LA VIE DE MARGUERITE DE VALOIS

 

CHAPITRE III. — FIN DU RÈGNE DE CHARLES IX. - PREMIÈRES INTRIGUES DE MARGUERITE.

 

 

Agrippa d'Aubigné, Œuvres complètes, par Eug. Réaume et F. de Caussade, 2 vol. 1873-1877. Archives curieuses de l'Histoire de France depuis Louis XI jusqu'à Louis XVIII, Ire série, 27 vol., Paris, 1834-1840. Calendar of State papers. Foreign series of the reign of Elizabeth (1572-74), t. X, éd. par Allan James Crosby, Londres, 1876. Cheverny, Mémoires, éd. Buchon. Decrue, Le parti des politiques au lendemain de la Saint-Barthélemy, Paris, 1892. Philippe Desportes, Œuvres, éd. Alfred Michiels, Paris, 1858. Henri IV, Recueil des Lettres missives, p. p. Berger de Xivrey et Guadet, 9 vol. (Coll. Documents inédits), 1843-1876. Dussieux, Lettres intimes de Henri IV avec une introduction et des notes, Paris, 1876. Groen van Prinsterer, Archives ou Correspondance inédite de la maison de Nassau, Ire série (1552-1584) 8 vol., plus un supplément et une table, Leyde, 1841-1847. Maurice Dumoulin, Jacques de La Fin. Etudes et Documents sur la seconde moitié du XVIe siècle, Paris, Imprimerie Nationale, 1896. Kervyn de Lettenhove, Les Huguenots et les Gueux (1560-1585), 6 vol., Bruges, 1883-1885. Pierre Matthieu, Histoire de France sous les règnes de François Ier... Henri IV, Louis XIII, 2 vol., 1631. Mémoires du vicomte de Turenne depuis duc de Bouillon (1565-1586), p. p. le comte Baguenault de Puchesse, S. H. F., 1891.

 

LA VIE matrimoniale commençait pour elle sous de tristes auspices. De son mariage à contre cœur avec le roi de Navarre, il ne lui restait que le titre de Reine, sans les compensations d'indépendance, de dignité, d'éclat qu'elle s'était promises du sacrifice de ses sentiments. Elle continuait à loger au Louvre comme au temps où elle était jeune fille. Elle n'avait pas à proprement parler de Cour. Sa maison, qui ne fut constituée qu'en octobre 1572, compte nominalement presque autant de serviteurs et d'officiers, mais moins de dames et de demoiselles qu'en 1578, lors de son départ pour la Navarre[1].

Son mari était gardé à vue. Il n'avait ni puissance, ni prestige. Comme preuve de la sincérité de sa conversion, Charles IX avait exigé qu'il expédiât l'ordre de rétablir le catholicisme dans ses Etats souverains de Béarn et de Navarre et, quelques mois plus tard, qu'il marchât avec les troupes royales contre les survivants de la Saint-Barthélemy, retranchés à La Rochelle pour défendre leur vie et leur foi. La Reine-mère, le Duc d'Anjou, Charles IX faisaient bonne chère et honneur aux Guise, et ces vieux ennemis des Bourbons montraient de sa honte une joie triomphante[2]. Il n'était plus qu'un roitelet qu'on galoppoit à tous propos de parolles et de brocards, comme on eût fait un simple page ou laquais de Cour[3]. Sa suite se réduisait à quelques néo-catholiques échappés eux aussi du massacre au prix d'une abjuration.

Marguerite (il faut le dire à sa louange), ne l'abandonna pas en son malheur. Par noblesse d'âme, par souci de leur commune grandeur, elle le protégea contre ses ennemis et contre lui-même. Il était jeune, sans expérience, traité sans égard depuis qu'il était sans pouvoir, privé de ses serviteurs, éloigné de son royaume. Quelque maîtrise dont il fût capable, et qu'il portait jusqu'à se montrer indifférent aux injures et à prendre gaiement sa part des plaisirs et des jeux de la Cour, il pouvait se perdre par la tristesse d'un regret ou l'éclair d'une espérance. Elle se porta garante à Charles IX et à la Reine-mère de la résignation et de l'obéissance de l'ancien chef de parti, mais elle ne l'aimait pas et ne l'aima jamais d'amour à ce qu'il semble. De cette incompatibilité d'humeur qui ne lui fit pas oublier l'accord des intérêts, l'unique raison qu'on donne, une raison très forte d'ailleurs, c'est que catholique et ayant donné son cœur à un catholique, elle s'était réduite par contrainte et décidée par ambition à épouser un huguenot, premier prince du sang en France et roi de Navarre. Mais il y en a une autre que personne n'a remarquée, bien que Marguerite nous y convie elle-même dans ses Mémoires. A propos de la question que Catherine lui avait posée, en vue d'un divorce, sur les secrets de leur alcôve, elle ne se borne pas à redire qu'elle ne se connaissait pas en ce que la Reine-mère lui demandait ; elle va chercher dans un traité dogmatique de saint Jérôme, connu des seuls théologiens, l'histoire du consul Duillius et de sa femme Billia[4]. Ce Romain, le premier qui eût triomphé sur mer des Carthaginois, les plus grands marins de l'époque, s'était entendu traiter dans un procès, par l'avocat de la partie adverse, de bouche fétide. Revenu tout triste à sa maison, il avait reproché à sa femme de lui avoir caché qu'il eût l'haleine mauvaise. A quoi la chaste matrone, qui n'avait jamais approché que lui, répondit : Je l'aurais fait, si je n'avais pas pensé que tous les hommes sentissent ainsi de la bouche. Marguerite alléguait pareille excuse : Aussi pouvois-je dire lors à la vérité comme cette Romaine, mais ce n'était pas à même intention. De cet aveu, il faut retenir, contre les panégyristes de sa vertu, que depuis son mariage elle s'est permis des comparaisons, et lui accorder aussi, en faveur de sa sincérité, qu'elle arriva innocente au lit nuptial. Mais en même temps qu'elle confesse les manquements futurs à la foi conjugale, n'est-ce pas à dessein de les justifier qu'elle a exhumé de la poussière des in-folios les personnages de Duillius et de Billia. Bien des désaccords entre époux ont pour cause originelle un dégoût physique. Ce n'est pas une légende que le roi de Navarre était aussi malodorant que le Consul romain[5]. Les ligueurs de Paris le traitaient de bouc puant et les soldats du duc de Nemours, en Auvergne, chansonnaient sa paillardise et sa fétidité.

La jeune femme, déjà prévenue contre le mari que la politique lui avait imposé, n'a-t-elle pas fait l'effort nécessaire d'accoutumance ? Le roi de Navarre, en sa sensualité impatiente, s'est-il lassé d'une affection distraite et, si l'on peut dire, répulsive. Quoi qu'il en soit, l'union des cœurs, si elle exista jamais, tourna vite en camaraderie et bonne intelligence. Sur ce point, Marguerite semble irréprochable. Longtemps elle fut une compagne dévouée et n'oublia pas qu'elle était reine de Navarre.

La Cour ne pouvait croire à la constance, sinon à la durée de ce ménage sans amour. Guise pensait que son heure était venue. Peut-être, le démariage que proposa la Reine-mère à sa fille annonçait-il l'intention de la remarier à cet ancien soupirant, le parti le plus sortable de France après l'abaissement du roi de Navarre. Marguerite ne dit rien de cet arrangement. Il lui eût fallu avouer l'idylle d'avant le mariage, et à l'époque où elle écrivit ses Mémoires, elle cherchait à la dissimuler. Mais elle a fait des confidences à Scipion Dupleix, son maître des requêtes, plus tard historiographe de France. J'ai ouï dire souvent à la reine Marguerite, auprès de laquelle j'ai demeuré sept ans, que depuis qu'elle eut donné ses affections au roi de Navarre, la Reine-mère lui parla derechef d'aimer le duc de Guise à qui (à quoi ?) elle ne voulut point entendre et lui dit franchement qu'elle n'avoit point le cœur de cire.

Elle le fit bien voir à ceux qui pensaient profiter de l'infortune de son mari pour ranimer les cendres du passé.

Aux fêtes de son mariage, le duc d'Anjou s'était épris de la princesse de Condé, Marie de Clèves, elle aussi mal mariée. La jeune femme, vive et moqueuse, d'un protestantisme lâche, avait épousé Henri de Bourbon, un huguenot ardent, et, par surcroît, disgracieux et jaloux. Le Duc, jeune et beau, auréolé de gloire militaire, avait su lui plaire. Tous deux cherchaient l'occasion de se voir hors de la presse de la Cour. Pour ne pas éveiller les soupçons de son mari, elle imagina d'associer à son escapade Marguerite, qu'elle avait entendue souvent célébrer la vertu de l'Amour. Brantôme connaissait cette aventure galante, qu'il a pris plaisir à rapporter, mais en l'arrangeant à sa façon et sans nommer personne : Ce fut une fille en notre Court qui inventa et fit jouer ceste belle comédie intitulée le Paradis d'Amour dans la salle de Bourbon, à huys clos, où il n'y avoit que les comédiants et les comédiantes qui servoient de joueurs et d'espectateurs tout ensemble. Ceux qui entendent l'histoire m'entendent bien. Elle fut jouée par six personnages de trois hommes et trois femmes, l'un estoit prince, qui avoit sa dame qui estoit grande, mais non pas trop aussi, toutesfois il l'aymoit fort ; l'autre estoit un seigneur, et celluy jouoit avec la grand'dame qui estoit de riche matière ; le troisième estoit gentilhomme qui s'apparioit avec la fille qu'il espousa aprez ; car la gallante qu'elle estoit, elle vouloit jouer son personnage aussi bien que les autres. Aussi coustumièrement l'auteur d'une comédie joue son personnage ou le prologue, comme fit celle-là, qui certes, toute fille qu'elle estoit, le joua aussi bien ou possible mieux que les mariées. Aussi avoit-elle vu son monde ailleurs qu'en son païs, et, comme dit l'espaignol, rafinada en Secobia, raffinée en Ségobie, qui est un proverbe en Espaigne, d'autant que les bons draps se raffinent en Ségobie[6].

