FRANCE ET ROME

 

LE JOURNAL D'UN HABITANT FRANÇAIS DE ROME AU SEIZIÈME SIÈCLE (1509-1540).

 

 

Étude sur le manuscrit XLIII-98 de la Bibliothèque Barberini

 

Quel est le Français qui, pendant un tiers du seizième siècle, eut la persévérante et heureuse idée de noter, parfois jour par jour, les événements grands et petits dont Rome était ou le pittoresque théâtre, ou le témoin lointain, mais intéressé ? Trente et un ans, du 3 janvier 1509 au 4 octobre 1540, ce Français tint son journal : il le rédigeait dans sa langue maternelle, encore qu'il nous paraisse être devenu Romain de pensée, de cœur et de fait. Ces trente et un ans virent, on s'en souvient, la querelle célèbre de Jules II et de Louis XII, Marignan et l'entrevue de Bologne, les douze sessions du Concile de Latran, l'élection de Charles d'Autriche au trône impérial, la lutte acharnée du nouvel élu contre François Ier, Pavie et le sac de Rome par les lansquenets du connétable de Bourbon, le schisme d'Henry VIII et l'hérésie de Martin Luther, en un mot les importants pontificats de Jules II, Léon X, Adrien VI, Clément VII et Paul III. Si j'ajoute que, familier à coup sûr de la Curie, l'auteur de ce Diaire se trouve, à Rome, au centre des nouvelles de l'Europe comme des on-dit du Vatican, que, par surcroît, vieil habitant de la Cité, il s'intéresse aux moindres incidents de sa vie locale et journalière, cavalcades et cérémonies, meurtres et supplices, gelées hivernales et débordements du Tibre, cours des denrées et travaux de voirie, frappe de monnaies et chasses pontificales, on saisira facilement l'intérêt que peut présenter, même dans ses plus brèves mentions, ce carnet humble, enfumé, détérioré et moisi, enfermé depuis trois siècles dans les Archives Barberini.

C'est en effet sous la cote XLIII-98 de la riche bibliothèque, mise si libéralement par le prince Barberini à la disposition des travailleurs, que j'ai rencontré le Diaire anonyme dont il va être question. Il se présente sous l'aspect d'un étroit et long carnet, maltraité plus qu'il ne conviendrait par l'humidité et peut-être le feu. Le total de ses feuilles est de quatre-vingt-dix : les soixante premières contiennent le journal proprement dit, d'une écriture et d'un style uniformes, écrit, comme nous l'avons dit, de 1509 à 1540. Après trois feuilles blanches, une page est remplie par un début de journal, rédigé en italien, d'une tout autre écriture, et qui, vite abandonné, porte les dates du 26 août, 19 et 24 septembre, 3, 6, 10 et 29 octobre 1555 : après de nouvelles feuilles blanches, cinq sont complètement remplies par la liste exâcte et détaillée, rédigée en français, des cardinaux créés par Jules II, Léon X, Adrien VI, Clément VII et Paul III ; après deux nouvelles feuilles blanches, sept sont au verso consacrées à une sorte de livre de famille. Un incendie partiel a roussi une dizaine de feuilles et en a dévoré six. Le tout a pour couverture un parchemin contenant un bref original de Sixte IV, adressé à un clerc de Langres, l'année quatrième du pontificat (1475).

Il serait à coup sûr d'un très réel intérêt de pénétrer l'anonymat de l'auteur. A première vue nous possédons, pour y arriver, un précieux élément de recherche dans le court livre de famille qui clôt ce journal : An 1508 de Nativitate, y lit-on, Françoise, fille de Jehan Caillot, mon cousin et debiteur, fut née vendredi X de fevrier dudit an circa dix sept heures... A di XXI septembre dimanche 1522 trepassa ladicte et fut enterrée à Sainte Marie in Valicella au Puis Blanc — on sait que Sancta Maria al Pozzo Bianco était l'antique nom de l'église de la Valicella —, et plus loin : Jehan Laurens, filz du dessusdit, fut né a di 17 de novembre 1511 sabmedy circa 17 heures. A di... d'octobre 1522 trepassa ledict et fut enterré à Sainte Marie in Valicella au Puys Blanc. Toute la famille se fait enterrer à la même église. La trace du chroniqueur anonyme s'y retrouverait donc probablement, si, par malheur, les registres de la Valicella ne commençaient précisément qu'à la seconde moitié du seizième siècle, si d'autre part l'incendie n'avait, avec la vieille église, fait disparaître la plupart des inscriptions tumulaires[1]. Le savant curé de Santa Maria in Valicella, le P. Laïs, de l'Oratoire, m'a, au cours d'un intéressant entretien, pleinement édifié à cet égard, et, parmi les anciennes pierres tombales, conservées près de l'église, aucune ne nous rappelle le nom et le titre d'aucun des membres de la famille Caillot. — Dans son volume : Iscrizioni delle Chiese, du reste, Forcella n'en cite aucune qui nous intéresse. — Une autre mention, inscrite cette fois au journal de 1555, prouve seulement que la famille, française d'origine, gardait des liens avec la France : A di lunedi 26 Aug° 1555 Joh : Jacobus Mahé mio ne pote endo in studio in FranzaLe lundi 26 août 1555 Jean-Jacques Mahé mon neveu s'en alla étudier en France. En réalité le nom de l'auteur lui-même nous échappe.

Force nous est donc de nous résigner à cet anonymat : peut-on tout au moins surprendre dans le Diaire quelle sorte de personnage se cachait sous cet anonymat ? Évidemment l'auteur est Français ou d'origine française, puisqu'il emploie couramment la langue de Rabelais qui, à entendre Pâris de Grassis, n'était guère connue ni pratiquée à Rome. La langue de l'auteur, encore que vulgaire et incorrecte, a toutes les mignardises et toutes les naïvetés du style des contemporains de François Ier. Elle est, il est vrai, fortement mélangée d'expressions italiennes francisées et de mots italiens. C'est évidemment là le fait d'un homme ayant longtemps habité Rome : nous avons tous connu, après plusieurs mois de séjour en Italie, ce langage un peu macaronique, provenant de l'habitude de parler journellement et familièrement les deux langues. Comme on relève de ces expressions dans les premières pages du journal, force nous est de conclure que l'auteur n'était pas un nouveau venu à Rome en 1509. Aussi bien certains traits personnels, assez rares, nous donnent sur ce point quelques indications concluantes. L'auteur possédait à Rome une vigne qui lui donnait grand souci, car elle gelait et pleurait. Il était donc propriétaire, naturalisé Romain. Au surplus, il l'était bien par les sentiments : il doit certes à son origine de parler souvent de la France et il s'intéresse, semble-t-il, plus qu'à tous autres événements européens, à la naissance des Dauphins et aux faits et gestes de François Ier ; mais il paraît bien qu'il se place, pour voir, presque toujours au point de vue de la Curie : c'est de cet observatoire qu'il regarde l'Europe s'agiter. Quand Jules II conçoit l'idée exorbitante de transporter la couronne de France du front de Louis XII à celui d'Henry VIII Tudor, il exprime un scepticisme visible : Je ne sçay que ce sera, mais il ne s'indigne pas : il est juliste. Notons à ce propos que le mystérieux auteur semble ici au courant d'un acte ou d'un dessein qui resta ignoré — ou à peu près — de l'Europe. La bulle de dépossession ou plutôt la bulle d'investiture ne fut jamais expédiée au roi d'Angleterre ; l'original est conservé dans les Archives du château Saint-Ange où nous l'avons trouvé ; quelques mois après M. le marquis Ferrajuoli prouvait que la pièce était restée secrète[2]. Notre auteur cependant a connu les intentions du Pape exprimées au consistoire secret du 24 mars 1512. A quel titre pouvait-il écouter aux portes ou les franchir ? En réalité nous n'avons pas besoin de ce petit fait pour voir en lui un homme mêlé de fort près aux délibérations, racontars, incidents et événements qui agitent le monde ecclésiastique. Les mouvements et réformes de la Chancellerie, les cérémonies pontificales, les allées et venues de la Cour, les déplacements du Pape, les démarches de la brigade des Cardinaux lui sont connus par le détail : il s'y arrête volontiers. De l'importante et complexe entrevue de Bologne où François Ier arracha au Pape tant de concessions diplomatiques et canoniques, il ne veut retenir qu'une chose, la cérémonie de San Petronio et l'obedience prêtée au Saint-Père par le Très-Chrétien.

Il est clerc à coup sûr, mêlant encore du latin à sa langue italo-française, et clerc plus spécialement attaché au monde des cardinaux qu'à celui du Vatican : il note jour par jour les promotions et y revient : il est toujours présent à telle démarche de la brigade allant au-devant de tel ambassadeur ou de tel collège et il ne nous fait grâce d'aucun consistoire. Ce Français est assurément le plus Romain des Curialistes.

Que faut-il conclure de tout cela ? Que nous avons ici probablement affaire à un de ces clercs français fixés définitivement à Rome, où ils étaient venus à la suite d'un cardinal ou d'un haut bénéficiaire, et où ils demeuraient leurs représentants et chargés d'affaires. J'ai montré, dans un article, certains de ces clercs, originaires de Bayeux ou d'Aire, de Montpellier ou de Paris, appelés à témoigner, à plusieurs années de distance, de la valeur ou de la situation de leur diocèse primitif ; d'autres agissent au nom des candidats aux bénéfices. Ce sont des Français, mais des habitués de la Curie : l'un d'eux porte le titre de protonotaire[3]. Peut-être est-ce parmi eux qu'il faut chercher l'auteur du Diaire à l'étude duquel nous avons hâte de passer.

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Notre clerc note tout, ce en quoi il est précieux ; car nous saurions assurément sans lui que Charles de Bourbon prit Rome en 1527, mais nous ne saurions pas jusqu'où allaient les crues du Tibre et le prix des denrées. Les traits de mœurs se mêlent ici aux échos de l'extérieur, et c'est un vrai journal, au sens moderne du mot, que ce cahier, avec sa chronique politique, ses nouvelles du dehors, ses faits divers de la rue, ses constatations météorologiques, son cours de l'argent et ses échos judiciaires.

Le climat le préoccupe fort : ce climat tel qu'il nous apparaît ici est pour étonner ceux qui actuellement habitent Rome..., peut-être parce que, ne possédant pas de vignes, ils suivent avec moins d'attention les gelées et les pluies. Écoutons parler notre clerc vigneron : Lundy 2e d'avril 1509 la nuyt au mardi furent gellés les vignes qui avoient gesté, et la mienne fut fort gastée. Elle l'est encore plus par la pluie : En l'an 1510 depuys le commencement d'octobre fin au (jusque)[4] commencement de fevrier ne cessa de pleuvoir grande pluie qui ne fut point VI jours sans pluye dont chascun s'en foisoit grandes merveilles, car telle chose ne s'estoit veu de plusieurs ans. Et en verité en tonne fut si petit de vin que ce fut pire et encores d'autres fruiz. En août 1512 autre aventure : il grêle par telle manière qu'il gasta les vignes de Rome et gestait teulles des maisons par terre, abatoit les raisins, les noiz, les pesches et aultres fruiz. Une maladie sévit par surcroît, la mangiarose, ancêtre du phylloxéra. Tel avoit XII pez de vigne ne cueillit que XXI barils de vin. Nouvelles mésaventures en mars 1515 où il fist si grande gelée... qu'il gasta les vignes... dont la mienne qui fut fort gastée et me fist fort grand dommage et dura 4 ou 5 j(ours). En sa qualité de cultivateur, notre clerc n'est jamais content : la chaleur de l'été de 1516 lui est insupportable, cette chaleur si grant que nul ne se recordoit jamais avoir été telle, et suivie d'une pluie qui dure de la fin de mai au commencement de septembre. Triste année pour les pèlerins que cette année 1516, car il semble qu'après cette invraisemblable chaleur et ces pluies diluviennes, ce soit par un froid intense que François-Marie della Rovere reprit sa bonne ville d'Urbin aux Médicis, car alors fut grand yver qui dura longuement et fut molt sec et dura le grant froit par tout le moys de fevrier 1517. Est-ce parce que les travaux édilitaires de Léon X, comme le rapporte le chroniqueur, firent définitivement tort à ses vignes, mais pendant quatorze ans le climat l'intéresse singulièrement moins. Le sort des vignes cependant l'occupe ; en 1531 le vin est déjà maximé en Rome... et par toute l'Italie et Corsica..., et en avril 1532 une double gelée gaste les vignes, sans parler de la terrible grêle en mai. Il semble vraiment que le glacial Jules II eût refroidi pour cinquante ans la température de cet infortuné Latium.

