une manière absolue, est Jérusalem elle-même.

XV. Ce voyage à Jérusalem concorde ainsi et s’identifie avec celui que saint Jean raconte en son chapitre V, et il faut placer ici, d’après le récit de cet évangéliste, la guérison du malade de la piscine au jour du sabbat, et la discussion soulevée par les Juifs sur ce sujet.

La fête qui motivait la présence du Sauveur à Jérusalem, à une époque aussi avancée de l’an 31, ne pouvait être que la fête des Tabernacles (20 septembre)[23].

XVI. Jean-Baptiste avait-il déjà subi la mort à cette époque ? Le P. Patrizzi et d’autres interprètes le pensent en raison des paroles suivantes, dites alors par Notre-Seigneur : Vous vous êtes adressés à Jean, et il a rendu témoignage à la vérité... IL ÉTAIT la lampe ardente et luisante, et vous avez voulu un moment jouir de sa lumière (Jean, V, 33-35).

Ces mots : il était, peuvent en effet impliquer la mort du Précurseur, mais ils peuvent aussi se rapporter à la détention qui, depuis un an, le dérobait à son ministère actif.

Il est certain que la mort de Jean-Baptiste a suivi de près l’ambassade envoyée par lui à Jésus, et cette ambassade nous parait coïncider avec le voyage de Jésus à Jérusalem pour la fête des Tabernacles.

Il est également certain, par le récit, des trois synoptiques, que Jean-Baptiste était mort assez longtemps avant la première multiplication des pains, arrivée elle-même avant la Pâque de l’an 32 (Jean, VI, 3). A cette époque, la mort du Précurseur remontait même à quelques mois, puisque les miracles du Sauveur avaient déjà fait dire à Hérode que Jean était ressuscité dans la personne de Jésus (Matth., XIV, 2 ; Marc, VI, 14, Luc, IX, 9).

Ces deux considérations nous portent à placer la mort de Jean-Baptiste aussitôt après la fête des Tabernacles (20 septembre) de l’an 31.

D’après la comparaison des textes[24], la mission des Apôtres aurait eu lieu vers la même époque, au retour de Jésus en Galilée, et cette coïncidence s’accorde bien avec cette règle générale, dans l’histoire évangélique, qu’un malheur temporel accompagne toujours le développement spirituel du règne du Christ : Si le grain de froment ne tombe à terre et ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit (Jean, XII, 24-25).

La mort du Précurseur et la mission des Apôtres[25] forment la transition de la seconde à la troisième année de la prédication du Sauveur.

 

§ IV — Troisième année de la prédication du Sauveur.

I. La troisième année de la prédication du Sauveur s’ouvre par la mort de Jean-Baptiste et la mission des Apôtres, et elle s’étend jusqu’à la fête des Tabernacles de l’an 32 (8 octobre).

La prédication du Sauveur nous apparaît alors dans tout son développement. L’arbre a produit ses fruits, et ses fruits deviennent d’autres arbres : ainsi la parole du Sauveur se multiplie par la mission des Apôtres et par celle des soixante-douze disciples ; la persécution ne sévit pas encore, et nous trouvons d’éclatants miracles, notamment les deux multiplications des pains et la transfiguration.

II. Une grande difficulté, commune à cette nouvelle période et à la suivante, consiste à localiser convenablement les faits contenus en saint Luc, depuis le verset 51 du chapitre IX jusqu’au chapitre XVIII.

Saint Luc a rassemblé dans ces huit chapitres une quantité considérable de faits qu’il n’avait point retrouvés en saint Marc, son guide ordinaire. Le récit est continu ; mais les faits se sont-ils succédé immédiatement ? L’auteur les place après la première multiplication des pains, arrivée elle-même peu de jours avant la Pâque de l’an 32 (Jean, VI, 4). Or, depuis cette époque jusqu’à la Passion, les événements se succèdent nombreux et pressés dans les deux premiers évangiles, et alors comment supposer dans leur narration une grande et unique lacune, capable de contenir à elle seule tous les récits propres à saint Luc ? Nous croyons que ces récits doivent plutôt être distribués à différents endroits de l’histoire évangélique, et le texte se prête lui-même à ces coupures avec la plus grande facilité : faits détachés, discours juxtaposés sans liaison intime, ces récits sont comme des échos brisés de la prédication divine. Saint Luc les réunit sans doute parce que les faits sont arrivés vers la même époque, mais non point toujours dans l’ordre rigoureux de sa narration.

Pour en citer un exemple, le premier de ces récits commence en ces termes (IX, 51) : Or il arriva, lorsque les jours de son enlèvement s’accomplissaient, qu’il (Jésus) résolut d’aller à Jérusalem. Ce peu de mots indiquent nécessairement le dernier voyage du Sauveur à Jérusalem, et cependant un peu plus loin nous retrouvons Jésus en Galilée (X, 13 ; XIII, 31 ; XVII, 11).

Il y a donc des faits intervertis dans cette partie du troisième évangile. Toutefois, là comme ailleurs, on ne peut rien déplacer sans un motif sérieux et, lorsque l’interversion n’a pas une grande probabilité, il vaut mieux respecter l’ordre de l’auteur.

III. Or, avant de classer ces récits de saint Luc avec les récits communs, nous indiquerons ici les déplacements et leurs motifs.

1° L’épisode arrivé dans le dernier voyage de Jésus à Jérusalem (IX, 51-56) doit être reporté prés des autres incidents relatifs à ce même voyage, et que saint Luc raconte beaucoup plus loin (XVII, 11).

2° Les deux premières réponses faites par le Sauveur à des disciples hésitants (IX, 57-60) doivent au contraire être reportées plus haut, pour des raisons déjà indiquées, plus haut.

3° Quant à la troisième réponse (IX, 61-62), il est tout à fait probable qu’elle était adressée à l’un des soixante-douze disciples dont la mission suit immédiatement. Elle ne doit donc pas être séparée de ce dernier fait.

4° La mission des soixante-douze disciples a eu lieu en Galilée, comme le prouve l’apostrophe adressée aux villes de Corozaïn, de Bethsaïde et de Capharnaüm (X, 13-15) ; elle est donc antérieure à la fête des Tabernacles de l’an 32, car, à cette époque, le Sauveur cessa de séjourner en Galilée.

Saint Luc annonce ainsi cette nouvelle mission : Après cela, le Seigneur désigna encore soixante-douze AUTRES disciples, et il les envoya deux par deux dans toutes les villes ou bourgades où il devait aller lui-même. Cette phrase indique seulement que la mission des soixante-douze disciples est postérieure à celle des douze apôtres racontée au chapitre précèdent, mais non point à tous les autres récits qui précédent, car, parmi ces récits, quelques-uns, et entre autres le premier que nous venons de citer, sont arrivés beaucoup plus tard.

