THIERS — 1797-1877

 

XVI. — INSURRECTIONS. - ATTENTATS. - DIPLOMATIE.

 

 

Après la défaite des insurgés de juin, le gouvernement bénéficie de quelques mois de tranquillité. Thiers prend la parole à l'ouverture de la session, les 4 et 8 janvier 1834, pour en défendre la politique intérieure et extérieure. Il proclame l'ordre aussi important que la liberté, où l'on ne peut avancer le pays que pas à pas ; le gouvernement a pour système la modération en tout : liberté de la presse, pas de lois d'exception, lente extension des droits électoraux ; au dehors, pas d'aventures, et l'intervention uniquement là où elle s'impose, dans notre voisinage immédiat. En passant, il répond à une attaque formulée par Chateaubriand : Il a fondé l'école admirative de la Terreur, et répétée par d'autres : Je défie qui que ce soit — une de ses formules favorites — de trouver dans mon Histoire de la Révolution une ligne qui excuse le crime parce qu'il a fait de grandes choses. Je suis peut-être le seul écrivain arrivé au gouvernement qui ait consenti à laisser imprimer quatre fois un livre qu'il avait écrit lorsqu'il était dans l'opposition, et qui n'a pas voulu qu'une ligne fût changée.

Les sociétés secrètes ont travaillé dans l'ombre. La Société des Droits de l'Homme remplace les Amis du Peuple ; elle comprend 163 sections de 3.260 membres, soit 20 par section, pour tourner la loi qui interdit les associations dépassant ce chiffre, et éviter l'œil de la police. Elle a un organe à Paris, la Tribune, et un à Lyon, le Précurseur. Or, en février 1834, l'industrie lyonnaise traverse une crise ; la baisse des salaires provoque une grève ; le ministre de l'Intérieur recommande la modération en présence de désordres qui s'étendent à Saint-Étienne et à Paris. Le calme se rétablit promptement, mais le gouvernement, convaincu que les sociétés républicaines provoquèrent ces désordres, dépose en mars un projet de loi soumettant toutes les associations à l'autorisation, et déférant les infractions non plus au jury, mais au tribunal correctionnel. Thiers défend vigoureusement ce projet, qui, âprement discuté, passe par 246 voix contre 154.

Aussitôt, les Droits de l'Homme font appel à l'insurrection. Il faut à l'Intérieur un ministre énergique qui ne craigne pas les responsabilités ; le roi profite d'un remaniement nécessité par le départ du duc de Broglie à la suite du rejet par la Chambre du traité relatif à l'indemnité américaine, pour y nommer Thiers qui conserve en même temps les Travaux publics. Ses premières instructions recommandent aux préfets la modération, mais aussi, en cas d'attentat contre l'ordre, la plus énergique répression. Laissez tirer les premiers coups, mais quand vous les aurez reçus, agissez sans ménagements. Mouvement purement politique et anarchiste, cette fois, et, le 9 avril, premier choc entre la troupe et les insurgés. Thiers se prépare à partir pour Lyon avec le duc d'Orléans quand arrive la nouvelle de la défaite de l'insurrection. Le 13 au matin, il félicite le préfet à qui la France doit d'éclatants témoignages, en lui recommandant de n'avoir pas la faiblesse d'évacuer la ville, où il faudrait rentrer à grands frais par un siège.

Paris est calme. Thiers a coffré 150 chefs des Droits de l'Homme et saisi les presses de la Tribune. Ils devaient nous attaquer cette nuit, et ils n'ont pas fait un signe... L'insurrection sera écrasée. Le soir même, les barricades se dressent. Aux premiers coups de feu, le conseil des ministres s'assemble : Thiers dispose de 40.000 hommes commandés par Bugeaud ; il promet de se rendre maître. de la situation. L'insurrection se concentre dans le quartier Saint-Denis. Bugeaud la prendra entre deux feux : deux colonnes partiront des portes Saint-Denis et Saint-Martin, sous les ordres du général Lascours, une troisième partira de l'Hôtel-de-Ville où Bugeaud se rend avec Thiers. Vers minuit, ils prennent la tête d'une petite colonne qui se dirige vers la rue Sainte-Avoye. Ils cheminent le long des maisons, sans autre clarté que celle de rares lumières placées sous des fenêtres et tombant sur les uniformes et sur les armes. Du soupirail d'une cave, un coup de feu part et tue un capitaine aux côtés de Thiers. Le préfet de Police a chargé M. de Vareilles, auditeur au Conseil d'Etat, de lui porter un plan du quartier ; au moment où M. de Vareilles remet le plan au ministre, une décharge venue d'une barricade devant laquelle ils sont arrêtés, tue l'auditeur. La colonne avance ; des meurtriers invisibles font d'autres victimes. Un officier blessé est achevé sur la civière où on le transporte. Le 14 au matin, une attaque générale enlève cinq barricades. Une compagnie du 35e de ligne, de la colonne du général Lascours, reçoit plusieurs coups de feu tirés des fenêtres de la maison située 12 rue Transnonain, au coin de la rue de Montmorency ; le colonel du 35e donne l'ordre de s'en emparer et de ne faire aucun quartier. Le compte-rendu de l'affaire dans le Journal de Paris se termine ainsi : Au troisième, on trouve le cadavre d'un homme ; on dirait la légende de la fameuse lithographie de Daumier ; l'artiste n'a pas exécuté le pendant : un officier blessé, assassiné sur une civière.

