ÉTUDES CHRONOLOGIQUES POUR L'HISTOIRE DE N. S. JÉSUS-CHRIST

 

TROISIÈME PARTIE — DATES DE LA PRÉDICATION ET DE LA MORT DU SAUVEUR

CHAPITRE IV. — Durée et principales phases de la prédication du Sauveur.

 

 

La prédication de saint Jean-Baptiste a commencé l’an 15 de Tibère, c’est-à-dire dans l’espace compris entre le 19 août de l’an 28, E. C., et le 19 août de l’an 29.

La prédication du Sauveur, commencée quelques mois plus tard, s’est terminée par sa passion et sa mort arrivée le vendredi 3 avril de l’an 33.

Les chapitres qui précédent ont établi la certitude de ces dates extrêmes, et c’est dans l’intervalle compris entre elles que viennent se placer les faits évangéliques.

Niais avant d’aborder le détail de ces faits, il convient de préciser la durée et les principales phases de la prédication du Sauveur, et tel est l’objet de ce chapitre.

 

§ I — Durée générale de la prédication du Sauveur.

I. Le seul évangile de l’apôtre saint Jean peut nous suivre pour établir la durée de la prédication évangélique. Disciple le plus aimé du Sauveur, saint Jean fut aussi l’un des plus anciens ; dés les premiers jours de la période évangélique, il cessa de suivre Jean-Baptiste pour s’attacher aux pas de Jésus, et il nous donne, sur ces commencements, des détails que les autres ont complètement négligés. Mais ce qui rend son évangile encore plus précieux pour l’étude que nous faisons ici, c’est que l’ordre des temps y est suivi d’une manière exacte et visible, et que l’auteur aime à mentionner les jours, quelquefois même les heures, où sont arrivés les principaux faits qu’il rapporte. Avec lui nous pouvons établir un ensemble chronologique complet depuis le début jusqu’à la fin de la prédication du Sauveur.

II. Ainsi, peu de temps après le début, nous rencontrons, dans l’évangile de saint Jean (II, 13), une première Pâque à l’occasion de laquelle Jésus va à Jérusalem. Cette Pâque indique une première année.

Jésus prolonge son séjour en Judée (III, 22) jusqu’à l’emprisonnement de saint Jean-Baptiste (IV, 1, 3, 35) ; la haine des Juifs contre lui le porte alors à revenir en Galilée, et, durant le voyage, une conversation des Apôtres nous apprend qu’il n’y a plus que quatre mois jusqu’à la moisson prochaine (IV, 35). La moisson commentait en Judée le lendemain de la fête de Pâque, ou le 16 du mois de Nisan, après l’oblation solennelle du Homer dans le temple ; il s’ensuit que le retour du Sauveur s’effectuant quatre mois avant cette époque, on était alors vers le 16 du mois de Casleu (29 novembre de l’an 30).

La Pâque de l’an 31 tombait le mardi 27 mars ; cette date était peu éloignée de l’hiver, et cela nous explique d’une manière assez naturelle pourquoi, dans le texte sacré, les Apôtres semblent la trouver bien rapprochée ; elle nous montre en même temps avec quel à-propos Notre-Seigneur passe du positif au figuré et annonce que la moisson des âmes est alors encore plus précoce que l’autre et plus pressante à recueillir. Vous dites : bien difficile de dire celui qui doit être préféré. La Pâque de l’an 30 a eu lieu le 6 avril, il faut donc mettre le baptême du Sauveur au moins deux mois auparavant, et le faire remonter au commencement de cette année ou même à la fin de la précédente.

Clément d’Alexandrie, dès le second siècle de l’ère chrétienne, rapportait deux traditions qui plaçaient l’anniversaire de cet événement, l’une au 10 janvier et l’autre au 6 du même mois[1]. C’est cette dernière que l’Église a adoptée dans sa liturgie ; mais nous voyons en même temps qu’elle n’attache pas é la désignation du 6 janvier une grande valeur chronologique, puisqu’elle célèbre aussi, dans ce même jour, l’anniversaire du miracle des noces de Cana. Ce miracle ayant eu lieu entre le baptême de Notre-Seigneur et la première Pâque, il est impossible qu’il ait le même anniversaire que le baptême.