Sauf la suivante et son cavalier, les acteurs sont faciles à identifier. Ce prince qui avoit sa dame qui estoit grande, mais non pas trop aussi, c'est le duc d'Anjou, fils de France, autrement dit fils de roi, et qui, par droit de naissance, l'emportait en dignité sur Marie de Clèves, simple princesse du sang et encore par son mariage. Le seigneur qui jouoit avec la grand'dame de riche matière, autant dire une reine, c'est le duc de Guise, simple seigneur en France, où le Roi seul avec la Reine pouvait, selon la doctrine traditionnelle, enfanter des princes.

Le poète favori d'Henri III, Philippe Desportes a lui aussi célébré la même Aventure pendant la Ligue vers 1587, à la gloire du Roi et à la confusion du duc de Guise, alors en révolte[7]. Olympe (Marie de Clèves), qui sait l'idylle de Fleur-de-Lys (pseudonyme transparent de Marguerite) avec Henri de Guise, veut l'avoir pour compagne en ce contentement et, sous prétexte de promenade, elle la mène au fond du vieux palais dans la chapelle, un temple d'amour, comme en témoignaient l'emblème d'un ordre de chevalerie, fondé par Louis II, le chardon, symbole des épreuves, et la devise Espérance, messagère de bonheur[8]. Mais elle fut bien trompée dans son calcul.

Aussitôt que Fleur-de-Lys aperçoit les trois cavaliers, elle s'arrête ébahie de surprise, s'inquiète et s'irrite. Malgré les protestations d'Eurylas (le duc d'Anjou), les soupirs de Nirée (Henri de Guise), les prières de la Princesse, elle laisse Guise à son désespoir et les deux autres couples à leurs mignardises, s'éloigne et disparaît.

L'Advanture de Desportes sert d'illustration au projet de démariage. Il est naturel que Marie de Clèves, à sa première tentative galante, ait pensé, pour se donner du cœur, à s'associer celle qui lui avait tant de fois reproché d'être insensible. Mais Fleur-de-Lys n'était pas avertie et elle a pu croire que cette rencontre concertée cachait un piège ; la présence de son frère suffisait à l'induire en soupçon. Quel nouveau trait de perfidie pouvait-il méditer ? Voulait-il ranimer son inclination de jeune fille et l'entraîner à un divorce, que sa dignité d'épouse, à défaut d'amour conjugal, repoussait. Elle était susceptible et hautaine et s'indignait d'être dupe. Les explications et les caresses de Marie de Clèves ne purent la convaincre, encore moins les instances du duc d'Anjou, dont elle avait appris à se défier, et les serments d'un amoureux à qui tous les moyens de persuasion devaient paraître légitimes.

Comme on le vit dans les événements qui suivirent, entre ce frère et cette sœur ennemis le passé s'interposa toujours pour empêcher une réconciliation sincère.

Catherine se flattait d'avoir exterminé le parti protestant avec ses chefs, mais les tueries improvisées par la populace des villes, dans le reste du royaume, à la nouvelle de l'improvisation de Paris, s'espacèrent du 26 août (Meaux) au 3 octobre (Bordeaux et Toulouse) et donnèrent à la masse des huguenots le temps de s'enfuir. Les survivants organisèrent la résistance. Montauban, Nîmes, Aubenas et Privas, fermèrent leurs portes ou différèrent de les ouvrir. La Rochelle où s'étaient enfermés cinquante-cinq ministres, cinquante gentilshommes échappés au massacre et quinze cents déserteurs de la flotte de Strozzi, appela la reine d'Angleterre Elisabeth, comme héritière des Plantagenets, à l'aide contre ce gouvernement perfide. Une armée royale que commandait le duc d'Anjou assiégea la place pendant plusieurs mois (nov. 1572-juillet 1573) et ne put l'emporter de force, malgré la canonnade sans trêve, la ruine des remparts, les assauts répétés et les vains efforts des Anglais pour rompre le blocus. Mais elle en serait venue à bout sans les événements de Pologne. Le dernier des Jagellons, Sigismond Auguste II étant mort sans héritier mâle, une Diète s'était réunie le 7 juillet 1572 pour lui élire un successeur. L'envahissante Maison d'Autriche, déjà souveraine de Bohême et de la Hongrie, avait mis en avant un de ses nombreux archiducs.

Catherine fut tentée de faire échec aux Habsbourg et de donner une couronne, si lointaine qu'elle fût, au plus cher de ses fils. Elle fit partir immédiatement le plus délié de ses diplomates, Jean de Monluc, évêque de Valence. Il arriva en Pologne en même temps que la nouvelle de la Saint-Barthélemy. L'émotion fut grande dans le pays où les protestants étaient nombreux, et où l'aristocratie catholique, sauf quelques évêques, faisait profession de tolérance. Mais ses plaidoyers spécieux qui réduisaient cet égorgement en masse à une mesure de salut public prise contre quelques rebelles et dénaturée par les fureurs populaires, la crainte ou l'antipathie qu'inspiraient les autres compétiteurs, retournèrent l'opinion. La majorité de la diète se prononça pour le prince français (9 mai 1573). Toutefois les protestants et leurs amis firent insérer, dans les articles que le nouveau roi devait jurer, l'engagement solennel de maintenir la paix religieuse. Sous peine d'aliéner à son fils les sympathies des Polonais, Catherine fut obligée de lâcher La Rochelle, qui mourait de faim. Charles IX accorda aux réformés (juillet 1573) la liberté de conscience dans tout le royaume et la liberté de culte dans les trois villes de La Rochelle, Nîmes et Montauban. Le bénéfice inhumain de la Saint-Barthélemy fut perdu pour une œuvre de magnificence et d'union familiale.

La Cour de France célébra l'élection de Pologne comme une grande victoire nationale et dynastique. Les ambassadeurs polonais, venus pour rendre hommage à leur Roi et lui faire jurer les pacta conventa, firent à Paris une entrée solennelle le 19 août 1573. Catherine les festina fort superbement en ses Tuileries ; et après souper dans une grand'salle faicte à poste et toute entournée d'une infinité de flambeaux, elle leur représenta le plus beau ballet qui fut jamais fait au monde (je puys parler ainsy), proclame Brantôme, lequel fut composé de seize dames et demoiselle des plus belles et des mieux apprises des siennes, qui comparurent dans un grand roch tout argenté, où elles estoient assises dans des niches en formes de nuées de tous costés. Ces seize dames représentaient les seize provinces de la France, avecque une musique la plus mélodieuse qu'on eut sçeu voir ; et après avoir faict dans ce roch le tour de la salle par parade comme dans un camp, et après s'estre bien faict voir ainsi, elles vinrent toutes à descendre de ce roch, et s'étant mises en forme d'un petit bataillon bizarrement invanté, les violons montans jusques à une trentayne, sonnans quasy un air de guerre fort plaisant, elles s'approchèrent de Leurs Majestés et puis après dansèrent leur ballet, avec tant de tours, contours et détours, d'entrelasseures et meslanges sans qu'aucune d'elles ne faillit jamais de se trouver à son poinct ni à son rang. Et dura ce ballet bizarre pour le moins une heure, lequel étant achevé, ces dames, vinrent représenter au Roy, à la Reyne, au roy de Polongne, à Monsieur son frère, et au roy et reyne de Navarre et autres grands de France et de Polongne, chacune à chacun, une placque toute d'or, grande comme de la paulme de la main, bien esmaillé et gentiment en œuvre où estoient gravez les fruicts et les singularitez de chasque province, en quoy elle estoit plus fertille, comme : la Provence des citrons et oranges, en la Champaigne des bleds, en la Bourgongne des vins, en la Guyenne des gens de guerre (grand honneur certes celuy-là pour la Guyenne) et ainsy consécutivement de toutes les autres provinces[9].

Marguerite eut un grand succès de beauté, de toilette et d'éloquence. Le jour du festin des Tuileries, elle estoit vestue d'une robe de velours incarnadin d'Espagne fort chargée de clinquants et d'un bonnet de mesme velours, tant bien dressé de plumes et de pierreries que rien plus. Elle parust si belle ainsy, comme luy fut dict aussy, que despuis elle le porta assez souvent et s'i fit peindre[10]. Quand les Polonais allèrent lui faire la révérence et qu'Adam Konarski, évêque de Posen, la harangua pour tous et en latin, elle lui répondit si pertinemment et si éloquemment, sans s'ayder d'aucun truchement, ayant fort bien entendu et compris son harangue, que tous en entrarent en si grande admiration que d'une voix ils l'appellarent une seconde Minerve ou déesse d’éloquence[11]. Mais ils avaient encore plus de plaisir à la regarder. Elle leur parut si belle, si superbement et richement parée et accoustrée, avecques si grande majesté et grâce, que tous demeurarent perdus d'une telle beauté. Et entre autres, il y eut le Lasqui (Albert Laski, palatin de Siradie), l'un des principaux de l'ambassade, à qui je vis dire en se retirant perdu de ceste beauté : Non, je ne veux rien plus veoir après telle beauté[12].

