L'Énigme de Jésus-Christ

 

Tome deuxième

AVANT-PROPOS.

 

 

Dans l’ÉNIGME DE JÉSUS-CHRIST, j’ai établi que le Messie Juif ou Christ, crucifié par Ponce-Pilate, et divinisé comme fils de Dieu, était l’aîné des sept fils de Juda le Gaulonite, fomenteur de la Révolte juive connue en histoire sous la désignation de Révolte du Recensement ou de Quirinius, en 760, de Rome ;

— que Juda le Gaulonite, est devenu en Évangile Joseph et Zacharie et Zébédée ;

— que le Christ, son fils, est né en 738-739 de Rome, et non en l’an 754, choisi comme l’an 1 de l’ère de Jésus-Christ, et non point à Nazareth, ville dont le nom est symbolique et qui n’a jamais existé avant le VIIIe siècle ou le IXe, à l’emplacement où on l’a construite vers cette époque, sinon au temps des Croisades, mais qu’il est né à Gamala, dans les montagnes qui cernent la rive orientale du lac de Génézareth ou lac de Kinnéreth, puis de Tibériade ;

— que sa Nativité à Bethléem n’a été imaginée que, comme Thargoum, pour se conformer au droit mosaïque et aux prophéties judaïques, ainsi que pour substituer son culte au culte du Soleil, alors universel ou catholique ;

— qu’il fut, sous l’empereur Tibère, contre les Hérodes usurpateurs, à son point de vue, du trône de David, son ancêtre, un prétendant royal, en perpétuelle rébellion et révolte contre l’autorité romaine et hérodienne ;

— et qu’il a été légalement jugé et condamné au supplice de la Croix, comme accusé et convaincu du crime de lèse-majesté, — crimen majestatis, — au nom de la loi Julia, s’étant proclamé Roi des Juifs, se disant Fils de Dieu, le Père, soit BarAbbas, et qu’il se confond, en histoire, avec l’évangélique brigand du même nom.

Toutes ces affirmations, que je résume, j’en ai donné des preuves irréfutables. Si irréfutables que personne n’a tenté d’en entreprendre la réfutation.

J’entends bien que les critiques qui m’ont fait l’honneur, dont je leur suis infiniment reconnaissant, de parler de mon Énigme de Jésus-Christ dans la presse, ont trouvé étranges et audacieuses mes affirmations, et difficiles à admettre, contre tous les résultats contraires de l’exégèse traditionnelle. Mais de réfutation directe, pas l’ombre. Il en est, de ces grands hommes, qui, pour quelques boutades, — de nombre et d’importance assez insignifiants dans un volume de deux cent soixante quinze pages de texte plutôt serré, ont affecté de prendre mon ouvrage et mon effort comme l’amusette d’un esprit paradoxal et qui badine, tout en rendant hommage à mon énorme érudition. Merci pour elle ! Mais là n’est pas la question. Les pichenettes qu’il m’est arrivé d’administrer au nez des savants qui les méritent n’effacent pas la discussion sévère qui est le fond et le principal de l’Enigme de Jésus-Christ. Profiter de quelques ironies pour faire semblant de ne pas voir les démonstrations que j’apporte et pour se dérober à la discussion, prouve à la fois la légèreté de certains critiques et l’infirmité de leur esprit sur les sujets sérieux. Je leur retourne donc leur compliment, moins l’érudition.

Je ne m’étonne aucunement, d’ailleurs, ni ne m’afflige, d’avoir été méconnu ou mal compris. Il faudrait être bien naïf, — et je ne le suis plus depuis, hélas ! longtemps, — pour s’imaginer que les conclusions de mes études et de mes recherches, qui dérangent tant d’habitudes, heurtent tant de traditions et peuvent affliger tant d’intérêts, plus matériels que moraux souvent, sont susceptibles, même convaincantes, d’obtenir le suffrage de l’universel public. Je l’ai prévu dès le premier  chapitre de l’Énigme : en la dédiant à l’opinion du monde, comme j’en ai pris la précaution, j’ai dit que je n’attends que de celle de demain, le verdict qui me rendra justice. Je ne me fais aucune illusion sur la génération présente, sauf intelligentes exceptions, et ne lui en veux pas pour si peu. Ce n’est pas sa faute ! Je ne la traiterai pas de méchante et d’adultère, comme Jésus la sienne, quand il lui refuse tout miracle, sauf le miracle du Iôannès-Jean ressuscité, qu’il est. On le verra dans ce livre. Le préjugé Jésus­-chrétien est trop enraciné, même chez des gens, et c’est le plus grand nombre, qui se disent adeptes du christianisme, et vivent comme s’ils ne croyaient à rien, pas même à la vertu sans épithète, laquelle n’a pas attendu, pour être pratiquée, que Dieu ait envoyé, suivant les fables judaïques, son fils comme rédempteur du monde, — ils le crucifient tous les jours par leurs mauvaises œuvres ; la foi, même celle qui n’agit point, la foi aveugle, donc absurde, dans les légendes et la morale rénovatrice du christianisme restent trop dans les mœurs, sans les rendre ni les avoir rendues meilleures, pour espérer être cru et suivi, quand on apporte la vérité historique, si désintéressée.

Mais pour qui la cherche d’un cœur passionné, cette vérité historique, il n’est pas nécessaire de réussir pour entreprendre ni de triompher pour persévérer.

