LA ROME DE NAPOLÉON

LIVRE II. — LA CONSULTA EXTRAORDINAIRE - 10 JUIN 1809-31 DÉCEMBRE 1810

 

CHAPITRE PREMIER. — LA CONSULTA.

 

 

I. La Consulta s'installe. Sa première proclamation. — Pouvoirs assez restreints, mais mal définis de la Consulta : tâche de liquidation et de préparation. — La Consulta outrepasse promptement ses pouvoirs : elle y est poussée par l'opinion publique. L'empereur la rappelle à la modestie. La conséquence est qu'elle a une marche hésitante là où il faudrait une action vive. — Ses membres. — Le général de Miollis : ses qualités ; il est fait pour plaire plus que pour gouverner ; il est hésitant avant tout. — Le baron de Gerando, membre de l'Institut : l'apôtre de la bienveillance universelle ; un idéologue. — Janet, l'agent fiscal : impopularité du personnage. — Dal Pozzo, organisateur de la justice. — Le comte César Balbo et ses scrupules. — L'agent supérieur d'exécution, le général Radet ; singularité du personnage ; de Varennes au Quirinal ; un maitre Jacques. — Médiocrité de la Consulta aux yeux des Romains.
II. Premières difficultés : les Romains refusent les places par obéissance au pape. — Mauvais choix qui résulte de cette abstention. C'est la seule forme de l'opposition. — Radet fonde la police sur la théologie. — Tranquillité apparente. — La Consulta réforme : la Sacrée Inquisition Romaine détruite ; le Ghetto ouvert ; les armoiries pontificales condamnées ; les archives enlevées. — Pluie de règlements et de réformes. — L'invasion de la lumière. — Rome se refuse à la lumière.

 

I

Romains, la volonté du plus grand des héros vous réunit au plus grand des États. Il était juste que le premier peuple de la terre partageât le bénéfice de ses lois et l'honneur de son nom avec celui qui, dans un autre âge, l'a précédé dans la voie des triomphes. Quand vos ancêtres conquéraient le monde, tels étaient les conseils de leur générosité et les résultats de leurs victoires.

Aucun autre désir que celui de votre prospérité n'a dicté le décret qui vous réunit. Le moment choisi pour opérer cette réunion vous montre de quelles intentions elle est inspirée. Vous devenez partie de l'Empire, quand les sacrifices pour le soutenir sont tous accomplis ; vous êtes appelés au triomphe sans avoir partagé le danger. En vous associant à son empire, Napoléon le Grand n'a voulu que la gloire de vous donner après tant de siècles d'oubli un sort plus digne de vos antiques destins.

Parcourez les annales de votre histoire : ce ne sont plus depuis longtemps que celles de vos mésaventures. Votre faiblesse naturelle a toujours fait de vous la facile conquête des guerriers qui ont paru sur la cime des Alpes ; vassaux de tous les gouvernements, vous ne recueilliez du vôtre que la grande disgrâce de n'en avoir aucun.

Unis à la France vous êtes aujourd'hui forts par elle ; les maux dus à votre faiblesse ont pris fin.

Malheureux comme nation, vous ne l'étiez pas moins comme citoyens. L'aspect de négligence que présentent vos cités et vos campagnes dépeuplées et insalubres attestaient depuis

longtemps aux yeux de l'Europe et aux vôtres mêmes, que cos souverains, partagés entre des soins qui, sans être à la vérité opposés, étaient trop divers, se trouvaient dans l'impossibilité de vous procurer ce bonheur que vous avez tous les moyens de poursuivre.

Romains ! vous n'êtes pas conquis, mais réunis ; vous êtes des concitoyens et non des sujets : non seulement la force de l'Empire devient la vôtre, mais deviennent vôtres également ces lois qui ont fait la France tranquille et heureuse à l'intérieur, comme respectée et crainte au dehors.

Mais, tandis que, par cette réunion, vous recevez tous les biens dont vous manquiez et qui vous étaient si nécessaires. vous ne perdez aucun de ceux qui déjà étaient les vôtres.

Rome continue à être le siège du chef visible de l'Eglise et le Vatican, honorablement entretenu et étranger à toutes les considérations terrestres, présentera à l'Univers la Religion plus pure entourée d'une plus grande splendeur.

Un égal soin conservera dans les monuments le patrimoine de votre antique gloire et de votre moderne grandeur, et les arts, fils du génie, sous le règne du grand Napoléon, riches des exemples que prodiguent ces lieux, ne seront plus contraints de chercher ailleurs ni l'occasion ni la récompense de leurs divines inspirations.

Bien doux est, ô Romains ! l'avenir qui vous attend et dont la Consulta extraordinaire a charge de préparer les bases.

Garantir votre dette publique, animer votre agriculture et vos arts, améliorer Bous tout rapport vos destins actuels et sécher définitivement ces larmes que la réforme des abus fait quelquefois verser, tels sont les ordres et les intentions de notre auguste souverain.

Romains ! en secondant nos efforts vous pouvez rendre plus prompt pour vous, et à nous plus facile, le bien que nous avons le devoir et l'intention de faire.

Rome le 10 juin 1809.

MIOLLIS. SALICETTI. JANET. BALBO[1].

 

Le placard, énorme, s'étalait sur les murs de Rome. On n'en regardait que les signatures : qu'importaient aux Romains ces grandes phrases où leur gloire passée n'était évoquée que pour l'humilier devant celle de la France. Ce qui les intéressait, c'étaient les hommes qui, au nom de l'Empereur lointain, les allaient gouverner.

La Consulta extraordinaire s'était constituée dès le 10 au matin. Trois de ses membres seulement avaient signé le document, car les deux autres déjà officiellement désignés n'arrivèrent de Florence qu'après quelques jours, de Gerando et Dal Pozzo. Salicetti ne signait l'affiche que comme le factotum provisoire du roi de Naples à Rome : maigre satisfaction accordée aux prétentions si vite déçues de Murat.

Ce comité de cinq hauts fonctionnaires était sans éclat, aucun n'ayant jusque-là fortement marqué dans les fastes. C'est bien ce qu'avait voulu Napoléon. Cette Consulta extraordinaire, instituée par le décret du 17 mai, avait, dans son esprit, une mission brève et, encore que peu précise, assez limitée. L'homme qui, dès 1798, avait écrit : Cette vieille machine se détraquera seule, estimait que quelques mois suffiraient pour que la table fût rase à Rome des vieilles institutions, voire des vieux usages. Dès l'automne de 1809, les ressorts de la vieille machine brisés et écartés, et ceux de la nouvelle mécanique suffisamment agencés, il pourrait désigner l'homme d'action .destiné à en diriger le jeu. Les cinq hommes de la Consulta n'étaient que des liquidateurs : il leur fixait un terme assez court pour une liquidation qu'il estimait simple.

Elle ne l'était pas, et il fallut le reconnaître, puisque, prorogée de six mois en six mois, la Consulta était encore maîtresse des affaires à la fin de 1810. Ce seul fait montre assez dès l'abord à quelles erreurs de calculs les préjugés que nous connaissons avaient entraîné l'Empereur.

Cette erreur ne fut pas la seule : dès les premières semaines un malentendu parut exister entre Napoléon, la Consulta et le peuple Romain au sujet du rôle et des pouvoirs dévolus à ces cinq hommes.

