FOUCHÉ (1759-1820)

DEUXIÈME PARTIE. — LE MINISTRE FOUCHÉ (1799-1810) (suite)

 

CHAPITRE XIX. — LA RÉACTION DE 1810.

 

 

Fouché esquive la disgrâce. — L'Empereur a plusieurs raisons pour le garder. Il ne doute pas au fond de sa fidélité. — La question religieuse : crise aiguë après la dépossession de Pie VII. Napoléon croit pouvoir compter sur Fouché pour mettre les prêtres à la raison. Différence des deux anticléricalismes. Fouché lutte de préférence contre le clergé impérialiste et contre la coterie cléricale des Tuileries. Dissolution des congrégations laïques. — La question du divorce. Napoléon annonce son intention de divorcer. — Fouché pousse au mariage russe et lutte contre l'idée d'une alliance autrichienne. Les conseils du 21 janvier et du 13 février. Le mariage autrichien déridé. Fouché compte sur le prince de Metternich. Il ose cependant désapprouver le choix fait et essaye d'aigrir encore l'Empereur contre l'Autriche. Ni Napoléon ni les conseillers de Marie-Louise ne font de la réaction la conséquence du mariage. — La réaction se déchaine malgré eux. Le ralliement s'accentue : les Tuileries envahies par l'ancien régime. Fouché lutte pied à pied. Il frappe encore l'aristocratie. Bruits de contre-révolution violente. Fouché tient tête à l'orage, visé cependant personnellement par les réacteurs. — Il fait saisir les ouvrages contre-révolutionnaires. La mission de Réal. Fouché protège cependant les cardinaux romains, sauve peut-être Consalvi. — Le ministre de l'opposition. Omnipotence et audace de l'homme d'État menacé. Napoléon s'en laisse imposer ; il craint Fouché. Les adversaires redoublent d'efforts. — Jalousie et haine de presque tous les serviteurs de l'Empereur et des membres du gouvernement pour Fouché. On conspire contre lui jusque dans les bureaux de son ministère. — Fouché très menacé se défend avec une aigreur exaspérée. Terribles ripostes. — Il se croit encore fort et ne doute pas de sa fortune.

 

Contre l'attente générale, Fouché ne fut pas disgracié. L'habile homme avait créé trop de liens entre lui et l'Empereur pour que celui-ci les pût briser d'un seul coup. Napoléon avait été retenu par plus d'une considération : les services autrefois rendus, Brumaire, Nivôse, le sénatus-consulte du 18 mai, huit ans d'une administration ferme, de bons conseils et de relations en somme précieuses, tout cela, l'Empereur croyait l'avoir payé en jetant sur ces épaules de proconsul régicide le manteau ducal d'Otrante. Mais des services plus récents compensaient les actuels griefs. Le ministère de l'Intérieur géré avec activité et intelligence, le marché financier réorganisé, les partis antidynastiques surveillés et paralysés à l'heure de la crise, les troubles de l'Ouest étouffés dans l'œuf[1] et jusqu'à cette attitude d'août 1809, qui avait tout d'abord arraché à l'homme d'État qu'était Napoléon un éclatant satisfecit ; en dépit des froissements et des inquiétudes du maitre, ces incidents, lui imposaient malgré tout une certaine admiration pour cet homme d'État, chez lequel décidément quinze ans de grandeurs et de voltes-faces n'avaient pu affaiblir l'énergie du conventionnel de 1793. L'Empereur, attiré vers le génie, en découvrait là où il n'avait vu jusque-là qu'un talent utile à exploiter. Avait-il craint pour lui-même les effets de cette activité fébrile et des intrigues qu'on lui dénonçait ? L'immense confiance que l'Empereur avait dans sa destinée, dans son pouvoir et sa force, sauvait le ministre ; celui-ci avait fait pénétrer dans l'esprit du maitre une conviction qui resta complète, tenace chez lui ; à son sens, Fouché n'a jamais songé à le renverser, ce serait trop oser ; Fouché n'a jamais pensé qu'à le remplacer. Or, qu'importe à cet homme très personnel Joseph ou Murat, Jérôme ou Bernadotte ?

Les services rendus récemment pèseraient cependant peut-être peu, si d'autre part Napoléon n'avait à ce moment besoin de Fouché. Deux ordres de faits rendent encore précieuse la présence de Fouché au quai Voltaire : la lutte avec l'Église et la préparation immédiate du divorce.

L'arrestation brutale de Pie VII au Quirinal, le pénible transfert de ce vieillard à Savone, où il était tenu dans une captivité étroite, une des hontes de ce règne, si fécond en glorieux et en tristes souvenirs, avaient soudain donné un caractère particulièrement aigre à la lutte engagée entre l'Église catholique et l'Empereur. Ces événements avaient jeté une très grande partie du clergé français dans une opposition généralement sourde, mais parfois déjà violente, irréductible, dangereuse surtout au cas où se serait produite une crise politique qu'elle eût compliquée. L'Empereur, que son despotisme avait engagé dans cette voie scabreuse, s'y voulait maintenir, comptant bien imposer silence à l'opposition religieuse. Il arrivait d'Autriche avec mille desseins à ce sujet. Il en avait d'autres que, dès l'abord, il avoua : le divorce était résolu, il fallait y préparer décidément l'opinion publique[2]. Ce n'était certes pas le cas de se séparer du ministre qui avait depuis trois ans, constamment poussé au divorce, au nom du salut public et de l'intérêt dynastique, plus, semblait-il, que de son intérêt personnel, et qui y avait jadis préparé l'opinion publique, la cour et la ville[3]. Il n'était pas plus opportun de répudier l'homme d'État énergique qui, dès le principe, s'était posé comme le champion des droits de l'État laïque.

Le duc d'Otrante parut, cette fois encore, avoir échappé à l'orage, au grand dépit de ses adversaires qui ne le dissimulaient pas[4]. Au fond, cependant, sa situation restait fort ébranlée. Que deviendrait Fouché le jour où la question du divorce serait résolue définitivement, le jour aussi où l'Empereur et le ministre découvriraient que dans la croisade anticléricale qui les allait unir, ils n'avaient, au fond, ni les mêmes principes, ni les mêmes intérêts, ni les mêmes mobiles ?

Anticlérical, certes Fouché l'était, au sens politique du mot, et Napoléon n'en pouvait douter. Sa quasi-apostasie de 1792, le proconsulat de Nevers et Moulins et son amitié avec Chaumette le destinaient à ce rôle. On l'avait vu, il est vrai, évoluer sans pourtant renoncer à faire pièce à l'Église catholique : il avait, sous le Consulat, soutenu l'Eglise constitutionnelle, combattu le Concordat, et, sous l'Empire, avait, dès 1804, et jusqu'à ces derniers mois, maintenu les prêtres dans un respect étroit des principes de la Révolution et des droits du pouvoir. L'anticléricalisme de principes, il l'avait pratiqué plus que personne, bien plus que l'Empereur lui-même avant 1808. L'anticléricalisme de passion, il l'ignorait personnellement et n'était pas loin de le blâmer chez les autres. Fouché ne hait pas le clergé, il le redoute. Il a appréhendé longtemps son influence sur l'Empereur, sachant cette influence nettement contre-révolutionnaire : c'est pourquoi il a combattu de préférence les prélats trop proches du trône, Fesch, Cambacérès ; c'est pourquoi aussi il a voulu compromettre l'Empereur, l'entraîner dans une lutte tenace, dans une répression impitoyable de tout acte d'indépendance, de réaction, d'intolérance, de contre-révolution. La situation n'est pas la même. Du jour où les événements de Rome ont brouillé Napoléon et l'Église, cette crainte tombe, et Fouché doit changer ses batteries. Napoléon veut qu'on attaque le clergé qui lui résiste : soutanes noires, soutanes violettes, soutanes rouges ne protégeront plus ceux qui les portent. Comme l'esprit entier de l'Empereur admet peu les tempéraments, il ne rêve plus pour les prêtres, ses ennemis, que des surveillances étroites et de sévères réprimandes, des disgrâces éclatantes, des exils lointains, des enlèvements violents et des incarcérations sans jugement dans ses forteresses et ses prisons d'État. On ne verra ce rêve prendre corps et ce plan s'appliquer que sous le ministère de Savary, successeur de Fouché.

Fouché, en effet, n'est ni un esprit entier ni une âme passionnée. Il a été jadis trop près du sanctuaire pour ne pas connaître l'extrême force de résistance que l'Église puise dans l'assurance de sa perpétuité et de son triomphe final. S'il a craint l'influence de l'Église sur l'Empereur pour le vieil esprit révolutionnaire, il redoute maintenant plus encore son hostilité pour la solidité et la durée de l'œuvre impériale dont il reste, après tout, un défenseur assez résolu. Du moment que le clergé, même lorsqu'il parle par l'organe de Fesch, ne semble plus capable d'influencer le maître, Fouché ne voit aucune utilité à exaspérer les prêtres, à les soulever contre l'Empire. Sa politique n'est donc plus celle de Napoléon, et du souverain au ministre les rôles vont s'intervertir.

