FOUCHÉ (1759-1820)

TROISIÈME PARTIE. — LE DUC D'OTRANTE

 

CHAPITRE XXIII. — LES FRÈRES DE LOUIS XVI.

 

 

Effondrement de l'Empire. — Fouché rentre précipitamment en France. Tentative à Lyon. — Fouché arrive trop tard à Paris. Il apparait au sein du gouvernement provisoire. Il s'impose à l'attention de M. de Vitrolles, se fait craindre, puis s'applique à plaire à l'entourage du comte d'Artois. La double lettre du 25 avril à Napoléon et au comte d'Artois. — On parle du rappel de Fouché au ministère : Louis XVIII y songe. La duchesse d'Angoulême fait échouer ce projet. — Les amis de Fouché espèrent qu'il sera tout au moins placé dans la Chambre des pairs. — Le duc d'Otrante consulté par Blacas ; son mémoire au roi ; conception très juste de la situation. Fouché conquiert aussi les souverains alliés. Mémoire au tsar. Nouvelle tentative pour séduire le comte d'Artois. — Relations soigneusement cultivées avec les ministres du roi Malouet et Talleyrand. — Retraite de Fouché à Ferrières ; son feint désir de repos ; ses récriminations contre les Bourbons. — Relations avec le congrès de Vienne. Dès septembre le duc d'Otrante songe à un changement de régime ; la consultation de Metternich. On le croit dévoué au duc d'Orléans, d'autres au parti républicain. Il tâtonne, ne désespérant pas de s'imposer à Louis XVIII. Il Lui fait passer des notes, ainsi qu'au comte d'Artois. Fouché veut avant tout écarter Napoléon, qui gêne plus les libéraux que les Bourbons. — La réaction en s'accentuant ne laisse aucun espoir à Fouché. La grande conspiration anti-bourbonienne. Fouché en prend la tête sans y entrer complètement. — Il fait encore entendre des prédictions sinistres aux Tuileries. Fouché apprend le débarquement de Napoléon au golfe Jouan. Il essaye de le prévenir en provoquant dans le Nord un mouvement militaire qui échoue. Fouché se désintéresse de cette échauffourée et s'apprête à tirer profit des événements, quels qu'ils soient.

 

Les événements s'étaient précipités en France pendant ces mois de février et mars 1814. L'Empereur luttait pied à pied ; l'admirable campagne de France laissait encore les choses en suspens. A Turin, Fouché avait appris les éclatants succès remportés dans la vallée de la Seine contre Schwarzenberg, dans celle de la Marne contre Blücher : Champaubert le 10 février, Montmirail le 11, les Russes rejetés sur Château-Thierry, les Prussiens battus à Vauchamps le 14, cette victoire de Montereau, le 18, où l'on avait vu l'Empereur diriger lui-même la charge contre les Autrichiens, la défaite et la retraite de Schwarzenberg. Mais le duc d'Otrante n'était pas un de ces enthousiastes qu'enlèvent les victoires stériles et sanglantes ; politique froid et sceptique, les grands coups de baïonnette, les belles charges et les violentes volées de mitraille comptaient peu pour lui en balance d'un protocole qui réunissait décidément coutre Napoléon, pour une guerre à mort, l'Europe entière, et ce protocole avait été signé le 1er mars a Chaumont, arrêt de mort pour l'Empereur et peut-être pour l'Empire. Il était grand temps d'arriver à Paris ; la curée se préparait. Déjà le nom de Fouché avait été prononcé à Chaumont même ou, pour parler plus exactement, aux conférences de Bar-sur-Seine entre les coalisés et les agents royalistes de Vitrolles et de Pradt. On avait associé son nom à celui de Talleyrand, agent comme lui d'une révolution projetée, et examiné quel sort les Bourbons lui pouvaient faire[1]. D'autre part, il savait son ami Bernadotte à la frontière, tout prêt à se faire, suivant les circonstances, Monk ou César, préparant des proclamations, se faisant un parti[2]. Quel coup de fortune pour Fouché, si son ancien complice de 1809 arrivait à Paris chef d'une puissante faction, demain peut-être d'un gouvernement césarien ! En tout cas, le duc d'Otrante était ou se croyait appelé à jouer un rôle.

Le II mars, il franchissait les Alpes, courait à Lyon. II y trouva le sénateur Chaptal, commissaire extraordinaire, auquel, à croire ce dernier, l'ancien ministre n'hésita pas à faire d'étranges confidences, destinées sans doute à ébranler quelque peu le loyalisme du sénateur : Murat triomphait en Italie, grâce à lui Fouché, qui venait en son nom soulever l'armée[3] ; peut-être fit-il en effet près d'Augereau une tentative dans ce sens[4] ; le duc de Castiglione n'osa agir, mais dut conférer amicalement avec l'ancien ministre, puisque, quelques semaines après, il lui adressait une lettre, d'un ton fort significatif, sur la chute du régime[5]. Il resta treize jours à Lyon, dut quitter la ville, d'après l'auteur des Mémoires, devant l'hostilité marquée et sans doute commandée de certains fonctionnaires, gagna par ordre Valence, puis Avignon, et, exaspéré sans doute de se sentir si loin, s'efforça de gagner Paris, en évitant les troupes alliées, par Toulouse, Limoges, la vallée de la Loire[6]. Il y rencontra quelques débris du monde impérial jetés hors de Paris par la révolution du 31 mars ; la jeune duchesse de Reggio le vit affairé et anxieux, avide de nouvelles, dépité de n'en point recueillir[7]. C'était le. 4 avril ; le 8, enfin, il arrivait à Paris. Les grandes intrigues semblaient être closes. On avait trahi sans lui ; il ne devait pas s'en pendre.

Le 31 mars, Paris avait capitulé ; le 1er avril, le Sénat, sous l'influence du prince de Bénévent, avait nommé le gouvernement provisoire, à la tête duquel se trouvait Talleyrand et où on ne voyait pas le duc d'Otrante, les absents ayant tort. Le Sénat avait, le 3 avril, proclamé roi Louis XVIII, qui allait se faire représenter à Paris par son frère le comte d'Artois, et les maréchaux, enfin, avaient arraché à l'Empereur l'abdication de Fontainebleau. Talleyrand avait intrigué, Marmont trahi, le frère de Louis XVI régnait. C'était presque une catastrophe pour Fouché.

Peut-être était-elle réparable. A peine arrivé, il courut chez Talleyrand, fit peut-être valoir ce titre de ministre d'État plus ou moins fantaisiste qu'il avait affiché partout depuis un an, se fit admettre par le prince de Bénévent aux délibérations du gouvernement provisoire et de ses ministres. La surprise de ceux-ci fut grande à retrouver là cet éternel revenant, assis devant ce tapis vert qu'il avait quitté quatre ans avant et établi aussi à son aise, dit l'un deux, Pasquier, que s'il eut été une des premières colonnes de l'œuvre que l'on s'efforçait de fonder. Il assista, impassible et silencieux, aux contestations acrimonieuses qui s'élevèrent en cette séance, sembla édifié, ne reparut plus aux Tuileries[8]. En revanche, il alla reprendre in extremis son siège au Luxembourg et n'y resta pas inactif. Toute la vie politique s'y trouvait transportée depuis quelques jours. L'influence du sénateur Fouché y avait toujours été grande sur tous les partis, qu'ils eussent pour chef Lanjuinais, Garat, de Luynes ou Talleyrand. Il y reparut le 13 avril. La question qui se posait était de savoir quelle serait la nature des pouvoirs confiés au comte d'Artois, désigné par Louis XVIII comme lieutenant général : le Sénat, jaloux de sauvegarder ses droits, eût désiré que ce pouvoir fût décerné au prince par l'assemblée qui s'érigeait depuis quelques jours en représentation nationale et en pouvoir constituant. Il y avait là une très grosse question de principes ; c'était presque la légitimité qui se trouvait en jeu. Mais le Sénat était une force. et Talleyrand lui était très favorable. Les amis du comte d'Artois s'inquiétaient de cette opposition. On convint d'une conférence.