Thiers ordonne la dissolution de la garde nationale à Lyon, félicite ses préfets, leur accorde tous moyens de police pour arrêter et perquisitionner. Je vous charge des conséquences, leur dit-il en leur recommandant la plus grande activité. Il s'agit de prouver l'étendue de la conspiration, les ramifications des sociétés de Paris en province. C'est là le but dans lequel on défère les accusés à la Chambre des Pairs. Il faut comprendre dans les poursuites, comme auteurs de provocations suivies d'effets, le Précurseur et la Tribune ; surveiller de près les carlistes, notamment Mme de Saint-Priest, très agissante à Lyon. Comment le préfet a-t-il laissé partir Bourmont ? S'il n'y avait pas de charges en ce moment, l'instruction pouvait en faire naître. On arrête 2.000 suspects, on retient 164 accusés. Procès monstre, dont le parti républicain sort vaincu, déconsidéré ; il n'ose, le 20 mai, accompagner d'aucuns troubles l'enterrement de Lafayette ; il ne lui reste comme moyen que l'assassinat, et il le proclame hautement. Aux élections de juin 1834, Thiers est élu dans trois collèges : Aix, Mirande et le 5e arrondissement de Paris.

Alors se développe le petit jeu des combinaisons ministérielles, des intrigues politiques ; alors germent les causes qui mèneront le régime à sa perte. Dans ce concert, Thiers joue activement sa partie. Il n'y a jamais eu de dissolvant pareil à lui ; nous payons cher son talent de parole, dit Mme de Dino. Avec elle, avec Talleyrand, il garde un étroit contact. Vous avez bien raison d'être jeune, de vous bien porter, et d'avoir prodigieusement d'esprit, écrit le prince. Avec lui seul, tous deux sont liés, ils restent ses amis sincères et comptent sur son amitié le jour prochain où Talleyrand abandonnera son ambassade, sauf à se plaindre à la cantonade d'un dîner où Thiers, au château de Bécon, rapprocha bizarrement une quinzaine de personnes, y compris les Lebrun ; de là un cachet de mauvais goût embarrassant pour la duchesse, et cette réflexion de Talleyrand : Nous venons de faire un dîner du Directoire. Thiers les connaît si bien qu'il objecte au roi, qui songeait au prince pour la présidence du conseil : Mme de Dino ne le voudrait pas. Elle l'avoue. Pendant leurs séjours à Valençay, il les tient soigneusement au courant du détail des crises ministérielles ; ainsi, dès octobre 1834, perçoivent-ils son désir d'arriver à la présidence du conseil sans qu'il ose y prétendre formellement ; mais, trois mois plus tard, il ne cache pas ses visées sur le portefeuille des Affaires Etrangères : Guizot les lui fait abandonner au profit du duc de Broglie.