Il est difficile de croire que le roi de Pologne eût amené, le duc de Guise au Petit-Bourbon, s'il n'avait pas su ou même voulu y trouver Marguerite en compagnie de Marie de Clèves. Il pensait sans doute, en rapprochant les anciens amoureux, se rapprocher lui-même de sa sœur. Il n'avait déjà que trop d'ennemis pour en laisser un dans l'intimité de la Reine, sa mère. Dans l'armée que Charles IX avait envoyée contre la Rochelle, combattaient côte à côte, sous les ordres de son frère, des hommes très opposés d'idées, d'opinions, de sentiments : massacreurs de la Saint-Barthélemy, ennemis des massacreurs, protestants convertis ou protestants loyalistes, le roi de Navarre, le prince de Condé, La Noue, les Guise. Pour les Montmorency, la Saint-Barthélemy n'était pas seulement un malheur public. Cousins germains de Coligny, partisans des alliances protestantes, signataires du traité avec Elisabeth, ils se sentaient menacés dans leur crédit par le triomphe du parti catholique et le retour en faveur des Guise. Ils croyaient même qu'on les aurait englobés dans le massacre, si le maréchal de Montmorency n'eût pas été absent de Paris. Ce chef de leur maison, calme et loyal, se résignait à la mauvaise fortune. Damville, le puîné, gouverneur du Languedoc, prudent et avisé, consentait à servir fidèlement la Cour, tant qu'il le pourrait sans se perdre. Mais les cadets, Méru, gendre du maréchal de Cossé, et Thoré, étaient des esprits ardents, prêts à l'offensive. Leur neveu, Turenne, annonçait déjà la valeur brillante et le talent d'intrigue qui le rendirent plus tard célèbre. Au camp de La Rochelle, des intelligences s'établirent entre ceux qui pour différents motifs, par esprit d'humanité ou par esprit de faction, abhorraient ou feignaient d'abhorrer cette tant détestable et horrible journée. Tous se groupèrent autour du duc d'Alençon, le troisième fils de Catherine, un moricau qui, tout enfant, n'était au dire de sa mère que guerre et temp este en son cerveau. A seize ans, pour avoir une couronne, il se déclara prêt à épouser la reine d'Angleterre, Elisabeth qui en avait trente-sept, et, même s'il le fallait, à renoncer à la messe. Il s'était attaché à l'Amiral, qui lui avait promis une principauté en Flandre, et, en apprenant l'attentat de Maurevert, il osa dire : Quelle trahison ! C'était le chef que les protestants cherchaient pour autoriser une nouvelle prise d'armes. Toujours formalistes, ils ne croyaient pas l'insurrection légitime sans le concours d'un prince du sang. Or, cette fois, ils auraient mieux encore : un frère même du Roi, un fils de France[13].

Les malcontents des deux religions qui travaillaient à s'unir en parti détestaient le duc d'Anjou, comme l'un des principaux auteurs de la Saint-Barthélemy et ils le soupçonnaient de vouloir recommencer. Son directeur de conscience, le P. Jésuite Edmond Auger, écrivait partout, au grand ennui de Catherine, qu'il avait promis de aystirper tous ceulx qui ont jeamès ayté hugenos[14], c'est-à-dire même les néo-catholiques. Il s'en allait très loin, certain des haines qu'il laissait derrière lui, mal assuré de la sympathie de Charles IX. En sa mère était sa force, en sa mère son avenir. Comme en 1569, plus qu'en 1569, il lui importait d'écarter d'elle les influences ennemies. Il pouvait craindre que Marguerite, dont il venait de constater le charme et l'intelligence, ne profitât de son absence et par rancune n'exploitât à son détriment le loin des yeux, loin du cœur. Aussi jugeait-il prudent de l'apaiser et de s'en faire une auxiliaire et une amie. L'idée d'y employer Guise, si vraiment il l'a eue, s'était révélée maladroite, mais il ne désespérait pas d'y réussir autrement. Le roi de Pologne, raconte Marguerite, quelques mois avant que de partir de France, s'essaya par tous moyens — y compris évidemment le rendez-vous du Petit-Bourbon, — de me faire oublier les mauvais offices de son ingratitude et de remettre nostre première amitié en la mesme perfection qu'elle avoit été en nos premiers ans, m'y voulant obliger par serments et promesses en me disant à Dieu[15].

Elle ne dit pas qu'elle y ait consenti, mais le chancelier Cheverny, présent à la séparation, atteste que la reine de Navarre jura au roi de Pologne beaucoup d’amitié[16]. Ce serment, d'ailleurs vite oublié, explique du moins la première attitude de Marguerite à l'égard des Malcontents.

Le roi de Pologne retarda tant qu'il put son départ, tant la France et la princesse de Condé avaient pour lui de charme. Mais Charles IX, irritable et malade, le pressait de rejoindre au plus tôt ses sujets. La Reine-mère elle-même le suppliait d'aller où il pouvait acquérir réputation et grandeur. Le bruit courut que les Guise complotaient d'enlever en route et de retenir en France celui qu'on regardait comme le chef du parti catholique. Charles IX ne fut que plus impatient de le pousser hors du royaume. Il le suivit aussi loin qu'il put et ne s'arrêta qu'à Vitry, où il fut obligé de s'aliter. Catherine accompagna le duc d'Anjou jusqu'à l'extrémité de la Lorraine, à Blamont, sur la frontière allemande.

Sa politique extérieure eut toujours un caractère personnel et maternel. Par jalousie du pouvoir et par peur, elle avait commandé l'assassinat de l'Amiral et le massacre de ses coreligionnaires, mais, ne recevant pas de Philippe II le prix du grand service qu'elle avait rendu sans y penser au catholicisme et à l'Espagne, c'est-à-dire la main d'une infante pour le duc d'Anjou avec les Pays-Bas pour dot, elle s'était de colère et de dépit retournée vers les puissances protestantes. Elle expliquait à la reine d'Angleterre et aux princes calvinistes et luthériens d'Allemagne que les huguenots, voulant attenter contre le Roi son fils et la famille royale, elle avait été bien forcée pour se défendre de les assaillir. Elle fit passer à Ludovic de Nassau 300.000 écus, qui l'aideraient à soutenir son frère le prince d'Orange, Guillaume le Taciturne, en révolte contre la domination espagnole. Elle l'attendit à Blamont, lui et le duc Christophe, fils de l'Electeur palatin et ardent calviniste, pour y débattre les conditions d'un accord entre la France et l'Allemagne protestante (29 nov.-3 déc. 1573). Au nom du roi de France et au sien, le roi de Pologne promit d'embrasser les affaires du dict Pays-Bas aultant et aussi avant que les princes protestans (d'Allemagne) les vouldront embrasser[17]. Autant et aussi avant, mais il ne disait pas au delà.

Sous couleur d'une alliance pour la libération des Pays-Bas, Catherine assurait au roi de Pologne à travers l'Allemagne, encore émue de la Saint-Barthélemy, un libre et facile passage jusqu'en son lointain royaume. Mais ce fut le seul résultat qu'elle obtint. Dans le royaume, l'Edit de Boulogne ne rétablit pas la confiance que son crime avait ruinée. Les huguenots « ne cessaient pas de remuer ménage » et beaucoup de catholiques se disposaient à commencer. Les uns et les autres poussaient le duc d'Alençon à réclamer, comme par droit de succession, la lieutenance générale que le départ de son frère laissait vacante. Ils reprenaient le programme de Coligny : liberté religieuse au-dedans, intervention en armes dans les Pays-Bas. Quelque soin qu'eût pris à Blamont Catherine de tenir éloignés l'un de l'autre Ludovic de Nassau et le duc d'Alençon, elle n'avait pu empêcher ni les correspondances secrètes, ni l'intervention des confidents, ni même les contacts directs. Ludovic écrivait à son frère : J'ay veu Monsieur le duc d'Alençon, lequel me pressant la main m'a dict en l'oreille que ayant à ceste heure-cy le gouvernement comme avoit son frère le roi de Pologne, il s'employera en tout pour vous seconder[18]. Mais Charles IX, qui ne voulait pas retomber sous la tutelle d'une sorte de maire du palais, déclara qu'il n'y aurait plus de lieutenant général. Alors, les ennemis de Catherine et les huguenots excitant le dépit du duc d'Alençon le poussèrent à la révolte[19]. Dans l'ouest, La Noue pratiqua les nouveaux convertis et leur fit honte de leur résignation. Louis de Nassau se tint prêt à intervenir en France avec les soldats que l'argent de Catherine lui avait permis de lever contre Philippe II. Le duc d'Alençon et le roi de Navarre, qu'avaient rapprochés au camp de la Rochelle leurs haines, leurs ambitions et leurs craintes, se lièrent à Vitry « plus étroitement d'amitié que par le passé. » Ils résolurent de se dérober de la Cour, quand elle reviendrait de Lorraine, et de se retirer à Sedan, une place très forte de la frontière, dont un réformé, le duc de Bouillon, était prince souverain. — Entre Soissons et Compiègne, une troupe de huguenots, les Orphelins, comme ils se qualifiaient, disant avoir perdu leur père qui est l'amiral de France[20], les attendait pour servir d'escorte et au besoin pour attaquer. De ce refuge, ils pourraient imposer au Roi leurs conditions. Marguerite, prévenue de ce complot par Henri d'Albret, sieur de Miossens, ce cousin et chambellan du roi de Navarre, qu'elle avait sauvé à la Saint-Barthélemy, alla aussitôt trouver le Roi et la Reine-mère et, après avoir eu d'eux l'assurance que sa révélation ne porterait pas préjudice à ceux qu'elle leur nommerait, elle leur dit : que son mari et son frère s'en debvoient le lendemain aller rendre à des troupes de huguenots qui les venaient chercher[21]. — Deux fois elle répète, pour pallier ce projet de fuite, que les huguenots avaient obligé les deux princes à promettre par écrit de venger la mort de l'Amiral, un engagement dont ils étaient bien excusables, pour (vu) leur enfance. Une enfance déjà mûre ! A sa demande, dit-elle, on devait, sans leur en montrer nulle apparence, s'opposer à leur départ, et fust l'affaire conduite par telle prudence que, sans qu'ils pussent savoir d'où leur venoit cet empeschement, ils n'eurent jamais moien d'eschapper.

