GENSÉRIC

 

LA CONQUÊTE VANDALE EN AFRIQUE ET LA DESTRUCTION DE L’EMPIRE D’OCCIDENT.

INTRODUCTION. — L’AFRIQUE AVANT L’INVASION DES VANDALES.

 

 

Le royaume des Vandales, enfoncé comme un coin au cœur de l’empire d’Occident, détermina sa ruine. Retracer l’histoire de ce royaume sous le règne de son fondateur est l’objet de notre étude ; mais il importe de rappeler les circonstances qui rendirent possibles et durables les conquêtes de Genséric.

L’Afrique, défendue par la mer, semblait à l’abri d’une invasion des barbares du Nord. Les avantages de sa position les attirèrent, au contraire, lorsqu’ils eurent pénétré dans les provinces méridionales de l’empire. Dès l’année 410, après le sac de Rome, Alaric résolut de s’emparer de cette contrée, demeurée si prospère qu’elle paraissait alors la partie la plus riche, l’âme de la république romaine[1]. Sortis de la ville, dit un historien ancien, les Goths ravagèrent la Campanie et la Lucanie, puis envahirent le Brutium. Après y avoir séjourné quelque temps, ils se préparèrent à passer en Sicile et de là en Afrique[2]. Alaric, répète le même auteur, se disposa à passer par la Sicile en Afrique, pour s’y procurer un établissement stable. Mais l’homme n’est. point maître de réaliser ses projets sans l’assentiment de Dieu. Une tempête engloutit plusieurs des navires qu’Alaric avait rassemblés et en brisa un grand nombre. Découragé par ce désastre, il délibérait en lui-même sur ce qu’il devait faire quand, frappé subitement d’une mort prématurée, il sortit de ce monde[3]. Il était réservé à Genséric d’accomplir le dessein d’abord conçu par le roi des Goths et de constituer au sud de la Méditerranée une puissance capable, par elle-même et par ses alliés, de tenir en échec toutes les forces du monde romain, de lutter victorieusement contre tous ses efforts, de devenir enfin le principal artisan de sa destruction.

Au temps d’Alaric, davantage encore à l’époque des Vandales, un état de trouble, permanent depuis plus d’un siècle, avait fait de l’Afrique romaine, pour une armée considérable, une proie facile à saisir, facile à conserver. La guerre civile et les proscriptions avaient préparé l’invasion des barbares, qui pouvaient espérer le concours de tout un peuple de bannis réduits à les accueillir comme des libérateurs. Ces troubles avaient commencé dans les premières années du IVe siècle, par une querelle religieuse de bien mince importance. Il suffit d’indiquer brièvement ses origines et ses funestes conséquences, qu’on a eu occasion ailleurs d’exposer en détail[4].

Lors des dernières persécutions que les chrétiens eurent à souffrir, sous le règne de Dioclétien, les édits impériaux promulgués en 303 avaient ordonné la démolition des églises et avaient enjoint aux magistrats de se faire remettre par les évêques et les prêtres, de brûler ensuite, les écritures et les livres sacrés[5]. Ces édits, publiés partout en Afrique, y furent mis à exécution le 19 du mois de mai 303 dans la Numidie et le 5 du mois de juin dans la province Proconsulaire[6]. La persécution devint plus violente en 304. Les édits, dont un, publié vers la fin de 303, obligeait les chrétiens, non seulement à livrer les écritures saintes, mais à faire acte d’adhésion au culte de l’empereur, en offrant de l’encens à son image ou à des idoles[7], furent appliqués avec une extrême rigueur.

Dans la Proconsulaire, les martyrs d’Abitine, au nombre de vingt-neuf hommes, cinq enfants et dix-neuf femmes, moururent de faim dans les prisons de Carthage, après avoir subi avec une inaltérable constance les plus horribles tortures[8]. Dans la Numidie périrent de même sans doute les martyrs dont deux inscriptions célèbrent la mémoire[9]. Ainsi beaucoup de chrétiens, non seulement des évêques et des prêtres, mais des laïques, même des personnes considérables, aimèrent mieux souffrir toutes sortes de supplices et la mort que de trahir leur foi et de livrer aux persécuteurs le dépôt sacré confié à leur fidélité[10] Mais ces glorieux exemples ne furent pas imités partout. Un grand nombre de chrétiens, même des évêques, se laissèrent arracher, par la crainte de l’emprisonnement, les écritures dont ils avaient la garde. On les appela traditeurs et on leur fit un crime de leur peu de fermeté[11]. A Carthage, l’évêque Mensurius fut accusé d’avoir manqué de courage, et un certain nombre de fidèles se séparèrent de sa communion, à l’instigation de Donat, évêque d’un endroit nommé les Cases-Noires, en Numidie[12]. Ce schisme local fut la première manifestation de la défiance dont les chrétiens étaient animés les uns envers les autres. Ils ne voyaient partout que traditeurs, et ceux qui n’étaient pas sans reproches se montraient les plus ardents à incriminer les autres.

Mensurius mourut en 311. L’archidiacre Cécilien fut élu en sa place par le suffrage de tout le peuple, et Félix, évêque d’Aptonge, l’ordonna par l’imposition des mains[13] Une cabale, due à l’avarice et aux rancunes de différentes personnes, se forma aussitôt contre Cécilien. Mensurius avait confié à des vieillards, qu’il considérait comme des dépositaires fidèles, un grand nombre d’ornements précieux, en or et en argent, appartenant à son église. Il se trouva que ces vieillards étaient des gens cupides qui avaient compté s’approprier ce dépôt. Quand le nouvel évêque les mit en demeure de le restituer, ils imaginèrent de détourner le peuple de la communion de celui qui voulait leur enlever leur proie. Ils trouvèrent des alliés dans deux ecclésiastiques de Carthage, Botrus et Celestius, dont l’élection de Cécilien ruinait les prétentions au siège épiscopal, et dans une femme riche et influente, nommée Lucilie ; cette femme, impatiente de toute discipline, ne pardonnait pas à Cécilien une réprimande que celui-ci avait eu à lui adresser, alors qu’il était encore diacre. Tous refusèrent la communion de Cécilien et tramèrent une intrigue pour faire déclarer son élection vicieuse. On envoya prier Secundus de Tigisis[14], primat de la Numidie, de venir à Carthage[15]. Il s’y rendit, en compagnie d’autres évêques de cette province, parmi lesquels plusieurs étaient des traditeurs avérés dont un concile tenu à Cirta, apparemment en 305[16], nous fait connaître, par leurs propres aveux, le caractère peu édifiant[17].

Pour les amener à prononcer une sentence contre Cécilien, Lucilie leur paya une somme considérable qu’ils se partagèrent, et ils se réunirent en un concile où ils furent au nombre de soixante-dix. Cécilien s’abstint de paraître parmi eux ; ils le jugèrent sans l’entendre. Ne pouvant rien trouver à lui reprocher, ils alléguèrent que son ordination avait été faite par des traditeurs, et, pour ce motif, la déclarèrent nulle. Afin de donner une apparence à ce prétexte, ils condamnèrent, comme traditeurs, certains collègues de Cécilien et spécialement Félix d’Aptonge[18]. Puis, ils ordonnèrent évêque un domestique de Lucilie, nommé Majorinus, qui avait été lecteur dans la diaconie de Cécilien[19]. Après avoir ainsi donné satisfaction au groupe d’avares et d’ambitieux qui avaient provoqué leur intervention, ils envoyèrent partout des lettres qui, comme ils l’espéraient, trompèrent aisément l’opinion publique. Le bruit s’était répandu en Afrique qu’il y avait des traditeurs parmi les évêques ; ceux qui l’étaient réellement voulurent détourner d’eux l’attention, en chargeant de leurs fautes Cécilien et les évêques qui l’avaient ordonné[20]. Ils réussirent. Un grand nombre de prêtres et de fidèles ajoutèrent foi à ces lettres, et se séparèrent de Cécilien.

Bientôt, dans toute l’Afrique, les chrétiens se trouvèrent divisés en deux partis. Il ne tarda pas à y avoir dans plusieurs villes deux évêques et deux églises. Les partisans de Majorinus furent dans la suite désignés sous le nom de donatistes, soit parce que Donat, évêque des Cases-Noires, en Numidie, était le plus ancien auteur du schisme[21], soit parce qu’ils eurent bientôt pour véritable chef un personnage d’une grande valeur, nommé également Donat, qui après la mort de Majorinus[22] devint leur évêque à Carthage et fut le plus illustre d’entre eux[23] Leur nombre grandit rapidement et la division apparut partout, jusque dans les familles[24].

Le différend entre catholiques et donatistes était pourtant bien minime. Il était uniquement relatif à la question de savoir si les évêques ordonnés par de prétendus traditeurs ou par les successeurs de ces derniers l’avaient été valablement. Quant au reste, aucune discussion ne s’était élevée entre les chrétiens d’Afrique. Tous avaient les mêmes croyances, tous recevaient les mêmes sacrements[25]. Il en fut du moins ainsi dans le principe. Plus tard, les donatistes adoptèrent la coutume de rebaptiser ceux qui venaient à eux, ce qui était contraire à la doctrine catholique. Mais ils ne faisaient en cela que suivre une coutume ancienne, puisqu’au temps de saint Cyprien, cinquante ans auparavant, on rebaptisait, dans l’église d’Afrique, les chrétiens qui y arrivaient d’autres provinces[26]. D’ailleurs ce fut pour examiner cette coutume que, vers l’année 380, les donatistes réunirent à Carthage, en un concile, deux cent soixante-dix de leurs évêques, et cette assemblée décida que si les traditeurs (ils désignaient ainsi les catholiques) ne voulaient point être baptisés, on communierait néanmoins avec eux[27]. Il est vrai que la règle ainsi établie ne fut pas toujours observée et que les donatistes n’en continuèrent pas moins à imposer un second baptême à leurs nouveaux adeptes. Il n’en est pas moins certain qu’à l’origine, les donatistes ne différaient en rien des catholiques. Aussi, il n’y eut d’abord, semble-t-il, aucune haine entre les sectateurs des deux communions. On ne commença à se détester que le jour où le pouvoir impérial intervint dans la discussion religieuse.

Peu de mois après la double élection de Cécilien et de Majorinus, le 27 ou le 28 octobre 312[28], les troupes de Maxence avaient été défaites, aux portes de Rome, près du pont Milvius, et Maxence avait péri dans les eaux du Tibre. Constantin était devenu du même coup maître de l’Afrique comme de l’Italie. Fidèle à la politique qu’il suivait à sa cour et dans toutes les province soumises à son autorité, Constantin chercha à satisfaire, en Afrique, les païens et les chrétiens[29]. Il s’empressa d’abord de marquer sa bienveillance aux païens, qui à cette époque formaient encore peut-être la partie la plus importante de la population. Il les autorisa à constituer des sacerdoces en l’honneur de la famille flavienne[30]. Il s’occupa ensuite de plaire aux chrétiens. En 313, il chargea l’évêque Osius de Cordoue de sa correspondance avec eux[31], et fit adresser deux édits au proconsul Anulinus. Le premier de ces édits ordonnait de restituer sans retard aux chrétiens les lieux qui leur appartenaient[32], sans demander en retour aucun prix, ni aucune prestation, le lise demeurant chargé d’indemniser les acquéreurs ou les donataires de ces biens[33] ; le second exemptait les ecclésiastiques des charges publiques. Constantin, voulant désigner le clergé qui devait avoir droit à ce privilège, se servait de ces mots : L’Église catholique à laquelle préside Cécilien[34]. Enfin, dans une lettre adressée à Cécilien lui-même, l’empereur informait l’évêque de Carthage de sa résolution d’accorder un subside à divers ministres de l’Église catholique dans l’Afrique proprement dite, la Numidie et la Maurétanie.

Le désir d’avoir part aux bienfaits de l’empereur et d’en priver leurs adversaires détermina les schismatiques à une démarche qui fut l’origine de luttes et de troubles sans fin. Peu de jours après qu’Anulinus eut communiqué à l’évêque de Carthage et à son clergé les écrits impériaux en faveur des catholiques, quelques personnes, accompagnées d’une multitude de peuple, se présentèrent au proconsul, lui exposèrent qu’elles croyaient avoir des griefs contre Cécilien, et lui remirent une requête scellée, avec diverses pièces, le tout enveloppé dans une poche de cuir ; Anulinus transmit ce dossier à l’empereur[35]. Saint Optat rapporte en ces termes une partie du texte de la requête des dissidents : Nous nous adressons à vous, Constantin, très-excellent empereur, parce que vous êtes d’une race juste et fils d’un père qui n’a point exercé de persécutions, comme l’ont fait les autres empereurs. Des différends s’étant élevés entre nous et les autres évêques d’Afrique, nous supplions votre piété de nous faire donner des juges dans les Gaules, où le crime de livrer des choses sacrées n’a pas été commis. Donné par Lucianus, Dignus, Nasutius, Capito, Fidentius et autres évêques du parti de Donat[36].

Conformément à la demande des donatistes, Constantin désigna trois évêques gaulois qui avaient alors une grande autorité dans l’Église, Maternus de Cologne, Rheticius d’Autun et Marinus d’Arles[37]. Il leur ordonna de se rendre à Rome pour juger avec le pape Miltiade la plainte portée contre Cécilien, qui reçut également l’ordre de se rendre à Rome et fut autorisé à se faire accompagner de dix évêques, choisis parmi ceux qu’il croirait les plus utiles à sa défense. D’autre part, il avait été enjoint à ses adversaires de déléguer dix de leurs évêques pour soutenir l’accusation[38]. Les trois évêques gaulois ne jugèrent pas seuls avec le pape la cause qui leur avait été déférée ; quinze évêques Italiens se joignirent à eux[39]. Ces dix-huit évêques et le pape s’assemblèrent le 2 octobre 313, dans la maison de Fausta, au palais de Latran. Ils tinrent trois séances. On examina d’abord, semble-t-il, la valeur morale des accusateurs, et Donat des Cases-Noires fut écarté comme indigne. On entendit ensuite les témoins produits par les donatistes. Ils avouèrent n’avoir rien à dire contre Cécilien. On reprocha aux adversaires de celui-ci d’avoir empêché de comparaître des personnes dont le témoignage était nécessaire. Ils promirent de les représenter le lendemain ; mais le lendemain, loin d’amener ces témoins, eux-mêmes firent défaut[40]. Le concile n’en continua pas moins à examiner la cause de Cécilien et à l’unanimité le déclara innocent[41]

Ce jugement n’était pas de nature à rétablir la paix religieuse en Afrique. L’absolution de Cécilien équivalait à la condamnation formelle de ses adversaires et devait avoir nécessairement pour conséquence, non seulement la déposition de Majorinus, évêque schismatique de Carthage, mais aussi la déposition de tous les évêques qui partageaient sa communion. Or ceux-ci étaient déjà en très grand nombre et avaient pour eux une grande partie de la population chrétienne dans toute l’Afrique. On ne pouvait s’attendre à les voir se soumettre à l’arrêt du concile de Rome, la soumission entraînant pour eux la démission. Les schismatiques avaient, il est vrai, sollicité eux-mêmes un jugement, et s’étaient par conséquent engagés à s’y soumettre. Mais ils avaient demandé à être jugés par des évêques gaulois, aucun de ceux-ci ne pouvant être soupçonné d’avoir été traditeur ou d’avoir à ménager des traditeurs ; ils ne s’étaient point engagés à comparaitre devant un tribunal où, sur dix-neuf membres, seize étaient Italiens. On peut penser qu’ils ne laissèrent point de faire valoir ce grief contre le concile de Rome. Ils accusèrent même le pape Miltiade d’être lui-même coupable d’avoir livré les écritures et offert de l’encens, et ajoutèrent que c’était pour cette raison qu’ils avaient évité son jugement en faisant défaut. Ils interjetèrent appel à l’empereur, alléguant que les évêques du concile de Rome étaient trop peu nombreux et avaient jugé sans débats, suivant leur bon plaisir[42].

Cependant ils ne cessaient d’accuser violemment Cécilien et surtout Félix d’Aptonge, dont la culpabilité entraînait, suivant eux, la condamnation de Cécilien. Aussi répétaient-ils que le concile de Rome, ne s’étant pas occupé de Félix d’Aptonge, n’avait point examiné l’affaire tout entière[43]. Leur agitation décida Constantin à ne pas s’en tenir au concile de Rome. II résolut de faire décider la question qui divisait les chrétiens d’Afrique par une sentence solennelle à laquelle on ne pût opposer aucune objection. Il reçut donc l’appel formé par les schismatiques, et le déféra à un second concile, assemblé à Arles en 314[44]. Les actes de ce concile ne nous sont point parvenus et ses décisions ne sont connues que par la lettre des évêques à saint Sylvestre[45], qui, le 1er février de cette même année 311, avait succédé à Miltiade[46]. La cause de Cécilien fut examinée de nouveau et définitivement jugée en sa faveur[47].

Ce qui se passa après le concile d’Arles nous est non moins imparfaitement connu que ce qui se passa dans cette assemblée. Ce qui est certain, c’est que les schismatiques ne se tinrent pas pour battus. Ils s’adressèrent de nouveau à l’empereur et de nouveau, dit-on, interjetèrent appel[48].

On ne pouvait songer à réunir un troisième concile, et il ne pouvait convenir à Constantin, dont le seul but était le rétablissement de la paix, de réviser de son autorité les décisions d’un concile. Il n’aurait réussi par ce moyen qu’à mécontenter tous les chrétiens et à surexciter les passions. Il trouva l’occasion d’intervenir sans que personne pût s’en plaindre. En vue, sans doute, de fournir au concile convoqué à Arles des éléments d’appréciation certains et scrupuleusement exacts, il avait fait procéder, en février 314, à une enquête sur la conduite de Félix d’Aptonge pendant la persécution[49]. Cette enquête avait révélé le fait suivant : un certain Ingentius avait falsifié, en y ajoutant un paragraphe, une lettre d’un personnage nommé Alfius Cæcilianus qui, en 303, avait rempli à Aptonge les fonctions de duumvir. Or c’était précisément ce paragraphe apocryphe que les donatistes ne cessaient de produire comme preuve de la culpabilité de l’évêque Félix, dont l’indignité entraînait, suivant eux, l’illégitimité de Cécilien. La condamnation de l’auteur de ce faux et des calomniateurs qui s’obstinaient à en faire usage partit propre à mettre un terme à leurs menées. Un an après le concile d’Arles, en 315, Constantin ordonna à Probianus, alors proconsul à Carthage[50], d’envoyer sous bonne garde au conseil impérial Ingentius, que le prédécesseur de Probianus, le proconsul Ælianus, n’avait pas jugé à propos de laisser en liberté, après ses aveux au cours de l’enquête. Ingentius fut condamné avec ses complices à la confiscation et à l’exil. Ils demeurèrent exilés pendant quatre ans[51].

Constantin comptait assurer la paix publique en éloignant quelques personnages turbulents, mais la condamnation des détracteurs de Cécilien et les mesures qui en furent la conséquence ne firent qu’exaspérer leurs partisans. Ils s’agitèrent ; l’empereur fut contraint d’user de rigueur, et la guerre civile ne tarda point à éclater. Il y eut d’abord quelques désordres dont les schismatiques furent considérés comme responsables, et Constantin se décida à promulguer une loi qui prononçait confiscation au profit du fisc des basiliques et de tous les lieux où les dissidents tenaient leurs assemblées[52]. Pendant les années qui suivirent le jugement prononcé par Constantin, les donatistes furent inquiétés ; du moins il y a lieu de le croire, car ils se plaignaient d’avoir été maltraités par Ursacius, commandant de l’armée d’Afrique[53], et par Zenophilus, consulaire de Numidie[54], qui tous deux étaient alors en fonctions. Ils disaient qu’à l’époque d’Ursacius on avait répandu le sang de beaucoup de chrétiens[55]. Ce fut la première tentative de rétablir l’unité religieuse parmi les chrétiens d’Afrique[56] ; elle échoua complètement.

Du jour où les donatistes parurent persécutés par le pouvoir impérial et en opposition avec lui, leur parti devint celui de tous les mécontents. Si après la sentence de Constantin un certain nombre d’évêques et de fidèles se réunirent à l’Église catholique, d’autres, en plus grand nombre, firent adhésion au schisme. Il continua à faire de rapides et immenses progrès. Au temps de saint Optat, les catholiques étaient réduits presque partout à n’être qu’une faible minorité[57], et il en fut ainsi jusqu’au pontificat de saint Augustin. Vers l’an 380, les donatistes ayant réuni un concile à Carthage, on y vit deux cent soixante-dix de leurs évêques, et dans le concile qu’ils tinrent à Bagaï en 394, ils en assemblèrent trois cent dix[58]. Le donatisme était devenu en réalité l’Église nationale de l’Afrique[59].

Il était un prétexte d’opposition et de révolte contre Rome[60] ; ce fut la véritable raison qui attira à lui le peuple des villes et surtout des campagnes. Toute l’histoire de l’Afrique romaine, dit d’une façon saisissante M. Monceaux, la colonisation comme la conquête ou le régime politique, trahit à toutes les époques, une sourde résistance du pays qu’il s’agissait de conquérir, d’administrer, de coloniser. La fameuse théorie de la paix romaine, si on l’applique à l’Afrique, est vite démentie par bien des faits. A toutes les époques au contraire, ce que nous trouvons ici, c’est la guerre, le mauvais vouloir et un esprit d’opposition qui entraîne parfois jusqu’aux colons[61]. Au début du IVe siècle de notre ère, cet esprit de mauvais vouloir et de révolte avait été surexcité par les persécutions et les guerres civiles. Les abus de l’administration impériale, les exigences insatiables du fisc, les mesures maladroites d’une autorité tracassière et tyrannique ne cessèrent de l’exaspérer davantage encore sous les successeurs de Constantin. Le schisme étant contraire à l’idée de l’unité romaine, la masse de la population indigène et une foule de colons, désaffectionnés de Rome, en tirent l’occasion d’une lutte contre l’Empire.

Bientôt apparut, sous prétexte de religion, un autre et plus terrible élément de trouble[62].