Le 14 donc, M. de Vitrolles, représentant du comte d'Artois, se rencontra au pavillon de Marsan avec quelques-uns des membres du gouvernement, et bientôt s'engagea entre eux une très vive discussion. Le baron de Vitrolles voulait que le Sénat vînt au-devant du lieutenant général et le priât de prendre les rênes de l'État ; c'était la seule concession qu'on pût faire à l'assemblée ; quant à des conditions, il n'y fallait pas songer. Talleyrand s'enfermant dans un mutisme dédaigneux, d'autres membres du gouvernement se contentant de gestes de dénégation, on entendit soudain de l'embrasure d'une fenêtre sortir une voix assez aigre qui protestait avec vivacité. Fouché, car c'était lui, s'avançant alors, déclara qu'on ne pouvait s'arrêter à une pareille proposition. Il n'y a qu'une manière de lever la difficulté, dit-il hardiment, c'est que le Sénat déférât lui-même la lieutenance générale à M. le comte d'Artois. Agréé, ce coup d'audace allait transformer la Restauration ; elle faisait des princes les élus du Sénat dont les fortes têtes étaient des régicides, des conventionnels ou des constituants, comme Sieyès, Garat, Grégoire, Fouché, Rœderer, Lanjuinais... M. de Vitrolles se récria ; mais le seul fait de cette intervention hardie donnait soudain à Fouché une extrême importance ; on disait déjà qu'il était homme à ménager, qu'il entraînerait seul, au Sénat, le groupe des hommes de la Révolution ; or, l'unanimité était désirable. Le confident du comte d'Artois s'approcha donc de l'ancien conventionnel, se mit à discuter avec lui ; c'était tout ce que voulait le duc d'Otrante. Il déclara garantir l'acceptation par tous du lieutenant général, moyennant une déclaration que de sa mauvaise écriture, dit le baron de Vitrolles, il griffonna séance tenante . Cette déclaration portait notamment que le prince avait pris connaissance de l'acte constitutionnel qui rappelait son auguste frère ; que, connaissant ses sentiments et ses principes, il ne craignait pas d'être désavoué, en jurant, en son nom, d'observer et de faire observer les bases de la Constitution. L'ex-proconsul régicide dictant une déclaration aux frères de Louis XVI ! le spectacle était réjouissant. Le baron, abasourdi, prit la déclaration, l'alla porter au prince, mais lui conseilla de passer outre. De fait, le prince supprima dans la déclaration tout ce qui avait rapport à l'hérédité et la dotation des sénateurs, car l'assemblée ne s'était pas oubliée. Vitrolles, à ce sujet, n'était pas sans inquiétudes ; il fallait gagner Fouché. L'ayant rencontré le lendemain, il l'aborda, lui annonça avec précaution les coupures faites à la déclaration. L'autre se retourna brusquement, et d'un air bonhomme : Vous avez parbleu bien fait. Vitrolles resta confondu de sa facile victoire[9]. Le duc d'Otrante évidemment manœuvrait déjà pour la conquête du parti de Monsieur. Il l'acheva par sa réserve, après l'avoir commencée par son audace et sa complaisance. Lorsque le Sénat décida d'envoyer au comte d'Artois une députation chargée de le saluer, le duc d'Otrante refusa d'en être. Il fallait, déclara-t-il[10], se garder d'offrir aux yeux du prince des personnes dont la vue pouvait lui rappeler de pénibles souvenirs. Il craignait peut-être un éclat public, n'en voulait aucun avant tout, désireux de s'immiscer peu à peu non seulement dans les conseils du gouvernement nouveau, mais aussi dans ceux de cette faction ultra qui subissait l'influence du comte d'Artois. Il devait y parvenir, puisqu'en juillet 1815, un an après, on devait voir Fouché de Nantes devenir ministre de Louis XVIII, comme candidat favori, élu de la faction des ultras, du comte d'Artois et de Vitrolles. On le crut alors imposé par les circonstances : mais, dès 1814, le parti le voyait d'un œil favorable ; Vitrolles restait, quoi qu'il en dit, séduit de cet esprit délié, de cette fine bonhomie, de ce jugement sûr, de cette promptitude de vues, rassuré peut-être aussi par cette réserve, cette affectation de désintéressement dont les nouveaux venus ignoraient la parfaite inanité.

II est clair que, dès avril 1814, Fouché commençait son siège : il ne le cachait pas. Dès le 25 avril, il faisait, assure-t-on, parvenir au frère du roi un singulier document dont la lecture étonne. C'était une lettre adressée par le duc d'Otrante à son ancien empereur, mais destinée surtout à édifier le comte d'Artois sur la perspicacité, la hauteur de vues, l'autorité et le dévouement de Fouché. Lorsque la France, disait l'ancien ministre, et une partie de l'Europe étaient à vos pieds, j'ai osé vous faire entendre constamment la vérité. Aujourd'hui que vous êtes clans le malheur, je crains bien davantage de vous blesser en vous parlant un langage sincère ; mais je vous le dois parce qu'il vous est utile et même nécessaire. Après cet exorde, auquel la relative indépendance pratiquée par Fouché sous l'Empire donnait une certaine autorité, l'ancien ministre affirmait à l'Empereur que sa présence à l'ile d'Elbe ne pouvait être ni digne ni durable. Aujourd'hui, il n'y a encore nulle part de stabilité. Dans cette mobilité actuelle des nations, un génie tel que le vôtre donnera toujours des inquiétudes et des soupçons aux puissants. Vous serez accusé sans être coupable ; mais, sans être coupable, vous ferez du mal ; car les alarmes sont un grand mal pour les gouvernements, pour les peuples. Le roi qui va régner sur la France ne voudra régner que par la justice ; mais vous savez combien les passions environnent un trône et combien les haines sont habiles à donner à une calomnie les couleurs d'une vérité... On dira que vous gardez toutes vos prétentions ; on dira que le rocher d'Elbe est le point d'appui sur lequel vous placerez les leviers avec lesquels vous chercherez encore à soulever le monde. C'était aux États-Unis que Fouché conseillait à l'Empereur de se rendre. Là vous recommencerez votre existence au milieu de ces peuples assez neufs encore ; ils sauront admirer votre génie sans le craindre. Vous y serez sous la protection des lois légales et inviolables pour tout ce qui respire dans la patrie des Franklin, des Washington et des Jefferson ; vous prouverez à ces peuples que si vous aviez reçu la naissance au milieu d'eux, vous auriez senti, pensé et voté comme eux, que vous auriez préféré leurs libertés à toutes les dominations de la terre[11].

Cette lettre fut-elle envoyée réellement à son destinataire ? Nous en doutons. Fouché protestait cependant quelques années plus tard devant le roi Jérôme qu'elle n'était destinée qu'à l'Empereur, car il avait voulu mettre entre ses ennemis et lui la moitié de la terre[12]. Très sincèrement il eût certainement été heureux de voir Napoléon abandonner, avec l'île d'Elbe, toute prétention à l'Empire ; ce voisin ne gênait pas seulement les royalistes, il gênait aussi tous ceux qui, républicains, libéraux ou partisans de Napoléon II, craignaient de voir l'Empereur déchu compromettre leurs projets ou recueillir les fruits de leur opposition. La lettre dénotait d'ailleurs une perspicacité allant jusqu'à l'esprit prophétique. En réalité, nous le répétons, elle était surtout destinée au comte d'Artois, auquel il la transmit le jour même, dans une lettre courtoise et respectueuse sans platitude ni adulation : J'ai voulu rendre un dernier service à l'Empereur dont j'ai été dix ans le ministre, disait le duc d'Otrante ; ... ses intérêts ne-peuvent être pour moi une chose indifférente, puisqu'ils ont excité la pitié généreuse des puissances qui l'ont vaincu. Mais le plus grand des intérêts pour la France et l'Europe, celui auquel on doit tout sacrifier, c'est le repos des peuples et des puissances après tant d'agitations et de malheurs... Napoléon serait pour l'Italie, pour la France, pour toute l'Europe ce que le Vésuve est à côté de Naples[13].

