L'Énigme de Jésus-Christ

 

Tome premier

CHAPITRE III : Jésus Bar-Abbas Messie juif, le Crucifié de Ponce Pilate.

 

 

B. — LA THORA ET L’ESPÉRANCE MESSIANISTE

I. — Le pacte d’alliance.

D’après tout ce que l’on sait de l’histoire juive, l’ancien peuple juif a toujours cru que le monde n’avait été créé que pour lui. Sa cosmogonie ou théorie de la création, reprise d’ailleurs aux mythes de Chaldée, le laisse suffisamment entendre, ainsi que la destruction des hommes par le déluge, fors Noé. Le Talmud le proclame expressément : L’univers n’a été fait que pour les Juifs[1]. Israël est le peuple de choix, le peuple élu, supérieur en gloire, en renom et en magnificence, seul sage et intelligent, nation si grande que toutes les autres en sont étonnées[2]. Les Épîtres, mises dans le Nouveau Testament sous le nom de Paul, restent tout imprégnées, malgré les concessions nécessaires à la réussite de la propagande messianiste ou christienne en Occident, de ce particularisme étroit, sectaire, fanatique, d’après lequel le Salut vient des Juifs ! D’abord les Juifs ! Le Juif premièrement ![3]

Puisque le monde n’a été fait que pour les Juifs, rien de plus naturel que leur espérance d’en devenir un jour les maîtres souverains. Le Pacte d’alliance passé entre eux et leur Dieu, — contrat synallagmatique s’il en fut donnant ! donnant ! — n’a pas d’autre objet que la réalisation de cette espérance. Israël sera le serviteur fidèle d’Iahveh, dieu jaloux, n’adorera que lui, observera et gardera ses commandements, moyennant quoi, — le contrat est commutatif aussi, — Iahveh lui promet l’empire du monde.

Ce Pacte d’alliance, qu’on soupçonne dès Adam, qui est proclamé par Iahveh avec Noé après le déluge, expressément renouvelé avec Abraham, Isaac et Jacob, alors que les Beni-Israël ne sont encore que des tribus nomades allant, et venant entre la Palestine et l’Égypte, fut définitivement scellé, pas l’intermédiaire de Moïse, au Sinaï, au moment de sortir d’Égypte, de la maison de servitude, les douze tribus, encore dans le désert, allaient conquérir la Terre promise.

L’épopée merveilleuse de Moïse sur le Sinaï, toutes ces scènes multiples où la magie côtoie le grandiose et où le sortilège même voudrait prendre un air sublime[4], ne sont que littérature pour donner le caractère de mystère et de grandeur qu’il faut à un traité passé entre des hommes et leur dieu.

Moïse monte trois fois sur le Sinaï à la rencontre d’Iahveh.

Quand il en descend une première fois et rejoint la horde des Sémites, maintenue à distance par des bornes, Iahveh, de sa propre bouche, et s’aidant peut-être d’un porte-voix[5], clame vers Israël ses Ordonnances, trois chapitres de Commandements, parmi lesquels ce qu’on appelle, bien à tort, le Décalogue.

Deuxième ascension de Moïse sur le mont embrasé. Iahveh lui promet des Tables de pierre ainsi que la Loi et les Commandements, deux choses bien distinctes, soulignons-le. Mais il ne lui remet, après quarante jours de tête-à-tête, que les Tables de pierre, au nombre de deux, et gravées par lui des deux côtés, autrement dit, lisibles en dedans et en dehors, et portant les Paroles de l’Alliance, les DIX PAROLES.

Les Paroles de l’Alliance, les DIX PAROLES, ne peuvent être le Décalogue, malgré l’équivalence amphibologique des deux expressions : Dix Paroles et Décalogue.

Le Décalogue ne contient aucune parole d’alliance. Il n’est pas inscrit sur les deux Tables de pierre, tandis que sur celles-ci sont portées au contraire les Paroles d’Alliance, qui constituent un pacte, un traité portant engagement d’Iahveh vis-à-vis d’Israël, et réciproquement. Contrat bilatéral ou synallagmatique, s’il en fut jamais. Il n’y a rien de pareil dans le Décalogue. Les Tables de pierre, au contraire, sont le témoignage d’un traité ; elles sont l’acte authentique, écrit, quasiment notarié, du Pacte d’Alliance, engageant mutuellement les deux parties. Ce n’est qu’ainsi que le contrat est parfait : il est la Loi, la THORA. S’il en était autrement, on ne comprendrait pas l’incident créé par Moise qui, descendu de la montagne et trouvant Israël en adoration devant le Veau d’or, c’est-à-dire violant avant la lettre ses obligations, brise les Tables, les met en miettes. Le pacte est rompu. Moïse fait jouer la clause résolutoire, sous-entendue dans tout contrat synallagmatique. Israël ne tient pas ses engagements, ceux d’Iahveh deviennent caducs. Les Tables n’ont plus de cause, ni d’utilité ; Moïse les anéantit. Il est honnête. Il n’y a plus de convention qui tienne lieu de loi, plus de THORA entre les parties.

Pour ressusciter le Pacte, la Convention, il faut que Moïse monte derechef sur le Sinaï à la rencontre d’Iahveh qu’il réussit à apaiser, car le dieu est courroucé, on le comprend. Mais Iahveh ne clame plus alors ses ordonnances, obligations d’Israël. On distingue très nettement, à cette place du récit, qu’il les fait prendre par écrit, — il se méfie, — alors qu’elles n’avaient d’abord été que verbales. Moïse les écrit donc. Il écrit les Paroles, — la Loi et les Commandements, — qu’ Iahveh a prononcées. Ensuite Iahveh grave lui-même, une seconde fois, de son doigt, le doigt d’Iahveh, son propre engagement, les Paroles de l’alliance, sur deux nouvelles Tables de pierre[6].

La Loi, la THORA, c’est donc le pacte d’alliance, en bloc et c’est la Promesse d’Iahveh que Moïse, lorsqu’il descend du Sinaï, rapporte définitivement sur les Tables de pierre, dites les Tables du Témoignage.

La THORA, la Loi, en résumé, ce n’est pas autre chose que l’expression de ce Pacte d’alliance, et les Tables du Témoignage sont l’acte, l’instrumentum, dit-on, en Droit, contenant les obligations bilatérales des deux parties. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi — j’allais dire de Thora, — à ceux qui les ont faites, dit notre article 1134 du Code Civil, s’inspirant de la raison éternelle.

C’est ne voir qu’un seul côté du contrat, comme on le fait à tort, que de prendre pour la Thora, pour la Loi, le Décalogue ou les Dix commandements, en y ajoutant les ordonnances sur la liberté et la vie, sur la propriété et les mœurs, sur les cérémonies du culte, — tout ce que Iahveh clame, Moise auprès de lui, du haut du Sinaï, de sa propre bouche, en s’aidant d’un cornet, vers Israël maintenu à distance par des bornes. Les seules obligations d’Israël ne sont que la moitié de la THORA. Quel marché de dupe, Israël se liant à Iahveh sans contrepartie ! Comment y croire ? En échange des obligations que Iahveh impose à Israël, il promet sa protection, il prédestine Israël à la domination universelle, car vous êtes mon peuple, vous m’appartiendrez, et toute la terre est à moi, dit-il. Voilà ce qu’il faut comprendre.

Et il faut comprendre aussi qu’accomplir la THORA pour Israël, ce sera réaliser ce contrat synallagmatique et commutatif : il servira Iahveh, son dieu, qui, lui, fera dominer sur toute la terre qui est à lui, le peuple qui lui appartient.

Mais pour quel temps, cette domination ? Pour quelle heure ? Comment et par qui ?

II. — L’heure du Messie.

Cette réalisation, les anciens Israélites ont pu l’entrevoir avec le roi David. Pour peu de temps. Elle a sombré tôt dans les malheurs qui n’ont pas tardé à fondre sur eux. Après la destruction du royaume, — du royaume de Dieu déjà, de leur Dieu Iahveh, — pendant la captivité de Babylone, leur invincible espérance a pris corps, par la voix des Prophètes, grands et petits, sous la figure du Messie, Oint d’Iahveh, — Christ, en français, — de la descendance de David.

Mais avant de conquérir le monde, ce Messie, ce Christ, devait d’abord, avec l’aide d’Iahveh, délivrer Israël, le sauver ; et la foi juive se raccrochait à toutes les possibilités[7].

De plus en plus lancinante, au fur et à mesure que le peuple juif a subi les défaites, servitudes et jougs de l’étranger, l’espérance messianiste, christienne, est devenue une foi ardente, maladive, visionnaire. Elle est à son comble, à l’époque d’Auguste, quand le trône de David est tombé au pouvoir des Hérodes, usurpateurs iduméens, qui ne se maintenaient que grâce au protectorat de Rome.

Tous les Juifs, ou presque, alors, interrogent le ciel pour y voir apparaître le Signe de ce libérateur[8], de ce Sauveur, de ce Jésus, Messie-Christ que Iahveh devait susciter parmi son peuple, et qui, issu de la souche davidique, délivrerait la Judée des Hérodes et de Rome, la bête à sept têtes, sur ses sept collines, poussant dix cornes en Palestine, dans la Décapole. Délivrance qui ne sera qu’un prélude à la victoire complète sur le monde asservi à son tour an joug d’Iahveh, à la domination des Juifs, constituant le royaume de Dieu, et vengés enfin des injures des nations. Revanche terrible qu’il faut lire dans l’Apocalypse pour en goûter la saveur christienne[9].