On vit, dit saint Optat, des troupes d’hommes qui couraient partout le pays, sous la conduite d’Axido et de Fasir qu’ils qualifiaient les capitaines des saints. Personne ne pouvait demeurer en sûreté dans ses terres. Les reconnaissances de dettes signées par les débiteurs avaient perdu toute valeur, car aucun créancier n’avait la possibilité d’en exiger le paiement. Si quelqu’un essayait de se prévaloir de son titre, aussitôt une lettre de menaces, expédiée par ceux qui s’intitulaient les chefs des saints, lui imposait silence. Tardait-il à obéir à leurs injonctions ? En un moment accourait une multitude insensée dont l’approche suffisait à jeter la terreur ; le malheureux créancier se trouvait environné de périls et réduit, pour échapper à la mort, à supplier humblement ceux qu’il avait obligés. Chacun se hâtait d’abandonner ses créances, même les plus importantes, considérant comme une bonne fortune de pouvoir se soustraire, à ce prix, aux mauvais traitements de ces misérables. On ne pouvait non plus cheminer en sûreté sur les routes. Des maîtres, arrachés de leurs voitures, se virent contraints de courir, comme des valets, devant leurs propres esclaves assis à leur place. Par la fantaisie et la violence de ces misérables, les conditions étaient renversées entre les maîtres et les esclaves[63].

Les bandes qui se livraient à ces excès paraissent avoir été composées de paysans chrétiens que la misère et une folle exaltation religieuse poussaient à abandonner leurs champs. La plupart ne parlaient que le punique et ne comprenaient même pas le latin. Sans demeures fixes et vivant de brigandages, ils erraient dans les campagnes, autour des lieux habités, d’où leur vint le nom de circoncellions ou de circuiteurs[64]. Tous appartenaient à la secte des donatistes, et c’était au nom de la religion qu’ils s’insurgeaient contre l’ordre social. Ils se disaient les soldats de Jésus-Christ luttant contre le diable, aussi s’appelaient-ils agonistiques ou combattants[65]. Ils faisaient profession de continence et se comparaient aux moines catholiques[66].

Ces misérables ne tardèrent point à devenir insupportables à tout le inonde, aux schismatiques comme aux catholiques. Vers l’an 340, probablement[67], des évêques donatistes écrivirent à Taurinus, alors comte d’Afrique, que l’Église était impuissante à ramener au bien de pareils hommes et le supplièrent de les faire rentrer dans le devoir. Pour donner satisfaction aux plaintes de ces évêques, le comte Taurinus envoya des soldats dans les marchés où les circoncellions avaient coutume de se livrer à leurs désordres. Ces soldats en tuèrent. un certain nombre ; beaucoup furent décapités dans une localité de la Numidie nommée Octavum. On peut encore compter, dit saint Optat qui rapporte ce fait, combien il y en eut de massacrés, par le nombre des tables blanches ou des autels qui furent mis sur leurs tombeaux[68], car ils étaient populaires. Le petit peuple les considérait comme les défenseurs des opprimés ; il applaudissait en secret aux tentatives d’une révolution sociale qu’il était tout disposé à confondre avec le Christianisme. Le sentiment qui poussait de malheureux exaltés à vivre en lutte ouverte contre la société, n’était pas étranger à une partie de la population. Les victimes de la répression ordonnée par le comte Taurinus furent honorées comme des martyrs et les circoncellions ne cessèrent de croître en force et en nombre[69]. D’autre part, à caractère révolutionnaire et politique du parti donatiste, de jour en jour plus accentué, obligeait le pouvoir impérial à protéger et à faire triompher l’Église orthodoxe, parce qu’elle était la seule Église chrétienne avec laquelle il pût s’entendre.

Cependant les évêques catholiques voyaient diminuer le nombre de leurs fidèles. Menacés d’être expulsés de leurs églises, malgré les décisions qui avaient reconnu leur légitimité, ils ne cessaient de réclamer l’aide de l’empereur, multipliant leurs instances avec cette ardeur extrême qui se manifestait en toute circonstance dans ce pays d’Afrique où, suivant l’exacte expression d’un historien, les esprits avaient tant de peine à se tenir en équilibre, où les âmes paraissaient montées à un ton plus haut qu’ailleurs[70].

Quelques années après la mort de Constantin, l’empereur Constant, seul maître de l’Afrique depuis la défaite et la mort de son frère Constantin II en 340, désireux de s’attacher les catholiques, résolut de leur donner satisfaction dans ses États. Il envoya donc en Afrique deux personnages nommés Paul et Macaire, avec ordre d’y travailler à l’extinction du schisme. Espérant arriver à ses fins par adresse et corruption, il leur recommanda de ne point user d’abord de violence, de ne pas même déclarer le but de leur mission et de se présenter comme chargés uniquement de distribuer, au nom de l’empereur, dans toutes les églises, des ornements et des aumônes, si abondantes, dit saint Optat, qu’elles étaient presque des trésors[71]. En distribuant ces dons, ils devaient exhorter les dissidents à abandonner le schisme, et on espérait que, pour avoir part aux largesses impériales, les évêques et leurs fidèles se laisseraient convaincre, car naturellement, où les exhortations n’étaient pas écoutées, les distributions n’avaient pas lieu.

Ils ne réussirent point à Carthage ; Donat les repoussa avec des paroles outrageantes. Ils n’en allèrent pas moins porter partout leur argent et leurs exhortations. On ne dit pas s’ils obtinrent quelque succès. Il est certain toutefois que dans la province Proconsulaire, ils n’eurent à craindre aucune violence, car ils la parcoururent sans escorte militaire. Il n’en fut pas de même ailleurs. Lorsqu’ils approchèrent de Bagaï en Numidie, les donatistes, particulièrement nombreux et ardents dans cette province, commencèrent à s’agiter.

L’évêque de Bagaï, nommé Donat comme le chef de sa secte, prit l’initiative du mouvement. Il envoya des gens dans les villages voisins et dans les lieux où se tenaient des marchés, pour provoquer un immense rassemblement dans la ville. Il alla même jusqu’à faire appel aux circoncellions[72].

Paul et Macaire craignirent d’être attaqués et dépouillés des sommes considérables qu’ils portaient avec eux. Ils se décidèrent à demander une escorte au comte Sylvestre, successeur apparemment du comte Taurinus[73]. Lorsque parurent les cavaliers qui précédaient cette escorte, leurs chevaux furent entourés et saisis ; ils furent obligés de faire retraite. Cette injure exaspéra les soldats ; leurs officiers furent impuissants à les contenir ; il s’ensuivit une mêlée, dans laquelle des donatistes furent massacrés. De cc nombre furent Donat, sans doute l’évêque de Bagaï[74], et un prêtre nommé Marculus[75]. Ceux-ci ne périrent point dans la bagarre ; ils furent livrés au supplice par représailles. Les donatistes les considérèrent comme d’illustres martyrs et racontaient qu’ils avaient été précipités, Marculus du haut d’un rocher, et Donat dans un puits[76].

Il n’est guère possible de préciser avec certitude la date de la mission de Paul et de Macaire. On a cru devoir la fixer à l’année 347. Peut-être faut-il la mettre quelques années auparavant, en 341 ; par conséquent, malgré des apparences spécieuses, deux ans avant le concile de Sardique[77].

La répression violente continua après la mort de Donat et de Marculus, et les donatistes, considérés désormais comme complices des perturbateurs et des circoncellions, ne furent pas épargnés. Saint Optat avoue que l’on agit durement[78]. Les évêques donatistes furent obligés de fuir avec leur clergé, et ceux qui s’obstinèrent à demeurer dans leurs églises furent saisis et exilés au loin[79]. Donat de Carthage, le chef de leur secte fut, semble-t-il, au nombre de ces derniers[80]. Il y a lieu de croire que quelques évêques donatistes n’eurent pas la constance de préférer l’exil à la soumission ; mais les conversions inspirées par la terreur furent peu nombreuses. Loin de se rapprocher des catholiques, les donatistes conçurent une haine violente contre leurs persécuteurs. La tentative de rétablir l’unité par la force eut ainsi pour effet d’exaspérer les passions et d’augmenter l’hostilité entre les chrétiens que le souvenir du sang versé rendait désormais irréconciliables. Ils s’accusaient mutuellement des crimes les plus atroces et les écrits de polémique pleuvaient de part et d’autre[81].

Tandis que dans leurs écrits les deux partis s’injuriaient, les bandes de circoncellions devenaient plus nombreuses et plus violentes. Le traitement qui leur avait été infligé faisait paraître au peuple leurs représailles moins odieuses. Ces vagabonds semblaient de plus en plus des proscrits et des opprimés dignes de pitié ou même d’admiration.

Les honneurs rendus aux victimes des troubles de Bagaï inspirèrent aux circoncellions l’étrange folie du martyre qui acheva de les faire passer pour des saints, et attira dans leurs rangs une quantité de gens dont l’imagination avait soif de sacrifice. On les vit désirer avec une folle ardeur la mort et les supplices pour acquérir, croyaient-ils, la gloire du martyre. Ne trouvant point à leur gré l’occasion de mourir de la main des ennemis de leur foi, ils se détruisaient eux-mêmes par d’horribles tourments. Ils se précipitaient du haut des rochers, se noyaient dans les rivières ou se jetaient dans le feu qu’eux-mêmes avaient allumé. Des troupes entières se détruisirent ainsi. Il y eut même des femmes qui, mêlées à ces bandes, imitèrent leurs compagnons et périrent avec eux. Rarement on les voyait se pendre. C’était le seul supplice qu’ils s’épargnassent pour ne point imiter Judas, ne voulant avoir rien de commun avec des traditeurs. Ceux qui voulaient acquérir ainsi, par une mort volontaire, le titre de martyr que leur accordait le peuple[82], avertissaient leurs compagnons longtemps à l’avance et se préparaient à jouer le rôle qu’ils ambitionnaient. Leurs compagnons avaient soin de les bien traiter et de leur apporter toutes sortes de viandes, comme à des victimes que l’on engraisse[83]. Ces fanatiques ne se tuaient eux-mêmes que quand ils ne parvenaient pas à se faire massacrer. Toute occasion de se faire condamner à la peine capitale était pour eux une bonne fortune. Plus d’une fois ils attaquèrent sur les routes les magistrats accompagnés de leurs officiers et les contraignirent de leur donner la mort, les menaçant de les tuer, s’ils refusaient de leur procurer ce qu’ils appelaient la gloire du martyre[84]. A défaut de magistrats, ils arrêtaient les passants et les sommaient de choisir entre l’obligation de leur donner la mort ou la certitude de mourir eux-mêmes[85]. Ils allaient même jusqu’à payer des gens pour se faire martyriser[86].

Toutes ces folies n’allaient pas sans de terribles violences. Les circoncellions n’étaient pas moins inhumains pour les autres que pour eux-mêmes. Les rencontrer, dit saint Augustin, c’était marcher au milieu de l’ombre de la mort. Il n’y avait point de brigands qui commissent les cruautés que ces furieux faisaient souffrir tous les jours aux catholiques. Ils portaient partout la terreur et troublaient non seulement la paix de l’Église, mais le repos public. Ils attaquaient la nuit les maisons des ecclésiastiques catholiques, les pillaient, et laissaient les gens à demi morts, brisés à coups de bâton ou percés de leurs épées. Ce n’était pas aux clercs seuls qu’ils réservaient ces traitements barbares ; les laïques étaient également exposés à voir leurs maisons brûlées et pillées, à périr dans d’atroces supplices. Dans les premiers temps de leurs brigandages, ces furieux ne s’armaient point d’épées, parce que Jésus en avait défendu l’usage à saint Pierre, mais ils se servaient de bâtons noueux qu’ils appelaient des israélites. Ils ne tuaient pas sur le coup, mais brisaient tellement leurs victimes qu’elles mouraient après de longues souffrances, et c’était pour eux faire miséricorde à quelqu’un que de lui donner un si bon coup qu’il en mourût tout de suite[87]. Du temps de saint Augustin, ils avaient ajouté à leurs bâtons des frondes, des haches, des lances et des épées[88]. Ils pratiquaient avec acharnement la coutume de rebaptiser et forçaient par la terreur les gens à se soumettre à cet usage[89].

Ces troubles et ces violences achevèrent d’imprimer au donatisme un caractère de révolution déclarée qui détermina les empereurs à s’efforcer d’anéantir, par des mesures particulièrement rigoureuses, ce schisme dont ils considéraient les sectateurs comme des ennemis de la société et de l’Empire.

La situation dura sans changement notable, les donatistes demeurant proscrits ou en état de révolte, jusqu’à l’année 362. A cette époque Julien, devenu, par la mort de Constance, maitre de l’Empire, répondit favorablement à une requête des donatistes ; ils furent rappelés de l’exil et obtinrent, la restitution de leurs églises[90]. Leur rentrée et le rétablissement de leur culte ne se firent point sans troubles[91]. L’époque qui suivit leur retour fut celle de leur plus grande puissance. De toutes parts, la population se déclarait pour eux. Dans la Numidie, où ils étaient particulièrement florissants, il ne se trouvait plus, prétendaient-ils, d’évêques catholiques que dans quelques localités extrêmement rares[92].

Ils ne jouirent pas longtemps d’une paix complète. Julien périt le 26 juin 363. Jovien, qui lui succéda, mourut le 16 février 364 ; il n’eut point le temps de porter ses regards du côté de l’Afrique. Mais sous le règne de Valentinien Ier, les poursuites contre les donatistes recommencèrent. Valentinien Ier excepta de la tolérance accordée à tous les cultes les manichéens et les donatistes[93], les premiers étant considérés comme les ennemis de la société, les seconds comme les ennemis de la société et de l’Empire. Par une loi datée de Trèves, le 20 février 373[94], et adressée à Julien, proconsul d’Afrique[95], Valentinien Ier déclara indignes de l’épiscopat les évêques coupables d’avoir rebaptisé. D’autres mesures furent sans doute prises contre eux, car dans une loi rigoureuse contre les donatistes, Gratien dit qu’il suit ce qu’avait ordonné Valentinien son père[96], et l’on sait d’autre part que les donatistes mettaient au nombre de leurs persécuteurs le comte Romanus qui commanda en Afrique depuis le temps de Jovien, en 363, jusqu’en 373[97].

Le comte Romanus fut un fléau pour l’Afrique. Habile à rejeter sur d’autres la responsabilité de ses fautes et assuré du concours de son parent Remigius, alors maître des offices, pour tenir dans l’ignorance de ses crimes un prince qui se croyait perspicace, il devançait et surpassait l’ennemi dans la dévastation des provinces confiées à sa garde. Son avidité à s’emparer du bien d’autrui et l’inertie de l’armée sous son commandement augmentèrent les maux de ce pays, ravagé, dès les premiers temps du règne de Valentinien, par de fréquentes incursions des Maures qui, devenus plus audacieux, y répandaient le meurtre et le pillage[98].

Les perpétuelles intrigues de Romanus furent cause d’une terrible révolte des indigènes. Nubel, un des plus puissants parmi les chefs maures, avait laissé plusieurs fils, nommés Firmus, Zammac, Gildon, Mascezel, Dius, Salmaces, Mazuca, et une fille nommée Cyria. Le comte Romanus noua des intrigues avec Zammac et se fit son protecteur. Firmus, instruit de ces menées, fit assassiner Zammac ; Roma nus voulut alors venger son allié et, toujours avec l’aide de Remigius, excita Valentinien contre Firmus, auquel, de son côté, il n’épargna aucune vexation. Le prince maure finit par se révolter[99]. Devenu l’ennemi irréconciliable des Romains, il se jeta en 372[100] sur les provinces africaines et ravagea surtout la Maurétanie Césarienne où il pilla et brûla Cæsarea (Cherchel).

Ainsi recommençaient les antiques soulèvements des indigènes. La domination romaine se trouvait menacée et le danger était d’autant plus grand que la population se partageait en deux partis hostiles, pleins de haine l’un contre l’autre[101]. Persécutés depuis longtemps et n’ayant que des rigueurs à attendre de l’Empire, réduits à l’état de proscrits, confondus par leurs adversaires avec les circoncellions, les donatistes étaient prêts à faire cause commune avec les Maures révoltés. On le vit bien quand, dans la ville de Rusubbicari[102], l’évêque donatiste, ayant obtenu de Firmus la promesse que ceux de son parti seraient à l’abri de toute violence, lui ouvrit les portes par trahison, puis quand Firmus se posa en protecteur des schismatiques et servit leurs ressentiments religieux, même contre ceux des leurs qui, moins disposés à se séparer de l’Empire, formèrent alors divers schismes dans l’église donatiste[103]. L’alliance entre Firmus et les donatistes parut si évidente que ceux-ci conservèrent dans la Maurétanie, le nom de Firmiens[104].

Le commandement de l’armée expédiée contre Firmus fut confié à Flavius Theodosius, le père de Théodose le Grand. Ce général, l’un des principaux de l’Empire, ne parvint à réprimer cette formidable révolte qu’après des alternatives de revers et de succès, au cours d’une longue guerre de plusieurs années qui ne se termina sans doute que vers la fin du règne de Valentinien Ier[105].

Valentinien mourut subitement, à Bregetio ou Vergetio dans la Basse-Pannonie, le 17 novembre 375. Il laissait deux fils, Gratien, dont il avait répudié la mère, Valeria Severa, et Valentinien II, né de sa seconde femme, l’impératrice Justine. L’Occident fut, dit-on, partagé. On donna à Valentinien, âgé de quatre ou cinq ans, l’Italie, l’Illyrie et l’Afrique, Gratien eut les Gaules, l’Espagne, la Bretagne[106]. Mais rien n’est moins certain que ce. partage. Il paraît au contraire établi que Gratien, qui lui-même n’avait que seize ans lors de la mort de son père, gouverna seul l’Occident tout entier. Valeria Severa avait soif de vengeance et le règne de son fils commença par des proscriptions. Le comte Théodose, dont les victoires venaient de rendre l’Afrique à l’Empire, fut au nombre des victimes. Il fut exécuté à Carthage en l’année 376[107].

L’Afrique était soumise, mais non pacifiée. Il importait à l’affermissement de la domination romaine d’y détruire le parti donatiste qui s’était déclaré contre elle, et qui continuait à être un élément de trouble propre à provoquer de nouveaux soulèvements. Par une constitution datée du 17 octobre 377 et adressée à Flavianus, vicaire d’Afrique, Gratien prescrivit l’attribution aux catholiques des églises occupées par les donatistes et la confiscation de tous autres lieux où ils pratiqueraient leurs assemblées[108]. Cet édit ne fut guère appliqué. L’exécuter sans ménagements, c’eût été provoquer de nouvelles et terribles révolutions, car les donatistes étaient, dans leur pays, plus nombreux que les catholiques. La loi de Gratien était un gage et une promesse donnés aux catholiques, une menace contre les hérétiques, plutôt qu’un ordre immédiat de persécution[109]. Si les schismatiques n’eurent point à craindre d’être immédiatement poursuivis et expulsés de leurs églises et des lieux où ils s’assemblaient, ils ne jouirent plus que d’une tolérance momentanée et d’une possession précaire, sans droit pour se défendre en justice contre les revendications de leurs adversaires. L’appréhension d’une persécution prochaine devait donc augmenter leur désir de soustraire leur pays à l’autorité de l’empereur. Les événements leur devinrent bientôt favorables.

Vers la fin de 387 ou en 388, au moment d’entrer en lutte avec Théodose, proclamé empereur en 379, Maxime, qui avait usurpé l’Empire en Occident, préoccupé de tirer aide et secours des barbares[110], poussa l’imprudence jusqu’à livrer l’Afrique à Gildon, le frère de Firmus. Quand plus tard, après le meurtre de Valentinien II, Arbogast éleva Eugène au trône en Occident, Théodose maria une fille de Gildon, nommée Salvina, à Nébride, neveu de l’impératrice. Il comptait, par cette alliance, mettre Gildon dans ses intérêts et le décider à combattre Eugène. Mais Gildon demeura neutre, attendant l’événement de hi guerre pour se déclarer du parti du vainqueur[111].

La bataille livrée près d’Aquilée, dans la vallée du Frigidus, fit de Théodose le seul maître du monde romain. Mais il eut à peine le temps d’établir son autorité dans les provinces occidentales. Atteint d’hydropisie, il mourut le 17 janvier 395, moins de cinq mois après sa victoire[112]. Il partagea l’Empire entre ses deux fils ; il donna l’Orient à Arcadius, l’Occident à Honorius. Arcadius avait dix-huit ans ; Honorius, né le 9 septembre 384, n’avait pas encore dix ans et demi, mais depuis l’année 393, il avait été créé Auguste. Théodose, en mourant, le confia à Stilicon, l’un de.ses généraux. Stilicon gouverna donc l’Occident, tandis que prévalaient en Orient les volontés des ministres d’Arcadius, Rufin d’abord, Eutrope ensuite, quand Rufin eut été massacré à Constantinople, dès le mois de novembre 395.

Gildon, voyant l’Empire de nouveau partagé, conçut l’espoir de se maintenir par les ruses qui lui avaient réussi jusqu’alors. Il fit d’abord semblant de reconnaître l’autorité d’Honorius, mais ne cessa point d’intriguer à Constantinople[113] ; il excita l’ambition d’Arcadius, lui offrant de le reconnaître pour souverain de l’Afrique. Son but était de créer une cause de discorde entre les deux frères et de conserver, grâce à leur rivalité, le pouvoir et l’indépendance que les guerres civiles lui avaient permis de s’arroger[114]. Voyant la cour de Constantinople favorable à ses projets, il n’hésita plus et se révolta dans l’automne de l’année 397[115]. Dès les premiers mois de l’année suivante, il fut vaincu par un corps de troupes de cinq mille hommes, apparemment tirés de la Gaule et placés sous les ordres de son propre frère Mascezel[116]. Gildon parvint à échapper à la poursuite de ses ennemis, à atteindre la mer et à s’embarquer. Il comptait sans doute trouver un refuge dans les États d’Arcadius. Le vent contraire le rejeta sur la côte d’Afrique à Thabraca (Tabarca). Il y fut pris et s’étrangla pour échapper au supplice[117]. La prospérité enfla Mascezel et le rendit insolent, suivant l’expression d’Orose[118]. Il méditait sans doute de reprendre à son tour le rôle que ses deux frères avaient essayé de jouer. Stilicon se débarrassa de lui. Il l’avait rappelé en Italie ; un jour qu’ils s’en allaient ensemble hors de la ville, de Milan probablement[119], il ordonna à son escorte de le jeter dans la rivière au passage d’un pont[120].

Pendant dix ans Gildon était demeuré maitre en Afrique[121]. Il avait protégé de tout son pouvoir les donatistes, dont les tendances servaient sa politique. Non seulement il les avait mis à l’abri de toute poursuite, mais, à l’exemple de Firmus, il n’avait cessé de persécuter ceux qui avaient fait schisme dans leur parti. Gildon avait intérêt à détruire l’Église catholique entièrement dévouée à Rome. Ses fidèles ne furent point épargnés. On les poursuivit à main armée, comme des ennemis[122] et les lois faites en leur faveur furent appliquées coutre eux[123]. Le ministre des persécutions exercées par Gildon fut Optat, évêque donatiste de Tamugadi en Numidie. Cet homme que saint Augustin appelle ordinairement Optat le Gildonien, parcourait le pays, accompagné de soldats, et répandait partout la terreur[124].