Une allusion faite par Notre-Seigneur à la moisson de blés (X, 2) nous porte à placer cette mission vers la Pâque de l’an 32. Elle aurait ainsi eu lieu environ six mois après celle des douze apôtres[26].

5° Les faits racontés immédiatement après par saint Luc (X, 25-42) se sont passés en Judée, comme le prouve la réception de Jésus dans la maison de Marthe, à Béthanie, prés de Jérusalem. C’est ce qui nous explique pourquoi, au verset 30, Jésus parle d’un fait arrivé près de là, sur le chemin de Jérusalem à Jéricho.

Mais à quelle époque ce séjour en Judée ? Il faut ou le faire remonter à la fête des Tabernacles de l’an 31, ou le reporter à la même fête de l’an 32, car Jésus alla à Jérusalem pour ces deux fêtes, et non dans l’intervalle[27]. Nous préférons la dernière époque, comme le font la plupart des exégètes, parce qu’alors Jésus demeura assez longtemps en Judée.

6° Le chapitre XI contient plusieurs passages très semblables à certains récits que saint Matthieu place. . . . .

[ici il manque les pages 330 et 331 du livre]

. . . . . apôtres parvient jusqu’à Hérode, et c’est alors que celui-ci dit que Jean était ressuscité dans la personne de Jésus[28].

An 32, E. C. ; 4745, P. J. ; 18 DE TIBÈRE.

Domitius Ahenobarbus et Furies Camillus Scribonianus, consuls.

V. Le retour des Apôtres a lieu successivement après les nombreuses allées et venues dont parle saint Marc (VI, 31). Jésus les emmène de l’autre côté du lac ; une grande multitude les suit, et c’est alors qu’a lieu le premier miracle de la multiplication des pains[29].

Or la fête de Pâque était très proche (Jean, VI, 4).

Après la multiplication des pains, Jésus congédie ses apôtres et se dérobe à la foule qui veut le proclamer roi. Le lendemain, vers la quatrième veille de la nuit (trois heures du matin), tendis que les Apôtres ramaient encore péniblement sur le lac, Jésus vient à leur secours en marchant sur les eaux ; la barque touche alors au rivage de Capharnaüm[30].

Le même jour, le peuple se rassemble en foule autour du Sauveur dans la synagogue de Capharnaüm ; il leur annonce l’institution future de l’Eucharistie ; plusieurs de ses disciples murmurent contre ce nouveau dogme et le quittent en cette occasion (Jean, VI, 22-72).

Jésus parcourt ensuite le territoire de Génésareth et y guérir un grand nombre de malades (Matth., XIV, 31-36 ; Marc, VI, 53-56).

C’est à cette même époque que nous faisons remonter la désignation des soixante-douze disciples (Luc, X, 1-24).

PÂQUE DE L’AN 32, DIMANCHE 13 AVRIL.

VI. Des Pharisiens et des Scribes, venus de Jérusalem, reprochent aux disciples du Sauveur de manquer aux traditions des anciens, parce qu’ils ne purifient pas leurs mains avant le repas. Jésus répond à ces reproches et confirme ses apôtres dans l’inutilité des observances pharisaïques. Il se retire ensuite sur les confins de Tyr et de Sidon, et, dans ce parcours, il accorde à une femme chananéenne la guérison de sa fille.

Il revient alors près des bords du lac, et, s’étant arrêté sur une montagne au centre de la Décapole, il y guérit un grand nombre d’infirmes ; le troisième jour après son arrivée, il opéré le second miracle de la multiplication des pains, et passe ensuite le lac, et se rend sur les confins de Magdala (Matth., VX ; Marc, VII-VIII, 10).

VII. Les Pharisiens viennent de nouveau interroger le Sauveur et lui demander un signe dans le ciel. Jésus leur répond et traverse le lac.

Arrive à Bethsaïde, il guérit un sourd-muet.

A Césarée de Philippe, Pierre confesse la divinité du Christ, et Jésus lui promet les clefs du royaume des cieux. En même temps, il prédit sa passion ainsi que sa transfiguration. Six jours après, la transfiguration a lieu sur le Thabor, et elle est suivie de la délivrance d’un possédé des plus furieux (Matth., XVI et XVII ; Marc, VIII, 11-39, et IX 1-28 ; Luc, IX, 18-43).

VIII. Jésus traverse une partie de la Galilée, pour revenir à Capharnaüm ; il séjourne quelque temps dans cette ville ; c’est alors que Pierre trouve dans la bouche d’un poisson la pièce de monnaie réclamée par les collecteurs du didragme, et que le Sauveur prononce les discours contenus au chapitre XVIII de saint Matthieu, et au chapitre IX de saint Marc (29-49).

IX. A la suite de ces discours nous plaçons ceux qui ne nous sont connus que par saint Luc : le discours sur la prière (XI, 1-13), le repas pris chez un Pharisien, avec les reproches faits par Jésus en cette occasion (XI, 37-54), les discours à la foule, la parabole de l’homme avare, et les autres discours et paraboles contenus au chapitre XII.

Quelques Galiléens étant allés à Jérusalem offrir des sacrifices, Pilate les fait massacrer, on ne sait pour quel motif. A cette occasion, Jésus parle de la nécessité de la pénitence et prononce la parabole du figuier stérile. Quelque temps après, un jour de sabbat, il guérit une femme courbée et répond à un chef de synagogue qui blâmait ce miracle. On touchait alors à la fête des Tabernacles (8 octobre), et il n’y avait plus que six mois jusqu’au grand jour de la Passion ; Jésus, qui se dirigeait alors vers Jérusalem, rappelle à ses disciples la nécessité, pour chacun d’eux, de travailler sérieusement à l’affaire du salut éternel ; il annonce en même temps qu’il ne sera pas mis à mort dans les États d’Hérode, mais à Jérusalem (Luc, XIII).

 

§ V — Les derniers mois de la prédication évangélique.

I. La dernière période de la Prédication divine s’étend depuis la fête des Tabernacles de l’an 32 (8 octobre) jusqu’à l’ascension du Sauveur, jeudi 14 mai de l’an 33.