D’après une autre tradition, saint Epiphane rapporte le baptême au S novembre, et le miracle des noces de Cana au 6 janvier[2]. Ce dernier anniversaire aurait, suivant lui, reçu comme une consécration divine, l’eau de plusieurs fontaines s’étant parfois changée en vin pendant ce jour.

Nous avons adopté le sentiment de saint Epiphane pour les dates de ces deux événements, parce qu’il s’accorde mieux avec la tradition qui donne une durée de trois ans et demi à la vie publique du Sauveur. On raconte, dit Eusèbe, ίστορεΐται, que la durée complète de la prédication du Sauveur a été de trois ans et demi[3].

III. Du 8 novembre de l’an 29 au 3 avril de l’an 33, il n’y a que trois ans et cinq mois incomplets ; mais, en ajoutant les quarante jours qui suivirent la résurrection, et pendant lesquels le Sauveur continua d’instruire ses apôtres, on obtient même quelques jours en plus des trois ans et demi.

C’est cette même durée que la prophétie de Daniel appelle, avec tant de justesse, une demi-semaine d’années, et qui est figurée dans la sainte Ecriture par la fameuse formule : un temps, deux temps et la moitié d’un temps ; c’est-à-dire : un an, deux ans, et la moitié d’un an.

IV. En terminant ce premier paragraphe, nous emprunterons à l’évangile de saint Luc (XIII, 6) une parabole célèbre dans laquelle la durée de la prédication évangélique se trouve confirmée allégoriquement.

Un homme, dit le Sauveur, avait un figuier planté au milieu de sa vigne ; mais c’était en vain qu’il venait y chercher du fruit, il n’en trouvait point. Il dit alors au vigneron : “ Voilà trois ans que je demande vainement des fruits à cet arbre ; coupez-le, et qu’il n’occupe plus inutilement la terre ”. Mais le vigneron lui répondit : “ Seigneur, laissez-le, encore cette année, je cultiverai le sol qui l’entoure ; j’y mettrai des engrais et peut-être alors portera-t-il du fruit ; sinon, vous le ferez couper ”.

Cette parabole fut prononcée à l’occasion de l’impénitence des Juifs de Judée et de Galilée, comme on le voit par les premiers versets du chapitre, et l’époque en est suffisamment indiquée parle contexte de saint Luc. Elle est placée en effet quelque temps après le miracle de la multiplication des cinq pains (Luc, IX, 13) et quelque temps avant un voyage à Jérusalem, probablement à l’occasion de la fête des Tabernacles, vers la fin de l’an 32[4] ; or saint Jean nous apprend que le miracle de la multiplication des cinq pains avait coïncidé avec la troisième fête de Pâque (VI, 4).

Il y avait donc alors environ trois ans que Dieu demandait du fruit au figuier stérile de la Judée ; il accorde encore une quatrième année ; mais, les Juifs s’endurcissant de plus en plus, la parabole est bientôt confirmée par leur réprobation. Cette confirmation est marquée allégoriquement an peu plus- tard par le trait suivant.

Quatre jours seulement avant sa passion, Jésus, voyant à côté du chemin un figuier, s’en approcha, et, n’y trouvant que des feuilles, il dit : Qu’à jamais aucun fruit ne naisse de toi. Et aussitôt le figuier se dessécha (Matth., XXI, 19).

Cette parabole en action, cette malédiction symbolique annonçait l’accomplissement réel de la parabole dite six mois auparavant[5].

La durée des trois ans et demi montre ainsi un accord admirable entre les prophéties, les paraboles et le réalité des faits.

 

§ II — Principales phases de la prédication du Sauveur.

I. D’après la prophétie de Daniel, la dernière des soixante-dix semaines d’années indiquées par l’ange Gabriel doit être consacrée à confirmer l’alliance du Christ avec un grand nombre de Juifs, et cette semaine commence avec la prédication du Sauveur pendant l’automne de l’an 29. Elle se termine donc è l’automne de l’an 36. C’est en effet à cette dernière époque que les portes de l’Église chrétienne s’ouvrent aux Gentils, par le baptême de saint Corneille, et que les Ap6tres commencent à prêcher l’Évangile aux païens plutôt qu’aux Juifs. Comme l’indique la prophétie, c’est bien au milieu de cette semaine d’années, durant le printemps de l’an 33, que le Christ abolit par sa mort les hosties et les sacrifices de l’ancienne loi, et cette demi-semaine forme elle-même un intervalle mystérieux qui revient plusieurs fois dans la prophétie de Daniel et dans l’Apocalypse de saint Jean, sous cette formule : un temps, deux temps et la moitié d’un temps[6]. Saint Jean nous apprend lui-même que cette formule comprend 42 mois ou 1.260 jours et quoique ce dernier nombre ne doive pas être entendu comme étant d’une exactitude mathématique, on voit cependant qu’il indique parfaitement la durée des trois ans et demi.