Le 18 juillet 1834, premier remaniement depuis le départ du duc en avril précédent. On connaît le sobriquet de caserne infligé à Thiers par le maréchal Soult ; bourru, Soult excède de ses exigences abusives à la fois Thiers et Guizot ; ils le mettent en échec sur la question du gouvernement de l'Algérie,-où, contre son avis, ils veulent essayer du régime civil. Ils veulent aussi, en nommant gouverneur le duc Decazes, se débarrasser de ses intrigues politiques. Le maréchal Gérard remplace Soult, et démissionne le 29 octobre, parce qu'il est seul au conseil à vouloir, pour les accusés d'avril, l'amnistie que réclame le tiers-parti. Thiers et Guizot s'accorderaient pour redemander le duc de Broglie. A l'évocation de cette trinité, Louis-Philippe refuse : Je me ferais plutôt piler dans un mortier ! Thiers et Guizot, l'un par lassitude des calomnies, l'autre par dédain, passeraient volontiers le pouvoir au tiers-parti. Le roi accepte leur démission. Il voudrait Thiers sans Guizot. Il a personnellement du goût pour lui. Il en connaît les inconvénients : Quand je voyage avec M. Thiers, nous couchons dans la même chambre ; je lui donne le choix entre deux lits, et je le trouve toujours dans le mien. Tous deux échangent des douceurs : Vous voudriez me faire croire que vous ne tenez pas à un portefeuille ?Sire, toutes les fois que Votre Majesté m'a dit qu'Elle n'avait accepté qu'avec désespoir le fardeau de la couronne, je l'ai toujours crue. Avec ses intimes, Thiers ne se gêne pas sur le compte du roi : l'esprit, le caractère et le cœur d'un parvenu, un manque de dignité prouvant un défaut du sentiment de respect que l'on doit à la royauté ; le roi s'oublie parfois lorsqu'ils discutent ; n'importe : ils n'en sont après que meilleurs amis. Ils s'entendent parfaitement. Le roi lui applique ce vers : Quand je ne l'aimais pas, toujours il me plaisait. Malgré tout, Thiers ne cède pas au désir de Louis-Philippe et ne se laissé pas séparer de Guizot. Le roi s'adresse au comte Molé, qui ne réussit pas à mettre sa combinaison sur pied. Dupin se dérobe, pousse en avant son frère et ses amis, .d'où résulte le 10 novembre un ministère hétéroclite présidé par Bassano, qui dure trois jours et sombre dans le ridicule : la journée des Dupins ! Le roi revient à Thiers et à Guizot ; ils se donnent pour président le maréchal Mortier, qui démissionne le 20 février 1835. Le roi tergiverse. Le public s'impatiente. Il faut bien en revenir au duc de Broglie, et, le 12 mars, le ministère du 11 octobre se reconstitue : Broglie à la présidence et aux Affaires Etrangères, le maréchal Maison à la Guerre, Thiers à l'Intérieur, Guizot à l'Instruction publique. Tous continuent à vouloir une résistance éclairée et ferme à tous les excès révolutionnaires ou contre-révolutionnaires. Quoi qu'on en dise, le roi est très content de son cabinet ; en réalité, il estime politiquement beaucoup les doctrinaires, et, pour lui, la politique passe avant tout.

Issue d'une révolution, la royauté de Juillet porte à faux. L'attitude personnelle du roi contribue à fausser davantage le régime. Il se croit parfaitement capable de gouverner seul son royaume. Tout son effort y tend. Il a subi Casimir Périer. Il prolonge les crises ministérielles parce qu'alors il gouverne. Il ne les résout que contraint et forcé. Au cours de celle qui suit la retraite du maréchal Gérard en octobre 1834, il cherche à convaincre Thiers et Guizot : Qu'avez-vous besoin d'un président du conseil ? Est-ce que vous n'êtes pas d'accord entre vous ? Est-ce que je ne suis pas d'accord avec vous ? Vous avez la majorité dans la Chambre ; vous y faites les affaires comme vous l'entendez, et je trouve que vous les faites bien ; pourquoi s'inquiéter d'autre chose ? A un bal des Tuileries, Thiers se plaint aigrement à Cuvillier-Fleury de l'attitude du roi : il veut tout faire, il parle et n'écoute jamais, il prétend diriger seul les affaires étrangères... point sensible, car Thiers songe à ce portefeuille. Un écrit paraît, Un constitutionnel aux constitutionnels, Rœderer soutient que le roi doit prendre l'avis de ses ministres, et décider seul ; Thiers a dans son tiroir la preuve que le roi rédigea une bonne partie de ce pamphlet.

La volonté de rester seul maître porte le roi à commettre la faute capitale de séparer Thiers de Guizot. Dupin et le tiers-parti aident à cette opération. Certes, les natures de ces deux ministres sont trop dissemblables pour jamais fusionner, mais ils tendent au même but : conserver ce qui existe. En 1835, Thiers se jugeait et jugeait Guizot : M. Guizot ne va pas souvent assez loin ; je le pousse. Je tends parfois à dépasser le but ; il me modère. Nous avons besoin l'un de l'autre ; nous nous complétons l'un par l'autre. Est-ce que nous pouvons nous séparer ? Et il défend plaisamment les doctrines de Guizot où le député Chamarande découvre des contradictions à vingt ans de date, entre le livre où Guizot les exprima et son attitude actuelle ; ce député gémit sur la gravité de la situation : Parce-que vous comprenez mal un livre, dit Thiers, la situation n'est pas plus grave pour cela. Il confirme à Cuvillier-Fleury l'appui qu'il trouve auprès de Guizot. Fatalement, l'effort persistant du roi, les manœuvres du tiers-parti agiront à la longue. Ce parti oppose constamment Thiers à Guizot. Odilon Barrot souligne tout ce qui peut les diviser. En janvier 1835, on discute les fonds secrets ; l'opposition prend vivement Guizot à partie ; Thiers le voit engagé sur un terrain dangereux ; il parle, et s'attache à se nuancer, à se montrer plus que son collègue l'homme de la Révolution de 1789. Les journaux accentuent le désaccord, le transforment en contradiction flagrante. Le roi, les partis, la presse jettent les semences d'une rivalité qui éclatera bientôt et portera tous ses fruits, amers pour le régime.