Certes, dans les bulletins qu'elle transmet à l'Empereur, la police apparaît comme très dure pour le clergé ; les préfets admonestent, les commissaires généraux arrêtent ; la police empêche toute fondation d'association pieuse[5], défend la circulation des livres d'allure ultramontaine, comme les Étrennes religieuses[6], ferme les dernières maisons des Jésuites qu'il continue à voir derrière les Pères de la Foi[7].

Mais qu'est-ce que tout cela à côté des ordres que reçoit Fouché après 1809 et qu'il n'exécute pas ? A feuilleter la correspondance de l'Empereur, c'est à chaque page qu'on trouve l'ordre de réprimander, d'arrêter, d'interner, d'exiler, de frapper prêtres, évêques et cardinaux ; Fouché s'efforce de prévenir, d'atténuer, d'ajourner l'exécution de ces ordres, si bien que lorsqu'il tombera, la chute de cet oratorien défroqué, de cet ancien- apôtre de la Raison, de ce vieil adversaire du Concordat, de ce sévère défenseur des droits de l'État laïque, sera le signal d'une recrudescence dans la persécution religieuse. Vingt jours après la chute de Fouché, l'Empereur fera arrêter par Savary toute une catégorie de prêtres ménagés par l'ancien proconsul de Nevers, entre autres le curé des Missions étrangères, l'abbé Desjardins, spécialement protégé par Fouché contre les colères de l'Empereur[8]. De l'humble curé, sa protection va aux princes de l'Église. Il semble s'appliquer à ne prendre aucune part aux vexations que subit à Savone le Pape prisonnier, et en mai 1810 il essayera de sauver de l'orage les cardinaux romains terriblement menacés.

Mais s'il est, par politique, par tempérament, par principes, hostile à toute persécution du clergé, il n'est pas fâché de profiter des circonstances pour faire pièce à des adversaires qui le gênent fort, personnellement. A côté du clergé, le conseillant parfois, le dépassant sans cesse, le compromettant très souvent, il y a le parti clérical, un parti d'autant plus dangereux, semble-t-il à Fouché, qu'il reste rallié, ne se sépare pas de l'Empereur, le capte, l'entoure, et, par une contradiction assez bizarre de Napoléon, s'en fait écouter parfois a l'heure même où le despote frappe tel humble desservant ou tel illustre cardinal. Or, Fouché aperçoit dans les rangs de ce parti des ennemis personnels irréconciliables. Récemment, le 30 septembre, le cardinal Fesch, qui ne lui pardonne ni sa haine pour ses amis les Pères de la Foi, ni l'interdiction des missions, l'a, en termes véhéments, dénoncé à l'Empereur comme l'ennemi de l'Église[9] ; or, l'oncle de l'Empereur est un des chefs de la coterie cléricale[10]. A côté de l'archevêque de Lyon, Fouché a un autre adversaire, l'abbé de Boulogne, qu'il a fait, en 1802, rayer des listes d'évêques et qui, royaliste au fond autant que catholique, s'est insinué près de l'Empereur, chapelain, puis aumônier de Sa Majesté, puis évêque de Troyes, malgré les rapports malveillants du ministre de la Police. Même hostilité chez l'abbé Émery, supérieur de Saint-Sulpice[11]. Le parti a pour protecteur le grand maître de l'Université Fontanes, un royaliste lyonnais de 93 qui n'a rien oublié ni rien pardonné ; pour principal organe Fiévée, un implacable ennemi du ministre de la Police.

Le parti a bien d'autres amis au pouvoir, et ceux qui entourent, Napoléon restent en relation avec ceux qui le combattent : Alexis de Noailles, Mathieu de Montmorency, René de Chateaubriand.

Fouché lutte avec énergie contre le parti, rallié ou non. Il ne le peut guère en certains cas que par les insinuations et les attaques de ses bulletins de police, où l'abbé de Boulogne a été accusé de haine ouverte contre la Révolution, où Fiévée l'est de connivence passée avec les princes de Bourbon, Fontanes d'incapacité et de pusillanimité, le cardinal Fesch d'intolérance et d'indiscipline[12]. Il essaye de frapper ailleurs encore. Le 13 septembre, il avait dénoncé à la défiance de l'Empereur la Congrégation naissante, association secrète et mystique très étendue, suivant les termes du rapport, dont il avait fait saisir les papiers et arrêter certains agents. Confondant, sciemment ou non, les congrégations à cette époque purement religieuses avec certaines associations politiques fondées par certains de leurs membres les plus ardents[13], il avait soin de faire remarquer que cette association contenait, à côté de gens comme Mathieu de Montmorency, nettement opposants à l'Empire, le secrétaire du cardinal Fesch, Feutrier, l'auditeur au conseil d'État de Contades, le député Clausel de Coussergue, qu'à cette date même Fontanes voulait faire entrer dans l'Université, et Cambacérès dans la magistrature, etc. Fouché effrayait le parti en faisant arrêter des comparses et mettait tous les membres en surveillance, sauf à prendre contre chacun d'eux les mesures que les informations ultérieures pourront nécessiter[14]. Quelques mois après, il faisait dissoudre, cette fois à Lyon, une congrégation de jeunes gens vivant sous l'influence des Pères de la Foi et d'Alexis de Noailles[15]. Même mesure à Bordeaux et à Nantes[16]. Il réclamait enfin l'arrestation de Noailles lui-même qu'il obtint, dans les derniers mois de 1809, et celle de l'abbé Lafon, son conseiller[17]. Il essayait aussi de perdre, avec Saint-Sulpice, l'éminent abbé Émery devenu son adversaire, dénonçant le séminaire comme le foyer des doctrines les plus exagérées et les plus factieuses[18].

Cette campagne est intéressante : elle tourna mal pour Fouché. Elle aigrit contre lui la haine du groupe sans enrayer ses progrès. On était entraîné, autour de l'Empereur, par un vent de réaction générale dont l'ascendant des Fontanes et des Fiévée était, plus qu'une cause, une conséquence. Et, chose curieuse, Fouché allait lui-même contribuer à accélérer cette réaction qui devait l'emporter, en travaillant au divorce dont les conséquences seront, nous l'allons voir, le mariage autrichien, l'installation aux Tuileries d'une nièce de Louis XVI et ce qui s'ensuivit.

Il était trop engagé dans cette voie pour reculer. Le parti de l'Impératrice, dont La Valette était un des représentants les plus actifs, travaillait contre lui, et c'était maintenant pour lui une question de vie ou de mort que d'amener l'Empereur à répudier Joséphine. Après tout, quoique dès cette époque sa fidélité à l'Empire fût plus douteuse qu'en 1806 et 1807, il n'en avait pas moins les mêmes raisons d'agir qu'à cette époque. Il espérait toujours faire remplacer aux Tuileries Joséphine par la grande-duchesse Anne de Russie, et était déjà, par surcroît, presque résigné à accepter, au pire, une princesse autrichienne dont sa prévoyante liaison avec Metternich et bientôt avec Schwarzenberg lui garantissait, à son sens, la protection ou tout au moins la neutralité.

Il avait donc continué ta campagne commencée en 1807 et poursuivie avec tant de ténacité en 1808. En 1809, il ne dissimulait pas qu'il ne faudrait plus qu'un tour de roue pour avoir une colonie de petits Napoléons[19]. Le tour de roue se donnait.