Le parti séparatiste avait succombé avec Gildon. Le meurtre de Mascezel lui enleva le seul chef capable de le relever. Sa ruine fut consommée par la répression qui suivit le rétablissement de l’autorité impériale. Les confiscations furent si nombreuses qu’il fallut, pour gérer les biens dévolus au fisc, créer une administration spéciale sous la direction d’un fonctionnaire qui prit le titre de comte du patrimoine de  Gildon[125]. Le nombre des personnes recherchées et proscrites fut tel que par un rescrit, adressé à Victorius proconsul d’Afrique, Honorius dut mettre ce magistrat en garde contre les dénonciations’ calomnieuses et lui prescrire de ne point permettre qu’on opprimât les innocents[126].

Les poursuites ne furent point abandonnées pendant les années suivantes. Dix ans plus tard, en 408, une loi prescrivant de condamner les complices de Gildon à l’emprisonnement avec. confiscation de tous leurs biens, indique qu’on continuait à les rechercher[127].

Les donatistes ne furent point épargnés. Leurs adversaires, assurés désormais de trouver secours et assistance auprès du pouvoir impérial, pouvaient, en invoquant les lois précédemment édictées, les déposséder de leurs églises et de tous les lieux où ils s’assemblaient. Mais la majeure partie de la population n’était point avec les catholiques, réduits au point. que, dans beaucoup d’églises, il ne restait même pas un diacre[128]. Dans ces conditions un concile assemblé à Carthage le 16 juin 401 jugea prudent d’offrir aux prêtres schismatiques qui consentiraient à faire retour à l’unité chrétienne de les conserver dans leur rang et leur dignité[129]. Cet acte de prudence et de modération fut sans doute inspiré au concile par saint Augustin qui avait été sacré évêque d’Hippone en 395 et qui avait, dès cette époque, acquis parmi les catholiques une autorité telle qu’il était devenu le véritable chef de leur parti. L’activité que le clergé déploya à partir de ce moment, les nombreux écrits de polémique et les prédications de saint Augustin réussirent à convertir un certain nombre de donatistes ; mais le gros du parti ne semble pas s’être laissé entamer. La crainte de persécutions, que tout annonçait comme prochaines, surexcita au contraire les haines religieuses. On ne tarda point à revoir les circoncellions dont les violences paraissent avoir été alors plus grandes qu’à aucune autre époque ; saint Augustin écrivait en effet, vers 402, que tous les catholiques eussent été réduits à déserter les campagnes, si les évêques donatistes n’eussent, par crainte, dit-il, arrêté les excès de ces furieux[130].

Leurs méfaits furent pour les évêques catholiques une raison de solliciter et d’obtenir contre les donatistes toute une série de lois de proscription[131] Une de ces lois, la plus importante, adressée le 12 février 405 à Adrien, préfet du prétoire d’Italie, contenait une déclaration qui, modifiant le caractère juridique du donatisme, entraînait la perte définitive de ses sectateurs. Dans le but, publiquement affirmé, d’extirper par ce décret les adversaires de la foi catholique, on y affectait, par une habileté de rédaction, de les confondre tous avec ceux d’entre eux qui administraient à nouveau le baptême à des personnes déjà baptisées, et à raison de cet usage, on les déclarait hérétiques[132]. C’était les mettre en quelque sorte hors la loi, car l’hérésie était devenue un crime dans la législation impériale, depuis Théodose. Mais pour être hérétique il fallait professer des doctrines contraires aux dogmes de l’Église ; or les donatistes, on l’a vu, ne différaient en rien des catholiques, ni dans leurs doctrines, ni dans leurs pratiques religieuses ; en réalité ils étaient donc simplement schismatiques. Afin de les transformer en hérétiques, on feignit de croire que la coutume de rebaptiser, cette ancienne coutume des chrétiens d’Afrique, avait été introduite par eux et était comme un dogme fondamental de leur secte, contraire aux dogmes de l’Église universelle. On ne tint aucun compte de leur concile de Bagaï qui s’était prononcé formellement contre cet usage.

La confusion introduite dans l’exposé des motifs de la loi, se retrouve dans son dispositif qui édicte :

1° La confiscation générale des biens de toute personne convaincue d’avoir rebaptisé, et leur dévolution aux enfants de cette personne, à condition toutefois que ceux-ci ne partagent point la perversité de leur auteur ;

2° La confiscation au profit du fisc des lieux et des terrains où auront été accomplies des cérémonies sacrilèges, dans le cas où il serait prouvé que le propriétaire était présent ou avait donné son consentement à la réunion ;

3° La fustigation et l’exil à perpétuité de l’administrateur ou du locataire de ces lieux, s’il est établi que le délit a été commis à l’insu du propriétaire, à qui, dans ce cas, la confiscation sera épargnée ;

4° Le droit pour l’esclave rebaptisé par contrainte, de se réfugier dans l’église catholique, par la protection de laquelle il recevra la liberté ;

5° La perte, à perpétuité, des droits de tester, d’acquérir par donation ou d’agir en vertu d’un contrat, contre quiconque aura renouvelé le baptême ou aura pris part à ce crime, en y adhérant volontairement ;

6° La même peine, contre quiconque aura été de connivence avec les réunions interdites des hérétiques ou avec leurs ministres ;

7° Une amende de vingt livres d’or contre les gouverneurs de provinces, coupables de bienveillance à l’égard des hérétiques, et contre l’administration de ces fonctionnaires ;

8° La même amende contre les principaux et les défenseurs des cités, en cas d’inexécution par leur faute des ordres impériaux et dans le cas où, en leur présence, quelque violence serait faite aux églises catholiques[133].

Malgré les rigueurs de cette loi, les conversions ne furent pas si promptes, si nombreuses ni si faciles que pourraient donner à le penser certains passages de saint Augustin[134]. Réduits au désespoir, les donatistes se jetèrent plus que jamais dans les circoncellions qui redoublèrent de fureur. De leur côté, les catholiques ne ménageaient plus les donatistes. Ils exigeaient, au nom de la loi, la confiscation de leurs églises et de leurs terres. C’était généralement quand on voulait les en dépouiller que la révolte éclatait. Souvent les proscrits réussirent à défendre leurs églises, particulièrement dans les campagnes, et commirent des excès qui eurent pour conséquence trois nouvelles lois, données à Rome le XVII des calendes de décembre (15 novembre) 407[135], à la requête des délégués d’un concile tenu à Carthage en cette même année[136]. La troisième de ces constitutions, adressée à Curtius, préfet du prétoire, a, comme les précédentes, pour but d’assurer la protection de l’Église catholique et l’exécution des lois contre ses adversaires[137] ; mais elle était faite principalement contre les païens.

Depuis plusieurs années, les catholiques poursuivaient la destruction complète du paganisme. Un grand nombre de statues et quelques temples ayant été abattus, Honorius avait ordonné, le 20 août 399, de conserver tous les temples et les statues qui servaient à l’ornementation des villes[138]. Dès l’année 401, le concile général d’Afrique, réuni à Carthage dans les dépendances de la basilique Restituta, crut devoir protester contre cette décision impériale, et fit des instances auprès-de l’empereur pour obtenir au moins la destruction de toutes les idoles qui restaient en Afrique sur les bords de la nier ou dans les propriétés particulières, et la disparition en tous lieux des bocages et des arbres profanés par l’idolâtrie[139]. Le concile demanda en plus sans doute l’abolition des festivités païennes, autorisées par une constitution d’Honorius, donnée également le 20 août 399[140] Elles se célébraient notamment aux fêtes des empereurs, et dans ces circonstances aucun citoyen ne pouvait refuser d’y assister. C’était, aux yeux des catholiques, une sorte de persécution sous des empereurs chrétiens. La loi du 15 novembre 407 donnait enfin satisfaction aux instances des évêques africains. Elle fut affichée à Carthage le 5 juin 408.

On n’avait pas-eu la patience d’attendre cette promulgation officielle. Cinq jours auparavant, le 1er juin 408, les païens célébraient une de leurs solennités à Calama en Numidie ; leur cortège vint à passer dans la rue devant la porte de l’Église ; les ecclésiastiques voulurent s’y opposer. Leur intervention provoqua une bagarre et des pierres furent jetées contre l’église. Au bout de huit jours, dit saint Augustin, l’évêque crut devoir signifier la nouvelle loi aux autorités municipales qui ne l’ignoraient pas. Comme on semblait vouloir la mettre à exécution, les païens retournèrent attaquer l’église à coups de pierres. Le lendemain, les ecclésias, tiques se présentèrent devant les magistrats et demandèrent acte de leurs plaintes, mais on leur refusa audience. Les païens se ruèrent alors une troisième fois contre l’église qu’ils finirent :par incendier, et ils mirent également le feu aux maisons de ceux. qui la desservaient. Ils tuèrent même un serviteur de Dieu (c’est-à-dire un moine) qui se trouva sur leur chemin. Les autres ecclésiastiques durent fuir et se cacher. L’évêque lui-même se sauva à grand’peine dans un réduit d’où il entendait les cris de ceux qui le cherchaient pour le mettre à mort. La sédition dura depuis quatre ou cinq heures du soir jusque bien avant dans la nuit, sans qu’aucun de ceux qui pouvaient avoir quelque autorité sur le peuple s’y opposât ou se mit en devoir de chercher à l’empêcher[141].

L’attitude hésitante des magistrats, leur inertie obstinée malgré les plaintes et les sommations des catholiques, semblent l’effet d’instructions leur enjoignant d’agir de la façon la plus modérée. Au mois de juin 408, Stilicon gouvernait encore l’Occident et sa politique parait avoir été, à ce moment, dans l’intérêt de la paix intérieure, de ménager les païens. Il fut en effet accusé, peu de temps après, d’avoir voulu se créer un parti parmi eux et d’avoir médité le rétablissement du paganisme.

Au mois d’août de la même année 408, une révolte militaire, préparée par des intrigues ourdies dans l’entourage d’Honorius, éclata à Pavie, où se trouvait l’empereur, et détermina la chute de Stilicon[142] Sur un ordre expédié par Honorius, il fut mis à mort à Ravenne le 23 août 408[143]. Ce fut un officier nommé Heraclianus qui l’exécuta de sa main. En récompense de ce bel exploit, Heraclianus fut peu de temps après nommé comte d’Afrique, à la place de Bathanarius qui avait épousé la sœur de Stilicon et qui, lui aussi, fut mis à mort[144].

L’auteur ou du moins l’agent principal.de la révolution accomplie à la cour d’Occident, était un homme originaire de la région du Pont-Euxin, nommé Olympius, qui, parvenu à une charge importante, avait réussi à s’insinuer dans l’intimité d’Honorius en affectant une ardente piété[145]. Il se montrait plein de zèle pour les intérêts chrétiens. Aussi saint Augustin, avec qui il fut en correspondance, le comble d’éloges et se réjouit, dit-il, de voir en lui un vrai fils de l’Église[146]. On devait donc penser que son élévation au pouvoir allait assurer le triomphe immédiat des catholiques africains sur tous leurs adversaires. Soit que ceux-ci, se sentant perdus, aient tenté de chercher leur salut dans une révolte ouverte, soit que les évêques aient voulu exiger l’application rigoureuse des lois contre les hérétiques et les sectateurs de l’ancienne religion, des troubles éclatèrent en Afrique. Donatistes et. païens se soulevèrent, sous prétexte que les lois promulguées du vivant de Stilicon étaient abrogées par le fait de sa condamnation, comme ayant été édictées par la seule autorité du ministre, contrairement à la volonté de l’empereur[147]. Les évêques catholiques n’eurent plus alors aucune sécurité, même pour leur vie. Deux d’entre eux, Sévère et Macaire, furent tués en septembre 408. D’autres, attaqués dans leurs églises et dans leurs maisons, furent accablés d’outrages et de mauvais traitements, sans que les magistrats, qui semblent ne leur avoir pas été favorables ou avoir attendu des instructions, aient cherché à les protéger[148]. Cette révolte prit des proportions extrêmement graves, s’il est vrai, comme l’indique une chronique, que Johannes, comte d’Afrique, fut tué par le peuple[149]. Ce Johannes était, semble-t-il, le successeur immédiat de Bathanarius ; Heraclianus n’aurait donc pas été envoyé en Afrique aussitôt après la chute de Stilicon[150].

A la suite de ce soulèvement et de ces excès, le concile des évêques catholiques, assemblés à Carthage le 13 octobre 408, décida d’envoyer en Italie les évêques Restitutus et Florentius pour demander la protection de l’empereur[151]. D’autres évêques, saint Augustin dit beaucoup, avaient déjà pris d’eux-mêmes, individuellement, le parti d’aller porter leurs plaintes à la cour[152]. Il leur fut donné satisfaction par deux constitutions, datées l’une du 15, l’autre du 24 novembre 408[153]. Elles confirment, les lois précédemment promulguées contre les adversaires de la foi catholique, spécialement contre les donatistes, et en ordonnent l’exécution rigoureuse. Mais bientôt après, l’invasion d’Alaric et ses tentatives pour s’emparer de l’Afrique imposèrent dans cette province une politique plus modérée.

A l’époque où, après le second siège de Rome et l’usurpation d’Attale, Alaric fut momentanément maître de la capitale du monde romain, il lui importait de se créer une base d’opérations contre Honorius, d’assurer, à cet effet, le ravitaillement de la ville et de l’armée des Goths. C’était de l’Afrique que Rome tirait, en grande partie, les grains nécessaires à sa subsistance. Alaric s’occupa donc tout d’abord d’enlever à Honorius cette importante province. Suivant un auteur, il aurait conseillé à Attale d’y expédier des troupes suffisantes pour la conquérir, mais Attale n’en aurait rien voulu faire et se serait contenté d’y envoyer un personnage nommé Constans, avec pouvoir de prendre le commandement des garnisons romaines. Il ne lui aurait adjoint aucune force sérieuse et se serait flatté mue la présence de cet agent suffirait à décider tout le pays à se déclarer en sa faveur, les devins qu’il avait consultés lui ayant prédit qu’il s’emparerait de Carthage et de toute l’Afrique sans coup férir[154].

Attale nous est représenté comme un homme vain et superstitieux, mais Alaric n’était pas un sot, et c’était Alaric qui était le véritable maître sous le nom de sa créature. S’il ne fit pas passer des troupes suffisantes en Afrique, il est aisé d’en deviner la raison. Outre qu’il ne pouvait détacher de son armée un corps assez important pour entreprendre une expédition sérieuse, il manquait d’une flotte pour transporter des troupes quelque peu nombreuses au delà de la Méditerranée. H crut sans doute, connaissant l’état de l’Afrique, les divisions politiques et religieuses qui y rendaient les mécontents si nombreux, qu’il serait facile d’y soulever contre Honorius tous ceux que la politique d’Honorius avait poussés au désespoir, tous ceux pour qui la domination romaine était désormais plus à craindre que celle des barbares.

La fermeté d’un homme sans scrupules, mais énergique et résolu, fit échouer les projets d’Attale et d’Alaric. L’Afrique était alors gouvernée par Heraclianus qui agit sans hésitation. L’envoyé d’Attale et ceux qui l’accompagnaient furent saisis aussitôt après leur débarquement et mis à mort[155]. Avant ainsi prévenu toute tentative de soulèvement, Heraclianus établit des gardes dans les ports et sur les côtes. Il prohiba et réussit à empêcher le départ des navires marchands à destination de Rome[156]. Rome était alors au pouvoir des Goths ; l’affamer, c’était rendre impossible le ravitaillement de leur armée et leur enlever la base d’opérations qu’ils avaient compté y trouver. De la possession de l’Afrique dépendait donc l’issue de la lutte en Italie. Au Sénat, une motion tendant à faire expédier dans cette province un corps de Romains et de Goths fut votée à la presque unanimité[157]. Seul, dit un auteur, Attale, soutenu par quelques-uns, s’opposa à l’exécution de ce projet ; il ne voulait point qu’aucun barbare fût envoyé en Afrique avec l’armée romaine[158]. Suivant un autre auteur, Alaric conseillait d’expédier contre Heraclianus 500 hommes de troupes barbares[159]. C’est probablement 5000 hommes qu’il faut lire dans ce texte, au lieu de 500 qui ne pouvaient être une force suffisante pour s’emparer d’une province[160]. Mais, ajoute cet auteur, le Sénat et Attale ne jugèrent pas opportun de mettre l’Afrique aux mains des barbares[161]. On y expédia des troupes romaines en très petit nombre. Elles se firent battre par Heraclianus qui continua à affamer Rome et fit parvenir à Honorius d’importantes sommes d’argent ; ces ressources permirent à Honorius d’affermir la fidélité douteuse de ses soldats[162].

La crainte d’une révolte en Afrique eut pour conséquence, dans cette province, une politique de ménagements à l’égard des païens et des hérétiques. Le concile tenu à Carthage le 14. juin 410 nous apprend en effet qu’on avait fait à ce moment une loi ordonnant que personne ne serait contraint d’embrasser la religion chrétienne[163], et, dans une constitution d’Honorius, il est fait mention de la liberté qui avait été accordée aux hérétiques[164]. Ces lois de tolérance furent données sans doute à la sollicitation d’Heraclianus, pour ne point exaspérer les païens et les donatistes au moment où Attale et Alaric tentaient d’enlever l’Afrique à Honorius. Un autre rescrit, daté de Ravenne le VII des calendes de juillet sous le consulat de Varanes (25 juin 410), considérant le dévouement dont l’Afrique avait fait preuve, accorda à cette province remise de tout ce qui restait dû aux caisses publiques jusqu’au commencement de la cinquième indiction, c’est-à-dire jusqu’en l’an 408. Le même rescrit fit aussi remise de toutes les dettes des particuliers envers l’État, et annula les titres qui en faisaient preuve[165]. Toutes les amendes qui pouvaient entre dues au fisc par suite de condamnations prononcées par applications des lois contre les hérétiques se trouvaient ainsi remises également. C’était continuer la politique d’apaisement dont on sentait la nécessité.

La tolérance cessa dès que le danger eut disparu. Les lois de proscription contre les hérétiques furent bientôt remises en vigueur. Un rescrit qui porte la date du 25 août 410[166] abroge la loi de tolérance promulguée en 409. Mais il est impossible d’admettre que cette loi fut abrogée, publiquement au moins, le lendemain de la prise de Rome. A ce moment, l’Afrique était plus que jamais menacée par les barbares. Alaric était poussé à de nouvelles conquêtes par la nécessité d’assurer son salut, et ses regards devaient se porter au sud de la Méditerranée ; Jordanès affirme, on l’a vu, que lorsqu’il tenta de passer en Sicile, son but était, non de s’établir dans cette île, mais d’y préparer la conquête de l’Afrique[167]. Il est évident que ce fut après la mort d’Alaric qu’Honorius put reprendre ses anciens errements et donner satisfaction aux instances des évêques délégués par le concile réuni à Carthage[168]. Il y a donc erreur dans la date du rescrit impérial, à moins que ce rescrit n’ait été adressé à Heraclianus avec ordre de le tenir secret, pour le mettre à exécution quand les circonstances le permettraient.

Honorius ne se contenta point de remettre en vigueur les lois précédemment édictées. Elles ne parurent plus suffisantes, car les donatistes continuaient à prétendre qu’ils n’étaient pas hérétiques et trouvaient, par là moyen de renouveler, à l’occasion de chaque poursuite, leurs antiques discussions. Pour éteindre le schisme par des rigueurs, jugées désormais inévitables, il fallait couper court, une fois pour tontes, à ces discussions sans cesse renouvelées. vil faisant déclarer définitivement hérétiques tous ceux qui continueraient à demeurer dans l’Église donatiste. A cet effet, Honorius prit le parti dont saint Augustin avait eu l’idée, et qu’une délégation des évêques africains était venue de nouveau le supplier d’adopter. Il ordonna qu’une conférence serait tenue à Carthage entre les évêques catholiques et les donatistes, sous la présidence d’un magistrat impérial chargé de décider quel parti était orthodoxe et quel parti hérétique.

Flavius Marcellinus, tribun et notaire, fut désigné pour aller à Carthage remplir cette mission. Saint Augustin célèbre les vertus de ce magistrat. Il a vécu, dit-il, dans une grande piété, dans une conduite et dans des sentiments tout à fait chrétiens. C’est ce qui lui donna cette grande réputation qui le fit nommer commissaire dans l’affaire de l’Église et qu’il s’est conservée par la façon dont il s’y est comporté. Aussi, que de probité dans ses mœurs, de fidélité et d’assurance dans son amitié ; que d’amour et de zèle pour la vérité ; que de sincérité dans la piété qu’il professait ! Chaste dans son mariage, intègre dans l’administration de la justice, il était patient avec ses ennemis, affable avec ses amis, humble avec les saints, charitable envers tous, prompt à rendre service, réservé à demander. Combien les bonnes œuvres lui donnaient de joie, les mauvaises de douleur ! Quelle honnêteté, quelle grâce, quelle piété on voyait luire dans toutes ses actions ! Qu’il était compatissant et secourable ! Toujours prêt à pardonner, toujours prêt à aimer, même ses ennemis, toujours plein de confiance en Dieu, toujours appliqué à la prière ! Avec quelle modestie il parlait des vérités salutaires dont il était bien instruit ! Quel soin d’apprendre, de rechercher partout les vérités qui pouvaient lui être utiles, quand il ne les connaissait point encore ! Combien il avait de mépris pour toutes les choses de cette vie ! Combien il était plein de l’espérance et du désir des biens éternels ! Il aurait renoncé à tous les emplois du siècle, pour vivre comme un soldat de Jésus-Christ, s’il ne se fût trouvé engagé dans les liens du mariage, avant que de se porter avec tant d’ardeur à de plus grands biens. Mais il ne lui était plus permis de rompre ces liens pour passer de cet état inférieur à un état plus parfait[169].