Courte, mais importante au suprême degré, cette période comprend le grand événement de la rédemption des hommes et l’institution des plus augustes sacrements de 1a loi nouvelle. Plus le dénouement de la Passion approche, et plus les faits avec les discours deviennent nombreux et palpitants d’intérêt. Sous un autre rapport, c’est à peine si, parmi tous ces faits, la concorde évangélique rencontre encore quelques légères difficultés. Les temps deviennent alors plus précis : pendant les premiers mois, saint Jean cite les fêtes des Tabernacles (8 octobre) et de la Dédicace (16 décembre) ; pendant la semaine de la Passion, nous pouvons suivre l’Histoire du Sauveur jour par jour et, le jour même de ce grand sacrifice, nous pouvons distinguer les heures des principaux événements.

II. L’époque initiale de cette dernière période est l’une des mieux précisées dans les évangiles.

Lorsque Jésus eut achevé tous ces discours, dit saint Matthieu (XIX, 1), il quitta la Galilée et vint sur les confins de la Judée, au delà du Jourdain.

Et saint Marc (X, 1) : Jésus, s’éloignant de là, s’en alla sur les confins de la Judée, au delà du Jourdain.

Saint Luc (XIII, 22) nous montre pareillement le Sauveur dirigeant alors ses pas vers Jérusalem[31]. Mais celui qui donne le plus de détails sur ce voyage du Sauveur, c’est saint Jean[32] : avant même de nous parler du séjour au delà du Jourdain, il raconte au long (VII) le départ de Jésus, son arrivée à Jérusalem le quatrième jour de la fête[33] (samedi 11 octobre), les discussions qui ont lieu avec les Juifs tant ce jour-là que le dernier jour de la fête (mardi 14 octobre) ; puis (VIII) le pardon de la femme adultère (15 octobre), les discours prononcés dans la salle du trésor et sous les portiques du temple ; ensuite (IX) la guérison de l’aveugle-né (samedi probablement 18 octobre), les nouvelles discussions qui s’ensuivent, enfin (X, 1-21) la parabole du bon pasteur et les différentes appréciations des Juifs.

III. Nous rapportons au séjour du Sauveur en Judée, après cette fête des Tabernacles, plusieurs récits contenus en saint Luc, et dont nous avons déjà discuté l’époque : la parabole du bon Samaritain et la réception de Jésus dans la maison de Marthe, à Béthanie (V, 25-42). Plus loin, un prince des Pharisiens invite Jésus à sa table, et, en cette occasion, Jésus guérit un hydropique et prononce les deux paraboles des conviés au festin (XIV, 1-24).

Le verset 25 du chapitre XXV indique ensuite un voyage du Sauveur : était-ce pour aller de Jérusalem en Galilée, ou bien au delà du Jourdain ? La première hypothèse est fondée sur un mot du même saint Luc (XVII, 11), suivant lequel le Sauveur, pour revenir ensuite à Jérusalem, aurait eu à traverser le milieu de la Galilée, et la seconde s’appuie pareillement sur un mot de saint Jean (X, 40), lorsque après la Dédicace, il dit que le Sauveur se retira de nouveau au delà du Jourdain.

Les deux hypothèses peuvent parfaitement se concilier, en observant que Jésus a pu dès lors se retirer au delà du Jourdain, puis remonter jusqu’en face des rives galiléennes, sur lesquelles il aura passé une dernière fois, en revenant à Jérusalem.

IV. C’est pendant ce premier séjour de Jésus au delà du Jourdain que viennent se placer les discours adressés à la foule, les discours aux Pharisiens, les paraboles de la brebis égarée, de la dragme perdue, de l’enfant prodigue et de l’économe infidèle. Les Pharisiens qui étaient avares écoutent cette dernière parabole avec mépris, et Jésus, pour leur montrer le danger de l’avarice, ajoute celle du mauvais riche.

La corrélation du verset 18 du chapitre XVI de saint Luc avec un passage semblable en saint Matthieu (XIX, 3-12) et en saint Marc (X, 2-12) porte aussi à rapporter à l’époque de ce premier séjour la demande insidieuse des Pharisiens sur le mariage, ainsi que la réponse où Jésus expose la vraie doctrine sur ce contrat sacramentel.

V. Jésus traverse la Galilée et la Samarie. C’est dans ce voyage que les apôtres Jacques et Jean veulent faire tomber le feu du ciel sur un village de Samaritains (Luc, IX, 51-56), et que furent guéris les dix lépreux (Luc, XVII, 11-19).

FÊTE DE LA DÉDICACE.

25 Casleu, mardi 16 décembre de l’an 32, E. C.

A Jérusalem, Jésus se promenant sous le portique de Salomon soutient une nouvelle discussion avec les Juifs (Jean, X, 22-39).

Après la fête, il se retire de nouveau au delà du Jourdain, dans le lieu où Jean baptisait autrefois (Jean, X, 40).

AN 33, E. C. ; 4746, P. J. ; 18 DE TIBÈRE.

Sulpicius Galba et Cornelius Sylla Felix, consuls.

VI. Jésus retiré au delà du Jourdain prononce la parabole du juge inique et celle du Pharisien et du publicain (Luc, XVIII, 1-14) ; puis viennent les récits communs aux trois synoptiques : la bénédiction des enfants, la difficulté du salut pour les riches, et le mérite de ceux qui ont tout quitté pour suivre Jésus (Matth., XIX, 13-3U ; Marc, X, 13-31 ; Luc, XVIII, 15-30).

Saint Matthieu ajoute ici (XX, 1-16) la parabole des ouvriers envoyés à la vigne ; l’époque où l’on était alors devait en effet concorder avec celle de la taille des vignes.

VIII. C’est pendant ce séjour de Jésus au delà du Jourdain qu’eurent lieu la maladie et la mort de Lazare, Jésus se rend alors à Béthanie, et rappelle Lazare à la vie quatre jours après son décès.

Après la résurrection de Lazare, le grand-prêtre Caïphe et les membres du sanhédrin décident en conseil la mort de Jésus ; le Sauveur se retire alors secrètement à Ephrem, ville située à six lieues environ au nord de Jérusalem (Jean, XI).

Comme la Pâque des Juifs était alors très proche (Jean, XI, 55), Jésus n’a dû faire qu’un séjour très court en ce lieu.

1er NISAN, VENDREDI 20 MARS.

VIII. Dernier départ pour Jérusalem. Vers les premiers jours de Nisan, le 25 mars au plus tard, Jésus quitte Ephrem pour se diriger vers Jérusalem. Pendant le voyage, il prédit de nouveau sa passion ; il répond ensuite à la demande ambitieuse des fils de Zébédée.

Il arrive à Jéricho, où Zachée le reçoit dans sa maison ; Jésus lui promet le pardon et prononce, en cette occasion, la parabole des dix mines. Cette parabole est la même que celle des dix talents en saint Matthieu (XXV, 14-30), et comme saint Luc précise parfaitement les circonstances où elle fut prononcée, nous suivons ici l’ordre qu’il indique. Au sortir de Jéricho[34], Jésus guérit deux aveugles (Matth., XX, 17-34 ; Marc, X, 32-52 ; Luc, XVIII, 35 ; XIX, 28).