A ces intempéries se joignent de fréquentes inondations du fleuve : le 16 novembre 1514, il se précipite sur Rome avec telle violence qu'il remplit plusieurs cantines et fast beaucoup de maux en Rome et hors de Rome et gestoit une maison... laquelle estoit toute neufve ; le samedi 27 janvier 1526, il est à tour de None...[5] en la rue à haulteur d'un homme. Du 18 au 29 décembre 1532, le Tibre couvre Rome. Tout cela fait quelque peu froncer le sourcil à notre viticulteur. Il est du reste toujours homme pratique, s'inquiète du prix non seulement du vin qu'il vend, mais aussi du pain qu'il achète. A ce point de vue, les terribles années 1526 et 1527, dont nous parlerons tout à l'heure, le font s'exclamer. Le rubio vaut huit ducats d'or, ou 80 julii et les forniers (fornarii=boulangers) ne fasoient le pain que de cinq libres pour 1 julio.

Cette préoccupation des choses pratiques n'empêche pas notre homme d'être fort crédule aux prodiges. En décembre 1517 on a vu, dit-il, près de Bergame, dans un bois un singulier mirage : des gensdarmes a pié et à cheval les ungs contre les aultres avec artillerie et trompettes, et ce voyoit troys roys à cheval, et duroit la dicte bataille circa demy heure et puis ce voyait grande quantité de pourceaulx qui estoient dedens ledict bois. Léon X en reçut avis et s'en émerveilla ; il envoya faire une enquête qui justifia ces dires. Mais qu'est-ce que cette bataille fantastique auprès de celle que se livrèrent, le 7 août 1531, dans le ciel, en Pouille, trois soleils et trois lunes qui combatirent par l'espace de trois heures ? De Bergame à Bari, on se sent aller vers le Midi, fertile en fantasmagories. Il va sans dire que, catholique très croyant, l'auteur signale force miracles et en est fort édifié. En juin 1525, ceux qui se font à Sainte-Marie du Peuple l'ont comme témoin : il voit guarir aveugles et cheminer impotens. C'est un bon Romain que ce compatriote de Rabelais : il croit au merveilleux plus qu'homme au monde.

Il est aussi un bon badaud, et il se promène en flânant : les réparations édilitaires l'intéressent fort : il s'en va, le lundi 12 juillet 1512, regarder les premiers coups de pioche que Jules II fait donner pour abatre la montagne près de Saint Spirit[6] et ouvrir la strade (rue) de St SpiritBorgo San Spirito  — : de là il court voir les fossés que le belliqueux pontife fait creuser plus profondément autour du château Saint-Ange où il veult faire des turions (tours) grans et fors. Rien n'arrête le terrible Jules II, grand abatteur de maisons et de princes[7] : pour percer une voie de la porte qui est très près du Chasteau St Ange fin à la tour du papa Nicolo[8], le Pape fait gester et abatre... toutes les vignes qui estoient là et aussi pour faire ung coridor cioe une allée secrète depuis ladicte tour du papa Nicolo fin au Chasteau... corridor qui finalement ne fut point faict[9]. Notre promeneur est encore au premier rang de ceux qui, en 1518, vont voir percer la strade de Notre Dame de Populo depuis l'église St Yves jusques audict Populo et tailler pour ce faire le palais du cardinal Orsini : il s'informe, apprend que Messir Bartolomeo de la Val et Messir Raimondo Capo de Ferro dirigent ces travaux et que l'industrieux Léon X fait payer l'argent aux cortisanes de Rome pour faire ladicte strade[10].

Il est en quête aussi des cérémonies et des supplices : ces distractions abondent à Rome, et elles ont souvent du piquant. Voici, spectacle édifiant, un juif qu'on baptise avec solennité le 9 janvier 1509 à l'Ara Cœli, un autre en compagnie de ses deux enfants à Sainte-Marie-Majeure : ces fils d'Israël sont gens de précaution, car en août de la même année, Jules II faict une bulle contre les Juifs d'imposition de la XXe partie de tout les biens qu'il deussent payer. — Voici un autre jour une cérémonie depuis longtemps inconnue à Rome, et qu'on ne reverra plus aux bords du Tibre qu'en 1870, l'ouverture d'un Concile œcuménique : le lundi 4, le Concile du Latran s'ouvre par une messe chantée par le cardinal de San Giorgio, camberlain (camerlingue), à l'autel qui est dessoubs les testes de St Pierre et St Paul, suivie d'un sermon par ce fameux frère Egidio, général des Augustins, qui devait être quelques années après l'agent actif de Léon X en Allemagne. Et se monstrèrent les testes de St Pierre et St Paul en présence des chevaliers de Rhodes qui estoient tous vestuz de roge et leurs croiz grande clavant et derrière et des ambassadeurs du Roy d'Aragon, des Venissiens, des Florentins et du duc d'Urbin et non aultres. Une autre fois, bien plus tard, notre chroniqueur, toujours à l'affût des cérémonies originales, va voir Paul III marier au matin à la Minerve soixante-douze filles vertueuses, fait rare. Aussi bien, qu'il fasse ou non partie du cortège pontifical, il connaît le jour où tel Pape chasse et volontiers le signale : le 1er décembre 1512, Jules II loge à St Paul au retour d'Ostie et de la chasse qu'il avoit faicte avec l'Église de Gurce (Gurck). Il suit les chasses de cet enragé Nemrod qu'est Léon X, il le voit partir à son plessir avec les deux favoris, les cardinaux Médicis — le futur Clément VII — et Porticu (Bibbiena), car Léon X délibère volontiers des affaires de l'État avec ses conseillers entre un renard et un sanglier.

Une autre fois encore, notre badaud s'en va voir écarteler deux terribles compatriotes, deux Normands, qui par surcroît sont clercs — qui ne l'est pas à Rome ? — Ces déracinés sont gens du diocèse de Coutances, et ils ont abusé à ce point de l'hospitalité de la Cosmopolis catholique, qu'ils ont tué sept hommes en une maison qui est près du fleuve, quatre femmes, deux Italiens et un Espagnol : il voit tenaigler et escarteller sans pitié d'aussi fâcheux compatriotes. On pense bien qu'il est au premier rang quand, le samedi 27 juin 1517, on tenaille en ung chariot et pend au gibet du Pont St Ange toute une famille cardinalice, maître d'hôtel, secrétaire et autres, prévenus d'avoir voulu empoisonner le Pape, cependant que le cardinal de Sienne, qui estoit principal de cette matière, est égorgé au château. Moins illustre est ce Didier Loren qui est, le 8 juin 1515, tenaillé, auquel on coupe les deux bras, les deux oreilles, le nez, qu'on écartèle ensuite au Camp de fleur (Campo dei Fiori) surs un chauffaudet pour avoir faict 13 ou 14 homicides pour desrober leur argent[11]. D'autres exécutions l'attirent : j'en passe. Rome est toujours la sinistre ville où les sicaires de César Borgia opéraient naguère dans l'ombre des petites rues, sous la lampe des Madones ; les coupe-jarrets y assassinent toujours pour le compte des grands seigneurs et des cardinaux, rivalités d'ambition, querelles de débauchés, haines de familles : le samedi 23 janvier 1512 fut frappé de nuyt le nepveu du pape, fiz de Mer Bartolomeo de la Rovere qui est Evecque premier de Saluces et fut feru près l'Eglise de St Syméon par un écuyer du Sr Nicolo... parent du Pape, et fut por une cortisane. Le 20 février 1534, c'est Germano Orsini lui-même qui, à près la tour de Capo debout près St Sebastien hors les Murs (tombeau de Cœcilia Metella), tue son frère Napoleone Orsini ; lorsqu'on a la main sûre, pourquoi payer les bravi ? C'est lui-même encore qu'opère le très haut seigneur Julien Cesarini, gonfalonier de Rome, qui, le 14 mars 1534, frappe le gouverneur de Rome sortant du Capitole et, dit notre chroniqueur, lui tailla la main et donna en outre quatre ferite (blessures) en la teste, ce qui fait retirer son titre à Cesarini comme infâme. Lorsque l'homme désigné par le destin fuit Rome, il est suivi par le poison ; tel le cardinal Hippolyte de Médicis, abbé des Trois-Fontaines, lequel l'on dit qu'il a esté empoisonné à Noies près de Naples par son senescalco secreto et ne rentre à Rome que pour être sepulcré à St Laurens in Damaso le 13 août 1533[12]. Ces sinistres événements ne paraissent pas émouvoir notre annaliste : il enregistre sans indignation ; le meurtre court les rues. En temps voulu, le carnaval les remplit de joie bruyante. En 1520 il est particulièrement brillant avecques chars triomphans et jogateurs (jongleurs) bien honestes et touz les mestiers acompagnant lesdits chars triumphans[13].

C'est toute la Rome du seizième siècle qui défile ainsi : pendant qu'aux dépens des vignes, qui ont, durant des siècles, recouvert la Rome écroulée des Césars, les pontifes constructeurs bâtissent la nouvelle et splendide capitale, des cavalcades brillantes remplissent les rues, des fêtes sacrées et profanes toutes grandioses, cérémonies du Latran — Saint-Pierre étant en construction), mariage d'un Médicis, canonisations pompeuses telles que celle de saint François de Paule et mascarades carnavalesques réjouissent la Cité ; les colonies étrangères illuminent sans cesse, offrent des fêtes et chantent des Te Deum pour des victoires nationales ; on promène dans les rues des étendards, des bannières, des drapeaux pris aux Turcs ; les Papes ne circulent qu'avec un cortège de toute splendeur ; on voit le dur Jules II pour qui la chasse est l'image de la guerre, le voluptueux Léon X qui y trouve l'occasion de superbes ripailles, revenir à travers la ville au bruit des cors de chasse ; les cardinaux, vingt à trente, s'en vont, en grand costume rouge, chercher à la Porte du Peuple les ambassadeurs de France aux fleurs de lis d'or, les orateurs de Venise somptueusement escortés. Dans la ville magnifique qu'élève la Renaissance depuis un siècle, dans les marbres et les bronzes qu'on prodigue, ce ne sont que cortèges resplendissants, et la nuit amène des girandoles, feux d'artifice, promenades aux torches, flambées de joie pour quelque triomphe sur le Maure, personnage odieux et mystérieux qui s'appelle Maroc, Tunis, Égypte, Constantinople. Une foule, plus cosmopolite même que celle d'aujourd'hui, et dont notre chroniqueur lui-même fait partie, sujets de François Ier, de Charles-Quint, de Henri VIII, sujets aussi de l'Orient lointain, se coudoient au pied des palais neufs des princes de fraîche date, Farnèse et Médicis, de l'hôtel splendide du banquier Chigi ; on rit, on jase, on danse, on illumine ; mais sur les marches des palais neufs comme au coin des rues de la vieille ville tortueuse, on s'égorge et se taillent, bravi et grands seigneurs pêle-mêle, lorsque le poison n'agit pas assez vite, cependant qu'au point du jour des échafauds se dressent au Campo dei Fiori, ou les gibets devant le pont Saint-Ange.

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Rome n'est pas seulement la pittoresque cité qui donne au flâneur les spectacles les plus variés ; Rome est — à cette époque surtout — la Cosmopolis la plus singulièrement peuplée de l'Europe. Pour la Chrétienté elle est la Métropolis. La papauté y brille alors, sous Jules II et Léon X, d'un incomparable éclat ; les victoires militaires et la diplomatie hautaine de l'un, les célèbres libéralités du Mécène qu'est l'autre, ont fait de Rome, pour quelque temps, le centre tou b à la fois de la diplomatie européenne et de la Renaissance à son apogée. La Ligue de Cambrai, puis la Sainte Ligue ont fondé un concert européen dont la direction, deux fois, est restée au Vatican : la Chrétienté est redevenue ainsi une réalité, et Rome en est la tête ; dès lors c'est bien urbi et orbi que le pontife parle. Là est le centre diplomatique de l'Europe. Jamais le fait ne parut plus éclatant qu'en l'année 1515 : lorsqu'en décembre, le pape Léon transporta à Bologne la cour pontificale, pour y traiter avec le vainqueur de Marignan, un véritable congrès, tel que peut-être la Chrétienté n'en avait jamais vu et qu'elle n'en vit plus jusqu'aux réunions de Westphalie, y groupa autour des souverains les hommes d'État de la France et de Rome, les représentants de l'Empereur, des rois d'Aragon et de Naples, de Portugal, d'Angleterre, de Bologne, des Républiques de Florence, de Venise et de Sienne, des princes de Ferrare et de Mantoue. On y traita de toutes les questions d'Occident et d'Orient. Je n'insiste pas sur ce chapitre que j'ai étudié ailleurs[14]. Les nonces au surplus constituaient à cette époque avec les orateurs de Venise la seule diplomatie réellement organisée, et c'était à Rome qu'on rencontrait le groupe le plus compact de diplomates étrangers. Les cardinaux y apportaient un autre élément cosmopolite, avec leur entourage bigarré où des clercs hongrois et des prêtres grecs coudoyaient des ecclésiastiques castillans, français, anglais, allemands. Les colonies enfin ne furent jamais à Rome plus nombreuses qu'à cette époque ; c'est alors qu'elles se bâtissent des églises nationales ; nous allons assister, à côté même de notre chroniqueur, à la pose de la première pierre de Saint-Louis des Français. Les pèlerins forment autour de ces éléments fixes une population flottante, et, pendant quelques années, le Concile de Latran attire au seuil des apôtres une foule disparate de prélats étrangers. Comment, dès lors, Rome ne serait-elle pas l'officine où se viennent mêler les nouvelles du monde entier, et la Curie romaine le point où aboutit tout écho proche ou lointain ?