L'Empereur leur avait assigné avant tout une tâche de liquidation, de préparation. Murat traduisait bien la pensée de son beau-frère, lorsqu'il réduisait le rôle de la Consulta à préparer les États Romains à recevoir au 1er janvier 1810 la constitution de l'Empire, à préparer des matériaux, à indiquer ce qu'il y a de bien à faire et de mal à réparer, et à conduire le mieux possible les affaires jusqu'à cette époque[2]. Après avoir aboli le gouvernement des prêtres, en avoir dispersé le personnel et détruit les institutions, elle entreprendrait la liquidation de la dette publique, la dissolution des ordres religieux et la réduction du clergé séculier trop considérable, étoufferait toute tentative de résistance, de trouble et de brigandage, détacherait du gouvernement défunt la population en ralliant l'aristocratie, en convertissant la bourgeoisie, en amusant le peuple : il lui faudrait aussi tailler dans les États Romains deux départements, les organiser en arrondissements et en cantons, leur donner des fonctionnaires provisoires. La tâche ne comportait chez ceux qu'on en chargeait ni vastes pensées ni initiatives hardies : déblayer et poser les pierres d'attente.

Il était difficile à la Consulta de s'en tenir à cette tâche. D'une part l'éloignement de la capitale, d'où Gaudin, duc de Gaète, spécialement chargé de la correspondance avec Rome, n'envoyait ses instructions qu'après en avoir référé à l'Empereur, lui-même à Vienne jusqu'en octobre 1809, contraignait la Consulta à l'initiative plus souvent qu'on ne l'avait communément prévu ; les difficultés considérables et inattendues qu'elle allait rencontrer l'y obligeaient, d'autre part. Enfin le peuple romain lui-même l'y amenait par la conception même qu'il se faisait des pouvoirs, du caractère, du rôle de son gouvernement provisoire[3].

Pour le peuple Romain ces cinq modestes fonctionnaires ne sont point des liquidateurs, des préparateurs, des précurseurs tels que les veut l'Empereur. Ils sont purement et simplement les représentants de César, les gouvernants : On voit la Consulta investie de tout votre pouvoir, écrira Murat à l'Empereur le 16 novembre 1809, on lui suppose la faculté de détruire tous les abus, de tout améliorer et quand cependant on ne voit aucun résultat, elle perd la considération aux yeux de ses administrés[4]. Un peuple ne se résigne pas longtemps à ne voir à sa tête qu'un comité de démolition.

La Consulta elle-même se refuse- à cette tâche ingrate, léser mille intérêts sans en satisfaire aucun ; elle entend être populaire ; elle prétend prendre sur elle de créer un Sénat pour rallier l'aristocratie, de restaurer et d'exalter l'Académie pour chatouiller la bourgeoisie, de tracer de splendides promenades pour séduire une populace désœuvrée. L'Empereur, qui ne permet point aux rois ses frères de rechercher, en dehors de la tâche assignée, l'amour de leurs sujets, ne saurait y autoriser Miollis et ses collègues. Il les rappelle rudement à leur plus modeste rôle. La Consulta, écrira-t-il, dès septembre 1809, sort de ses attributions : il ne lui appartient ni de réformer l'Académie ni de faire de nouvelles promenades. Toutes ces mesures sont ridicules. Elle ne devait pas nommer de Sénat[5]. La Consulta ne se résigne point, même après ces dures paroles : elle continue à excéder ses pouvoirs ; ce peuple qui résiste à la francisation lui paraît exiger, en regard des actes de rigueur que nécessite cette résistance, des avantages dont précisément l'Empereur entend subordonner l'octroi à la soumission de Rome[6]. N'osant toutefois trop déborder du rôle étroit où on les enferme, ces hommes se sentent constamment gènes dans leur marche : ils hésiteront à parler en maîtres alors que la situation en exige un, et des plus impérieux : divisés par surcroît, ils ne peuvent imprimer au gouvernement qu'une marche lente et indécise. Napoléon entend bâtir un superbe monument sur de fortes assises : la Consulta, ne rencontrant, à la place d'un terrain solide, que des sables mouvants et désespérant de trouver le roc, voudrait tout au moins y construire quelques gracieux bâtiments faits pour plaire à un peuple dont on vient, sans qu'il en exprimât le désir, de détruire la séculaire demeure. Une mésentente continuelle régnera de ce fait entre le grand architecte et ses modestes entrepreneurs.

***

Modestes en effet, et la médiocrité de ces premiers gouvernants ne fut point un des faits qui 'discrédita le moins aux yeux des Romains, avec ce comité provisoire, le gouvernement impérial qu'il représentait.

Ils ne le pouvaient certes rendre ni odieux ni méprisable. Avec des tempéraments fort opposés, ils avaient un trait commun et qui était fort honorable : désireux d'effacer avant tout le honteux souvenir de 1798, l'Empereur les avait choisis d'une probité scrupuleuse. Cette considération, à la fois si haute et si juste, qui devait dicter quelques mois plus tard à Napoléon la nomination d'un Tournon, d'un Rœderer, d'un Daru, d'un Norvins à Rome, influa sur le choix qui fut fait, dès les premiers jours, du général Miollis, de Janet, de Gerando, de Dal-Pozzo et de Balbo comme membres de la Consulta extraordinaire.

A ce titre, Miollis devait être le chef de ce gouvernement[7] : aucun choix ne pouvait être plus honorable : l'indiscutable délicatesse de ce bon soldat fut bien le titre qui le désigna à l'Empereur pour représenter, de 1808 à 1814, la France dans une ville qui avait connu, sous les Masséna et les Bertolio, les Haller et Cohn, grands argentiers du Directoire.

C'était en effet, autant qu'un excellent officier, un très honnête homme. C'était aussi un galant homme. Le fait n'était pas indifférent : Napoléon, en ces beaux jours de 1809, n'entendait nullement violenter Rome ni même la rudoyer. Dans la confiance assurée qu'elle se livrerait à lui sans délais ni réserves le jour où il l'aurait délivrée du joug ecclésiastique, il entendait que son représentant fût un homme d'éducation parfaite, de caractère modéré et de mœurs courtoises — voir galantes. La fermeté viendrait après : la brutalité de certains généraux ne serait jamais de mise dans cette Rome alors aimée si tendrement. A ce gouvernant de choix, Napoléon demandait une dernière qualité : une absolue loyauté ; il savait Rome en butte aux intrigues, il soupçonnait, dès avant la réunion, celles que Murat y nouait : il fallait que l'homme à qui Rome serait confiée sût résister à la séduction comme à l'intimidation, il fallait que son dévouement au régime qu'il représentait fût fait, plus que d'une obéissance servile, d'une loyauté à toute épreuve.

Cet homme tout à la fois probe, courtois, modéré et loyal, e général Sextius de Miollis le réalisait de parfaite façon. Il était , ayant hérité ces nobles qualités d'une race de magistrats provençaux, noblesse de robe fort respectable : ces Miollis avaient eu seize enfants ; l'un d'eux fut cet évêque Miollis, prélat que son diocèse canonisa de son vivant et que Victor Hugo a rendu populaire sous le nom et les traits de l'évêque Myriel des Misérables. Moins saint homme, mais vaillant soldat, Sextius avait promené des champs de bataille de l'Amérique à ceux de l'Italie, sous Lafayette et sous Bonaparte, une épée bien trempée et un cœur mieux trempé encore : sa figure, coupée d'une terrible balafre, reçue à Yorktown, n'eût point prévenu favorablement, s'il ne s'y était peint autant de bonté que de loyauté : grand, maigre, un peu courbé dans des vêtements négligés, il avait gardé de sa blessure à la mâchoire un défaut assez marqué de prononciation qu'il rachetait par la façon parfaite et même élégante dont il maniait la langue italienne. Ce qui avait distingué la carrière de ce fils de nobles, rallié, dès 89, par sa sympathie pour Lafayette à la Révolution, c'était, autant que la rare vaillance avec laquelle de 1794 à 1800, il avait combattu en Italie, une modération qui, même en 1793, ne le fit cependant jamais taxer d'incivisme. Cet homme modéré, d'ailleurs, ne se battait point modérément : devant Sienne il avait, en 1800, arrêté et défait avec les 3.000 hommes de sa brigade, 26.000 Autrichiens : le trait connu en Italie lui valait, de la part de tous, un grand respect.