L’instruction remise par l’empereur à ce commissaire, choisi à cause de ses sentiments catholiques, indique nettement ce qu’on attendait de lui. Dans cette instruction Honorius n’hésite pas à témoigner son dévouement à la foi de l’Église universelle et son aversion pour les donatistes. Ils déshonorent, dit-il, par leur vaine erreur et par leurs folles dissensions une des provinces les plus importantes, une des plus fidèles de son empire, et il rappelle qu’il lui a plu déjà de les avertir et de les frapper de terreur. L’intérêt de la foi catholique est, ajoute-t-il, le seul ou du moins le premier de ses soins, et tout ce qu’il cherche, dans la paix comme dans la guerre, est de faire observer par ses peuples le vrai culte de Dieu. De l’avis unanime de tout le Inonde, déclare-t-il, la foi catholique est clairement établie par le culte des hommes et par la volonté divine ; néanmoins son désir de paix et de clémence lui a fait accueillir favorablement la députation des vénérables évêques qui souhaitent voir convoquer des évêques donatistes à Carthage, pour, qu’après discussion entre les ecclésiastiques désignés de part et d’autre, la superstition soit publiquement confondue. Il ordonne en conséquence de procéder à cette discussion contradictoire dans un délai de quatre mois, afin qu’il puisse apprendre le plus promptement possible la conversion des peuples de l’Afrique. Si lés évêques donatistes refusent de comparaître après trois citations, on observera les délais de contumace, après lesquels, s’ils persistent à faire défaut, le peuple qui les suit, convaincu de la défaite de ses docteurs par leur silence, sera contraint de céder et d’abandonner ses églises aux catholiques, et apprendra comment il faut obéir aux commandements de l’empereur et aux. justes injonctions de la loi catholique. Le commissaire impérial, après avoir fait disparaître la superstition nouvelle, aura pour mission principale de veiller au maintien absolu des mesures ordonnées, soit anciennement, soit, à une époque plus récente, par les prédécesseurs immédiats d’Honorius qui a confirmé leurs édits. Le proconsul et le vicaire d’Afrique devront, par eux-mêmes et par tous les juges, prêter main forte au délégué de l’empereur[170].

Ces instructions n’étaient pas de nature à calmer les appréhensions des donatistes. Or pour les amener à comparaître, il fallait leur inspirer confiance dans l’impartialité du juge appelé à décider entre eux et leurs adversaires. Marcellinus se garda donc de faire connaître le texte du rescrit impérial dont il était porteur. Il se borna à le résumer dans un édit qu’il envoya partout en Afrique, ordonnant que tous les évêques, soit catholiques soit donatistes, fussent sommés juridiquement, par les magistrats civils de leur résidence, d’avoir à se trouver à Carthage dans le délai de quatre mois fixé par l’empereur, afin d’élire les plus habiles de leur parti pour entrer en conférence[171]. Ce délai de quatre mois devait prendre fin le premier juin 411.

Marcellinus ne se borna pas à ne point faire mention dans son édit des protestations de dévouement à la foi catholique et d’aversion pour les donatistes dont Honorius s’était montré prodigue. Il prit sur lui de promettre que tout évêque donatiste qui s’engagerait à se rendre à Carthage serait rétabli tout d’abord dans la possession de son église et de ses droits dont les catholiques se trouvaient jouir en vertu des ordres de l’empereur. Si tous les donatistes s’engageaient à venir, tous se verraient rendre, à titre de propriété, leurs églises et en général tous les lieux dont il serait prouvé qu’ils avaient eu la possession. Ainsi, au moment de l’ouverture de la conférence, toutes choses se trouveraient en l’état où elles étaient à l’origine du conflit[172]. Il offrit de plus aux donatistes, si sa personne leur paraissait suspecte, de s’adjoindre, pour juger avec lui, un délégué de leur parti choisi par eux, à condition que ce délégué fût d’une dignité supérieure ou du moins égale à la sienne[173], offre d’ailleurs peu dangereuse, puisque les donatistes ne comptaient parmi eux aucun personnage d’une qualité égale à celle du commissaire impérial. Marcellinus jurait ensuite par le mystère de la Trinité, par le sacrement de l’incarnation du Seigneur et par le salut des empereurs de se prononcer uniquement d’après les preuves fournies de part et d’autre. il finissait en garantissant aux donatistes la pleine et entière liberté de regagner leurs résidences, soit que la sentence leur fût favorable, soit qu’elle fût. favorable à leurs adversaires[174].

Ces belles promesses ne paraissent pas avoir été tenues très scrupuleusement, car les donatistes se plaignirent dans la conférence de n’avoir pas été remis en possession de la plupart de leurs églises[175]. Cependant l’édit de Marcellinus eut le succès qu’il en attendait ; les donatistes acceptèrent la conférence, et de toutes parts s’empressèrent de s’y rendre. Ils entrèrent à Carthage en grande pompe, le jeudi 18 mai[176]. Malgré le zèle dont ils firent preuve et leur désir de se présenter en grand nombre, il n’y eut à la conférence que 279 évêques de leur parti. Les catholiques y parurent au nombre de 286[177]. Si on se rappelle le nombre des évêchés schismatiques représentés au concile de Bagaï ; on voit combien était exagérée la déclaration des donatistes, quand ils affirmaient que, seuls d’entre eux, les vieillards et les malades s’étaient abstenus de se rendre à la convocation de Marcellinus[178] Quant aux catholiques, leurs adversaires leur reprochèrent d’avoir multiplié le nombre de leurs évêchés, en produisant plusieurs titulaires pour le même siège, et en produisant des évêques pour des diocèses où il n’y avait point de catholiques[179]. Mais les catholiques reprochèrent également aux donatistes diverses supercheries du même genre[180], et notamment d’avoir signé pour un des leurs qui n’était point venu à Carthage[181].

Lorsque furent arrivés les évêques des deux partis, Marcellinus publia un second édit fixant le règlement à observer dans la conférence. Les dispositions suivantes montrent avec quel soin minutieux tout avait été prévu pour aboutir au résultat définitif voulu par l’empereur, et pour ne laisser aux donatistes aucun moyen de renouveler leurs perpétuelles chicanes. Il est ordonné à tous les évêques de s’assembler le 1er juin dans un édifice appelé les bains de Gargilius[182]. Afin d’éviter le tumulte et le désordre dans la discussion, chacun des deux partis aura à désigner sept évêques qui seuls auront part aux débats, et sept autres évêques qui n’auront pas le droit de prendre la parole. La mission de ces derniers sera d’assister leurs collègues de leurs conseils, quand ceux-ci le jugeront à propos[183]. Avant la réunion de la conférence, tous les évêques s’engageront à ratifier ce qui aura été fait par leurs délégués et prendront cet engagement dans un acte revêtu de leurs signatures et adressé au commissaire impérial[184]. Tout ce qui sera dit dans la conférence sera immédiatement écrit par les greffiers publics d’une part, et d’autre part par huit notaires ecclésiastiques, quatre pour chacun des deux partis[185]. Chacun des deux partis élira, en outre de ses quatorze délégués, quatre évêques chargés de contrôler les procès-verbaux dressés par les notaires et les copies qui en seront faites[186]. Les notaires se retireront de l’assemblée avec ces évêques, en présence desquels ils mettront les actes au net, sans retard. Après chaque séance, un jour d’intervalle sera réservé à la rédaction et à l’expédition des actes[187]. Les évêques signeront immédiatement le compte rendu de leurs discours, comme le fera également le commissaire impérial[188]. Les quatorze évêques, délégués pour prendre part aux débats, signeront les minutes des actes et les expéditions, qui seront scellées des sceaux du commissaire impérial et des huit évêques nommés pour veiller à leur authenticité[189].

Les donatistes protestèrent le 25 mai contre ce règlement, et émirent la prétention d’être tous présents aux débats[190]. Ils ne refusèrent pourtant pas de désigner sept d’entre eux, pour soutenir, disaient-ils, la cause de l’Église contre les traditeurs, et ils consentirent à ratifier ce qui serait fait par ces délégués[191]. Les catholiques, au contraire, furent extrêmement satisfaits du règlement publié par Marcellinus, et firent une déclaration en ce sens[192]. Ils s’y montrent conciliants et disposés aux plus grandes concessions. Ils offrent en effet à leurs adversaires de leur conserver l’honneur de l’épiscopat, à la seule condition de reconnaître que l’Église réside uniquement dans la communion catholique. Si les donatistes consentent à reconnaître l’unité de l’Église, ils leur offrent le compromis suivant : Dans les localités où se trouveront à la fois un évêque catholique et un évêque donatiste, ces deux évêques occuperont alternativement le siège épiscopal, et celui qui le cédera momentanément à son collègue occupera un siège un peu moins élevé, suivant l’usage observé à l’égard des évêques étrangers, à moins qu’ils ne puissent et ne préfèrent siéger simultanément, chacun dans une église différente. Il en sera ainsi jusqu’au décès de l’un des deux évêques ; le survivant demeurera ensuite seul titulaire de la chaire épiscopale. Si le peuple n’admet point cet arrangement, les deux titulaires se démettront, et un nouvel évêque sera ordonné en leur place[193].

Le 31 mai, les évêques catholiques élurent leurs députés dans l’église de Carthage, en présence de Marcellinus[194]. La première séance put donc avoir lieu à la date fixée, le jeudi 1er juin de l’an 411[195]. Il fut donné lecture tout d’abord des instructions adressées par l’empereur à Marcellinus. Les termes de ce rescrit durent alarmer les donatistes, et les déterminèrent sans doute à prendre l’attitude qu’ils affectèrent à partir de ce moment. On les voit en effet, un instant après cette lecture, préoccupés uniquement de provoquer des incidents, dans le but d’éviter le débat. Le délai de quatre mois fixé par l’empereur et expiré, prétendent-ils, le nombre des évêques catholiques, la vérification des signatures, le droit pour tous les évêques d’assister aux séances, la question de savoir si les catholiques sont demandeurs ou défendeurs dans la cause, tout devient pour eux motif à discussions. Ils multiplient à plaisir les questions de forme et de procédure, cherchent à les éterniser, à éviter qu’on en vienne au fond, à empêcher enfin la conférence d’aboutir. Ils allongent leurs discours à propos de riens et tout leur est prétexte à gagner du temps. Chaque nom appelé provoque des observations et lorsque, l’appel fini, Marcellinus invite les membres de l’assemblée à s’asseoir, disant qu’il a peine à être seul assis parmi tant d’hommes vénérables, ils s’obstinent à demeurer debout. Ils comptent provoquer ainsi une nouvelle difficulté, leurs adversaires devant nécessairement considérer comme une marque de mépris ce refus d’être assis à côté d’eux[196], mais les catholiques ne s’émeuvent point, et Marcellinus n’insiste pas. Alors les donatistes cherchent une autre occasion de disputes ; ils réclament la lecture des signatures. Cette manœuvre leur donne enfin le résultat qu’ils espéraient ; plusieurs signatures provoquent leurs protestations et deviennent l’objet de discussions sans fin. Les donatistes firent ainsi tant de difficultés et manœuvrèrent si bien qu’il était six heures du soir quand on put faire sortir tous les évêques, à l’exception des trente-six députés[197]. Il était trop tard pour que ceux-ci pussent, commencer leurs travaux ; il fallut se séparer, en fixant au surlendemain la prochaine séance[198].

Dès le lendemain, les donatistes, toujours occupés de gagner du temps, présentèrent à Marcellinus une requête signée de leurs sept députés, dans laquelle, après avoir exposé que les actes de la première séance étaient trop longs pour être rédigés en un jour, ils demandaient communication et copie de l’instruction remise par les catholiques à leurs députés[199].

Cette instruction leur fut remise. Le prétexte sur lequel ils comptaient apparemment pour exiger un ajournement de la seconde séance leur faisant défaut, ils ne purent s’abstenir de s’y rendre. Mais leurs sept principaux députés parurent seuls, et se montrèrent, plus encore qu’auparavant, décidés à ne pas accepter une discussion sérieuse. Marcellinus ayant de nouveau prié les évêques de s’asseoir, ils tentèrent de nouveau, eux aussi, d’exciter du tumulte. Ils cherchèrent à provoquer les catholiques, en répondant que la loi divine leur défendait d’être assis à côté de pareils adversaires[200]. Les catholiques étaient déjà assis ; ils se contentèrent de se lever, sans protester autrement. Marcellinus se décida à se lever lui aussi ; il fit emporter son siège, et tout le monde demeura debout, non seulement ce jour-là, mais jusqu’à la fin de la conférence[201].

Après lecture de la requête présentée la veille par les donatistes, Marcellinus demanda que chacun s’engageât à signer au procès-verbal ses propres paroles. Aussitôt les donatistes de protester que ce n’était pas l’usage. Marcellinus leur demanda alors s’ils entendaient se contenter de la garantie d’authenticité résultant de la surveillance des évêques chargés de veiller à la rédaction des actes ; ils déclarèrent se réserver de répondre à cette question quand les actes de la précédente séance seraient publiés, car, disaient-ils, ils voulaient auparavant lire le procès-verbal et l’instruction de leurs adversaires[202]. On leur fit observer vainement que s’ils jugeaient nécessaire de lire les actes de la première séance avant d’engager le débat au fond, ils auraient dû le déclarer plus tôt, que la veille encore ils ne réclamaient que l’instruction des catholiques, qui leur avait été remise, et que d’ailleurs ils ne pouvaient trouver rien d’important dans les actes de la première séance, employée tout entière à la vérification des signatures et à des incidents de peu de conséquence. Rien ne fit ; ils se butèrent à vouloir la publication de ces actes, avant de passer outre et de s’engager à signer leurs dires[203]. On pouvait bien, ajoutaient-ils, leur accorder une remise à une date peu éloignée, puisqu’ils consentaient, eux, à accepter la conférence, alors que le délai légal dans lequel elle devait avoir lieu était expiré[204]. Après bien des paroles échangées à ce propos, Marcellinus finit par accorder une nouvelle remise, et les catholiques se virent forcés d’y consentir[205]. Les notaires ayant promis, si les procès-verbaux étaient signés ce jour même ou le lendemain, d’être en mesure, en travaillant jour et nuit, de publier les actes le mercredi 7 juin, Marcellinus proposa de fixer la prochaine réunion au jeudi 8 juin. Cet ajournement fut accepté de part et d’autre[206], mais au moment de lever la séance, saint Alype, au nom des catholiques, demanda acte des instances faites par les donatistes pour obtenir cette remise. Il ne voulait pas, dit-il, qu’on cherchât à tromper le peuple par de faux bruits[207].

Les notaires firent tant de diligence que dès le 6 juin, à 8 ou 9 heures du soir, ils signifièrent aux donatistes, assemblés dans l’église de la Théoprépie[208], les actes des deux premières séances et en reçurent un récépissé signé de Montanus de Zama[209]. Deux heures plus tard, ces mêmes actes étaient signifiés aux catholiques, dans la Basilique Restituta où Fortunatianus de Sieca en donna récépissé[210].

Ces formalités accomplies, la conférence tint sa troisième séance le 8 juin, comme on en était convenu. Les catholiques voulurent d’emblée aborder le point principal du litige[211]. Les donatistes, au contraire, persévérèrent dans la ligne de conduite qu’ils s’étaient tracée. Soulevant de nouveau des questions de forme, ils insistèrent pour faire décider tout d’abord à qui incombait le rôle de demandeur[212]. Ils conservaient évidemment l’espoir d’empêcher une solution qu’ils jugeaient leur devoir être funeste, comme le fit remarquer saint Augustin[213]. Leur manœuvre ne réussit point. Marcellinus, tout en admettant, malgré les protestations des catholiques, qu’il y avait lieu de décider quel était le demandeur[214] sut habilement détourner la discussion pour l’amener peu à peu sur la question de Cécilien et du schisme. Les donatistes entendaient charger leurs adversaires du rôle de demandeurs, en établissant que la conférence avait été ordonnée par l’empereur à la requête des catholiques ; ils réclamaient donc la lecture de cette requête[215]. Cette pièce semblait en effet leur donner gain de cause dans la question préalable, car c’était sur les instances des évêques catholiques députés à la cour et pour faire droit à la requête présentée par eux qu’Honorius avait convoqué cette conférence[216]. Peu importait que les donatistes l’eussent également désirée ou même demandée, soit autrefois, soit récemment, comme le prétendaient les catholiques. La requête de ces derniers étant l’acte introductif d’instance, c’était à eux qui l’avaient présentée qu’incombait le rôle de demandeurs[217]. Pour les en décharger, il fallait ne point tenir compte de cette pièce. C’est ce que fit Marcellinus, en prononçant qu’elle ne devait pas être versée au débat, et en ne donnant point l’ordre de la produire[218]. La prétention des donatistes était en effet inadmissible, car ils avaient exigé de leurs adversaires l’engagement, auxquels ils s’étaient soumis également, de laisser de côté les formalités judiciaires[219]. D’ailleurs, comme le déclara très judicieusement Marcellinus, la conférence ayant été demandée par les deux partis, le rôle de demandeur incombait à celui qui portait une accusation contre l’autre[220].

Cette pièce étant ainsi écartée, les catholiques prétendaient produire une autre pièce, émanant des donatistes et remontant à l’année 406, afin d’établir que, dès cette époque, ceux-ci avaient sollicité un débat contradictoire[221]. Les donatistes empêchèrent par leurs interruptions la lecture de cette pièce. Ils réclamèrent de nouveau la communication de la requête des catholiques à l’empereur et, ne pouvant l’obtenir, ils produisirent à leur tour des actes antérieurs à 406, dans lesquels les catholiques les sommaient d’entrer en conférence et formulaient leurs griefs[222]. Sur quoi, les catholiques objectèrent que si Ton voulait suivre l’ordre des dates, il fallait commencer par la relation d’Anulinus à Constantin[223]. Remonter à l’origine du schisme, discuter l’un après l’autre, dans l’ordre chronologique, tous les actes du conflit, cela aboutissait nécessairement à laisser de côté la question de forme pour aborder insensiblement le fond de la cause. Les donatistes s’en plaignirent en vain[224]. C’était précisément ce que voulait Marcellinus. Il consentit cependant, après bien des observations par lesquelles les donatistes s’efforcèrent de détourner la discussion sur d’autres points, à laisser donner lecture d’un acte de 403 produit par ces derniers[225]. Cette lecture terminée, Marcellinus reconnut qu’en effet les catholiques avaient dans cet acte porté contre les donatistes des accusations de schisme et d’hérésie et que par conséquent le fardeau de la preuve semblait leur incomber[226]. Cette preuve, s’écrièrent les catholiques, sera fournie par les pièces que nous nous proposons de lire[227]. Et aussitôt Marcellinus ordonna de commencer la lecture de ces pièces[228]. Il ne s’agissait donc plus cette fois de régler la question de forme ; il s’agissait de prouver l’hérésie des donatistes.

Au cours de la discussion qui s’engagea alors, les donatistes pressèrent les catholiques de reconnaître que Cécilien, le chef de leur parti, avait été condamné par le concile de Carthage. Il leur fut répondu qu’une condamnation prononcée par défaut ne pouvait suffire pour établir la culpabilité de Cécilien, que s’ils prétendaient le contraire, ils devaient se reconnaître également coupables, Primianus, un des leurs, ayant été condamné dans les mêmes conditions par les Maximianistes[229], qui avaient fait schisme parmi eux. A quoi les donatistes objectèrent étourdiment qu’une affaire ne dépendait pas d’une autre, ni un homme d’un autre homme[230]. Les catholiques triomphèrent. C’était précisément la doctrine qu’ils professaient, quand ils prétendaient que la faute de Cécilien, même prouvée, ne pouvait nuire à ceux qui partageaient sa communion et n’était point un motif suffisant pour se séparer de l’Église universelle[231].

On avait donc réussi, non seulement à discuter la question de principe, mais à tirer des donatistes un aveu qui les compromettait. Ils avaient évidemment voulu dire que l’affaire de Primianus et celle de Cécilien n’étaient pas de même nature et ne pouvaient se comparer ; mais on n’était pas d’humeur à admettre cette explication de leur réponse.

La discussion se prolongea pourtant au milieu des protestations des donatistes et des productions de pièces, parmi lesquelles la lettre de Constantin ordonnant l’envoi d’Ingentius au conseil de l’empereur. Les catholiques se servirent de cette lettre, produite par les donatistes eux-mêmes, pour établir l’innocence de Félix d’Aptonge, et par suite celle de Cécilien à qui on reprochait uniquement d’avoir été ordonné par Félix[232]. Ainsi, après avoir établi en droit par l’aveu des donatistes que la faute de Cécilien n’aurait pu nuire à ceux de sa communion, les catholiques établissaient par les pièces du dossier qu’en fait aucune faute ne pouvait être reprochée à Cécilien, puisque Félix d’Aptonge qui l’avait ordonné n’était point coupable.

Il ne restait qu’à prononcer le jugement. Cédant aux instances des catholiques, Marcellinus fit sortir tous les évêques, et rédigea immédiatement la sentence. Résumant les différentes questions traitées au cours des débats, il conclut que les catholiques avaient, par des preuves indéniables, réfuté sur tous les points les prétentions de leurs adversaires[233]. Lecture de cette sentence fut donnée aux évêques rappelés en séance, bien que la nuit fût déjà venue[234].

Honorius s’était flatté d’une vaine espérance lorsqu’il s’était laissé persuader qu’il suffirait d’une sentence prononcée contre les schismatiques pour avoir raison de leur opposition. Loin de s’avouer vaincus, ils interjetèrent immédiatement appel à l’empereur du jugement de Marcellinus auquel ils reprochaient des irrégularités de forme et un manque absolu d’impartialité[235]. Ils se plaignaient de ce que la sentence avait été prononcée durant la nuit, de ce qu’on les avait tenus enfermés comme dans une prison, de ce qu’on ne leur avait pas permis de se défendre comme ils l’entendaient, de ce que Marcellinus n’avait cessé de favoriser les catholiques[236]. Il suffisait de lire les actes de cette conférence, disait quelques années plus tard Emeritus qui avait été un de leurs principaux orateurs, pour voir s’ils avaient été réellement vaincus ou s’ils avaient été victimes d’un abus de pouvoir[237]. Ils allèrent même jusqu’à accuser Marcellinus de s’être laissé corrompre par leurs adversaires[238].

L’appel des donatistes n’eut d’autre effet que de leur attirer une nouvelle condamnation, prononcée cette fois par l’empereur qui les classa au nombre des hérétiques[239]. Par une loi donnée à Ravenne le 30 janvier 412, qui n’est sans doute que la fin du rescrit condamnant de nouveau les donatistes[240], Honorius rappelle la révocation de la tolérance qui leur avait été accordée (en 409), confirme les mesures édictées contre eux et y ajoute les dispositions suivantes : Tous les donatistes, évêques, ecclésiastiques, laïques ou circoncellions, qui ne se réuniront pas à l’Église dès la publication de cette loi, seront frappés d’une amende dont le taux est fixé en proportion de la qualité des personnes et à laquelle les femmes seront soumises personnellement, comme leurs maris ; ceux qui, après la condamnation à cette amende, ne se corrigeront pas, seront frappés de la confiscation de tous leurs biens. Les esclaves et les colons seront contraints par des châtiments corporels de quitter le schisme, et leurs maîtres, s’ils négligent de leur faire appliquer la loi, seront passibles de l’amende édictée contre les donatistes. Les évêques et tous les ecclésiastiques qui persisteront dans le schisme seront bannis de l’Afrique, leurs églises et tous autres lieux d’assemblée, avec les terres qui en dépendent, seront livrés aux évêques catholiques, conformément aux précédentes prescriptions[241].