L'Empereur était résolu au divorce. Il en avait entretenu dès sa première audience l'archichancelier Cambacérès, qui y avait fait de timides et inutiles objections. L'Empereur avait eu avec Joséphine une explication décisive, et tout sembla décidé aux Tuileries ; Fouché cependant y préparait l'opinion. Le 15 décembre, le divorce était consommé ; le 16, le Sénat en reçut communication. Fouché, qui entendait affirmer que sa politique triomphait, affecta la plus vive satisfaction. Le 16, il déclarait à l'Empereur que cette décision était accueillie avec la plus grande joie, et affirmait le 21 que seuls les dévots, les frondeurs et, ajoutait-il avec malice, les femmes de quarante à cinquante ans n'approuvaient pas cette mesure. Il promettait d'étouffer de ce chef toute opposition et rassurait l'Empereur à ce sujet[20]. Mais il ne perdait pas de temps pour préparer le souverain à l'union qu'il rêvait, et, affectant de se faire l'organe de l'opinion, il traçait de la nouvelle impératrice souhaitée par la nation un portrait que réalisait comme par hasard la sœur du tsar Alexandre[21]. La première condition de popularité pour la nouvelle souveraine serait, disait-il, avant tout, qu'elle ne déchainât pas la réaction. Et dès ce jour il commença contre la maison d'Autriche une petite campagne qui, de fait, ne devait pas aboutir. Son opinion put se manifester bientôt plus officiellement. Le duc d'Otrante fut présent au conseil du 28 janvier 1810 où se discuta le choix de la princesse. On l'y vit se prononcer contre le mariage autrichien prôné par Talleyrand, Champagny, Eugène de Beauharnais, Fontanes, Berthier et haret ; cette fois Cambacérès se trouva lu même côté que Fouché, lié à lui par de communs souvenirs datant du 21 janvier 1793. L'organe de ce parti fut le roi Murat, qui se prononça avec vivacité pour le mariage russe. Tandis que Fontanes représentait, dit-on, le mariage de la petite-nièce de Marie-Antoinette avec l'Empereur comme un acte d'expiation glorieuse[22], le ministre de la Police, qui ne semble pas avoir développé son avis au conseil du 28[23], déclarait ailleurs à l'Empereur que les préventions plus ou moins fondées que les souvenirs encore récents laissaient dans beaucoup d'esprits contre la maison d'Autriche devraient éloigner l'Empereur de cette alliance[24]. Depuis un an il essayait, du reste en secret, de réchauffer la rancune de Napoléon contre les parents de Marie-Antoinette. Non seulement il avait, en dépit de ses sentiments pacifiques ordinaires, poussé l'Empereur à la guerre autrichienne, mais il affirmait encore en 1809 que la maison d'Autriche n'était pas encore assez humiliée[25]. Peut-être n'eût-il pas été Fâché de creuser entre Vienne et Paris un fossé tout pareil à celui qui séparait, par exemple, Napoléon et les Hohenzollern. En même temps on le voyait s'appliquer à faire disparaître toute trace des anciens conflits avec la Russie. Le 23 décembre, au moment où l'Empereur était encore hésitant, il lui transmettait complaisamment le rapport d'un de ses agents de Vienne où celui-ci représentait l'hostilité secrète de la maison d'Autriche envers Napoléon comme ne pouvant céder devant aucun événement[26]. Dès cette époque, et même après le choix de Napoléon, il affirmait que la guerre avec la Russie serait la suite, lointaine peut-être, mais inévitable, du mariage de l'Empereur avec une princesse autrichienne[27].

Le ministre de la Police ne devait pas avoir Gain de cause. Le 7 février, l'Empereur faisait connaître à son conseil qu'il avait élu comme compagne Marie-Louise d'Autriche, et le 2 avril il épousait solennellement à Paris la petite-nièce de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Un contemporain affirme que Fouché, ayant appris, le 7 février, la nouvelle de M. de Sémonville, parut assombri et ne prononça que ces mots : Il ne me reste plus qu'à faire mon paquet[28].

A dire vrai, l'anecdote nous semble peu vraisemblable : Fouché ne désespérait pas si vite des événements et des gens. Il devait, quatre ans plus tard, envisager sans scrupule ni crainte la perspective de devenir ministre du frère de Louis XVI, du roi Louis XVIII. Pourquoi, bien vu de la cour d'Autriche, lié avec le prince de Metternich, n'eût-il pas beaucoup espéré de l'oubli facile des cabinets et des cours ? Et quant à la réaction que pouvait déchaîner l'installation d'une Habsbourg aux Tuileries, pourquoi le ministre eût-il désespéré d'aller contre et de lui imposer silence[29] ?

Quoique le 21 février, il affirmât encore fort audacieusement que le choix d'une princesse autrichienne avait été mal accueilli par la population parisienne[30] ; quoique un mois plus tard il se fit un malin plaisir de signaler à la colère de l'Empereur les Lorrains qui, à Nancy et à Bar-le-Duc, avaient cru devoir rappeler à la nouvelle impératrice le bon temps où ils vivaient sans impôts ni conscription sous le gouvernement paternel de ses ancêtres[31] ; quoiqu'il semblât avoir voulu enrayer l'enthousiasme sous prétexte d'écarter en ces nobles circonstances jusqu'aux platitudes[32], le duc d'Otrante trouva près du prince Esterhazy, qui accompagnait la princesse, le bon accueil qu'il attendait au nom de Metternich et qu'il rencontra sans tarder chez le prince de Schwarzenberg, le nouvel ambassadeur d'Autriche, et chez Marie-Louise elle-même[33]. Dès février, du reste, il avait cru devoir démontrer à Napoléon qu'il ne pouvait se croire tenu d'offrir, en guise de don de joyeux avènement, à la nouvelle souveraine la tête des révolutionnaires régicides. La note vaut d'être citée : Quelques esprits trop prompts à s'alarmer, écrivait le duc d'Otrante, conservent beaucoup de craintes sur l'avenir que semble préparer aux hommes de la Révolution l'alliance d'une maison qui a de si grands outrages à venger. Mais la Révolution tout entière, depuis le 14 juillet 1789 jusqu'au 18 brumaire an VIII, n'a pas été aussi funeste à l'Autriche, ni ne lui a pas fait subir autant d'outrages qu'une seule année du Consulat ou de l'Empire... Il serait trop absurde de penser qu'un cabinet aussi constant dans sa politique... s'occupe de poursuivre quelques individus épars dont il n'a rien à redouter[34].

Napoléon, au reste, parut disposé à le rassurer. Quand l'Impératrice est arrivée ici, disait l'Empereur quelques mois plus tard, elle a joué sa première partie de whist avec deux régicides, M. Cambacérès et M. Fouché[35]. M. de Talleyrand n'eût pas manqué de faire observer qu'à cette partie historique il y avait un mort, et, quoi qu'on fit, l'ombre de Louis XVI apparaissait, évoquée par tous. Les Autrichiens sans doute s'en défendaient. Le prince Esterhazy disait à qui voulait l'entendre que le prince de Metternich lui avait donné l'ordre formel de rassurer les anciens conventionnels. Il devait déclarer, et déclarait que la maison d'Autriche, loin de conserver des préventions défavorables pour les hommes de la Révolution, regardait ceux qui s'étaient attachés à l'Empereur comme ses serviteurs les plus fidèles et les plus énergiques[36]. La façon très favorable dont Metternich traitait Fouché en 1808 et 1809 dans sa correspondance[37], les appréciations flatteuses et les regrets dont Schwarzenberg accueillait, en juin 1810, la retraite de cet homme supérieur[38], semblent prouver que la maison d'Autriche ne s'était en effet à aucun moment reconnu le droit ni le devoir de venger les injures des Bourbons.

Évidemment, ni pour Napoléon, ni pour Marie-Louise, la cérémonie du 2 avril ne parut une revanche du 21 janvier.

***

Mais les dispositions de l'un ni de l'autre ne pouvaient aller contre une force plus grande que la volonté des princes les plus absolus, celle de l'opinion publique. Or l'opinion, étant simpliste, est plus logique que les cabinets et les cours. Cette logique impitoyable ne pouvait admettre que l'homme qui, le 17 janvier, s'était prononcé si violemment pour la mort, restât ministre au moment où s'installait aux Tuileries la petite-nièce de Marie-Antoinette. Les ennemis du ministre ou simplement les fauteurs de réaction se devaient d'exploiter l'opinion, pour faire triompher leurs rancunes ou leur politique.