Il ne connut point cependant l'honneur d'un grand poste de combat sous l'Empire : on ne le vit ni à Austerlitz ni à Iéna et il ne fut point maréchal. Il était resté fidèle à Lafayette, en naïf dont on souriait ; mauvais courtisan et caractère antique, disait-on alors, il avait voté, en 1802 contre le Consulat à vie, et, la même année, au cours d'une séance académique, à Mantoue dont il était le gouverneur, substitué à l'éloge attendu de Bonaparte celui de Washington. Ce brave homme si convaincu ne commencera à se sentir un dévouement aveugle à l'Empereur qu'à l'heure où l'adversité menacera l'Empire : en 1813 et 1814, cet opposant de 1802 présentera un front de granit aux suggestions comme aux menaces desî.

Il semblait d'ailleurs, dès 1804, ne point garder rancune à l'Empereur qui l'avait promené de Belle-Isle à Mantoue, puis semblait l'avoir à perpétuité installé dans cette place. A défaut de lauriers plus glorieux, il y tressait ceux de l'Académie : Latin de sang assez pur, puisqu'il était d'Aix, et nourri plus qu'aucun de la substantifique moelle des lettres antiques, il avait dans l'Italie retrouvé une mère lointaine et s'y était renaturalisé par le culte qu'il entendit rendre à ses poètes, de Virgile à l'Arioste ; à Mantoue, il avait ressuscité la religion de Virgile, fort solennellement édifié au poète un buste, devant lequel sa piété s'était épanchée, et fondé une Académie virgilienne qui eut quelque vogue : ne séparant point, en cette affection de lettré, les modernes des anciens, il avait à Ferrare rendu à l'Arioste des honneurs analogues, et, à Lucques, chanté les louanges d'une poétesse obscure qualifiée Sapho moderne au milieu des applaudissements d'une foule reconnaissante.

On le tenait pour un lettré : il se piquait de l'être : Uno pizzicante di litteratura !!un homme que la littérature démange — avait dit ironiquement de lui le dédaigneux Alfieri après quelques minutes de causeries[8]. Moins dédaigneux, les compatriotes d'Alfieri louaient le général de cette piété littéraire ; ils le louaient aussi de son urbanité, du manifeste désir qu'il avait de leur plaire ; le caractère, au fond rude, du général s'était assoupli : son sabre disparaissait sous les fleurs de la rhétorique latine. Il n'en allait pas moins qu'aux yeux de Napoléon, alors disposé à plaire à Rome, la popularité singulière dont jouissait Miollis dans les milieux cultivés, était un titre de plus, et qu'il convenait assez bien, lui semblait-il, d'envoyer à la ville de Mécène le dévot de Virgile.

Le fait est que le général n'entendait point mitrailler ce peuple, mais l'enrubanner. Au cours de l'occupation de 18081809, il s'était vu taxer de faiblesse et même de trahison, tant il s'était montré prévenant pour les prêtres eux-mêmes, les recevant à sa table, entendant rendre à tous les honnêtetés dont son frère, l'abbé de Miollis, avait été, disait-il, entouré à Rome au cours de son émigration[9] : Consalvi, Pie VII. Pacca lui-même, en dépit des événements, lui restèrent reconnaissants de prévenance qui ouataient les rigueurs impériales que, disait-on, il désapprouvait devant ses familiers. Même en pleine crise de persécution religieuse à Rome, à l'heure où le pape expulsé, les prêtres sont déportés par centaines, Miollis, par un singulier privilège qui semble d'ailleurs ne point inquiéter l'empereur, restera l'ami des prêtres. Entre lui et son frère, évêque opposant au concile de 1811, les relations continuent très cordiales.

Très cordiales sont aussi celles qu'il entretient avec le monde des lettres. Tous les faiseurs de sonnets que nous avons vu pulluler à Rome, salueront en lui, familièrement, un confrère les Arcades deviendront, nous le verrons, académie privilégiée où le général poussera tous ses fonctionnaires, et dont il flattera, sincèrement d'ailleurs, les prétentions glorieuses. Il était par surcroît grand amateur de tableaux et de statues, adorateur de Canova, et, tout en collectionnant les Véronèse et les Andrea del Sarto, prisait l'illustrissime Camuccini. Ce sera le trait marquant de son principat à Rome : la résurrection des Académies ; plus que toute autre tâche, celle-là le sollicitera. Napoléon, tout en souriant des idées métaphysiques, de l'idéologie du héros de Yorktown, n'y voyait point de mal, tant que Rome lui parut seulement à séduire.

Un dernier trait le faisait séducteur : il sacrifiait, écrivait un agent, aux charmes de Vénus[10]. C'étaient des sacrifices dont toute une partie de Rome savait assurément gré au général ; car, nous l'avons vu, Rome n'oublie pas qu'elle fut fondée par les descendants d'Enée, fils de Vénus. Il était paradoxal que ce soldat de cinquante ans, défiguré par sa balafre, aux cheveux gris et rares, réduit par la maigreur à la forme d'une planche courbée[11] ; mal vêtu et à la prononciation défectueuse, pût plaire ; il plaisait cependant, d'abord parce que le pouvoir, militaire ou civil, donne à qui l'exerce des attraits inattendus aux yeux de tout un sexe ; il plaisait ensuite parce qu'il voulait plaire et que sa figure qui était à l'ordinaire, en dépit d'une certaine expression de bonté, un peu sévère, s'animait, se faisant tendre et charmante, lorsqu'on le voyait se prodiguer auprès des femmes. Marie-Rosalie-Louise Boutté que Miollis avait épousée le 24 mai 1798, épouse pleine de tact, était restée à Aix[12] ; on ne la vit pas en Italie ; elle ne se révéla guère que lorsqu'après la mort du général, elle réclama une pension. Le général se console d'une absence, si favorable au surplus à ce que l'empereur appellerait la fusion entre l'administration française et la population romaine ; celle-ci, dans l'espèce, est surtout représentée près du général par la belle Montanari qui n'a pour elle qu'un physique agréable, gronde un agent de Fouché, homme austère. La belle Montanari fait d'ailleurs profiter amplement son mari d'une situation si privilégiée. Mais elle a de fort nombreuses rivales et Miollis ira de conquêtes en conquêtes, le patriciat, après le tiers État, fournissant au représentant de César l'occasion de conquérir une Rome que les décrets de César ne sauraient réunir.

Ami des femmes, des lettrés et des prêtres, Miollis tient ainsi bien des atouts dans une ville où prêtres, lettrés et femmes se partagent l'influence.

Atouts assurément, si la politique ne brouillait les cartes ; or, à ce jeu de la politique et du gouvernement, Miollis est plus faible. Il est peu prévoyant par un optimisme naturel, indécis grâce à une modestie qui l'honore, et, encore que très jaloux de sa prééminence, toujours prêt à subir l'influence du dernier qui a parlé.