Je n’écris pas pour une clientèle : quarante-huitards socialisants ou dames du monde pour qui le Christ doit être le portrait du Prince charmant, comme a fait Renan ; — laïques ou libres-penseurs qui en sont encore au sans-culotte Jésus ; — communistes et bolchevisants que cherche à amadouer un Henry Barbusse ; — Sorbonnards et universitaires pour qui les leçons de porteurs de diplômes, trônant dans les chaires officielles, sont paroles d’évangile. J’écris pour ceux qui, délicats et mettant de côté toute idée préconçue, capables d’une discussion objective, aiment juger un procès sur pièces, avec leur seule raison et leur pure intelligence.

A côté des grandes démonstrations que. j’ai faites dans l’Enigme de Jésus-Christ, et que je rappelais tout à l’heure, j’ai, par mille traits épars à travers l’ouvrage, amorcé la preuve de quantité d’autres conclusions que j’ai énumérées en détail dans le premier chapitre avec celles dont j’ai déjà fourni la preuve.

On trouvera dans le présent volume la démonstration massive que le Christ crucifié par Ponce-Pilate fut le Iôanès, c’est-à-dire Jean, qualifié tantôt de Baptiste, tantôt de disciple bien-aimé, que les scribes ecclésiastiques durant les IIe, IIIe et IVe siècles ont dépouillé de son rôle historique, pour l’attribuer au héros de leur invention, Jésus-Christ, fabriqué avec le Christ Juif sous Tibère (et Ponce-Pilate) et le dieu qu’avaient imaginé les Cérinthiens et les Gnostiques : le Jésus, fils, puissance émanée, Verbe de Dieu, Aeôn.

Puis suivront des ouvrages donnant :

1° L’explication de l’Apocalypse et la preuve qu’elle a été le manifeste du Messie, prétendant au trône de Judée et à la domination universelle pour un règne de mille ans, avant le renouvellement du Monde ;

2° L’histoire du Messie-Christ, crucifié par Ponce-Pilate, le récit de sa carrière véritable, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, et qui n’eut rien de pacifique, comme les Évangiles, qui y réussissent mal, et le préjugé, qui se contente de l’absurde, veulent le faire croire et le croire ;

3° L’évolution de l’idée messianique, depuis l’Apocalypse et à travers les affabulations judaïques sur le Verbe ou Logos, jusqu’à la création de Jésus-Christ, pour finir par la confection des Évangiles, vers le déclin du IVe siècle, au plus tôt, qui achèvent la fabrication du christianisme.

Les démonstrations sur ces gros problèmes, après celles que j’ai faites sur Nazareth-Gamala, Bethléem, Juda le Gaulonite, BarAbbas, entraîneront, comme conséquences, et s’y encadrant, les démonstrations accessoires, — je ne dis pas secondaires, car elles sont tout de même d’importance capitale, — sur les autres conclusions d’ensemble que j’ai résumées dans le premier chapitre de "l’Énigme de Jésus-Christ" : notamment sur les deux hypostases et l’incarnation, sur l’inexistence de l’apôtre Paul, tiré du prince hérodien Saül, sur le millénarisme, sur la sépulture du Christ en Samarie, sur Simon-Pierre, les Jacques Jacob et autres disciples, frères du Christ, sur les Actes des Apôtres et sur l’âge apostolique, etc.

J’entends bien ne rien laisser, après l’avoir affirmé, sans en administrer la preuve formelle[1].

Un dernier mot, pour les critiques que mon humeur paraît choquer.

Il se peut que je cède encore, chemin faisant, à mon démon familier, qui ironise parfois et manque de flagornerie à l’égard des pontifes. J’ai dit, dans l’Enigme, que je tenais au ton qu’il me plaît de prendre. J’avais prévenu que je faisais une étude à la française. Je ne m’en dédis pas. Le fond n’en est pas pour cela moins sérieux. Voyez-vous ce savant austère, ce conférencier pour dames du monde, agrégé et docteur ès lettres, qui se voile la face parce qu’on lui prouve qu’Eusèbe est un faussaire, et tel Père de l’Église un aigrefin ? Va-t-il pas reprocher aux Marie-Louise du début de la grande guerre, qu’il n’a pas faite, d’avoir manqué de courage, parce qu’ils marchaient à la mort, — chose grave, — en gants blancs, comme s’ils se rendaient à une réception mondaine, — futilité ? Et tous ces poilus qui se sont fait tuer, — trop grands pour nous ! — avec des blagues sur les lèvres, ils ne l’étaient pas, non plus, eux, sérieux ? Mouraient-ils pour rire ou riaient-ils pour mourir ?

On éprouve quelque sentiment de honte pour certains de nos contemporains, — mais oui, de honte et de mépris, — d’être obligé de leur rappeler que, même dans une discussion grave, un Français peut, sans que la discussion en vaille moins, lancer un trait, même d’irrévérence, qui amuse et déride.

Il est possible que j’y perde commercialement. Mais, en recherchant la vérité de l’histoire, j’ai oublié de penser au commerce.

DANIEL MASSÉ.

 

 

 



[1] Je suis obligé de répéter ici ce que je disais déjà dans l’Énigme de Jésus-Christ. Comme les faux dans les œuvres ecclésiastiques, comme la grâce dans les Évangiles, mes preuves vont surabonder, et j’appréhende plus de n’être pas bref et concis que d’en manquer.