SAMEDI 9 NISAN, 28 MARS.

IX. Six jours avant la Pâque[35], Jésus arrive à Béthanie, et là, dans la maison de Simon le lépreux, Marie-Madeleine répand un vase de parfums sur les pieds du Sauveur ; celui-ci la défend en même temps contre les critiques de Judas. Saint Matthieu (XXVI, 6-13) et saint Marc (XIV, 3-9) semblent rapporter ce fait au mercredi suivant, mais saint Jean (XII, 1-11) dit formellement qu’il eut lieu six jours avant la Pâque.

DIMANCHE 10 NISAN, 29 MARS.

X. Le dixième jour du mois (de Nisan), avait dit Dieu à Moise (Exode, XII, 3-8), un agneau sera choisi par chaque chef de famille... et cet agneau sera sans aucune tache, mâle et âgé d’un an ; et vous le garderez jusqu’au quatorzième jour, et alors il sera immolé par toute la multitude des enfants d’Israël entre les deux soirs ; ils teindront leurs portes de son sang, ils feront rôtir sa chair et ils la mangeront avec des pains azymes et des laitues amères.

Ce jour-là même le véritable agneau pascal, Jésus, fait son entrée solennelle dans la ville sainte ; il y est reçu par toute la multitude des enfants d’Israël, comme la victime que l’on mène en triomphe jusqu’au lieu da sacrifice (Matth., XXI, 1-11 ; Marc, XI, 1-11 ; Luc, XIX, 29-49 ; Jean, XII, 12-19).

XI. Arrivé dans le temple, Jésus opère de nombreuses guérisons. Quelques étrangers, païens d’origine, demandent alors à l’apôtre Philippe de les conduire à Jésus[36]. Le Sauveur répond que le Fils de l’homme doit passer par la mort avant d’être glorifié. Une voix céleste se fait entendre et, à cette occasion, Jésus parle aux Juifs de la nécessité de croire en lui. Il est très probable qu’il faut ajouter à ce discours celui qui se trouve sept versets plus loin (Jean, XII, 44-54), attendu qu’il traite du même sujet, et qu’il semble n’être séparé que par une parenthèse de l’évangéliste.

Le même jour, Jésus, se trouvant prés de la ville, pleure sur son aveuglement actuel et sur ses malheurs à venir. Le soir, il revient à Béthanie (Luc, XIX, 41-44).

LUNDI 11 NISAN OU 30 MARS

XII. Le matin, Jésus, en allant à Jérusalem, maudit le figuier stérile, triste symbole de la nation juive (Matth., XXI, 17-19 ; Marc, XI, 11-14).

Arrivé dans le temple, il en chasse les vendeurs et les acheteurs[37].

Les princes des prêtres irrités conspirent de nouveau sa perte.

Le soir, Jésus se retire à Béthanie (Matth., XXI, 12-13 ; Marc, XI, 15-19 ; Luc, XIX, 45-47).

MARDI 12 NISAN OU 31 MARS.

XIII. Le matin, en repassant devant le figuier maudit, les Apôtres s’étonnent de le voir complètement desséché ; Jésus leur explique alors la puissance de la foi unie à la prière et au pardon des injures (Matth., XXI, 20-24 ; Marc, XI, 20-26).

Dans le temple, les princes des prêtres demandent à Jésus en vertu de quel droit il exerce l’autorité ; Jésus leur répond par une autre demande ; il prononce ensuite la parabole des enfants qui refusent plus ou moins d’obéir à leur père, et celle des vignerons infidèles et homicides (Matth., XXI, 25-46, Marc, XI, 27 ; XII, 12, Luc, XX, 1-12).

Saint Matthieu ajoute ici la parabole des conviés aux noces (XXII, 1-14).

XIV. Les Pharisiens viennent alors tenter le Sauveur et lui demandent si l’on doit payer le tribut à César ; les Sadducéens viennent à leur tour et lui font une objection contre la résurrection ; enfin un docteur de la loi lui demande quel est le plus grand commandement. Jésus répond victorieusement à toutes ces questions insidieuses, il fait à son tour une demande sur le Christ, à laquelle personne ne peut répondre.

A la suite de ces discussions, le Sauveur, tout en proclamant l’autorité des Scribes et des Pharisiens dans les questions légales, attaque et maudit leur hypocrisie, ainsi que les nombreux abus dont ils se rendaient coupables.

Quelque temps après, il loue l’aumône de la veuve.

XV. Au sortir du temple, il prédit la ruine prochaine de cet édifice, et, arrivé sur la montagne des Oliviers, il annonce les signes avant-coureurs de la ruine de Jérusalem et de la fin du monde ; il ajoute la parabole des dix vierges, et fait le tableau du jugement dernier (Matth., XXII, 15 ; XXVI ; Marc, XII, 12 ; XIV ; Luc, XX, 20, XXII).

MERCREDI 13 NISAN, 1er AVRIL.

XVI. Jésus vient au temple suivant sa coutume, il annonce à ses disciples qu’il fera la Pâque le lendemain, et qu’il sera ensuite crucifié.

Nouvelle réunion des prêtres et du sanhédrin ; le traître Judas vient leur offrir son concours et promet de leur livrer son maître à la première occasion favorable (Matth., XXVI, 1-5, 14-16 ; Marc, XIV, 1-2, 10-11 ; Luc, XXII, 1-6).

JEUDI 14 NISAN, 2 AVRIL.

XVIL Jésus envoie Pierre et Jean à Jérusalem pour préparer la Pâque, et, vers la fin du jour, il se rend lui-même dans la ville sainte avec ses apôtres.

PAQUE LÉGALE, VENDREDI 15 NISAN, 3 AVRIL[38].

Première veille de la nuit, depuis six heures du soir jusqu’à neuf heures.

XVIII. Vers six heures et demie, manducation de l’agneau pascal. Pendant le repas, Jésus donne un premier avertissement au traître Judas ; il passe ensuite la coupe cérémonielle aux Apôtres, et leur déclare qu’il ne mangera plus la Pâque, et même qu’il ne boira plus du fruit de la vigne jusqu’à l’avènement complet du règne de Dieu, c’est-à-dire jusqu’à la complète rédemption des hommes[39]. Il lave ensuite les pieds à ses apôtres (Jean, XIII, 1-15).

INSTITUTION DE L’EUCHARISTIE[40].