La formule, un temps, deux temps, et la moitié d’un temps, nous offre elle-même une admirable division de la prédication du Sauveur en trois périodes parfaitement distinctes et présentant chacune un caractère différent.

II. La première période, évaluée à un temps, c’est-à-dire à une année, s’étend depuis le baptême de Notre-Seigneur, à la fin de l’an 29, jusqu’à son retour en Galilée, quatre mois avant la moisson de l’an 31, ce qui revient, comme nous l’avons vu plus haut, p. 229, au 29 novembre de l’an 30. Si nous acceptons la date du 8 novembre, donnée par saint Épiphane au baptême de Notre-Seigneur, nous avons, depuis cette époque en l’an 29, jusqu’au 29 novembre de l’année suivante, 386 jours ou un peu plus d’une année.

Cette période représente le début et comme l’exorde de la vie publique du Sauveur. Le principal théâtre de la mission divine est alors la Judée, où l’on place généralement le lieu du baptême et du jeune de Jésus-Christ, et où il demeura depuis la Pâque jusqu’au 29 novembre suivant (Jean, II, 21).

Les trois premiers évangélistes disent peu de chose sur cette première période ; saint Jean, au contraire, a voulu suppléer à leur silence et nous donne, dans les quatre premiers chapitres de son évangile, de précieux détails sur ce séjour en Judée que les autres n’avaient fait qu’indiquer.

III. La seconde période est évaluée à deux temps ou à deux années : elle s’étend en effet depuis l’emprisonnement de saint Jean-Baptiste et le retour de Notre-Seigneur en Galilée (vers le 29 novembre de l’an 30), jusqu’au quatrième jour de la fête des Tabernacles de l’an 32 (11 octobre), à prés de deux ans d’intervalle. C’est à cette dernière date que saint Jean nous montre le Sauveur revenu à Jérusalem et faisant de nouveau son séjour en Judée (VII, 14, 37, X, 22). Cette période comprend ainsi 882 jours ou deux ans moins 48 jours.

Elle nous représente la carrière évangélique du Sauveur dans toute sa beauté, et elle s’écoule presque entièrement dans la Galilée, sur les bords à jamais célèbres du lac de Tibériade. C’est là que s’opèrent les plus nombreux miracles et que se déroulent à nos yeux les grandes scènes du sermon sur la montagne, de la vocation et de l’élection des Apôtres, de la multiplication des pains. Les trois premiers évangélistes se plaisent à nous donner le récit des actes et des discours du Sauveur pendant cette seconde période. Saint Jean se contente d’en fixer les époques, et, s’il raconte, comme les trois premiers, le miracle de la multiplication des pains (c. VI), c’est afin d’avoir l’occasion de rappeler le discours sur l’Eucharistie dont les autres n’avaient point parlé.

IV. La troisième période n’est que la moitié d’un temps, ou de six mois. Cette période est celle de la persécution ouverte, et se termine par le sanglant dénouement du Calvaire. Elle commence au quatrième jour de la fête des Tabernacles (11 octobre) de l’an 32 et dure 174 jours, si on l’arrête à la mort du Sauveur, arrivée le 3 avril suivant ; 214 jours, si on la conduit jusqu’au jour de l’Ascension (14 mai), et 224, si on la prolonge jusqu’au jour de la Pentecôte, 24 mai de l’an 33.

Cette période est la plus importante de toutes, parce qu’elle renferme dans sa durée l’accomplissement des grands mystères de la Rédemption des hommes et l’établissement de l’Église catholique. Aussi les quatre évangélistes nous donnent-ils les plus grands détails sur les derniers mois de la vie du Sauveur et surtout sur ses derniers jours.

V. Nous arrivons ainsi à la fin des trois ans et demi. Cette durée constitue la première moitié de la dernière des semaines de Daniel, semaine de miséricorde, spécialement consacrée au salut des Juifs. Le baptême de saint Corneille et l’introduction des Gentils dans l’Église marqueront la fin de la seconde moitié.