Si cette double lettre fut réellement envoyée, elle devait frapper le prince et lui plaire à plus d'un égard. Elle flattait une des préoccupations les plus vives du nouveau gouvernement ; mais elle attirait aussi son attention sur l'homme qui se croyait autorisé à parler si haut à l'ogre de Corse, sans se croire tenu, dans la lettre d'envoi au comte d'Artois, à prendre sa part de la débauche infamie de rancune odieuse et mesquine, de lâcheté et d'ingratitude dont, autour des princes, beaucoup d'anciens serviteurs de l'Empire donnaient le répugnant spectacle vis-à-vis du maitre déchu.

Peut-être cette impression se fût-elle effacée promptement, si, d'autre part, le prince ne se fût trouvé entouré de gens pour lesquels, sous l'Empire, le ministre de la Police avait eu prévenances et bontés. La fleur du faubourg lui était, on s'en souvient, acquise dès 1810 ; Mme de Vaudémont continuait à l'ancien ministre sa familière et active amitié ; Vitrolles le voyait chez elle et bien d'autres, sans parler des Polignac, jadis ménagés, et de quelques chouans, ayant de Fouché une crainte qui, a certains égards, le servait mieux que de l'affection. Dès les premiers jours de la Restauration, cette singulière popularité était encore... ou déjà telle qu'on crut pouvoir tenter près de Louis XVIII une singulière démarche : le gouvernement du roi isolé, inexpérimenté, désorienté par vingt ans d'émigration, ne se pouvait garder qu'en rétablissant le ministère de.la Police et en y plaçant le duc d'Otrante. Ce fut là l'objet d'une note secrète qui, trouvée plus tard dans les papiers de Louis XVIII par Bonaparte, après le 20 mars, avait dû être remise au roi dans les premières semaines de son règne. Cette note, inspirée fort probablement par le duc d'Otrante lui-même, excusait le régicide, vantait l'absolue indépendance du ministre envers l'usurpateur, rappelait les services rendus à la noblesse sous l'Empire, louant surtout son désintéressement, sa grande expérience des affaires, sa connaissance complète des hommes de son époque. Si le ministère de la Police, ajoutait la note, est confié à un fidèle et ancien serviteur du roi, cela sans doute sera juste, mais non pas raisonnable ; cela sera même dangereux, car cet honnête homme, en supposant, chose difficile, qu'il soit en état d'administrer une police comme celle actuelle de la France, cet honnête bornoie, dis-je, ne sera pas plus tôt en place qu'il sera regardé par tout le parti jacobin comme un instrument de vengeance, et tous se tiendront fermés, en cachant leurs démarches d'une manière impossible à découvrir, surtout pour quelqu'un qui ne commit pas leurs manœuvres : de plus, les partisans du gouvernement de Bonaparte seront en garde contre un homme venant de la cour ; ils crieront de suite à l'opposition, à la tyrannie... au lieu que Fouché n'effrayera personne, parce que son caractère et sa probité sont connus ; sa fidélité au roi ne peut être suspecte s'il promet, et c'est le seul homme en état, de mettre la police sur le pied qui convient aux circonstances... Enfin s'il n'est pas ministre de la Police, cet homme n'est pas surveillé, car il sait tout ce qu'on peut savoir et n'est pas sans conséquence[14].

Ainsi on essayait de pousser Fouché dans les conseils du roi, par les mêmes motifs qui l'avaient jadis imposé à Bonaparte et qui devaient prévaloir encore près de l'Empereur en mars 1815, près de Louis XVIII en juillet : satisfaction donnée aux adversaires du régime, connaissance approfondie des hommes à craindre, science de la police, danger qu'il y avait à s'en faire un ennemi. De pareilles considérations militaient-elles près du roi ? Quoi qu'il en soit, Louis XVIII eut, à plusieurs reprises, l'idée d'appeler, avant même les événements de mars 1815, Fouché au ministère de la Police générale. Il s'en ouvrait au comte Ferrand et au chancelier Dambray en septembre 1814, ne semblant retenu que par les répugnances de la duchesse d'Angoulême, la fille de Louis XVI... Le frère du roi martyr avait moins de scrupules ; sceptique en politique, très réaliste en matière de gouvernement, il se fût sans doute accommodé de l'homme de Lyon[15]. La duchesse d'Angoulême eut cependant gain de cause ; Fouché ne reparut plus au quai Voltaire ; il s'en consola en imposant au roi son directeur général de police, le baron d'André, qu'il estimait fort, en raison de sa modération... et plus probablement de sa parfaite incapacité[16].

Pour le moment, en avril et mai 1814, une autre question se posait : l'épuration du Sénat, transformé en Chambre des pairs, allait-elle entrainer l'exclusion sans exception des régicides ? Vitrolles, chargé de négocier individuellement avec les sénateurs, écrivait, le 30 avril, au comte de Blacas que la difficulté presque insurmontable résidait dans le cas de Fouché[17]. Il avait près du roi de grands défenseurs, Malouet par exemple, son vieux camarade de l'Oratoire, devenu ministre de la Marine[18] ; la coterie ultra, de son côté, affectait pour lui une grande indulgence ; Chateaubriand, qui le devait tant accabler en 1815, prônait le pardon[19] ; un autre, dans une brochure, d'opinion royaliste accusée, sur le meurtre du duc d'Enghien, demandait l'exclusion des régicides, mais faisait une exception inattendue pour Fouché, qui par son repentir avait reconquis l'estime publique[20]. Là encore, cependant, la duchesse d'Angoulême avait mis son veto ; elle dut aller jusqu'à la crise de nerfs[21]. Fouché décidément redevenait un homme important. Le roi s'en inquiétait fort, questionnait sur lui les uns et les autres[22]. L'ancien ministre, du reste, se donnait beaucoup de mouvement, écrivait au comte d'Artois lettres sur lettres ; un courant se dessinait en sa faveur, de l'aveu du comte Pozzo di Borgo[23]. Les hommes de la Révolution faisaient de son entrée à la Chambre liante, sinon au conseil, la garantie de leur sécurité[24]. Lui, de son côté, essayait d'en imposer, habituait l'opinion à l'événement qu'il désirait, se disant, suivant la police, très bien en cour, affirmant que le roi faisait cas de ses conseils. Le bruit courait, en effet, que Blacas lui avait demandé un travail sur la haute police, et on commentait fort l'ajournement de son départ pour Ferrières[25].