Quand le Iôannès Christ, corps de chair en qui le Dieu Jésus montre le bout de sa langue, vocifère : Le royaume de Dieu est proche ! il annonce sa propre venue, le règne de mille ans , l’expression le royaume de Dieu est un change qui va de pair avec l’invention de Jésus-Christ, et qui, au fond, d’ailleurs est synonyme de la formule : le règne de mille ans.

Pour l’accomplissement de cette espérance, — toute la Thora, la Loi et les Prophètes, — la Judée, pendant près de deux siècles, d’Auguste à Hadrien, va être à feu et à sang.

Fanatiques du Pacte, toute une série de Messies-Christs vont se lever, fomentant l’émeute, menant la révolte contre les Hérodes et contre Rome, insurgée au nom de la Thora, de la Loi, qu’ils veulent accomplir. Les Évangiles disent : Comme il est écrit dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.

III. — Les Juifs du Temple et les Juifs christiens.

Le peuple juif est coupé en deux, forme deux clans.

D’un côté, avec les Hérodes, rois ou ethnarques, et protégés de Rome, le parti du Temple qui accepte, de bon gré ou par prudence politique, la royauté hérodienne et le protectorat romain. Juifs loyalistes, c’est en eux que Rome pendant ces guerres, aussi intestines que xénophobes, trouvera son plus sûr appui, ainsi qu’auprès du Temple, dans les grands sacrificateurs comme Caïphe et les Docteurs comme Gamaliel[10].

Dressés contre les Juifs loyalistes qu’ils haïssent autant que les Hérodes, suppôts de la Bête, voici les Juifs qui veulent chasser de Palestine les Romains et du trône la dynastie iduméenne, rétablir le royaume de David et sa race dams la gloire promise par Iahveh. C’est le parti davidiste, ce sont les messianistes, les « christiens », prototypes de ceux qui seront plus tard, — mais combien changés et camouflés, jusqu’à l’équivoque dans leur nom — les chrétiens[11]. Ce sont les réalisateurs de la Thora, interprétée dans son sens le plus farouche. Ils s’intitulent eux-mêmes, s’appliquant l’épithète en bonne part, les Kanaïtes, les Zélotes. L’un des disciples, Simon, dans les Evangiles, est donné, tout seul ! comme Kanaïte[12]. L’historien juif Flavius Josèphe, leur contemporain, retentit encore des exploits de ces Fanatiques, malgré les plus graves adultérations à son texte. Guérillas, séditions, massacres, pillages, sièges de villes, où les armes romaines eurent à souffrir et subirent quelques échecs, toute l’espérance d’Israël, toute la Thora s’essaie en tentatives d’accomplissement.

Ces Davidistes, ces Kanaïtes, ces messianistes, Flavius Josèphe les dénonce, les fouaille, les charge et les convainc des pires crimes ; il les accuse, les traitant de Sicaires, d’avoir pillé indifféremment amis et ennemis, d’avoir tué, pour s’enrichir, — voir le meurtre apostolique d’Ananias et de Saphira, miracle de Simon-Pierre, — les personnes de la plus haute condition, et, sous prétexte de défendre la liberté publique, — le rétablissement du trône de David, — d’avoir porté la torche jusque dans le temple d’Iahveh.

Sous Auguste, deux révoltes. En 750, deux Docteurs de la Thora, Juda, fils de Zippori, et Matthias, fils de Margaloth, soulèvent le peuple, parce qu’Hérode le Grand avait fait placer un aigle d’or sur la principale porte du Temple, le mettant ainsi sous la protection des Césars. Dix ans plus tard, 760, nouvelle rébellion, à l’occasion du recensement de Quirinius, gouverneur de Judée, Juda le Galiléen ou le Gaulonite, de Gamala, dont le père Ezéchias avait déjà péri, victime d’Hérode, prêche l’insurrection, avec Sadok, son frère, peut-être, comme second. Ils tiennent la campagne, forcent Jérusalem, entrent dans le Temple. On se bat dans le Saint des Saints. Juda est tué, entre le Temple et l’autel, comme le dit, de Zacharie, Jésus dans les Évangiles, en une apostrophe forcenée où gronde tout le légitime ressentiment du fils contre les complices du meurtre de son père.

Et nous arrivons aux temps évangéliques.

IV. — La rébellion christienne sous Tibère.

Sous Tibère, dit Flavius Josèphe, un grand trouble eut lieu dans la Judée. Et c’est tout ; aucun renseignement, aucune explication sur ce grand trouble. Pourquoi ? Sinon parce que l’Église a fait le vide dans les manuscrits de l’historien juif. Rien de plus radical, pour dérouter l’histoire, que des coups de ciseaux dans les œuvres des écrivains. Ou bien, on insère des interpolations, de telle sorte que les auteurs se contredisent. On lit aujourd’hui dans Tacite : Sous Tibère, la Judée fut tranquille. Que vous disais-je ? C’est le temps du Crucifié de Ponce Pilate, du Christ, Prince de la Paix. Cette tranquillité ne va pas tout de même sans ressembler à un grand trouble. A Jérusalem, émeutes, rébellions, séditions, que Ponce Pilate passe sa procurature à réprimer : affaire des enseignes romaines, affaire du corban et des aqueducs ; d’autres affaires encore, — aussi anonymes que Jésus-Christ qui n’a plus de nom de circoncision, — et où l’on sent des grouillements de foules tumultueuses. Où est le chef, l’animateur ? Inconnu. La faction n’a plus de chef. Pas d’instigateur aux révoltes judaïques, au grand trouble. L’Église ne l’a pas voulu. Il y a un nom, plusieurs même, sous toutes les séditions juives, d’Auguste à Hadrien. Ezéchias, Juda bar-Zippori, Matthias bar-Margaloth, Juda le Gaulonite, sous le règne d’Auguste ; Theudas-Taddée, Claude étant empereur ; et c’est en ce temps que périssent, crucifiés sur l’ordre de Tibère Alexandre, un Simon et un Jacob, fils de Juda le Gaulonite, dit Flavius Josèphe, et chefs des Kanaïtes, des Messianistes, des christiens ; Ménahem, fils de Juda le Gaulonite encore, sous Néron, et dont la révolte amena la prise de Jérusalem par Vespasien et Titus ; Bar-Kocheba, le fils de l’Étoile, sous Hadrien, et dont le nom de circoncision a disparu aussi, mais que l’on sait descendant de Juda le Gaulonite par un certain Eléazar-Lazare, mêlé aux insurrections juives sous Tibère, Claude et Néron, mort de mort violente, ainsi que Jaïrus, son parent, dont Jésus-Christ, au Ie siècle, par la plume des scribes, ressuscite la fille, comme il ressuscite Lazare.

Tous ces révoltés contre les Hérodes et Rome, afin d’accomplir la Thora, l’espérance d’Israël qui, mise à mal par Vespasien et Titus, ne sombre définitivement qu’en 135 de notre ère, avec la ruine de la Judée, la destruction de Jérusalem, la dispersion des Juifs rayés à jamais comme nation de la carte du monde, sous Hadrien, tous ces chefs des insurrections christiennes en Palestine, sous chaque empereur, ont mis leur nom, leur marque sur les révoltes qu’ils ont fomentées et conduites. Seule de toutes les rébellions juives, celle qui fut le grand trouble en Judée sous Tibère, presque effacée par la censure ecclésiastique, n’a plus de nom, plus d’instigateur, plus de chef. Flavius Josèphe qui la signale est muet ; muet Tacite, qui sait que Ponce Pilate fit crucifier le Messie-Christ, muet Suétone, qui dit que, sous Claude, les Juifs de Rome s’agitent à cause du Christ, muets tous les historiens, où l’on retrouve les traces des sophistications les plus manifestes !

Pourquoi ? Qu’a-t-on voulu cacher ? Sinon justement la vérité historique sur Jésus-Christ, qui, sous un autre nom, et Fils de Juda de Gamala, — Gamala, sur les bords du lac de Tibériade, devenue Nazateth en Évangile, — fut, avant d’être crucifié par Ponce Pilate, et vengeur du sang de son père, goël-haddam, le premier Messie-Christ, chef en son temps, celui de Tibère, du parti juif davidiste, revendiquant pour son compte personnel la royauté d’Israël, le trône de David. Lui mort, ayant échoué, crucifié au nom de la loi Julia[13], ses frères, ses parents, ont relevé le drapeau messianiste, tous christs, successivement, et membres de la même famille, celle de Juda le Gaulonite, issue de David — Shehimon (Simon-Pierre), l’un des deux Jacob-Jacques, l’autre avant le Jacob crucifié par Tibère Alexandre, fut lapidé, du vivant du Christ, sous le nom d’Étienne (ou Stephanos, la couronne), Lazare, Jaïrus, Theudas, Ménahem, Bar-Kocheba.

Est-ce que, caché sous un masque pseudo-divin, le chef d’émeute et d’insurrection que fut le Christ a disparu des Évangiles ?[14]

V. — La morale chrétienne.

On a l’habitude, quand il est question de Jésus-Christ, de ne voir que son enseignement moral. Par un préjugé qui vient de loin, on s’imagine que le christianisme, coupant en deux l’histoire du monde, a inventé la morale, et qu’avant lui, les hommes étaient plongés dans les ténèbres dé l’ignorance et de ce qu’on appelle le mal, d’où le Christ les aurait tirés. Bien de plus faux que ce point de vue ; rien qui résiste moins à la discussion.