Le Christ, dit l’Archange, confirmera son alliance avec un grand nombre pendant une semaine. Le Sauveur ne prêche par lui-même que pendant trois ans et demi ; mais il laisse à ses Apôtres le soin de remplir auprès des Juifs la seconde moitié de cette grande semaine. Il nous montre ainsi qu’il est toujours dans son Église et avec ses ministres, pour continuer son couvre et confirmer le pacte de son alliance.

Chose remarquable, les trois époques principales de cette dernière semaine, savoir : le commencement, le milieu et la fin, sont indiquées et comme consacrées par trois effusions miraculeuses du Saint-Esprit : la première sur Notre-Seigneur lui-même, le jour de son baptême, la seconde le jour de la Pentecôte sur les Apôtres et sur les autres disciples représentant l’Église juive, la troisième enfin sur les prémices de l’Église des Gentils, le jour du baptême de saint Corneille et de ses compagnons.

 

§ III — Harmonie des nombres sacrée avec la chronologie évangélique.

I. Il y a des nombres mystérieux et sacrés qui reviennent sans cesse dans les œuvres de Dieu et surtout dans la plus importante de toutes, celle de la Rédemption. Pythagore chez les païens, Philon chez les Juifs, saint Augustin chez les chrétiens, et mille autres philosophes de tous les temps et parmi tous les peuples ont reconnu dans ces nombres une signification pleine de mystères, et, par un accord qui semble indiquer une révélation primitive, juifs, païens ou chrétiens, tous ces philosophes s’accordent généralement dans le choix de ces nombres et les principaux caractères qu’ils leur donnent.

II. Pour eux tous, un et trois sont les nombres divins par excellence, et le mystère de la Trinité explique parfaitement ce sens pour nous autres chrétiens.

III. Le nombre quatre est le symbole de la créature et de l’homme en particulier.

Les anciens en donnaient pour raison principale le division de la matière en quatre éléments qu’ils appelaient la terre, l’eau, l’air et le feu. Les physiciens modernes ne manquent jamais l’occasion de mentionner avec mépris cette vieille division de la matière en quatre éléments ; cependant elle existe aujourd’hui comme autrefois dans les traités de physique, et elle en fait la base ; le tout est de s’entendre sur la valeur des termes. Les anciens ne confondaient pas plus que nous l’argent avec le fer, et, s’ils n’en faisaient pas deux éléments différents, c’est qu’ils appelaient du nom d’éléments non pas les corps simples, mais ce que nous nommons les états de la matière. Dr la matière créée se présente toujours à nous sous quatre états différents : solide, liquide, gazeux et fluidique ; ce qui revient à dire dans le langage moins abstrait des anciens : la terre, l’eau, l’air et le feu[7].

Pour revenir au nombre quatre, nous rappellerons encore les quatre espèces de quantités géométriques : le point, la ligne, la surface et le solide ; puis les quatre saisons, les quatre points cardinaux, les quatre membres de l’homme et enfin les quatre branches de la croix par laquelle l’humanité est rachetée, bénie et sanctifiée.

IV. L’union du nombre divin trois avec le nombre matériel quatre donne sept, le plus significatif des nombres, puisqu’il représente le couronnement de l’œuvre créatrice, c’est-à-dire l’union de Dieu avec l’homme, union hypostatique dans Jésus-Christ, et alliance moins parfaite dans chacun des saints qui sont les membres du Christ. C’est pour cela que ce nombre mystérieux revient si souvent dans l’ordre naturel de la création et dons l’ordre surnaturel de la Rédemption. Sept, nœud de presque toutes choses, dit Cicéron. (Somn. Scip.)

La théologie morale nous montre cette union dans l’assemblage des sept vertus fondamentales dont quatre sont des vertus cardinales ou naturelles, et les trois autres des vertus théologales ou divines. Nous retrouvons aussi le nombre sept dans les sept jours de la création, la semaine de sept jours, la semaine juive de sept années et celle de quarante-neuf ans ou du jubilé, les sept tons de la gamme, les sept couleurs de l’arc-en-ciel et du rayon prismatisé, les sept sacrements, les sept dons du Saint-Esprit, les sept archanges du ciel, etc.