Or la réaction triomphait. Le ralliement, retardé parles scrupules et les rancunes des anciens royalistes, et gêné, du reste, par les artifices et les résistances de Fouché de 1804 à 1808, s'était, en 1809, soudain accéléré et avait pris une allure inquiétante pour les hommes et les institutions de la Révolution. Tant qu'il s'est agi d'adhésions individuelles, tant qu'on a pu, à droite ou à gauche, se scandaliser de la présence d'un de Luynes ou d'un de Brissac au Sénat, d'un de Montesquiou au Corps législatif, d'un de Broglie ou d'un de Ségur au conseil d'État, d'un de Ladoucette on d'un de Larochefoucauld dans les préfectures, (le Mme de Larochefoucauld ou de Mme de Turenne près de Joséphine, et autres cas de ralliement individuel, Fouché a veillé, sans s'alarmer, à ce que ces cas restassent isolés. En 1809, c'est autre chose ; c'est une classe, une caste, et derrière cette caste un parti qui envahit les Tuileries, les assemblées, les préfectures, les états-majors. M. de Montalivet, ministre de l'Intérieur, qui est lui-même un rallié comme Molé, comme Pasquier, comme de Ségur, tous hauts fonctionnaires, confie les préfectures et les sous-préfectures à des royalistes plus ou moins convertis, parmi lesquels Louis XVIII, en 1814, recrutera sans peine une partie de son personnel ; les préfets nobles dès 1810 — l'année suivante, le chiffre en sera doublé — s'appellent La Tour du Pin, d'Houdetot, de Barante, de Villeneuve-Bargemont, de Cossé-Brissac, d'Herbouville, etc. ; les sous-préfets, de Carné, de Torcy, de Larochefoucauld, et tutti quanti. Les auditeurs au conseil d'État sont maintenant choisis dans le même milieu aristocratique, ainsi que le personnel des ambassades, de certains états-majors et des assemblées. Au Corps législatif il y a un Chabaud-Latour, un Clausel de Coussergue, un Larochefoucauld, un Montalembert, un Montesquiou, un Caraman ; au Sénat, Fouché a maintenant des collègues bien nés, et non sans cause, puisque M. de Barante, préfet de la Vendée, chargé de préparer une élection au Sénat, reçoit la consigne : L'Empereur veut de l'aristocratie et surtout pas d'avocats[39]. C'est le contre-pied de la politique de Fouché, qui fraye ainsi au Sénat avec un Bougainville, un Harville, un Brissac, un Mérode, etc.[40]. Le comble du ridicule n'est pas atteint : la conscription des filles sera la grande pensée de Savary au ministère de la Police ; mais, dès 1809, Fouché a signalé le danger qui résultait pour l'Empereur des mariages entre deux aristocraties[41]. En attendant qu'on lui prit ses filles, l'aristocratie peuplait maintenant les antichambres des Tuileries. La liste des chambellans de la nouvelle cour de l'Empereur est fabuleuse. On nous en fera grâce. Le duc d'Otrante ne peut se rendre chez l'Empereur sans traverser la foule de ces nobles domestiques, dont les pères, mères, frères, sœurs ou enfants ont naguère péri sous le couperet, et si, néanmoins, le duc d'Otrante reste en apparence souriant et imperturbable, au fond, Fouché de Nantes, qui est aussi Fouché de Lyon, est un peu gêné et doit sentir approcher le destin.

Ajoutons à cela que la réaction n'introduit pas seulement aux Tuileries les noms et les mœurs de l'ancien régime : on en a restauré les institutions. Le rétablissement de la noblesse a fait jadis froncer le sourcil au futur duc d'Otrante, mais l'institution des majorats achemine au droit d'aînesse. On dit les acquéreurs de biens nationaux menacés. La liberté et l'égalité sombrent ensemble dans cette faillite de la Révolution, banqueroute funeste du système dont Fouché s'était fait l'homme : la défense de la Révolution par l'Empire.

Fouché, opiniâtre, persévérant, lutte pied à pied contre cette réaction. On a vu quelle résistance il avait opposée, non pas tant au clergé lui-même qu'à ceux qui en représentent les idées extrêmes et les exagèrent. Pendant toute l'année 1809, il veut continuer à brouiller la vieille noblesse avec le gouvernement impérial. Un jeune noble est-il accusé d'avoir voulu faire évader Ferdinand VII prisonnier à Valençay, Fouché, après s'être au préalable assuré qu'il est le parent et l'ami de la haute noblesse, les Larochejacquelein, les La Trémoille et les de Chevreuse, le fait arrêter et jeter en prison, au nom de l'Empereur[42]. Même attitude vis-à-vis d'Alexis de Nouilles allié à toute la noblesse. C'est essayer d'irriter le faubourg ; il veut aussi mettre l'Empereur en garde. Ce sont ici les deux faces de sa politique. Dès avril 1809, il s'est fait l'écho de ceux qui craignent, en voyant entrer les anciens nobles dans les places, que leur nom et leurs richesses ne leur fassent obtenir la préférence[43]. Il blâme énergiquement le préfet des Deux-Nèthes qui caresse trop les royalistes déguisés[44] : il dénonce leurs livres, leurs articles, leurs propos les plus propres à exaspérer l'Empereur[45].

Après le divorce, la lutte devient presque impossible. On réveille partout le souvenir du régicide : on en accable le ministre. Cambacérès n'est pas épargné ; pour avoir donné un bal le 21 janvier 1810, il est attaqué avec passion[46]. Les votants prennent peur. Le sénateur Grégoire veut publier une brochure pour prouver qu'il n'a pas voté la mort du roi ; c'est Fouché qui l'en détourne, ne pouvant l'imiter[47]. Le mariage est à peine décidé, que les bruits les plus alarmants circulent. Les acquéreurs de biens nationaux reçoivent tous des lettres anonymes pour leur annoncer que leur déportation (sic) vient d'être arrêtée[48]. On fait courir le bruit, on dit devant le roi de Hollande qu'un article secret du contrat de mariage éloigne de la cour et exile les hommes qui ont voté la mort de Louis XVI[49]. Louis Bonaparte a beau protester, ces bruits se colportent. L'archichancelier va partir pour Rome, et le ministre de la Police pour Otrante, ricane-t-on dans les salons hostiles[50]. On va jusqu'à annoncer que l'abbé de Boulogne est désigné pour faire, le 21 janvier suivant, l'oraison funèbre de Louis XVI et de Marie-Antoinette[51], et, de fait, l'évêque de Troyes en a peut-être préparé une, puisque cet ex-aumônier de l'Empereur sera justement le panégyriste élu par Louis XVIII à cet effet, quatre ans après. Le 3 mars, on va jusqu'à parler de la révision du procès de Louis XVI, d'une réhabilitation du roy. A l'Athénée, cercle de la noblesse, on colporte un mot de Napoléon très dur pour les votants[52]. L'Empereur lui-même signalait à Fouché la vente des gravures du roi, de la reine, au coin des rues[53] : pourquoi Fouché les eût-il fait saisir ? c'était l'oncle, la tante de la future souveraine ; ne serait-ce pas là un crime de lèse-majesté ? Naturellement, on ne s'en tient pas aux généralités sur les votants. Fouché est personnellement attaqué. Fiévée, qui vient d'être nommé maitre des requêtes, triomphe, annonce que le ministre de la Police, s'il n'est pas disgracié, n sera successivement dépouillé de ses attributions n, et s'appuie, pour le prétendre, sur la récente création de la direction générale de la librairie, rattachée au ministère de l'Intérieur[54]. Le ministre de la Police reçoit des lettres où on le prévient, comme par intérêt et confidentiellement, qu'après le mariage il y aura cent cinquante déportations de l'archichancelier, ministres, sénateurs, conseillers d'État, généraux et autres[55]. De Paris, ces bruits tendancieux se répandent en province : le préfet d'Aix-la-Chapelle écrit qu'il lui vient de Paris le bruit que l'Empereur lia éloignera de sa cour, de la capitale et de tout emploi public les À conventionnels et ceux dont la cour de Louis XVI a eu à se plaindre[56]. Le pire est que ces bruits sont propagés par des hommes qui, comme Fontanes, Fiévée, Savary et autres, passent pour jouir de la confiance de l'Empereur. Il est évident que Fouché est fort menacé.

Il tient tête à l'orage. Tout d'abord, il fait arrêter les auteurs les faux bruits et leurs propagateurs, quand il le peut, s'en venge et les discrédite près de l'Empereur, affaiblit leurs dires en les transmettant a Napoléon, qu'il sait détester les clabaudages, et qui, animé d'un grand esprit de contradiction, se révolte contre les ou dit et les conseils de l'opinion. Il lui fit l'inquiétude des acquéreurs de biens nationaux, des anciens membres des assemblées révolutionnaires, des serviteurs les plus dévoués au régime devant l'invasion des chambellans du faubourg, devant les fournées d'auditeurs nobles au conseil l'État[57].

Cependant, il n'abandonne pas d'une ligne sa politique de résistance à la réaction, qui, dans ces circonstances, est presque une politique de bravade. En pleine réaction, M. de Montalivet étant ministre de l'Intérieur, son collègue de la Police réclame un mouvement préfectoral pour déplacer et changer les préfets trop favorables au clergé et à l'aristocratie[58] ; il continue, en revanche, à transmettre les rapports des préfets hostiles à la réaction et au ralliement, celui des Deux-Sèvres par exemple, qui, rappelant les mesures prises depuis un an, répète les propos des acquéreurs de biens nationaux : qu'ils n'avaient rien de pire à craindre d'une contre-révolution[59]. C'est aussi contre la littérature antirévolutionnaire que le ministre tourne son activité. En octobre 1809, il a fait saisir le Choix d'anecdotes, conçu dans un esprit contre-révolutionnaire ; le 14 décembre, la Réfutation des calomnies publiées contre le général Charette[60]. Le 7 mars 1810, c'est une hécatombe. Une dizaine d'ouvrages sont saisis[61], l'éditeur Lerouge arrêté et détenu[62]. Une pièce intitulée la Mort de Louis XVI, suivie du testament du roi, est saisie le 3 avril[63], le lendemain du mariage de l'Empereur, et, le 16 mai, la Partie de chasse de Henri IV, pièce bourbonienne, est partout interdite[64].