Cette loi fut mise à exécution ; on n’en peut douter, car beaucoup d’évêques donatistes prirent la fuite, d’autres, comme Emeritus de Cæsarea, furent réduits à se cacher, et à Carthage les églises des dissidents furent remises aux catholiques. Ces églises furent brûlées quelque temps après, et on tenait pour certain qu’elles avaient été incendiées par des schismatiques. Les donatistes prétendaient au contraire avoir été victimes d’une persécution violente[242], et affirmaient que de tous ceux d’entre eux qui étaient tombés aux mains des catholiques, pas un seul n’avait été épargnés[243]. On agit pourtant, semble-t-il, avec une certaine modération, car on laissa bon nombre d’évêques donatistes se retirer où ils voulurent, sans leur faire aucun mal, et les poursuites ne durent pas être bien actives, puisqu’ils purent tenir des conciles et ordonner de nouveaux évêques[244]. Sans doute, beaucoup se convertirent par crainte[245], mais les résistances paraissent avoir été nombreuses[246], et des actes de violence furent signalés en plusieurs endroits[247]. A Hippone, les circoncellions massacrèrent un prêtre nommé Restitutus, et un autre prêtre, Innocentius, ne se tira de leurs mains qu’avec un œil crevé et un doigt coupé[248]. Dans un but d’apaisement, saint Augustin intervint auprès de Marcellinus et le pria de punir les coupables sans trop de rigueur, de leur épargner la mort et la mutilation, peines incompatibles, déclare-t-il, avec les principes et la doctrine catholiques[249]. Ailleurs, des fanatiques s’égorgèrent ou se brûlèrent eux-mêmes, en incendiant les églises dont on les avait privés[250]. Saint Augustin ayant fait arrêter deux prêtres donatistes, l’un d’eux nommé Donat, prêtre du village de Mutugena ou Mutigina, sans doute voisin d’Hippone[251], voulut se détruire[252].

Partout, mais principalement, semble-t-il, dans la Numidie, les catholiques eurent beaucoup à souffrir de la fureur des schismatiques. Dans la région d’Hippone, Macrobe, l’évêque donatiste de cette ville, se mit à parcourir la contrée, suivi de troupes de gens sans aveu, et par la violence fit rouvrir les églises de sa secte dans les localités où les propriétaires en avaient exigé la fermeture par crainte des lois[253]. Dans les domaines d’un grand propriétaire nominé Celer, qui était en correspondance avec saint Augustin et paraît avoir été un personnage considérable[254], l’audace des révoltés fut contenue par l’attitude énergique d’un intendant du nom de Spondeus, mais dès que cet intendant se fût éloigné pour rentrer à Carthage, Macrobe accourut, rouvrit les églises et y assembla le peuple[255]. Tout cela n’allait pas sans de terribles violences contre les personnes. Les circoncellions redoublaient de fureur et leurs excès furent tels en Numidie que les évêques de cette province se virent obligés de déléguer un d’entre eux, Delphinus, pour réclamer la protection de Marcellinus[256].

Ainsi, loin de rétablir la paix, les rigueurs ordonnées par Honorius ne faisaient que surexciter les haines religieuses. Les conversions obtenues par menaces avaient pu diminuer le nombre des donatistes, mais ouvertement ou en secret, le peuple de l’Afrique leur demeurait favorable et ne pouvait que souhaiter d’être débarrassé par une révolte de l’autorité impériale qui les persécutait. Heraclianus, qui depuis 408 commandait en Afrique et qui avait été honoré du consulat pour l’année 413[257], en récompense de l’énergie avec laquelle il avait défendu sa province contre les entreprises d’Attale et d’Alaric, comprit qu’il trouverait parmi les mécontents un parti disposé à favoriser une usurpation[258]. Aidé de son gendre, Sabinus, homme d’un esprit adroit et très propre à l’intrigue, il réunit des troupes et la flotte la plus nombreuse qu’on eût jamais vue à cette époque[259]. A peine commençait-on à concevoir quelque soupçon de ses menées, quand il se déclara tout à coup contre Honorius[260], sans doute à l’approche du printemps de l’année 413[261].

Il commença par retarder l’envoi des blés destinés au service de l’annone[262]. Bientôt après, il passa en Italie et marcha sur Rome. Il fut vaincu dès sa première rencontre avec les troupes impériales sous les ordres de Marinus. Réduit à fuir, il se jeta dans un navire et regagna Carthage[263].

S’il faut ajouter foi au récit d’un chroniqueur, il se serait avancé jusqu’à Otricoli en Ombrie, et aurait été défait dans une grande bataille où cinquante mille hommes auraient péri[264]. Son désastre fut complet ; il regagna l’Afrique avec un seul de ses vaisseaux[265]. A peine débarqué, il fut tué par les soldats[266]. Le même auteur qui raconte sa défaite à Otricoli dit qu’il fut mis à mort plus tard dans le temple de la Mémoire, à Carthage, par ceux qu’Honorius avait envoyés pour le punir[267]. Une constitution du 3 août 413, adressée à Adrien, préfet du prétoire d’Italie[268], ordonne d’abolir et d’effacer son nom dans tous les actes privés et publics où sa qualité de consul en cette même année 413 l’avait fait figurer. Les affranchissements faits sous son consulat subsisteront, mais il en sera dressé de nouveaux actes[269]. Des poursuites, suivies de nombreuses exécutions, furent exercées contre ceux qui avaient pris part ou qui avaient adhéré à sa révolte[270]. Le tribun et notaire Marcellinus et son frère Apringius, proconsul d’Afrique à l’époque de la conférence, en 411[271], furent au nombre des victimes. Marinus, nommé comte d’Afrique en récompense de sa victoire[272], les fit arrêter à Carthage et, après les avoir tenus quelque temps en prison, les fit mettre à mort[273] la veille de la fête de saint Cyprien (12 septembre)[274]. Sabinus, le gendre d’Heraclianus, s’enfuit à Constantinople[275]. Il fut extradé quelque temps plus tard et condamné à l’exil[276]. Le fait que Sabinus chercha et trouva pendant quelque temps un refuge à Constantinople peut donner à supposer qu’Heraclianus, comme autrefois Gildon, avait tramé des intrigues à Byzance et que la cour d’Orient n’était pas entièrement étrangère à sa révolte[277]. Marcellinus et son frère furent sans doute accusés d’avoir eu part à ces intrigues, ce qui expliquerait leur arrestation et leur mort. Les catholiques les considérèrent comme des martyrs et représentèrent leur mort comme une vengeance des hérétiques[278]. Cela est bien peu probable, car les hérétiques ne devaient pas avoir l’oreille du représentant de l’empereur, si l’on en juge par les rigueurs exercées contre eux aussitôt après le rétablissement de l’autorité impériale. Le 27 juin 414, Honorius promulgua contre eux une nouvelle loi plus sévère encore que les précédentes[279], et le 30 août suivant, il déclara que la mort de Marcellinus n’infirmait en rien les décisions de la conférence de Carthage[280]. Les magistrats tinrent la main à l’exécution de ces lois, comme le prouve ce que dit saint Augustin d’un édit publié par Macedonius, vicaire d’Afrique en 414[281], pour presser les donatistes de se réunir à l’Église[282]. Tant de rigueurs ne les firent point disparaître. Ils persistèrent dans leur opposition et quand parurent les Vandales, ils se soumirent volontiers aux conquérants qui les affranchissaient.

Ce fut vers cette époque que l’hérésie de Pélage et de Céleste se répandit dans le monde. Elle n’eut pas l’importance historique du donatisme. La nouvelle doctrine touchant la grâce était trop subtile, trop théologique pour exciter les passions du peuple dont elle dépassait l’entendement[283]. Mais elle eut des partisans dans le clergé, et fut pour l’absolutisme de l’administration impériale l’occasion de créer une nouvelle classe de proscrits. Les évêques africains s’élevèrent contre cette hérésie avec l’ardeur qu’ils apportaient en toutes choses. Ils n’écoutèrent point les conseils de prudence que le siège apostolique ne cessa de prodiguer ; ils obtinrent d’Honorius un rescrit, donné à Ravenne le 30 avril 418 et adressé à Palladius, préfet du prétoire d’Italie[284], par lequel l’empereur ordonna d’expulser de Rome Pélage et Céleste, de faire publier en tous lieux que toute personne serait reçue à déférer leurs sectateurs aux magistrats, et de condamner à la déportation en exil quiconque, soit ecclésiastique soit laïque, serait convaincu de professer leur doctrine[285].

Dès l’année 407, Honorius avait édicté les châtiments les plus rigoureux, la confiscation, la privation de tous les droits civils, la déportation et l’exil, la mort même, contre les manichéens, nombreux en Afrique[286]. Une loi de l’année 408 fait voir que les Juifs n’y étaient pas non plus épargnés[287]. Le sol de cette malheureuse contrée était ainsi couvert d’un peuple de proscrits, désormais ennemis de la domination romaine et prêts à fournir des alliés aux révoltes et aux invasions. Les événements devaient bientôt prouver une fois de plus que si les persécutions ne sont pas sans effet, elles sont non moins funestes à ceux qui les exercent qu’à ceux qui les subissent[288]. Entraînés par l’ardeur de leur zèle, les évêques africains ont pu contribuer à préparer la ruine de leur patrie et de leur propre Église, mais leur en faire un reproche serait manquer d’impartialité. Ils ne pouvaient se soustraire aux idées de leur temps, aux pratiques d’absolutisme sans mesure de l’administration impériale, et les funestes conséquences des persécutions n’apparaissaient point encore assez clairement pour donner à l’humanité l’expérience que les événements allaient bientôt lui fournir. On n’avait pas encore vu. les victimes, lasses de souffrir, appeler de leurs vœux la présence de l’ennemi et obtenir enfin, suivant l’expression de Salvien, de subir en commun avec leurs oppresseurs, de la part des barbares, l’oppression qu’ils avaient endurée seuls, de la part des Romains[289].

Après un siècle de luttes passionnées, des poursuites sans merci achevaient la désagrégation complète de la société dans cette Afrique où des partis en lutte ouverte les uns contre les autres tendaient à des buts opposés. Tandis que l’Église catholique, dévouée au maintien de l’ordre ancien des choses politiques et sociales, s’efforçait de conserver l’unité de l’Empire en imposant à tous ses croyances devenues la religion officielle de l’État romain, l’affaiblissement et la destruction de l’autorité impériale étaient pour les dissidents l’unique chance de salut. Quant aux sectateurs de l’antique religion, parmi lesquels bon nombre des principaux citoyens demeurés fidèles à leurs cultes traditionnels[290], et une masse de gens qui, indifférents aux questions religieuses, continuaient à vivre comme par le passé, ils formaient un troisième parti, nombreux encore. Leur attachement à l’unité romaine eût pu les rapprocher des catholiques, si le souvenir des luttes et des persécutions d’autrefois, et surtout l’intolérance, générale à cette époque, n’avaient rendu tout rapprochement impossible. Le retour offensif du paganisme en Italie, lors de l’invasion de Radagaise et plus récemment au moment de l’invasion d’Alaric, la révolte des païens en Afrique même, après la chute de Stilicon, étaient de nature à inspirer des craintes aux chrétiens. S’ils ne se hâtaient d’achever la destruction du paganisme, ils pouvaient craindre de perdre les avantages qu’ils avaient acquis, de se voir peut-être exposés à être de nouveau persécutés, dans le cas où les païens réussiraient, même momentanément, à s’emparer du pouvoir ou à élever au trône un prince favorable à leur cause. On pouvait se rappeler le temps où, pendant la réaction païenne à laquelle mit fin la victoire de Théodose en 394, l’usurpateur Eugène et Arbogast, le chef de son armée, menaçaient de transformer en étables les basiliques chrétiennes de Milan et d’enrôler le clergé dans les troupes[291].

Ces divers partis, se proscrivant ou prêts à se proscrire les uns les autres et uniquement préoccupés d’assurer leur triomphe sur leurs adversaires, avaient perdu tout souci du salut commun, auquel ils n’entendaient sacrifier en rien ni leurs rancunes ni leurs intérêts particuliers immédiats. Ainsi divisée contre elle-même, l’Afrique ne pouvait opposer aucune résistance aux intrigues des aventuriers dont elle était la proie et à l’invasion qu’une nouvelle aventure ne devait pas tarder à provoquer.

Il existait en Afrique un autre élément propre à fournir aux barbares des alliés contre la domination romaine. Le peuple indigène n’avait été assimilé ni par les Carthaginois ni par les Romains. Composé des populations libyennes primitives auxquelles s’étaient juxtaposés, à une époque antérieure à l’histoire, d’autres groupes humains, les uns venus du Midi, les autres, au type blond et peut-être de race aryenne, arrivés de l’Occident par le détroit de Gadès[292], ce peuple était demeuré, comme il demeure encore de nos jours, distinct des conquérants, non seulement par ses origines, mais par les mœurs et le langage. L’usage de l’idiome libyque, avec son système particulier d’écriture, son alphabet propre[293], commun à toutes les différentes fractions des antiques populations de l’Afrique septentrionale, avait créé un lien entre elles, en avait fait en quelque sorte une seule et même nation[294], celle des Berbères, suivant l’appellation que leur donnent les Arabes et qui est peut-être le nom de quelque très ancienne tribu[295]. Les Romains les appelaient les Numides, transcription latine du mot grec Νομάδες, et, dans une zone distincte, les Gétules, nom libyen qui s’est conservé dans celui de la grande tribu berbère des Guezzoula ou Gued’oula[296]. Ils les appelaient les Maures dans le nord-ouest de l’Afrique, dans les Maurétanies. Ce dernier terme semble être une désignation phénicienne et avoir le sens d’Occidentaux, il serait un surnom donné par les Carthaginois à leurs voisins de l’Occident[297].

Ceux de ces antiques habitants de l’Afrique qui se trouvaient dans les contrées colonisées successivement par les Carthaginois et par les Romains, vivaient parmi les conquérants auxquels ils s’étaient plus ou moins assimilés et dont ils avaient appris la langue. Ils parlèrent à la fois le libyque et le punique, dit M. Boissier, comme leurs descendants usent de l’arabe et du berbère ; puis le latin vint par-dessus, comme aujourd’hui le français, et il eut sa place entre les deux autres langues, sans les faire tout à fait oublier[298]. Mais dans les steppes, sur les plateaux, même à proximité et au centre des pays pacifiés et colonisés, surtout au Sud, sur les frontières de l’Empire et en plein désert, ils continuaient leur existence primitive de pasteurs et de nomades, habitant de misérables huttes de roseaux et de feuillages, nominées malien, n’ayant pour tout vêtement que des peaux de bêtes, pour table et pour lit que le sol nu, pour boisson que le lait de leurs troupeaux, pour nourriture que le produit de leurs chasses[299]. L’été comme l’hiver, dit Procope, les Maures subissent toutes les intempéries dans des cabanes où l’on peut à peine respirer. Ni la neige, ni la chaleur, ni aucune incommodité de la vie ne les poussent à chercher un meilleur abri. Le sol leur sert de lit ; les riches y étendent une toison. Toujours couverts d’un mauvais manteau et d’une rude tunique, ils n’ont point coutume de changer de vêtements suivant les saisons. Ils ne connaissent ni pain, ni vin, ni aucune autre nourriture quelque peu douce ou agréable. Ils mangent, comme les chevaux, du blé, de l’épeautre, de l’orge, sans moudre ou cuire ces aliments[300].

Ils vivaient en tribus, sous des chefs, analogues aux cheiks de nos jours, qui prenaient le nom de rois, ou du moins que les Romains désignaient sous ce nom, et parmi lesquels quelques-uns réussissaient à étendre leur autorité sur plusieurs tribus et à former ainsi des royaumes de quelque importance[301]. Ces petits rois ne dépendaient de Rome que par une sorte d’investiture que l’Empire leur accordait. Aujourd’hui, dit M. Boissier, nous donnons au cheik le burnous rouge, qui est le signe de son autorité ; les Romains joignaient au manteau blanc des brodequins avec des ornements d’or, un billon d’argent et des bandelettes. La grande affaire, alors comme aujourd’hui, était de cantonner ces tribus remuantes, toujours prêtes à se jeter sur les champs des autres, surtout s’ils sont fertiles et bien cultivés. Aussi voyons-nous les Romains fort. occupés à leur assigner des limites fixes (fines assignati genti Numidarum) et à les y maintenir. Pour les empêcher de franchir ce territoire où on les enfermait, et les forcer d’y vivre tranquilles, on avait institué auprès d’eux un représentant de l’autorité romaine, qui s’appelait præfectus ou procurator Augusti ad curam gentium[302]. Ces tribus, insoumises, avides de pillages et d’aventures, toujours prêtes à la révolte, comme au temps de Firmus et de Gildon, ne pouvaient manquer de profiter d’une invasion pour envahir de leur côté les provinces romaines et contribuer à anéantir la faible résistance que, dans leur état de complète dissolution sociale, elles pouvaient opposer à la conquête.

 

 

 



[1] Salvien, De gubernatione Dei, VII (édit. Halm, M. G., A. A., t. I, p. 94).

[2] Jordanès, Getica, XXX (édit. Mommsen, M. G., A. A., t. V, pp. 98-99).

[3] Jordanès, Getica, XXX (édit. Mommsen, M. G., A. A., t. V, p. 99).

[4] F. Martroye, Une tentative de révolution sociale en Afrique. Donatistes et circoncellions (Revue des questions historiques, t. LXXVI, pp. 353-416 (octobre 1904) et t. LXXVII, pp. 5-53 (janvier 1905).

[5] Paul Allard, La persécution de Dioclétien, t. I, chap. III, p. 156.

[6] Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, t. II, 1re partie, p. 13 ; 2e partie, p. 312.

[7] S. Optat, De schismate donatistarum, Lib. III, 8 (édit. Ellies du Pin, p. 62).

Donat, évêque de Mascula (Khenchela), s’entendant accuser d’avoir livré les objets du culte appartenant à son église, répondait : Vous savez combien Florus m’a recherché pour me faire offrir de l’encens. Dieu ne m’a pas laissé tomber entre ses mains. Pour le reste, puisque Dieu me l’a pardonné, réservez-moi aussi à son jugement. (S. Augustin, Contra Cresconium, III, 26, 28 ; édit. Migne, P. L., t. XLIII, pp. 510-511).

C’était d’ordinaire devant la statue du prince qu’on traînait les martyrs chrétiens pour leur faire offrir de l’encens. (Gaston Boissier, La religion romaine d’Auguste aux Antonins, liv. I, ch. II ; l’apothéose impériale, XV, t. I, p. 181).

[8] Paul Allard, La persécution de Dioclétien, t. I, ch. IV, p. 181 ; — Tillemont, Les saints Saturnin, Dative et leurs compagnons ; Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. V, pp. 231.239 (édit. de Venise) ; — Paul Monceaux, Hist. littéraire de l’Afrique chrétienne, t. III, pp. 141-147.

[9] Inscriptions provenant d’Aïn-Regada (Aug. Audollent, Mission épigraphique en Algérie ; Mélanges de l’École française de Rome, année 1890, p. 526). Le gouverneur de la Numidie, Florus, dont l’odieux souvenir se conserva longtemps, dit Dom Leclercq, était un des ennemis les plus acharnés du christianisme. (Dom Leclercq, L’Afrique chrétienne, Paris, Victor Lecoffre, 1904, t. I, p. 315). Comme l’indique d’ailleurs Dom Leclercq (loc. cil., note 2), le 20 novembre 303, Aurelius Quintianus avait remplacé Florus (Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, Paris, Ernest Leroux, 1901, t. II, 2e partie, p. 314). Florus n’avait donc dirigé la persécution contre les chrétiens que pendant cinq mois tout au plus, et quand elle devint particulièrement violente, en 304, il avait cessé d’être en fonctions. (Cf. Paul Monceaux, Hist. littéraire de l’Afrique chrétienne, t. III. pp. 35-36.) S. Optat dit, il est vrai, qu’il y eut en ce temps des juges impies, ennemis du nom chrétien, parmi lesquels furent Anulinus dans la Proconsulaire et Florus en Numidie. (De schismate donatistarum, III, 8 ; édit. Ellies du Pin, p. 62), mais il n’accuse pas Florus d’avoir été plus cruel qu’Anulinus. Or, celui-ci ne parait pas avoir agi avec passion. On sait en effet qu’averti du subterfuge employé par Mensurius, l’évêque de Carthage, qui cacha et sauva les livres saints en mettant à leur place des écrits hérétiques que les persécuteurs emportèrent sans rien demander de plus, il ne voulut pas qu’on inquiétât cet évêque (S. Augustin, Breviculus collationis cura donatistis liber, Collatio tertii diei, XII ; Migne, P. L., t. XLIII, p. 638). Naturellement, les chrétiens ne pouvaient voir que haine contre eux dans la conduite des magistrats chargés de la pénible mission de faire appliquer les édits, mais ces magistrats ne pouvaient qu’obéir aux ordres impériaux et appliquer les lois. On s’explique donc d’une part, l’horreur des chrétiens pour ceux qui avaient présidé à la persécution, surtout pour Anulinus dans le gouvernement duquel avaient péri les martyrs d’Abitine. On trouve la preuve de cette horreur dans le fait que le nom d’Anulinus reparaît à chaque instant dans les actes des martyrs ; que la scène racontée se passe à Lucques, à Milan, à Ancône, sous Néron, sous Valérien, Gallien, Maximien, Dioclétien, le magistrat chargé de condamner les chrétiens, est appelé Anulinus. Pour les narrateurs de seconde main, ignorant les noms exacts des magistrats en fonctions aux époques et dans les localités dont ils parlent, Anulinus est devenu le type du magistrat persécuteur (Edmond Le Blant, Les actes des martyrs, pp. 25-27). D’autre part, en se plaçant au point de vue de l’administration impériale, ou s’explique aisément que ce même Anulinus, bon fonctionnaire sur lequel on pouvait compter pour faire exécuter les ordres de l’empereur, indifféremment contre les chrétiens ou en leur faveur, ait pu être envoyé de nouveau à Carthage en 312, par Constantin, quand il s’agit de rétablir la paix entre catholiques et donatistes. Son expérience des choses de l’Afrique semblait même le désigner pour cette mission. Son rôle dans la persécution n’est donc pas une raison suffisante de croire, avec M. Pallu de Lessert (o. c., t. II, partie, p. 14) que le proconsul de 303 et celui de 312 sont nécessairement deux personnages différents. Un changement de politique peut amener l’abrogation de lois antérieures, il ne peut déterminer un gouvernement, surtout un gouvernement autoritaire et purement administratif, à ne plus se servir, dans les mêmes emplois, des fonctionnaires qui les ont appliquées.