V. Le nombre douze n’est pas moins sacré ; il est le produit du nombre matériel, quatre, multiplié par trois, et il représente l’action de Dieu par l’homme ou sur l’homme. Lui aussi se retrouve fréquemment dans l’Écriture et même dans la vie naturelle : les douze mois de l’année, les douze signes du zodiaque, les douze heures de la journée, les .douze tribus d’Israël, les douze Apôtres, les douze fruits du Saint Esprit, les douze portes de la Jérusalem céleste, etc.

VI. Après le nombre douze, vient le nombre quarante, qui représente la plénitude et la maturité. Si nous divisons chacun des sept jours de la création en sept intervalles égaux, nous obtiendrons ainsi un total de quarante-neuf intervalles parmi lesquels le trente-sixième formera le commencement du sixième jour. Si maintenant nous observons avec Origène (in Matth., XXVII, 45) que les deux grandes œuvres de ce sixième jour ont dû être réalisées ; la première, c’est-à-dire la création des quadrupèdes, dans la première moitié du jour, et la seconde, celle de l’homme, dans l’autre moitié ; nous trouverons alors que cette création de l’homme, but et complément de tout le reste, correspond au quarantième intervalle de la période entière des sept jours. C’est alors que l’univers apparut dans la perfection de son achèvement.

Le nombre quarante, symbole de plénitude et de perfection, revient à chaque instant dans l’Écriture sainte une pluie de quarante jours complète l’inondation du déluge ; les Israélites sont condamnés é passer quarante ans dans le désert, avant d’entrer dans la terre promise ; l’humanité entière attendit pendant quarante siècles la venue de son Sauveur, quarante jours sont donnés à Ninive pour se convertir ; Moïse sur le Sinaï, Elie sur le mont Horeb, et Jésus-Christ dans le désert se soumettant à une retraite et à un jeûne de quarante jours, etc.

VII. Comparons maintenant ces nombres avec les dates de la vie du Sauveur : il avait quarante jours à l’époque de sa présentation au temple, trois ans lorsqu’il revint d’Egypte en Judée, douas ans lorsqu il remplit pour la première fois sa mission de docteur des hommes.

En partageant sa vie entière en semaines d’années, suivant l’usage des Juifs, nous trouvons que les semaines de la vie de Jésus concordent avec, celles de la prophétie de Daniel, que sa vie publique commença au moirent où il achevait sa trente-cinquième année, et par conséquent où il commençait la sixième semaine, et il opéra la rédemption de l’homme durant cette sixième semaine, de même qu’uni à son Père il avait réalisé la création de l’homme au sixième jour du monde.

VIII. Les applications du nombre quarante sont encore plus nombreuses et plus remarquables : Notre-Seigneur était âgé de quarante jours à l’époque de sa présentation au Temple ; il fait précéder sa vie publique d’un jeûne de quarante jours et la termine en se manifestant visiblement aux siens pendant les quarante jours qui suivent sa résurrection ; son âme se réunit à son corps quarante heures après en avoir été séparée par la mort ; il commençait la quarantième année depuis son incarnation (4707, P. J.), le 25 mars de l’an 4746 ; il mourait le 3 avril suivant, et le jour de son ascension il allait achever au ciel cette quarantième année, immobilisant ainsi pour toute l’éternité, dans son corps glorieux, cet âge de la plénitude et de la perfection. C’est à cet âge que saint Paul fait allusion quand il dit : Il faut que nous arrivions tous à l’état d’homme parfait, à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ (Ephes., IV, 13). Pendant sa vie mortelle passée au milieu des Juifs, le Sauveur a réalisé une seconde fois ces paroles du psaume 94 : J’ai été quarante ans avec cette génération et j’ai dit : leur cœur s’est égaré sans retour. Le temps de son incarnation a duré en effet quarante années commencées ; enfin, depuis le début de sa prédication jusqu’au siège et à la ruine de Jérusalem (70), il a encore accordé aux Juifs un délai de quarante ans pour opérer leur conversion.

Les analogies frappantes contenues dans ce dernier paragraphe ne sont pas des preuves, et nous sommes loin de les présenter comme telles pour appuyer la vraie chronologie de l’histoire évangélique. Mais, après avoir donné plus haut les preuves solides de cette chronologie, nous n’avons pu, en terminant cette troisième partie de nos Études, résister au charme d’exposer ces mystérieux symboles et ces belles harmonies de la nature et de la grâce.