La morale évangélique, — ou plutôt ce qu’on appelle ainsi, — ressemble étonnamment à la morale des philosophes[15].

Mais la morale évangélique, copie corrigée, si l’on y tient, de la morale antique, est-elle bien, — qu’on sente la nuance, — la morale des Évangiles ? Précisons — la morale évangélique ne sert-elle pas à cacher la morale des Évangiles ? Otez la morale évangélique, copie de la morale humaine, quelle est la morale des Évangiles, celle qui est au fond ?

Nous allons la trouver ensemble.

VI.- La morale christienne évangélique.

Qu’on se rappelle l’histoire, que rapportent les trois synoptisés, du jeune homme riche demandant à Jésus :

Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ?

La question est directe. La réponse doit contenir toute la doctrine de Jésus sur le bien, sur la vertu, toute la morale, puisque le salut en dépend, — la vie éternelle !

Or, que répond Jésus ? Fait-il un cours sur la morale théorique ou pratique, celle des philosophes antiques, — laquelle valait bien quelque chose, — en y apportant du mieux, ce mieux prétendu qui la perfectionne ? Dit-il qu’il faut croire en lui comme en un Dieu venu du ciel, afin que, croyant en lui, on ne périsse point, mais l’on ait la vie éternelle, comme on le lit dans le Selon-Jean ? Annonce-t-il que le rachat de l’humanité pécheresse est au prix de sa mort sur la croix ? Bien de tout cela. Il répond :

— Si tu veux entrer dans la vie[16], garde les commandements.

Le jeune homme aurait pu comprendre que ces commandements, ce sont précisément la morale évangélique, les enseignements moraux qui résultent du sermon sur la montagne, les paroles prononcées par Jésus sur le bien, la vertu, la perfection. Mais les auteurs des Évangiles ne permettent pas d’incertitude. Ils font poser par le jeune homme à Jésus une question nouvelle pour qu’il précise sa pensée. Garder les commandements ?

Lesquels ? interroge le jeune homme.

Et Jésus répond :

Ceux-ci : Tu ne tueras point ; tu ne commettras point d’adultère ; ne fais de tort à personne ; tu ne déroberas point ; tu ne feras point de faux témoignages ; tu aimeras ton prochain comme toi-même.

En somme, rien de surnaturel, ni de surhumain. Ce sont les commandements du Décalogue, une petite partie des obligations imposées à Israël par Iahveh, en échange de sa protection. La scène s’achève sur une pirouette. Le jeune homme s’en va, fort triste, car il était fort riche. Le récit a une coupure. Les commandements, c’est la Thora, le Pacte d’Alliance. On n’en fait donner par Jésus que la moitié. Mais les initiés ont compris. S’il en était autrement, si le scribe ne sous-entendait pas l’espérance d’Israël à réaliser, que signifierait cette scène ? Donc, Iahveh ou Dieu n’aurait envoyé son fils, l’Abba son Bar, que pour répéter aux Juifs un morceau du Décalogue ? Messie juif dans sa campagne de Prétendant, ou Dieu rédempteur du monde, par quelque côté qu’on envisage son rôle, et sa mission, Jésus-Christ n’évoquerait que ces préceptes de la morale de l’honnête homme, pour la vie éternelle ? Quelle dérision ! Vends tous tes biens, pour la cause d’Iahveh, nous fait comprendre ce que l’Évangile ne dit plus.

VII. — La Thora.

Que reproche Jésus-Christ, entre autres aménités, aux Pharisiens et aux Sadducéens, responsables du sang des Prophètes jusqu’à Zacharie, tué au Recensement ? De négliger les commandements de la Thora : justice, pitié, foi, en un mot, de trahir le Pacte d’alliance[17].

Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi (la Thora, qui lie Iahveh à son peuple) ou les Prophètes (qui ont annoncé le Messie libérateur), proclame-t-il. Je suis venu lion pour l’abolir, mais pour l’ACCOMPLIR. Amen ! je vous le dis : avant que la terre et le ciel aient passé (allusions directes aux destructions de l’Apocalypse), il ne passera de la loi ni un iod (un i), ni un trait de lettre (c’est mettre les points sur les i), jusqu’à ce que TOUT soit accompli (de la Thora).

Que TOUT soit accompli de la Thora ? Qu’est-ce à dire ? Les dix commandements seulement ? Mais ce serait ridicule, n’aurait aucun sens. Quelle signification, qui ne soit pas un change, donner à cette phrase, si elle ne veut pas dire que le Christ est venu pour réaliser, au sens juif, l’espérance messianiste chute des Hérodes, chute de Rome, triomphe d’Israël et domination du Messie sur toute la terre ?[18]

La Thora ? Même mort, et ressuscité, — Jésus-Christ n’enseigne qu’elle, ne pense qu’à elle. Il l’explique aux disciples d’Emmaüs, qui comprennent si bien de quoi il retourne, qu’en l’écoutant, avouent-ils, leur cœur brûlait au-dedans d’eux, Simon, Jacob, Thaddée, Ménahem, et qu’ils essaieront de venger sa mort et son échec. Devant les Onze, pour justifier, au IIIe siècle, sa vie et sa crucifixion, c’est toujours la Thora, le Pacte d’alliance qu’il invoque, afin que tout fût accompli.

Accomplir la Thora ? c’est réaliser le Pacte d’alliance, c’est mener la révolte contre Rome, contre les Hérodes, contre tous ceux, — Juifs compris, — qui ne font pas la guerre avec et pour la race de David, afin de restaurer à son profit le royaume d’Israël. Qui n’est pas avec moi est contre moi ! a dit Jésus.

Lorsque Juda et Matthias, — affaire de l’aigle d’or enlevé du Temple, — comparaissent devant Hérode le Grand, que répondent-ils au roi leur demandant : Qui vous a commandé une pareille action ?. Ils répondent :

Notre Sainte THORA ! Trouves-tu étrange qu’ayant reçu cette Thora sainte de Moïse, à qui Adonaï lui-même l’a donnée (les Tables du Témoignage), nous la préférions à tes ordonnances ? Et crois-tu que nous appréhendions de souffrir ce qui, au lieu d’être le châtiment d’un crime, sera la récompense de notre piété ?[19]

La piété envers la Thora ? Juda et Matthias sont des justes, de ceux qui ont faim et soif de justice, c’est-à-dire qui défendent la Thora, qui écoutent et suivent le Juste par excellence, le Messie, le Christ, car la justice, c’est l’accomplissement de la Thora, l’établissement du règne de Iahveh, par les Juifs, son peuple, sur la terre entière[20]. Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? demande le jeune homme riche. Accomplir la Thora, ce qui dispense une vie immortelle, ont répondu déjà, Juda et Mathias. Et Jésus, par une variante évangélique qui veut dire la même chose : Gardes les commandements !

Par suite de quelle aberration du bon sens le plus élémentaire peut-on admettre que les Romains auraient haï, pourchassé, persécuté le sage Jésus qui eut une façon de concevoir la révolution juive si différente de celle de Juda le Gaulonite, comme dit Renan (qui n’a rien compris aux origines du christianisme), s’il avait voulu sauver le monde, au sens où on l’entend aujourd’hui, et comme si le monde d’alors, pour avoir besoin d’être sauvé, avait une moralité inférieure à celle du nôtre, après douze ou treize siècles d’action chrétienne, cependant ? Ce serait un fait unique, un miracle que, dans la Judée du temps de Tibère et jusqu’à Hadrien, il ait pu se lever simultanément des Messies-Christs dont les exploits guerriers se lisent encore dans les auteurs profanes, et un Messie-Christ, tel que celui des Évangiles conventionnels. Mais, s’il était vrai, ce fait unique, le Christ conventionnel ferait avec les autres un si saisissant contraste qu’il serait entré dans l’histoire par effraction, et non par les écrits ecclésiastiques. Et surtout, comment peut-on croire que les Hérodes et Ponce Pilate auraient mis en croix ce Prophète de la Paix, ce Jésus-Christ prédicateur de morale, ne rêvant que le règne du bien, de la vertu et de la résignation dans les âmes ; qui n’aurait pu que servir leur cause, en apaisant les passions déchaînées, qui eût été un agent d’ordre, leur agent, en un temps où ils ne sont occupés qu’à réprimer des séditions et des révoltes, qu’à éteindre le volcan qui sans cesse se rallume sous leurs pieds ? Renan dixit. Loin de le crucifier, ils l’auraient inventé, si possible, et, le trouvant de bonne volonté, ils l’auraient commandité et subventionné en sous-main. S’il eût couru quelque péril, ils l’eussent protégé et sauvegardé contre ses ennemis. Car c’étaient de fins politiques.

VIII. — Le Messie.

C’est donc que Jésus-Christ, c’est donc que le Juif crucifié par Ponce Pilate, que les Écritures ont transfiguré, a été autre chose. C’est qu’il a tenté d’être, c’est qu’il s’est dit le Messie, c’est qu’il a agi pour accomplir la Thora, le Pacte d’alliance, pour être roi d’Israël[21]. Il a été le Messie, le Christ.

Le Messie ? Mais il l’est avant que de naître. L’ange Gabriel le dit formellement à Marie : Tu enfanteras un fils... Le Seigneur (Iahveh) lui donnera le trône de David, son père. Il règnera éternellement sur la maison de Jacob. Le trône de David, la maison de Jacob ? Où trouver, dans cette prédiction, de la morale évangélique ?

Le cantique de Zacharie à la naissance[22], que proclame-t-il ?