Notre chroniqueur, étant de la Curie et, par surcroît, de la colonie étrangère, est naturellement au fait de toutes les nouvelles. Ses flâneries dans les rues de Rome ne l'absorbent pas : il s'informe de l'Italie, de l'Europe, de l'Univers, il enregistre fidèlement les événements, et, comme c'est en bon curialiste qu'il les enregistre, il est intéressant de le suivre en cet autre genre de chronique.

Nous allons donc le prendre comme cicérone à travers les événements de ce tiers de siècle. Nous lui laisserons le plus souvent la parole : le lecteur y trouvera sans doute une satisfaction plus complète.

A l'époque où commence le Diaire, Jules II fait trembler Rome, l'Italie et la Chrétienté sous sa rude discipline. C'est un prêtre peu ordinaire : il n'aime pas les cérémonies éclatantes, les pompes sacrées : nous le voyons s'y dérober. Le 7 juin 1509 Fust le Corps de Dieu (fête du St Sacrement) et le pape non porta point le corps de Dieu pour ce qu'il estoit un peu malade de palagres, mes le porta le Cal Reghino, et lorsque le lundi 4 avril 1512, s'ouvre le Concile, le Pape ne paraît même pas, d'après le chroniqueur, à la messe solennelle chantée par le camerlingue San-Giorgio. C'est un singulier prêtre et vicaire du Christ[15]. Positivement la chronique qui nous occupe ne retentit, durant ces trois années, de 1509 à 1512, que d'excommunications, de monitoires, de menaces, de privations, de punitions, de disgrâces, de châtiments et de malédictions, lorsqu'elle ne nous entretient pas de guerres, combats, prises de ville, assassinats et vengeances. Les Vénitiens, puis les Français sont, on le sait, successivement en butte aux violences du pontife[16]. Le 27 avril 1509, monitoire penal et excommunication contre les Vénitiens s'ils ne rendront les terres qu'ils tiennent de l'Église : on leur donne vingt-quatre jours pour venir à résipiscence, sinon l'excommunication les frappe jousques à la quarte génération. Ce sont là les effets de la Ligue de Cambrai qui a uni contre Venise le Saint-Siège et l'Europe y compris la France. Louis XII se fait alors le gendarme de l'Eglise en attendant qu'il devienne pour elle l'antéchrist. Il y a échange de cordiales paroles entre le Très Chrétien et Jules II. Ils sont en relations constantes : Le 18 juin 1509 Mgr le Cardinal d'Aux[17] (Fr. Guillaume de Clermont-Lodève) se pertit de Rome pour aller trouver le roy Louys à Milan... pour luy parler d'auchunes siennes besongnes et torna à Rome le XXVIIe d'aoust dudict an. Le Roi vient le 14 mai 1509 d'écraser à Agnadel les Vénitiens pour le compte de l'Europe et, cependant que le cardinal d'Auch entretient, au nom du Pape, Louis XII d'auchunes siennes besongnes, Jules II spécule sur cette victoire pour traiter avantageusement et sous main avec le Sénat : Lundi 2e de juillet, après XXIII heures entrèrent les ambassadeurs Venissiens en Rome, mandés de la Seigneurie de Venise, pour demander absolution et demander paiz et pour metre leurs choses en bon accord et furent logiez en la maison de M. Paulo Plaura, Eps (Evêque) de Flume (Fiume) et nota que la brigade des Cardinaulx n'allèrent point au devant, pour ce qu'ils estoient excommuniés. Les négociations traînant, les Vénitiens les hâtèrent en s'emparant d'un ami de Jules II. Le VIIe d'aoust par les Venisiens fut pris le marchesse de Mantua en ung lieu qui s'appelle l'isola de Lestalla et fut feru de deux férites (blessures) et mené en Venise prinsonnier fin au moys de septembre 1510 et fut relaxé par le moyen de papa Julio II°. Louis XII ne garde qu'un allié : Maximilien ; mais quel allié ! Sans doute le XVIIe d'aoust fust mis par le champ à Padova par les gens de Maximilien eleu Empereur et de Mr de la Palice mandé de par le roy de France, mais s'enlevèrent les gens dudict Maximilien en octobre, sans riens faire come estoit son ussance. Telle est bien en effet la réputation de l'indolent et fantasque Roi des Romains[18]. Cependant l'Europe, sous l'action de Rome, s'est retournée contre Louis XII : trop puissants en Italie, les Français redeviennent impopulaires à Rome. Sans doute, le 24 octobre 1509, René de Prie, cardinal de Bayeux, reçoit encore le chapeau roge en consistoire ; sans doute, le 8 janvier 1510, fut baillé le chapeau à Louys d'Amboise Cal d'Alby, mais lorsque le 25 mai 1510 trépasse à Lion sur le Rosne Georges d'Amboise Cal de Rouan, du tiltre de San Sixto, prebstre Cardinal, légat en France, un des grands électeurs de Jules II et le conseiller écouté de Louis XII, le Pape, qui n'est plus retenu par rien, prélude déjà par des actes de violence à la terrible querelle qui va exaspérer l'un contre l'autre le pontife romain et le Roi Très Chrétien. Le Pape prévoit vite quel caractère le Roi va donner à la lutte : il faut à Jules près de lui les cardinaux français qui seraient ses otages à Rome et qui, près de Louis XII, dresseraient Église contre Église. Le sabmedy XXVIII de juin 1510, Fr. Guillaume Cardinal d'Aux... fut prins par le commandement du papa Julio II par main du barisel ; fut prins près Saint Roch, estant en gropa (croupe) d'un sien serviteur, car ledict Cardinal s'en vouloit aller en France sans licence dudict pape, et fut mis en une barcha et passa delà du Tibre et fut mené et anis dedans le chasteau St Ange, y demoura dedans ledict chasteau fin a XXIV du moys de juin l'an 1511 qui fut l'an tout entier et puys lui donnèrent demourance au Palais (Vatican) et ne pouvoit venir ni aller en sa maison[19]. Mais ce n'est pas avec des mesures de haute police qu'on prévient un schisme : si bien que lorsque, quelque temps après, Jules II, définitivement brouillé avec Louis XII, part pour Bologne et ordonne que la chancellerie alast après luy... et aussi aux Cardinaulx, — V Cardinaulx cy après nommés, quant ils furent à Florence, s'en allèrent en la Lombardie : ycy sont les noms : le Cardinal de Sainte Croiz, Spaignol[20] ; le Cardinal de Saint Malo[21], le Cardinal de Baieux, François ; le Cardinal de Cusence (Cosenza), Spaignol[22], et le Cardinal Saint Severin, Lombardo[23], et par ainsi ne sont point volu aller à Bolongna là où estoit le pape, mès allèrent à Milan et là demourèrent quelque temps et là fut faict la citation du Concilie contre le pape Julio II[24]. La rupture est ainsi consommée entre la Curie et le parti des cardinaux français. Il va sans dire que pendant ce temps le Pape a donné la soublution (absolution) aux Vénisiens qui estoient excommuniés. Le 24 février 1510, ils ont promis de ne plus empescher de donner bene fices ny d'empescher la mer Adriane et rendent le Marchis de Mantoa qui est leur prinsonnier : ils promettent enfin de payer deux cens mil ducats. Mais notre chroniqueur est sceptique à ce sujet : Je n'en sçay riens, dit-il, je ne les ay point contéz. Les Vénitiens n'en sont pas moins reconquis.

Nous n'entrerons pas, même derrière notre auteur, dans le récit de la lutte maintenant engagée ; le Diaire signale consciencieusement les succès des deux partis : on allume des feux de joie pour la prise de la Mirandole par le Pape le 20 janvier 1511, mais on est morne quand, le 22 mai, les Français prennent Bologne. Ce dernier événement aigrit fort la Curie : de violentes disputes en sortent ; elles vont loin : le cardinal Alidosi ayant fuy à grant haste à la prinse de Bolongna où estoit ledict Cardinal Légat, le duc d'Urbin, François de la Rovère, le tue à Ravenne de sa propre main dont fut une grande chose, car il savait bien que c'estoit le Cardinal[25]. La fortune change bientôt : voici que le mercredi 11 février 1512 vint à Rome novelles cornent la ville de Brescia s'est retornée contre les François et rendue en la main de Venise par traisson de ceulx de la ville ; le 13, autre bonne nouvelle, Bergame s'est soulevée contre les Français. Fist fere Julio II° Brant reste au chasteau de tirer artillerie et feu par Rome et sonner la campana de Capitole. Jules II frappe à tour de bras : pendant qu'une armée se prépare, que le Concile de Latran est convoqué, il prive de leurs bénéfices les deux Briçonnet par ce qu'ils se trouvèrent au concilie de Pize[26], l'horrible conciliabule schismatique (13 février 1512), et menace par une bulle solennelle les Bentivoglj de Bologne, le duc de Ferrare, les capitaines français et tous alliés des Bentivoglj, enfin le roy de France qui en terme de 6 jours doit delesser Bolongna, Ferrare et aultres terres de l'Église sous poine d'estre excommuniés à grants et graves interdiz. Le Roi semble indifférent aux menaces : le Concile de Pise s'est transféré à Milan, y attaque le Pape : le cardinal San Severino, principal fauteur, est nommé légat du Concile : détail curieux, il se rend à Bologne, sous le coup de l'interdit pontifical, pour le lever, et ledit légat vint accompaigné de grant quantité de gens d'armes à pied et à cheval et avoit bulle dudict concile pombée (sic) avecques le pomb où estoit le Spirit Sainct en estampe... et ledict légat leva l'interdit de Bolongna, de Ferrare et d'aultres où le pape Julio II° l'avoit mys[27]. Avant de se décider à menacer le roi, le Pape frappe tous les Français qu'il peut atteindre : voici l'auditeur de Rote Benoist Adam dépouillé, le 4 mars 1512, de es fonctions, sort déplorable, car, remarque le chroniqueur, curialiste informé, il touchoit d'estre doyen de la Rota. On se rit, à la vérité, dans le camp français, des fureurs du pontife : car on triomphe par les armes ; le 3 avril 1512, le jour de Pâques, les gens d'armes de l'Église, conduits par le cardinal de Médicis[28], ont afronté avecques les gens d'armes du roy de France en lieu près de Ravenne, et les Français conduiz par le duc de Nemours et comte de Foys ont rompu lesdits gendarmes de l'Eglisse en telle manière que nul overo bien peu n'en scampèrent, et y furent pris le Cal de Médicis, Pierre de Navarre, Patrice Colonna et plusieurs aultres..., le vice-roi de Naples s'en étant fuict à bon heure. Le pis est qu'insolemment le cardinal San Severino, légat du Concile schismatique, suit l'armée et fait une entrée solennelle à Bologne, et depuis toute la Romagne se rendit audit légat nomine concellii Pisani. A ces coups Jules II continue à répondre par les anathèmes : le 30 avril 1512, il excommunie les Suisses por ce qu'il avoit pris argent de luy et ne le servirent contre le roy. Il vient soudain de rehausser son prestige : autour de lui s'est assemblé solennellement le Concile de Latran dont la cérémonie d'ouverture, le 4 mai 1512, a déjà été décrite. Il est temps que l'assemblée orthodoxe se réunisse, car, le 21 d'avril 1512, le Concile de Pise a suspendu le papa Julio, c'est assavoir qu'il ne se puisse plus empêcher en mille manières de donner bénéfices Dy aussi en la temporalité touchant ce qui appartient à l'Eglisse et decleré que tout ce qu'il fera d'ycy là en avant sera nulle valeur en quelque façon que ce soit[29]. Jules II ramasse le gant, et après avoir conclu confederation avec le roi d'Angleterre contre tos les mal volans cioè contre le roy de France, le lundi 14 mai 1512 in consistorio secreto il somme Louis XII de rendre le cardinal de Médicis sous poyne d'excommunication et de privation du tiltre de Christianissimo. La menace était d'un autre âge : nous devinons avec quel scepticisme l'accueillit l'entourage même du Pape puisque notre chroniqueur ajoute : Je ne sçay que ce sera. Le 7 juin il voit le Monitoire affigé à la porte de l'audience au Palais[30].