Un second avertissement est donné à Judas ; le traître communie et sort aussitôt. Or il était nuit. (Jean, XIII, 30). Cette indication répond à huit heures du soir environ.

XIX. Jésus et les Apôtres récitent l’hymne de l’action de grâce.

Discussion sur la primauté ; Jésus recommande avant tout l’humilité et la charité, après quoi il promet à Pierre l’infaillibilité dans la foi. Présomption de Pierre ; Jésus lui prédit le triple reniement qu’il va bientôt commettre (Matth., XXVI, 30-35 ; Marc, XIV, 26-31 ; Luc, XXII, 22-38 ; Jean, XIII, 31-38).

Discours de consolation et de suprêmes recommandations : Jésus annonce des persécutions : mais il promet la venue de l’Esprit-Saint, la félicité éternelle et l’amour du Père céleste (Jean, XIV, XV et XVI).

Prière de Jésus pour lui, ses Apôtres et tous les fidèles futurs (Jean, XVII).

Seconde veille de la nuit, de neuf heures à minuit.

XX. Jésus quitte le cénacle et traverse le Cédron ; il laisse huit de ses apôtres à Gethsémani, et, gardant seulement avec lui Pierre, Jacques et Jean, il va un peu plus loin sur le mont des Oliviers.

Prière et agonie de Jésus pendant deux heures environ[41].

Judas apparaît suivi d’une cohorte et d’un grand nombre de gens armés. Trahison de Judas. Quelques soldats tombent en entendant la première parole de Jésus. Pierre veut résister et coupe l’oreille de Malchus.

Jésus l’arrête, et en même temps ordonne aux soldats de ne point poursuivre les Apôtres (Matth., XXVI, 36-56 ; Marc, XIV, 32-52 ; Luc, XXII, 39-54 ; Jean, XVIII, 1-12).

Troisième et quatrième veilles de la nuit, de minuit à six heures du mutin[42].

XXI. Premier interrogatoire. Jésus comparaît devant Anne, ancien grand-prêtre et beau-père de Caïphe ; pendant cet interrogatoire, il reçoit un soufflet.

D’autre part, les membres du sanhédrin et les chefs des familles sacerdotales se rassemblent chez Caïphe. Pierre renie Jésus une première fois (Jean, XVIII, 13-23).

Second interrogatoire. Jésus comparaît devant le sanhédrin, présidé par Caïphe ; après les dépositions incohérentes de quelques faux témoins, Jésus déclare être le Christ, fils de Dieu ; sur cette déclaration, il est jugé digne de mort et accablé des plus indignes traitements.

Pendant ce temps, Pierre renie son maître une seconde et une troisième fois ; il se retire ensuite pour pleurer sa faute (Matth., XXVI, 58-75 ; Marc, XIV, 53-72 ; Luc, XXII, 54-65 ; Jean, XVIII, 24-27).

De six heures du matin à neuf heures.

XXII. Troisième interrogatoire. Jésus est ramené devant le conseil du sanhédrin ; la condamnation ayant été ratifiée, il est lié étroitement et conduit au procurateur Pilate[43].

Judas, comprenant enfin la grandeur de son crime, jette dans le temple l’argent de sa trahison et se pend de désespoir.

Quatrième interrogatoire. Jésus comparait au prétoire par-devant. Pilate ; il déclare qu’il est roi, mais que son royaume n’est pas rie ce monde. Pilate le renvoie à Hérode-Antipas, tétrarque de la Galilée.

Cinquième interrogatoire. Jésus, devant Hérode, refuse de répondre aux demandes de ce prince, et celui-ci le renvoie avec mépris à Pilate.

Sixième interrogatoire. Les Juifs demandent Pilate la grâce de Barabbas et la mort de la croix pour Jésus ; Pilate délivre Barabbas et fait flageller Jésus ; après la flagellation, les soldats insultent la victime et lui imposent une couronne d’épines sur la tête (Matth., XXVII, 1-30 ; Marc, XV, 1-19 ; Luc, XXII, 66 ; XXIII, 22 ; Jean, XVII, 28 ; XIX, 3).

De neuf heures du matin à midi[44].

XXIII. Septième interrogatoire. Pilate montre Jésus aux Juifs : Ecce homo ! Ils répondent en demandant sa mort à grands cris, et alors le procurateur monte sur son tribunal, se lave les mains, et prononce la condamnation.

Après de nouvelles insultes, Jésus est revêtu de ses vêtements, chargé d’une croix et conduit au lieu du supplice.

Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix.

Jésus console les personnes émues par ses souffrances (Matth., XXVII, 23-33 ; Marc, XV, 14-22, Luc, XXIII, 23-32 ; Jean, XIX, 4-17).

XXIV. Arrivé au lieu appelé Golgotha, Jésus est dépouillé de ses vêtements et attaché à la croix entre deux voleurs.

Il devait être alors environ onze heures du matin. Première parole de Jésus en croix : il demande pardon pour ses bourreaux.

Les soldats se partagent alors les vêtements du supplicié, et les ennemis de Jésus l’accablent d’insultes.

Seconde parole de Jésus : il promet le paradis au bon larron (Matth., XXVII, 34-44 ; Marc, XV, 23-32 ; Luc, XXIII, 33-43 ; Jean, XIX, 18-24).

De midi à trois heures du soir.

XXV. Les ténèbres commencent à obscurcir le soleil ; les insultes contre Jésus cessent.

Troisième parole : Eli, Eli, lamma sabacthani ?

Quatrième parole : Jésus confie sa mère à saint Jean.

Cinquième parole : J’ai soif.

Sixième parole : Tout est consommé.

Septième et dernière parole : Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains. Jésus pousse un grand cri et expire.

Au même instant, la terre tremble ; le voile du temple se déchire ; quelques morts ressuscitent et apparaissent à plusieurs habitants de Jérusalem. Les ténèbres cessent (Matth., XXVII, 45-56 ; Marc, XV, 33-41 ; Luc, XXIII, 44-49 ; Jean, XIX, 25-30).

Ce même jour, à l’heure de none, l’immense multitude réunie à Jérusalem immolait les agneaux de la Paque ; le temple était inondé du sang des victimes ; à la même heure, le sang du véritable agneau purifiait le monde.

De trois heures du soir à six heures.

XXVI. Les Juifs viennent prier Pilate de faire achever les suppliciés et enlever, leurs corps, pour que cette vue ne profane pas la sainteté du grand jour de la Pique. Les deux larrons ont les jambes rompues, et un soldat ouvre le corps de Jésus d’un coup de lance (Jean, XIX, 31-37).