Béni soit le Dieu d’Israël (Iahveh, je pense, et nul autre), de ce qu’il a visité son peuple et nous a suscité un puissant sauveur (textuellement : une corne de salut) dans la maison de David. Comme il en a parlé dans les anciens temps par la bouche des saints Prophètes — il l’a même gravé de son doigt sur les Tables de pierre, — il nous délivre de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent... et se souvient de sa Sainte Alliance, selon le serment qu’il a fait à Abraham, notre Père[23], de nous accorder, qu’après nous avoir délivrés de nos ennemis (toujours), nous le servirions sans crainte.

C’est, en deux phrases, tout le synallagmatisme du pacte d’alliance.

Le chant d’actions de grâces de Marie enceinte et attendant sa délivrance, tout adouci et mélangé qu’il soit, n’en contient pas moins la même espérance dans le Messie, la même certitude dans la réalisation de la Thora :

Le Tout-Puissant m’a fait de grandes choses... Il a déployé avec force la puissance de son bras... Il a renversé le trône des puissants (elle en parle comme d’un fait accompli, tant elle a foi dans le Pacte d’alliance)... il a pris en main la cause d’Israël son serviteur, et il s’est souvenu de sa pitié (pour les Juifs sous le joug d’Hérode et des Romains), ainsi qu’il en avait parlé à nos pères, envers Abraham et sa postérité pour toujours.

Sont-ce là des hymnes sur le rachat et le salut de l’humanité pécheresse ? Ou bien l’explosion de joie des Juifs messianistes, en l’honneur du libérateur espéré qui doit réaliser le Pacte d’alliance, la délivrance d’Israël ?

Que dit Siméôn, — ce vieillard qui attendait à Jérusalem la consolation d’Israël (consolation de quoi ? sinon de la servitude qui va finir ?) Ceci : Je puis mourir, mon Dieu, car mes yeux ont vu ton libérateur (ton ? c’est-à-dire de toi, qui vient de toi). Il a vu le petit enfant de Marie, le futur Messie d’Iahveh, préparé pour être, à la face de tous les peuples, la lumière révélatrice des nations, — ou des goïm-gentils[24].

Un prédicateur de la paix et de la morale évangélique, cet enfant, avec cet horoscope et l’enthousiasme messianiste que sa naissance déchaîne ? Si dangereux qu’à peine est-il né, son père l’emmène en Égypte pour fuir la colère d’Hérode ? qui est salué comme Roi des Juifs par des Mages que l’on fait accourir tout exprès de Chaldée, au signe de l’Étoile, et qui, plus tard réchauffera le zèle de ses partisans en s’écriant :

Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre. Je suis venu apporter non la paix, mais l’épée ![25]

Aveu direct encore à la Samaritaine : Je suis le Messie, moi qui te parle, le Messie, — et le Selon-Jean interprète : c’est-à-dire le Christ, — qui doit venir. Pour sauver le monde ? Oui, mais de quoi ? sinon de la domination romaine, au profit d’Israël.

Messie juif, fils de David, Prétendant royal, Christ qui devait élever Israël par-dessus les aigles (les aigles romaines) et le loger dans les Étoiles, comme il est dit dans l’Assomption de Moïse, il n’est que cela dans les Évangiles, malgré sa morale plaquée, révolté toujours en fuite sous la poursuite d’Hérode qui le recherche pour le faire mourir, à qui il n’échappe longtemps qu’à cause des partisans qui le protègent, — les foules des Évangiles, — qui lui offrent asile, le dérobent sans cesse, car son heure n’est pas venue, traduisent les scribes. Les renards ont des tanières, c’est-à-dire les Hérodes ont des palais, car Hérode, c’est le renard ; Allez dire à ce renard... — et le Fils de l’Homme (le Messie) n’a pas un oreiller pour reposer sa tête. C’est le cri de l’insurgé toujours traqué contre celui qui le traque[26].

La montée à Jérusalem pour la grande Pâque sabbatique et jubilaire, 788-789, — convertie en une sorte de manifestation de fête avec réjouissances publiques, n’est pas autre chose que la tentative suprême du prétendant qui joue son va-tout. Dès Jéricho, un aveugle le salue du titre de Fils de David, messianique au premier chef. Sous les transports de la foule, que l’exégèse traditionnelle donne comme idyllique, on touche, marqué en traits de feu, le caractère insurrectionnel de cette montée à Jérusalem, vrai coup de force. L’enthousiasme des foules ne laisse aucun doute[27].

Béni soit le Roi qui vient au nom d’Iahveh ! Hosannah au Fils de David ! Béni soit le règne qui vient, le règne de David, notre Père ! Hosannah ! Béni soit celui qui vient au nom d’Iahveh, le roi d’Israël !

Les quatre Évangiles sont unanimes. C’est bien le Messie qu’on acclame. Les scribes ont essayé d’atténuer ce caractère historique du Christ, son rôle de factieux, en lui faisant renier, en paroles, ses actes, ici et là. Quand on lui demande s’il est le Christ, il ne répond ni oui, ni non. Il recommande de ne le dire à personne. Puérilité de scribes, qui ne résistent pas à l’examen, qui sont contredites par les faits. C’est Simon dit la Pierre qui est dans le vrai quand il répond à Jésus qui demande à ses disciples qui il est : Tu es le Christ ! Il ajoute, il est vrai le Fils du Dieu vivant. Mais entre le cri : Tu es le Christ et la formule : le Fils du Dieu vivant, cent cinquante ans de gnosticisme ont passé.

Jésus-Christ a, à ce moment critique, l’occasion de prouver qu’il n’est qu’un prédicateur de morale. Le scribe lui tend la perche, comme on dit.

Fais-les donc taire, ces gens qui te sacrent Messie ! lui disent en effet les Pharisiens.

Amen ! répond Jésus, si ceux-ci se taisent, les pierres crieront !

Oui, comme plus tard, on dira — la poudre parle[28].

IX. — Le Christ Bar-Abbas, Roi des Juifs.

L’arrestation a lieu, puis le jugement, puis la crucifixion.

Je m’en voudrais d’analyser ici les incohérences, les contradictions, les invraisemblances des récits évangéliques. Elles résultent nécessairement du pénible travail littéraire auquel, se sont livrés les scribes, pendant deux ou trois siècles, et les conciles à la rescousse, pour essayer, bien maladroitement, de travestir la vérité[29].

Mais la vérité y est encore, tant elle a été la vérité ; elle a résisté à toutes les retouches, à toutes les impostures, et elle rayonne, sous son travestissement, et à cause de lui, du jour le plus cru.

Dans le Selon-Jean, les Juifs livrent Jésus en tant que malfaiteur, comme Bar-Abbas, et pour s’être dit Fils de Dieu, soit encore Bar-Abbas. Pilate lui demande : Donc, Roi, tu l’es, toi ? Et, dans la pensée de Pilate, même ironisant, le Roi des Juifs qui est-ce, sinon l’adversaire de César et de la domination romaine, le libérateur, le Jésus politique ? Il le connaît bien. Et Jésus répond : Tu dis que je suis roi. C’est pour cela que moi je suis né et pour cela que je suis venu dans le monde[30]. Sur l’écriteau : « Jésus Nazaréen, roi des Juifs[31]. Dans le Selon-Matthieu, mêmes certitudes. On a ajouté, pour plus de précision, que l’écriteau porte le motif de la condamnation. Le Selon-Marc diffère peu du Selon-Matthieu. Le Selon-Luc est plus travaillé, s’il est possible. Mais la vérité lui doit beaucoup. Il ne supprime pas l’acte d’accusation, malgré son incohérence, Avant la comparution devant Pilate, les sacrificateurs interrogent Jésus. Si tu es le Christ, dis-le nous... Tu es donc le Fils de Dieu (Bar-Abbas) ? Jésus répond : Vous dites vous-mêmes que je le suis. Ils sautent sur l’aveu, assez jésuitique, c’est le cas de le dire. Qu’avons-nous encore besoin de témoignage ? Nous l’avons nous-mêmes entendu de sa bouche !. Ils le mènent devant Pilate. Et alors, font-ils état de l’aveu qu’ils viennent de recevoir ? L’accusent-ils d’avoir avoué être Bar-Abbas ? Nullement. Tout Juif l’était. Ils l’accusent d’être le Christ, le séditieux. Ils le dénoncent comme tel à Pilate, comme si le procurateur qui a arrêté le Christ à Lydda avait besoin qu’on le lui apprenne : Nous avons trouvé celui-ci soulevant notre nation, défendant de payer le tribut à César, — comme Juda le Gaulonite en 760, — et se disant le Christ, le Roi[32]. Ils insistent : Il soulève le peuple enseignant — prêchant l’Apocalypse et le règne de l’Æon, du cycle de mille ans, la guerre contre Rome, — par toute la Judée. Après avoir commencé par la Galilée, il est venu jusqu’ici. Le voilà bien, le chef, l’instigateur, l’animateur du grand trouble dans la Judée, sous Tibère[33].

Faut-il une preuve évangélique de plus que Jésus-Christ a bien été le Messie et condamné comme tel ? Lisez jusqu’au bout le Selon-Luc. Après la crucifixion et la mise au tombeau, que dit à Jésus-Christ lui-même, ressuscité, et qu’il ne reconnaît pas, — la transfiguration a passé par là, durant deux siècles, — l’un de ses fidèles partisans, tout marri de l’échec de l’insurrection, son beau-frère, je pense, ou son oncle Cléopas, pour l’appeler par son nom ?

— Pour nous, nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël ?

Est-ce clair ?