Ce régime, Thiers s'en estime quelque peu l'auteur et continue à le défendre dans le pays, à la tribune. Il en montre les bienfaits : quatre ans après la révolution, pas un échafaud dressé, le pays tranquille, le déficit fermé, la prospérité plus grande qu'en 1829, résultats dus à l'ordre et à la sécurité. Tout en travaillant pour la liberté, nous n'avons jamais cessé de croire qu'il faut à la France un gouvernement monarchique. Il définit, il explique à satiété le régime constitutionnel ; il apprend à la Chambre le bon fonctionnement du parlementarisme, en choisissant ses exemples en Angleterre où il l'a étudié. Vouloir la monarchie et la liberté est une vérité, car la France est à la fois monarchique et libérale. Les leçons qu'il donne à la Chambre demeureront vaines ; impuissant, il la verra fausser le régime de ses rêves. Libéral, il veut l'ordre et un pouvoir fort. Il combat l'amnistie demandée pour les accusés d'avril ; autant dire aux agitateurs : Attaquez encore la société, car, si vous êtes pris, si les tribunaux sont prêts à vous condamner, voilà les Chambres qui vous accorderont votre grâce. Tout ce qu'on donne à la violence, on l'enlève à la justice. Si l'on décidait l'amnistie, il faudrait qu'elle fût un acte de puissance.

Il sait ce qu'il dit. Ce qui se trame dans l'ombre l'inquiète. En juin 1835, des jeunes gens doivent se grouper à l'entrée des Champs-Élysées, place de la Concorde, et jeter des boites d'artifices dans la voiture du roi venant de Neuilly. Il l'apprend. Il propose au roi de prendre sa place. Le roi veut jouer lui-même sa partie. Les conspirateurs se sentent surveillés et ne bougent pas. On les arrête peu après, rue Mauconseil.

Le 28 juillet, neuf heures du matin. Un soleil splendide. Le roi sort des Tuileries. Il va poser la première pierre de la colonne de la Bastille. Il porte la tenue de général de la garde nationale. Il monte un gris-pommelé, le Régent, cheval de parade bien dressé. Les ducs d'Orléans et de Nemours, le prince de Joinville, le duc de Broglie, Thiers, le maréchal Maison, l'amiral de Rigny, les maréchaux Mortier et Lobau, un nombreux état-major, l'accompagnent. Guizot, l'amiral Duperré, Duchâtel, Humann et Persil accompagnent la reine et les princesses à la Chancellerie, place Vendôme, où le roi s'arrêtera, une fois la revue terminée, pour assister au défilé. J'espère que vous nous le ramènerez vivant, dit Mme Adélaïde à Thiers. Habit brodé d'or, pantalon de casimir blanc, taille serrée d'une ceinture blanche, ses croix sur la poitrine, la tête presque complètement disparue sous un chapeau à plumes, le petit ministre enfourche son cheval. Le roi passe devant le front de bandière de la garde nationale, qui occupe le côté droit de la chaussée. Il parcourt les Champs-Elysées, la rue Royale, les boulevards. La foule encombre les contre-allées aux vieux ormes feuillus. Les femmes portent des robes de jaconas, de grandes manches à gigot, d'énormes chapeaux de paille, et des cothurnes. Du bruit et de la gaieté. Profusion de drapeaux. Un nuage de poussière : on n'a pas arrosé. De nombreux marchands de coco abreuvent la foule. Des gamins, munis d'une boîte et d'une mèche allumée, offrent des cigares et du feu. Des curieux à toutes les fenêtres, sur tous les toits. On agite mouchoirs et chapeaux. On crie : Vive le Roi ! Louis-Philippe salue de la main, quelquefois du chapeau. Près de lui, le comte de Laborde reçoit les pétitions. Le cortège occupe toute la largeur de la chaussée. Une inquiétude règne. La face de bouledogue du maréchal Lobau se renfrogne encore plus que de coutume ; il fronce les sourcils en regardant les fenêtres. 50 boulevard du Temple : partout ailleurs, il y a du monde et des drapeaux ; là, au 3e étage, il y a une jalousie baissée. Personne n'eut l'idée de voir ce qui se passait derrière. Cependant, l'avant-veille, Thiers autorisa Gisquet, le préfet de Police, à donner quelque argent à des délateurs qui annonçaient un attentat. La veille, Gisquet, à tort, n'attacha aucune importance à deux rapports du commissaire de police Dyonnet, qui signalait l'ouvrier lampiste Boireau, mêlé à une conspiration ; ce matin même fut signé l'ordre d'arrestation de Boireau ; on ne l'arrêtera que dans la soirée.