Peut-être conçoit-il le plan de missions contre-réactionnaires par toute la France, analogues à celle qu'il a confiée à Réal dans le Nord et l'Est[65]. Cet ancien substitut de la Commune, qui, pas plus que l'ancien proconsul de Lyon, ne semble près de capituler devant la réaction, parcourt en 1809 et 1810 quinze départements jadis agités, maltraitant fort les préfets de tendances réactrices, réveillant les défiances des administrateurs contre les nobles, les prêtres, les partisans de l'Autriche[66]. Cette mission est un avertissement aux réacteurs de toute catégorie. Fouché l'a voulue ainsi, la guide, l'inspire, s'en fait l'écho près de l'Empereur, signale encore, signale toujours le péril à droite[67].

Mais le plaisant, c'est que ce mystificateur ne sacrifie pas un instant la singulière popularité dont il jouit à son désir de répression contre-réactionnaire. Chose incroyable, Fouché, plus que jamais, est, en 1810, le favori au gouvernement de la noblesse non ralliée, du clergé, des bourgeois, des partis de droite, on pourrait ajouter de toutes les classes de la société et de tous les partis. Napoléon est si redouté maintenant ; on le sait depuis quelques mois surtout si violent dans ses colères, si absolu dans ses décisions, si vindicatif dans ses haines ! Et Fouché passe pour le seul ministre qui, suivant l'expression d'un diplomate étranger, ose mitiger la sévérité de ses ordres, en retarder l'exécution, quelquefois s'y opposer et user de l'influence que lui donne la supériorité de son esprit pour l'amener à des résolutions plus modérées[68]. C'est le secret de cette popularité dont la crainte du maître est au fond le principe. Aussi bien, en ce qui concerne la noblesse, il n'a contre elle ni haine, ni rancune ; il ne lui demande que deux choses : ne pas conspirer avec Louis XVIII et ne pas se rallier à Napoléon. En vertu du principe que ce qui est méprisable n'est dangereux que lorsqu'on cesse de le mépriser, la noblesse lui parait à ménager et à fréquenter, à condition qu'elle veuille bien ne pas se mêler de trop près aux choses de l'État. Autant il se montre hostile aux nobles qui alors se précipitent dans les places et se mêlent aux intrigues de la cour, autant on le voit 'resserrer ses liens avec Mme de Vaudémont, Mme de Custine et leurs amis qui, en 1810, se tiennent encore fort loin des Tuileries[69]. C'est à cette noblesse-là qu'il réserve ses faveurs et ses grâces ; s'il ne peut toujours obtenir de l'Empereur — c'est la seule formule de refus —, il promet toujours, exauce parfois : il accorde, par exemple, en mai 1810, à son ami le royaliste duc de Laval la grâce de M. de Rivière, agent de Louis XVIII enfermé depuis 1804[70]. C'est ainsi encore qu'en dépit des colères de Napoléon, il permet à la duchesse de Chevreuse exilée de revenir près de Paris. Ce sont là des exemples entre cent. Le résultat de cette tactique est qu'en 1810 il est, de l'aveu de tous, a porté aux nues n par le faubourg, qui se persuade qu'il contient l'Empereur[71]. Il fallait connaître ces faits pour s'expliquer les singuliers incidents de juillet 1815, époque où nous verrons les royalistes les plus purs imposer Fouché à Louis XVIII.

Doutant de plus en plus de la fortune de l'Empire, le duc d'Otrante prenait ses précautions. Au moment où les de Montmorency-Laval et les de Chevreuse le prisaient fort, il venait de conquérir, avec le cardinal Consalvi, la bienveillance de la cour de Rome. Un incident lui avait permis de s'assurer à tout jamais la reconnaissance de l'illustre signataire du Concordat. Nous n'avons pas besoin de rappeler ce curieux et retentissant scandale qui se produisit le jour même du mariage de l'Empereur. Plusieurs cardinaux romains, on s'en souvient, refusèrent d'assister à la cérémonie religieuse de Notre-Dame. Napoléon, exaspéré, pour plus d'un motif, de cet affront, fut sur le point de prendre contre ces prélats des mesures extrêmes. Le duc d'Otrante, qui, à toute époque, avait entretenu avec le cardinal Consalvi les rapports les plus cordiaux, après avoir cherché à détourner l'ancien ministre de Pie VII de cette manifestation dangereuse et épuisé en vain, au dire du cardinal, toutes les prodigieuses ressources de son talent pour le persuader d'y renoncer, s'efforça d'en prévenir les suites. Napoléon, furieux, avait en effet parlé de faire fusiller les trois meneurs, les cardinaux de Pietro, Oppizoni et Consalvi, puis s'était résolu à faire un seul exemple de l'ancien secrétaire d'État. Encore que de pareilles résolutions nous paraissent 'monstrueuses, elles ne sont pas absolument invraisemblables, dans l'état d'esprit que nous révèlent chez Napoléon les lettres de 1810 sur les cardinaux. A entendre Consalvi lui-même, ce fut le duc d'Otrante qui détourna le coup en intervenant ; cette intervention parut d'autant plus méritoire au crédule cardinal que le ministre sut lui persuader qu'il avait failli y laisser lui-même son portefeuille. C'eût été pour l'ancien oratorien tomber avec grâce. La suprême adresse du ministre, suivant l'expression du cardinal, sauva la tête de l'ancien ministre de Pie VII, sans y sacrifier ce portefeuille si menacé. Beaucoup de cardinaux romains ignoraient, ou à peu près, le passé de Fouché : un homme qui avait sauvé trois porporati ne pouvait être, s'il était le diable, qu'un assez bon diable. On en parlait avec bienveillance dans les conciliabules des cardinaux noirs comme dans les salons de l'aristocratie[72].

***

En avril 1810, le duc d'Otrante restait donc, et c'était à la fois le péril et la force de la situation, le ministre de l'opposition. Il était aussi, en dépit de toutes les attaques, le ministre omnipotent. La mission de Réal avait fait éclater aux yeux de tous cette omnipotence. On avait vu le délégué du ministre de la Police critiquant et approuvant, admonestant ou louant, excitant, calmant, non pas seulement les agents du quai Voltaire, mais pêle-mêle ceux de l'Intérieur, des Cultes, de la Justice et de la Guerre, préfets, évêques, vicaires généraux, magistrats, douaniers et colonels, plus encore au nom de Fouché qu'en celui de Napoléon. L'objet de la mission, écrivait Fouché, est de prendre des notes sérieuses et circonstanciées... sur toutes les classes de citoyens[73]. A juger par le délégué, que pouvait-on penser du maitre ?

Cette ingérence du ministre se voit en toute affaire est-ce un simple ministre, l'homme d'État qui mande au ministère et tance, sans égards pour la carrière, tel jeune diplomate russe[74], entretient des relations politiques avec l'Angleterre[75], influence les délibérations du Sacré-Collège, s'immisce dans les querelles de Napoléon avec son frère Louis[76], aigrissant le conflit sous couleur de le calmer, contrôle, contrarie ses dix collègues dans leurs départements ministériels, tout en continuant la chasse aux derniers brigands de l'Ouest ?

A chaque pas l'Empereur se heurte à un ministre trop puissant. Cette situation inspire au maître des sentiments complexes, qui ont pour conséquence une conduite fantasque et d'apparence capricieuse, sympathie mêlée de défiance, haute estime de ses talents et méfiance de ses intrigues, difficulté de trouver un bon prétexte de disgrâce ; car, ce que le despote n'a jamais songé à faire pour un autre ministre, fût-ce Carnot ou Talleyrand, il cherche un terrain favorable pour congédier Fouché, n'osant le frapper sans prétexte. La crainte en effet l'emporte sur le reste : le maître redoute son ministre, il le redoute au pouvoir, il le redoute plus encore au dehors, tant cet homme a su chercher et trouver hors de l'Empereur ses points d'appui, tant il apparaît peu, même à Napoléon, comme une créature qu'on brise sans explication et qu'on annihile sans difficulté. Redoutable lui paraît le politicien qui a su être l'ami, l'homme de confiance ou l'allié de Moreau et de La Fayette, de Talleyrand et de Bernadotte, de Murat et des Bonaparte, des ex-chouans d'Andigné et Suzannet et des chefs jacobins Malet et Florent Guiot, de l'agent royaliste Fauche-Borel comme des Grégoire, des Garat, des Sieyès, de Benjamin Constant, de Mme de Vaudémont, du comte de Metternich, de lord Wellesley, du cardinal Consalvi, de tous ceux dont, à un titre ou à un autre, l'Empereur a quelque chose à craindre ou à désirer, et que le ministre de l'opposition a protégés, patronnés, inspirés et conquis. C'est cette clientèle en apparence si compromettante qui sauve Fouché, loin de lui nuire, en l'imposant. Sous un régime où l'opinion ne semble rien, il est cependant puissant par elle, et ce sont ces amitiés et ces sympathies d'ennemis qui, aux yeux de Napoléon, contrebalancent l'hostilité, la haine, la rancune qu'inspire le duc d'Otrante à tous ceux qui entourent l'Empereur, que celui-ci tient pour ses fidèles serviteurs, et qu'il se plait parfois à écouter. Le maitre estime presque Fouché de s'être fait craindre de lui.