Ainsi, au point où nous en sommes arrivés, rien qu’en nous appuyant sur les anciennes Écritures hébraïques et les Évangiles, qui ne sont pas autre chose que de nouveaux écrits, judaïques aussi, — christiens, — il y aurait eu dans la même année 788 = 35, le même jour, deux Juifs prisonniers, et tous les deux prisonniers de marque, portant les mêmes noms ou surnoms Jésus Bar-Abbas et tous les deux arrêtés pour la même cause : sédition, émeute, révolte, meurtre, tentative de révolution politique ?

Ces deux prisonniers n’en font qu’un[34].

Que faut-il de plus pour vous convaincre ? Encore un faux de l’Église ? Le voici, puisqu’il faut aller jusqu’au bout.

X. — Le marquis de Kar-Abbas.

Quelque deux ans après les événements de Judée, après le grand trouble qui amena la crucifixion du Messie-Christ, Tibère étant mort, son successeur Caïus Caligula établit comme ethnarque de Bathanée, avec le titre de roi, sous la domination duquel devait peu à peu se reconstituer pour un temps le royaume de David, un prince hérodien, son favori, Hérode Agrippa.

Venant de Rome et se rendant en Palestine pour prendre possession de ses États, Agrippa fit escale à Alexandrie où vivaient deux cent mille Juifs. C’était le séjour du philosophe Philon, néo-platonicien, frère de l’alabarque Alexandre, dont le fils Tibère Alexandre, procurateur de Judée sous Claude, fit crucifier Simon-Pierre et Jacob-Jacques, disciples et frères du Seigneur, chefs alors des Kanaïtes, et inculpés d’insurrection, comme Bar-Abbas.

Les Juifs d’Alexandrie firent fête au nouveau roi Agrippa. Parmi les cérémonies données en son honneur, il y eut une représentation de gala au Gymnase.

Quelle pièce, quelle représentation pensez-vous qu’on pouvait jouer devant Hérode Agrippa, afin de lui faire honneur et plaisir ? Écoutez Philon qui la raconte[35] :

Il y avait dans la ville un fou nommé... — je dirai son nom tout à l’heure, — atteint d’une douce folie. Il passait les jours et les nuits à peine vêtu, par les routes (il n’avait, comme le Christ, nul lieu pour reposer sa tête), jouet des enfants et des adolescents en vacances. Ayant poussé ce malheureux jusqu’au Gymnase et l’ayant placé bien en vue (surélevé ; le texte grec dit meteôron), de sorte qu’il regardât de haut, on mit sur sa tête en guise de diadème une large feuille de papyrus, on enveloppa le reste de son corps d’étoffe en guise de chlamyde ; on lui mit en main comme sceptre un roseau ramassé en chemin. Ensuite, comme dans les mimes de théâtre, après qu’on l’eût orné des insignes de la royauté et transformé en roi de comédie, des jeunes gens portant des bâtons sur leurs épaules, imitant des soldats avec leurs lances, se placèrent de chaque côté, tels des gardes du corps. D’autres s’approchèrent comme pour le saluer, ceux-ci pour lui demander justice, ceux-là pour être conseillés sur les affaires publiques. Alors, de la multitude placée en cercle, un cri retentit, inconvenant, appelant : Maran ! (Ainsi dit-on, chez les Syriens, nomme-t-on le Seigneur).

Qu’on relise ce morceau. Il le mérite. Il vaut d’être analysé de près, et comparé surtout avec les textes évangéliques, car il est, sous forme de tragi-comédie, toute la Passion du Christ, avant la Crucifixion[36].

Voici d’ailleurs l’histoire dans les Évangiles : Les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus-Christ dans le prétoire ; ils rassemblèrent autour de lui toute la cohorte. Ils lui ôtèrent ses vêtements et le revêtirent d’un manteau écarlate. Puis, ayant tressé une couronne d’épines, ils la lui mirent sur la tète, et un roseau dans la main droite et, fléchissant le genou devant lui, ils se moquaient en disant : Salut, roi des Juifs ![37], ils crachaient sur lui, et, prenant le roseau, ils lui donnaient des coups sur la tête, etc.

Admirons l’esprit d’à-propos, le sens de l’actualité, chez les Juifs d’Alexandrie, dont beaucoup certainement étaient montés à Jérusalem pour la Grande Pâques sabbatique et jubilaire de 788-789, et avaient été les témoins du procès et de la crucifixion du Messie-Christ[38]. Quel autre sujet de pièce, plus approprié aux circonstances, pouvaient-ils mieux choisir pour une représentation théâtrale en l’honneur du nouveau roi, petit-fils d’Hérode le Grand, et de cette dynastie qu’avait voulu évincer du trône de Judée le Prétendant davidique, le Messie crucifié par Ponce Pilate ? Et quelle scène plus que flatteuse celle où le Messie est bafoué dans un rôle tenu par un fou ?

Or, ce fou, ce malheureux à qui l’on fait jouer la Passion de Jésus-Christ, en parodie ridicule, comment s’appelle-t-il donc dans l’ouvrage de Philon ? BAR-ABBAS[39].

Qu’est-ce que la vérité ? demande, au IIIe siècle pour le moins, dans le Selon-Jean, le revenant presque christianisé du Procurateur Ponce Pilate, au Prétendant davidique Jésus Bar-Abbas, impassible et à demi désenjuivé sous le masque qu’on lui a mis de Rédempteur du monde.

La Vérité ? Vous savez maintenant ce que répond l’Histoire BARABBAS !

 

 

 



[1] Isaïe, traduction de M. Cohen, p. 69, note. Prétention exorbitante, à une époque où, comme il est dit dans le Contra Celsum (V, 41), les Juifs n’ont pas connu le grand Dieu.

[2] Deutéronome, IV, 5-8 et XXVI, 18-19.

[3] Épître aux Romains, I, 16 ; IX, 4-5 ; et le Selon-Jean, IV, 22 (Jésus à la Samaritaine : Le Salut vient des Juifs.)

[4] Voir Exode, chap. XXI à XXXVI.

[5] Le détail est dans l’Exode qui dit un cornet.

[6] Exode, XXXIV, 27-29.

[7] Au point que Iahveh, par la voix du grand prophète Ésaïe, n’avait pas hésité à décerner le titre de Messie au roi des Perses, à Cyrus, un Goï, un Incirconcis, un Idolâtre, parce que, libéralement, il avait mis fin à la captivité de Babylone et permis aux Israélites de retourner dans leur patrie et de relever Jérusalem et le Temple.

Je dis à Cyrus : Il est mon berger (Ésaïe, XLIV, 28).

Ainsi parle l’Éternel à son Christ (Oint, Messie), à Cyrus, qu’il tient par la main (Ésaïe, XLV,1).

[8] Signe du Zodiaque, bien entendu. L’Apocalypse, cette réalisation sur le papier du royaume d’Iahveh, de l’espérance messianiste, ne dit pas autre chose, au chapitre XII (déplacé naturellement, car il devrait être au début) : Parut dans le ciel un Signe de première grandeur. Une femme (la Vierge, constellation) ayant la lune sous ses pieds, enceinte du soleil (le Verbe de Dieu qui éclaire tout homme venant dans ce monde), sur sa tête une couronne de douze étoiles, — le Songe de Joseph l’Ancien, fils de Jacob, l’Ancien aussi, — criait dans les douleurs de l’enfantement. Nous connaissons tout cela. Mais il est bon de le rappeler.

[9] Toute l’exécration de l’antiquité romaine contre les Juifs davidistes vient de là. Tacite parlant d’eux : Race haïsseuse du genre humain. Quintilien, en 92, dans l’Institution oratoire : Il est des hommes auxquels l’ignominie s’attache au delà du tombeau... tel est le premier auteur le la superstition judaïque.

[10] Inutile de dire que ces Juifs, qu’ils soient en Palestine, ou, qu’ayant émigré, ils se contentent de pratiquer leur culte, à Jérusalem, ou dans les synagogues des communautés alentour des rivages méditerranéens, Rome ne les a jamais persécutés. Dans le monde grec et romain, pas de fanatisme : toutes les religions, toutes les philosophies sont également bonnes. La superstition judéo-égyptienne de Tacite et de Suétone, c’est le messianisme, c’est l’Apocalypse. Juvénal, Martial, prouvent que les Juifs ordinaires ont toujours vécu tranquillement à Rome.

[11] L’équivoque sur le nom résulte à l’évidence d’un passage de l’Apologie de Justin (I, IV, 1, 5). Je renvoie au paragraphe Christianoï= Chréstoï. Un nom n’est, ni bon, ni mauvais : ce sont les actions qui s’y rattachent qu’il faut juger. A ne considérer que ce nom qui nous accuse (christiens), nous sommes les plus vertueux (chrêstiens) des hommes. En grec l’êta de chrêst se prononçait i, le jeu de mots avec christ est très simple. Il se retrouve dans Théophile, Ad Autolycum, I, 1. Justin insiste : Nous sommes accusé d’être christiens, est-il juste de haïr le meilleur (chrêston qui se prononce christon, et à l’oreille peut se traduire par Christ). Est-il juste de haïr le Christ ? Le calembour a été une des forces de la prose et de l’éloquence christienne. Rappelez-vous le calembour sur Pierre. Képhas-Simon. Tu es Pierre, et sur cette pierre... Et celui sur Éloï, au Calvaire : Il appelle Élie ! si déplacé dans la circonstance, et comme si les Juifs qui entendent ignoraient le nom de leur Dieu : Éloï.