Cet acte d'audace semble cependant avoir conjuré le mauvais sort. Voici, de toutes parts, des nouvelles heureuses. La Lombardie se soulève : Contre le roy sont le pape, l'Empereur, le roy d'Espagne, le roy d'Angleterre, les Vénitiens et les Souisses : le Milanais est perdu par les Français, et comme le dimanche 27 juin, on apprend une victoire du roi de Pologne contre les Tartares, on en prend prétexte pour faire grans feux de joye par tout Rome. En réalité, ajoute le chroniqueur, on fêtait moins la victoire de la Croix que la défaite des Français : mais comment célébrer, officiellement, par des feux de joie la mort de tant de chrétiens ! Louis XII semble abandonné de tous : c'est avec un grand orgueil qu'on voit entrer le 4 juillet 1512, d'après notre diaire, le duc de Ferrare, Alphonse d'Este, par la porte du Peuple pour fere sa paiz avecques le pape et, logé à San Lorenzo in Lucina, attendre quatre jours le consistoire public où il demande absolution. Mais aussi quelle déception quand, le 19, on apprend que le duc s'en est enfuy de Rome au matin d'avant jour et s'en est allé avecques luy Fabrice Colonna par la porte Saint-Jean, dont le pape est fort corocé, d'autant que les fugitifs ont combattu avecques la garde de la porte ![31]

Cette petite mésaventure ne fait qu'exciter le terrible pontife. Voici les mesures les plus violentes. Notre auteur va, le 24 aout 1512, voir afficher à la porte de la Chancellerie une nouvelle bulle excommuniant non seulement ceux qui prêteraient aide et faveur au Concile de Pise, mais encore tous marchans qui iroient à la foire de Lion, car veult le pape qu'ils aillent à Genève en Savoie et beaucoup d'aultres choses qui sont contenues en ladicte bulle et tout le reaulme de France interdit afin que soient chassés les schismatiques dudit reaulme. Pendant ce temps le cardinal de Médicis, qui s'est échappé des mains des Français, prend, de concert avec le général espagnol, la ville de Prato, le 28 août 1512, et la saccage le plus crudellement du monde, car la plus grant part des gensdarmes estoient spaignols qui saquegèrent ladite ville et prindrent filles, Eames, garsons et en firent tout à leur plesir, plus que n'eussent fait les Turchs en contre des Chrestiens. Trois jours après, le cardinal rétablit à Florence la maison de Médicis grâce à la grant armée des Spaignols et à la complaisance de Soderini qui cedit jour renunça l'office de confalonnier. La Toscane rentre ainsi sous l'influence du Pape : Plaisance, d'autre part, le 26 juillet, Parme, le 17 octobre, viennent par des ambassadeurs prêter le serment d'obédience : des orateurs de Gênes, affranchie des Français, accourent saluer le pape : ils descendent près la Colonna qui appelle Montacitorio (8 décembre 1512). Le samedi 20 novembre, Jules II, enfin, conclut ligue avec le roy des Romains et le roy d'Aragon, et, le 10 décembre, à la quatrième session du Concile du Latran, est leu la bulle contre le roy Loys de France, — renuncé la Pragmatique et decerné une citation contre le Roy à dire pourquoy il tient ladicte Pragmatique. Tout tremble devant le vindicatif Jules II. Sa colère est donc extrême quand les Vénitiens tendent la main à son ennemi. Le 18 janvier, il fait afficher en Camp de Fleur (Campo dei Fiori) l'excommunication contre ces transfuges, et déjà Rome se prépare à entendre sortir de cette bouche si âpre de nouveaux anathèmes, quand, le 21 février, la Cité Sainte apprend que la mort a mis son sceau sur ces lèvres sévères. Notre chroniqueur voit, le jour même, introduire à Saint-Pierre le corps du pontife qui fut porté dans la chapelle Saint-André en la chapelle de son oncle papa Sixto. Il assiste, le 23, aux obsèques solennelles célébrées avec une rapidité inusitée contre l'ussance des aultres papes. C'estoit, ajoute le témoin, afin que les 4 Cardinaulx privéz qui estoient à Lion ne fussent à temps d'entrer en Conclave. Il semblait en réalité qu'on eût hâte de murer cette tombe où reposait le fougueux et indomptable pontife[32].

***

La réaction contre la dure discipline du Pape défunt allait se traduire par un fait curieux d'anarchie. Pendant que les cardinaux entraient en conclave, fort disposés à choisir celui de leurs collègues dont le tempérament se rapprocherait le moins de celui de Jules II, la populace se déchaînait : notre chroniqueur reste étonné de ces excès : Vendredi XXV de février 1513 après la mort du pape Julio 20, par le Romains fut mis à sac le Monastère de Saint Paul et fut pris et emporté le grain, le vin, or, argent, bestiame, artillerie et toutes aultres choses qui trouvèrent dedans et y estoient présent le So Prospero de cano Colonese (Prosper Colonna) pour le capo et conduite de l'entreprise et d'aultres Romains en grande quantité et se disoit qu'il fut fait de consentement du Collège des Cardinaulx, je ne sçay s'il fut vray, et par aussi St Pierre est ruyné et St Paulo sacquegé. Dieu veuille que tout aille bien. On sent dans cette réflexion l'angoisse du citoyen tranquille en face de cette anarchie, suite fatale d'une trop dure tyrannie.

Cependant Rome a un maître : le 11 mars 1513, les 24 cardinaux entrés le 4 mars au Vatican et dont le chroniqueur nous énumère consciencieusement les noms et titres, élurent le cardinal Jehan de Médicis, diacre, du titre de Santa Maria Navicella overo in Domenica âge de 39 ans seulement. C'est un voluptueux et un indécis, médiocre capitaine, grand amateur d'art et de bonne chère, politique timide. Le samedi 18 mars, il est couronné à Saint-Pierre sous le nom de Léon X et luy mist les III Corones les Cardinaux diacres... et cedit jour il dict sa Ire messe sur l'autel de St Pierre en Brant triumphe[33].

Le nouveau pontife se montre libéral : les premiers actes sont populaires : le ter mai 1513 sont faiz en Rome... grans feus de joye por ce que le pape Léon X leur remist les gabelles : les impôts sont diminués et le vin romanesque ne paye point de doane et plus, pour moudre le grain ne faudra point avoir buletin qui coustait 9 sous 9 sauf les fermiers qui payeront. A l'extérieur, c'est aussi une détente : il y a des lis de France sur l'écusson du nouveau pape ; Louis XI en fit cadeau jadis au magnifique Laurent, aïeul de Léon X. Le 22 mai, c'est avec étonnement que le chroniqueur constate l'entrée à Rome de l'ambassadeur du marquis de Mantoue portant à son col l'ordre du roy de France. C'est une plaisanterie qu'on ne se fût pas permise dans les derniers jours de Jules II. Et voici, de part et d'autre, les premiers symptômes d'apaisement : les fauteurs du Concile de Pise, Bernardin Carvajal et Frédéric San Severino, viennent faire amende honorable. Jules II, qui les a dépouillés de la pourpre, leur eût fait tordre le cou. Ils sont cependant reçus ledit jour (27 juin 1513) en consistoire secret de consentement de la maior partie des Cardinaulx en la dignité et office de Cardinaulx comme devant. Mais ils ont dû s'humilier, et ce détail paraît si important aux contemporains que, soixante ans après, Brantôme s'en indignera encore ; ils entrent au consistoire comme simples prebstres ayant les bonnez violets et vestes violets et non point de habit roge ny de Cardinal[34]. Le schisme n'en est pas moins fini. Et voici pour traiter de matières politiques, qu'entre, le dimanche 23 juillet 1513, par la porte près de St Pierre, Monseigneur l'Evesque de Marseille nommé Glaudo d'Ais (Claude de Seyssel)[35]. Le Roi étant encore excommunié, non allèrent point au davant les gens des cardinaulx ny du Pape... mes seulement les gens de V cardinaulx bienvoillans du Roy... car il ne venoit point donner obedience, mes por simple orateur. L'orateur assiste aux fêtes données par les Romains en l'honneur de la promotion de Julien de Médicis au poste de gonfalonier de 1'Eglise, et au dîner sur la place du Capitole, qui dura circa VI heures auquel furent tant de viandes que fut possible à estre ; il put constater qu'à Rome l'âge de fer avait pris fin : la tombe de Jules II était bien scellée. Les échecs mêmes que subit Louis XII et que cite soigneusement notre curialiste, n'ébranlent pas Léon X dans son dessein de rétablir la concorde, pas même la rentrée dans Milan de Maximilien Sforza, saluée cependant, le 25 novembre, à Rome par des feux de joie. Tous les jours, les ambassadeurs de toutes les puissances entrent à Rome : les cardinaux ne suffisent plus à les aller recevoir à la porte du Peuple : Rome devient médiatrice après avoir été le foyer de discorde. D'autre part, les grandes puissances, désireuses de retenir à elles le Pape un peu indécis, renvoient à Rome tous leurs cardinaux en grand équipage : le 6 décembre le cardinal de Gurck, envoyé par Maximilien, entre à Rome solennellement avec 53 charriages : Léon X veut du luxe autour de lui ; cinquante-trois chariots ne sont pas trop pour un cardinal : et voici un autre équipage, l'ambassadeur de Portugal Tristan de Cugno (Da Cunha) entre dans Rome amenant un éléphant, destiné au pape Léon X qui a un goût extrême pour la ménagerie[36] : c'est en audience publique, entouré des cardinaux, que Léon X reçoit le 20 mars cet encombrant et magnifique présent, et l'intérêt qui s'attache à l'animal est tel que, trois ans après, notre chroniqueur, sollicité cependant par de bien graves événements, nous apprendra le 16 juin 1516 la mort de cet éléphant diplomatique. Qu'on est loin déjà des sévères soucis de Jules II !

Voici cependant le cardinal Briçonnet, voici le cardinal de Prie qui, le 7 et le 23 avril, viennent en consistoire implorer l'absolution et revêtir la pourpre dont ils ont été dépouillés. Je passe mille traits de ce rapprochement forcément lent après l'épouvantable querelle qui a failli amener le Roi Très Chrétien à déposer un pape et un souverain pontife à arracher le trône au petit-fils de saint Louis. On allume, le samedi 2 septembre, des feux de joie pour la paix entre les rois de France et d'Angleterre précisément brouillés par Jules II : Louis XII ayant prins mour mougle (femme) la seur dudit Engleterre, une messe est célébrée à Sainte-Marie du Peuple à leur intention, à laquelle allèrent une grant partie des cardinaulx : notre chroniqueur va voir le soir la maison illuminée du cardinal San Severino[37]. Ces noces, qui se célèbrent de Notre-Dame de Paris à Sainte-Marie du Peuple, sont, on le sait, vite suivies de funérailles, puisque le 10 janvier 1515 on apprend à Rome la mort du vieil époux, victime de trop jeunes amours.