Ses premiers succès dans les salons et à l'Académie l'avaient, par une suite naturelle, induit à l'optimisme, et ses relations cordiales avec les prêtres de la Curie à une bienveillance qui, dès 1808 et jusque vers 1811, lui dictera des rapports écrits d'une plume qu'il trempe dans l'azur. Personne à cet égard n'est plus responsable d'avoir nourri les illusions de l'Empereur : Rome, qui le séduit, lui apparaît, en dépit de tous les incidents, comme devant être à très brève échéance séduite, pacifiquement conquise. Les bals où il réunit le patriciat après 1809 lui semblent de très grands succès et les incidents qui, de temps à autre, témoignent du mécontentement du peuple, le résultat d'un malentendu toujours à la veille de se dissiper. Il plane dans l'Olympe romain, et au fond, ne pénétrera jamais ces caractères complexes et redoutables ; lui aussi est trop nourri de Plutarque pour que le Romain antique ne lui masque pas le moderne : il croit lui en imposer en évoquant lui-même le souvenir des héros chers au dix-huitième siècle, en se posant, encore que représentant de César, en Caton, austère républicain mangeant du pain de munition, ne buvant pas de vin, se levant avant le jour pour aller promener autour des murs de Rome[13]. Le ton narquois sur lequel une illustre Italienne nous décrit les vertus du général, montre assez qu'on le tenait simplement pour un naïf : le bonhomme Miollis dira de lui Fouché à Norvins. En outre, sa probité se doublant de parcimonie, le peuple, qui d'ailleurs n'est point admis aux fêtes du palais Doria, le répute avare dès l'abord, et le fait est qu'il ne dépense point alors les 200.000 fr. de son traitement. Il est vrai que — chose nouvelle dans les fastes de Rome — quand il trouve un tableau à sa convenance, lui, gouvernant, le paye un bon prix, ce qui le met fort loin des généraux de 1798 qui, en 1809, font les grands seigneurs, maréchaux, ducs et à bon compte millionnaires. Mais cette probité même inspire de la défiance : on la taxe hypocrisie ou ingénuité. On ne s'en tiendra pour convaincu qu'après son départ, et les Romains ne proclameront Miollis digne de leur admiration, que lorsqu'ils le sauront bien parti. En attendant, le trouvant en 1808 très bonhomme, ils en abusent vite et essaient de faire la loi chez lui.

Or, tout le monde peut faire la loi chez Miollis. Personne, en effet, n'est plus indécis que ce brave soldat, sauf sur le champ de bataille où il se ferait casser la tête, ayant commencé par se faire fracasser la mâchoire. Les yeux fixés sur Paris, il hésite dans tous les cas qui n'ont pas été prévus et réglés ministériellement[14]. Il ferait ainsi un bon préfet à Versailles ou à Orléans ; mais à trois cents lieues de Paris, cette absence de décision perd tout ; faute d'instructions rapides émanant d'un ministre, il consulte constamment l'un et l'autre : il est bien le président d'une Consulte ; même la Consulta détruite, il la reconstituera sans cesse, lui, gouverneur et seul maître de Rome, en formant un comité de hauts fonctionnaires avec Tournon, Daru, Norvins et Janet qu'il appellera sans cesse à délibérer. Entre les conseils, que d'ailleurs ces deux consultes lui prodiguent successivement, il hésite encore, tergiverse, obéissant tantôt à l'influence toute de bienveillance qu'exerceront Gerando dans la première Consulta, Tournon dans la seconde ; tantôt à l'action du rude Janet qui, dans l'une et l'autre, se fera le champion de la politique de rigueur. Le plus souvent sa prudence le fait sortir au moment du vote ou ne pas compter sa propre voix[15]. Le résultat est que, pour ses collègues comme pour ses administrés, il reste le bonhomme Miollis et qu'il a sur eux l'ascendant que lui donne la place plus que l'ascendant bien plus désirable que donne une supériorité personnelle[16]. C'est un ami qui parle ainsi du général. Les jaloux le tiennent pour médiocre.

Il ne cesse en effet de l'être que lorsqu'il se retrouve soldat : en 1814, on verra l'indécision du général s'évanouir ; il s'arrachera aux influences, brisera les fils poissés dont, durant cinq ans, on a cherché et réussi à l'entourer, dictera aux autres le devoir en le pratiquant en loyal, en rude militaire et, presque seul dans l'empire et en des circonstances troublantes et délicates, saura trouver la conduite à tenir, parce qu'il ne consultera, ce jour-là, que sa conscience de citoyen et son cœur de soldat.

Il n'en va pas moins que ce bon soldat est un médiocre gouvernant. Ses qualités naturelles, urbanité, modération, tact, goût des lettres et des arts, charme mondain qui seraient précieuses si Rome en effet pouvait être séduite, le desservent au contraire en encourageant les duplicités, sans attacher les cœurs : son économie est fatale, à l'heure où il faudrait avant tout mener grand train ; son indécision plus fatale encore au sein d'une Consulta constamment divisée ou d'un groupe de hauts fonctionnaires qui, nous le verrons assez, se traiteront en rivaux et presque en ennemis ; elle livre le gouvernement, déjà si difficile dans cette ville rétive, aux délibérations d'un comité, alors qu'il y faudrait voir l'action d'une main unique, énergique et sûre d'elle-même.

***

Les membres de la Consulta prenaient, grâce à l'indécision de leur chef, une plus grande importance. L'homme le plus en vue dans ce conseil était le baron de Gerando[17]. Moins encore que Miollis, cet aimable philosophe se montrait capable de donner au gouvernement de Rome le ressort qui lui manquait. Qui avait pu déterminer Napoléon, cet ennemi si résolu de l'idéologie, à placer, à coté de ce général bel esprit, ce savant, célèbre alors par ses productions philosophiques, ses Considérations sur diverses méthodes à suivre dans l'observation des peuples sauvages ? Tenait-on vraiment les Romains pour un peuple à ce point sauvage que M. de Gerando fût l'homme désigné pour appliquer parmi eux ses théories de 1802, et l'Histoire comparée des systèmes de philosophie préparait-elle ce membre de l'Institut à organiser, au milieu de difficultés sans nombre, deux départements français en pays romain ? Le fait était qu'à Florence où, depuis 1808, il faisait partie de la Consulta de Toscane, l'idéologie avait paru avoir plus de charmes pour lui que les affaires. Quoi qu'il eût, en 1793, connu à Lyon les pires extrémités et que, par surcroît, il eût été victime de fructidor, il restait optimiste, bienveillant, toujours souriant. Marié à une excellente femme, une Alsacienne un peu maniérée et sentant l'école genevoise, il ouvrait sa demeure — en l'espèce le palais Corsini à la Longara — avec un désordre philosophique, à beaucoup de braves gens, mais aussi à quelques intrigants. Ceux-ci exploitaient le système d'universelle bienveillance qui était celui du maître[18]. Si, en bon philosophe éclairé du dix-huitième siècle, l'excellent homme admettait que tout était à réformer à Rome et qu'il y fallait corriger un abus entre chacun de ses repas, il entendait corriger sans frapper, ayant dans la bonté de l'homme en lui-même la foi de Jean-Jacques. Assez promptement brouillé avec ses collègues, il parut vouloir s'enfermer dans une tâche restreinte, organisa une Académie d'archéologie, veilla sur les théâtres, et après avoir tout tenté pour modérer le zèle de certains sous-préfets jouant trop vite aux potentats, se borna à prêcher aux députations des villes romaines la réciproque bienveillance et la soumission souriante. C'était donc au milieu d'une légitime sympathie qu'il traversait Rome pour s'aller promener au Monte Mario, méditant évidemment moins sur les instructions du duc de Gaëte ou du duc d'Otrante que sur Hobbes, Kant et Descartes.