[12] D’autres, il est vrai, sont dits : Boanerguès, Fils du tonnerre. Rien de commun avec ceux qui procurent la paix, comme on voit.

[13] Jugé et condamné par le Sanhédrin, — les Évangiles ne permettent pas de s’y tromper, malgré leur incohérence voulue, — et quarante jours au moins avant la Pâques, d’après le Talmud de Babylone le christ fut exécuté par les Romains. La loi Julia, — voir Ulpien, — définit le crimen majestatis : tout attentat contre le peuple romain ou l’ordre public, et comme coupable quiconque, à l’aide d’hommes armés, conspire contre la République, ou par lequel des séditions prennent naissance.

[14] J’ai précédemment signalé cette haine, d’odeur spéciale, haine de famille, la pire de toutes les haines, la plus farouche, haine corse, qui transpire, dans les Évangiles, entre le Christ et les Hérodes, et qui ne s’explique pas si le Christ n’a été que le rénovateur de la morale juive, l’inspirateur d’une révolution purement spirituelle. Je ne puis ici que la rappeler. Elle est importante. Une addition cependant. Je prouverai, dans cet ouvrage, que Marie, femme de Joseph et mère du Christ, a eu pour mère une Cléopas, que, veuve d’un premier mari (le père de la Vierge évangélique), Hérode le Grand épousa, désireux de s’allier aux familles juive influentes. La grand’mère du Christ entrant dans le sérail et le lit d’Hérode ! On comprend ainsi la déclaration de Jésus des Évangiles : Je suis venu apporter la division... entre la fille et la mère, et que Marie soit Magdaléenne, la farouche et fanatique davidiste. C’est une histoire de famille. Les Actes des Apôtres donnent Ménahem (le plus jeune fils de Juda le Gaulonite) comme frère de lait, lisez : frère utérin, frère de mère, du tétrarque Philippe, lequel serait donc le fils d’Hérode le Grand et de la grand’mère du Christ, le demi-frère de Marie, et le demi oncle des sept daïmones et de Marthe-Thamar et Marie.

[15] Il n’est pas dans mon plan de comparer la morale dite chrétienne avec la morale dite païenne. Je renvoie, pour les esprits curieux d’en apprendre long sur ce point, aux livres de Louis Havet sur les Origines du Christianisme. Ils y verront que pas un précepte évangélique n’est original, et que tous sont la copie de préceptes que l’on trouve dans les auteurs grecs et latins, ou écrits juifs. La morale chrétienne n’a d’originalité que dans la surenchère. En politique, c’est de la démagogie. En morale, c’est l’encouragement de la canaille, — ce qui revient à de la démagogie : Si l’on te prend ton manteau, donne ta veste. Si l’on te soufflette, tends le bas des reins. Belle la paix ! L’oraison dominicale ou Pater noster n’est qu’un plat démarquage de la prière à Zeus du stoïcien Cléanthe, dans l’Anthologie de Stobée : C’est toi qui es notre Père, ô Zeus... Tout y est, sauf le pain quotidien.

[16] Expression qui appellerait bien des commentaires par son équivoque. Je me borne à indiquer qu’il s’agit de la vie œonique, la vie dans l’Æon, dans le cycle de mille ans : le point de vue de l’Apocalypse, toujours.

Jésus ajoute, il est vrai : Vends tous tes biens et donne-les aux pauvres. Adoucissement ecclésiastique. Pour le Messie-Christ, les pauvres ce sont ses partisans à qui le nerf de la guerre est nécessaire. Le change consiste à transformer en recommandation de charité la menace que l’on trouve ailleurs : Il est plus difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux, etc., qui a pour but d’exciter le zèle des christiens à donner de l’argent aux séditieux qui pillaient pour s’enrichir. Les collectes de saint Paul, en faveur des saints de Jérusalem, cachent un immense appel à la bourse des Juifs de la Dispersion pour commanditer les séditions de l’âge apostolique.

Aux IIIe et IVe siècles, le christianisme évangélique, article d’exportation, n’est plus que lucratif. La soif du gain ! dit Flavius Josèphe. Et par les fausses Lettres de Paul, après le IIe siècle, la Judée, tant le christianisme est œuvre juive, rançonnera la Macédoine, l’Achaïe, Rome même, car si les Gentils ont eu part aux biens spirituels des Juifs, ils doivent à leur tour les assister de leurs biens temporels. (Aux Romains, XV, 26-28).

L’Épître aux Romains est une œuvre bien curieuse, car elle ne s’adresse qu’aux Grecs, soit pour les distinguer des Juifs, soit pour les faire participer au salut comme les Juifs. On y vise bien les Gentils, dans l’ensemble, mais pas un mot qui vise Rome, l’Italie ou les Romains.

[17] La justice, c’est que le trône de David revienne à ses descendants. La pitié, c’est la souffrance qu’on doit éprouver de voir la Judée aux mains des Hérodes. Jeanne d’Arc disait : La grande pitié du royaume de France, quand la France était aux mains des Anglais. La foi, c’est l’espérance dans le prochain rétablissement de la royauté davidique.

[18] Ainsi parle le Selon-Matthieu (V, 17-19). Et le Selon-Luc (XVI, 17) répète, en ajoutant : Il est plus aisé que le ciel et la terre passent, — comme dans l’Apocalypse, — qu’il ne l’est que vienne à tomber un seul trait de lettre de la Thora. On a atténué le coup dans le Selon-Matthieu par ceci, qui ne change rien au fond : Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements et qui enseignera ainsi les hommes sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux. — (Non : celui-là n’entrera même pas dans le royaume des cieux, dans la vie : il est réservé à la géhenne). — Mais celui qui les observera et les enseignera sera appelé grand dans le royaume des cieux. Matthieu (XI, 12-13), — morceau déplacé, puisque le Selon-Luc, qui a le passage parallèle, l’insère dans les vaticinations de Jésus sur la Thora, — dit aussi : Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à maintenant, le royaume des cieux est forcé et les violents le ravissent. Le scribe, qui sait que Iôannès fut le Christ, fait à Jésus, son double, rappeler toute l’histoire christienne, kanaïte, violente, insurrectionnelle. Jusqu’à maintenant veut faire croire que Iôannès n’est pas le Christ, comme s’il s’était écoulé le moindre espace de temps entre les deux. Le Selon-Luc, suivant son habitude, essaie de donner le change : La Loi et les Prophètes ont duré jusqu’à Jean ; depuis lors, le royaume de Dieu est annoncé et chacun y entre par la violence. C’est du pur galimatias. Si Jésus est venu accomplir, après Jean, la Loi et les prophètes, ils ne durent donc pas jusqu’à Jean seulement. Le royaume de Dieu est annoncé, depuis lors, a la prétention de justifier la nouvelle alliance. Mais la suite détruit l’effet voulu : chacun y entre par la violence. Le Selon-Luc fait un méli-mélo incohérent du fait christien historique et de l’invention du royaume de Dieu, vague idéologie chrétienne. Il ne faut retenir, comme logiques, de ces passages évangéliques que les affirmations sur la violence pour l’accomplissement de la Thora par le kanaïsme sicaire.

[19] C’est déjà le langage des martyrs, beaucoup plus dans la vérité que tout ce que font, répondre les Évangiles au Christ devant Caïphe et Pilate. Juda et Mathias sont des martyrs messianistes, c’est-à-dire, Messie étant traduit par Christ, des martyrs christiens, bien avant le christianisme.

[20] Le royaume de Dieu, le royaume des cieux, c’est cela et rien d’autre le salut du monde par les Juifs, sauver le monde, pour le Messie-Christ, c’est cela et rien d’autre. C’est par un change dans les termes qu’on l’a fait entendre différemment. C’est pour fausser cette morale des Évangiles qu’on a mis, dans les Évangiles, la morale évangélique, vague plagiat de la morale universelle. M. Charles Guignebert (Hist. anc. christ., p. 212) écrit : Incontestablement Jésus a prêché le royaume ou le règne de Dieu :... mais il est difficile de savoir ce qu’il entend par ces mots traditionnels. Non, pas difficile du tout, quand on ne confond pas le IIIe siècle avec le Ier.

[21] Dans les Talmuds, Jésus et son Père sont dit Bandera, Pandera, Panthera, — corruptions certaines de Pan-thora, Toute la loi ; ce surnom vaut à lui seul, tout un commentaire, celui qu’en donne Jésus lui-même : Je suis venu accomplir la Thora, toute la Thora, jusqu’au iod, jusqu’au plus petit trait de lettre.

C’est pour atténuer l’effet de ce surnom typique, Panthora, que les Juifs du Talmud l’ont déformé, et que le scribe juif qui, au IVe siècle, a mis le Contra Celsum sous la signature d’Origène, pour faire croire que l’ouvrage est du second siècle, y a inséré la calomnie infamante de l’adultère de Marie avec un soldat romain nommé Panthèr, de qui elle aurait conçu Jésus-Christ. Panthèr, c’est Panthora, c’est d’abord Juda le Gaulonite, — l’inconsistant Joseph des Évangiles, — puis c’est son fils, qui a hérité de ses enseignements et du surnom, comme d’une raison sociale.

[22] La naissance du Joannès. Mais le Joannès, mué en Jean-Baptiste, décapité sur le papier par la plume des scribes, afin d’arrêter vivement sa carrière qui se serait confondue avec celle de Jésus-Christ sans cela, n’est pas, historiquement, un autre individu que le Christ, sous son nom d’Apocalypse, de révélation, de Qabbale, autrement dit. Si le Joannès n’est pas le Christ, le cantique de Zacharie est une imposture. Mais il y a d’autres preuves de leur identité. On commence à s’en apercevoir.