François Ier lui a succédé sans difficultés : le chroniqueur, qu'intéressent toujours puissamment les affaires de France, ne nous cite pas seulement le fait : il sait déjà que, le 25 janvier, le nouveau Roi a été sacré à Reims et que, le 15 février, il a fait son entrée à Paris où y avoit 90 mil chevaulx (sic) et 1.800 persones. Les relations s'améliorent dès lors tous les jours entre la France et le Saint-Siège. C'est une tante du nouveau Roi, Philiberte de Savoie, qu'épouse en my de fevrier 1515 Julien de Médicis, frère du Pape, et au-devant de laquelle, le 31 mars, la brigade du pape et des cardinaulx s'en va à la porte du Peuple en grant triumphe et honneur pour la mener logier à Mont Jordain (Monte Giordano). Aussi bien, cette brigade des cardinaux a fort à faire : les voilà qui le 2 avril 1515, vont encore à la porte du Peuple au-devant des ambassadeurs de Venise, si solennellement excommuniée par Jules II quelques jours avant sa mort : les voilà qui, le 11 avril, célèbrent avec une pompe, inouïe jusque-là, la fête de saint Léon ny plus ni moins que une feste comandée de Nostre Mère Sainte Yglise, car, pendant trois jours ne se laboura par Rome ny ne s'ouvrit les botègues (boutiques) : les voilà qui, le 4 mai, assistent à l'ouverture de la dixième session du Concile ; ce n'est pas une sinécure d'être porporato ! Le porporato cependant n'est pas plus sous Léon X que sous Jules II à l'abri de certaines surprises désagréables. Ne voilà-t-il pas le cardinal San Severino, particulièrement remuant, il est vrai, qui a celle d'être un beau matin, le 25 juin 1515, appréhendé et mis au château Saint-Ange : et pourquoi ? une peccadille : Ses staffiers ont tué un sotto-capitaine. Un des staffiers a, pour ce fait, le même jour la main taillée : un autre a donné des férites à Jehan Neron de Lion, serviteur du governateur. Le cardinal s'en tire cependant à bon compte : le 26 il est mis hors de prinson. A vrai dire, ce San Severino, vrai type de l'époque, entreprenant, violent, fastueux, audacieux, entouré de poètes et de sbires, de soldats et de prêtres, de bravi et d'artistes, est le point de mire des regards de Rome où il représente par surcroît le Roi Très Chrétien, en chassant avec le souverain pontife. Mais l'indulgence de ce dernier n'est acquise au terrible cardinal que lorsque le roi de France est bien en cour. Or voici des nuages. François Ier veut reconquérir Milan, et le Pape, incertain, tiraillé, mécontent, se joint, en hésitant et, en négociant, aux Espagnols et aux Suisses pour l'en empêcher. Solennellement. le vendredi 25, on arme du bâton de commandement Julien de Médicis, ce bâton que Michel-Ange lui mettra dans la main, sur le tombeau qui seul immortalise ce médiocre capitaine. On lui baille les estendars de l'Eglisse. Le 15 juillet le gonfalonier annonce dans Rome son départ pour la Lombardie. Va-t-on voir ressusciter l'ombre belliqueuse de Jules II ? Hélas ! Julien tombe malade à Florence et sert ainsi, mieux que par tout autre acte, les desseins de Léon X, toujours atermoyant. C'est dans une attitude hostile, mais inactive, que sur le Pô l'armée pontificale, à Rome la Curie assistent aux événements de l'été de 1515[38].

Je continue à ne suivre que notre chroniqueur, ayant ailleurs étudié ces événements avec d'autres documents : Dimanche XIIe jour d'aoust 1515 entrèrent en Italie les François par ung passaige qui est verso le pays de Saluces qu'on appelle le Mont d'Argentière qui est le plus terrible pas qui soit à passer delà des mons... et la cause est por ce que les Souxsses gardoient les aultres passaiges et se acampèrent auprès de Mont Cenis en Pyémont et puis le XVIII dud. moys le roy François I de ce nom ariva au camp... Dimanche XII d'aoust fut pris Prospero Colonna en une ville de Piemont nommé Villafrancha par Monsr de la Palice accompagné de grande multitude de gens d'armes avecques luy... Vendredy 14 de septembre 1515 fut faist la bataille entre le roy François I de nom et Milanoys et Souysses près de Milan en laquelle bataille demoura grande quantité de Souysses et de Lombars et encores de François. Mes les François gaignèrent le camp et fut victorieux tellement que par ce il fut mis par toutes les villes de ladite Lombardie. Et le chroniqueur n'a garde d'oublier la mésaventure si plaisamment racontée ailleurs et qui fit jeter si peu opportunément le masque à la Curie. Et nota que à Rome la novelle que tous les François etoient tous tuez et mors, par quoy Alboreu et Surret, Cardinaulx, et les ambassadeurs du Roy des Romains, d'Espaigne et duc de Milan et aultres plusieurs firent grans feuz de joye par II jours, cuydant ce fust estez lesdits Souysses et duc de Milan qu'eussent eu la victoire, mes tout estoit au contraire... Qu'on observe ici que le chroniqueur, dévoué à la Curie, ne dit pas que le signal des feux de joie fut donné par le cardinal Bibbiena, alter ego du Pape. Sur ce point les dépêches et rapports des ambassadeurs sont absolument formels[39]. Cependant, les événements se précipitent dans le nord de l'Italie : Vendredi Ve d'octobre 1515 se rendit le chasteau de Milan et le duc Maximilien le rendit et y inist les gens du roy... et s'en alla ledict Maximilien en France.

Il n'y a plus d'obstacles entre François Ier et Rome ; Léon X se résigne à traiter ; une entrevue est décidée : ce sera l'entrevue de Bologne. Sur ce chapitre notre auteur est très bref. Si nous n'avions pas la verbeuse chronique de Pâris de Grassis et les rapports des ambassadeurs étrangers, nous pourrions croire que les fameuses conférences dont est sortie, avec le célèbre Concordat de 1516, la paix de l'Italie et de l'Europe, n'ont été qu'un échange de politesses où Léon X a le beau rôle ; le Roi a donné l'obédience au Pape — il faut lire ailleurs de quelle façon il la lui donna à San Petronio[40] — et le Pape a fait cardinal l'étrange évêque de Coutances, Adrien de Boisy ; c'est tout. Nous citons. Après nous avoir dit que le Pape est parti pour Viterbe sans qu'on pût penser qu'il irait plus loin, le 1er octobre 1515, notre chroniqueur ajoute que Léon X prit le chemin de Florence : A di ultimo de novembre entra en Florence. A di 8 de Decembre entra en Bolongna A di XI dudit entra le roy François I de ce nom entra en lad. ville de Bolongne pour parlementer ensemble et donner obédience... Vendredi XIIII de Décembre... le pape Léon X fist cardinal Hadrian de Bossi (Boisy) evesque de Coutance, du titre de Sainte Sabine et ce en son concistoire de Boulongne quant le roy de France y estoit lequel donna obedience en personne au pape... Jeudi XXVIII de fevrier 1515 entra en Rome pape Léon X par la porte de Popolo accompagné des Cardinaux qui avoient esté à Florence et à Bolongna avecques lui et a demouré hors de Rome V Moys. Croirait-on qu'il s'agit là d'une entrevue où le Pape a dû capituler devant le Roi, céder Parme, Plaisance, abandonner ses alliés et, faute de la pouvoir reconquérir, livrer au Roi l'Église gallicane ?

Il ne lui en garde pas rancune, car les années 1516, 1517 et 1518 sont remplies de faits grands et petits qui démontrent les bonnes et étroites relations du Pape et de la France. Je ne m'attache qu'à ces faits. Tout d'abord, Léon X s'aperçoit que les obsèques de Louis XII n'ont pas été célébrées à Rome : le 11 avril, on lui en fait de solennelles en la chapelle du Palais, d'autant plus solennelles qu'elles ont été plus différées pour quelque raison : à la fin de l'été, le Pape donne et octroye à François, roy de France, une décime pour tout son reaulme et aultres lieux pour la croisade, et, quoique le Roi Très Chrétien soit beaucoup plus disposé à s'allier aux Turcs qu'à les combattre et joue sur ce point son auguste allié, à Rome on veut être trompé, car on y affirme qu'au moys de septembre mande ledit roy une armée contre lesdits Mores, dont estoit capitaine un nommé Pierre Navarra bien vaillant home. Or c'est pain bénit, car on a vu récemment de quelle façon ces Mores traitaient les chrétiens : le 8 juin sont venus à Rome circa 80 overo 90 homes et femmes qui estoient rédimés des mains des Maures par main d'un certe frère Espaignol vesté de blanc avec les armes d'Aragon et une croix pardessus... et allaient par Rome avecques deux bannières. Croisé ou non, François ler est en faveur : si, le vendredi 8 décembre, s'ouvre la XIe session du Concile où est renoncée la Pragmatique, elle l'est de concert avec le Très Chrétien. Enfin quand, le dernier jour de février 1518, fut né le dauphin de France... à Amboise et fut baptisé audict Amboise par Mgr le Cardinal de Boisy... furent les parains le pape Léon X et por luy son nepveu Laurent, duc d'Urbin, corne parent dudit pape, l'aultre fut le duc de Lorenne. C'est encore en 1518, le ter septembre, que notre chroniqueur assiste à la pose de la première pierre de Saint-Louis-des-Français par Julio Cardinal de Médicis et vice-chancelier, cousin du pape Léon X, protecteur de France, et Monseigneur Denis Briçonnet, évesque de Saint Malo, ambassadeur de France... avecques grant multitude d'aultres nobles prélatz es estoient recteurs de la dite yglisse Mgr Pierre Lamberti, abbréviateur de parco maiori et Messir Jehan Chalteau Prochonoy tous deux de Savoie et tésaurier Messire Anthoine de la Roche. L'évesque qui la consacra ladite pierre fut Monseigneur de Vénose, Provençal[41].

C'est aussi à la demande et à les despense de François Ier que le 1er mai 1519 est faite la canonisation de saint François de Paule, cérémonie dont notre annaliste nous fait une description pittoresque. Tous ces petits faits locaux ont leur intérêt pour l'histoire de l'alliance entre les deux puissances et c'est pourquoi nous avons cru devoir y insister.

Le Pape cultive fort cette alliance : l'empereur Maximilien ne peut être un ami sérieux ; nous avons vu de quel œil sévère il était jugé à Rome, et ces années 1516 et 1517 sont particulièrement fâcheuses pour son bon renom[42] : quant au roi d'Aragon, Ferdinand, nous en apprenons la mort le 22 janvier 1516, et c'est à peine si le chroniqueur nous parle une fois dans ces trois ans de son insignifiant héritier, le pâle Charles, roi d'Espagne : on laisse deux cardinaux espagnols célébrer, le 8 octobre 1517, l'heureuse arrivée en Espagne de ce nouveau venu dans la politique. — Ce sera Charles-Quint. — Le seul allié utile est pour le moment le brillant François Ier. Or Léon X en a grand besoin, aux prises avec des difficultés d'ordre intérieur dont nous trouvons les échos dans notre diaire : la lutte avec le duc d'Urbin, François de la Rovère, qui ne veut passe laisser dépouiller au profit de Laurent de Médicis, et une mystérieuse conspiration de cardinaux qui remplit la Chronique de notre inconnu plus que le Journal de Pâris de Grassis. Ce complot, vrai ou faux, entraîne Léon X à des actes de violence qui compromettent à ce point sa popularité, que, le 11 juin 1517, il n'ose paraître à la procession du Corpus Dei : le château Saint-Ange se peuple de cardinaux et de prélats, des porporati sont privés, le maitre d'hôtel d'un cardinal et le médecin de Vercelli tenaillés et pendus, un autre coupable jeté aux galères, un cardinal égorgé, le Sacré Collège renouvelé par la promotion de trente et un cardinaux quand les Romains voulurent fêter cette fantastique promotion, une pluie violente, accompagnée d'un tonnerre que d'un an ne s'estoit veu, vint éteindre les illuminations, ce qui parut de mauvais présage. Le Pape crut devoir s'éloigner de Rome et s'établit avec sa chancellerie à Viterbe, du 18 septembre au 27 octobre 1517, d'après le chroniqueur, qui, très mêlé au monde des cardinaux, consacre naturellement plusieurs pages à ces événements. Jusqu'en juillet 1518, on n'entend parler que des rigueurs qu'a provoquées ce complot[43].

Des difficultés plus sérieuses allaient surgir. Le 18 février, le Pape faisait célébrer solennellement les obsèques de Maximilien, mort le 11 janvier 1519, et personne ne se dissimulait que le trépas de ce médiocre personnage allait mettre le feu à l'Europe. On sait l'attitude double que garda dans cette élection impériale Léon X, toujours hésitant. Il avait cependant au début soutenu François Ier[44]. Or le 5 juillet 1519 vient à Rome à l'ambassadeur d'Espaigne lettres et novelles coment le Roy d'Espaigne et seigneur d'Autriche estoit éleu empereur... De cette novelle, lisons-nous, y eut en Rome grant alegrece pour les Alamans et Spaignols et en firent grant feu de joye, mais le Pape ny les cardinaux n'en firent riens. La nouvelle les surprenait : confirmée, elle les convertit au nouvel élu et ils allumèrent leurs girandoles : on célébra une messe pontificale et on ferma boutiques. On ne prévoyait pas les lansquenets de Bourbon et le sac de Rome par les troupes du nouveau César.