Le fait est que Blacas avait, dès juin 1814, longuement conféré avec Fouché. Pozzo di Borgo, fort impressionné par un entretien qu'il avait eu avec l'ancien ministre, le 2 juin, en avait communiqué les conclusions à Montesquiou et Blacas, les deux hommes de confiance du roi ; le premier ministre avait alors provoqué une entrevue qui avait eu lieu le 20 chez le duc de Dalberg. Fouché y avait dépensé une faconde étourdissante ; le ministre l'avait prié de faire de leur conversation l'objet d'un rapport écrit, qui serait soumis au roi[26]. Trois jours après, sans se faire autrement prier, le duc d'Otrante avait adressé au ministre une fort longue lettre, qui portait en exergue cette significative maxime : On ne gouverne pas avec des répugnances, avec des affections. La hardiesse de cette lettre était grande ; on y trouvait, sous une forme courtoise, de cruelles vérités sur les fautes déjà commises par le nouveau gouvernement. Le monarque, disait hardiment Fouché, ne peut prétendre être populaire ; il est inconnu de la nation, élevée en outre dans des passions et des maximes si opposées à l'autour de la monarchie. Il fallait conquérir les classes éclairées, on les a rebutées ; et chacune a désormais un motif de crainte et de haine ; l'armée mécontente est redoutable, mais elle l'est surtout parce que la nation partage sa rancune et l'entretient. Dès lors, on a tout à craindre d'une conspiration militaire. Le roi eût dit se faire le protecteur et l'arbitre de tous les partis ; l'a-t-il été ? Ici l'ancien conventionnel ne dissimulait pas la rancune que lui avait inspirée son exclusion de la Chambre haute, protestant, du reste, qu'il parlait beaucoup moins au nom de son intérêt que dans celui de la monarchie : Il n'a désormais, déclarait-il, parlant de lui, il n'a qu'une seule ambition pour lui-même et sa famille ; elle sera tonte remplie s'il achève l'éducation de ses enfants comme il l'a commencée, s'il leur apprend à ne chercher le bonheur que dans une vie simple et dans l'estime qu'on n'obtient guère des hommes que par le bien qu'on aime à leur faire. Je ne comprends que trop, continuait audacieusement l'ancien conventionnel, comment la vue de certains sénateurs aurait pu réveiller des souvenirs cruels dans le cœur du roi ; mais il était facile de les éloigner de la Chambre des pairs sans les en exclure, et on aurait pu employer leurs talents et leur expérience très utilement pour la. France ; aucun ne se serait plaint, et l'alarme n'aurait pas été portée sur toute l'étendue du royaume. Si tant de ménagements pour des hommes que Sa Majesté ne peut aimer, quoiqu'ils aient été empressés a concourir à son retour, lui avaient beaucoup coûté encore, la France tout entière qui eût deviné ses efforts et son sacrifice en aurait été touchée... Après cette audacieuse allusion à sa situation de régicide, le duc d'Otrante, revenant à sa politique générale, s'exprimait en ternies quasi prophétiques sur les dangers que couraient la France et la monarchie. On sait bien où on commence les réactions, mais on ne sait pas où on les arrête ; elles entraînent tout, elles entraînent surtout la puissance souveraine, de laquelle les résistances ne deviennent sensibles et visibles qu'il l'instant où elles sont plus fortes que cette puissance même. Et tout de suite son esprit, habitué à chercher dans les circonstances ce qu'elles imposaient, cessait d'être simplement négatif et critique. Après le politicien, l'homme d'État se donnait carrière : la France ne pouvait se résigner, après vingt-six ans d'une vie dévorante, fi la non-activité ; il fallait donner une nouvelle matière à son activité, l'industrie, le commerce, les arts et les lettres. Mais surtout on devait ouvrir un nouveau champ aux passions politiques surexcitées depuis si longtemps, en leur ouvrant l'arène des débats parlementaires et législatifs. Le conventionnel jacobin, le ministre de l'arbitraire impérial, se montrait ici sous une troisième face, prônant le régime constitutionnel, traçant un programme aux Chambres futures ; il leur fallait établir, par des lois libérales et pondérées, le régime de la liberté politique et celui de l'instruction publique. Loin de redouter une opposition, il la désirait ; mais il souhaitait qu'elle allât prendre ses chefs parmi les membres des Chambres les plus attachés au roi. Il avait toujours en cette pensée, l'avait souvent prônée. Certes, ce sont là des idées qu'un long usage du parlementarisme nous a rendues familières, encore que certains esprits politiques se refusent à les admettre ou à les appliquer. L'organisation d'une opposition constitutionnelle restera toujours la pensée des hommes d'État intelligents du parlementarisme, plus dévoués au régime qu'ils servent qu'au parti auquel ils appartiennent. En 1814, il y avait quelque mérite à formuler déjà des idées dont aucune expérience n'avait jusque-là prouvé la justesse. La rapidité de conception, la souplesse et la finesse de l'ancien ministre éclataient là, le montrant propre à comprendre très vite toute situation nouvelle, tout système à son début. Il ne s'en tenait pas là. Une question restait, la plus épineuse de toutes, et qui depuis longtemps tenait fort à cœur à Fouché : celle de l'indemnité aux émigrés. Une multitude de Français dévoués à tous les malheurs des Bourbons, comme ils l'avaient été à leur puissance, sont revenus à la dynastie de leurs rois ; mais ils ne peuvent rentrer dans les domaines qui ne sont plus les leurs sans exciter de violentes commotions et une guerre civile. Le plus grand nombre n'a même pas de domaines à réclamer. Eh bien, qu'un des ministres de Sa Majesté, avec la logique d'un esprit sain et l'éloquence d'une âme qui sent tout ce qu'on doit à de grands malheurs et à de grandes vertus, demande à la Chambre des pairs et à la Chambre des députés l'établissement d'une imposition destinée à servir d'indemnité à des infortunes et à des indigences si dignes d'être assistées par une nation héroïque. L'homme qui signait ces lignes était ce Fouché de Nantes qui, le 10 mars 1794, demandait à la Convention une aggravation de la loi contre les émigrés ; c'était aussi ce ministre de la Police qui, au lendemain de Brumaire (circulaire du 8 frimaire an VIII), affirmait que la patrie les rejetait éternellement de son sein, quitte, du reste, à les y faire rentrer lui-même quelques mois après. Les circonstances étaient changées ; les événements avaient marché ; le fait accompli était là ; il fallait avant tout prévenir, en la régularisant, la réaction si redoutable aux votants de janvier 1793 : C'est ainsi que les réactions ont un terme, concluait-il, et que ce terme devient la paix et le bonheur de tous[27].

La lecture de ce factum, qui fut communiqué par Blacas à Louis XVIII. dut beaucoup Grandir Fouché aux yeux du roi, infiniment plus intelligent que son entourage, et valoir plus tard un singulier prestige à l'homme qui avait su prévoir et avertir. L'homme d'État se montrait clairvoyant dans l'examen des difficultés, impartial dans l'appréciation du passé, prévoyant de l'avenir, prompt à trouver les solutions pratiques, les concessions raisonnables, exposant avec netteté et précision ses avis et ses conclusions. Cela explique, beaucoup plus que certaines intrigues, le peu d'hésitation que devait éprouver le frère de Louis XVI a appeler au conseil, un an après, l'ancien conventionnel régicide.

Celui-ci, du reste, cherchait à s'imposer à l'attention de tous ; les souverains alliés, partageant la singulière bienveillance que lui avaient gardée les Metternich, les Schwarzenberg, les Wellesley et les Consalvi, avaient fait grand accueil au duc d'Otrante ; on sait les sentiments que François II nourrissait, en 1810, pour le duc d'Otrante ; le roi de Prusse et le tsar parurent, dit-on, en 1814, disposés à le traiter fort honorablement[28]. Il se crut, dès lors, autorisé à faire remettre à l'empereur de Russie, qu'il savait très favorable à l'établissement du gouvernement constitutionnel... en France, une note où étaient exprimées, d'une façon plus concise, les idées contenues dans le mémoire au comte de Blacas. Il insistait sur la nécessité, pour les Bourbons, d'inspirer confiance à toutes les classes, et, pour ce, de respecter tous les souvenirs de vingt-cinq années de gloire civique et nationale, blâmant rigoureusement l'abandon des trois couleurs, souhaitant que les aigles, an moins, restassent sur les drapeaux, que le roi portât la Légion d'honneur, qu'on célébrât les glorieux anniversaires. Il fallait accepter la constitution votée par le Sénat, empêcher aussi toute insulte à Bonaparte, odieuse et impolitique. Veut-on lui fermer l'entrée de la France ? Qu'on le fasse oublier, écrivait finement ce même ministre, qui, sous Bonaparte, avait su, avec tant de succès, appliquer pareille politique aux Bourbons[29]. Il fallait éviter toute rupture, tout outrage, toute réaction ; après avoir voulu faire de Bonaparte le continuateur de la Révolution, Fouché rêvait de faire de Louis XVIII le successeur de Napoléon.