Mais elle exagère les garanties qu'elle a reçues ou la façon dont on les observa. Les précautions ne furent pas aussi discrètes qu'elle voudrait le faire croire, comme pour s'excuser du rôle de dénonciatrice. Dans le Mémoire justificatif, signé par le roi de Navarre, mais qui est son œuvre, elle lui fait dire, que les meffiances de la Reine-mère allèrent en croissant à Soissons, sans qu'il lui en eût donné une seule occasion. Là, les capitaines des gardes commencèrent à venir dans la chambre de Monsieur le Duc et la mienne, et regarder dessous nos lits pour voir s'il n'y avoit personne.

Des raisons qui la déterminèrent cette fois, elle ne dit rien, mais il est facile de les imaginer. Elle aimait Charles IX et la Reine-mère et n'avait alors aucune autre inclination qui se mît à la traverse de celle-là. Le souvenir de Blamont était frais de quelques jours. Fidèle à la parole donnée, elle rompit les trames qui menaçaient le repos du royaume, et, en cas de mort de Charles IX, l'avènement au trône de l'héritier légitime. Mais elle ne se vante pas du service rendu, pour n'avoir pas à expliquer que, quelques mois plus tard, elle a menti à son serment et de nouveau écouté sa rancune, sans que le roi de Pologne lui eût donné une nouvelle occasion ou même un simple prétexte d'oubli. Elle a changé de parti le jour où elle changea d'affection. Je crois, dit Cheverny, parlant de l'amitié que Marguerite avait, au moment du départ, montrée au roi de Pologne, qu'elle la luy eust continuée si bientost après, elle n'en eust été divertie.

La Cour était revenue à Saint-Germain où elle fit un long séjour « à cause de la maladie du Roy » (22 déc. 1573-22 février 1574). Ce fut là que Marguerite eut le temps de connaître son plus jeune frère, le duc d'Alençon, avec qui elle n'avait pas eu jusque-là grande familiarité, pour ce qu'il avoit tousjours esté nourry hors de la Cour. Il employa toutes sortes de recherches et moyens pour se rendre agréable à sa sœur, afin qu'elle lui vouât. amitié, comme elle avait fait au roi Charles, et il l'y convia, dit-elle encore, par tant de submissions et de subjections et d'affection qu'elle se résolut de l'aimer et embrasser ce qui luy concerneroit ; mais toutesfois avec telle condition que ce seroit sans préjudice, de ce qu'elle devait au roi Charles, ce bon frère, qu'elle honorait sur toutes choses. Cette réserve protectrice qui n'exceptait que Charles IX, et encore fut-elle mal observée, impliquait, Marguerite le voulût-elle ou non, une menace contre le roi de Pologne. C'est un revirement sentimental, on n'ose dire passionnel. Elle liait partie, et ce sera pour toujours, avec son jeune frère. Il me continua, dit-elle, cette bienveillance, me l'ayant tesmoignée jusques à la fin[22] (à la mort). Elle ne réfléchit pas que Charles IX est mourant et que l'ambition de son allié l'expose à se déclarer contre l'héritier présomptif. Mais les rancunes du passé et l'attrait du présent commandent à sa volonté. Toute sa vie elle fut l'esclave des entraînements du cœur.

Le duc d'Alençon, avec qui elle embarquait sa fortune, avait en 1574 dix-neuf ans. Il était élégant et cultivé, adroit aux exercices du corps et grand lecteur de Plutarque, mais versatile et léger, aussi imprudent qu'un enfant, remarque l'ambassadeur Cavalli ; sans cœur ni tête, précise Ludovic de Nassau[23]. Turenne, qui avait vécu près de lui quelques années de jeunesse et qui lui savait gré de ses sympathies pour les réformés, dit avec plus d'indulgence que son naturel était bon, mais fut corrompu par les mauvais exemples et l'approchement des personnes vicieuses[24]. De stature moyenne, noir de peau, le teint vif, il avait eu en son enfance les traits du visage beaux et fort agréables, jusqu'à une petite vérole de telle malignité qu'elle le changea du tout, l'ayant rendu mescognoissable, le visage luy estant demeuré tout creusé, le nez grossi avec difformité, les yeux appetissés et rouges, de sorte que d'agréable et beau qu'il estoit, il devint un des plus laids hommes qui se voyoit ; et son esprit n'estoit plus si relevé qu'il estoit auparavant[25].

Ce frère qu'elle avait résolu d'aimer, malgré les défauts du corps et de l'esprit, avait pour favori un gentilhomme provençal, Joseph Boniface, seigneur de La Molle, beau et bien fait, le meilleur danseur de la Cour, depuis la mort du comte de Brissac[26], et qui, envoyé par son maître à Elisabeth d'Angleterre en amorceur de fiançailles, parut à cette vieille fille coquette plus élégant et séduisant qu'on avait su lui dire. Les femmes se disputaient cet irrésistible, et nombre d'hommes pour la même raison le détestaient. Le roi de Pologne, à son départ, avait prié sa mère de le chasser de la Cour, craignant qu'il ne recherchât la princesse de Condé, comme si l'idée seule des égards de ce baladin pour l'objet de son excessive passion le blessât au cœur. Le roi de Navarre ne l'estimait pas. Était-ce parce que Marguerite le goûtait trop ? Son antipathie contre lui, quels qu'en fussent les motifs, se manifestait déjà au camp devant La Rochelle, si fortement qu'il refusa de communiquer par son intermédiaire avec le duc d'Alençon[27].

Charles IX, au contraire, l'avait alors en telle affection, écrivait plus tard Catherine à l'ambassadeur de France en Angleterre, qu'il lui avoit fait de l'honneur et de la faveur, non pas comme à un subject et serviteur, mais autant quasi qu'il eust sçeu faire à un qui luy eust esté compaignon[28]. Sa protection pendant le siège de La Rochelle couvrit La Molle et Coconat, un gentilhomme piémontais, ami de La Molle, que le duc d'Anjou, par antipathie personnelle, ou dans l'intérêt supérieur de l'attaque, n'aurait pas voulu traiter aussi doucement[29].

Charles IX passa de l'amour .à la haine, brusquement, pour des raisons qu'on est réduit à soupçonner. La Reine-mère toute puissante sur l'esprit du Roi son fils, détestait La Molle qu'elle accusait d'entretenir la mésintelligence entre le duc d'Alençon et le duc d'Anjou[30]. Le favori faisait étalage de son crédit auprès de son maître, et oubliant qu'il était simple gentilhomme, ne ménageait pas assez les grands. Il avait débauché son cousin Ventabren du service des Guise pour l'attacher à celui de Monsieur. Guise, soit pour se venger d'une défection qui lui semblait une injure, ou dans un autre dessein, assaillit un jour au château de Saint-Germain le serviteur infidèle, lui donna plusieurs coups d'épée, et, le tenant pour mort, courut demander pardon au Roi de l'avoir frappé dans sa maison.

Survint La Molle, qui, lui, réclama justice de l'assassinat de son parent et, rapporte Turenne, tint des propos mal rangés et assez audacieux.

Parmy toutes ces choses, continue Turenne, il y avoit des amours meslées, qui font ordinairement à la Cour la pluspart des brouilleries ; et s'y passent peu ou point d'affaires que les femmes n'y ayent part et le plus souvent sont cause d'infinis malheurs à ceux qui les ayment et qu'elles ayment. Il venait de parler de La Molle et pensait évidemment à ce mignon des dames.

Ce n'est, en effet, ni ses imprudences de parole, ni son peu de goût pour les armes, comme on l'avait constaté à La Rochelle, mais plutôt, comme le suppose L'Estoile, quelques particularités plus fondées sur l'amour que sur la guerre[31], qui expliquent le revirement de Charles IX. Une nuit, raconte le mémorialiste, le roi de France se serait posté dans l'escalier du Louvre, avec Guise et quelques gentilshommes, munis de cordes pour étrangler La Molle, quand il sortirait de la chambre de la duchesse de Nevers, où il était ce soir-là. Mais, heureusement pour lui, au lieu de descendre chez son maître le duc d'Alençon, il alla trouver sa maîtresse. La maîtresse, c'était, d'après l'opinion commune, Marguerite de Valois. Le roi de France, ne pouvant sans un énorme scandale, s'en prendre à sa sœur, que d'ailleurs il aimait beaucoup, voulait se débarrasser de l'homme qui compromettait la réputation de vertu des femmes de la maison régnante. Si La Molle a eu connaissance de ce projet de justice à la turque, ou s'est aperçu du refroidissement de Charles IX, on comprend sa prudence au début des troubles qui suivirent.

A Saint-Germain (déc. 1573-février 1574), le duc d'Alençon recommença d'intriguer avec La Noue, avec Turenne, avec les malcontents des deux religions. Il méditait toujours de s'enfuir à Sedan, et d'adresser de là au Roi et à la Reine une supplique impérative. Ludovic de Nassau lui amènerait une bonne troupe de lansquenets et des reîtres. Mongomery, l'un des meilleurs lieutenants de Coligny, rassemblait en Angleterre des vaisseaux et des soldats pour venir débarquer sur la côte de Normandie. La noblesse protestante de l'Ouest avait élu pour chef des armes La Noue (janvier 1574), sous l'autorité d'un chef plus grand que de tout le temps passé. C'était désigner clairement Monsieur, frère du Roi, qui, en sa qualité de fils de France, passait avant le roi de Navarre et Condé, simples princes du sang.