[23] La promesse d’avoir le monde pour héritage fut faite à Abraham ou à sa postérité, dit l’Épître aux Romains (IV, 13), qui ajoute, en vertu de la justice de la foi. Autrement dit ; la foi dans la promesse d’avoir le monde pour héritage faite à Abraham ou à sa postérité, c’est la Justice.

[24] J’ai traduit à peu près, comme le font les traducteurs ordinaires. Mais le sens est : préparé pour être, (projetée dans l’Apocalypse), la lumière des nations. Car il y a ici un jeu de mot qabbalistique, de qabbale, presque intraduisible sur l’Apocalypse. Ce Siméôn s’appelle, en grec, Sumeôn. La traduction Simeôn est fautive ; on devrait écrire Symeôn, l’u grec équivalant à y. Mais, au fond, les traducteurs, sans s’en douter, ont raison. Sumeôn est une déformation du mot grec sémelon, le Signe, où l’é est un êta qui se prononce i. Nous le savons. Simeôn, donc, le Signe, — rien de Simon, — parle le langage des Sibylles, — en vers, bien entendu, dans la prose ordinaire de l’Evangile. Il veut dire, aussi clairement qu’il le peut, et par siméiologie ou similitude, n’étant qu’un signe anthropomorphe, un symbole, un corps allégorique, que le petit enfant révélera (il sera la lumière) dans l’Apocalypse, l’Espérance d’Israël (sous son nom de Qabbale, Joannès). Et , en effet, il l’a bien révélée mais réalisée, non pas, du moins en fait ; car sur le papier, oui.

[25] Et ce ne sont pas ses seuls cris de guerre : Que celui qui n’a pas de bourse vende son manteau pour acheter une épée ! (Luc, XXII, 36). Et le sens de cette parabole qui se termine ainsi : Amenez ici mes ennemis, ils n’ont pas voulu m’avoir pour roi ; et tuez-les en ma présence. (Luc, XIX, 27).

[26] Le renard, dans les Évangiles, c’est alopex, qui signifie bien renard. M. Henri Meunier (Miss. hist. Jésus, p. 26, en note), pour prouver que Jésus ne craignait pas Hérode, traduit alopez par chacal. Suit toute une dissertation sur ce qu’est le chacal en Palestine et dans la Bible. C’est de l’exégèse bien curieuse.

[27] Je ne dirai ici qu’un mot sur l’âne. Il est symbolique, comme dans toutes les représentations des Christs à tête d’âne. Symbolique, comme les Poissons. Il est le signe de la victoire. Il figure déjà dans la fameuse prophétie de Jacob sur le Sciloh (Messie) qui attachera son âne à la vigne. L’Âne, disent les exégètes, est très honoré en Orient. Ainsi expliquent-ils cette ridicule montée de Jésus sur un âne à Jérusalem. L’âne est honoré comme symbole, oui. Mais comme bête, c’est une autre affaire. Il n’est pas d’animal plus maltraité par les Arabes et les Sémites du peuple.

[28] M. Henry Monnier (La mission historique de Jésus, p. 60) qui, pour les besoins de la foi et de l’exégèse orthodoxe, côté protestant, efface à dessein tout ce qu’il y a de messianique dans les Évangiles, reconnaît que Jésus, à ce moment, se laissa décerner sans protester le titre de Messie, et parut même le provoquer. Parut ! Il avoue ailleurs que l’entrée à Jérusalem fut marquée par des possibilités de victoire. Mais alors ? Qu’est-ce à dire ? S’agissant d’un rénovateur moral, on ne comprend pas.

[29] Le Selon-Jean nous présente Jésus devant Caïphe, se défendant comme prédicateur du royaume des cieux, ce qui d’ailleurs, entendu au sens juif, est vrai : Réalisation du royaume d’Iahveh, accomplissement de la Thora. Jésus dit aussi : Mon royaume n’est pas de ce monde. Ce qui est exact encore, au sens juif, le règne d’Israël ne devant advenir qu’après la destruction du monde : voir l’Apocalypse. Mais on comprend que ces phrases sont voulues à double sens. Ponce Pilate a l’air d’un fantoche tenant une cour de justice à allures académiques, sous le Portique à Athènes, et non sur le Lithostratos, en hébreu : gabbattha. Les scribes le ménagent. Ils écrivent, aux IIIe et IVe siècles, au moment où l’on conquiert le monde romain. Pour un peu, Ponce Pilate relâcherait Jésus. Il ne trouve aucun crime en lui. Les Juifs doivent lui faire la leçon : Si tu le relâches, puisqu’il s’est fait Roi, tu n’es pas ami de César. Pilate, plus Juif que nature, christien presque, essaie encore de sauver Jésus. Crucifierai-je votre Roi ?Nous n’avons d’autre Roi que César, répondent les Juifs, plus romains aussi que nature.

On est en train de préparer ce faux éminent : les Actes de Pilate. Est-ce que ce procurateur aussi n’a pas envoyé un rapport à Tibère, un procès-verbal des guérisons miraculeuses qu’on attribue à Jésus, comme s’en portant le garant (Tertullien, Apolog., ch. XXVI ; Eusèbe, H. C., II, II, où l’on voit Tibère en référer au Sénat. Résultat du faux : suppression dans Tacite de toute la partie relative à la conspiration de Séjan, quatre livres entiers, les VII, VIII, IX et X des Annales, qui révélaient le faux) ? Même la femme de Pilate qui passe au Christianisme, comme le centenier qui a commandé le piquet d’escorte et de garde au Golgotha. Aucune invraisemblance n’arrête les faussaires.

Le Selon-Matthieu escamote l’acte d’accusation. Les sacrificateurs accusent Jésus. Mais de quoi ? On ne sait pas. Pilate dit : N’entends-tu pas les témoignages portés contre toi ?. Jésus ne répond sur aucun point. Le Selon-Matthieu avec le Selon-Marc, ajoutent : Pilate comprenait que c’est par envie qu’ils l’avaient livré ! Par envie ! Et Ponce Pilate, haut fonctionnaire de ce peuple romain à qui la civilisation doit le meilleur de sa science juridique, de ce peuple qui a créé le droit, aurait laissé crucifier ce Juste, en qui, — on a l’effronterie de le lui faire proclamer, avouant sa forfaiture, — il ne trouve aucune cause, rien qui permette même de l’inculper ? Et cela pour obéir à des Juifs braillards, dont, dans d’autres circonstances, il se débarrassait à coups de triques. Affaire des acquéreurs.

Je soupçonne d’ailleurs le scribe qui a travaillé le Selon-Matthieu d’avoir mis dans le grec : dia phthonon, par envie, au lieu de : dia phonon qu’il a rencontré dans la vérité historique. Il a glissé un téta, une toute petite lettre après le ph de phonon. Dia phonon, signifie : à cause d’un meurtre. Bar-Abbas est en prison, — voyez le texte grec, — dia phonon. Tout se tient dans la fraude, — et tout s’explique.

Dans le Selon-Matthieu, Pilate demande : Que ferai-je de Jésus, qu’on appelle le Christ ? Dans le Selon-Marc : Que ferai-je de celui que vous appelez le Roi des Juifs ?

J’ajoute que, dans toutes leurs mystifications, les faussaires, le plus souvent, ne se sont pas mis grandement en peine. Ils vont chercher au plus près : phthonon, phonon ; Sumeon, Sémeion ; Saül, Saul, Paul ; Nazir, Nazareth, etc., etc.

[30] L’exégèse chrétienne ergote : Tu dis que Je suis roi !, c’est toi qui l’as dit, non pas moi. Ce n’est ni oui ni non. C’est une fin de non-recevoir. (Henry Monnier, Miss. hist. Jésus, p. 63). Suit le marivaudage entre Pilate et le Christ. Je suis venu dans le monde, afin de rendre témoignage de la vérité ; tout ce qui est de la vérité entend ma voix. Le scribe se souvient de la Pistis-Sophia de Valentin dont il copie les idées et emprunte le système. Pilate lui dit : Quoi est la vérité ?. Qu’est-ce qui est la vérité ! Et non point : Qu’est-ce que la vérité ? comme certains traduisent. Et Jésus ne répond pas. (Jean, XVIII, 37).

[31] Les scribes ont essayé de parer le coup dans le Selon-Jean (XIX, 21,22), par une addition que le récit offre comme évidente. Pilate a fait placer l’écriteau : Jésus Nazaréen, roi des Juifs au-dessus de la croix, en hébreu, en latin, en grec. Beaucoup de Juifs ont lu cet écriteau placé. C’est le passé. Alors le scribe revient en arrière pour dire : Les principaux sacrificateurs dirent à Pilate : N’écris pas le Roi des Juifs mais qu’il a dit : Je suis le Roi des Juifs. Il ne l’est plus. Il prétend l’être. On sent la nuance. Et le scribe qui est fatigué achève sur une pirouette. Pilate répond : Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. La farce a assez duré.

[32] On n’avait pas encore sophistiqué le mot fameux : Rendez à César ce qui est à César et à Iahveh, ce qui est à Iahveh ! auquel les Évangiles donnent un air de loyalisme qui n’a pu tromper que les exégètes et érudits. Pour en comprendre la vraie signification, farouche, messianiste, il faut replacer la phrase dans la Pistis-Sophia du Juif qui se cache sous le nom occidental de Valentin, et d’où les scribes l’ont tiré, sans son contexte.