Le tsar transmit la note au roi à Compiègne ; celui-ci parut y rester insensible.

Mais, derrière la résistance de Louis XVIII, Fouché sentait celle de sa famille et de la coterie qui entourait le duc et la duchesse d'Angoulême ; il eu appelait au comte d'Artois lui-même dans une lettre de juillet 1814, qui mit la police royale en grand émoi. Il désignait à la défiance des vrais amis de Louis XVIII le parti qui entourait le roi et l'influençait, royalistes mille fois plus dangereux que les traîtres, par les excès auxquels ils veulent se porter pour soutenir le parti de Sa Majesté, et, allant jusqu'à la menace, il engageait les Bourbons à éviter le sort des Stuarts, qui, après avoir remonté sur le trône, en étaient descendus par imprévoyance. De quelle singulière autorité ces paroles devaient revêtir, aux yeux des frères de Louis XVI, après le 20 mars 1815, celui qui les avait signées[30] !

L'éloquence de ces factums ne semblant cependant pas suffisante, il intriguait près des amis du roi, faisant savoir partout qu'il était au mieux avec la cour, et, de fait, il était en relations cordiales avec Malouet, en coquetterie avec Vitrolles ; il s'était rapproché d'un troisième homme d'État du nouveau régime : le prince de Talleyrand. Dès son arrivée à Paris, on s'en souvient, le duc d'Otrante avait revu son ancien collègue ; c'est Talleyrand qui l'avait introduit, en avril 1814, dans les conseils du gouvernement provisoire ; Fouché avait reparu à la table de la rue Saint-Florentin[31], on vit le prince au château de Ferrières[32], et la police signalait, avec inquiétude, les relations constantes des deux hommes et leurs trop longues conférences[33]. Il avait peut-être espéré rentrer au pouvoir, se faire admettre tout au moins à la pairie, de concert avec Talleyrand ; la police le croyait.

Les chances de Fouché, au fond, diminuaient ; les Bourbons se croyaient très solides, la réaction l'emportait, Talleyrand quittait Paris pour Vienne, et Malouet allait mourir, après quelques mois de ministère. Fouché dut se résigner : ramassant son fameux manteau de Cincinnatus, il s'en drapa et se retira à Ferrières, affirmant de nouveau son superbe désintéressement des affaires et déclarant que, faute de l'avoir écouté, les Bourbons n'en avaient plus pour six mois ; il ne se trompait guère que de quelques semaines.

On revit le bon bourgeois, n'aspirant qu'a cultiver son jardin : la comédie de 1802, de 1810 recommençait : il avait de grosses affaires particulières à régler, ses enfants sans mère à surveiller, à élever, à instruire ; à lire ses lettres à la marquise de Custine, il n'est plus qu'un bon père de famille ; il parle des jeux de ses enfants, de leurs travaux, de la bibliothèque où l'on travaille, des vices dont il faut préserver la jeunesse. Je vous prie de croire que nous ne négligeons pas l'instruction[34]. Et cette vie de château, paisible et patriarcale, l'enchante : on croirait lire une page de Marmontel. Il sait Mme de Custine en grandes relations avec la cour qu'elle tranquillisera sur l'ambition assagie du duc d'Otrante. Mais sa rancune malgré tout éclate en toutes lettres, violente, acerbe, mais toujours perspicace ; tout lui est un sujet de blâme ; le projet de loi sur les biens des émigrés est une proposition de guerre civile. Il l'avait conçue autrement, et toujours ce soupir de regret, cette nostalgie du portefeuille : J'aurais voulu être chargé de faire le discours de M. Ferrand. Il eût suffi de répéter les principes que j'ai hautement professés, pendant que j'exerçais le ministère de la Police, écrit-il à Mme de Custine[35]. Ailleurs il proteste qu'il est le meilleur serviteur du roi, zèle point vulgaire dans sa position, et c'est en ami de Louis XVIII qu'il regrette l'influence des courtisans, mal nécessaire, mais gens chez lesquels ne germent pas les idées générales et utiles[36]. Auprès de Mme de Vaudémont, il s'épanche en ternies plus sévères : Si le roi ne prend pas une prompte résolution pour calmer les esprits, les haines et, les jalousies éclateront. Pourquoi ne prend-on pas les moyens de les concilier ? Il serait facile au moins au gouvernement de se les attacher tous... Pourquoi, au lieu d'espérances vagues, ne pas donner sur-le-champ aux émigrés tout ce qu'on peut leur rendre ? Pourquoi dire aux Français qui demandent l'exécution de la Constitution, qu'ils sont des factieux ?... Pourquoi chercher à flétrir tout ce qui s'est fait en France depuis vingt-cinq ans ?... Sans doute il y a des hommes qu'il répugne au roi d'employer à son service ; mais pourquoi des exclusions générales ? Ceux qui sont exclus des places ne voient plus leur personne et leurs biens en sûreté...[37] Mais c'était avec Talleyrand surtout qu'il s'ouvrait de ses craintes : on négligeait, on rebutait certains Français qu'on obligerait 'a quitter la France. Garat est déjà parti pour Bayonne, il y a quinze jours, écrit-il le 28 septembre ; mais il y a des hommes qui rie sont pas timides et qui resteront dans leur patrie pour se défendre. Il parlait de partir pour Londres avec ses enfants, n'était retenu que par le souci de ses propriétés[38]. Et cette lettre Talleyrand, exaspérée, acre et chagrine, exprimait des intentions connues de la police, qui, quelques semaines après, affirmait, par la plume du préfet de police Anglès, que le duc d'Otrante, pris de peur, annonçait l'intention de vendre ses biens et de se retirer en Angleterre avec ses enfants[39].

Au fond, il n'en était rien. Ces grands projets d'exil volontaire, cette grande affectation de crainte, ces plaintes de l'homme dont la vie est finie cachaient une activité dévorante, mille projets, mille intrigues. Il en menait de front de si différentes, que son biographe peut s'y perdre.

Par Talleyrand, il restait en relation avec Vienne ; il avait chargé le prince de liquider au mieux les diverses dotations dont le duc d'Otrante avait joui sous l'Empire en Hanovre et en Westphalie. Sous ce prétexte, la correspondance entre les deux hommes touchait à tout. Fouché critiquait le congrès, parlait de haut ; il blâmait qu'on n'eût pas rendu la Belgique à l'Autriche, scrupule de légitimité, qui n'empêchait pas qu'il soutint qu'on avait tort de détrôner Murat[40]. Il n'y avait pas là qu'une simple pensée d'équilibre européen ; Murat, le vieil ami, restait peut-être dans son esprit un prétendant possible[41] ; il demeurait en relations épistolaires avec lui, lui rendait des services qui devaient titi valoir plus tard la reconnaissance sans réserve de Caroline, fréquentait encore, en février 1815, le marquis de Saint-Idria, agent secret du roide Naples à Paris[42]. Dès septembre, il songeait sérieusement a un changement de régime, le faisait prévoir à Talleyrand[43], qui peut-être en parla à Metternich, puisque celui-ci, dans les premiers jours de 1815, adressait au duc d'Otrante la singulière consultation politique à laquelle Fouché répondit, en livrant sa pensée : Au cas où les Bourbons se rendraient impossibles. quel gouvernement aurait plus de chances de s'établir : l'Empereur, son fils, la République ou le duc d'Orléans ? En ce qui concernait le retour de Napoléon, Fouché affirmait — l'avenir lui donna raison — que tout dépendait de l'attitude du premier régiment. Quant à Napoléon II, fût-il monté sur un fine et conduit par un paysan, il serait accepté de tout le monde. Mais en ce qui concernait un mouvement des patriotes à l'intérieur, la République étant impossible, le seul duc d'Orléans pourrait en profiter[44].