Une insurrection s'organisait afin de faire sa part dans le gouvernement au duc d'Alençon et donner satisfaction à ceux de la religion des rigueurs qu'on leur tenoit ; mais les revendications s'arrêteraient-elles là, si Charles IX, pulmonique, crachant le sang et qui dépérissait à vue d'œil, venait à mourir en pleine mêlée. Son successeur était loin, en Pologne, et la plupart de ceux qui se déclaraient pour leur plus jeune frère et ils étaient nombreux — détestaient le Roi en expectative, comme chef du parti catholique et principal instigateur de la Saint-Barthélemy. Les plus factieux ne seraient-ils pas tentés, s'ils avaient les forces et le pouvoir en main, de lui barrer la route de France et l'accès du trône ? Brantôme affirme que les conjurés tendoient fort là. Je le scay bien, pour avoir esté convié à la fricassée[32]. Lui refusa de s'enrôler, mais beaucoup n'eurent pas mêmes scrupules. De tant de serviteurs que le roi de Pologne avoit obligez et laissez en France, raconte son chancelier Cheverny, il n'y eut que trois gentilshommes qui se voulurent ranger avec moy, pour se porter à son service et est tout certain qu'estant recognu pour, être son tres fidèle et affectionné serviteur, je fus espié et soigneusement recherché pour estre tué ; ses ennemis me faisant cet honneur de croire que je les empeschois de faire leurs affaires à son préjudice[33].

La Noue ouvrit les hostilités la nuit du mardi-gras (23-24 février) et fixa au 10 mars la fuite des princes. Mais Chaumont-Quitry, le capitaine huguenot qui devait, avec une bonne troupe, s'approcher de- Saint-Germain pour les recueillir et les escorter, parut devant Mantes dix jours plus tôt. Les conjurés du château furent pris au dépourvu ; ils n'avaient ni lieu, ni force pour se retirer. A la Cour, où arriva de Normandie, de Beauce, du Vexin, la nouvelle de la marche de Quitry, l'alarme fut d'autant plus chaude qu'on ne savait pas bien la cause de ce mouvement.

Les perturbations estoient grandes, les bagages chargés, et les cardinaux de Lorraine et de Guyze à cheval pour s'enfuir à Paris, et à leur exemple plusieurs autres. Les tambours des Suisses du corps et des compagnies françaises des gardes battoient aux champs. Le duc d'Alençon, pris de peur, alla tout raconter à sa mère, et le mystère s'éclaircit. Catherine, bien instruite des faits, décida que, la nuit même, la Cour irait se mettre à l'abri dans Paris. Elle emmena dans son chariot le roi de Navarre et le duc d'Alençon. Le Roi ne partit que le lendemain pour venir plus assurément au milieu de ses Suisses, ainsi qu'il fit, et vint loger au faubourg Saint-Honoré, au logis du maréchal de Retz[34].

Marguerite se défend d'avoir eu cognoissance de ce complot. Mais amie du Duc, en aurait-elle averti le Roi ? ... Toutesfois, Dieu permit que La Molle le descouvrit à la Reyne ma mère. Dieu peut-être et elle aidant. C'est la première fois qu'elle prononce le nom de l'homme que le bruit public lui donnait pour amant. Comme elle a toujours mis Dieu en toutes ses affaires, même en celles où elle n'aurait pas dû, elle attribue à la bonté divine les défaillances de cœur de son frère, les calculs de La Molle et peut-être ses propres suggestions. Turenne, un des principaux conjurés, accuse le duc d'Alençon de cette confession à la Reine-mère par la faiblesse de sa constance, et aussi, il est vrai, par l'induction de La Molle. Le favori, marry de n'avoir esté de tous nos conseil s, pour se venger de nous, et de moy principalement, estimant que ce mauvais office qu'il faisoit à son maistre en lui conseillant de perdre sa créance et réputation et ses meilleurs serviteurs, qu'il s'attiroit (s'attirerait) un grand gré du Roy et de la Reyne, ce qui avint autrement.... Le duc d'Alençon avait si fortement chargé Thoré que, si celui-ci ne s'était enfui, il estoit mort. Et cependant après avoir compromis tout le monde, Turenne le trouva dans le cabinet de sa mère riant, comme s'il n'y eust eu rien, avec une des beautés de l'escadron volant, Madame de Sauves[35]. Mais Marguerite cache soigneusement les bassesses de ceux qu'elle a aimés. Elle fait un mérite à La Molle d'avoir parlé ; elle ne dit rien du Duc, ne pouvant le louer, et ne voulant pas le blâmer d'avoir trahi tous ses complices. C'est aussi avec intention qu'elle condense, en quelques phrases générales et vagues, les événements qui suivirent l'effroi de Saint-Germain, comme si ce n'était pas un nouveau complot. Le Roy s'en alla au boys de Vincennes, d'où il ne leur permit plus (au roi de Navarre et au duc d'Alençon) de sortir. Et le temps, augmentant tousjours l'aigreur de ce mal produisoit tousjours nouveaux advis au Roy pour accroistre la mesfiance et mescontentement qu'il avoit d'eux ; en quoy les artifices de ceux qui avoient tousjours désiré la ruine de notre maison luy aidoient, que je croy, beaucoup[36].

A l'en croire, la mesfiance serait la seule cause des arrestations et des exécutions qui suivirent. C'est le moyen d'innocenter La Molle et de se défendre elle-même d'avoir été la maîtresse d'un sujet rebelle du roi Charles, ce frère si cher, à qui elle prétendait rester fidèle en dépit de ses attaches avec le duc d'Alençon. Au fait la vérité est tout autre. Charles IX avait pardonné aux princes, mais il les avait emmenés avec lui au château de Vincennes, où il s'était installé pour respirer un air plus pur que celui de Paris (8 mars). La, surveillance se fit plus étroite à mesure que la révolte s'étendait dans l'Ouest et quand on apprit que Mongomery avait débarqué en Normandie (11 mars 1574). La consigne n'était pas toutefois si sévère qu'on empêchât le duc d'Alençon de venir à Paris sous prétexte de galanterie, ou, comme précise l'ambassadeur florentin, pour voir la duchesse de Retz, son amie très intime (intrinseca), cette duchesse si chère à Marguerite. Aussi ne lui fut-il pas difficile de reprendre ses menées. Lui et le roi de Navarre, craignant ou feignant de craindre pour leur vie, se résolurent de nouveau à chercher un refuge à Sedan. La Molle, dont la grande vertu était sans doute son attachement à son maître, poussait cette fois, ému de ce danger, à la fuite et à l'action. Il s'était chargé de réunir des hommes et de l'argent. Avec lui, Coconat, grand massacreur du 24 août, l'amant, disait-on de la duchesse de Nevers, un ancien ambassadeur à Constantinople, Grandchamp[37], et un fameux artisan d'intrigues, alors à ses débuts, La Fin La Nocle formaient le conseil dirigeant. Turenne, qui était de la conspiration, mais se défiait des conspirateurs, n'assistait que de loin en loin aux conciliabules.

Quelques comparses mêlaient leur étrange personnalité à ce groupe d'aventuriers : Grantrye, ancien agent de Charles IX auprès des Ligues grises, et qui avait rapporté du pays de Paracelse le secret de la pierre philosophale et l'art de transmuer en or les plus vils métaux ; et, pour faire pendant à l'alchimiste, un astrologue, Cosme Ruggieri, devin, nécromancien, fabriquant de philtres et jeteur de sorts, étroitement lié à La Molle.

Après quelques remises, le départ des princes pour Sedan fut fixé au samedi saint, 10 avril. De grandes dames étaient dans le secret : Marguerite de Valois, la duchesse de Retz, la duchesse de Nevers. C'est peut-être de cette époque de dévouement passionné à la cause du duc d'Alençon que date l'amitié de la reine de Navarre et de la duchesse de Retz[38]. Mais Catherine fut prévenue. Le maréchal de Montmorency, qui blâmait l'entreprise et craignait, s'il en faisait mystère, d'être accusé de connivence, transmit à la Reine-mère la lettre d'un conjuré, le capitaine Saint-Martin, où il était question de chevaux et d'expédition. Un bourgeois de Paris, Yves de Brinon, enrôlé par Grandchamp, dénonça le complot, les complices, la date de l'exécution. Le Roi, furieux d'une trahison qui suivait un pardon si récent, mit sous bonne garde le duc d'Alençon et le roi de Navarre, La Molle fut arrêté au château même (10 avril) ; Coconat, au couvent des Augustins où une grande dame l'avait fait cacher ; La Fin, Grandchamp, Turenne s'enfuirent. Aussitôt qu'il apprit l'arrestation des princes, Condé, qui, par la protection du roi de Pologne, désireux peut-être de le tenir loin de la princesse, avait obtenu de résider dans son gouvernement de Picardie, se déroba en toute hâte de son poste d'Amiens et se sauva en Allemagne. Les réformés des Pays-Bas eurent encore un plus mauvais succès ; le duc Christophe et Ludovic de Nassau furent battus et tués à Mookerheyde (14 avril 1574) par le commandeur de Requesens, qui avait succédé au duc d'Albe, comme gouverneur général[39].