On sait que la lutte commença au lendemain de l'élection, entre Charles-Quint et François. Nous n'en avons ici que des échos lointains. Notre chroniqueur est, avec Rome, occupé du splendide carnaval de 1520, des obsèques princières faites en avril à l'opulent banquier Chigi, le plus grant triumphe que fut fait jamais à mort en Rome[45], de la promotion de Bibbiena à la pénitencerie, de celle d'Innocent Cibo au Camerlingat qu'il a payé quatre-vingt mille ducats, et enfin de la mort de Léon X, de ses longues et somptueuses obsèques (2-31 décembre 1521). Car ce Pape fastueux eut les funérailles qu'il eût aimées.

Son règne avait été règne de carnaval : jamais Rome n'avait été plus splendide, plus joyeuse : les girandoles s'étaient allumées à toute occasion, mais au fond elles n'éclairaient que les défaites de sa diplomatie vacillante et les capitulations de sa politique imprévoyante. François Ier l'avait joué à Bologne et Charles-Quint fait capituler à la Diète. On avait, lors des deux événements, affecté de se réjouir à Rome. Au surplus la population, heureuse des spectacles fastueux, avait aimé ce pape plus que le Sacré-Collège, humilié de ses échecs.

***

Adrien VI passa sur Rome comme une ombre[46]. Cet Allemand n'aimait pas la pompe. Notre annaliste signale sa simplicité : Il n'alla point à Saint-Jehan en triumphe come est solito des aultres pontefici, mes y alla tant seullement avecques 1 peu de ses gens sans nulle pompe. Aussi bien il trouvait le Siège tout dépourveu d'argent[47] et la peste régnait à Rome. Le pontife allemand ne rompt pas seulement avec les traditions somptueuses qu'a créées Léon X, mais avec sa politique : le 5 août est publiée à Sainte Marie Maior en presence du pape la ligue entre Rome, l'Empereur, le Roi d'Angleterre, les Vénitiens, le duc de Milan, le duc de Ferrare et les Florentins contre François Ier. Ce fut le seul acte d'Adrien VI il avait fait figure de chapelain de l'Empereur à Rome[48]. Le lundi jour de Sainte Croix... trepassa Adrien... en Rome, lequel estoit Flamand overo Brebanzon... L'étranger eut de tristes obsèques : Nota, écrit, le chroniqueur visiblement hostile et méprisant, qu'il ne fut accompagné des Cardinaulx aultres que de Guillaume Entrenoit, Cardinal de Tortosa, lequel il avoit fait cardinal (2)[49].

Avec Jules de Médicis, proclamé pape sous le nom de Clément VII, on semblait rentrer dans la tradition de Léon X. Mais les circonstances avaient changé. On avait besoin de Charles-Quint contre l'hérésie luthérienne. Le premier acte du Pape est l'envoi de Laurent cardinal Campegio à l'Empereur quant Martin Luther fust heretico corne devant est dit. L'alliance continue donc entre Rome et l'Empereur, confirmée par la défaite de François Ier en Lombardie[50] ; le chroniqueur la signale ainsi que l'invasion des Impériaux en Provence. M. de la Roche, ambassadeur de Charles-Quint, est reçu à la porte du Peuple avec le respect dû au succès, le 12 août 1524. Il est vrai qu'on a bientôt lieu de s'en repentie : on apprend à Rome avec émerveillement que le Très Chrétien a chassé les ennemis de Provence et repris Milan et nota que ce fust une chose la plus subite que jamais homme ouyt dire que en ce bref temps chasser ses ennemis et prendre ledit Milan[51]. Voici du coup Clément VII reconquis : des feuz de joie s'allument le dimanche 8 janvier 1525 ; c'est pour célébrer la ligue faicte entre le pape et le roy de France et les Venissiens[52] et, le 13 février, le duc d'Albany, général au service de la France, entre à Rome, accueilli en allié par le Pape[53]. Hélas ! celui-ci s'est encore trompé : le 26 février, d'autres feux sont allumés, cette fois par les cardinaux et seigneurs espagnols et lombards. On vient d'apprendre que François Ier a été battu et pris à Pavie le 23. La captivité du Roi plonge le Pape dans la consternation. Quel coup mortel au prestige de la France ! Le Roi est amené prisonnier à Gènes et mis en châtelet, puis le mercredy dernier de may mis... surs une galée avecques grosse armée pour mener en Espaigne[54]. Les plus grandes menaces sont dès lors suspendues au-dessus de Rome ; le Pape redoute la colère de l'Empereur et commence (en juillet 1526) à faire gens a pié et a cheval pour lui faire guerre.

La ville est singulièrement éprouvée : la peste y a duré depuis l'an 1522 joucques à présent (août 1524) : on a dû sur le Testacio brûler tous les matelas et couvertures infectés. Le peuple ému, enfiévré, cherche, voit des miracles à Sainte-Marie du Peuple. Les fléaux se succèdent : le Tibre inonde la ville plus qu'il ne l'a jamais fait, le 27 janvier 1526. Ne redoutant plus ni les dures vengeances de Jules II ni la police de Léon X, les patriciens agissent en bandits et en rebelles : le jeudi 20 septembre 1526, le Sr Ascanio Colonna, le Sr Cardinal Colonna, le Sr Rob. Latin Ursini prindrent par force d'armes les portes de Rome... et avecques gens d'armes vindrent à S° Apostolo et là disnérent ; après disner mirent leurs gens d'armes en ordre et vindrent par Rome fin à Pont Sixto lequel il prindrent par force et pouys après Porte St Esprit et tout ce avecque IIII pièces d'artillerie qu'ils menoient et circa 4 mille hommes de pié et circa 6 cens chevaux, puys allèrent au Borg (le Borgo), et sacquegèrent Sainct Pierre... avec la major part du Palais du Pape et la maison du Cardinal Remelino, Cambrelain (camerlingue), et là firent de maulx infiniz et à la fin dudit XXe jour le pape leur bailla en ostaige deux Cardinaulx, videlicet le Cal Cibo et le Cal Ridolpho, et la nuyt dura ladicte trève, et après retornerent à Sanct Apostolo dormir, et nul ne demora au Borg de leurs gens, et le Pape estoit au chasteau Saint Ange de paour des dangiers, et sebmady XXII dudict moys se partirent lesdits Colone de Rome au matin, car le vendredy XXI il concèderen quelque chose avec le pape. Et nota que eurent du pape ostaiges videlicet Philippe Stroci et le fils de Jacques Salviati et s'en allèrent au reaulme de Naples à Notre Dame de Grotta Ferrata[55].

Personne ne put douter que cette brutale incursion n'eût été une reconnaissance des amis de Charles-Quint : c'était un terrible avertissement. Le Pape ne pouvait dès lors se faire d'illusions sur le sort que semblait lui réserver le ressentiment de l'Empereur. Il se tourna du côté de la France et appela à l'aide : le 8 janvier 1527, notre auteur voit entrer à Rome le sieur Rence de Ciero, lequel venoit de France avecques certains capitaines du Roy de France et amena auchunes compagnies de gens d'armes a pié. Ces gens de guerre, alliés ou adversaires, coûtaient cher. Rome était désolée : une effroyable disette y régnait dès 1526, les forniers (boulangers) ne fasoient le pain que de cinq libres pour un julio. Et les charges se multipliaient ; voici : Louys, comte de Vaudesmons, frère du duc de Lorene qui entre à Rome par la porte Portese le 1er février 1527, et va loger au Borgo, pour y préparer son expédition contre Naples : il part ensuite pour Civita-Vecchia, s'embarque pour le sud, puis revient à Rome le 8 avril. Le désordre est à son comble : Colonna et Orsini sont unis contre le Pape ; Clément VII frappe à gauche et à droite : le 21 novembre 1526, il a privé de ses titres le cardinal Colonna ; le ter février 1527, il fait jeter au château Saint-Ange Napoléon Orsini por ce qu'il le voloit trair. Mais combien de temps durera cette anarchie ? Clément VII veut alors désarmer l'Empereur, fauteur de ces désordres : sollicité, le vice-roi de Naples entre, le 15 mai, à Rome et va loger chez le cardinal Cibo au Vatican : il est accueilli en triomphe, car on croit qu'il apporte la paix ; le pontificat si lamentablement commencé va-t-il enfin donner à Rome, avec cette paix, l'ordre et la prospérité ? On le croit.

Le réveil est terrible. Ce sont les trompettes du connétable de Bourbon qui le sonnent (1). Ici encore laissons parler le chroniqueur : Sabmedy IIIIe jour de May 1527 Charles qui se dit duc de Bor-bon, avecques le prince de Reuge, mirent leur siège devant Rome, du cousté de Monte Mario et le dimanche Ve dudit moys les gens du pape les combattirent depuys le matin fin au seur, en divers lieux, videlicet à Monte Mario, à Ponte Mole, à Porte Turian, à Porte Sainct Paneras, et partout fut perditeur ledict pape. Depuis lundi VI de cedict moys circa XI heures entrèrent en Rome par la porte du Saint Esprit les gendarmes dudict et puys ledict sieur (Bourbon) au soir circa, XXII heures entrèrent par la porte Suttimana et par le mur rompu lesdicts gens d'armes, et depuys commencèrent à saquager toute Rome sans espargner nul homme de quiconque sorte et génération qu'il fust et faire de maulx infinis tellement que les Gotz ne firent jamais le simile, car toute Rome fut mise à sac, églises et aultres. Après ce fait, videlicet la prise et sac de ladicte ville, commencèrent lesdicts gens d'armes à faire prisonniers toutes sortes de gens, hommes, femmes et enfens de toutes sortes, nonobstant le sac davant fait et mirent à taille tout le monde de Rome tellement que n'echapa home qui fust en Rome qui ne fust prisonnier et sacquegé et paya rançon, car jamais homme ne vit ne leut en quiconque historie plus grant crudelité que ce fast à l'heure et dura ledict sac par l'espace de plus de 30 jours continuels et plus. Et nota que les Cardinaulx furent mis audict sac, excepté le Cardinal de Monte, le Cardinal de France et le Cal Julienot Flament ; depuys assiégerent le Château Saint Ange... Et nota que ledict Borbon fut tué en la bataille, le lundj au matin et fut mis in deposito en l'église Saint Jacques l'Espaignol... Et sans nulle faulte ne fut espergné église de quiconque sorte que ne fust sacquegée, et porté vie (jeté dehors) les reliques et ornemens de quiconques sortes que ce fusse et Cardinaulx prins pour prisonniers et citadins et fammes, enfens de Romains et de cortisans tellement que c'estoit la plus grant pitié que jamais fust au monde. Et nota que fut en grande cherté de pain que pour argent se n'en trovoit et ce peu que se trovoit constoit ung julio 12 onces. Et nota que le chasteau St Ange fut mis ès mains de l'Empereur jeudy Ve de juin dudict an 1527, videlicet le bas, et le hault le tient encore le Pape, et fut accordé entre le pape et le Vice-Roy et aultre pour ledict Empereur comme condition que le Pape payroit une somme d'argent, dicitur 400.000 ducats, dico quatre cent mille ducats d'or de Camera bien que ne fut mis aud. Chasteau nul pour l'Empereur. Et durant que le camp de l'Empereur fut à Rome, fut parfait pour les gens de l'Empereur Mr de Lamotte, gouvernateur de Rome et son lieutenant un nommé Mr Bernard Darière, advocat consistorial... Et durant que les gensdarmes et gens a pié furent en Rome, furent tous jours adonné a distraction en my les maisons des habitans de Rome et de jour en jour, fassant de maulx infinix, cioe brullez maisons, marchandise, libvres, registres, escriptures et similia. Et nota que ne ce disoit messe ny d'ung office saint en quiconque églisée là où le pape donna licence januis clausis.