Malgré les conseils de ses amis, l'Empereur hésite encore. Méneval le voit, dans un moment, changer de sentiments et de résolutions[77]. Lui est un de ceux qui poussent à la disgrâce de Fouché. Il n'est pas le seul. C'est bien le côté étrange de cette situation. L'homme d'État le plus en vue de l'Empire est fort bien vu des opposants, fort mal d'une grande partie du monde officiel. En mai 1810, Fouché, soutenu par une grande partie de l'opinion, a contre lui des adversaires sinon très résolus, du moins très irréconciliables : il y a les réacteurs, ralliés de l'aristocratie et ralliés de l'Église[78], et il y a le personnel gouvernemental lui-même.

Les collègues sont presque tous hostiles, jaloux non sans cause, et aussi ces mamelouks, hauts fonctionnaires, conseillers intimes qui, pour un motif ou un autre, ont de Fouché crainte et haine. Contre lui Fouché a, en dépit de certaines apparences de courtoisie, presque tous les ministres de l'Empire : l'archichancelier Cambacérès, dont le salon est le grand centre de l'opposition au ministre ; le secrétaire d'État Maret, le général Clarke, l'amiral Decrès, le ministre d'État Regnaud, les ministres Gaudin, Bigot de Préameneu, Régnier, Champagny, Montalivet, et puis les sous-ordres, La Valette, Bourrienne, Méneval, conseillers intimes du maitre, le gouverneur de la Banque Jaubert, le gouverneur de Paris Hullin, le préfet de police Dubois, le chef de la gendarmerie d'élite Savary, qui ont tous des injures à venger ou des antipathies à servir[79].

Depuis quelques mois, Fouché s'est vraiment ingéré d'une façon abusive dans les affaires de tous. Jaloux de ses prérogatives jusqu'à l'aigreur, il n'a jamais respecté celles de ses collègues. Il a fait plus, il n'a jamais perdu une occasion de les mortifier par un bon mot, obligeamment répété à ses victimes[80], de les desservir par un rapport à l'Empereur que celui-ci, partisan de la politique de Richelieu, n'a pas hésité à montrer à l'intéressé[81]. Le grand juge Régnier, le secrétaire d'État Maret ont été notamment l'objet de plaisanteries et de jugements acerbes. Nous le voyons, dans ses bulletins mêmes, persifler la gourmandise et la vanité de Cambacérès, dénoncer les spéculations véreuses de Talleyrand[82] et de Regnaud, et signaler, sur un ton badin, à l'Empereur, grand amateur d'échos scandaleux, les amours du prince de Bénévent et de Mme R..., femme d'un des ministres d'État[83], de tel autre ministre avec Mme G..., femme du ministre du Trésor, et parfois il descend plus bas, épilogue sur les amours plus humbles du ministre de la Marine qu'il déteste[84]. Il n'est pas bon d'être l'adversaire du duc d'Otrante.

Cambacérès lui pardonne moins que personne ses coups d'épingle. Pendant deux ans Fouché les lui prodigue, essayant sinon de le faire choir, au moins de le discréditer assez aux yeux de l'Empereur, pour qu'aux heures de crise son conseil, qu'il prévoit hostile, soit sans portée[85]. Cambacérès est la victime préférée de cette chronique scandaleuse, dont les bulletins fort amusants sont arrivés jusqu'à nous ; mais cette chronique s'étend à tous ceux que Fouché redoute et déteste. Et avec quel art elle est conçue ! Le ministre connaît si merveilleusement le maître ! Il sait l'anecdote qui pourra le mieux le faire sourire ou l'irriter, affaiblir l'adversaire ou le paralyser en le ridiculisant. Ajoutons à cela que chacun a ses griefs : Clarke ne pardonne pas à Fouché les événements d'août et de septembre 1809[86] ; Gaudin ne peut oublier l'amitié de Fouché pour M. de Calonne, qu'on lui a voulu substituer sous le Consulat[87] ; Maret a plus qu'un grief, il a un candidat qu'il veut installer à la Police, M. de Sémonville[88]. Aux griefs personnels s'ajoutent ceux qui proviennent des conflits d'attributions. C'est de tous les ministères le plus difficile, a écrit Fouché en 1804[89], puisque c'est celui où il est le plus aisé et le moins permis de faire un écart ; car si le chef de ce département surveille tous les autres, chacun des autres en particulier a l'occasion et intérêt de relever ses erreurs, d'éclairer ses fautes.

Ces conflits, fréquents sous tous les régimes entre les ministères, empruntent un caractère particulièrement aigre, personnel et blessant à la constante prétention que Fouché et la police semblent avoir au contrôle général, et aussi aux appréciations hautaines et méprisantes du ministre pour l'incapacité, l'inintelligence et la faiblesse des administrations adverses. Car Fouché, très outrecuidant, est de ces infaillibles pour lesquels tout adversaire est un sot et tout ennemi un misérable.

Mais les véritables ennemis du ministre sont plus près encore de l'Empereur. La Valette, l'aide de camp préféré, devenu directeur des Postes, parent de l'impératrice Joséphine, encore écouté après le divorce, est le représentant près de l'Empereur des rancunes de sa coterie ; dès 1808, Fouché le signale comme tenant contre lui les propos les plus hostiles[90] ; cette rancune est constante et ne désarmera jamais. Le duc d'Otrante aura toujours dans le directeur des Postes un ennemi aigre, tenace et défiant[91]. Si Bourrienne ne voit plus guère l'Empereur, il a gardé des amis à la cour, et Bourrienne est l'ennemi de Fouché, en 1810[92]. Au surplus, son successeur Méneval déteste le ministre de la Police, lui aussi[93], moins cependant que Savary. Ce chef de la police personnelle de l'Empereur, chargé par lui de toute une série de missions plus ou moins avouables, s'est naturellement heurté plus que tout autre à Fouché, très jaloux de ses droits. Ces conflits ont emprunté un caractère aigu à la haine invétérée et sans réserve que Savary garde aux hommes de la Révolution, dont Fouché est pour lui le type accompli. Nous n'avons pas à entrer dans le détail de leurs difficiles relations. Fouché avait, en maintes circonstances, traité avec mépris le chef de la gendarmerie ; d'élite, qui à son tour l'avait constamment travaillé près de l'empereur, suivant sa propre expression[94]. Il n'était là, du reste, que l'instrument d'une coterie dont Jaubert et le général Hullin étaient de violents adhérents[95] ; le préfet de police Dubois, lié avec tous les ennemis de son ministre, semblait être pour Savary un collaborateur excellent. Il était devenu l'homme de toutes les coteries. Mme de Genlis, très hostile à Fouché, disait de Dubois qu'il y avait quelque chose à en faire[96]. Suard, dont Fouché avait arrêté les articles dans le Publiciste[97], les amis de l'ancienne impératrice tournaient la tête au préfet de police, dont Cambacérès avait fait son agent et que Hullin appelait son homme. On remarque, observait Fouché avec une cruelle ironie, que le général Hullin pourrait avoir plus de raison d'appeler Mme Dubois sa femme[98]. Ce ménage Dubois était, du reste, l'objet des plaisanteries sanglantes du ministre, qui, depuis 1808, semblait avoir pris à tâche de discréditer le préfet de police, contre lequel il ne perdait pas une occasion de déclamer : méchant homme sans esprit, dira-t-il à Molé ; mari d'une coquine, à la tête d'une magistrature dégradée[99]. La femme du préfet, Mlle Rosalie, comme l'appelle Fouché, est une femme perdue qui procure à son mari, Dieu sait par quels moyens, des protections dont Fouché rougit pour lui devant l'Empereur[100]. Ici la chronique scandaleuse devenait si crue qu'on ne peut s'en faire l'écho. Dubois n'ignorait rien de ces propos, abhorrait son ministre tout en l'admirant, mais avait débauché les principaux agents du ministère, Desmarest, le chef de la sûreté, et Saulnier, le secrétaire général, qui, trahissant leur chef, auquel ils avaient peut-être le secret espoir de succéder, avaient passé à l'ennemi. Dès mars 1809, une véritable conspiration s'était organisée pour dépouiller le ministre de son portefeuille et lui préparer un successeur. Le Général Savary, Lagarde, un autre haut employé de la Police générale, Thurot, l'ancien secrétaire général chassé par Fouché après Brumaire, et Desmarest, s'étaient réunis en conciliabules secrets, pour faire nommer Dubois ou Savary ministre de la police, et Lagarde préfet de police. Fouché avait alors éloigné Lagarde, admonesté fortement Desmarest et dénoncé toutes ces intrigues à l'Empereur qui ne les aimait pas[101].