[33] Pilate envoie Jésus à Hérode et Hérode le renvoie à Pilate, d’après le Selon-Luc, qui explique qu’Hérode était aussi à Jérusalem ces jours-là, — en curieux, opine l’Église, — et que Pilate lui envoie le prisonnier en tant que Galiléen, donc justiciable d’Hérode. Nous avons montré dans Nazareth la raison de cette allégation fausse, qui a pour but de desserrer le nœud géographique qui rattache le Christ à Gamala. Si le Selon-Luc disait vrai, on ne comprendrait pas qu’ Hérode renvoie le prisonnier à Pilate, par qui il le fait juger. Le Selon-Luc dit aussi que lorsque Hérode vit Jésus, il éprouva une grande joie, parce que depuis longtemps il désirait le voir, — on peut le croire sans peine : mais, ajoute-t-il, — à cause de ce qu’il avait entendu dire de lui et espérant lui voir faire un miracle. En curieux ! Il est difficile de se moquer plus cyniquement des goïm. Ce renard d’Hérode, qui, tout au long des Évangiles, — ils le répètent à satiété, ne fait que poursuivre Jésus pour le faire mourir, voici que Luc nous le présente comme éclatant de joie à la pensée qu’il va engin assister à un miracle de Jésus ! On se révolte ou on éclate de rire, suivant son tempérament, à la pensée que des millions d’individus, y compris des savants et érudits coupent dans de pareilles balivernes.

Si Hérode est à Jérusalem, c’est qu’il a suivi la chasse au Prétendant et si Pilate lui envoie le prisonnier avant de le juger, c’est pour lui faire partager la grande joie de la capture. Je ne sais si Hérode et Pilate étaient ennemis auparavant et devinrent amis, ce jour même, comme le dit Luc. Mais je comprends qu’ils ont dû se féliciter et se congratuler mutuellement. La prise était bonne, — et leur avait donné assez de mal, quoi qu’il y paraisse peu dans les Évangiles.

[34] L’accusation qui pèse sur Bar-Abbas, brigand, malfaiteur, voleur, dans les Évangiles, on la retrouve dans tous les auteurs appliquée à Jésus-Christ. L’Église a effacé de l’histoire, autant qu’elle l’a pu, tout ce qui touche au rôle historique du Messie-Juif, prétendant au trône de David. Elle a laissé passer, dans les auteurs, même dans ceux qu’elle a annexés, comme apologistes du christianisme, cette accusation infamante, avec l’espoir évident de la rendre incroyable, confrontée avec le rôle de prédicateur moral qu’elle a attribué par camouflage au Crucifié de Ponce Pilate.

Dans le Contra Celsum, l’auteur, pseudo-Origène fait dire à un rabbin juif qui revendique courageusement pour sa race, c’est de là que vient le : Son sang soit sur nous et sur nos enfants ! dans les Évangiles, — la responsabilité de la crucifixion : Ce n’est pas d’hier que nous avons puni l’imposteur — à rapprocher de l’imposteur du mont Garizim, dans Flavius Josèphe, — qui vous abusait. Et parlant des disciples : Quels autres que des brigands peut bien appeler à lui un brigand (Lestès, comme, dans le Selon-Jean, Bar-Abbas).

Apulée dira : un scélérat, scelestus. Les manuscrits portent sceletus, pour faire squelette, oubliant que ce mot n’est pas latin dans ce sens. On ne le trouve, — un faux, — que dans ce passage de l’Apologie d’Apulée.

Minucius Félix, dans l’Octavius : Un homme exécuté pour ses crimes sur le bois funeste de la croix... adorer un scélérat et sa croix, non ! un homme passer pour un dieu ! surtout un pareil coupable !

Et dans Hiéroclès : Un bandit.

Il n’est pas inutile de rappeler enfin que c’est de ces mêmes épithètes que Flavius Josèphe se sert pour qualifier les Zélotes et Sicaires de la secte de Juda le Gaulonite.

Je ne ferai pas à mes lecteurs l’injure de leur expliquer le puéril travail littéraire, assez grossier au demeurant, qui a abouti à dédoubler Bar-Abbas, et à faire relâcher par Ponce Pilate, — par un comble d’imbécillité ! lorsqu’il tient à sa discrétion deux prisonniers, l’un, prince de la paix qui n’aurait pu que servir sa politique, l’autre, insurgé, fomenteur de séditions, — à faire relâcher, dis-je, justement le séditieux, alors que la Procurature de ce Ponce Pilate, dix ans durant, a été toute empoisonnée par les révoltes christiennes de Bar-Abbas. Et relâché, ledit Bar-Abbas disparaît de l’histoire, comme Simon-Pierre, dans les Actes, délivré par l’ange, et s’en allant dans un autre endroit (voir le § Simon-Pierre et les Actes).

Bar-Abbas, relâché, il n’y a plus que Jésus-Christ sur la croix. Mais le Selon-Jean nous a montré qu’il n’y avait même que le Iôannès-Christ, et non pas Jésus : Crucifiction et non crucifixion, en ce qui concerne le Verbe, mais crucifixion, et non Crucifiction, pour le Christ Bar-Abbas.

J’ai déjà dit, et prouvé, je pense, que Jésus, comme Zeus, Apollon, Minerve, n’est qu’une création métaphysique, qui date de Cérinthe, de Valentin, des gnostiques, — hérésiarques, envers qui l’Église est ingrate, car c’est à eux qu’elle doit tout, — lesquels ont inventé le dieu Jésus, Verbe ou Logos, émanation de Dieu. On le fait descendre dans le corps du Crucifié de Ponce Pilate. Et c’est pourquoi le Jésus-Christ des Évangiles est aussi incohérent.

Il ne peut s’expliquer que si l’on comprend le jeu littéraire de scribes Judaïques.

[35] In Flaccum, 6.

[36] Le morceau, dans Philon, a été retouché par une main ecclésiastique. Les marques d’effraction sont manifestes. L’épithète inconvenant (atoitos, en grec), pour qualifier le cri des assistants, appelant par moquerie : Seigneur, le fou couronné comme roi, prouve même que l’Église ne s’est pas trompée sur la portée et la valeur de cette histoire, sur son sens historique. On a aussi transformé le mot araméen Maran, en Marin, comme si Philon, juif, ignorait sa langue maternelle. Maran rappelle l’Apocalypse, non pas l’adaptation grecque dite de Pathmos que nous avons, mais l’Apocalypse originale, en araméen où le mot se trouvait répété (Apoc., XXII, 20), vœu de l’espérance messianiste. Viens, Seigneur ! L’épître I Corinthiens, XVI, 22, est plus, indiscrète ; elle porte encore : Maran atha ! en araméen dans le texte grec (le Seigneur vient). Le nom du fou, aussi, a été truqué, pour égarer la vérité.

Le récit de Philon, bien qu’il se tienne dans l’ensemble, contient encore des phrases assez mal enchaînées, dont la syntaxe est bizarre. On les traduit, mais le mot à mot est impossible. Tel quel, il serait plus semblable encore aux scènes des Evangiles, si les Évangiles eux-mêmes n’avaient pas aussi été arrangés. Dans la Première Apologie (XXXV, 6), du IVe siècle certainement, — mise sous le nom de Justin, qui vivait au IIe, et dont on fait un saint à cause de cela, — on lit que comme le Prophète l’avait annoncé, les Juifs tirèrent Jésus de côté et d’autre (le texte grec dit même : le disloquèrent) et le firent asseoir sur un trône (bien en vue, meteore, dit Philon), en lui disant : Juge-nous ! Dans Philon : Pour lui demander justice. Or, ces précisions de saint Justin ne sont plus dans les Évangiles. Concluez.

[37] Salut, roi des Juifs ! ; ils imitent Pilate, et non point leur chef... comme Pandore, ce centenier préposé au supplice pour le service d’ordre, à qui les scribes font dire : En vérité cet homme était un juste !

[38] A l’occasion de la Pâques, les pèlerins affluaient à Jérusalem de toutes les campagnes et montagnes, d’Égypte et d’ailleurs. Ainsi les factieux pouvaient opérer plus à l’aise, échapper au besoin aux poursuites. Et, pour les troubles, les Hiérosolymites pouvaient en rejeter sur les Juifs de l’extérieur toute la responsabilité auprès des Romains.

[39] J’ai prévenu que le nom avait été truqué. A peine, en vérité ! Les manuscrits, sous le calame des scribes, ont transformé BAR-ABBAS en KARABBAS. Mais la scène indique suffisamment qu’il s’agit bien du Roi des Juifs, BAR-ABBAS. La fraude est évidente, elle constitue un aveu. Fraude pieuse, sans doute, encore et toujours.

Ajouterai-je que devant Pilate, lorsqu’ils essaient de cacher la vérité en faisant dire au scribe : Mon royaume n’est pas de ce monde, — Ils ont peut-être lu dans Eusèbe, les histoires sur les descendants de Juda le Gaulonite amenés devant Domitien, et leur réponse à ce prince, — les Évangiles ne peuvent s’empêcher de piquer une allusion à ses gens qui combattraient pour le délivrer, si son royaume était de ce monde.

A quoi bon ? On retrouve ici, comme partout dans les écrits ecclésiastiques, ce dosage savant, fait par les scribes, de la vérité historique du Ie siècle sur le Christ crucifié par Ponce Pilate, Messie sous Tibère, et le dieu-Jésus venu de Cérinthe et des gnostiques, pour une incarnation pénible aboutissant, au IIIe siècle, à Jésus-Christ.