Charles IX ne voulut pas traduire devant le Parlement garni de pairs son frère et son beau-frère, et il les fit interroger par des commissaires. Le duc d'Alençon parla de son projet de mariage avec la reine d'Angleterre, de l'espérance que Coligny lui avait fait entrevoir d'un établissement dans les Flandres, de sa liaison avec les survivants des massacres au camp de la Rochelle, et, dans ce long récit des origines du complot et du complot lui-même, il compromit tous les conjurés et, plus que tous, son confident La Molle. Le roi de Navarre, plus avisé, ne mit ny luy, ny personne en peine. Il lut ou fit lire un mémoire, et tout en déclarant que, de droit, il ne connaissait d'autres juges que la Reine-mère présente et le Roi, il ne laissa pas de se justifier devant cette commission. Il s'excusait de ses projets de fuite sur ses griefs et ses malheurs : mort de ses amis à la Saint-Barthélemy, menace d'une nouvelle exécution, inimitié de la Reine-mère, crédit des Guise, désir de retourner en ses pays de Béarn et de Navarre, où en son absence il n'était plus obéi. Habilement, il glissa dans sa défense le bruit qui avait couru à Vitry d'un attentat contre le Roi, le duc d'Alençon et lui, pour faire le roy de Pologne royce qu'il ne voulut jamais croire d'ailleurs, — mais les avis et la constatation que le duc de Guise assemblait et faisait marcher de petites troupes de cavalerie étoient assez pour nous faire croire quelque chose.

Malgré la promesse qu'on leur avait faite, au duc d'Alençon et à lui, après l'affaire de Saint-Germain, de leur ôter tout sujet de plainte, ils n'avaient pas cessé d'avoir à craindre pour leur liberté et leur vie. Le Duc lui ayant fait dire qu'il était résolu à se retirer de la Cour, il avait délibéré de le suivre et de s'en aller en Navarre. Il laissait entendre pour conclure que, s'il plaisait au Roi et à la Reine-mère de lui vouloir faire tant de bien et d'honneur que de le traiter comme étant ce qu'il leur était, il montrerait sa volonté de leur être à tous deux, très humble, très fidèle et très obéissant serviteur[40].

Ce plaidoyer était de la main de Marguerite, à qui son mari l'avait demandé. Dieu, dit-elle, me fist la grâce de le dresser si bien qu'il en demeura satisfaict, et les commissaires étonnez de le voir si bien préparé[41]. L'épouse infidèle était un secrétaire fidèle.

La Molle et Coconat furent jugés par le Parlement[42]. La Molle, interrogé par le premier président de Thou et le président Hennequin, nia ou déclara qu'il ignorait les faits compris dans les vingt et un chefs d'accusation. A cette question : Qui sont les hommes ou les femmes qui savent le département de M. le Duc et du roy de Navarre et qui y consentent. A dit qu'il n'en sait rien et que ceux qui ont voulu faire la première entreprise sont ceux qui ont fait la nouvelle entreprise, si aucune y en a eue[43]. Quand on lui objecte la déposition de M. le Duc, il s'incline devant ce témoin, mais insinue qu'on lui fait dire ce que peut-être il ne dit pas. Quand les magistrats lui montrent la souscription de M. le Duc, qui est François en deux endroits, il répond qu'il a bien veu que ce mot est escript, mais ne sauroit dire si c'est de l'escriture de M. le Duc[44]. Comme on insiste sur cette déclaration autographe, il prie qu'on le mène devant le Duc et tout ce que mon dit sieur voudra qu'il dise, qu'il le dira, s'asseurant qu'il est prince débonnaire et son bon maistre[45]. Il fallut, pour lui arracher quelques aveux, le soumettre à la torture de l'eau et des brodequins. A voir tant de discrétion et de courage, on comprend que Brantôme rende hommage aux nombreuses vertus[46] de ce jeune gentilhomme. Coconat, que Charles IX voulut entendre lui-même, raconta pour se sauver ce qu'il savait, ce qu'il avait ouï dire et ce qu'il imaginait. Il marchanda sa vie tant qu'il put, accusant tous les Montmorency, afin de gagner l'indulgence de la Reine-mère, qui les détestaient comme les vengeurs possibles de Coligny, annonçant une insurrection générale où les Anglais et les Allemands interviendraient à la ruine du royaume.

Quoi qu'en dise Marguerite, c'était un crime d'Etat au premier chef que de provoquer une guerre civile. Encore le roi de Navarre et le prince de Condé pouvaient-ils alléguer pour leur défense l'irréparable offense reçeue à la Saint-Barthélemy et la contrainte en leur conscience d'aller à la messe[47]. Quant au duc d'Alençon, il n'avait d'excuse que son ambition[48]. Mais Marguerite était obligée de les absoudre tous. Après sa réconciliation avec son mari, devenu de roi de Navarre roi de France, elle ne pouvait représenter comme un factieux le vainqueur des factions. Elle devait même indulgence à son frère sous peine d'avouer qu'elle avait été aussi longtemps qu'il vécut la dupe ou la complice d'un conspirateur. Même si elle le savait coupable, elle pensait peut-être qu'il y avait pour un fils de France des privilèges d'Etat. De ses serviteurs, dont un, La Molle, lui était particulièrement cher, elle parle comme s'ils avaient été enveloppés dans un malheur immérité. Elle réduit à des présomptions une tentative où il allait de la sécurité du royaume, et, si le Roi régnant venait à mourir, de l'ordre de succession dynastique, les partisans des princes étant les ennemis du roi de Pologne, héritier présomptif.

Ce furent des raisons d'Etat et les plus légitimes qui dictèrent les poursuites et les mesures de rigueur. Le courroux de Charles IX était si grand, que les ambassadeurs d'Angleterre crurent les princes en danger. Elisabeth envoya Leighton pour appuyer les sollicitations de son agent ordinaire, le Dr Dale, en faveur du roi de Navarre et du duc d'Alençon[49]. C'était les compromettre encore plus, la Cour de France sachant qu'elle leur avait promis en cas de révolte des soldats et de l'argent. Au vrai, ils étaient protégés par le sang royal.

La Molle et Coconat payèrent pour ces irresponsables. Ils furent condamnés par la Grand'Chambre et la Tournelle réunies, comme crimineux de lèse-majesté, à être décapités sur un échafaud en place de Grève ; les corps sciés en quatre quartiers, qui seront attachés à quatre potences hors les principales portes de cette ville, et les têtes plantées sur un poteau en ladite place de Grève. Les sympathies qu'ils inspiraient au dedans et au dehors du royaume ne les sauvèrent pas. La reine d'Angleterre, qui avait conservé un souvenir ému des grâces de La Molle, fit demander par le Dr Dale communication des pièces de la procédure avant l'arrêt. Sans s'émouvoir de cette prétention impudente, Catherine expliqua froidement qu'elle avait à cœur de réconcilier le roi de Pologne et le duc d'Alençon et qu'il importait de supprimer ces deux fauteurs de discorde, La Molle et Coconat[50].

Parmi les diverses raisons qu'elle avait d'en vouloir à La Molle, lit-on dans une relation protestante de l'Entreprise de Saint-Germain, il y avait quelque chose qui ne se peut dire[51]. Il s'agit sans doute de sa liaison avec Marguerite. Coconat, cher à deux grandes dames, le duc de Nevers et le maréchal de Retz savent ce que c'est, dit cet anonyme médisant, avait de nombreuses raisons d'être odieux à beaucoup d'hommes. De son propre aveu, dans son interrogatoire, Charles IX le considérait comme un méchant homme[52]. Comment pouvait-il se faire illusion sur son sort ?

Les deux condamnés avaient été conduits à la chapelle de la Conciergerie et attachez à deux anneaux, chacun d'un côté de la dite chapelle, comme hommes séquestrez à la mort[53]. C'est là qu'épuisés et rompus par la torture, Sorbin de Sainte-Foi, aumônier de Charles IX, retrouva ces deux galants de Cour. Avait-il charge de leur arracher quelque nouvel aveu ou était-il simplement mû de commisération. Entre autres choses, dit-il, les exhortay tous deux de vouloir en satisfaction de leurs péchez aviser en quelle façon ils pourroient faire service à Dieu, qui lui peust estre agréable, tant en descouvrant les coupables de tel malheur qu'en deschargeant les innocens. Coconat demanda qu'on mît La Molle près de lui pour adviser à ce dont ils pourroient se souvenir pour le service du Roy. Il achemina donc à parler, c'est Sorbin qui en témoigne, ce silencieux compagnon, qui se résolut à dire en présence des magistrats et de plusieurs autres personnes et requit l'aumônier de redire à Leurs Majestés ce qui touchait à l'honneur de Dieu et conservation de l'Estat[54].

Le désespoir des deux misérables s'épancha en cris d'indignation, non contre les princes, qu'ils ne voulaient pas savoir coupables, mais contre le maréchal de Montmorency, qui n'avoit jamais été fidèle serviteur du Roi, contre Damville son frère, si puissant en Languedoc que le Roi ne pourra s'accommoder de cette province, tant qu'il en sera gouverneur, contre Turenne, leur neveu, qui poussait Monsieur à s'enfuir, contre le duc de Bouillon, qui offrait de le recevoir dans sa forteresse, Sedan. Ce sont les grands, ces fauteurs de désordre, dit La Molle, qu'il faudrait punir. Et Coconat, frappant du pied, redoublait : Messieurs, vous voyez, les petits sont punis et les grands qui ont fait la faute demeurent ; il faudrait s'attaquer aux sieurs de Montmorency, Bouillon, Thoré, et Turenne, qui veulent troubler le royaume, comme on en voit les effets[55].