Vers midi, le cortège défile devant cette jalousie baissée. Une sorte de feu de peloton, parti de là, le fauche. Des morts, des mourants gisent sur la chaussée. Le maréchal Mortier est tué. Me voici ! crie le roi en éperonnant son cheval et agitant son chapeau. Une formidable acclamation le salue. Une balle lui effleura le front. Il se tourne vers Thiers et lui tend la main : Soyez tranquille, je vis et je me porte bien. Il continue la revue. Thiers, son pantalon blanc éclaboussé de sang, donne des ordres, lance soldats et sergents de ville à l'assaut de la maison maudite, et procède aux premières investigations.

Pépin, l'un des criminels, fut en relations avec le National ; on arrête Carrel et un certain nombre de journalistes républicains qui ont annoncé l'attentat : il l'avait été en Suisse, également par les républicains. Le 3 août, interrogatoire de Fieschi en présence du baron Pasquier, du procureur général, du grand référendaire et du ministre de l'Intérieur. Le 4, ce dernier dépose les projets de lois destinés à museler la presse. Elles réforment la procédure devant la cour d'assises, rangent au nombre des délits de presse l'offense au roi, à la dynastie et à la monarchie constitutionnelle, et soumettent la publication des dessins à l'autorisation préalable. Les actes de haute trahison et les attentats contre la sûreté de l'Etat seront désormais passibles de la juridiction de la Cour des Pairs. La discussion, où Thiers riposte vertement à Royer-Collard, dure du 25 au 29 septembre. Les lois sont votées par 226 voix contre 153. Elles sont l'œuvre de Thiers, seul moyen, à son gré, de sauvegarder les institutions. Elles lui valent un nouveau déferlement d'inimitiés et de haines.

A la nouvelle de l'attentat, la duchesse de Dino lui envoie de Wolfsberg un billet affectueux. Il répond par une longue lettre. Les dangers personnels auxquels il échappa ne le touchent guère : Le seul chagrin, chagrin accablant, c'est l'immense responsabilité attachée à mes fonctions ; je suis debout jour et nuit. ' Je suis à la Préfecture de Police, aux Tuileries, aux Chambres, sans me reposer jamais, et sans être sûr d'avoir pourvu à tout car la fécondité du mal est infinie, comme dans toute société déréglée, où on a donné à tous les bandits l'espoir d arriver à tout, en mettant le feu au monde. Ils se revoient au début de septembre. Elle le trouve vieilli, souffrant de fatigue et d'épuisement. Chaque jour, un nouveau complot à déjouer. Et puis, lui en veut, à elle comme à Talleyrand : liés intimement avec Royer-Collard, ils auraient dû empêcher le doctrinaire de parler contre les lois sur la presse. Thiers boude pendant deux jours. C'est tant mieux, sans doute, car Talleyrand lui aurait dit son sentiment sur l'inconvenance des articles qu'il fait ou inspire contre Royer-Collard dans le Journal de Paris. Les hommes qui n'ont pas eu une première éducation ont bien de la peine à se grandir : à la première contradiction, le bout de l'oreille perce. La duchesse reconnaît que c'est encore lui qui vaut le mieux dans le ministère : Il a du cœur, outre son esprit, mais il aurait besoin d'être bien entouré, et il l'est très mal. Royer-Collard ne cache pas combien il est peiné de l'avoir blessé. Le 30 décembre, à dîner chez Talleyrand, Thiers se retrouve brillant causeur, étincelant de verve ; mais dans un coin, il confie à Mme de Dino que Bergeron, qui tira le coup de pistolet du Pont-Neuf, veut tenter une nouvelle entreprise.

En même temps que ces événements se déroulent à l'intérieur, deux questions extérieures importantes se posent. D'abord, l'indemnité américaine. La retraite de Broglie ne l'a pas réglée. Les négociations traînent. Au début de novembre 1835, on l'examine en conseil. On écarte toute idée de guerre avec les Etats-Unis, mais il faut en sortir. Thiers émet l'idée que la médiation de l'Angleterre pourrait tout arranger. Le duc de Broglie la repousse, Humann l'approuve, le roi réfléchit. A l'ouverture des Chambres, Thiers, tout en craignant la susceptibilité du duc de Broglie, revient sur son idée, y convertit Duchâtel, et va voir le roi. Il le trouve en compagnie de Mme Adélaïde. Il explique que la médiation publiquement proposée par l'Angleterre mettrait l'Amérique dans son tort en cas de refus. Enthousiasme du roi qui embrasse deux fois son ministre : Ha ! mon cher ministre, vous nous sauvez !... Mais Broglie ! Comment lui faire entendre cela ? Il est si maladroit ! Mais voyez-le, mon cher ministre. Suit une diatribe contre les doctrinaires. Thiers obtient l'adhésion du duc. Il faut maintenant induire l'Angleterre à se poser en médiatrice, sans que la France paraisse y avoir travaillé. Le roi songe à utiliser les bons rapports de son gendre, Léopold Ier, avec lord Palmerston, ministre des Affaires Etrangères de Grande-Bretagne. Ce soir-là, Broglie apprend à Thiers que l'Angleterre demande à la France une alliance offensive et défensive contre la Russie. Le conseil accueille cette proposition. Thiers expose que la question d'Orient amènera fatalement la guerre entre l'Angleterre et la Russie : la France aurait tort de s'engager, mais devrait profiter de cette ouverture pour favoriser la négociation américaine. On rédige la lettre que le roi envoie à Léopold. L'Angleterre comprend que le blocus des ports américains par la flotte française empêcherait les arrivages de coton qui alimentent une industrie nourrissant une énorme population ouvrière, et la négociation réussit comme Thiers l'avait imaginée. Dès ce moment, une confiance étroite s'établit entre le roi des Belges et lui. Ils se consultent et s'entendent pour le bien de leurs pays. Leur correspondance durera même lorsque Thiers ne sera plus ministre, même sous l'Empire, et Léopold Ier, qui fut un profond politique, ne manquera jamais une occasion de se rencontrer avec l'homme d'Etat français.