XXVII. Joseph d’Arimathie, l’un des membres du sanhédrin, vient demander à Pilate le corps de Jésus ; il le détache de la croix, et, aidé de Nicodème, il l’ensevelit tout prés de 1à, dans une caverne sépulcrale récemment construite.

Il était alors tout prés de six heures du soir ; toutefois Marie-Madeleine et ses compagnes ont encore le temps d’acheter quelques parfums, avant le commencement du repos sabbatique (Matth., XXVII, 57-61 ; Marc, XV, 42-47 ; Luc, XXIII, 50-56 ; Jean, XIX, 38-42).

SAMEDI 16 NISAN, 4 AVRIL, PAQUE DES PHARISIENS.

XXVIII. Les princes des prêtres et les Pharisiens demandent é Pilate de placer des gardes autour du sépulcre de Jésus. Pilate leur ayant laissé ce soin, ils établissent eux-mêmes des gardes et scellent l’ouverture du tombeau (Matth., XXVII, 62-66).

DIMANCHE 17 NISAN, OU 5 AVRIL.

RÉSURRECTION DU SAUVEUR[45].

XXIX. Vers cinq heures du matin, lorsque les ténèbres couvraient encore la terre (Jean, XX, 1), Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, Salomé, et quelques autres se rassemblent et se rendent au tombeau, portant des parfums, pour embaumer le corps de Jésus.

Elles arrivent près de la caverne sépulcrale, vers six heures, le soleil étant déjà levé (Marc, XVI, 2).

Mais, dès avant leur arrivée, un tremblement de terre avait eu lieu, un ange de Dieu avait renversé la pierre qui fermait l’entrée du tombeau, et frappé les gardes de stupeur (Matth., XXVIII, 1-4, Marc, XVI, 1-3 ; Luc, XXIV, 1 ; Jean, XX, 1).

Jésus était ressuscité.

Les saintes femmes sont étonnées en voyant le sépulcre ouvert et vide ; Marie-Madeleine court aussitôt en avertir les Apôtres.

Pendant son absence, l’ange se manifeste aux autres femmes, leur annonce la résurrection du Sauveur et leur ordonne d’en avertir les disciples. Elles se retirent alors, ainsi que les gardes qui s’en vont trouver les. . . . .

[ici il manque les pages 350 et 351 du livre]

Il donne ses dernières instructions à ses apôtres, vient avec eux à Béthanie et jusque sur la montagne des Oliviers, où il disparaît à leurs yeux, enlevé au ciel (Marc,          XVI, 15-20 ; Luc, XXIV, 49-53 ; Act. Ap., I, 1-11).

ASCENSION DU SAUVEUR.

Et les Apôtres allèrent ensuite prêcher partout la bonne Nouvelle, le Seigneur agissant avec eux et confirmant leur parole par de nombreux miracles (Marc, XVI, 20).

 

 

 



[1] Pour une plus complète intelligence de tout ce chapitre, il importe d’avoir le texte des évangiles sous les yeux.

[2] Voir Dictionnaire des Apocryphes, édit. Migne, t. I, col. 1028.

[3] Voir, pour tous les événements mentionnés dans ce numéro, Josèphe, Antiq., XIV et XV.

[4] Le Protévangile de saint Jacques, écrit, composé, par un auteur ébionite, dès le temps des Apôtres, ou du moins dès le second siècle de l’Église, parle au long de Joachim et d’Anne ; l’Évangile de la nativité de Marie en parle de même. On croit que cet ouvrage a été composé par Séleucus, auteur du second siècle. (Citation tirée du Dictionn. de la Bible par Dom Calmet, au mot Joachim.) Le Protévangile de saint Jacques et l’Évangile de la nativité de Marie se trouvent dans le dictionnaire des Apocryphes : Migne, 3e encyclopédie, t. XXIII, col. 1010 et 1061.

[5] Voir, pour la corrélation de ces dates, Josèphe, Antiq., XV, c. XIV ; — l’Art de vérifier les dates, 1ère partie, t. II, p. 156-157, édit. in-8° de 1819.

[6] Toutes ces traditions sont rapportées dans les deux écrits indiqués par la note 4, et elles sont confirmées par saint Grégoire de Nysse (Serm. in nat. Dom.) et saint Epiphane (Hœr., LXIX, 5).

[7] Comparez les numéros XIV, XV et XVI de ce paragraphe avec le second chapitre de saint Matthieu. Ces numéros ne sont que l’explication littérale de ce chapitre.

[8] Cette circonstance a donné à penser que l’astre des Mages était un météore extraordinaire et non une étoile véritable. Le P. Patrizzi interprète autrement ce passage de l’Évangile et pense que cet astre a dû être une comète. L’Évangile de l’enfance du Sauveur dit que c’était un ange sous la forme d’une étoile.

[9] Le grand prêtre Joazar fut cependant déposé par Quirinius cette même année, et remplacé par Ananus ou Anne, le beau-père de Caïphe.

[10] Voir Josèphe, Antiq., XX, 8, et saint Luc, Actes des Apôtres, V. 17.

[11] Pour ne pas étendre démesurément les limites de cet ouvrage, nous nous bornerons, dans ce paragraphe et les trois suivants, d’établir la concorde des textes.

[12] Ce dernier fait est seulement mentionné indirectement par saint Jean (III, 24) ; les deux premiers évangélistes disent de plus qu’il arriva avant le retour de Jésus en Galilée (Matth., IV, 12 ; Marc, I, 14).

[13] Contrairement à l’opinion d’Origène, nous croyons que Béthanie au delà du Jourdain n’est point Béthabara proche de la mer Morte, mais bien un autre village, situé beaucoup plus au nord, en face des rives de la Galilée. Ce qui nous porte à distinguer ainsi Béthanie de Béthabara, c’est d’abord le respect dû au texte sacré dans lequel on lisait Béthanie dès le temps d’Origène, et ensuite le soin que met saint Jean à distinguer lui-même les deux Béthanies en ajoutant, quand il s’agit du premier : au delà du Jourdain, et en indiquant plus loin la situation topographique du second : à quinze stades de Jérusalem. Nous croyons en outre que Béthanie était situé beaucoup plus au nord que ne le pensait Origène, et c’est peut-être pour cette raison qu’il n’a pas retrouvé cette ville de son temps. Jean-Baptiste a séjourné, il est vrai, à Béthanie ; mais saint Luc nous apprend qu’il parcourait toute la région du Jourdain, et Béthabara pouvait ainsi se trouver près des rives galiléennes de ce fleuve. Ce qui nous rend cette hypothèse probable, c’est que ceux que Jésus rencontre en ce lieu, sont des Galiléens : André, Pierre, Philippe, Nathanaël (I, 28, 46) ; de plus l’évangéliste, pour exprimer le retour du Sauveur en Galilée, se sert simplement du mot έξελθεΐν, sortir, ce qui indique un simple passage du Jourdain ; enfin la proximité de Béthanie explique bien mieux comment Jésus et ses disciples ont pu se trouver aux noces de Cana, le lendemain de leur départ.