A la première nouvelle du jugement le duc d'Alençon, ou dans un sursaut de pitié, ou aux instances de son entourage, fit un suprême effort pour sauver ceux qui périssaient par sa faute et pour sa cause. Il s'humilia devant son frère et, n'obtenant pas leur grâce à ce prix, il alla supplier sa mère à deux genoux de leur épargner au moins l'ignominie d'une mort publique. Catherine persuada au Roi de les faire exécuter en secret. Mais le messager d'indulgence trouva la porte de Saint-Antoine fermée et perdit du temps à se la faire ouvrir. Quand il parvint au Palais, il était trop tard[56].

C'était l'usage du Parlement, pour prévenir l'abus des grâces royales, de faire suivre l'arrêt de l'exécution. Aussitôt après la sentence, les deux condamnés furent conduits en place de Grève sur l'échafaud. La Molle, qui devait être dépêché le premier, admonesté de dire la vérité et descharger sa conscience, déclara que Cosme Ruggieri ne savait pas le complot, mais que Grantrye le savait. On le fit mettre à genoux et, admonesté derechef de dire la vérité et descharger sa conscience, a répondu ne savoir autre chose que ce qu'il a dit[57] et alors a esté bandé tenant la croix à la manière accoutumée et, pendant qu'il faisait une dernière prière et que les assistants chantaient le Salve Regina, il fut décapité d'un seul coup.

Coconat dénonça encore plusieurs grandes entreprises sans pouvoir les spécifier. Il demanda au peuple de prier Dieu pour lui et à l'exécuteur lui ôter son bandeau, ce qui fut fait. Et après avoir affirmé une seconde fois qu'il ne savait autre chose que ce qu'il avait dit, il fut incontinent décapité.

Ce procès criminel où des princes du sang et des maréchaux de France étaient compromis, et une reine et de très grandes dames soupçonnées de complicité, excita si vivement les imaginations que, dans les récits qui en coururent, il n'est pas facile de distinguer la vérité de la légende. L'intervention du duc d'Alençon, le refus de Charles IX et son consentement final à la prière de la Reine-mère, le départ et l'arrivée tardive du messager, tous ces faits et quelques autres détails paraissent certains, et, en tout cas, ils ne sont pas contraires aux documents. Mais ce qui l'est, c'est d'imaginer que le premier président, de Thou, pour aller plus vite, ait fait supprimer sur l'échafaud la proclamation de la sentence. Le procès-verbal porte que le cri, comme on disait, a été fait. On ne sait que croire de ce courrier officieux qui, allant plus vite que le messager officiel, aurait prévenu de Thou de l'adoucissement de la peine. Ce serait le parfumeur de la Reine-mère, maître René, qui, instruit de la concession du Roi, se serait hâté d'en avertir le chef de la justice. Était-ce par humanité ou par haine, pour conjurer ou précipiter l'exécution ? Agissait-il de sa propre initiative, ou, comme on l'a supposé, à l'instigation de la Reine-mère, qui, désireuse de se rendre agréable au duc d'Alençon, tentait une démarche dont elle savait que La Molle et Coconat ne profiteraient point[58].

Autre conte, où il n'y a qu'une moitié, la première, de véritable. Sur la charrette qui le portait à la mort, La Molle marmonnait en suprême oraison : Dieu ait merci de mon âme et la benoîte Vierge ; et cependant fidèle à l'autre adoration de sa vie : Recommandez-moi, aurait-il dit aux spectateurs, aux bonnes grâces de la reine de Navarre et des dames. Est-il possible que ce modèle de discrétion ait chargé de cet hommage public les archers qui l'escortaient et la foule du peuple qui le regardait passer.

Le roi de Pologne, averti de l'arrestation, appelait de tous ses vœux la nouvelle du supplice en une forme infamante, la pendaison réservée aux roturiers[59].

A cette déclaration de haine, répondaient à Paris les manifestations d'amour. Les maîtresses des condamnés firent étalage de leur douleur. Brantôme n'ose, par respect, nommer ces grandes, et même pour dérouter la curiosité, il a transformé le complot en expédition militaire, mais personne ne s'y est trompé et lui-même aurait été fâché qu'on ne reconnût pas dans ces amantes éplorées la duchesse de Nevers et la reine de Navarre. J'ay cognu deux belles et honnestes dames, dit-il, lesquelles, ayant perdu leurs serviteurs en une fortune de guerre, firent de tels regrets et lamentations et montrèrent leur deuil par leurs habits bruns, plus les testes de mort et toutes sortes de trophées de mort qu'elles portaient en leurs affiquets, joyaux et bracelets, qui les escandalisèrent (c'est-à-dire qui les rendaient un sujet de scandale) et cela leur nuict (nuisit) grandement, mais leurs marys ne s'en sousyoyent aultrement[60].

De tout temps les poètes et, à l'époque de la Renaissance, les néo-platoniciens associèrent l'idée de la mort à celle de l'amour. Le duc d'Anjou, comme symbole de sa passion pour Marie de Clèves avait fait graver sur le plat d'une reliure, leurs initiales entrelacées A. M. D. C. et une tête de mort.

Quand, à son retour de Pologne, il apprit qu'elle n'était plus, il témoigna, dit l'historien Matthieu, en ses larmes, ses paroles, et ses actions que comme il estoit extrême à la haine, il estoit excessif en l'amour. Il demeura plus de huit jours aux cris et aux soupirs, et en public il paraissoit tout couvert d'enseignes et de marques de mort : aux rubans des souliers, il portoit des petites morts, il en avoit aux esguilletes, et plus curieux d'entretenir et de flatter sa passion que de la vaincre et de la guérir, il commanda à Souvray (maître de la garde-robe) de luy faire des paremens de ceste sorte pour six mille écus[61]. Chez le frère et la sœur même outrance de douleur, dans la même forme funèbre.

Est-ce une légende que les deux amoureuses firent enlever la nuit même, pour les mettre en terre sainte, les têtes des suppliciés. Mais ont-elles voulu les enterrer de leurs propres mains, comme raille le Divorce satyrique[62]. Au cours du temps, l'imagination, aidée par le silence de l'histoire, transforma ce devoir de tendresse pieuse en désir de les garder glacées et rigides, yeux clos, lèvres flétries, évocation morbide des plaisirs perdus. L'éditeur des Mémoires de Nevers, Gomberville — un romancier d'ailleurs, — affirma de toute certitude que la reine de

Navarre et la duchesse de Nevers, les avaient fait embaumer pour ne s'en séparer jamais[63]. Il écrivait à l'époque où les survivants du règne d'Henri IV racontaient au jeune Tallemant des Réaux, ce collectionneur d'historiettes, crédule à force de curiosité et par goût de médisance, que la reine Marguerite portait pendus à des crocs, sous le couvert de son ample vertugadin, les cœurs de ses amants. L'esprit moqueur de la nation tournait en facétie macabre ce roman de volupté, de sang et de mort.

La Molle n'avait pas tort de dire que sa mort coûterait la vie de beaucoup d'hommes[64]. Lui et Coconat avaient tant de fois, au cours du procès et même en face de la mort, accusé les Montmorency que le Roi, qui se sentait mourir, et la Reine-mère, qui tremblait pour son fils favori, le roi de Pologne, se devaient de poursuivre les coupables et les suspects. Thoré et Turenne étaient en fuite. Mais le maréchal de Montmorency et le maréchal de Cossé, beau-père d'un Montmorency, s'estimaient innocents et ne pensaient pas à partir. Le Roi les fit arrêter le 4 mai et les fit conduire à la Bastille. Le même jour, il signa la révocation de Damville, et nomma au gouvernement du Languedoc, le fils du duc de Montpensier, le Prince-Dauphin. C'était une mesure plus facile à prendre qu'à exécuter. Ce fils cadet de l'ancien Connétable, gouverneur de cette grande province depuis la résignation de son père, avait en main une armée, une garde de corps albanaise, et la clientèle qu'Anne de Montmorency et lui s'étaient créée dans les trois ordres par un demi-siècle de pouvoir. Dépouillé de sa charge, et redoutant pis encore, il alla droit aux protestants, vers qui, depuis plusieurs mois, il s'acheminait à pas comptés. Lui, qui avait eu longtemps la réputation d'un papiste, signa, le 29 mai 1574, avec les députés des églises du Languedoc une suspension d'armes de sept mois, bientôt suivie d'une alliance formelle. Contre la Cour, qui était l'ennemi commun, il emprunta le secours des huguenots et leur prêta celui de ses forces, de ses ressources et de son crédit. La politique de violence, inaugurée par la Saint-Barthélemy, aboutissait à la division des catholiques et à l'union dans le Midi, en attendant que ce fût dans le reste du royaume, des malcontents des deux religions.

Les mauvaises nouvelles qui survenaient de toutes parts : défection de Damville, prise d'armes de l'Ouest protestant, progrès de Mongomery en Normandie, achevèrent de ruiner la santé de Charles IX. Son courroux contre les impénitents de la rébellion, et aussi l'ambition très noble de laisser en mourant son royaume en paix, exaspéraient son humeur farouche. Il en voulait peut-être moins aux hérétiques en armes qu'aux politiques à l'affût non gueres moins infidèles que les autres, dit son aumônier Sorbin, et qui le trahissoient à veue d'œil, mais avec une prudence si grande et si cautes intelligences, qu'il estoit mal aisé de les surprendre au faict, comme aussi à tous ces gens d'un zèle si tiède qui auraient dû veiller sans cesse sur la seureté de sa vie et protection de ses subjects et qui le secondaient si mal et qui même consentaient à tel malheur[65]. Il chargea les présidents de Thou et Hennequin et les Commissaires, qui avaient informé contre La Molle et Coconat, d'interroger les maréchaux prisonniers, se réservant de les juger lui-même en son Conseil privé. Il envoya le chancelier de Birague poser de nouvelles questions au duc d'Alençon et au roi de Navarre. Aux sollicitations de Leighton en faveur du maréchal de Montmorency, il répondit qu'il était résolu à faire justice, et à coup sûr il aurait fait exécuter l'arrêt, malgré les instances indiscrètes de la reine d'Angleterre. Justicier impitoyable. C'est cruauté, disait-il, d'être clément, c'est clémence d'être cruel[66].