La désolation est extrême : les cardinaux maltraités succombent à l'émotion : notre chroniqueur signale parmi eux cinq morts en quelques semaines. La terreur est à son comble. Le samedi 30 novembre, cependant, les six otages donnés aux lansquenets leur échappent : Ils s'en allérent par une cheminée avec une scalla de cordes et s'enfuyrent... et non sans cause ont voulu eschaper, car lesdicts lancequenetz les avoient menez plusieurs fois en Camp de Fleur (Campo dei Fiori) pour les voloir tailler les testes. Enfin, le 7 décembre, au vespre fut libéré le pape et mis en sa liberté, et les frères d'Ara Cceli firent la prbcession depuys le Chasteau Saint Ange joucques à St Pierre, chantant le Te Deum laudamus et pour sa libération a baillé cinq Cardinaulx en ostaige... Et sebmady circa 8 heures se partit led. pape Clément dud. Chasteau et s'en alla vers Orvieto... puys vint à Viterbe a primo de juin de l'an 1528 et là demora fin cy après... Le lundi XVIIe de février 1528 au matin se partit de Rome le Camp de l'Empereur lequel y avoit démoré depuis le XVIIIe settembre dernier passé et estoit tant mal à Rome que nul ne le pourroit estimer tant de menger, boire et jecter les maisons par terre, primo les descouvrir, après gaster les soliers et les mettre au feu, gaster libvres, ustensiles des maisons sans nulle utilité et aultres choses. Le 23 février cependant eut lieu une grande procession d'action de grâce et l'interdit fut levé sur les églises de Rome. La misérable cité respira[56]. Mais elle était ruinée. Ce fut en se voilant le visage que le triste Clément VII y rentra le 6 octobre 1528, ne voulant que nulle personne allât au devant de luy. Il s'humiliait, s'inclinait devant la force, et dans la ville saccagée, éventrée par les lansquenets de Charles-Quint, dans cette cité, où, nous dit le chroniqueur, les loups en grande quantité erraient de nuit, mangeants les hommes, enfans et chiens et achevant ainsi l'œuvre impériale, des feux de joie furent allumés pour célébrer l'alliance humiliante du Pape avec les bourreaux de Rome. Il fallut que ce malheureux Clément VII bût la coupe jusqu'à la lie, allât saluer à Bologne le haut patron de Bourbon, ce maussade et cassant Charles-Quint, dans cette église San Petronio où si galamment le gentil roy François Ier avait servi le magnifique pape Léon X[57].

Notre chroniqueur n'insiste guère sur ces lamentables événements : mais il se désole sur l'état pitoyable de Rome : tout semble conjuré pour en augmenter la misère, crue du Tibre telle qu'on n'en avait pas vu de pareille depuis 1495, disette de vin et de pain, les denrées à des prix exorbitants : ce pendant, des prodiges effrayants enfiévraient les esprits surexcités.

Dans la ville ruinée, la Curie ne voit que difficultés, obstacles et soucis. A l'extérieur, il faut se courber devant Charles-Quint, accueillir en triomphe à Rome sa fille naturelle (5 mai 1535), passer par ses volontés — le diaire est plein de faits caractéristiques de cette situation —, mais il faut aussi ménager le Roi Très Chrétien : le 11 juillet 1533, le Pape s'est vu forcé en consistoire de donner sentance contre le roy Henry VIIIe d'Angleterre et c'est le schisme menaçant : il semble au contraire qu'en Allemagne l'hérésie n'inquiète pas assez Rome, car le chroniqueur n'en parle pas. Le Pape ne peut même s'absorber dans ces graves soucis : près de lui, de sérieux désordres se produisent : le 20 février 1534, Napoléon Orsini est tué par son frère Germano, et, quelques jours après, le gouverneur de Rome est assassiné, en sortant du Capitole, par Julien Cesarini, gonfalonier de l'Église. Il faut sévir, élever des échafauds.

Le tableau est ainsi complet. En dehors, servitude du Saint-Siège devant les souverains, protecteurs hésitants et par conséquent redoutables du dogme, rupture avec les princes schismatiques, l'Église universelle désolée, les hérétiques devenant puissants tandis que les Turcs, enhardis, descendent sur les côtes mêmes de l'Italie, à Salerne, à Gênes, à Terracine encore, où dans le mois d'août 1534 ils font grans maux et grand paenne. A l'intérieur, une ville à sac, églises profanées, sacristies vidées, maisons démolies, familles où l'on ne cesse de pleurer les morts que pour rougir d'effroyables des honneurs, une population affamée, les loups errant dans les décombres, et par surcroît de grands seigneurs, revenus à cet état de bandits qui fut celui de leurs aïeux du douzième siècle, des Orsini, des Colonna, des Cesarini assassinant en plein jour, accumulant fratricides sur massacres. Tel est le tableau qu'évoque la Chronique après bien d'autres documents plus connus.

Le pis est que ce malheureux Clément VII semble posséder le mauvais œil. S'il le dirige sur la France, c'est tant pis pour notre pays. Il lui fait en effet vers ce temps-là un fatal cadeau, sa nièce Catherine de Médicis. Elle est le gage d'une union que le Pape voudrait renouer avec le Très Chrétien, et sera la surveillante, au sein d'une dynastie, qu'on dit penchant vers l'hérésie, de l'orthodoxie romaine. Le Pape la veut amener lui-même à Marseille : aussi bien, il est manifeste que le pontife ne cherche qu'un prétexte de quitter Rome : nous le trouvons à Bologne, à Viterbe, à Orvieto, à Marseille, partout où il ne verra pas la Cité sainte dévastée. Il va donc assister au mariage de Henri de Valois, le futur Henri II, avec sa nièce, et le chroniqueur nous donne des nouvelles de ce voyage. Le Pape, parti de Rome le 8 septembre 1533, est arrivé à Marseille le 11 novembre : nous mettons à l'heure présente moins de temps pour aller du Corso à la Canebière ; il est allé loger au jardin du roy qui est soubz Nostre Dame de la Garde. Et puys le dimanche 12e traversa le port et vint dedans Marseille et alla descendre à la grande Église, accompagné des deux enfants dudit roy, un le duc d'Orléans, l'aultre le duc d'Angolesme, pensez en quel triumphe. Le Pape bénit le mariage du duc d'Orléans Henri avec Madame Caterina, nièce de Clément VII... le Roy, la Royne, le Dauphin et son aultre frère et les II filles avecques moultz Cardinaulz, car le Pape en fist quatre nouveaux Cardinaulx... Le 11 décembre 1533, le Pape rentrait à Rome où se fist feste... et sonna la grosse campane de Campidogle (Capitole). Il laissait à la France, dans cette jeune femme, effacée alors et d'apparence insignifiante, un terrible destin[58].

Il retrouva Rome troublée par les assassinats que nous avons déjà signalés et, par surcroît, mise en deuil par la mort de plusieurs cardinaux. Les Turcs menaçaient encore les côtes. Tout était sombre. Le Pape lui-même s'alita au cours de l'année et termina le 25 septembre 1534, après quatre mois de maladie, une vie fort triste et un lamentable pontificat. S'il faut en croire le chroniqueur, il fut peu pleuré. C'était le rendre responsable de malheurs dont il avait été, en dernière analyse, la victime plus que l'auteur.

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Le 11 octobre 1536, nous dit notre auteur, le Conclave s'assembla : il y avait là trente-six cardinaux dont il n'a garde d'omettre les noms. Alexandre Farnèse, évêque d'Ostie, fut élu pape sous le nom de Paul III. L'origine de sa fortune était suspecte : Julie Farnèse, maîtresse d'Alexandre VI[59]. On le fêta néanmoins : devant lui, le 27 octobre, le peuple romain en liesse fit défiler trois chares triumphans et plus de 2.000 torches blanches. On le vit beaucoup circuler dans Rome : ce sont des chevauchées que Clément VII n'eût point osé accomplir dans la misérable cité. Et nota que les deux petits Cardinaulx ses nepveux... chevacèrent avecques luy en abit de cardinal. Notre chroniqueur se fait vieux : il s'attache tous les jours davantage aux petits faits intéressant avant tout le Sacré-Collège, promotions, morts ou allées et venues de Cardinaux. Le chancelier Du Prat, mort le 11 juillet 1535, n'est pour lui que le cardinal de Sainte-Anastasie. On n'aperçoit guère dans sa chronique qu'un trait du pontificat de Paul III, un népotisme qui n'attend pas même l'adolescence des neveux pour les couvrir d'honneurs. Le vendredi 23 août, celui que notre auteur appelle le petit cardinal Farnèse est fait vice-chancelier de l'Église avecques le palais et la maison corne avoit le cardinal de Médicis. Celui-ci, Hippolyte, cardinal de Saint-Laurent in Damaso, vient de mourir empoisonné le 11 août 1535. Ce népotisme va faire de ces Farnèse les plus riches princes de l'Italie. Il faut pour cela l'amitié de Charles-Quint. Des faits cités par la chronique il ressort bien que l'ombre de cet astucieux Habsbourg couvre maintenant la Chrétienté. Les princes d'Italie, le duc de Ferrare, le grand-duc de Toscane apparaissent à Rome en grand équipage, mais tous se dirigent vers Naples pour aller saluer l'Empereur tout-puissant. En leur honneur, Rome revit et se pare : on répare les désastres de 1527. Le carnaval de 1536 est des plus brillants : des étendards neufs apparaissent, car il avoient esté perduz quant Rome fut misse à sac : il y eut des courses de chevaux turcs, ce qui n'avait pas eu lieu depuis 1520. Le 5 avril 1536, Charles-Quint lui-même fait son entrée à Rome bien triumphant. Les cardinaux l'alèrent prendre à St Paul là où il avoit dormi la nuyt devant et le firent passer par la porte St Sebastien et fut amené par devant St Sixto et puys pardevant St Grégoire et puys le passèrent par soulz l'arc qui est devant le Coliseo et l'autre arc à Ste Marie Nové (arc de Titus) et puys par l'aultre arc qui est soulz Campdolio (arc de Septime Sévère) et puys à St Marc là où avoit esté fait 1 aultre arc de boys bien beau et puys fut mené par devant la maison de Cézarin (Palais Cesarini) et puys à la maison de Maximo et domorèrent en Campo de Fleur (Campo dei Fiori), puys allèrent tout droit à Palais (Vatican). Et nota que surs le pont St Ange avoient mis saintes statues des Prophètes et les 4 Évangélistes, et le pape Paul 3e l'atendoit sous l'escalle de St Pierre soubs le lieu où le pape a coustume de donner la bénédiction. Le 16, le Pape chante la messe de Pâques à St-Pierre et led. Empereur fist le diacre en ses abiz Impériaux. Le 18, après disner se partit led. Empereur pour s'en aller en Lombardie[60].

Le seul souci du Pape est maintenant d'éviter tout conflit entre François Ier et Charles-Quint. Le cardinal de Lorraine, qui vient à Rome demander le reaulme de Naples au pape au nom de ses frèreset puys pour demander le ducé de Milan au nom du roy, est froidement reçu et ne reste que deux jours. La guerre ayant éclaté, le Pape envoie deux légats le 17 juin 1536, le cardinal de Trivulce en France, le cardinal Caraccioli en Allemagne, pour prêcher la concorde. Il parvient à l'établir seulement en août 1538, époque à laquelle le chroniqueur constate qu'il y a enfin paiz universelle entre les princes. Ce sont les derniers faits saillants du diaire, l'auteur se contentant ensuite de citer avec une monotonie assez triste la mort d'une série de cardinaux. Le pontificat de Paul III y apparaît donc assez pâle jusqu'en 1544. Le Concile de Trente, réuni en 1545, eût sans doute rencontré dans notre clerc un intéressant annaliste. Ce fut le grand événement de ce règne qui, à certains égards, devait paraître facilement réparateur, tant il avait trouvé, à ses débuts, de ruines morales et matérielles.

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Par cet examen, forcément assez limité, de ce journal inconnu, on peut juger, croyons-nous, très exactement de sa valeur et de son intérêt. Sa valeur est secondaire. Le document ne révèle rien à ceux auxquels l'histoire du seizième siècle est connue ; il ne modifie pas très sensiblement les appréciations que nous suggèrent de plus importants documents[61]. Mais il est précisément intéressant de constater que, le rapprochant des chroniques, journaux et lettres de l'époque, nous l'avons toujours trouvé exact et véridique. Les détails topiques et les renseignements accessoires, que nous y rencontrons d'autre part abondamment, constituent pour nous une bonne fortune. Vivant à Rome, l'auteur nous fait pénétrer par ces courts faits divers dans l'existence quotidienne de la Cité en cette première moitié, agitée et bruyante, d'un siècle émouvant. Mêlé de près au monde de la Curie, il nous montre, par les incidents sur lesquels il insiste et par ceux mêmes qu'il néglige, l'état d'esprit des serviteurs de Jules II, de Léon X, de Clément VII : bien placé pour être informé avec exactitude de la chronique de ces règnes, il nous fait mieux comprendre que par des appréciations personnelles le caractère propre de leurs pontificats. Étranger enfin, habitant en pleine Cosmopolis, il s'intéresse suffisamment au monde international, pour faire sortir son modeste journal des limites étroites de la chronique locale. Écrivant certainement pour lui ou sa famille, il est plus indépendant que les Burchard et les Pâris de Grassis qui savaient leurs diaires destinés à aller un jour reposer, en documents officiels, aux Archives des maîtres des cérémonies du Vatican. Moins enfermé qu'eux dans les murs de la cour romaine, il est aussi moins prétentieux qu'eux : il évite la verbosité souvent insipide de ces chroniques officieuses. Il n'est pas préoccupé de se faire incessamment valoir comme Pâris de Grassis, et s'il a ses préférences, il n'a pas la passion xénophobe et surtout gallophobe des Maîtres des Cérémonies, ses contemporains.