Toutes ces rancunes, toutes ces haines, toutes ces convoitises coalisées n'en ébranlaient pas moins profondément le ministre. De 1808 à 1810, nous le voyons journellement occupé à repousser les accusations, les calomnies, et h en discréditer les auteurs. Au Bulletin officiel, depuis 1808, il joint des notes personnelles, souvent concises, parfois rudes comme des coups de massue, parfois cruelles comme des coups de poignard Échos de Paris, On dit, Nouvelles de la capitale, tels sont les titres de ces notes où Fouché distille son fiel ; mais il ne le distille pas inutilement. Il a un but et souvent l'atteint. C'est sous ces notes qu'a succombé l'impératrice Joséphine, c'est avec elles qu'il a essayé de combattre le mariage autrichien, de tirer la moralité des événements dans le sens qui lui convient. C'est dans ces notes enfin que, tantôt par une accusation brutale, tantôt par un écho compromettant, tantôt par une allusion mordante et tantôt par un rapprochement perfide, il essaye, avec une merveilleuse connaissance du cœur de l'Empereur, d'accabler ses ennemis et de les rendre inoffensifs. Il hasarde parfois une justification personnelle, y rappelle incidemment la part qu'il a prise au 18 Brumaire, à l'affaire de nivôse, à l'établissement de l'Empire, à la pacification de l'Ouest, à la consommation du divorce, à l'échec des Anglais à Walcheren. Mais le plus souvent, nous l'avons vu, il préfère, en bon tacticien, l'offensive à la défensive.

Pour avoir recours à ces notes, qui, en 1810, se multiplient, il faut que Fouché se sente menacé. Il ne se trompe pas[102]. Devant la force de la réaction, devant les jalouses attaques de ses collègues du ministère, devant les haines et les rancunes des meilleurs serviteurs de l'Empire, Fouché n'a comme appui que sa propre audace et la confiance de l'Empereur. Malgré tant d'efforts coalisés contre lui, il n'a pas encore entièrement perdu cette confiance. Elle va céder devant un incident décisif[103]. Le ministre, surveillé de près, espionné, critiqué, attaqué, travaillé, suivant l'expression de Savary, n'est plus debout que par un miracle. Mais Fouché finit par croire aux miracles en matière politique.

 

 

 



[1] A ce moment-là même, le duc d'Otrante était en train de réprimer avec énergie des troubles qui avaient éclaté sur les bords du Rhin et de la Sarre. Bulletins de police, septembre-décembre 1809, F7, 3764. — Dossier des troubles de l'Est, F7, 6540. — Le colonel Henry qui venait de terroriser l'Ouest fut employé dans l'Est à la même mission, que paracheva le conseiller d'État Réal. sous parlons ailleurs de la curieuse mission de ce dernier. Dès le 15 novembre, Fouché, dans une note de sa main, assurait flue la tranquillité se rétablissait dans la Sarre (AFIV, 1507).

[2] L'Empereur, d'après Thiers, écho ici de Cambacérès, en avait dès l'abord entretenu l'archichancelier et, d'après les Mém. de Fouché, I, 402, l'avait autorisé à en conférer avec le ministre de la Police.

[3] SÉGUR, III, 419, dit qu'en octobre 1809 Napoléon ne conserva Fouché qu'en vue du divorce.

[4] RAPP (Mém., 155) prétend que cette fois encore Fouché, qui eut, en octobre, de fréquents entretiens avec l'Empereur, détourna sa colère sur le faubourg, tout en déconseillant, du reste, toute mesure de rigueur, ce qu'affirment également les Mém. de Fouché, I, 398.

[5] Bulletin du 20 décembre 1809, F7, 3765.

[6] Bulletin du 28 février 1810, F7, 3766.

[7] Cf. plus haut, chapitre XVIII.

[8] Mémoires inédits de Gaillard.

[9] Fesch à l'Empereur, 30 septembre 1809. Chapitre XVIII.

[10] Deux autres prélats, le cardinal Cambacérès et l'évêque de Gand, M. de Broglie, lui sont personnellement hostiles, refusant d'accepter son joug ; Fouché transmet au ministre des Cultes, en juillet 1809, les plaintes de ses agents contre ces deux prélats (20 et 26 juillet 1810, AFIV, 1506).

[11] La rupture est consommée entre le supérieur de Saint-Sulpice et le ministre, un instant liés (MENIC, l'Abbé Émery, p. 267).

[12] Notes ministérielles du 27 novembre 1807 et du 10 mars 1810, AFIV, 1501, 1308. Bulletin du 7 février 1899, F7, 6762, et Note du 27 janvier 1810, AFIV, 1508. Enfin il avait soin de rejeter, en avril 1810, sur Fesch la responsabilité de la conduite des cardinaux romains à la veille du mariage. Note ministérielle du 7 avril 1810, AFIV, 1508.

[13] Cf. le savant et curieux volume de M. G. de Grandmaison, La Congrégation, où les débuts de cette association pieuse sont étudiés avec les plus grands détails, notamment le chapitre VI et, en ce qui concerne ce que nous disons ici, la page 108. (Note de la 2e édition.)

[14] Bulletin du 13 septembre 1809, F7, 3764.

[15] Note ministérielle du 22 novembre 1809, AFIV, 1507. Bulletin des 13 et 19 septembre 1809, F7, 3764.

[16] Bulletin des 18 et 22 novembre 1709, F7, 3719. Dossier de Noailles et Lafon, F7, 6538.

[17] Il entraînait le maitre, qui, le 27 octobre 1809, lui donnait l'ordre d'adresser aux préfets une circulaire visant à faire dissoudre ces associations. Le duc de Bassano au duc d'Otrante. (Corr. de Napoléon, XX, 15975.)

[18] Note du 2 février 1810, AFIV, 1508, et de Grandmaison, La Congrégation, 99-120.

[19] LAMOTHE-LANGON, l'Empire, II, 372-378.

[20] Note ministérielle, 16 décembre, 21 décembre 1809, AFIV, 1507.

[21] Note du 16 décembre 1809, AFIV, 1507.

[22] LOMBARD DE LANGRES, II, 42.

[23] PASQUIER, I, 376, dit que M. Fouché et l'archichancelier avaient exprimé leur préférence pour le mariage avec la grande-duchesse. Dans les Mém. de Fouché, I, 408, il est dit que Fouché ne donna pas son avis et se retira avant la fin du conseil ; évidemment, il était embarrassé. Cf. sur ces incidents le dernier récit fait par M. Frédéric Masson dans son remarquable ouvrage sur Marie-Louise (1902). (Note de la 2e édition.)

[24] Note du 9 février 1810, AFIV, 1508.

[25] Le duc d'Otrante au roi Joachim, 4 octobre 1809, déjà cité.

[26] Bulletin du 20 décembre 1809, AFIV, 1507. Il est clair que tout ce bulletin était destiné à irriter l'Empereur contre la maison d'Autriche, car on y retrouve aussi un rapport où le ministre annonce qu'il a fait arrêter un journaliste de Spire, coupable d'avoir écrit qu'aucune famille n'était aimée de ses sujets avec autant de cordialité que celle de l'Autriche. En revanche, il se montrait fort aimable pour la Russie, donnant, par exemple, le 9 mai 1809, l'ordre de faire arrêter et détruire les caricatures faites à l'époque où l'on était en guerre avec le tsar (F7, 3719).

[27] Bulletin du 4 avril 1810, F7, 3720.

[28] LOMBARD DE LANGRES, II, 44. On retrouve la même anecdote dans les Mém. de Fouché, I, 409.

[29] Conversation de Fouché et de Thibaudeau, en 1810 (BARANTE, VII, 319, 320).

[30] Note du 21 février 1810. AFIV, 1508.

[31] Note du 17 mars 1810, AFIV, 1508.

[32] Note du 17 mars 1810, AFIV, 1508.

[33] Note du 28 avril 1810, AFIV, 1508. Cf. la Lettre de Schwarzenberg à Metternich, en juin 1810 (Arch. de Vienne). Cf. ch. XX. Cf. les propos de Marie-Louise, ch. XX.

[34] Note du 9 février 1810, AFIV, 1508.

[35] DE BARANTE, IX, 335.

[36] Note du 26 avril 1810, APIV, 1508.

[37] Cf. plus haut, chapitre XVIII.

[38] Cf. plus bas, chapitre XX.

[39] DE BARANTE, VIII, 327.

[40] Cf. Almanach impérial de 1810 et de 1811.

[41] Note du 17 février 1808, AFIV 1502.

[42] Sur toute cette affaire du jeune Saint-Aignan : Bulletins d'octobre et décembre 1808, F7, 3717.

[43] Note du 3 avril 1809, AFIV, 1505.

[44] Note de Fouché. Bulletin du 9 septembre 1809, AFIV, 1506.