Mais le duc d'Alençon et ses amis s'exagéraient le danger qu'il courait. Catherine n'aurait jamais consenti à laisser verser son propre sang. Le Duc, suant la peur, faisait dire à Londres qu'en cas de mort de Charles IX, il serait mis à la Bastille. Les Anglais, intéressés à brouiller en France, voulaient à tout prix le sauver, pour servir de contrepoids au tyran de Pologne. Le meilleur moyen, c'est, écrivait le secrétaire d'État Cecil, d'acheter ses gardes, mais il y faut beaucoup de circonspection. La moindre imprudence pourrait lui être fatale. Faites en sorte que l'argent soit envoyé en grand secret, et sous des apparences plausibles [67].

Marguerite aurait voulu, elle aussi, libérer son mari et son frère, s'exposant, dit-elle, à perdre sa fortune avec l'affection de Charles IX, qui n'aimoit rien tant qu'elle. Elle ne paraît sensible qu'aux risques de son dévouement et c'est pour s'en faire gloire. Elle ne réfléchit pas que la délivrance des princes et leur apparition à la tête des malcontents donneraient à la révolte un caractère de légitimité, ou peut-être avait-elle cessé de s'en faire scrupule, contrairement à la parole qu'elle s'était donnée de ne pas troubler le royaume du vivant de Charles IX.

Elle allait voir les prisonniers au château de Vincennes, entrant et sortant librement en coche, sans que les gardes regardassent dedans ny que l'on fist oster le masque à ses dames. L'idée lui vint de déguiser en femme le roi de Navarre ou le duc d'Alençon et de l'emmener avec elle. Mais, remarque-t-elle malicieusement, comme ils ne pouvaient à cause de la surveillance sortir tous deux ensemble et bien qu'il suffît qu'il y en eust un dehors pour assurer la vie de l'autre, jamais ils ne se peurent accorder lequel c'est qui sortiroit, chacun voulant estre celuylà et nul ne voulant demeurer[68]. C'est souligner que compagnons d'infortune, ils ne l'étaient pas de senti ment.

Ce dessein ne se peust donc exécuter, mais les princes furent sauvés, dit-elle, par un moyen bien misérable pour moy, Charles IX mourut, ce Charles IX, à qui pourtant elle n'aurait pas craint de créer les plus graves embarras, en lâchant en liberté le chef des huguenots ou le chef des politiques. Elle a vraiment bonne grâce à déplorer la perte de ce frère tout l'appuy et support de sa vie, dont elle n'avait receu que bien et qui, en toutes les persécutions que le duc d'Anjou lui fit à Angers, l'avait tousjours assistée, et advertie et conseillée[69]. Bref, conclut-elle, je perdois en luy tout ce que je pouvois perdre. Oui, mais par une inconséquence de cœur, elle avait été l'amie et la confidente ou la complice de ses ennemis.

Cette plainte sur la mort de Charles IX sert de prélude aux attaques contre Henri III.

 

 

 



[1] Comparer l'état de la maison de Marguerite en 1572-73, Archives Nationales K K 158 et en 1578 ; ibid., K K 168. A l'occasion, dans l'intervalle, la Reine-mère prêtait à sa fille des dames ou demoiselles, comme dans le voyage à Spa, où Mlle de Tournon qui y mourut est, indique Marguerite elle-même, de la suite de la Reine-mère.

[2] Guessard, p. 188.

[3] Mémoires pour servir à l'Histoire de France depuis 1515 jusqu'en 1611, Cologne, 1719, t. I, p. 26.

[4] Adversus Jovinianum dans les Opera divi Hieronymi Ecclesiae Doctoris, Anvers, 1579, t. I, l. I, chap. XXVII, p. 160 B. Il y a un conte du même genre dans Plutarque, mais il s'agit d'Hiéron de Syracuse et de sa femme, une Grecque.

[5] Voir aussi Divorce satyrique, Réaume, t. II, p. 664.

[6] Brantôme, t. IX, pp. 553-554, La salle de Bourbon, c'est la salle du palais dit Petit-Bourbon, construit au XIVe siècle, par Louis II, duc de Bourbon, et démoli sous Louis XIV. Elle était assez grande pour contenir la foule courtisane des fêtes solennelles, comme au mariage de Marguerite. Là aussi, se tint la séance d'ouverture des Etats généraux en 1614. Dans la chapelle du Palais, les rois de la maison de Bourbon allaient souvent entendre la messe.

[7] Alfred Michiels, pp. 307-315.

[8] Hélyot, Histoire des Ordres monastiques, t. VIII, p. 319. Sauval, Histoire des antiquités de Paris, 1743, t. II, pp. 208-211.

[9] Brantôme, t. VII, pp. 371-372.

[10] Brantôme, VIII, pp. 33-34.

[11] Brantôme, VIII, p. 40.

[12] Brantôme, VIII, p. 25.

[13] Mariéjol, Catherine de Médicis, pp. 199-200 et passim.

[14] Lettres de Catherine, t. IV, p. 225, 30 mai 1573.

[15] Guessard, p. 37.

[16] Mémoires, p. 231.

[17] Lettre de Ludovic de Nassau à son frère Guillaume d'Orange, décembre 1573, Groen van Prinsterer, t. IV, p. 279.

[18] Groen van Prinsterer, t. IV, p. 281.

[19] Sur les menées des huguenots, Turenne, pp. 47-53.

[20] Kervyn de Lettenhove, t. III, p. 292.

[21] Guessard, pp. 37-38.

[22] Guessard, p. 38.

[23] Kervyn de Lettenhove, t. III, pp. 107-109.

[24] Turenne, pp. 18-19.

[25] Turenne, pp. 19-20.

[26] Le comte de Brissac avait été tué d'un coup d'arquebuse au siège de Mussidan (28 avril 1569), Brantôme, t. VI, p. 141.

[27] Turenne, pp. 38-39.

[28] Lettres, IV, p. 296. Elle parle encore de La Molle (Ibid., p. 295) comme d'une personne qui a été nourrie près de nous et se peut dire de nostre pain.

[29] Groen van Prinsterer, t. IV, p. 375, lettre du roi de Pologne à Nançay.

[30] Turenne, p. 51.

[31] Mémoires pour servir à l'Histoire de France... depuis 1515 jusqu'en 1611, Cologne, 1719, 2 vol., t. Ier, pp. 30-31.

[32] Brantôme, t. VII, p. 360.

[33] Cheverny (anno 1573), p. 232.

[34] Cheverny, p. 232.

[35] Turenne, p. 58.

[36] Guessard, p. 39. Voilà pour la seconde fois une allusion aux ennemis des princes du sang et des Valois, qui ne peut s'appliquer qu'aux Guise. A la date où elle écrivait ses Mémoires, vingt-cinq ou vingt-six ans après, elle voudrait faire croire qu'elle a toujours eu pour suspecte l'ambition des Guise et qu'elle n'a jamais eu de rapports avec les chefs de la Ligue.

[37] C'est lui qui avait fait don à Marguerite d'une robe magnifique qu'il tenait du Grand Seigneur. Elle la portait à Blois le jour des Pâques fleuries. Brantôme, t. VIII, pp. 37-38.

[38] Guessard, p. 8.

[39] Mariéjol, Histoire de France de Lavisse, t. VI, r, pp. 149-150.

[40] Guessard, p. 185-194.

[41] Guessard, p. 40.

[42] Le Procès criminel dans Mémoires de l'Estat, III, p. 159-202. Je cite d'après le texte des Archives curieuses, t. VIII.

[43] Archives, p. 131.

[44] Archives, p. 174.

[45] Archives, p. 175.

[46] Brantôme, I, p. 349.

[47] Turenne, p. 748.

[48] Turenne, p. 45.

[49] Calendar, pp. 495-496, 499-500.

[50] Kervyn de Lettenhove, IV, p. 326.

[51] Mémoires de l'Estat de France, t. III, p. 152.

[52] Archives curieuses, VIII, p. 220.

[53] Relation de Sorbin de Sainte-Foi, aumônier de Charles IX, Archives curieuses, VIII, p. 283.

[54] Archives curieuses, p. 286.

[55] Archives curieuses, VIII, pp. 218-219.

[56] Lettres de Catherine, t. IV, pp. 303-304, note.

[57] Archives curieuses, t. VIII, p. 219.

[58] De Crue, Le Parti des politiques, pp. 190-199. Merki, La reine Margot, pp. 94-95.

[59] Groen van Prinsterer, Lettre du roi de Pologne à Nançay, 16 mai, t. IV, p. 375.

[60] Brantôme, t. IX, p. 122.

[61] Pierre Matthieu, Histoire de France, p. 406, Paris 1631.

[62] Divorce satyrique, éd. Réaume, II, p. 659.

[63] Mémoires du duc de Nevers, I, p. 75.

[64] Archives curieuses, t. VIII, p. 216.

[65] Archives curieuses, VIII, p. 303.

[66] Archives curieuses, VIII, p. 340.

[67] Cité dans Les lettres de Catherine de Médicis, t. IV, introd., p. 206.

[68] Guessard, p. 40.

[69] Guessard, p. 41.