En Espagne, là situation créée par la mort de Ferdinand VII se compliqua du voisinage de la guerre civile en Portugal où pareillement, une jeune reine, dona Maria, soutenue par les libéraux, lutte contre son oncle, don Miguel, soutenu par les absolutistes. Le gouvernement de Madrid n'ose intervenir à Lisbonne sans l'assentiment de l'Angleterre, qu'il sollicite. De là un traité conclu à l'insu de la France. Talleyrand proteste, et transforme ce traité de la Triple Alliance en traité de la Quadruple Alliance, le 22 avril 1834. Un mois après, don Miguel et don Carlos, vaincus de compagnie, se réfugient à Londres. On espérait quelque tranquillité quand, le 9 juin, don Carlos s'échappe, traverse la France de bout en bout sans être découvert et rentre en Espagne le 10 juillet. Des imbéciles, et ils sont nombreux écrit le duc Decazes au baron de Barante, reprochent à Talleyrand de n'avoir su ni empêché la fuite de don Carlos ; d'autres, encore plus nombreux, s'en prennent à Thiers et à la Police de France qui ne l'ont pas arrêté au passage. Encouragé par la Prusse, l'Autriche et la Russie, le prétendant gagne du terrain.

Un corps français garde la frontière sous les ordres du général Harispe. Thiers propose de le jeter brusquement en Espagne, d'organiser une bande de contrebandiers qui enlèverait don Carlos et le ramènerait en France où on le garderait à vue. Cette suggestion repoussée, il exprime dans une lettre au roi son opinion, définitivement fixée sur la question espagnole. Certes, il reconnaît la haute prudence de Louis-Philippe, mais Louis XIV, Napoléon, la Restauration cédaient à un instinct sûr et profond en voulant, même au prix des plus grands périls, établir à Madrid un gouvernement ami et homogène avec le nôtre. Il ne faut intervenir qu'avec prudence, en cas d'urgente nécessité, mais à aucun prix ne souffrir la contre-révolution à Madrid. Devant le désaccord qui règne dans le conseil, il offre sa démission, sans éclat ; il souhaite la plus humble sortie du monde. Ses amis lui persuadent que la campagne de calomnies montée contre lui inciterait le public à attribuer à son départ de tout autres causes. Il reste. Sachant don Carlos fourni d'hommes et manquant de munitions, il donne au général Harispe des instructions pour empêcher par un blocus étroit les arrivages d'armes. Il lui indique une voie d'eau à Bayonne. Il lui envoie des agents connaissant à fond les carlistes et la frontière, Roger, le commissaire Joly, et l'engage à se méfier d'un intermédiaire douteux, nommé Rouvier, placé auprès de don Carlos. Sans repousser les ouvertures de ce dernier, il ne faut à aucun prix s'engager : ce serait trahir la reine.