[45] Bulletins d'avril-décembre 1809, F7, 3764-3765.

[46] Note du 24 janvier 1810, AFIV, 1508.

[47] Note au Bulletin du 18 février 1810, F7, 3766.

[48] Note du 28 février 1810, AFIV, 1508.

[49] Note du 21 février 1810, AFIV, 1508.

[50] Note du 21 février 1810, AFIV, 1508.

[51] Note du 21 février 1810, AFIV, 1508.

[52] Bulletin du 3 mars 1810, F7, 3766.

[53] Napoléon à Fouché, 11 mars 1810, Corr., XX, 16325.

[54] Note du 21 février 1810, AFIV, 1508.

[55] Note au Bulletin du 3 mars 1810, F7, 3766.

[56] Bulletin du 20 mars 1810, AFIV, 3720.

[57] Note du 28 février 1810, AFIV, 1508. Il y a parmi tout ce qui s'est constamment montré ennemi de la dynastie une assurance qui n'a échappé à personne. Cette faction se croit maitresse sans réserve. Note du 21 février 1810, AFIV, 1508.

[58] Bulletin de février et mars 1810, AFIV, 1508.

[59] Bulletin du 21 avril 1809, F7, 3718.

[60] Bulletin du 26 octobre 1809, F7, 3705.

[61] Bulletin du 12 décembre 1809, AFIV, 1507.

[62] Les livres interdits furent : le Procès des Bourbons, les Maximes et Pensées de Louis XVI et de Marie-Antoinette, le manuscrit du Château des Tuileries, celui d'une Histoire de Madame Élisabeth, la Correspondance de Louis XVI, le Cimetière de la Madeleine, le manuscrit des Mémoires de Mme de Lamballe. Bulletin du 8 mars 1810, AFIV, 1508.

[63] Bulletin du 8 mars 1810, AFIV, 1508.

[64] Bulletin du 4 avril 1810, F7, 3720.

[65] Bulletin du 16 mai 1810, F7, 3720.

[66] Cf. le dossier très curieux de cette mission (carton F7, 6540). La première pièce, qui est du 21 octobre, porte comme titre : Instructions à M. le conseiller d'État chargé du 1er arrondissement de police. La dernière est de décembre 1809. Pour suppléer aux lacunes du dossier, on peut se reporter aux Bulletins d'octobre à décembre 1809, où se trouvent des extraits de la correspondance de Réal. F7, 3765.

[67] Cf. les Instructions précitées, F7, 6540. En même temps il pourchasse les derniers chouans à travers la Bretagne, la Vendée et l'Anjou, Guillevic, de Bar, La Barté, Moulin-Michelot. Tout en faisant prévoir à brève échéance la fin du brigandage, il en effraye encore l'Empereur, et évoque encore le spectre vendéen. Bulletins des 4, 10, 12, 13, 17, 18, 26 janvier 1810, F7, 3763.

[68] Schwarzenberg à sa cour, juin 1810. Lettre déjà citée.

[69] BARDOUX, Mme de Custine.

[70] DE RIVIÈRE, Mémoires posthumes, 1829.

[71] LAMOTHE-LANGON, l'Empire, II, 91. Lettre de Schwarzenberg à sa cour, juin 1810 (Arch. de Vienne).

[72] Cet incident, qui est un des chapitres curieux du livre de M. Geoffroy de Grandmaison, les Cardinaux noirs, est tout entier raconté, et de la façon la plus favorable à Fouché, par le cardinal CONSALVI, dans ses Mémoires. 461, et par GAILLARD (Papiers inédits). Gaillard va jusqu'à dire que Fouché faillit réellement être destitué à la suite de son intervention.

[73] Instructions de Fouché à Réal, 21 octobre 1809, F7, 6540.

[74] Note du 1er février 1810, AFIV 1505.

[75] Cf. plus bas, chapitre XX.

[76] Cf. chapitre XX, SAVARY, IV, 261-264.

[77] MÉNEVAL, I, 400.

[78] DE SÉGUR partage manifestement l'opinion de Clarke, cet ennemi, dès l'Empire, des s... jacobins de 1793, ce rallié revenu si facilement, après 1814, à l'ultra-royalisme, et qui, d'inclinations aristocratiques, dit Ségur, détestait les antécédents et l'esprit révolutionnaire de Fouché. C'était le sentiment des ralliés de droite. (SÉGUR, III, 403).

[79] Cf. les notes ministérielles de 1803-1810, AFIV, 1502-1509, où Fouché se défend contre tous ces personnages haut placés.

[80] Le duc de Bassano me conserve une ancienne rancune de la liberté que  j'ai toujours prise de me moquer de lui, écrira le 1er octobre 1819 Fouché à Jérôme (Mém. du roi Jérôme).

[81] Fouché, qui rend des services, en rend parfois de fort mauvais ; le 29 juin 1809, il transmettait complaisamment à l'Empereur un rapport où Talleyrand, Chaptal et Regnaud étaient accusés de spéculations louches (F7, 3715).

[82] Il semblait de nouveau en assez mauvais termes avec son complice de 1808. Il ne le ménage guère dans ses notes de 1809 et 1810.

[83] Note du 17 mai 1809, AFIV, 1505.

[84] Note du 17 mai 1809, AFIV, 1505.

[85] Notes des 24 mai, 26 juillet, 26 août, 23 novembre, 1er décembre 1808, etc. AFIV, 1502, 1503. A dire vrai, Fouché parait s'exagérer un peu l'hostilité de Cambacérès. Celui-ci flotte encore entre sou antipathie pour l'homme et son estime pour le ministre. Pendant que ses salons devenaient le quartier général des ennemis du ministre (cf. notes de 1809-1810, AFIV, 1505-1506), il adressait à l'Empereur, par exemple en avril 1810, un rapport où il disait qu'il fallait s'en remettre au zèle du ministre de la Police (Rapport du 10 avril 1810, AFIV, 1302).

[86] Cf. chapitre XVII.

[87] GAUDIN, Mém. supplément., 19.

[88] ERNOUF, Mém. de Bassano, 281. BEUGNOT, I, 343, 347. Cf. pus bas, ch. XX.

[89] Note sur la police (Papiers confiés à GAILLARD).

[90] LA VALETTE disait, en 1808, qu'il y avait accord entre la clique Malet et l'opinion des gens qui pensent que tout est perdu si l'Empereur n'a pas d'enfant... qui publient que la France n'est séparée du trouble et du désordre, que par la vie de l'Empereur. Note du 26 juillet 1803, AFIV, 1503.

[91] Ses Mémoires, très hostiles à Fouché, en témoignent.

[92] Fouché, qui semble avoir craint en Bourrienne un successeur possible, après l'avoir longtemps employé, n'a pas hésité, dès février 1807, à dénoncer les malversations de l'ancien secrétaire (F7, 3712). Bourrienne en resta fort hostile les Mémoires qu'on a tirés de ses papiers en font foi.

[93] MÉNEVAL, Mémoires, passim.

[94] Note du 1er février 1809, AFIV, 1505. Les Mém. de Savary suffiraient à nous édifier sur ce point.

[95] Fouché se vengeait de Jaubert en se faisant l'écho des propos hostiles que tenaient contre lui les boursiers et banquiers de Paris (note du 1er février 1809, AFIV, 1505). Et quant à Hullin, Fouché employait contre lui une arme assez singulière à lui voir manier, ne perdant pas une occasion de rappeler les antécédents ultra-révolutionnaires de cet ancien vainqueur de la Bastille (SÉGUR, III, 415).

[96] Note du 3 février 1809, AFIV, 1503.

[97] Note du 1er juillet 1809, AFIV, 1505.

[98] Note du 3 février 1809, AFIV, 1505.

[99] MOLÉ, Journal déjà cité.

[100] Ces notes sont parfois d'une incroyable crudité. Fouché savait l'Empereur fort amateur de chronique scandaleuse. Sur Dubois, note du 29 avril 1809, AFIV, 1502.

[101] Note du 4 mars 1809, AFIV, 1505.

[102] Privé en octobre 1809 du ministère de l'Intérieur, il a, en février 1810, subi une forte diminutio capitis. Le décret du 5 février avait enlevé à la police la surveillance de la Librairie, c'est-à-dire une de ses grosses prérogatives. La direction générale de l'Imprimerie et de la Librairie, créée par ce décret et confiée à Portalis, avait été rattachée au ministère de l'Intérieur.

[103] Au dire de GAILLARD (Mém. inédits), de Mme DE CHÂTENAY (II, 124), d'OUVRARD (I, 150), de Stanislas DE GIRARDIN (Journal, IV, 387) et bien d'autres, l'incident en question fut un prétexte dont l'Empereur s'empara. La présence de Fouché de Nantes, même devenu duc d'Otrante, à la Police générale devenait tous les jours une anomalie plus étrange en pleine réaction monarchiste.