De fait, il ne semblait pas, en dépit de ce que pensait le préfet de police Anglès[45], disposé à travailler pour le duc d'Orléans. Il s'était montré, clés l'an VIII, hostile à l'élévation au trône de Louis-Philippe, rêvée par Sieyès ; dans les bulletins de police, il s'était toujours exprimé avec un certain dédain sur le fils de ce Philippe-Égalité dont il avait pu, à la Convention, mesurer la bassesse et la médiocrité ; il ignorait le fils, ne connaissait pas sa haute intelligence, la mesurait sans doute au souvenir qu'il avait gardé du père[46]. Il ne savait, du reste, comment dominer ce Bourbon qui, disait-il à Talleyrand, n'avait ni maitresse ni confesseur[47]. Il fréquenta peu le Palais-Royal.

La police de la Restauration avait cru le prendre en flagrant délit de conspiration républicaine ; il frayait avec les maréchaux ; un agent de l'ancien ministre, le jacobin Sambas, avait confié à un ami que Fouché, Réal et Garat, secondés par des généraux, se préparaient à renverser gouvernement de prêtres et de capucins, et à établir la République. On comptait sur les faubourgs prêts à se soulever[48].

Pensait-il au roi de Rouie qu'il cid voulu faire enlever de Vienne ? Était-ce pour le père ou le fils qu'il continuait à fréquenter les salons de Cambacérès et ceux de la reine Hortense[49] ? De fait, tous les partis comptaient sur lui.

Lui tâtonnait réellement, ne sachant trop à quoi se résoudre. Il n'avait pas désespéré de s'imposer au roi, voulait attendre pour agir contre les Bourbons que la répugnance, la défiance... ou le respect humain des frères de Louis XVI parussent décidément irrémédiables.

Il était resté en correspondance occulte avec Louis XVIII, lui adressant des bulletins officieux dans lesquels éclatait l'esprit policier de l'ancien ministre : sous prétexte d'entretenir le roi de ce qui se disait à Paris, il servait ses rancunes, essayant d'inspirer à Louis XVIII des défiances contre le duc et la duchesse d'Angoulême, ses grands adversaires, et contre le parti de la réaction[50] ; ces notes étaient recopiées par Gaillard et remises au roi par le grand aumônier. Louis XVIII les lisait avec curiosité. Vous et vos agents, écrivait-il au directeur de sa police, n'entendez rien à la police. Il n'y en a qu'une bien faite, c'est celle du grand aumônier. C'était celle de Fouché, qui, d'autre part, adressait des notes pareilles au comte d'Artois par l'entremise d'un juge, M. Reverdin[51]. D'autre part, Le duc d'Otrante le prenait de très haut avec les ministres du roi. Dans une entrevue au ministère de la justice, le chancelier Dambray écoulait d'un air placide, inquiet et presque respectueux, les déclarations violentes de l'ancien ministre contre les Bourbons. Il donnait des conseils ; le directeur de la police d'André venait lui en demander ; il resta saisi, impressionné des sinistres prédictions de son interlocuteur : l'ile d'Elbe était mal surveillée ; aucune comparaison n'était possible entre cette police et celle que lui, Fouché, faisait autour des princes, de 1799 à 1810. — L'ancien ministre ne détestait pas ces rappels audacieux —. Allez dire, déclarait en se retirant le duc d'Otrante, allez dire, dès ce soir, à M. de Blacas que si nos côtes sont pendant quelques mois encore dans le même abandon, le printemps nous ramènera Bonaparte avec les hirondelles et les violettes[52].

Ces entretiens étaient à trois fins : ils devaient édifier, étonner, frapper d'admiration les ministres du roi, grossir peut-être le groupe des serviteurs de Louis XVIII qui primaient le retour aux affaires du duc d'Otrante, comme l'abbé de Montesquiou après Malouet. Ils endormaient, vis-à-vis de Fouché, les défiances du pouvoir, ils les réveillaient au contraire à l'égard de Napoléon, dont le retour eût, dans les premières semaines de 1815, singulièrement gêné Fouché.

A ce moment, en effet, l'homme de l'ile d'Elbe lui semblait plus redoutable qu'utile à ses projets. L'opinion généralement admise voulait que Fouché eût préparé le retour de l'Empereur ; un illustre écrivain a récemment donné le coup de grâce à cette légende[53]. S'il était besoin d'autre preuve, nous en trouverions une dans la lettre écrite dix-huit mois après ces événements par Fouché à Thibaudeau : celui-ci était de la grande conspiration de 1815, qui prépara en apparence le retour de l'ile d'Elbe. Or, parlant de cet événement, le duc d'Otrante écrivait à son ami et ancien complice : Nous n'avons pas à nous reprocher ni de l'avoir appelé, ni de l'avoir désiré[54]. En réalité, c'était l'idée d'une régence qui prévalait, établie au nom de Napoléon II, confiée en principe à l'impératrice Marie-Louise, mais en fait à un conseil de régence. Ce conseil devait être, semble-t-il, composé du prince Eugène, de Talleyrand, de Fouché et de Davout.

Les Bourbons condamnés, le premier obstacle â la régence, c'était Napoléon Ier ;  son débarquement eût tout fait échouer : vaincu par les Bourbons, il compromettait à tout jamais la cause de son fils avec la sienne, raffermissait la dynastie rivale, fournissait un nouveau prétexte à la réaction ; vainqueur, il n'était pas Lomme a céder la place à qui que ce fût. Était-il prêt à reprendre Fouché ? Celui-ci en doutait, et c'était pour lui une question de vie ou de mort. Si l'Empereur de retour ne le prenait pas comme ministre, il le savait fort disposé à le supprimer d'une façon on d'une autre ; dans cette alternative, le duc d'Otrante préférait rester maitre des événements. Il alarmait donc tant qu'il pouvait le gouvernement sur la facilité qu'on laissait à Bonaparte de débarquer en Italie on en France, trouvant utile et plaisant de faire collaborer Louis XVIII aux prodromes du règne de Napoléon II. D'André, Blacas, Dambray, Vitrolles, le comte d'Artois, entendirent tous les mêmes conseils : il fallait que le roi fit éloigner d'Europe, ou tout au moins des cotes de France, l'encombrant Bonaparte. Talleyrand y travaillait au congrès, peut-être d'accord avec le duc d'Otrante. Cela donnait aux deux complices une belle couleur de loyalisme, de zèle bourbonien ; Louis XVIII ne pouvait deviner que, Bonaparte éloigné, il allait dès lors courir un singulier danger, la peur commune de l'ogre de Corse ralliant seule aux Bourbons le parti libéral et une partie des anciens républicains. A tout hasard, Fouché restait en relations cordiales avec les Murat, Elisa Bonaparte et le prince Eugène[55]. Aussi bien, s'il tenait prêt tout un complot bonapartiste sans Bonaparte, il ne désespérait pas encore d'être ministre de Louis XVIII. Il avait tort dans l'état des choses.