Les actes du martyre de saint Mammaire et de ses compagnons portent que le proconsul Anulinus mourut pendant le procès, en 305, et fut remplacé par Maximus. Ces actes, supposés ou altérés, ne peuvent inspirer confiance (Tillemont, Persécution de Dioclétien, note 33 ; Mémoires, t. V, pp. 617-620), mais l’indication qu’ils fournissent au sujet du remplacement d’Anulinus s’ajoute, pour leur donner quelque valeur, aux traits signalés par Edmond Le Blant comme marqués au sceau de l’antiquité (Edmond Le Blant, Les actes des martyrs, supplément aux Acta sincera de Dom Ruinart, 1882, § 114, p. 267). Anulinus dut, en effet, être remplacé à cette époque en Afrique, non par suite de sa mort, mais par suite de son rappel à Rome, si, comme il y a lieu de le croire, ce fut le même personnage, Annius Anulinus, qui fut préfet de la ville en 306 (Borghesi, Iscrizione di Mario Massimo, Œuvres, t. V, p. 470) et préfet du prétoire en 307 (Borghesi, Præfecti Prætorio, Œuvres, t. X, p. 155.)

[10] Tillemont, La persécution de Dioclétien, art. X ; Mémoires (édit. de Venise), t. V, p. 28.

[11] S. Optat, De schism. donatist., I, 13 (édit. Ellies du Pin, pp. 11-12).

[12] S. Augustin, Breviculus collalionis cum donatistis liber, collatio tertii diei, XII (Migne, P. L., t. XLIII, p. 638).

[13] Cf. F. Martroye, o. c. (Rev. des questions historiques, t. LXXVI, octobre 1904, pp. 9 et suiv.).

[14] Ain-el-Bordj (Tissot, Géographie comparée de la province romaine d’Afrique, t. II, pp. 420.423).

[15] Aucune règle, ni aucune coutume n’exigeait, pour la nomination ou l’ordination de l’évêque de Carthage, l’intervention du concile d’Afrique et du doyen de la Numidie (Mgr Duchesne, Bulletin critique, année 1886, t. VII, pp. 123-130 ; — Dom Leclercq, L’Afrique chrétienne, t. I, p. 337, note 2). Sur l’organisation des Églises primitives, voir Mgr Pierre Batiffol, L’Église naissante (Revue biblique, t. III, 1894, pp. 503-521, t. IV, 1895, pp. 137-159, et pp. 473-500, t. V, 1896, pp. 360-380).

[16] Paul Allard, Persécution de Dioclétien, t. II, p. 21, note 1.

[17] F. Martroye, o. c., Rev. des questions hist., t. LXXVI (oct. 1904).

[18] S. Augustin, Breviculus collationis cum donatistis liber, collatio tertii diei, XIV (Migne, P. L., t. XLIII, p. 639).

[19] S. Augustin, Epistola XLIII (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 159) ; — S. Optat, De schism. donatist., I, 19 (édit. Ellies du Pin, p. 17).

[20] S. Optat, De schism. donatist., I, 20 (édit. Ellies du Pin, p. 17).

[21] Baronius, Ann., 306, XLI ; — Paul Allard, Persécution de Dioclétien, t. II, p. 272, note 2.

[22] On n’a point de preuve que Majorinus ait vécu au delà de l’an 313 (Tillemont, Donatistes, art. XXVII ; Mémoires, t. VI, p. 64).

[23] La requête adressée par les donatistes à Constantin en 313 porte la souscription suivante : datæ a Luciano, Digno, Nasutio, Capitone, Fidentio et ceteris episcopis partis Donati (S. Optat, De schism. donatist., I, 22 ; édit. Ellies du Pin, p. 19). La fin de ce texte, et cœteris episcopis partis Donati, a fait douter de son authenticité ; d’autre part, on a cru devoir l’expliquer en supposant que les mots cœteris episcopis partis Donati ne figuraient pas dans l’original, que la citation de saint Optat s’arrêtait à ces mots et qu’ils ont été libellés par saint Optat lui-même, pour résumer la fin de la pièce qu’il n’y avait pas intérêt à citer textuellement (Mgr Duchesne, Le dossier du donatisme ; Mélanges de l’École française de Rome, ann. 1890, pp. 608-609). Cette hypothèse ne parait point admissible, car elle est en contradiction évidente avec ce que dit saint Optat lui-même. Comme preuve de l’orgueil et de la vanité de Donat de Carthage, qui le poussèrent à se mettre à la tête des schismatiques pour avoir un parti qui portât son nom, saint Optat rappelle et cite de nouveau la fin de la requête adressée à Constantin et cœteris episcopis partis Donati (S. Optat, De schism. donalist., III, 3 ; édit. Ellies du Pin, p. 54). Il est donc bien certain que ces mots figuraient dans le texte original que saint Optat a eu entre les mains. Peut-être, lorsqu’il reproche à Donat de Carthage d’avoir donné son nom au parti dissident, le confond-il avec Donat des Cases-Noires, le premier auteur du schisme ; peut-être aussi celui qui fut Donat de Carthage était-il, dès l’époque où fut rédigée la requête, le principal défenseur des schismatiques, au service desquels il pouvait avoir déjà mis le talent qui le désignait pour être le véritable chef de son parti. Ce qui est certain, c’est que, dès cette époque, les schismatiques s’intitulaient le parti de Donat.

[24] S. Augustin. Ép. CVIII, 17 et sq. (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 405) ; — S. Optat, De schism. donatist., II, 15 (édit. Ellies du Pin, p. 36).

[25] S. Optat, De schism. donatist., III, 5 ; — S. Augustin, Contra Cresconium, II, 2 (Migne, P. L., t. XLIII, pp. 468-469).

[26] Tillemont, Donatistes, art. XXXIII ; Mémoires, t. VI, p. 80.

[27] S. Augustin, Ép. XCIII, 43 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 342).

[28] Tillemont, Constantin, note 32 ; Empereurs, t. IV, p. 633. Lactance (De mortibus persecutorum, 44) dit que Maxence fut défait et périt le VI des calendes de novembre (27 octobre), mais il ajoute qu’il périt le jour anniversaire de son élévation à l’Empire. Or, il fut proclamé Auguste le 28 octobre 306 (Tillemont, Empereurs, t. IV, p. 93).

[29] Duruy, Histoire des Romains, ch. LXXVII (édit. in-8°, t. VII, p. 144.)

[30] Aurelius Victor, De cæsaribus, XL (édit. Panckouke, pp. 298-299.)

[31] Eusèbe, Histoire ecclésiastique, X, 6 (Migne, P. G., t. XX, p. 891).

[32] Notamment leurs basiliques et leurs cimetières et catacombes. Cf. Stéphane Gsell, Monuments antiques de l’Algérie, t. II, pp. 116, 120, 183 et suiv. ; et Mélanges de l’École française de Rome, 1901, p. 206.

[33] Eusèbe, Hist. ecclés., X, 5 (Migne, P. G., t. XX, p. 883).

M. Pallu de Lessert pense que cette pièce, qui n’est pas datée, dut suivre d’assez près la victoire du Pont Milvius (Fastes des provinces africaines, t. II, p. 18). Mais elle ne peut être d’une date antérieure à 313, étant adressée à Anulinus, proconsul en cette année. Cf. Paul Monceaux, Hist. littéraire de l’Afrique chrétienne, t. III, p. 41.

[34] Eusèbe, Hist. ecclés., X, 7 (Migne, P. G., t. XX, p. 894).

[35] S. Augustin, Ép. LXXXVIII (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 302.)

[36] S. Optat, De schism. donatist., I, 22 (édit. Ellies du Pin, p. 19).

[37] S. Optat, De schism. donatist., I, 23 (édit. Ellies du Pin, p. 20.)

[38] Eusèbe, Hist. ecclés., X, 5 (Migne, P. G., t. XX, p. 287).

[39] Cf. Revue des questions historiques, t. LXXVI, pp. 368 et suiv., octobre 1904.

[40] S. Optat, De schism. donatist., I, 24 (édit. Ellies du Pin, p. 21) ; — S. Augustin, Breviculus collationis cum donatistis liber, collatio tertii diei, 12 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 637).

[41] S. Optat, De schism. donatist., I, 24 (édit. Ellies du Pin, p. 21).

[42] Epistola Constantini imp. ad Ablavium (S. Optat, édition Ellies du Pin, p. 283) ; — Lettre de Constantin à Crestus, évêque de Syracuse (Eusèbe, Hist. ecclés., X, 5 ; Migne, P. G., t. XX, p. 887 ; — Hardouin, Conciliorum collectio maxima, t. I, p. 259). Sur l’authenticité de ces lettres, voir Duchesne, Le dossier du donatisme (Mélanges de l’École française de Rome, année 1890, p. 633).

[43] S. Augustin, Ép. LXXXVIII (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 302).

[44] Cf. Revue des questions historiques (oct. 1904), t. LXXVI, pp. 376-380.

[45] Hardouin, Conciliorum collectio maxima, t. I, p. 261.

[46] Liber pontificalis, Sylvestre (édit. Duchesne, t. I, p. 170).

[47] S. Augustin, Ép. LXXXVIII (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 302) ; — S. Augustin, Contra epistolam Parmeniani libri tres, I, 6 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 41).

[48] S. Augustin, Ép. LXXXVIII, 3 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 304).

[49] Cf. Revue des questions historiques (octobre 1904). t. LXXVI, pp. 372-376 et 382-387.

Sur la date de cette enquête, voir l’Appendice à la fin du volume.

[50] Il résulte des dates de constitutions adressées à Petronius Probianus qu’il était proconsul d’Afrique dès le 25 août 315 (Cod. Théod., lib. XI, tit. XXX, 3 ; Hænel, p. 1131), et qu’il exerçait encore ces fonctions le 13 août 316 (Cod. Théod., lib XI, tit. XXX, b, 6 ; Hænel, p. 1132). Cf. Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines. t. II, pp. 23-25.

Il ne faut point confondre ce personnage avec Petronius, préfet du prétoire en 316 ; celui-ci s’appelait Petronius Annianus et non Probianus. (Édouard Cuq, additions à Borghesi, Præfecti Prætorio, Œuvres, t. X, p. 190 et p. 493).

[51] S. Augustin, Ép. XCIII (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 321) ; — Post Collationem, XXXIII (Migne, P. L., t. XLIII, p. 687) ; — Pagi, ann. 316. XIX.

S. Augustin dit à propos de ce jugement de l’empereur : Longe postes ipse imperator causam inter partes cognovit atque finivit : in qua cognitione Cæcilianum innocentem, illos autem calumniosissimos judicavit (Ép. CXLI, 11 : Migne, P. L., t. XXXIII, pp. 582-583), et ailleurs : Donec etiam ipse (imperator) causam cognosceret et Cæcilianum innocentem, illos calumniosos pronunciaret (Ép. CV, 8 ; Migne, P. L., t. XXXIII, p. 399). Il ne faut point entendre ces deux passages en ce sens que Constantin jugea à nouveau la cause de Cécilien, définitivement jugée au concile d’Arles. Ce fut bien la cause d’Ingentius, coupable de taux et de calomnie. que jugea l’empereur. S. Augustin ne laisse aucun doute à cet égard, quand il écrit : Illud tamen nullo modo prætermittendum est quomodo Felicis Aptungensis, quem fontem omnium malorum in concilio carthaginiensi, ab Secundo tigisitano primate, patres vestri fuisse dixerunt, urgentibus apud imperatorem vestris, publico judicio causa discussa atque finita sit. Nam memoratus imperator in bac ipsa causa vestros apud se accusatores et assiduos interpellatores litteris suis fuisse testatur, quarum exemplum infra scripsimus. Suit la lettre de Constantin au proconsul Probianus, par laquelle il est ordonné à celui-ci d’envoyer sous bonne garde au conseil impérial Ingentius, coupable, est-il dit, d’avoir falsifie, pour calomnier Félix d’Aptonge, la lettre du duumvir Alfius Cæcilianus (S. Augustin, Ép. LXXXVIII, 3 et 4 ; Migne, P. L., t. XXXIII, pp. 303-305). Mais la condamnation du faussaire Ingentius fournissait une nouvelle et éclatante preuve de l’innocence de Félix d’Aptonge, de la légitimité de Cécilien et des calomnies répandues contre eux ; de sorte que saint Augustin pouvait avec raison considérer la conclusion de ce procès comme une preuve et une sentence de plus en faveur de Cécilien.

[52] S. Augustin, Ép. XLIII, LIII (Migne, P. L., t. XXXIII, pp. 159 et 195) ; — Contra litteras Petiliani, 92 (Migne, P. L., t. XLIII, pp. 322-332).

[53] Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, t. II, pp. 233 et suiv. ; — René Cagnat, L’Armée romaine d’Afrique, p. 721.

[54] Pallu de Lessert, o. c., t. II, pp. 38-39 ; — Duchesne, Bulletin critique, 1886, p. 129.

[55] S. Optat, De schism. donatist., III, 10 (édit. Ellies du Pin, p. 65) ; — S. Augustin, Contra litteras Petiliani, II, 92 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 324).

Cf. Revue des questions hist. (octobre 1904), t. LXXVI, pp. 390-391.

[56] Pallu de Lessert, o. c., II, pp. 242, note 2.

[57] S. Optat, De schism. donatist., III, 1 (édit. Ellies du Pin, p. 48).

[58] S. Augustin, Ép. XCIII et CVIII (Migne, P. L., t. XXXIII, pp. 342, 407) ; — Contra Cresconium, IV, 31 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 589).

[59] Revue des questions hist. (octobre 1904) t. LXXVI, pp. 389 et suiv.

[60] Mgr Duchesne, Le Dossier du donatisme ; — Stéphane Gsell, Fouilles de Bénian, p. 59 ; — Dom H. Leclercq, l’Afrique chrétienne, t. I, p. 345 ; — Paul Monceaux, Les Africains, p. 28.

[61] Paul Monceaux, Les Africains, Paris. Lecène, Oudin et Cie, 1894, p. 15 et p. 21.

[62] On ne peut déterminer l’époque où les circoncellions commencèrent à paraître. Tillemont croit que cette manie a commencé sous Constantin (Donatistes, art. XL : Mémoires, t. VI, p. 96). M. Pallu de Lessert incline à penser que la secte des circoncellions prit naissance après les édits de tolérance de 321. Parmi les donatistes, dit-il, les uns acceptèrent volontiers le nouveau régime qui leur reconnaissait le droit de vivre en paix ; il y eut des intransigeants qui trouvèrent cette paix insuffisante, et c’est parmi eux que dut se former la nouvelle secte (Fastes des provinces africaines, t. II, p. 242, note 3). Mais le rescrit adressé par Constantin Verinus, le 5 mai 321, peut-il être considéré comme un édit de tolérance ? On n’en a point le texte et on ne le connaît que par ce qu’en dit saint Augustin : Ad Valerium vicarium de illorum exilio soluto et eorum furore Deo vindici dimittendo litteras dedit, Crispo et Constantine iterum consulibus, tertio nones Maias (5 mai 321). (Post Collationem, 23 ; Migne, P. L., t. XLIII, p. 687). Il est question dans ce passage des donatistes condamnés à l’exil après le procès d’Ingentius. Ailleurs saint Augustin indique de même l’objet de ce rescrit. On lut, dit-il, dans la conférence de 411, la lettre de Constantin écrivant au vicaire Verinus de les laisser aller librement et l’avisant qu’il a ordonné leur retour de l’exil recitantes Constantini litteras scribentis ad Verinum vicarium ut libero eos dimittat arbitrio, se jussisse insinuans ut de exilio remearent (Breviculus collationis cum donatistis liber, collatio diei III, cap XXII, 40 ; Migne, P. L., t. XLIII, p. 648). Il ne s’agit donc que d’une amnistie, ou plutôt d’une grâce en faveur de personnes condamnées à l’exil. Cet acte de clémence n’établissait pas un régime nouveau de tolérance dont les donatistes, même modérés, pussent se contenter, car leurs églises confisquées ne leur étaient pas rendues, mais il était de nature à calmer leur effervescence en suspendant les mesures de rigueur précédemment ordonnées contre eux. Il ne put en résulter une exaspération nouvelle, même parmi les plus intransigeants. D’ailleurs, comme le remarque très judicieusement M. Pallu de Lessert (loc. cit.), il ne faut pas confondre les donatistes avec les circoncellions, principalement jusqu’à l’époque de la mission de Paul et de Macaire. A une époque bien postérieure à 321, vers 340 semble-t-il (Ibid. p. 242), on voit les évêques donatistes solliciter le comte Taurinus de réprimer les excès des circoncellions, et s’opposer à ce que ceux d’entre eux qui avaient été tués fussent ensevelis dans les basiliques. (Cf. Revue des questions historiques, t. LXXVI, pp. 398 et suiv.) Un mouvement du genre de celui des circoncellions ne se produit pas tout à coup ; il commence d’une façon presque inaperçue, par de faibles bandes de vagabonds et se propage peu à peu. Il se peut que déjà sous Constantin, et même avant les compétitions de Cécilien et de ses adversaires, il y ait eu de petites troupes de ces espèces de Bagaudes, se portant naturellement partout où le désordre était possible. Depuis longtemps, le brigandage sous toutes ses formes était le fléau du monde romain. (Paul Allard, Les esclaves chrétiens, p. 104 et suiv.)

[63] S. Optat, De schism. donatist., III, 4 (édit. Ellies du Pin, pp. 56-57).

[64] Philastri brixensis hæresiarum liber, 85 (Migne, P. L., t. XII. pp. 1197-1198) ; — S. Augustin, De hæresibus ad Quodvultdeum, 69 (Migne, P. L., XLII, p. 43) ; — Ép. CVIII, 14 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 413) : — Contra Gaudentium, I, 28 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 725) où saint Augustin donne en ces termes l’origine de ce nom : et victus sui causa cellas circumiens rusticanas, unde et circumcellionum nomen accepit.

[65] S. Optat, De schism. donatist., III, 4 (édit. Ellies du Pin, p. 56) ; — S. Augustin, In psalmum CXXXII (Migne, P. L., t. XXXVI-XXXVII, p. 1732).

[66] S. Augustin, In psalmum CXXXII (Migne, P. L., t. XXXVI-XXXVII, p. 1732).

[67] Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, t. II, p. 242.

[68] S. Optat, De schism. donatist., III, 4 (édit. Ellies du Pin, p. 57).

On les honorait ainsi suivant l’usage chrétien d’élever des autels sur les tombeaux des martyrs. (Pallu de Lessert, o. c., t. II. p. 241, note D. Cf. Stéphane Gsell, Monuments antiques de l’Algérie, t. II, p. 145.

[69] S. Optat, De schism. donatist., III, 4 (éd. Ellies du Pin, p. 57).

[70] Paul Allard, Persécution de Dioclétien, t. II, ch. XI, p. 271 et t. I, ch. III, p. 190.

[71] S. Optat, De schism. donatist, III, 1-4 (Ellies du Pin, pp. 48, 51, 56) : — Passio Marculi (Ellies du Pin, à la suite de S. Optat, p. 304).

[72] S. Optat, De schism. donatist., III, 3, 4 (édit. Ellies du Pin, pp. 52, 56).

[73] Pallu de Lessert, o. c., t. II, pp. 210 et suiv.

[74] S. Augustin, In Johannis evangelium tractatus, XI, 15 (Migne, P. L., t. XXXI V, p. 1483).

[75] S. Optat, De schism. donatist., III, 6 (édit. Ellies du Pin, p. 60).

[76] S. Augustin, In Johannis evangelium, XI, 15 (Migne, P. L., t. XXXIV, p. 1483) ; — Passio Marculi (édit. Ellies du Pin, à la suite de S. Optat, pp.302- 307).

[77] Il est absolument certain que Paul et Macaire furent envoyés en Afrique sous le règne de Constant qui mourut en 350, et après la défaite et la mort de Constantin II en 340 (Duruy, Hist. des Romains ; édit. in-8°, t. VII, p. 274). C’est donc entre 340 et 350, comme limites extrêmes, qu’il faut chercher la date dont il s’agit. Le récit donatiste de la passion de Marculus, mis à mort immédiatement après la bagarre de Bagaï, nous apprend qu’il fut livré au supplice un dimanche III des calendes de décembre (29 novembre. Passio Marculi, édit. Ellies du Pin, à la suite de S. Optat, p. 303). C’est du moins la date qu’on lit dans le manuscrit le plus ancien de ce texte et qu’il y a lieu de préférer à celle du VIII des calendes de décembre que porte un manuscrit du mile siècle (Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, t. II, p. 246, note 1). D’autre part, les actes des martyrs donatistes Maximien et Isaac qui périrent à Carthage font mention du samedi XVIII des calendes de septembre (15 août. Passio Maximiani et Isaac ; édit. Ellies du Pin, p. 311, col. 2). Or, la coïncidence du 15 août avec un samedi et du 29 novembre avec un dimanche ne se rencontre, de 340 à 350, que deux fois : en 341, où Pâques tombait le XIII des cal. de mai (19 avril) et en 347, où Pâques tombait la veille des ides d’avril (12 avril. Victorii Aquilani cursus paschalis ; édit. Mommsen, M. G., A. A., t. IX, pars posterior, pp. 712-713). Le récit du martyre de Maximien et Isaac montre clairement qu’ils furent victimes de la tentative de rétablir l’unité chrétienne commencée par la mission de Paul et de Macaire (Passio Maximiani et Isaac, p. 308, col. 2, et p. 310. col. 1). Il faut donc qu’ils aient péri après Marculus, et par conséquent au cours d’une année postérieure à la mort de celui-ci, car saint Optat affirme de la façon la plus formelle que jusqu’au moment de la bagarre de Bagaï, aucune rigueur n’avait été exercée contre les donatistes, lors de la mission de Paul et de Macaire (S. Optat, De schism. donatist., III, 3 et 4 ; édit, Ellies du Pin, p. 51 et 56), et cette affirmation de saint Optat se trouve confirmée par le récit donatiste de la passion de Marculus (Passio Marculi ; édit. Ellies du Pin, à la suite de saint Optat, p. 304, § 3).