Rien n'était plus fatal qu'il se brouillât avec Janet[19]. Celui-ci, type parfait du fiscal impérial, légiste provincial, avocat à Lons le-Saunier avant 89, entêté et nourri de codes, chicaneur un peu borné, plus propre au métier de procureur qu'à celui de gouvernant, semblait en vérité chargé d'instruire le procès du peuple romain. Infatigable, laborieux, minutieux et, en dépit de certaines accusations, honnête homme, dévoué corps et âme à César, n'ayant lorsqu'il s'agit des intérêts du trésor impérial ni cœur ni oreille, encore qu'il s'affirmât peiné de paraître aux yeux des Romains le seul obstacle aux bienfaits que d'autres magistrats leur promettent, — car il n'a chez eux que des opérations sévères à exécuter, dur jusqu'à la cruauté, médiocrement éduqué, toujours brouillé avec ses collègues, Gerando et ensuite Tournon, Daru et Norvins, recevant son monde avec une dureté et une inconvenance difficiles à peindre, traitant les Romains en pays conquis, à tout prendre universellement exécré. Il représentait, dans ce gouvernement si étrangement mêlé, la vigueur et au besoin la violence, parce que, écrit-il à Miollis, toutes les fois qu'on commande, on est obéi. Au demeurant, excellent financier, liquidateur à la main dure, mais active, et, encore qu'en butte aux clameurs des Romains, ayant organisé si vite et si solidement le mécanisme financier que Consalvi en conservera après 1814 presque tous les ressorts. Il recueillait toutes les haines et s'en moquait. Bon ministre des finances après tout, puisqu'il paraissait pendable à tous les contribuables.

Encore qu'appuyé souvent, au sein de la Consulta, par Miollis qui en avait peur, ce terrible argentier n'y comptait qu'un ami, le Piémontais Dal Pozzo, chargé de l'organisation judiciaire : administrateur actif, un peu raide, trop sévère au gré des policiers eux-mêmes, il n'en devait pas moins organiser de telle façon les tribunaux, qu'il en fît en quelques mois la meilleure des administrations. Il avait, aux yeux des Romains, le pire des vices : il était Piémontais et véhémentement accusé d'avoir rempli la magistrature de ses compatriotes[20].

C'était un Piémontais aussi que le cinquième membre de la Consulta, et de la meilleure race, le jeune comte Cesare Balbo ; auditeur entré malgré sa famille dans le Conseil d'État de l'usurpateur, mais resté catholique très pratiquant, il pleurait encore, après trente ans, en 1839, la faute qu'il avait commise en acceptant une place dans la Consulta qui avait administré le bien de l'Eglise. Il y tenait, à la vérité, une place fort modeste. Aimable jeune homme, disait-on de lui, sans aucune connaissance administrative. — M. Balbo a encore de l'expérience à acquérir, grondait le sévère Janet qui sans doute l'estimait trop aimable, et des scrupules à perdre, eût ajouté le général Radet qui le tenait pour bigot. Au reste, il ne gênait personne et fuit Rome, dès la fin de 1810, comme on fuit un remords[21].

Ce général Radet, dont le nom apparaîtra fort souvent, dans cette étude, encore qu'il ne fît point partie de la Consulta, allait être, en réalité, dans Rome, en 1809 et 1810, un sixième gouvernant[22]. Ce gendarme de haute volée, correspondant directement avec Savary, traitait avec Miollis sur le pied d'égalité et se fût volontiers considéré comme le seul homme d'action, d'État et de guerre du gouvernement. Cet ancien garde général des forêts, jeté par le hasard des évènements dans la gendarmerie de la Révolution, puis dans celle de l'Empire, riche bourgeois de Varennes en 1791, avait débuté par une action qui eût pu le faire connaître plus tôt et avec plus d'éclat, si elle n'avait échoué ; lieutenant de la maréchaussée du Clermontois, il avait tenté, le 23 juin 1791, de délivrer Louis XVI arrêté à Varennes et avait bien failli y réussir. C'était alors un royaliste ardent et un fervent catholique. Ayant jadis tenté de faire échouer l'arrestation d'un roi, il lui parut qu'il était autorisé par le destin à opérer celle d'un pape, ce gendarme ayant évolué des hauteurs dé l'Argonne à celles du Quirinal. On l'avait récemment employé à pourchasser Fra Diavolo, puis il avait passé en Toscane, d'où on l'appelait à Rome. On l'y craignait, même au sein de la Consulta, car on le tenait pour un mouchard très éminent ; d'autre part, les avis les plus favorables le représentaient comme voyant avec trop de facilité des complots[23].

C'était un personnage bizarre, peut-être inconscient, fort excentrique, à la fois défiant et bavard, rusé et fanfaron, un Gascon comme il y en a plus d'un en Lorraine. Ayant expulsé le pape de la façon qui sera dite, il se considéra plus tard, par une singulière amnésie, comme ayant été son protecteur pieux et son sauveur : il l'expulsa, de fait, les larmes aux yeux, continuant à être, dit-on, catholique et même un peu mystique, car il composait des cantiques à la Vierge. Il se plaira à parler théologie aux évêques et, chargé de la police générale durant quelques semaines, en profitera, nous le verrons, pour définir Dieu et analyser ses attributs, dans une circulaire aux sbires ahuris. Quoique dépouillé de la police générale, il continuera comme chef de la gendarmerie, au grand désespoir de la Consulta, à se mêler d'affaires civiles et politiques.

Il se mêlera aussi d'affaires, sans plus, et donnera ainsi quelque ennui aux gouvernants de Rome, gens tous intègres : il achètera, sous des prête-noms, les biens des moines qu'il déblayait comme gendarme, ce qui ne paraissait point noble. Il se voulait établir à Rome pour exploiter des usines et brasser des affaires. Ce fut la cause de son rappel. Comme d'autres distractions venaient charmer cette vie déjà si remplie et que ses cantiques allaient maintenant à d'autres qu'à la Madone, la femme du général, Rose George, d'Avocourt, personne peu accommodante ; moins que la générale de Miollis dans tous les cas, quitta l'Argonne pour venir à Rome mettre un terme à certaines excentricités. Il la fit dame patronnesse de la Société maternelle, désireux à son tour de ne lui point créer trop de loisirs.

Cette physionomie bizarre complétait le singulier tableau qu'offrait aux Romains leur nouveau gouvernement. Encore que la majorité de ses membres entendit avant tout conquérir Rome par une attitude bienveillante et d'aimables prévenances, ce comité de gouvernement ne pouvait prétendre ni à la popularité ni au prestige. Ces Romains auxquels on avait enlevé leur gouvernement fastueux en essayant de les griser des grands noms de César, de Charlemagne et de Napoléon, voyaient maintenant à leur tête un groupe d'hommes aux pouvoirs limités et confus à la fois, à la marche hésitante et sans cesse contra/je divisé en deux, parfois en trois camps et constitué par un général un peu terne, trop bonhomme, sans grand prestige un savant aimable, rêveur, facile à duper, un procureur aux mains avares, et deux Piémontais à qui leur seule origine valait mépris et haine, renforcés d'un gendarme -aux allures un peu tintamaresques et dont les rodomontades prêtaient à rire après avoir fait trembler. Il leur eût tout au moins fallu à leur tête. pour les flatter ou les faire trembler, quelque haut maréchal un Bernadotte ou un Davout, quelque haut homme d'État, un Fouché ou un Talleyrand. Ils avaient la petite monnaie d'une pièce qu'on leur assurait admirable et qu'ils ne virent jamais.

Cette absence de grand talent dans la Consulta, d'union entre ses membres, d'entente exacte de sa mission, de prestige et d'éclat ajoutait une difficulté de plus à celles que nous avons vues se multiplier. Mais ces hommes si disparates n'étaient pas pour rien des agents de Napoléon : ils avaient pour aborder cette redoutable tâche, une confiance entière dans leur maitre et en eux-mêmes, cette admirable et invincible foi, qui caractérisait alors les missi dominici de Napoléon, dans l'étoile du maître et leur propre capacité.

 

II

Leur zèle se heurta, dès le lendemain du coup d'État, à l'obstacle le plus imprévu et le plus décevant.