La réaction s'accentuait en effet : la Révolution et l'Empire étaient poursuivis dans leurs meilleurs serviteurs. L'inquiétude était générale ; les alarmes de Fouché, alternant avec de folles espérances, n'étaient pas toujours affectées ni vaines. Elles étaient partagées : l'émoi général réunissait les hommes qui, à un titre oui à un autre, avaient tout à craindre de la réaction. Des conciliabules furent tenus : on y vit un pêle-mêle de gens qui, dans les dernières années de l'Empire, s'étaient trouvés divisés et rivaux, mais que l'infortune et la crainte réunissaient : Réal, Garat, Grégoire, représentant les intérêts de la Révolution, s'étaient joints aux séides du maitre ; La Valette, Maret de Bassano, Savary de Rovigo, d'autres avaient adhéré à la conspiration anti-bourbonienne[56]. Quel en était le but ? Renverser les Bourbons ; après, on verrait. A coup sûr Maret, Savary, La Valette voulaient l'Empereur, d'autres son fils ; quelques-uns continuaient à rêver du duc d'Orléans. Tous se tournèrent vers le duc d'Otrante : il devait les départager, les conseiller, les guider ; il restait dans son rôle, son éternel et utile rôle de lien entre la Révolution et l'Empire, le syndic des intérêts anti-bourboniens. Dès cette époque. il semble pie la conspiration en faveur de la régence fût en voie de formation ; le bruit courait que Carnot, Fouché et Thibaudeau se réunissaient chez Tallien, faisant de l'exclusion de Napoléon Ier la première condition de toute révolution[57]. Puis Thibaudeau avait servi de lien, réconcilié les deux ennemis, Fouché et Savary, rapproché du duc d'Otrante le duc de Bassano, qui, séduit par son ancien adversaire, combattait les objections de La Valette, plus constant dans ses méfiances. Il entre dans l'affaire avec une telle ardeur, il est si mal avec les Bourbons que je suis sûr qu'il ne trahira pas[58]. Il trahissait, au contraire, il trahissait tout le monde, d'intention, sinon de fait : car si, tout en essayant de s'imposer aux Bourbons, il conspirait contre eux, par coutre, il n'entrait dans un complot où Savary, Maret, La Valette, Exelmans, Regnaud de Saint-Jean d'Angély, croyaient préparer le retour de l'Empereur, que pour faire dévier ce complot de son but et le faire aboutir à Napoléon II et à la régence[59]. La Valette restait méfiant[60] : Thibaudeau assura que le duc d'Otrante, sans doute favorable à l'élévation au trône de Napoléon II, se résignerai ! à la restauration de son père, et Fouché lui-même disait à Barras que ce retour devenait nécessaire pour rallier l'armée, ajoutant, s'il faut en croire le suspect mémorialiste : Ensuite nous le..., et accompagnant d'un geste significatif cette révélation émouvante[61]. Barras défiant refusa, Carnot, Davout aussi. Il fallait cependant agir, prévenir le retour de l'Empereur qui, pour Fouché, était imminent. Il avertissait d'André, le suppliait de garder les côtes au nom du roi[62], puis s'entendait avec le général Drouet d'Erlon en vue d'une action dans l'armée contre le roi. Le général, moins défiant que Davout, accepta de prendre la tête du mouvement ; il commandait la 16e division dans le Nord, il devait, au premier signal de Fouché, descendre sur Paris, y pénétrer, forcer les Tuileries ; le duc d'Otrante, qui se croyait beaucoup d'autorité sur la garde nationale, en garantissait la neutralité tout au moins[63]. On était en février 1815, le duc d'Otrante tenait dans sa main les fils de tous les complots ; il observait d'un œil froid la marelle des événements[64]. Le gouvernement réagissait ou laissait réagir, ne gouvernait pas ; c'était un mélange de despotisme et d'anarchie qui faisait peu et jetait le pays dans le malaise ou la colère, une suite de maladresses sans pareilles, et une confiance folle clans la solidité du roi. C'est surtout cette confiance qui inquiétait Fouché pour lui-même ; elle excluait toute idée d'homme nécessaire, protecteur et sauveur : il en était fort contrarié ; il essayait donc de donner l'alarme, lui, le chef des conspirations. Suprême audace ! On se repose trop, écrivait-il, sur l'idée qu'il est du roi comme de Dieu, que rien ne peut déplacer, et il faisait encore parvenir des conseils de modération et de prudence. Ce loyalisme chagrin ne convainquait pas : la crise pouvait fort mal tourner pour Fouché, mais plus encore le statu quo. Il y songeait, quand, le 5 mars, il reçut avant tous une nouvelle qui ne put l'étonner ; mais qui dut vivement le contrarier : Napoléon avait débarqué le 1er mars au golfe Jouan avec une poignée d'hommes ; ou le savait en marche sur Paris. C'était tout ; c'était beaucoup. Réussissant ou échouant, l'Empereur desservait les plans de son ancien ministre, nous avons dit pourquoi. Que faire ? Il fallait agir, et vite. Bonaparte était à Grenoble peut-être, mais Drouet d'Erlon était à Lille, Fouché à Paris. On pouvait prévenir le triomphe du fâcheux revenant. Un gouvernement provisoire, établi à Paris par un coup d'État militaire, convoquerait les Chambres, lèverait la garde nationale, puis, maitre du pouvoir et inspirant la confiance à la nation, pourrait empêcher, mieux que les Bourbons, la rentrée de l'homme de Brumaire, ou, à tout prendre, favoriser ce retour et le bitter. Faire échouer Napoléon, c'était être assez fort pour déclarer définitivement déchus les Bourbons, incapables et impopulaires, et imposer à la nation le gouvernement qui conviendrait le mieux à Fouché ; favoriser le retour de l'Empereur, lui préparer les Tuileries, lui ouvrir les portes de Paris, c'était s'imposer à lui, lui dicter sa politique, lui donner des ministres, le duc d'Otrante en tête[65].

Quelques heures après avoir reçu l'émouvante nouvelle, le plan était dressé : Fouché mandait à son hôtel de la rue Cérutti le général Lallemand, un des plus zélés complices de la conspiration ; il lui tut la nouvelle, lui annonçant simplement que le gouvernement du roi avait découvert les projets de Drouet d'Erlon et s'apprêtait à agir. C'était mettre le feu aux poudres. Lallemand partit pour Lille le jour même, y arriva le 7 mars ; le général Drouet d'Erlon, feignant de transmettre un ordre du maréchal Soult, ministre de la Guerre, lançait sur Paris les régiments de sa division. Mais le retour à Lille du maréchal Mortier ayant contrarié et inquiété Drouet d'Erlon, celui-ci prit peur, rappela les régiments ; les seuls chasseurs, avant à leur tête Lefebvre-Desnouettes, continuèrent à marcher, arrivèrent jusqu'à Laon, s'y livrèrent aux plus violentes manifestations anti-bourboniennes, poursuivirent leur route jusqu'à Compiègne, mais échouèrent devant la défiance générale[66].

Fouché n'avait pas attendu la fin de cette équipée ; dès le 10, il apprit que le général Drouet d'Erlon avait reculé ; dès lors se désintéressant de cette misérable échauffourée, il se retourna vers le Midi, attentif à la grande partie qui allait se jouer, bien résolu à être avant quinze jours au quai Voltaire, ministre du Roi Très-Chrétien ou de l'empereur des Français, la chose lui importait assez peu.

 

 

 



[1] VITROLLES, I, 147.

[2] Journal d'un prisonnier anglais, Revue britannique, et GAIN DE MONTAIGNAC, Journal.

[3] CHAPTAL, Mes Souvenirs, 313. — Mémoires de Fouché, 273-274.

[4] Chaptal affirme aussi que le duc d'Otrante essaya de faire parvenir à Metternich un message qui fut arrêté aux portes de Macon.

[5] Augereau au duc d'Otrante, 18 avril 1814 (Papiers confiés à GAILLARD). Il avait vu Augereau fort irrité contre l'Empereur à Mayence un an avant. (Cf. plus haut, ch. XXI.)

[6] Mém. de Fouché, II, 274, 277.

[7] Duchesse DE REGGIO, Souvenirs, dans STIEGLER, Le maréchal Oudinot, p. 366.

[8] PASQUIER, II, 350.

[9] VITROLLES, II, 2-5.

[10] PASQUIER, II, 353.