Le martyre de Maximien et d’Isaac ne pouvant être mis plus tard qu’en 347, puisqu’ensuite il ne se trouve plus, avant 350, un samedi 15 août, la passion de Marculus, contemporaine de la bagarre de Bagaï, c’est-à-dire de la mission de Paul et Macaire, doit avoir eu lieu en une année antérieure où le 29 novembre était un dimanche. Après 310 et avant 347, la seule année 341 présente cette coïncidence ; la mission de Paul et Macaire remonterait alors à 311, et Maximien et Isaac auraient péri six ans plus tard, victimes de la répression violente qui continua longtemps après la mort de Donat et de Marculus (Cf. Revue des questions hist., t. LXXVI, p. 401).

Cette chronologie est-elle rendue inadmissible par le texte d’une des épitres de saint Augustin où on voit Fortunius, l’évêque donatiste de Tubursicum, prétendre, pièces en mains, que le concile de Sardique avait adressé des lettres à des évêques africains de la communion de Donat ? (S. Augustin, Ép. XLIV, cap. III, 6 ; Migne, P. L., t. XXXIII, p. 176).

Faut-il conclure de ce texte, avec M. Pallu de Lessert, que la persécution de Macaire est postérieure au concile de Sardique, c’est-à-dire à l’année 343, parce que ce fut, au dire de Fortunius, cette persécution qui rompit une communion qui existait encore à cette date ? (Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, t. II. p. 245.) S. Augustin ne dit nullement que la prétention de Fortunius était justifiée. Il démontre, au contraire, qu’elle ne l’était en aucune façon (loc. cit.). On n’en peut donc tirer aucune conséquence. Mais, même en admettant les allégations de Fortunius, cette communion qui avait duré jusqu’après le concile de Sardique. avait-elle empêché Constantin, au temps d’Ursacius, de vouloir ramener par des rigueurs les donatistes à l’unité ? Pourquoi alors aurait-elle empêché davantage Constant d’agir contre eux ? N’est-il point logique, au contraire, de penser que Constant, résolu ; après la défaite et la mort de Constantin II, à se poser en protecteur des catholiques, entreprit de les faire triompher dans ses États, avant de chercher, à l’aide du concile de Sardique, à les faire prédominer dans les États de son frère Constance II ?

[78] S. Optat, De schism. donatist., II, 10 ; (Ellies du Pin, p. 64).

[79] S. Optat, De schism. donatist., III, 4 (Ellies du Pin, p. 59).

[80] S. Optat, o. c., III, 3 (Ellies du Pin, p. 55).

[81] Cf. Rev. des questions hist., t. LXXVI, pp. 401-406 ; — Paul Monceaux, Hist. littéraire de l’Afrique chrétienne, t. III, Paris, 1905, p. 361.

[82] S. Augustin, Contra Cresconium, III, 6 (Migne, P. L., t. XLIII, p.106) ; — Ép. CLXXXV (Migne, P. L., XXXIII, p. 792).

[83] Théodoret, Hæreticorum fabularum compendium, IV, 6 (Migne, P. G., t. LXXXIII, p. 423).

[84] S. Augustin, Ép. CLXXXV (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 792).

[85] Théodoret, Hæret. fabul. compendium, IV, 6 (Migne, P. G., t. LXXXIII, p. 423) ; — S. Augustin, De hæresibus ad Quodvultdeum (Migne, P. L., t. XLII, p. 43).

[86] S. Optat, De schism. donatist., III, 4 (Ellies du Pin, p. 56).

[87] S. Augustin, Contra Cresconium, III, 42 (Migne, P. L., t. XLIII, P. 521) ; — Ép. CXI, 1 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 422) ; — Contra Gaudentium donatistarum episcopum, I, 28-29 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 725-726) ; — Enarratio in psalmum LIV (Migne, P. L., t. XXXVI-XXXVII, p. 645).

[88] S. Augustin, Contra epistolant Parmeniani, I, 2 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 446).

[89] S. Augustin, Ép. CXI, 1 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 422).

[90] Revue des questions historiques (octobre 1904), t. LXXVI, pp. 411 et suiv.

[91] S. Optat, De schism. donatist., II, 17 ; VI, 1-7 (Ellies du Pin, p. 37 et pp. 91-99).

[92] Gesta collationis carthaginiensis, collatio diei I, CLXV (édit. Ellies du Pin, p. 429 ; — Hardouin, Conciliorum collectio maxima, t. I, p. 1096).

[93] Cod. Théod., XVI, V, 3 ; VI, 1 (édit. Hænel, pp. 1523, 1573).

[94] Cod. Théod., XVI, VI, 1 (Hænel, p. 1573).

Hænel croit que cette loi est de l’année 370, car elle est datée de Trèves où Valentinien se trouvait en 370, tandis qu’en 373 il était à Milan (Hænel, p. 1574, note 1.) ; mais il n’est point établi que Valentinien ait passé toute cette année à Milan et il est certain que le 26 avril 370 Petronius Claudius, prédécesseur de Julianus, était encore proconsul d’Afrique (Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, t. II, pp. 73, 77-78 et 79). Si cette loi est réellement de 373, elle a pu être motivée par l’attitude des donatistes lors de la révolte de Firmus.

[95] Sextus Rusticus Julianus, proconsul d’Afrique de 370 ou 371 à 373 (Pallu de Lessert, o. c., t. II, p. 73).

[96] Cod. Théod., XVI, VI, 2 (Hænel, p. 1575).

[97] Ou en 372 (Fallu de Lessert, o. c., t. II, p. 253).

Une constitution prouve qu'il était encore comte d’Afrique le 29 juin 372 (Cod. Théod., VIII, VII, 13 ; Hænel, p. 748) ; son arrestation et la fin de son commandement n’ont donc pu avoir lieu avant le second semestre de 372 ou 373.

[98] Ammien Marcellin, XXVII, IX, 1-3 (édit. Wagner, t. III, p. 451).

[99] Ammien Marcellin, XXIX, V (édit. Wagner, pp. 518-530).

[100] Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, t. II, p. 252.

[101] Cagnat, L’Armée romaine d’Afrique, p. 71.

[102] Mers el Hadjedje (Stéphane Gsell, Observations géographiques sur la révolte de Firmus, 1903, pp. 6 et 7).

[103] Rev. des questions hist. (janvier 1905), t. LXXVII, pp. 10 à 18.

[104] Rev. des questions hist. (janvier 1905). t. LXXVII, p, 7-9.

[105] Revue des questions hist. (janv. 1905), t. LXXVII, p. 10 et n. 1.

[106] Zosime, IV, 19 (Corpus scriptorum historiæ byzantinæ, édit. de Bonn, p. 193).

[107] Rev. des questions hist. (loc. cit., pp. 19 et suiv.).

[108] Cod. Théod., XVI, VI, 2 ; Hænel, p. 1574.

[109] La nécessité d’agir avec ménagements, dans un pays à peine pacifié, suffit à faire comprendre pourquoi Flavianus agit contre les donatistes avec si peu de zèle que saint Augustin pouvait le représenter comme ayant été l’homme de leur parti. Vos Flaviano quondam vicario, partis vestræ homini, quia legibus serviens, nocentes quos invenerat occidebat, non communicastis. (Ép. LXXXVII, Migne, P. L., t. XXXIII, p. 300). Saint Augustin n’entend point dire qu’il y avait eu autrefois un vicaire nommé Flavien qui était donatiste, comme le croit Tillemont (notes sur Gratien. n. XII : Empereurs. t. V, pp. 714-715), il dit uniquement qu’il avait été l’homme des donatistes, tant il les avait ménagés. Virius Nichomachus Flavianus était païen (Pallu de Lessert, Fastes des prov. afric., t. II, p. 202 ; — Édouard Cuq, addition à Borghesi, Prœfecti Prætorio, Œuvres, t. X, pp. 458 460, 553, 567). Mais point n’est besoin d’expliquer par ce fait une modération que les circonstances imposaient à un fonctionnaire prudent.

[110] Socrate, Hist. ecclés., V, 14 (Migne, P. G., t. LXVII, p. 600).

[111] Claudien, De bello gildonico, vers 246 et suiv. (édit. Birt, M. G., A. A., t. X. p. 63).

[112] Socrate, Hist. ecclés., V, 25, 26 (Migne, P. G., t. LXVII, pp. 650-655) — Sozomène, Hist. ecclés., VII, 29 (Migne, P. G., t. LXVII. p. 1507).

[113] Claudien, De bello gildonico, vers 256 (édit. Birt, M. G., A. A., t. X, p. 63)

[114] Claudien, De bello gildonico, vers 283 et suiv., (M. G., A. A., t. X, p. 64).

[115] Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, t. II, p. 259.

[116] Pour la révolte de Gildon et sa défaite, voir Revue des questions hist., (Janv. 1905) t. LXXVII, pp. 21-27.

[117] Orose, Hist., VII, 36 (Migne, P. L., t. XXXI, p. 1157) ; — Zosime, V, 11 (C. S. H. B., p. 261) ; — Marcellinus comes, Chron., ann. 398 (édit. Mommsen, M. G., A. A., t. XI, pp. 65-66).

[118] Orose, loc. cit.

[119] Toutes les constitutions d’Honorius datées de 398 et de 399 prouvent. que pendant ces deux années la cour impériale était à Milan. (Hænel, Series chronologica constitutionum, 398, 399, à la suite du Cod. Théod., pp. 1690-1694). Une seule constitution est datée de Ravenne, le 29 janv. 399 (Cod. Théod., XVI, X, 15 ; Hænel, p. 1621).

[120] Zosime, V, 11 (C. S. H. B., p. 261). Suivant E. Vogt (Kritische Bemerkungen zur Geschichte des Gildonischen Krieges : Festschift der Trierer phil. Vers., 1879, pp. 69 et suiv.), ce récit de Zosime serait une fable. Mascezel aurait péri par suite de la rupture du pont. (Pallu de Lessert, o. c., t. II, p. 264). C’est là une chose peu probable, car Mascezel se trouvant avec Stilicon, celui-ci eût été précipité également.

[121] S. Augustin dit en effet d’Optat, évêque donatiste favori de Gildon, que pendant dix ans il avait fait gémir toute l’Afrique (Contra epistolam Parmeniani, II, 2 : — Contra litteras Petiliani, I, 24 (Migne, P. L., t. XLIII, pp. 51 et 257).

[122] S. Augustin, Contra litteras Petiliani, II, 83 (P. L., t. XLIII, p. 316).

[123] S. Augustin, Contra Cresconium, III, 47 (P. L., t. XLIII, pp. 524-525).

[124] S. Augustin, Contra epistolam Parmeniani, II, 4 (P. L., t. XLIII. p. 56) ; — Epist. LXXXVII (P. L., t. XXXIII, p. 296).

[125] Cod. Théod., VII, VIII, 7, 9 ; IX, XLII, 16, 19 (Hænel, pp. 639, 640, 957, 958-959) ; — Notitia dignitatum Occidentis, cap. XI, § 1, A, 2 (édit. Böcking, p. 52).

[126] Cod. Théod., IX, XXXIX, 3 (Hænel, p. 932). Cette constitution est datée du 13 mars 398. Tillemont pense qu’il faudrait substituer à mars un mois postérieur, ou lire : p(ost) c(onsulatum) Honorii A. IV et Eutychiani (13 mars 399). Car, dit-il, si on savait à Milan la défaite de Gildon dès le 13 de mars (398), il faut qu’elle soit arrivée dès le mois de février... S Gildon eût été vaincu en février, ou dès le commencement de mars, Claudien aurait attribué sa défaite à l’hiver et non au printemps (Notes sur l’empereur Honoré, n. VI ; Empereurs, t. V, p. 794-795). Claudien dit en effet :

Quem veniens indixit hiems, ver perculit hostem (De bello gildonico. V. 16).

M. Pallu de Lessert répond à cet argument qu’il ne faut pas attacher trop d’importance à ce vers de Claudien qui vise surtout à faire une antithèse. Un poète, dit-il, n’est pas un chroniqueur et son printemps peut fort bien s’entendre du mois de février (Fastes des prov. afric., t. II, p. 261). Mais, comme l’observe Tillemont (loc. cit.) un poète ne diminue pas les choses merveilleuses. Et d’ailleurs l’impression que veut évidemment donner Claudien de la défaite de Gildon presque aussitôt après l’annonce de sa révolte, eût été plus vive, sil eût dit que le même hiver vit sa révolte et sa défaite. A quoi il y a lieu d’ajouter une autre observation. Il parait étonnant que l’empereur ait eu, dès le mois de mars 398, à mettre, par un rescrit, Victorius en garde contre des délations qui, à ce moment, n’avaient point encore eu le temps matériel de se produire. Clinton (Fasti romani, an. 398) propose de corriger III id. mart. en III id. maii (13 mai).

[127] Cod. Théod., IX, XI, 19 (Hænel, p. 943). Selon M. Pallu de Lessert (Fastes des prov. afric., t. II, p. 120), ce texte devrait être considéré comme une phrase détachée assez maladroitement d’une loi plus étendue, dirigée contre les donatistes qui avaient naguère fait cause commune avec Gildon. Il remarque à l’appui de cette hypothèse que l’épithète saiettes ou satellites Gildonis est appliquée fréquemment par saint Augustin aux donatistes (Ibid., n. 1), et il en cite divers exemples. S. Augustin avait intérêt à rappeler la complicité des donatistes avec Gildon pour les rendre odieux ; mais dans un texte juridique l’appellation de satellites de Gildon pour désigner les donatistes parait plus difficile à expliquer.

[128] Concilium Carthaginiense III, XLI (Hardouin, Conciliorum collectio maxima, t. I. p. 973).

[129] Labbe, Concilia, t. II, pp. 1084-1085.

[130] S. Augustin, Contra litteras Petiliani, II, 83 (Migne, P. L., t XLIII, p. 317).

[131] Rev. des questions hist. (janvier 1905), t. LXXVII, pp. 2846.

[132] Cod. Théod., XVI, VI, 4 (Hænel, pp. 1576-1580).

[133] Cod. Théod., XVI, VI, 4 (Hænel, pp. 1577-1579).

[134] Rev. des questions hist. (janvier 1905), pp. 41-45.

[135] Cod. Théod., XVI, II, 38 ; XVI, V, 41 ; XVI, X, 19 et Constitutiones Sirmondi, XII (Hænel, pp. 1506, 1548-1550, 1822.1623 et Nov. 465-467).

[136] Conc. african., conc. LXIV (Labbé, Concilia, t. II, p. 1113) ; — Conc. Milev. (Ibid., p. 1117, et p. 1120).

[137] Cette loi, donnée également à Rome en 307, le XVII des calendes de décembre, 15-16 nov. (Cod. Théod., XVI, X, 19 ; Hænel, p. 1623) ou le VIII des calendes de décembre, 24-25 nov. (Conc. Sirm., XII ; Hænel, Nov., p. 467), fut promulguée à Carthage, par les soins du proconsul Porphyrius, le 5 juin 408 (Ibid.). Cf. Édouard Cuq, additions à Borghesi, Præfecti Prætorio Italiæ, LVII ; Œuvres de Borghesi, t. X, p. 584, note 1 ; — Pallu de Lessert, Fastes des prov., II, p. 119.

[138] Cod. Théod., XVI, X, 18 (Hænel, p. 1622) ; — Cf. Cod. Théod., XVI, X, 15 (Hænel, p. 1620).

[139] Conc. Carthagin. quintum, cap. XV (Hardouin, Conciliorum collectio maxima, t. I, p. 988).

[140] Cod. Théod., XVI, X, 17 (Hænel, p. 1621).

[141] S. Augustin, Ép. XCI (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 313).

[142] Zosime, liv. V, 32 ; — Amédée Thierry, Nouveaux récits de l’hist. rom. au IVe et Ve siècles, Stilicon, pp. 340 et suiv.

[143] Zosime, V, 34 (C. S. H. B., pp. 295-296).

[144] Zosime, V, 37 (C. S. H. B., p. 300).

[145] Zosime, V, 32 (C. S. H. B., pp. 291-292).

[146] S. Augustin, Ép. XCVI, XCVII (Migne, P. L., t. XXXIII, pp. 356-357).

[147] S. Augustin, Ép. XCVII, 2, 3 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 358).

[148] S. Augustin, Ép. XCVII, 4 (P. L., t. XXXIII, p. 359).

[149] Chronica gallica, n° 59 (édit. Mommsen, M. G., A. A., t. IX, p. 652).

[150] Pallu de Lessert, Fastes des prov. afric., t. II, p. 267.

[151] S. Augustin, Ép. XCVII, 2 (P. L., t. XXXIII, p. 358).

[152] S. Augustin, Ép. XCVII, 2 (P. L., t. XXXIII, p. 358).

[153] Cod. Théod., XVI, V, 43. 44 (Hænel, pp. 1550, 1551).

[154] Zosime, liv. VI, 8 (C. S. H. B., p. 324).

[155] Zosime, liv. VI, 9 (C. S. H. B., p. 325).

[156] Sozomène, Hist. ecclés., liv. IX, 8 (Migne, P. G., t. LXVII, p. 1613) : — Zosime, liv. VI, 11 (C. S. H. B., p. 327).

[157] Zosime, liv. VI. 12 (C. S. H. B., p. 327).

[158] Zosime, liv. VI, 12 ; p. 327.

[159] Sozomène, Hist. ecclés., liv. IX, 8 (Migne, P. G., t. LXVII. p. 1613).

[160] Baronius, Ann., 410, IX.

[161] Sozomène, Hist. ecclés., liv. IX, 8 (Migne, P. G., t. LXVII, p. 1613).

[162] Sozomène, Hist. ecclés., liv. IX, 8, p. 1613.

[163] Baronius, Ann., 410. — Hardouin, Concil. collect. maxima, t. I, p. 926 ; — Ellies du Pin, Monumenta vetera (à la suite de S. Optat, p. 347, note).

[164] Cod. Théod., liv. XVI, tit. V, 51 (édit. Hænel, p. 1555).

[165] Cod. Théod., XI, XXVIII, 6 (Hænel, p. 1122).

[166] Cod. Théod., XVI, V, 51 (Hænel, p. 1555).

[167] Jordanès, Getica, XXX (M. G., A. A., t. V, pp. 98, 99).

[168] Baronius, Ann. 410, XLVIII, XLIX ; — Pagi, ann. 410. XXII ; — Tillemont, Empereurs, t. V, Honorius, art. XXXIV.

[169] S. Augustin, Ép. CLI, 8 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 650).

[170] Gesta collationis carthaginiensis, collatio diei I, IV (édit. Ellies du Pin, p. 380 ; — Hardouin, Conciliorum collectio maxima, t. I, p. 4051) ; — Cf. Cod. Théod., XVI, XI, 3 (Hænel, pp. 1628-1630).

Ces instructions sont datées de Ravenne, la veille des ides d’octobre, sous le consulat de Varanes, c’est-à-dire le 14 octobre 410, probablement avant la mort d’Alaric. Il y a donc lieu de rappeler ici à propos de cette date ce qui a été dit (page 47) relativement au rescrit du 23 août 410. Les instructions adressées à Marcellinus ont pu lui être remises avec ordre de les tenir secrètes jusqu’au jour où les circonstances permettraient de les mettre à exécution. Ce fut l’année suivante, en 411, que Marcellinus se mit en devoir d’accomplir sa mission. Mais il se peut aussi qu’en octobre 410 tout danger d’une invasion des Goths en Afrique fat déjà définitivement écarté, par suite d’un accord intervenu entre Honorius et Alaric. Sozomène dit en effet qu’Alaric, quand il mourut, avait fait la paix avec Honorius et était au service de l’empereur (Sozomène, Hist. ecclés., liv. IX, ch. XII ; édit. Migne, P. G., t. LXVII, p. 1621).

[171] Gesta collat. carthag., collat. diei I, V (édit. Ellies du Pin, p. 381 ; — Hardouin, Concilior. collect. maxima, t. I, p. 1052).

[172] Gesta collat. carthag., collat. diei I, V (Ellies du Pin, p. 381, col. 2 — Hardouin, Conc. coll. maxima, t. I, p. 1053).

[173] Gesta collat. carthag., collat. diei I, V (Ellies du Pin, p. 381, col. 2 — Hardouin, Conc. coll. maxima, t. I, p. 1053).

[174] Gesta collat. carthag., collat. diei I, V (Ellies du Pin, p. 381. col. 2. p. 382, col. 1 ; — Hardouin, Conc., t. I. p. 1053).

[175] Gesta collat. carthag., collat. diei II, XVIII (Ellies du Pin, p. 450, col. 2 ; — Hardouin, Conc., t. I, p. 1117).

[176] Gesta collat. carthag., collat. diei I, XIV (Ellies du Pin, p. 384 ; — Hardouin, Conc., t. I, p. 1056).

[177] Gesta collat. carthag., collat. diei I, CCXIII, CCXIV, CCXV (Ellies du Pin, pp. 446, col. 2, 447, col. 1 ; — Hardouin, Conc., t. I, p. 1111) ; — S. Augustin, Breviculus post collationem ad donatistas liber. On a les noms de 265 des évêques catholiques et Baluze a retrouvé trois autres noms. Il en manque donc dix-huit (Ellies du Pin, p. 572). Les noms de 316 évêques donatistes se trouvent cités dans les actes de la conférence, mais il est établi par ces mêmes actes (Collat. diei I, CCXIII, Ellies du Pin, p. 446), et il est affirmé par saint Augustin (loc. cit.) qu’ils étaient 279. Il y a donc 37 de ces évêques donatistes cités qui ne prirent point part à l’assemblée. Plusieurs d’entre eux étaient déjà morts à ce moment (Ellies du Pin, p. 576). Cent vingt évêques catholiques étaient absents et soixante quatre sièges étaient vacants. Le nombre total des évêchés catholiques était donc de quatre cent soixante-dix. (Paul Monceaux, Hist. littéraire de l’Afrique chrétienne, t. III, p. 43).

[178] Gesta coll., collat. diei I, XIV (Ellies du Pin, p. 384, col. 1 ; — Hardouin, Conc., t. I, p. 1056).

[179] Gesta coll., collat. diei I, CXVII, CXXXV, CLXXXIII (Ellies du Pin, pp. 402, 421, 431 ; — Hardouin, Conc., t. I, pp. 1078, 1089, 1098).

[180] Gesta coll., collat. diei I, CXVI, CXXX, CXXXIV (Ellies du Pin, pp. 402, 414,417, 421 ; — Hardouin, Conc., t. I, pp. 1078, 1084, 1089).

[181] Gesta coll., coll. diei I, CCVII (Ellies du Pin, p. 443 ; — Hardouin, p. 1107).