Don Carlos continue à gagner du terrain. Le 17 mai 1835, la cour de Madrid demande formellement au gouvernement français la coopération prévue au traité de la Quadruple Alliance. Avant le conseil, Thiers, nettement partisan de l'intervention, discute longuement la question avec le roi, non moins nettement opposé à l'intervention. Thiers veut se retirer ; le roi s'efforce de l'en empêcher : cette retraite briserait le cabinet. Le conseil conclut à l'envoi à l'Angleterre de trois questions : approuve-t-elle l'intervention ? Y participerait-elle ? Se solidariserait-elle avec la France ? Réponse négative sur les trois points. Alors le cabinet se divise. Le 6 juillet 1835, Thiers expose à ses collègues les conditions auxquelles il consentira à rester : il ne cachera pas son opinion personnelle et ne défendra pas à la Chambre celle du cabinet ; on répondra à l'Espagne que, l'Angleterre refusant d'intervenir, la France n'interviendra pas pour le moment, mais sans préjuger l'avenir ; on enverra la Légion étrangère au secours de l'Espagne à qui on accordera en France le droit de recrue ; les flottes anglaise et française bloqueront les côtes d'Espagne. Sur ce, le 8, conseil chez le roi. Thiers arrive le dernier. Le roi vient au-devant de lui et lui prend les mains. Mon cher ministre, quel service vous me rendez en consentant à rester, car c'est éviter la dissolution du ministère. — Le roi sait à quelles conditions je consens à rester ?Oui, oui, j'ai vu le duc de Broglie ; ce n'est plus maintenant qu'une question de rédaction. Louis-Philippe le croit prêt à toutes les concessions. La discussion s'engage. Le roi finit par déclarer qu'on a l'air de discuter de puissance à puissance. A ces mots, Thiers demande la parole. Guizot voit sa colère prête à éclater, et dit au roi : Mais, sire, si Votre Majesté se prononce ainsi, il n'y a plus dans le conseil de liberté des délibérations !Sire, dit Thiers, nous ne traitons pas de puissance à puissance, mais de conviction à conviction. Mon importance est dans la majorité des Chambres. C'est à elle que je dois d'avoir fait prévaloir beaucoup de décisions dans l'intérêt de votre couronne, et c'est elle qui me donne le droit d'avoir mon opinion dans le conseil et de la discuter. Si cette manière ne convient pas à Votre Majesté, Elle sait le désir que j'ai de me retirer. Plus j'y réfléchis, plus je trouve que ce parti est le plus convenable. Nous différons, Votre Majesté et moi, dans une question d'une trop immense importance pour qu'on puisse nous amener à une conciliation qui présente de bons résultats pour le pays. Je supplie le roi de me permettre de me retirer. Chacun se lève. Brouhaha. Mon cher ministre, est-ce que je vous aurais blessé ?Sire, intervient Guizot, c'est vous qui dérangez tout. — Mais qu'ai-je fait pour cela ? Le roi sort. Thiers déclare ne pas vouloir supporter pareille attitude. Le roi rentre et lui fait mille caresses. Thiers demande vingt-quatre heures. Ses collègues, craignant la rupture, l'entourent. De guerre lasse, il consent à revenir à la discussion des conditions qu'il a posées. Le roi quitte sa place ; le prend dans ses bras et l'embrasse : Ah ! mon cher ministre, quel service vous venez de me rendre ! Vous en aviez déjà rendu de bien grands à ma couronne, mais celui-ci y met le comble. Vous restez, n'est-ce pas ? Le cabinet ne sera pas dissous. Le lendemain, Thiers lui écrit : J'ai fait pour la cause du gouvernement espagnol tout ce que j'ai pu, regardant cette cause comme tout-à-fait française. J'estime en effet que la contre-révolution à Madrid serait un malheur pire que la contre-révolution à Bruxelles, et pour mon compte j'emploierai tout ce que j'aurai de moyens pour l'empêcher. Je voulais même quitter le cabinet sur la question d'intervention ; si je ne l'ai pas fait, c'est parce que l'on m'a accordé quelque secours pour le gouvernement de la reine, et parce que je pensais peut-être obtenir mieux encore, et qu'enfin l'état de la France, les embarras de votre cabinet, me commandaient de subir le joug plutôt que de faire naître une nouvelle confusion ministérielle. Il sait que le roi promit au comte Apponyi, ambassadeur d'Autriche, qu'il n'y aurait pas d'intervention. A part soi, il reste persuadé, et il le dit à Mme Dosne, que la cassure se produira.

Au début de janvier 1836, calme plat. Humann, ministre des Finances, lit à la Chambre l'exposé des motifs du budget de 1837. Il présente comme nécessaire et imminente la conversion des rentes 5 pour cent. Il n'a pas prévenu ses collègues, qui réclament. Il démissionne. D'Argout le remplace. Interpellation le 18 janvier, répliques hautaines du duc de Broglie, discussion d'une proposition de conversion émanant du député Gouin, que Thiers et Duchâtel combattent. Royer-Collard admire si vivement le discours de Thiers qu'il l'en félicite : c'est la première fois qu'ils se parlent depuis la discussion des lois de Septembre. Les deux ministres demandent l'ajournement, que la Chambre repousse par 194 voix contre 192. Tout le cabinet porte sa démission au roi. Louis-Philippe confie le soin de reformer un cabinet successivement à Humann, au comte Molé, au maréchal Gérard, qui échouent. A part soi, il a décidé de confier la présidence à Thiers.