Dès le soir du 10, on se le rappelle, on avait vu se multiplier sur les murs de Rome les affiches portant la protestation du pape : le petit papier se glissait partout, se collait de façon tenace à côté de la pompeuse proclamation de la Consulte. Interdisant, sous peine d'excommunication, à tout Romain, d'accepter ou de garder un emploi sous le gouvernement usurpateur, le petit papier parut avoir été plus lu que le grand. Le 11, au matin, la Consulta se trouva en face d'une situation sans précédent : une grève complète — qu'on me passe ce néologisme — d'administrateurs et d'employés. En tout autre lieu et en tout autre temps, on a vu, après coup d'État ou Révolution, les administrations survivre aux gouvernements qui les avaient peuplées. Les instructions de Pie VII, souverain déchu, mais obéi, remplacé, mais régnant encore sur les consciences, faisaient à Rome une autre situation. Depuis les hauts cardinaux qui, des tribunaux aux hôpitaux, dirigeaient encore le 9 juin les diverses administrations romaines, jusqu'aux plus modestes prélats qui géraient octrois, théâtres, police et marchés, jusqu'aux geôliers des prisons et aux gardes d'hôpitaux, tous refusèrent de garder, fût-ce une heure, les fonctions qu'ils exerçaient. Les agents de l'octroi abandonnèrent incontinent les portes et les balayeurs remirent leurs balais avec la dignité de sénateurs romains. Le geste fut si beau que la Consulta en resta stupéfaite, dans l'impossibilité de pourvoir à aucun service. Les démarches les plus pressantes échouèrent. Quelques agents consentirent, quelques jours après, à reprendre leurs fonctions, provisoirement. On les garda précieusement : comment les eût-on remplacés ? Assez de vides restaient à combler. Une bande de gens s'était bien présentée, candidats les uns à une sous-préfecture, les autres à un balai, mais c'étaient précisément de ces serviteurs compromettants dont Napoléon entendait se passer, gens sans aveu, voleurs qui entendaient, devenir gendarmes. Il faut lire les lettres éplorées des hauts agents pour se rendre un compte exact de l'embarras où ils se trouvaient placés : l'Empereur ne voulait que des gens estimés et influents, mais ces gens-là, précisément, refusaient et désertaient les places, dans la crainte de perdre à tout jamais le crédit et l'estime dont ils jouissaient près de leurs concitoyens. Quelques-uns finirent par accepter : mais quand on voulut leur faire prêter serment de fidélité à l'Empereur, ils s'y refusèrent en grande majorité. Ce fut le constant souci de l'administration française et l'un des gros obstacles opposés à sa marche.

Si quelque bon chrétien avait cru devoir accepter une place et même prêter le serment, il trouvait dans son confesseur un sévère censeur. Les Pâques amèneront toujours, de 1809 à 1813, des démissions désastreuses, incessante cause d'instabilité et d'insécurité. Chaque année, les démissions sont attendues. On prévoit, écrira Janet à l'Empereur dès 1810, que la pratique des sacrements dans les derniers jours du Carême fortifiera cette opposition. Et l'on verra le préfet du Trasimène, Rœderer, se lamenter sur les inextricables difficultés où il se débat : n'ayant pu trouver qu'un bon fonctionnaire, son secrétaire général, il recevra, la veille de Pâques, la démission de ce précieux agent. Les maires eux-mêmes n'accepteront, en règle générale, de ceindre l'écharpe aux trois couleurs que parce qu'on leur fait craindre de voir occuper leurs emplois par les mauvais sujets qui ne manquent pas de s'offrir ; mais, à l'approche des Pâques, ils se démettront en faisant connaître leur horrible situation, écrit le préfet, puisque les prêtres ne les admettent point à la confession ni à la communion... et que le peuple les considère comme des ennemis de la religion pour avoir accepté une place du Bonaparte. Comme on avait, aux termes d'un rapport, compris dans l'excommunication jusqu'aux porteurs de contraintes, gardes civiques, valets de ville et afficheurs, le moindre sous-préfet se trouvera aussi embarrassé que l'était, dès le 11 juin 1809, Miollis lui-même à Rome. Et quand on aura recours aux évêques, ceux-ci, avec un visage impassible qui dissimule mal une joie ironique, répondront qu'ils n'y peuvent rien, le pape ayant parlé[24].

En réalité, bien avant que le confessionnal eût exercé son action, les refus avaient été tels que, sauf de rares exceptions, on avait, somme toute, dû se résoudre à accepter, du haut en bas de la vaste échelle administrative, sinon ces mauvais sujets dont parle Rœderer, du moins de très médiocres individus[25]. Pendant ces quatre années de règne, l'administration se trouvera sans cesse desservie par de bas agents mal préparés à leur emploi, depuis ce fonctionnaire de Narni qui, ayant été valet de chambre, ne peut frayer avec personne, jusqu'à ce juge de paix de Città di Castello qui, rouant de coups sa femme et ses administrés, parait on ne peut moins désigné pour rétablir la paix entre ses justiciables. Et lorsqu'on aura trouvé, dans le patriciat même, un jeune et brillant sujet qui a accepté d'être secrétaire général de la préfecture de Rome, on s'apercevra que c'est un enfant prodigue, on le prendra en flagrant délit de concussion, ce qui ne l'émouvra guère, car, dira-t-il cyniquement, on a trop besoin des siens pour le punir et même le destituer. Les honnêtes gens, en immense majorité, refuseront les places.

Cette abstention fut d'ailleurs, durant cet été de 1809, la seule forme qu'affecta l'opposition. Dans les premières heures, Miollis n'avait pas été sans craintes plus sérieuses ; du 10 au 15, Rome avait été en état de siège, les écrits du pape continuant à jeter des alarmes dans les esprits attachés au système français[26]. Mais on disait Murat à Terracine avec 6.000 hommes et s'il ne fallait qu'un petit incident pour provoquer une fermentation..., Rome, peut-être sous cette menace, paraissait tranquille. Sachant les troupes napolitaines fort loin de Terracine, Salicetti trouvait plus expédient qu'on lui envoyât de Naples son second, le policier Maghella, ténébreux et artificieux Génois que nous ne verrons paraître sur le théâtre que dans les dernières scènes de ce drame[27]. On le lui refusa ; Radet paraissait suffisant : dès le 15, il était à Montefiascone avec 300 gendarmes, et ces rudes soldats français, ceux-là très réels, remplaçaient avantageusement 6.000 Napolitains qu'une fable ingénieuse, avait, du 10 au 15, fait venir à Terracine[28].

Radet se trouvait investi de la police générale ; le premier. il éleva la voix, pensant faire frémir : ce n'était pas le ton de ses cantiques ordinaires ; dans sa première circulaire, il vanta la police de l'Empire base de la politique et guide de l'esprit public ; en bas la police de Fouché, en haut Dieu protecteur de Sa Majesté Impériale : Dieu est avec nous, nous sommes ses fils et ceux du grand Napoléon... Nous ferons respecter notre domination et si, contre toute apparence, une seule goutte de sang coulait, la vengeance serait terrible. Les prêtres, auteurs et fauteurs, en répondraient sur leur tête... Tout ce qui s'opère sur la terre vient de l'action du Ciel ; le Seigneur le veut et la religion enseigne que le premier et le plus sacré devoir de l'homme en société est l'obéissance aux lois, la fidélité au souverain, l'amour du prochain et la pratique constante des vertus... Napoléon règne pour le bonheur des hommes. Cette théologie de gendarme, ce prêche coupé de menaces révélait Radet aux Romains[29]. Mais il avait 300 gendarmes autour de lui, soldats de Moncey et de Savary. Dans ces conditions cette théologie de corps de garde était objet de luxe : il eût suffi à Radet de faire défiler sa troupe à grand bruit de sabres de la porte du Peuple à la porte Saint-Jean.