[11] Le duc d'Otrante à Napoléon, 23 avril 1814 (Papiers confiés à GAILLARD). La lettre fut, en août 1815, imprimée au Moniteur ; mais le comte d'Artois soutenait, à cette époque, qu'il n'en avait pas eu connaissance. Elle fui aussi imprimée dans les Mém. du duc d'Otrante, 1819.

[12] Le duc d'Otrante au roi Jérôme, 22 février 1819. Mém. et Corr. du roi Jérôme.

[13] Le duc d'Otrante au comte d'Artois, 23 avril (Papiers confiés à GAILLARD), imprimée au Moniteur d'août 1815 et ensuite dans les Mém. du duc d'Otrante, 1819

[14] Note sur fouché (sic), ancien ministre de la Police (Papiers confiés à GAILLARD). Cette note, trouvée, d'après une notice de Gaillard jointe à l'original, par Napoléon dans le bureau de Louis XVIII, aurait été remise après le 20 mars au duc d'Otrante ; elle est d'une écriture assez grossière et d'une orthographe très fantaisiste.

[15] Comte FERRAND, Mémoires, 125.

[16] PASQUIER, III, 3.

[17] Vitrolles à Blacas, 30 avril 1814 (Papiers confiés à GAILLARD).

[18] Note autobiographique (Papiers confiés à GAILLARD). Le parti libéral, qui ne l'eût peut-être pas vu d'un bon œil au ministère, le poussait à la pairie. Le baron Louis se croyait en droit de lui annoncer sa promotion comme prochaine. Mme DE CHÂTENAY, II, 372.

[19] PASQUIER, III, 35. — De Maistre à sa cour, juillet 1815 (Corr. du comte DE MAISTRE).

[20] De l'assassinat de Mgr le duc d'Enghien, 1814. Cette brochure était surtout dirigée contre Caulaincourt. Elle était favorable à Fouché et à Carnot, quoique dictée en apparence par un fort sentiment royaliste.

[21] Mme DE CHÂTENAY, II, 372.

[22] Mémoires d'un pair de France, 1830.

[23] Pozzo DI BORGO, 11 juillet 1814, I, 24.

[24] Pozzo DI BORGO, 26 septembre 1814, I, 24.

[25] Bulletins de police des 19 juillet, 3 et 22 août 1814. D'après le Bulletin du 22 août 1815, Fouché cherchait à entrer dans la haute Chambre, se targuait de rattacher un grand parti à la ramie du roi s'il était intéressé ostensiblement il cette cause par une grande place, et le 3 août on avait prétendu que le duc d'Otrante allait réussir dans ses négociations (F7, 3783). Le baron Louis le croyait aussi (Mme DE CHÂTENAY), et Pozzo di Borgo, cependant si hostile à Fouché, n'était pas loin de conseiller cette concession (11 juillet, I, 24).

[26] Pozzo DI BORGO, 13, 16 juin, 6 juillet 1814, I, 10, 14, 21.

[27] Notes remises à M. DE BLACAS (Papiers confiés à GAILLARD). Les bulletins de police de juillet 1814 signalaient la remise de cette note.

[28] FLEURY DE CHABOULON, II, 352. L'auteur est peu suspect de partialité en faveur de Fouché, déteste.

[29] Note remise au roi à Compiègne par le tsar Alexandre. La minute surchargée de ratures se trouve dans les papiers GAILLARD.

[30] Rapport au ministre pour lui signaler l'apparition prochaine d'une lettre très étendue de M. le duc d'Otrante, 22 juillet. A. N., F7, 654,9. Bulletins, 25 juillet et 1er août 1814, F7, 3783. La lettre fut imprimée et répandue sous le titre : Lettre du duc de *** au comte d'Artois, Bulletin du 1er avril, F7, 3783.

[31] Bulletin de police de juillet 1814, F7, 3783. — Le duc d'Otrante au prince de Talleyrand, 23 avril (VERON, Mém., II, 23). Il peut compter que je saisirai toutes les occasions de la voir et de profiter de ces entrevues, écrivait notamment le duc d'Otrante à son vieux rival.

[32] Bulletin du 6 août, F7, 3783.

[33] Bulletin du 30 juillet, F7, 3783.

[34] Le duc d'Otrante â Mme de Custine, 9 septembre 1814. BARDOUX, p. 207.

[35] Le duc d'Otrante à Mme de Custine, 7 novembre 1814. BARDOUX, p. 210.

[36] Le duc d'Otrante à Mme de Custine, 18 septembre 1814. BARDOUX, p. 209.

[37] Le duc d'Otrante à la princesse de Vaudémont, 3 octobre 1814 (Manuscrits de la Bibl. nat., nouv. acq. fr., 1304). Cf. aussi rapport d'Anglés du 8 février 1815 (FIRMIN-DIDOT, p. 254).

[38] Le duc d'Otrante au prince de Talleyrand, 28 septembre 1814. Arch. aff. étr., France, 681, 13.

[39] Rapport d'Anglès, 13 décembre 1814 (FIRMIN-DIDOT, p. 183).

[40] Le duc d'Otrante au prince de Talleyrand, 28 septembre 1814. A. A. É., 681, 13. Il écrivait à la même date, à un autre plénipotentiaire à Vienne, une lettre où il jugeait d'assez haut les travaux du congrès. Le duc d'Otrante à J. de N., 25 septembre. Matériaux pour servir, etc.

[41] Duchesse D'ABRANTÈS, X, ch. XXVII.

[42] Rapports d'Anglès des 7 et 8 février 1815 (FIRMIN-DIDOT, p. 251). Ces révélations expliquent la présence dans les papiers de Fouché confiés à Gaillard d'une lettre autographe du roi Murat à Louis XVIII qui, refusée par le roi, reste entre les mains du duc d'Otrante.

[43] Le duc d'Otrante au prince de Talleyrand, 28 septembre 1814. Arch. aff. étr., 681, 13.

[44] DUVERGIER DE HAURANNE, II, 386.

[45] Bulletin du 6 août 1814, F7, 3783.

[46] Cf. chapitre IX.

[47] BARRAS attribue à un autre ce propos célèbre, IV, 301.

[48] Bulletins des 18 et 26 octobre 1814, F7, 3784.

[49] LAMOTHE-LANGON, les Après-midi de M. de Cambacérès, II, 201. Il restait en bonnes relations avec les princes Bonaparte, si l'on en juge par une lettre très cordiale à la princesse Elisa, 24 août 1814 (Revue des autographes, décembre 1892, n° 150).

[50] Note du duc d'Otrante au roi, 8 novembre 1814 (Papiers confiés à GAILLARD).

[51] GAILLARD, Mém. inédits. On retrouve une copie de ces notes dans les papiers de Gaillard.

[52] GAILLARD, Mém. inédits. Gaillard affirme tenir tous ces propos de la bouche de Fouché, qu'il voyait alors quotidiennement.

[53] Henry HOUSSAYE, 1814.

[54] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, 11 avril 1816 (Corr. inédite gracieusement communiquée par MM. Charavay). Ajoutons cependant qu'il avait avec l'île d'Elbe des accointances ; Decazes le rappelait à Metternich le 8 septembre 1816 (Arch. de Vienne). WERTHEIMER, Die Verbanuten des ersten Kaiserreichs, 244.

[55] GAILLARD, Mém. inédits, et autres sources déjà citées (lettre à Élisa, rapport d'Anglès, etc.).

[56] Henry HOUSSAYE, 1814.

[57] Le Conservateur impartial, 18 mai 1815.

[58] LA VALETTE, I, 138.

[59] Henry HOUSSAYE, 1815.

[60] LA VALETTE, I, 138.

[61] BARRAS, IV, 273. FAUCHE-BOREL, IV, 252.

[62] GAILLARD, Mém. inédits.

[63] H. HOUSSAYE, 1815.

[64] Mém. de Fouché, II, 302, 305.

[65] H. HOUSSAYE, 1815.

[66] H. HOUSSAYE, 1815.