 

 

 



[1] Stromates, l. 1, § 21.

[2] Hérésies, l. II, § 16.

[3] Eusèbe, Démonstr. év., l. VIII, M. Migne, t. XXII, col. 625.

[4] Voir Luc, XIII, 22, et Jean, VII, 1-10.

[5] La malédiction du figuier stérile est peut-être ce qui a le plus choqué le rationaliste Strauss dans l’Évangile. Ce que Jésus accomplit ici, dit-il, est un miracle de vengeance ; il ne s’en trouve pas un autre exemple dans les récits canoniques de la vie de Jésus... S’emporter contre un objet privé de vie est avec raison considéré comme un manque d’éducation, aller dans sa colère jusqu’à la destruction de l’objet, c’est un acte grossier et indigne d’un homme. Il prend donc la défense de ce pauvre arbre : il n’était pas radicalement stérile puisque Jésus dit qu’il ne portera plus de fruit, ce qui implique qu’il en aurait porté sans cette malédiction. Bien plus, s’il n’avait pas eut de fruits, il était dans son droit ; car, selon les paroles de saint Marc, ce n’était pas alors le temps des figues. Si donc, continue Strauss avec l’accent d’un vengeur de l’innocence, cet arbre n’en avait aucune, c’était non pas une défectuosité, mais une chose tout à fait conforme à l’ordre des saisons, et Jésus, duquel on doit tout d’abord s’étonner qu’il ait attendu des figues hors du temps, aurait dû au moins, n’en trouvant pas, réfléchir sur le peu de raison qu’avait son attente, et renoncer à un acte aussi injuste que sa malédiction.

Et tout cela se fait pour des figues ! L’envie de trouver le Christ en défaut trouble tellement Strauss qu’il oublie l’esprit allégorique de l’Écriture et de l’Orient, et qu’il ne voit point la parabole contenue dans cette histoire, lui qui a vu tant de mythes où il n’y en a point. Que doit dire Strauss de Tarquin le Superbe, lorsque, consulté par un messager de son fils sur la manière de réduire la ville de Gabies, il se promena dans son jardin sans mot dire, abattant des têtes de pavots ? (Tite-Live, I, 54.) Sans doute c’était un tyran affreux qui n’épargnait même pas la nature !

Il ne faut point demander, dit Bossuet, ce qu’avait fait ce figuier ni ce qu’il avait mérité, car qui ne sait qu’un arbre ne mérite rien ; ni regarder cette malédiction du Sauveur par rapport au figuier, qui n’était que la matière de cette parabole en action. Il faut voir ce qu’il représentait, c’est-à-dire la créature raisonnable qui doit toujours des fruits à son Créateur en quelque temps qu’il lui en demande, et lorsqu’il ne trouve que des feuilles, un dehors apparent et rien de solide, il la maudit. — Voilà donc ce miracle moralement impossible, ce miracle de vengeance qui n’a point son pareil dans tout l’Évangile ! Strauss eût compris que la peine frappât l’homme et non pas la créature insensible. Bossuet répond encore : Jésus-Christ ne voulait pas sortir de ce monde sans faire voir des effets sensibles de sa malédiction, voulant faire sentir ce qu’elle pouvait ; mais par un effet admirable de ma bonté, il frappe l’arbre et épargne l’homme, ainsi quand il voulait faire sentir combien les démons étaient malfaisants, il le fit paraître sur un troupeau de pourceaux que les démons précipitèrent dans la mer. Qu’il est bon et qu’il a de peine à frapper l’homme ! Ne contraignons pas le Sauveur, contre son inclination, à étaler sur nous-mêmes l’effet de sa colère vengeresse.

(Extrait de M. Wallon, De la croyance due à l’Évangile, p. 262.)

[6] Voir Daniel, XII, 7, et Apocal., XI, 1 et 8 et XII, 6 et 14.

[7] Suivant l’hypothèse la plue autorisée aujourd’hui, le fluide éthéré répandu partout serait le véhicule commun des vibrations électriques, magnétiques, lumineuses, caloriques et peut-être même attractives. C’est donc un non sens d’appeler impondérables les phénomènes de ces différentes vibrations ; le fluide lui-même possède au plus haut point la puissance du rayonnement des forces et par suite celle de l’attraction ou de la pesanteur.