La Chambre avait uniquement visé Broglie ; morne, le duc porte non pas le diable, mais la doctrine en terre. Thiers, sûr de revenir au pouvoir, paraît ravi à l'idée de voyager. Il écoute la prophétie de Royer-Collard : Vous n'êtes pas possible aujourd'hui, mais dans huit jours vous serez nécessaire, indispensable, absolu. Depuis longtemps, Talleyrand, qui a pris pour devise : Tout plutôt que M. de Broglie ! travaille à faire de Thiers un premier ministre. Sa nièce et la princesse de Lieven, entrée dans cette intrigue pour tuer le temps et ne pas se laisser rouiller la main, dit Mme de Boigne, s'emploient à désorganiser le ministère. Une véritable intrigue à la Maurepas. Mme de Dino et lady Granville se détestent ; l'idée sourit à la première de voir remplacer le duc de Broglie, l'ami des Granville, par Thiers, que les Granville n'aiment pas. Mme de Lieven, recevant les Granville, les Sutherland, les Carlisle, le duc de Devonshire, l'ambassadeur de Russie, plante là ces hauts personnages et, ce dont lady Granville enrage, réserve toutes ses attentions à Thiers : elle le connut récemment à un dîner que M. de Werther, ambassadeur de Prusse, donna à seule fin de les faire rencontrer. On avait remarqué l'absence de Mme de Lieven aux soirées du ministère de l'Intérieur : elle force Thiers à lui présenter sa femme, elle dîne chez eux, avec ce prodigieux appétit devenu proverbial en Angleterre et en Russie. Triomphe pour Mme Dosne ! En tous lieux, aussi haut qu'elle le peut, Mme de Dino déplore les dissensions ministérielles, réelles ou imaginaires. Talleyrand, en vieilles relations d'antipathie avec le duc de Broglie, multiplie les brocards contre sa raideur gourmée. Ils chapitrent Thiers : sa haute supériorité l'impose à la première place. Il aspirait au portefeuille des Affaires étrangères, mais la présidence du conseil n'entrait pas dans ses visées immédiates. Il commence par rire aux suggestions du prince et de sa nièce. Peu à peu, il s'en laisse agréablement chatouiller les oreilles et le cœur. Mme de Dino, la princesse de Lieven le prônent auprès du corps diplomatique et des cours étrangères par les correspondances qu'elles y entretiennent. Talleyrand porte au roi les réponses qu'elles reçoivent. Il montre la confiance de l'Europe suivant l'élévation de Thiers ; on ne verra en lui qu'une griffe apposée aux ordres émanés de la sagesse royale, argument bien fait pour toucher Louis-Philippe. Talleyrand n'imagine pas Thiers capable de se soutenir sans sa protection, et se berce à l'idée qu'il sera seul à gouverner. Le grand diplomate errait singulièrement. Les ambassadeurs étrangers désirent ne plus avoir affaire au duc de Broglie, sauf celui d'Angleterre ; de ce côté, Talleyrand pare le coup en appuyant directement son protégé auprès du roi d'Angleterre. Dès septembre 1835, Metternich écrivait à Louis-Philippe un éloge de Thiers, et donnait ainsi le la aux diplomates ; plus tard, il s'apercevra qu'il a commis le même genre d'erreur que Talleyrand.

Tout d'abord, Thiers refuse la proposition du roi : les ministres sortants s'engagèrent à ne pas se séparer, il veut rester fidèle à son engagement. Mais Talleyrand le harcèle, le roi insiste, ses amis le pressent, même les opposants de gauche. Ceci commence à l'ébranler. Louis-Philippe demande au duc de Broglie de lui rendre sa liberté, le duc consent, et Thiers se décide. Le 16 février 1836, il accepte la mission de former le cabinet. Il éprouve des résistances, des embarras. S'il était le duc de Wellington, il serait tenté de prendre les huit portefeuilles à lui tout seul. Le Moniteur du 22 février annonce son ministère, composé de trois de ses anciens collègues, le maréchal Maison, l'amiral Duperré et d'Argout, et quatre membres du tiers-parti, Passy, Sauzet. Pelet de la Lozère et Montalivet. Le lendemain, ce billet à Guizot : Mon cher Monsieur Guizot, je n'ai pas eu le temps d'aller vous annoncer, hier au soir, notre constitution définitive, car nous sommes sortis fort tard des Tuileries. Les événements nous ont séparés ; mais ils laisseront subsister, je l'espère, les sentiments qu'avaient fait naître tant d'années passées dans les mêmes périls. S'il dépend de moi, il restera beaucoup de notre union, car nous avons encore beaucoup de services à rendre à la même cause, quoique placés dans des situations diverses. Je ferai de mon mieux pour qu'il en soit ainsi. J'irai vous voir dès que j'aurai suffi aux nécessités du premier moment. Réponse de Guizot : Mon cher ami, vous avez toute raison de croire à la durée des sentiments qu'a fait naître entre nous une si longue communauté de travaux et de périls. J'appartiens à la cause que nous avons soutenue ensemble. J'irai où elle me mènera, et je compte bien vous y retrouver toujours. Adieu. J'irai vous voir dès que je vous supposerai un peu de loisir. Désormais, l'un inclinera à gauche, l'autre restera à droite : l'union des deux plus fermes soutiens du régime est définitivement rompue.