[182] S. Augustin nous apprend que les Thermæ gargilianæ étaient en pleine ville (Post collationem ad donatistas liber, 23, 43). On ne peut déterminer l’emplacement de ces thermes (Aug. Audollent, Carthage romaine, pp. 265-266).

[183] Gesta coll., coll. diei I, X (Ellies du Pin, p. 382, col. 2 ; — Hardouin, p. 1054).

[184] Gesta coll., coll. diei I, X (Ellies du Pin, p. 382, col. 2 ; — Hardouin, p. 1054).

[185] Gesta coll., collat. diei I, X (Ellies du Pin, p, 383, col. 1 : — Hardouin. pp. 1054-1055).

[186] Gesta coll., collat. diei I, X (Ellies du Pin, p. 383, col. 2 ; — Hardouin, loc. cit.).

[187] Gesta coll., collat. diei I, X (Ellies du Pin, p. 383, col. 2 ; — Hardouin, loc. cit.).

[188] Gesta coll., collat. diei I, X (Ellies du Pin, p. 383, col. 2 ; — Hardouin, loc. cit.).

[189] Gesta coll., collat. diei I, X (Ellies du Pin, p. 383, col. 2 ; — Hardouin, loc. cit.).

[190] Coll. diei I, XIV (Ellies du Pin, p. 384. col. 1-2 ; — Hardouin, p. 1036).

[191] Gesta coll., collat. diei I, CXLVII (Ellies du Pin, p. 427, col. 2 ; — Hardouin, p. 1094). Les délégués des donatistes furent Primianus de Carthage. Petilianus de Cirta, Emeritus de Cæsarea, Protasius de Tubunæ, Montanus de Zama, Gaudentius de Tamugadi, Adeodatus de Milev. Dans l’acte dressé par les donatistes pour la désignation de leurs délégués, acte lu à la conférence, il n’est fait mention que de ces sept évêques ; mais les donatistes désignèrent également, comme le firent aussi les catholiques, sept autres évêques à titre de conseillers et quatre évêques pour la vérification des actes, selon les prescriptions de l’édit de Marcellinus. Saint Augustin l’affirme en propres termes (Ép. CXLI, 2 ; Migne, P. L., t. XXXIII, p. 5781, et cela résulte clairement de ce qui fut dit dans la conférence (Coll. diei I, CCXXIII ; Ellies du Pin, p. 448, col. 2 ; — Hardouin, p. 1113).

[192] Gesta coll., Collat, diei I, XVI (Ellies du Pin, p. 384, col. 2 ; — Hardouin, pp. 1056-1058).

[193] Gesta coll., collatio diei I, XVI (Ellies du Pin, p. 385, col. 1 ; — Hardouin, P. 1057) ; — S. Augustin, Ép. CXXVIII, 3 (Migne, P. L., t. XXXIII. p. 489).

[194] Les délégués des catholiques furent : Aurelius de Carthage, Alypius de Thagaste (Souk-Ahras), S. Augustin, Vincentius de Culusila dans la Proconsulaire, Fortunatus de Cirta, Fortunatianus de Sicca dans la Proconsulaire (Sicca Veneria, El Kef), et Possidius de Calama en Numidie (Guelma). Ils désignèrent comme évêques assistants : Novatus de Sitifis, (Sétif), Florentins d’Hippozaritus ou Hippo Diarrhytus dans la Proconsulaire (Benzert, la Bizerte de nos cartes), Maurentius de Tubursicum dans la Numidie, Priscus de Quisa Xenitana dans la Maurétanie, Serenianus, évêque de l’ecclesia Miditensis dans la Byzacène, Bonifacius de Cathaquensusca dans la Byzacène, et Scillatius de Scilita ou Sillita en Numidie : et pour veiller à l’authenticité des actes : Deuterius de Cæsarea, Leo de Moctum dans la Maurétanie de Sitifis, Asterius de Vicus Pacis, et Restitutus (Gesta coll., collat. diei I, LV ; Ellies du Pin, p. 396. col. 2). Le siège de l’évêque Restitutus n’est point indiqué. Il y eut cinq évêques de ce nom présents à la conférence.

[195] Collat. diei I, I (Ellies du Pin, p. 379 ; — Hardouin, p. 1049).

[196] Gesta coll., collat. diei I, CXLIV, CXLV (Ellies du Pin, p. 426-427 ; — Hardouin, p. 1093).

[197] Gesta coll., coll. d. I, CCXIX (Ellies du Pin, p. 448, col. 1 ; — Hardouin, p. 1112).

[198] Gesta coll., coll. d. I, CCXX-CCXXII (Ellies du Pin, p. 448, col. 2 ; — Hardouin, p. 1112).

[199] Coll. diei II, XII (Ellies du Pin, p. 450, col. 1 ; — Hardouin, p. 1116).

[200] Coll. diei II, III et IV (Ellies du Pin, p. 449, col. 2 ; — Hardouin, p. 1115).

[201] Coll. diei II, V-VII (Ellies du Pin, p. 449, col. 2 ; — Hardouin, pp. 1115-1116).

[202] Gesta Coll., coll. diei II, XIX-XXV (Ellies du Pin, p. 450, col. 2 ; — Hardouin, p. 1117).

[203] Gesta Coll., coll. diei II, XX-L (Ellies du Pin, pp. 450-453 ; — Hardouin, pp. 1117-1120).

[204] Gesta Coll., coll. diei II, XLVIII (Ellies du Pin, p. 450-453, col. 1 ; — Hardouin, p. 1120).

[205] Gesta Coll., coll. diei II, LVI, LXVI (Ellies du Pin, pp. 454-455 ; — Hardouin, pp. 1121-1122).

[206] Gesta coll., coll. diei II, LXIV-LXVIII (Ellies du Pin, pp. 454-455 — Hardouin, p. 1122).

[207] Gesta coll., coll. diei II, LXXII (Ellies du Pin, p. 455, col. 2 ; — Hardouin, p. 1123).

[208] Cf. Audollent, Carthage romaine, p. 314, note 5.

[209] Gesta coll., coll. diei III, V (Ellies du Pin, p. 456, col. 2 ; — Hardouin, p. 1145).

[210] Gesta coll., coll. diei III, IV (Ellies du Pin, p. 456, col. 2 ; — Hardouin, p. 1115).

[211] Gesta coll., coll. diei III, VII-XIV (Ellies du Pin, p. 457, col. 1 ; — Hardouin, pp. 1145-1146).

[212] Gesta coll., coll. diei III, XV (Ellies du Pin, p. 457, col. 2 : — Hardouin, p. 1146).

[213] Gesta coll., coll. diei III, XX (Ellies du Pin, p. 457, col. 2, p. 458, col. 1 ; — Hardouin. p. 1146).

[214] Gesta coll., coll. diei III, XIX (Ellies du Pin. p. 457, col. 2 : — Hardouin, p. 1146).

[215] Gesta coll., coll. diei III, XLIX (Ellies du Pin, p. 461, col. 1 ; — Hardouin, p. 1150).

[216] Gesta coll., coll. diei III, XXI-XXX (Ellies du Pin, pp. 458-459 ; — Hardouin. pp. 1146-1148).

[217] Gesta coll., coll. diei III, XLIII-XCVII (Ellies du Pin, pp. 460-466 ; — Hardouin. pp. 1149-1158).

[218] Gesta coll., coll. diei III, CXL (Ellies du Pin, p. 471 ; — Hardouin, p. 1163) ; — S. Augustin, Breviculus collationis cum donatistis liber, collatio diei III, II.

[219] Gesta coll., coll. diei III, XXXI (Ellies du Pin, p. 389 ; — Hardouin, 1063).

[220] Gesta coll., coll. diei III, CXX (Ellies du Pin p. 469 ;— Hardouin, p. 1161).

[221] Gesta coll., coll. diei III, CXXIV et sq. (Ellies du Pin, p. 469 ; — Hardouin, p. 1162).

[222] Gesta coll., coll. diei III, CXLI (Ellies du Pin, p. 472 ; — Hardouin, p. 1164) ; — S. Augustin, Breviculus collationis cum donatistis liber, collatio diei III, V.

[223] Gesta coll., coll. diei III, CXLIV (Ellies du Pin, p. 472 ; — Hardouin, p. 1165).

[224] Gesta coll., coll. diei III, CLI (Ellies du Pin, p. 473 ; — Hardouin, p. 1166).

[225] Gesta coll., coll. diei III, CLXXIV (Ellies du Pin, p. 475 ; — Hardouin, p. 1168).

[226] Gesta coll., coll. diei III, CLXXVII (Ellies du Pin, p. 475 ; — Hardouin, p. 1169).

[227] Gesta coll., coll. diei III, CLXXVIII (Ellies du Pin, p. 476 ; — Hardouin, p. 1169).

[228] Gesta coll., coll. diei III, CCXXIX (Ellies du Pin, p. 476 ; — Hardouin, p. 1169).

[229] S. Augustin, Breviculus collationis cum donatistis liber, coll. diei III, XVI, (Ellies du Pin, à la suite des actes de la conférence, p. 499).

[230] S. Augustin, Breviculus collationis cum donatistis liber, coll. diei III, XVI, (Ellies du Pin, à la suite des actes de la conférence, p. 499).

[231] S. Augustin, Breviculus collationis cum donatistis liber, coll. diei III, XVI, (Ellies du Pin, à la suite des actes de la conférence, p. 499) et S. Augustin, Ép. CXLI (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 580) : — Post collationem ad donatistis liber, 30.

[232] S. Augustin, Dreviculus collalionis liber, collatio diei III, XXIII (Ellies du Pin, p. 501).

[233] S. Augustin, Dreviculus collalionis liber, collat. diei III, XXV (Ellies du Pin, à la suite des actes de la conférence, p. 505).

[234] S. Augustin, Post collationem, cap. XII, 16 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 661).

[235] Possidius, Vita sancti Augustini, cap. XIII (Migne, P. L., t. XXXII, p. 44). Les actes de la conférence font foi de l’appel interjeté par les donatistes, car à leurs signatures, ils ajoutèrent à peu près partout la mention sous réserve de notre appel.

[236] S. Augustin, Post collationem, loc. cit., et De gestis cum Emerito, 4 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 700).

[237] S. Augustin, De gestis cum Emerito, 4 (P. L., t. XLIII, p. 700).

[238] S. Augustin, Ép. CXLI, 42 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 583).

[239] Possidius, Vita sancti Augustini, cap. XIII (Migne, P. L., t. XXXII, p. 44).

[240] Tillemont, S. Augustin. art. 220 ; Mémoires, t. XIII, p. 585.

[241] Cod. Théod., XVI, V, 52 (Hænel, pp. 1556-1558).

[242] S. Augustin, Contra Gaudentium, I, 37 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 736).

[243] S. Augustin, Contra Gaudentium, I, 32 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 731).

[244] S. Augustin, Contra Gaudentium, I, 32 et 37 (Migne, P. L., t. XLIII, pp. 731 et 736).

[245] S. Augustin, Ép. CLXXXV, 29-30 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 806).

[246] S. Augustin, Ép. CXXXIX (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 535).

[247] S. Augustin, Ép. CLXXXV, 30 (Migne, P. L., t, XXXIII, p. 806-807).

[248] S. Augustin, Ép. CXXXIII (P. L., t. XXXIII, p. 509).

[249] S. Augustin, Ép. CXXXIII et CXXXIX, 2 (Migne, P. L., t. XXXIII, pp. 509 et 536).

[250] S. Augustin, Contra Gaudentium I, 6 (Migne, P. L., t. XLIII, p. 710).

[251] Tissot, Géographie comparée de la province romaine d’Afrique, t. II, p. 780.

[252] S. Augustin, Ép. CLXXIII (P. L., t. XXXIII, p. 753).

[253] S. Augustin, Ép. CXXXIX, 2 (P. L., t. XXXIII, p. 536).

[254] S. Augustin, Ép. LVI et LVII (P. L., t. XXXIII, pp. 223-224).

[255] S. Augustin, Ép. CXXXIX, 2 (P. L., t. XXXIII, p. 536). Celer appartenait à une des familles les plus considérables et les plus anciennes de l’Afrique. Une inscription trouvée à Er Rabel et publiée par M. Demægh (Bulletin de géographie et d’archéologie d’Oran, 1895, p. 67) mentionne un C. Petronius Celer, procurateur de l’empereur, qui administra la province de Maurétanie Césarienne en l’an 137 (Cagnat, Année épigraphique, 1895, n° 68 ; — Stéphane Gsell, Chronique archéologique africaine ; Mélanges de l’École française de Rome, t. XV ; tiré à part, p. 49). Celer, dont il est question à propos des désordres excités par Macrobe, est sans doute le même personnage qui fut proconsul d’Afrique en 429 (Pallu de Lessert, Fastes des prov. afric., t. II, p. 134).

[256] S. Augustin, Ép. CXXXIX, 4 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 537).

[257] Prosper Tiro, Chronicon, n° 1249, a. 413 (édit. Mommsen, M. G., A. A., t. IX, p. 467) ; — Cod. Théod., XV, XIV, 13 (Hænel, p. 1472).

[258] M. Pallu de Lessert pense qu’Heraclianus avait l’appui des catholiques, ce qui explique assez bien, dit-il, comment sa chute entraîna plus tard celle du tribun et notaire Marcellinus et du frère de celui-ci, Apringius, proconsul d’Afrique (Fastes des provinces africaines, t. II, p. 272, note 1). Mais les catholiques avaient plus que jamais tout intérêt à demeurer dévoués à l’Empire qui assurait leur triomphe. On verra plus loin ce qui concerne la mort de Marcellinus et de son free. Le fait qu’ils n’avaient point révélé les armements d’Heraclianus put les faire considérer comme ses complices et peut-être furent-ils accusés d’avoir eu part à des intrigues tramées à Constantinople.

[259] Sa flotte était de trois mille sept cents vaisseaux, dit Orose (Histor., VII, 42 ; Migne, P. L., t. XXXI, p. 1171). La chronique du comte Marcellin donne le même chiffre, mais semble vouloir indiquer qu’il se décomposait en sept cents vaisseaux et trois mille navires ou embarcations (Marcellinus comes, Chronicon, a. 413 ; édit. Mommsen, M. G., A. A., t. XI, p. 71). Cette distinction entre navires grands et petits expliquerait le texte de Jordanès qui dit qu’Heraclianus avait sept cent trois vaisseaux (Jordanès, Romana ; édit. Mommsen, M. G., A. A., t. V, p. 42). Une leçon du texte de Marcellin donne 700 vaisseaux et 3.000 soldats (Migne, P. L., t. LI, p. 923), ce qui est inadmissible, car d’une part il est évident que 700 vaisseaux n’eussent point été nécessaires pour porter 3.000 hommes, et d’autre part il est certain que l’armée d’Heraclianus était considérable, puisqu’Idace note que cinquante mille hommes périrent dans la bataille où il fut vaincu (Idace, Chron., a. 413 ; édit. Mommsen, M. G., A. A., t. XI, p. 18).

[260] Idace, Chron., n° 58, a. 413 (Édit. Mommsen, M. G., A. A., t. XI, p. 18).

[261] Pallu de Lessert, Fastes des prov. afric., t. II, p. 274.

[262] Orose, Hist., VII, 42 (Migne, P. L., t. XXXI, p. 1170).

[263] Orose, Hist., VII, 42 (P. L., t. XXXI, p. 1171) ; — Marcellinus comes, Chron., a. 413 (M. G., A. A., t. XI, p. 71) ; — Cagnat, Armée rom. d’Afr., p. 88.

[264] Idace, Chron., n° 56, a. 413 (M. G., A. A., t. XI, p. 18).

[265] Orose et Marcellinus comes, loc. cit. Tout cela est bien vague et fort obscur. Comment se fait-il que venant d’Afrique et ayant débarqué en Italie, il ait marché sur Rome par Otricoli ? Comment avait-il pu en Afrique recruter une armée si nombreuse qu’il laissa cinquante mille hommes sur le champ de bataille ? Comment sa flotte si nombreuse fut-elle entièrement anéantie ou dispersée ?

[266] Orose, loc. cit. ; — Marcellinus comes, loc. cit.

[267] Idace, loc. cit. La position de l’Ædes Memoriæ demeure jusqu’à présent inconnue (A. Audollent, Carthage romaine, p. 297).

[268] Rufius Synesius Hadirianus ou Hadrianus, préfet du prétoire d’Italie de 400 à 403, puis de 413 à 416 (Borghesi, Œuvres, t. X, pp. 579 et 597).

[269] Cod. Théod., XV, XIV, 13 (Hænel, p. 1472).

[270] Cod. Théod., IX, XI, 21 (Hænel, p. 944).

[271] Pallu de Lessert, Fastes des prov. afric., t. II, pp. 125-126.

[272] Orose, Hist., VII, 42 (P. L., t. XXXI, p. 1171).

[273] Orose, loc. cit. ; — S. Augustin, Ép. CLI, 10 (P. L., t. XXXIII, p. 651).

[274] S. Augustin, Ép. CLI, 6 (P. L., t. XXXIII, p. 649).

[275] Orose, Hist., VII, 42 (P. L., t. XXXI, p. 1171).

[276] Orose, Hist., VII, 42 (P. L., t. XXXI, p. 1171).

[277] Il est à remarquer combien sont vagues les renseignements donnés par les auteurs anciens au sujet de la révolte d'Heraclianus. Olympiodore se borne à dire que Constance trouva les ressources nécessaires aux dépenses de son consulat dans les biens d’Heraclianus, mis à mort pour une tentative d’usurpation. Ces biens, ajoute-t-il, furent donnés en totalité par Honorius à Constance, qui n’y trouva pas les richesses qu’il espérait. Il ne trouva en effet qu’à peine deux mille deniers en or, outre des immeubles d’une valeur de deux mille livres (Olympiodore, Excerpta ; C. S. H. B., édit. de Bonn, p. 457).

[278] Acta sanctorum, aprilis, t. I, pp. 539-540. Orose dit qu’on ne savait si Marinus avait agi par excès de zèle ou par corruption (Orose, loc. cit.).

[279] Cod. Théod., XVI, V, 54 (Hænel, pp. 1559-1562).

[280] Cod. Théod., XVI, V, 55 (Hænel, p. 1562).

[281] Possidius, Vita sancti Augustini, XX (Migne, P. L., t. XXXII, p. 51) ; — Pallu de Lessert, Fastes des prov., t. II, pp. 226-227.

[282] S. Augustin, Ép. CLV, III, 17 (Migne, P. L., t. XXXIII, p. 673).

[283] Dom Leclercq, L’Afrique chrétienne, t. II, p. 136.

[284] Baronius, Ann., 418, XX, XXI, XXII ; t. VII, pp. 117-125 ; Borghesi, Œuvres, t. X, p. 598 ; — Tillemont, S. Augustin, art. CCLXXXI ; Mémoires, t. XIII, pp. 744-745 ; — Possidius, Vita sancti Augustini, cap. XVIII (P. L., t. XXXII, p. 49).

[285] Baronius, Ann., 418, XXI, XXII ; t. VII, pp. 119-121.

[286] Cod. Théod., XVI, V, 40. 41 (Hænel, pp. 1516-1548, 1548-1550). Cf. Paul Monceaux, Hist. littéraire de l’Afrique chrétienne, t. III, pp. 62-63.

[287] Cod. Théod., XVI, V, 44 (Hænel, p. 1551). Cette loi est adressée à Donatus, proconsul d’Afrique en 408 (Pallu de Lessert, Fastes des prov. afric., t. II, p. 120). Sur les communautés juives en Afrique, voir P. Monceaux, o. c., t. III, p. 58.

[288] Il est étonnant de voir de nos jours un historien ne pas hésiter, dit-il à propos des donatistes, à professer que l’on a le devoir, dans plusieurs circonstances, de répandre le sang, et confondre, par un oubli des principes juridiques, tous les sectateurs d’une doctrine qu’il s’agisse de donatisme ou de calvinisme avec les auteurs de violences qui peuvent se rencontrer parmi eux. (Dom Leclercq, L’Afrique chrétienne, t. II, pp. 105-106).

[289] Salvien, De gubernatione Dei, VII, 16 (édit. Hahn, M. G., A. A., t. I. p. 97).

[290] A propos de l’émeute des païens à Calama, saint Augustin dit que toute la ville avait été coupable et qu’on pouvait seulement considérer comme moins coupables que les autres ceux qui n’avaient osé s’opposer au désordre dans la crainte d’offenser les plus puissants de la ville qu’ils savaient être ennemis de l’Église (Ép. XCI ; Migne, P. L., t. XXXIII, p. 313). Cf. P. Monceaux, o. c., t. III, pp. 54-57.

[291] Le caractère violent de cette réaction païenne se trouve révélé par la découverte, due à M. Léopold Delisle, d’un poème anonyme contre Virius Nicomachus Flavianus, préfet du prétoire sous Eugène (Note sur le manuscrit de Prudence, n. 8.084 du fonds latin de la Bibliothèque impériale ; Bibliothèque de l’École des Chartes, 6e série, t. III, p. 297 ; — Ch. Morel, Recherches sur un poète latin du Ier siècle, Revue archéologique, 1868, t. XVII, p. 451-459 et t. XVIII, p. 44-55) Cf. J.-B. de Rossi, Bulletin d’archéologie chrétienne, édit. franç., VI. année, 1868, p. 49 et suiv., p. 61 et suiv. ; — Héron de Villefosse, (Œuvres de Borghesi, t. X, p. 459, note 5) ; — Hartmann Grisar, Hist. de Rome et des Papes au m. â., ch. I ; traduction Ledos, pp. 3-5).

[292] Gaston Boissier, L’Afrique romaine, chap. I, pp. 4-7 ; — Tissot, Géographie comparée de la province romaine d’Afrique, t. I, p. 402, pp. 408 et suiv. ; — Paul Monceaux, Les Africains, pp. 3-4.

[293] Tissot, o. c., t. I, pp. 517-527 ; — Philippe Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, pp. 324 et suiv.

[294] Gaston Boissier, o. c., pp. 7, 9, 318 et suiv. ; — Tissot, o. c., t. I, p. 386 ; — P. Monceaux, Les Africains, p. 29.

[295] Tissot, o. c., t. I, pp. 393-397.

[296] Tissot, o. c., t. I, p, 391.

[297] Tissot, o. c., t. I, p. 392.

[298] Gaston Boissier, L’Afrique romaine, p. 350.

[299] Tissot, o. c., t. I, p. 483.

[300] Procope, De bello vandalico, II, 6 (C. S. H. B., édit. de Bonn, p. 435).

[301] Boissier, o. c., p. 11.

[302] Gaston Boissier, L’Afrique romaine, p. 351.