Tout semblant tranquille, la Consulta, dès le 11, s'était mise à sa besogne de liquidation : son activité était effrayante, au moins sur le papier, et son travail donnait le vertige. Un régime vieux de mille ans croulait au milieu d'un nuage de poussière qui, aussi bien, n'était fort souvent que poudre aux yeux.

La Sacrée Inquisition Romaine devait être la première victime. Plus de bûchers, avait jadis déclaré Bonaparte à des Romains fort étonnés. Ils n'avaient, nous l'avons dit, jamais vu de bûchers et nous savons à quelle maigre réalité se réduisait cette institution de l'Inquisition et du Saint-Office qui, aux yeux des seuls Français, contempteurs de Torquemada, jouissait d'un prestige horrible et mystérieux. On ferma les bureaux ; on vendit les meubles du Saint-Office ; le directeur de l'enregistrement, M. Devillers, chargé de la vente, fut étonné de n'y trouver ni chevalets ni brodequins ni griffes de fer ni chemises soufrées[30]. Le Journal du Capitole n'en apprit pas moins à l'univers que les Français avaient aboli une institution néfaste et vengé Galilée. — Il était réservé au génie de notre grand Empereur, devant lequel toutes les institutions barbares de l'Europe se dissipent comme un nuage, de rompre des chaînes indignes[31].

Ayant détruit les bûchers, on ouvrit le Ghetto : de bonne foi, on crut en France qu'on venait de délivrer d'un esclavage honteux une race opprimée. Nous avons vu ce qu'il en était. En abattant ces murs, on livrait ces malheureux Juifs à un pire sort : ils allaient se heurter à un autre mur, celui d'une hostilité outrageante et injuste qui jusque-là s'était réduite à une ironique indifférence. Mais n'était-ce point beaucoup que d'avoir fait triompher un principe et, pour M. de Gerando, apôtre de la bienveillance universelle, ce jour n'était-il point lumineux, qui voyait tomber les murs de l'abominable Ghetto sous le pic de la tolérance[32] ?

Le pic devait du reste jouer un grand rôle en cette œuvre de démolition. Dès le 11, autre geste purement symbolique, on avait décidé d'abattre les armoiries des papes placées au fronton des édifices publics ; boules des Médicis et lys des Farnèse, abeilles Barberini et jusqu'au dragon Borghèse inscrit cependant au blason de Pauline Bonaparte, allaient donc disparaître et, avec ces blasons pompeux, les lourdes tiares de pierre[33]. Les stemmes ne disparurent que sur le papier : les gens de la Consulta étaient des illusionnés et non des Vandales : on envoya à Paris la délibération de la Consulta ; elle ne fut pas appliquée à Rome.

Il fallut par contre, devant les exigences de l'Empereur, procéder à l'enlèvement très réel des archives du Vatican ; cette entreprise absurde était destinée, tout autant qu'à fournir aux historiens de Paris, Daunou et Grégoire, la preuve des méfaits de la papauté, à bien marquer que, même par ces chartes séculaires, la Papauté ne devait plus jouer aucun rôle à Rome ; on sait que ces témoins du passé romain, papiers jaunis, chargés en ballots sur d'énormes chariots, en partie mutilés au cours de voyages qui s'espacèrent en deux ans, s'en vinrent s'entasser inutiles, négligés, menacés, sous la colonnade de l'hôtel de Soubise.

***

A dire vrai, tout cela constituait des manifestations pures et simples, et presque de la fantasmagorie : Sacrée Inquisition, Ghetto où gémissait une race opprimée, armoiries des papes, monuments d'une insupportable tyrannie, archives secrètes du Vatican, papiers qui allaient révéler les crimes des Pontifes, rien ne sonnait mieux. La Consulta travaillait à de plus sérieuses réformes ; qu'y avait-il de plus pressant que de réunir à la poste impériale française la surintendance des postes romaines, que de substituer, dès le mois de juin, dix jours après la réunion, le Code Napoléon à toutes les anciennes lois ? Les réformes pleuvaient dru ; en ces belles semaines d'été où l'on ne fait rien à Rome, les habitants voyaient avec surprise ces cinq hommes travailler matin et soir à une œuvre si singulière : règlement des droits et devoirs des agents promus on sait avec quel succès — fonctionnaires impériaux, car il faut que ces gens apprennent en quelques semaines à changer de manières, à devenir des bureaucrates graves, exacts, laborieux et conscients de l'honneur qu'il y a pour eux à ne plus servir un prêtre, mais un héros ; suppression des franchises et privilèges, réclamation des comptes aux administrateurs, suspension des paiements des Luoghi di Monte, mesures réglementant les actes notariaux, organisant la justice pénale, les tribunaux correctionnels, le service de santé, la fabrication des monnaies, les droits de douane, supprimant les préfectures romaines, abolissant la féodalité, créant des commissaires de police et des agents de change, réformant les hospices, les prisons, les douanes, imposant la vaccine et l'étude de la langue française, dessinant des promenades et refondant des Académies, instituant des commissions d'études agricoles, commerciales, industrielles, pourvoyant au nettoyage et à l'éclairage, menaçant le Lotto d'une prompte suppression, accordant à Rome des pompes à incendie et des réverbères, et confondant dans une même réforme le régime des rizières, des bibliothèques, des canaux, des routes, des jeux, de la santé et presque de la morale. Toute la civilisation se rua ainsi en soixante arrêtés et en deux mois sur l'infortunée cité ahurie, stupéfaite, consternée[34].

Opportunes ou fâcheuses, nécessaires ou vaines, superbes ou puériles, justifiées ou non, toutes ces mesures étaient évidemment, précipitées à l'excès. Mais il faut tenir compte de l'ivresse d'un Français qui, arraché depuis 1789 aux ténèbres du Moyen Age, porteur du nouvel Evangile, apôtre de la liberté française et seul dispensateur de la lumière française, est chargé d'inonder de cette lumière cette caverne de l'obscurantisme, de briser des chaînes en cette forge de la tyrannie et à montrer à ces descendants de César, avilis par le régime ecclésiastique, comment on sait travailler en France.

Lorsqu'ils eurent abattu des murs, des tours, des bastions et que la poussière commença à se dissiper, les destructeurs s'aperçurent que d'autres murs s'étaient cependant élevés derrière les murailles abattues, et qu'ayant beaucoup travaillé, ils avaient travaillé en vain ; le peuple fermait les yeux à la lumière, refusait la liberté, allait à confesse, n'embrassait point ses frères juifs libérés, voyait avec une incroyable indifférence l'abolition de l'Inquisition et se dérobait aux bienfaits de la philosophie comme à ceux de la vaccine.

Ne pensant point un instant à accuser de ce mécompte leur idéalisme trop avide de se satisfaire, ils en accusèrent les prêtres et plus particulièrement le personnel de l'ancien gouvernement. Celui-ci subsistait, encore que déchu : le pape laissé au Quirinal, quelques cardinaux dans leurs palais, leur clientèle entretenait le peuple dans une hostilité dédaigneuse, la bourgeoisie dans une haine sourde et l'aristocratie dans une crainte qui l'éloignait des salons du général. Il fallait abattre une seconde fois ce gouvernement en le dispersant. C'est pourquoi Miollis et d'autres gens modérés se décidèrent à faire enlever pape et cardinaux. La conquête de Rome à la lumière était à ce prix.

 

 

 



[1] Proclamation du 10 juin à la Ville et aux États romains. Journal du Capitole, n° du 1er juillet 1809.

[2] Murat à l'empereur, 16 novembre 1809, AF IV 1715.

[3] Quelques pensées sur Rome française, 1810, dans les papiers inédits du baron de Tournon.

[4] Murat à l'Empereur, 16 novembre 1809, AF IV 1715.

[5] Napoléon à Gaudin, 7 septembre 1809, Correspondance, 15767.

[6] Miollis à Gaudin, 4 septembre 1809, AF IV 1715.