[14] Cette date et toutes celles du numéro V sont approximatives à deux mois prés.

L’auteur des Constitutions Apostoliques, en parlant du 6 janvier (V, 13) fait dire aux apôtres que c’est ce jour-là que le Seigneur leur a révélé sa divinité. Ces paroles se rapportent au miracle des noces de Cana ou au baptême des apôtres eux-mêmes, bien plutôt qu’au baptême de Notre-Seigneur. Le baptême des premiers apôtres dut en effet suivre de bien prés le miracle de Cana, car saint Jean dit (II, 11) que par ce miracle, Jésus manifesta sa gloire à ses disciples, et que ceux-ci crurent en lui ; ensuite le même évangéliste, un peu plus loin, nous montre les disciples conférant eux-mêmes le baptême de Jésus.

D’un autre côté, il ne parait pas qu’aucun des apôtres ait assisté au baptême du Sauveur, et ainsi ce ne serait point dans cette occasion, mais plus tard, que le Sauveur leur aurait révélé sa divinité. Mais le baptême des premiers disciples ayant en lieu vers le 6 janvier, on aura rapporté à la même date celui du Sauveur arrivé peu auparavant.

[15] Jean-Baptiste et Jésus baptisaient en Judée, sur la rive occidentale du Jourdain. Ils n’étaient donc point sur les terres d’Hérode, et c’est pour cela que saint Matthieu dit (IV, 12) que Jean-Baptiste fut livré ; et ailleurs (XVII, 12), il représente les Juifs comme étant les auteurs de sa mort.

[16] Une première vocation avait déjà eu lieu près d’un an auparavant pour Pierre, André et Jean.

[17] Séjan est mis à mort le 18 octobre de cette même année.

[18] Voir Patrizzi, de Evangeliis, l. II, n° 35. Malgré les considérations que nous exposons plus bas, Antoine Arnault, Wouters et plusieurs autres identifient le discours sur la montagne avec le discours dans la plaine. De Vence les distingue, etc. Ce point est l’un de ceux sur lesquels les exégètes sont le plus divisés.

[19] Cf. Marc, III, 14-20, et VI, 7-13 ; — Luc, VI, 13-16, et IX, 1-7.

[20] A partir du lendemain du sabbat vous aurez offert la gerbe des prémices, vous compterez sept sabbats entiers et le lendemain du septième sabbat, c’est-à-dire le cinquantième jour, vous offrirez au Seigneur un sacrifice nouveau : deux pains de prémices, etc. (Lévitique, XXIII, 15-17).

[21] C’est en vertu du même usage que l’on comptait autrefois les dimanches de l’Avent en remontant du dernier au premier, appelant premier dimanche celui qui était le plus voisin de Noël et ainsi des autres, comme on le fait encore pour les trois dimanches qui précédent le Carême (Voir dom Guéranger, Année liturgique, Avent, t. I, p. 7).

[22] Voir pour ces sept derniers faits : Matth., XII, 22 ; XIII, 53 ; — Marc, III, 20 ; IV, 34 ; — Luc, VIII, 1-21 et XI, 14-32.

[23] Arnaud et plusieurs autres pensent que la fête dont il est question en saint Jean (V, 1) était celle de Pâque et il sépare le récit de cet évangéliste de celui de saint Luc. Le P. Patrizzi réunit au contraire les deux récits et rapporte le voyage de Jésus à Jérusalem à l’époque de la fête des Tabernacles. Cette dernière opinion nous a paru la meilleure.

[24] Cf. Marc, VI, 7 et 16 ; Luc, IX, 2 et 9.

[25] Pour la mort de salut Jean-Baptiste, voir saint Matthieu, XIV, 3-12 ; saint Marc, VI, 17-29 ; et saint Luc, IX, 9.

Et pour la mission des Apôtres, voir saint Matthieu, X ; saint Marc, VI, 7-18 ; et saint Luc, IX, 1-8.

[26] Les exégètes ne s’accordent pas sur l’époque précise de cette mission des soixante-douze ; ceux qui considèrent avant tout les circonstances intrinsèques du récit la placent, comme nous, en Galilée, et quelques mois avant la fête des Tabernacles ; ceux qui admettent d’une manière plus absolue que saint Luc a suivi l’ordre des temps dans son évangile sont obligés de placer cette mission en Judée et entre la fête des Tabernacles et celle de la Dédicace.

[27] Saint Jean, après avoir tiré la date de la première multiplication des pains avant la Pâque de l’an 32 (41, 4), ajoute (VII, 1) : Après cela Jésus parcourait la Galilée et ne voulait point parcourir la Judée, parce que les Juifs voulaient le mettre à mort. Or la fête des Tabernacles était très proche. Jésus n’alla donc point en Judée, ni pour la Pâque ni pour la Pentecôte de l’an 32.

[28] Matth., XIV, 12 ; Marc, VI, 14-29 ; Luc, IX, 7-8.

Le récit de saint Matthieu semble ici rapporter au même temps la mort de Jean-Baptiste, la parole d’Hérode au sujet de Jésus et la retraite du Sauveur au désert ; mais le récit de saint Marc et celui de saint Luc distinguent la succession des époques.

[29] Matth., XIV, 13-22 ; Marc, VI, 30-44, Luc, IX, 10 17 ; Jean, VI, 1-13.

L’évangile de saint Luc omet de raconter les faits compris dans le numéro VI ; nous avons dit la cause présumée de cette omission.

[30] Matth., XIV, 22-34 ; Marc, VI, 45-53 ; Jean, VI, 14-21.

[31] Les difficultés relatives à cet endroit de saint Luc et à plusieurs autres récits du même évangéliste ont été discutées et réunies au commencement du paragraphe précédent.

[32] On pense généralement que le Sauveur cessa de séjourner en Galilée à partir de cette fête des Tabernacles, et cette opinion est fondée principalement sur l’évangile de saint Jean. Cet évangéliste, qui marque exactement les séjours du Sauveur en Galilée antérieurement à cette époque, n’en indique aucun ici et au contraire on voit par son récit que Jésus est resté longtemps en Judée pendant les deux mois qui séparent les Tabernacles de la Dédicace.

[33] La fête des Tabernacles et celle de Pâque duraient chacune sept jours consécutifs. Le jour du milieu, dont parle saint Jean (VII, 14), était ainsi le quatrième.