Ce petit journal anonyme, d'allure familière, de style un peu macaronique, où le français d'un contemporain de Rabelais s'altère de latin de séminaire et d'italien courant., nous repose du document officieux, à la fois rempli de morgue et de flatterie, avec ses prétentions au style cicéronien, aboutissant le plus souvent au plus somptueux des latins de cuisine. Il nous apparaît ainsi, par sa forme même, comme plus sincère, plus pittoresque et par conséquent plus caractéristique. Si on le dégage du fatras des faits insignifiants, il devient un témoin véridique, alerte et parfois — sans y prétendre — amusant, sur ce théâtre considérable, d'une des périodes les plus importantes de l'histoire pontificale. A tout prendre, ce clerc français, s'en allant visiter sa vigne romaine et flânant à travers la Rome de la Renaissance, méritait de retenir quelques instants notre attention. N'est-il pas de ces guides sympathiques, bien informés et suffisamment indiscrets, comme nous aimons en rencontrer parmi ceux de nos compatriotes qui, ayant passé un long temps dans la chère Cité, peuvent nous promener à travers sa chronique, — je n'ose dire sa chronique scandaleuse, — aussi bien que dans ses rues, et, nous initiant aux mœurs du présent autant qu'aux vestiges du passé, nous font franchir les portes et presque sonder les cœurs ?

 

 

 



[1] D'où le nom de l'église actuelle de Santa Maria Valicella la Chiesa Nuova, qui fut fondée en 1550 et achevée en 1605.

[2] L'acte conservé aux Archives du château Saint-Ange est du 20 mars 1512. Peut-être avait-il été rédigé pour être, le cas éventuel, publié solennellement. (Cf. FERRAJUOLI, Un breve, inedito di Giulio II. Arch. della Società Romana di Storia Patria, vol. XVI.)

[3] Louis MADELIN, les Premières applications du Concordat de 1516, d'après les dossiers du château Saint-Ange, p. 20-22. (Extrait des Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. XVII.)

[4] L'expression italienne fin a est constamment employée par l'auteur.

[5] Le quartier actuel de Tor di Nona situé le long du Tibre sur la rive gauche entre le pont Saint-Ange et le pont Umberto.

[6] San Spirito in Sassia, qui allait être rebâti sous Paul III ; l'hôpital du Saint-Esprit avait été fondé sous Innocent III.

[7] Pâris de Grassis dit qu'on l'appelait le faiseur de ruines (il ruinante), parce qu'aucune considération ne le retenait de démolir. (Sur les travaux édilitaires de Jules II, cf. PASTOR, t. VI, p. 463-465.)

[8] La tour Borgia, située au centre des bâtiments du Vatican, en réalité construite par le pape Nicolas V en 1450.

[9] Ici notre auteur se trompe : le passage commencé en 1500 existe actuellement. De fait, tout était préparé pour l'entrée possible de Louis XII à Rome.

[10] C'était assez l'usage. (Cf. RODOCANACCHI, Bouffons et courtisanes.)

[11] Sur les divers modes de supplices à Rome, cf. ADEMOLLO, la Giustizia a Roma, Rome, 1882.

[12] C'est celui dont Titien nous a laissé un portrait si admirablement expressif en costume militaire, actuellement au Musée Pitti.

[13] Rapprocher ces détails de ceux que nous donne M. Ademollo dans son curieux volume : Alessandro VI, Giulio II e Leone X nel Carnevale di Roma (1499-1520), Florence, 1886.

[14] Cf. l'étude précédente sur l'entrevue de Bologne.

[15] On se rappelle le jugement porté par François Ier devant Léon X sur Jules II : Il fut en vérité plutôt un avisé capitaine et un très bon général d'armées qu'un pape romain. Cf. l'étude précédente.

[16] Pour tous ces événements du pontificat de Jules II cf. PASTOR, Histoire des Papes. Traduction Furcy Raynaud, t. VI, p. 268-378.

[17] Auch.

[18] ULLMANN, Kaiser Maximilian, t. II.

[19] Toute cette aventure est racontée par Sanuto (t. X, p. 565, 696, 700, 720, 725, 728, 732, 736, 746-747, 761). Pastor (t. VI, p. 303) cite un passage des Acta Consistorialia presque analogue au récit de notre chroniqueur. (Arch. consist. du Vatican.)

Fr.-Guillaume de Clermont-Lodève, archevêque d'Auch, prêtre-cardinal de Saint-Étienne in Cœlio (1503), fut en effet envoyé comme ambassadeur par Louis XII à Rome et ensuite arrêté. Il eut par la suite la légation d'Avignon et mourut doyen du Sacré-Collège en 1540.

[20] Bernardin Carvajal, évêque de Carthagène, cardinal de Sainte-Croix de Jérusalem, 1493, mort en 1522.

[21] Guillaume Briçonnet, évêque de Saint-Malo, cardinal de Sainte-Pudentienne.

[22] François Borgia, évêque de Cozenza, cardinal des Saints-Nérée-et-Achillée.

[23] Frédéric de San Severino, en réalité Napolitain, cardinal de Saint-Théodore.

[24] Cf. PASTOR, t. VI, p. 311, d'après Pâris de Grassis.

[25] Francesco Alidosi, évêque de Pavie (1503-1511), légat de Jules II à Viterbe, puis à Ravenne, et commandant de ses troupes, fut en effet tué par Fr.-Marie de la Rovère après la prise de Bologne. (Cf. PASTOR, t. VI, p. 324-325. Cf. dans Pastor les sources : Pâris de Grassis, Sanuto, Guichardin.)

[26] Guillaume Briçonnet, évêque de Lodève et de Meaux en 1516, abbé de Saint-Germain, représentant de Louis XII à Rome en 1507 et de François Ier en 1517, et Denis Briçonnet, évêque de Toulon en 1511, puis de Saint-Malo en 1514. (Cf. ORIOU, Guillaume Briçonnet, Strasbourg, 1864.)

[27] Cf. sur le Concile de Pise, SANDRET, Revue des questions historiques, 1er octobre 1883. Il y a là-dessus dans notre diaire quelques détails nouveaux.

[28] C'est le futur Léon X.

[29] SANDRET, op. cit.

[30] Cf. ce que nous disons plus haut, au sujet de l'exécution de cette menace.

[31] Sur toute cette aventure, cf. les sources citées par Pastor t. VI, p. 391-392, et que j'ai moi-même étudiées.

[32] Sur tous ces événements nous renvoyons à l'admirable et détaillé récit du règne de Jules II par Pastor (t. VI, p. 298-425). Les innombrables sources qu'il a consultées sont en grande partie celles que nous avions autrefois étudiées pour une étude sommaire sur les rapports de la Curie et de la France de 1507 à 1517.

[33] Cf. PETRUCELLI DELLA GATINA, Histoire diplomatique de conclaves.

[34] Vestus de meschantes robbes noires comme pauvres haires et simples prebstres de village... C'estoit un trop grand dedain et une ignominie trop insupportable. (BRANTÔME, t. I, p. 142).

[35] Cf. DUFAYARD, De Claudii Seisselii vita, 1892.

[36] J'ai lu récemment aux Archives de Florence une lettre de Baltassare de Pescia à Laurent de Médicis, de juin 1514, où le Pape entretient l'agent avec une singulière animation d'un éléphant, d'un léopard et de lions qu'il veut envoyer à son jeune neveu.

[37] Signalons à ce folio du Diaire deux faits intéressants : La vigille de St Thomas apostre cioe la nuyt entre le mercredy et le jeudy (1514) fut le feu en 4 Chambres du Palais du Pape en telle manière que brûlèrent tout et ne se sceut qui le mist dedans, mes fut en graint danger à bruller toute le Palais et pape Léon Xe en fut très esmerveillé... En le moys de decembre 1514 pape Léon Xe fast battre monoye neufve d'or et d'argent qui se demande Leoni et valent les X ung ducat d'or large et d'un cousté y a les testes de St Pierre et de St Paul avecques les armes dud. pape et d'autre cousté y a ung lion et devise Leo de tribu Juda.

[38] Cf. dans l'étude précédente les relations de Léon X et de François Ier en 1515 à la veille de Marignan.

[39] Rapport de Marin Giorgi, 16 septembre 1515 (Marin SANUTO, Diario, t. XXXI, col. 115). Relazione di Marin Giorgi (Alberi, série II, vol. XLIII, XLV).

[40] Cf. l'étude précédente.

[41] Ce compte rendu de la cérémonie d'inauguration de notre église nationale à Rome me parait être le seul connu jusqu'ici, si j'en juge par le silence de M. Héry dans son volume : l'Institution nationale de Saint-Louis-des-Français, Paris, 1853.

[42] Cf. ULLMAN, Kaiser Maximilian I, t. II.

[43] Cf. ROSCOE, Vie de Léon X, 1808, que je m'abstiens de citer à chaque fait et qui en confirme le plus grand nombre, encore qu'il n'ait à aucun degré eu connaissance de notre manuscrit. J'en dirai autant du remarquable ouvrage de M. Fr. NITTI, Leone X e la sua politica, qui est jusqu'ici l'ouvrage capital sur l'illustre pontife.

[44] MIGNET, t. I, p. 157-222 ; NITTI, Leone X e la sua politica.

[45] Sur Chigi, cf. l'étude de Cugnoni, Arch. stor. d. Soc. Rom., t. II, p. 37 et suiv.

[46] Cf. la Vitæ Hadriani VI, par Paul JOVE.

[47] Camera et sedes apostolica dicitur exhausta et debitrix in summa VIII C mill. ducatorum, écrit de son côté Pâris de Grassis.

[48] Cf. les lettres de Charles V et d'Adrien VI dans la Correspondenz des Kaisers Karl V publiée par Karl Lanz, t. I.

[49] Guicciardini traitait Adrien VI de pontefice barbaro. (Liv. XIV.) Cf. aussi dans la relazione de Gradenigo ALBERI, Relazioni degli ambasciatori veneti, série 2e, t. III, p. 74, la colère du peuple romain contre cet intrus.

[50] Cf. MIGNET, t. I, p. 478-487, 502-506.

[51] Cf. MIGNET, t. I, p. 514-552.

[52] Cf. CHAMPOLLION, Captivité de François Ier, p. 119.

[53] Sur l'envoi d'Albany, Cf. MIGNET, t. II, p. 24, 25.

[54] Cf. CHAMPOLLION, op. cit., p. 180-212.

[55] Les Orsini possédaient Campagnano, Trivignano, l'Isola, Bracciano, Vicovaro, Pitigliano, Cere ; les Colonna le port de Nettuno, Amelia, Marino, Cavi, Palestrina, Rocca di Papa, Crotta Ferrata.

[56] Sur les circonstances que précèdent la prise et le sac de Rome, cf. MIGNET, p. 267-291, en grande partie d'après les dépêches du Florentin Acciajuoli, février-mai 1527, dans DESJARDINS, Négociations avec la Toscane, t. II. Fur le sac de Rome proprement dit, cf. le célèbre récit de GUICHARDIN, Il sacco di Roma, édition publiée à Paris en 1664 et un autre récit de Jacopo BUONAPARTE, Il sacco di Roma, publié à Cologne, 1756, et à Paris, 1808. Mignet (t. II, p. 326-316) a utilisé d'autres sources inédites pour faire du sac un récit qui n'a pas été dépassé.

[57] GIORDANI, Della venuta e dimora in Bologna del Sommo Pontefire Clemente VII, 1842.

[58] Cf. LAFERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois.

[59] Sur l'origine des Farnèse et l'histoire de leur maison, je renvoie aux savants travaux de M. de Navenne qui s'est fait le chroniqueur aussi spirituel qu'informé de l'illustre famille.

[60] Cf. DE LEVA, Storia documentata di Carlo V, Venise, 1863-1894, t. V.

[61] Cf. notamment le diaire de Pâris de Grassis qui attend encore son édition définitive et dont nous avons eu les manuscrits romains entre les mains ; les précieux Diaria de Sanuto édités par Stephani à Venise (1879-1892) ; les relations des orateurs vénitiens d'Alberi ; les lettres des diplomates florentins conservées aux Archives de Florence.