[7] Dossier du général baron de Miollis au ministère de la guerre. Archives administratives. — Note anonyme à l'empereur, AF IV 1715 ; Serofani au duc d'Otrante, 17 novembre 1809, F7 6531 ; Pellenc, Lettres de 1811, n° 35, AF IV 1715 ; Hédouville, Rapport de 1811, AF IV 1.715 ; Norvins, au Bulletin du 3 avril 1811, AF IV 1514 ; Notes à Fouché du 1er août et du 22 septembre 1808, Bulletins des 30 août et 4 octobre, AF IV 1503 et 1504 ; Norvins, 13 février 1811, F7 6531. — Norvins, 4 décembre 1813, Archives de la guerre, armée d'Italie, 8, 21 — Bulletin de Rome, 27 septembre 1809, AF IV 1715. — Mémoires inédits de Miollis ; Mémoires inédits de Tournon ; Mémoires inédits de Gaillard (allié au général). — PACCA, t. I, P. 29 ; Comtesse D'ALBANY, novembre 1811, Souvenirs de voyage, CARNET, 1901, t. IX, p. 193 ; DEDEM, Mémoires, p. 126 ; Norvins, Fouché à Rome, cité ; BARRAS, t. IV, p. 207 ; ARTAUD, Pie VII, p. 166 ; RICARD, Monseigneur de Miollis, p. 1-8.

[8] Mémoires inédits du baron de Tournon.

[9] L'évêque de Digne, 31 mars 1809, dans RICARD, p. 146. Il était franc-maçon, mais très officiel (RINIERI, Bozzetti massonici. Una tenuta, etc.).

[10] Note anonyme à l'empereur, 1809, AF IV 1715, p. 143.

[11] Mémoires inédits de Tournon.

[12] Dans le dossier du ministère de la guerre on voit, après la mort du général, Marie-Rosalie-Louise Boutté, mariée depuis le 24 mai 1798 au général Sextius de Miollis, réclamer la pension qui lui est due (Archives administratives).

[13] Comtesse d'Albany, citée ; Barras, cité.

[14] Hédouville, AF IV 1715, cité.

[15] Mémoires inédits de Tournon.

[16] Pellenc, qui lui est cependant très favorable dans les lettres déjà citées, AF IV 1715.

[17] Rapport sur le gouvernement de la Toscane, 1808, AF IV 1716 ; Norvins, 15 juin 1811, F7 6531 ; Serofani, 17 novembre 1809, F7 6531 ; Mémoires inédits de Tournon, de Miollis ; ARTAUD, t. III, p. 166 ; MIGNET, Notice sur la vie de M. Degerando, p. 25-29 ; JOINARD, Discours sur M. de Gerando, 1845 ; Octavie MOREL, Essai sur M. Degerando, 1846. Baronne de Gerando, Lettres et journal, 1880, Introduction.

[18] Vous dont le cœur et la pensée sont constamment dirigés vers le juste, écrit Miollis à Gerando retourné à Paris après 1811, F1 b II. Rome, 1.

[19] Papiers Janet aux Archives des affaires étrangères, non encore classés, passim, particulièrement lettres des 1er août, 4 août 1810, 7 juin, 14 décembre 1811 ; Rapport sur le gouvernement de la Toscane, 1808, AF IV 1716 ; Hédouville, rapport, 1811, AF IV 1715 ; Pellenc, Lettres, 1811. AF IV 1715 ; Anonyme à l'empereur, AF IV 1715 ; Mémoires de Tournon ; BARRAS, t. IV, p. 218 ; ARTAUD, t. III, p. 166 ; Mémoires de Gaudin, duc de Gaëte. t. I, p. 246.

[20] Janet, 16 août 1810 (papiers Janet) ; Lettre anonyme à l'empereur, AF IV 1715, 143 ; Serofani, F7 6531 ; Ruffin à Savary, 28 avril 1811, F7 6531 ; Mémoires de Tournon.

[21] Janet, 16 août 1809, Papiers cités ; Rapport sur le gouvernement de la Toscane, 1808, AF IV 1716 ; Anonyme à l'empereur, AF IV 1715 ; BALBO, Autobiografia, Florence, 1857, passim ; id., Sommaire de l'histoire d'Italie, p. 464 ; de GAILLARD, Le comte César Balbo, Correspondant, septembre 1858, p. 131-165.

[22] Norvins, 27 juillet 1811, F7 6531 ; Ortoli, 23 janvier 1810, Archives affaires étrangères, Rome, 944 ; Rapport anonyme du 10 mai 1811, F7 6531 ; Rapport du gouvernement de Toscane, 1808, AF IV 1716 ; Norvins, 18 mai 1811, F7 6531 ; Mémoires inédits de Tournon ; Notes de Lucien Bonaparte, 1809, dans MASSON, t. V, p. 98 ; Mémoires du général Radet, passim ; Balbo, autobiographie, p. 386 ; enfin l'excellent article de M. Lenôtre sur le général Radet, Temps du 7 mai 1903, auquel je renvoie, quoiqu'il me soit impossible de tomber complètement d'accord sur le personnage avec l'éminent et charmant écrivain ; mais rarement une biographie n'a été écrite avec plus de science, de verve et de grâce.

[23] Note sur la Toscane, AF IV 1716, citée.

[24] Radet, 13 juillet 1809, AF IV 1695 ; Janet, Lettres d'août et septembre 1810 (papiers Janet, cités) ; Rœderer à Regnault de Saint-Jean d'Angély (lettre particulière), avril 1810, AF IV 1695 ; Rœderer à Fouché, 26 avril 1810, F7 6530 ; Note anonyme à l'Empereur, 1809, AF IV 1715 ; Propositions pour la mairie de Veroli, par Gerando, 1809, F1c 98 ; CONSALVI, cité ; PACCA, cité ; Mémoires inédits de Tournon.

[25] Raffin, 18 avril 1811, F7 6531 ; Janet, 3 juin, 19 août 1812 (papiers Janet), Bulletin de Rome, 27 septembre 1809, AF IV 1715 ; Anonyme à l'Empereur, AF IV 1715 ; Rœderer, lettres citées plus haut ; Napoléon à Fouché, 14 octobre 1809 ; à Gaudin, même date (Brotonne, n° 476 et 477).

[26] Miollis, 14 juin 1809, AF IV 1715.

[27] Salicetti à Fouché, 10 juin 1809, F7 6531 ; Alberti, 11 juin 1809 (CANTU, p. 3761) ; Enquête sur Rome, Bulletin du 28 avril 1810, F7 3720 ; La Vauguyon à Murat, 15 juin 1809, AF IV 1715 ; La Consulta à Murat. 29 juin 1809, AF IV 1715.

[28] Alberti, 19 juin 1809 (CANTU, p. 378).

[29] Radet à Pietro Savi, directeur de police, lettre autographe signée, Manuscrits de la Bibliothèque nationale de Rome, fonds Gesuitico, 1459, 2 : Radet à Jaureti, directeur de police d'Orvieto, 27 juillet 1809 ; Bibl. Vallicellana de Rome. Fonds Falzacappa, t. XIV, p. 38.

[30] Séances de la Consulta ; Devilers, 22 décembre 1809, AF IV 1715, F1c 143.

[31] Journal du Capitole, 15 juillet 1809.

[32] Séances de la Consulta, AF IV 1715.

[33] Séance de la Consulta du 10 juin, AF IV, 1715 ; Journal du Capitole, 1er juillet 1809 ; Miollis à l'Empereur, 10 juin, AF IV 1715 ; Fortunati, Diario, f. 642

[34] Actes de la Consulta, 10 juin-1er octobre, AF IV 1715, et Journal du Capitole, 1er juillet-1er octobre 1809.