[34] Saint Matthieu et salut Marc disent positivement que cette guérison eut lieu au sortir de Jéricho ; saint Luc au contraire parait dire qu’elle eut lieu lorsque Jésus approchait de Jéricho et avant qu’il entrât en cette ville. Mais le verbe έγγέξειν, dont se sert saint Luc, peut signifier simplement le proximité à la sortie aussi bien qu’à l’entrée dans une ville, comme on le voit par le même saint Luc (XIX, 29), lorsqu’il dit que Jésus, sortant de Béthanie, était proche de cette ville.

[35] Saint Jean (XII, 1) place l’arrivée de Jésus à Béthanie six jours avant la Pâque ; mais comme le majorité du peuple juif a fait la Pâque cette année-là le samedi et non le vendredi, on peut croire aussi que la date donnée ici par saint Jean se rapporte au dimanche et non au samedi ; il faudrait alors reculer d’un jour la date de tous les événements qui suivent jusqu’au jeudi. Nous avons préféré suivre le sentiment le plus commun, qui fixe au dimanche et non au lundi l’entrée triomphante de Jésus à Jérusalem.

[36] Plusieurs exégètes pensent que les Gentils dont il est parlé ici étaient les députés que le roi Abgar envoyait à Jésus vers cette même époque.

[37] Pour ce fait, comme pour la malédiction du figuier stérile, nous suivons l’ordre de saint Marc parce qu’il indique le mieux les circonstances des faits et surtout la succession des époques et des jours.

[38] Nous faisons commencer la journée, suivant l’usage des Juifs, la veille au soir après le coucher du soleil.

[39] Saint Matthieu et saint Marc qui mentionnent cette parole incidemment, la rapportent après l’institution de la sainte Eucharistie ; mais saint Luc, beaucoup plus explicite en cet endroit, place auparavant le fait lui-même et les paroles dites alors par Jésus (Luc, XXII, 15-18).

[40] Matth., XXV, 26-29 ; Marc, XIV, 22-24 ; Luc, XXII, 19-21.

[41] Jésus interrompit trois fois sa prière pour parler aux trois disciples qui l’avaient accompagné ; or, à la première interruption, il s’étonne de ce que Pierre n’a pas eu le courage de veiller une heure avec lui ; on peut conjecturer de là que la prière du Sauveur avait déjà duré une heure, et qu’elle se prolongea ensuite autant pour le moins jusqu’à la troisième interruption.

[42] Le terme final de cet intervalle est seul indiqué dans l’évangile (Matth., XXVII, 1 ; Marc, XV, 1). Le terme initial est rapporté approximativement au premier interrogatoire de Jésus.

[43] Parmi ces différents interrogatoires, saint Jean seul raconte le premier, saint Matthieu et saint Marc racontent le second et mentionnent le troisième, le matin du vendredi ; saint Luc omet les deux premiers et raconte les trois autres ; les quatre évangélistes se réunissent pour donner le récit des deux derniers.

[44] Il y a sur l’heure de la condamnation du Sauveur un désaccord frappant entre saint Marc et saint Jean : le premier (XV, 25) dit que Jésus fut crucifié à la troisième heure du jour, et saint Jean dit au contraire qu’il était environ la sixième heure lorsqu’il fut condamné par Pilate. Plusieurs ont cru à une erreur de copiste dans l’un ou l’autre : le P. Petau corrige le texte de saint Marc (Doctr. temp., XII, 19), le P. Patrizzi, celui de saint Jean (De Evang., l. 11, n° 195). Mais une telle correction répugne au respect dû au texte sacré. D’autres ont supposé que les deux évangélistes n’avaient pas le même système de compter les heures, etc. Nous avons adopté ici l’opinion de Grotius : cet exégète rappelle qu’il y avait chez les Juifs trois heures qui étaient à peu près exclusivement employées à marquer les divisions du temps : le troisième (tierce), la sixième (sexte) et la neuvième (none). On rapportait à l’une ou à l’autre ce qui se passait dans l’intervalle. Ainsi saint Marc rapporte le crucifiement à la troisième heure parce qu’il eut lieu avant midi, et saint Jean, voulant indiquer une seule heure pour toute la scène de la Passion, désigne celle de midi. C’est sans doute à la troisième heure du jour pris à la lettre (neuf heures du matin) que Jésus fut condamné par Pilate, comme la disent les Constitutions Apostoliques (V, 14). Le crucifiement s’exécute vers dix heures, et à midi les ténèbres commencent à couvrir la terre. Lee trois premiers évangélistes s’accordent pour l’heure de ce dernier fait.

[45] Il y a, dans le récit évangélique de la résurrection, trois difficultés : 1° Saint Matthieu semble rapporter au soir du sabbat le fait de la résurrection, tandis que les autres le rapportent au lendemain ; 2° Saint Jean dit que les ténèbres étaient encore sur la terre, lorsque Marie Madeleine vint au sépulcre, et saint Marc assure, au contraire, que le soleil était déjà levé à l’arrivée des saintes femmes ; 3° Saint Jean et saint Marc racontent que Jésus apparut à Marie Madeleine seule, et saint Matthieu raconte cette apparition comme ayant été commune à toutes les saintes femmes.

En réponse à la première difficulté il faut observer que le texte grec de saint Matthieu : όψέ δε σαββάτων, τή (ήμέρα) έπιφωσκούση είς μίαν σαββάτων, doit être interprété ainsi : APRÈS LA SEMAINE (et non : le soir du sabbat), LE PREMIER JOUR DE LA SEMAIME SUIVANTE. Le mot grec όψέ signifie, en effet, aussi bien après que le soir, et le premier sens est rendu certain ici, tant par le contexte que par la comparaison des autres récits évangéliques.

La réponse à la seconde difficulté est bien simple : les saintes femmes ont commencé à se réunir, pour aller au sépulcre, lorsque les ténèbres étaient encore sur la terre, et elles sont arrivées le soleil étant déjà levé.

Enfin, pour la troisième difficulté, nous croyons que saint Matthieu ayant raconté le départ commun des saintes femmes, sans observer que Marie-Madeleine était ensuite restée seule, aura attribué à toutes ce qui était arrivé à Madeleine seule ; il aurait suivi en cela un usage de parler assez commun. Il faut aussi observer, pour cette dernière difficulté comme pour la première, que le texte grog de saint Matthieu n’est qu’une traduction de l’hébreu, et on sait assez quelles nuances une traduction peut apporter à l’original. En français, par exemple, nous disons tous les jours : on a vu, en parlant d’un seul témoin oculaire, et cependant la traduction naturelle de cette phrase en latin serait viderunt, au pluriel.