LA COMTESSE DE CASTIGLIONE - 1840-1900

Le Roman d'une Favorite, d'après sa correspondance intime inédite et les Lettres des Princes

 

CHAPITRE CINQUIÈME. — UN RETOUR D'ILLUSIONS POLITIQUES.

 

 

Ce que faisait Mme de Castiglione, à Florence, pendant la guerre franco-allemande. — Un point d'histoire complètement inconnu. — Dans quelles conditions la belle envoyée de Cavour devint, en sa trentième année, la correspondante diplomatique de Thiers. — Les services qu'elle rendit à la France. — Le crédit dont elle jouissait à la cour italienne. — Son retour à Paris. — Un renouveau d'ambition politique. — Ce qu'elle espérait de ses princes, pour eux-mêmes. — A travers les essais de restauration monarchique. — Des détails ignorés. — Comment le duc d'Aumale se vit, pendant vingt-quatre heures, président de la République. — La déception du lendemain. — Échange de lettres, d'elle à lui. — Pendant la crise du Seize-Mai. — Des incidents et des mots d'époque. — A la façon de Morny. — Les républicains à la messe. — Déroute finale des espérances orléanistes.

 

Le plus brillant météore mondain du régime impérial s'était évanoui dans ce vent de tempête. Paris perdit de vue sa trace lumineuse. Il n'était plus de Mme de Castiglione. Elle avait disparu, tout à coup, comme une étoile éteinte.

Cependant, ses yeux luisaient toujours de leur extraordinaire clarté. L'expression de ses traits ravissants n'avait rien perdu de sa vivacité. Qu'on y songe, seulement : à la chute de l'Empire, la comtesse de Castiglione n'avait encore que trente ans !

Une secousse violente venait d'ébranler l'atmosphère inerte, où languissaient ces âmes. Elle espéra revivre à d'autres destins plus actifs.

Pendant son séjour en Angleterre, elle avait noué des relations très directes avec les princes de la maison d'Orléans ; nous en eûmes précédemment, des preuves ; on en aura de plus complètes, tout à l'heure. D'autre part, malgré qu'elle eût, aux beaux jours du règne de César, vécu dans la faveur du maître, elle avait aussi connu, fréquenté, indépendante comme elle l'était de caractère, le monde politique de l'opposition. Thiers l'ai la voir en son petit hôtel de Passy. Elle était le mieux du monde, en la maison de la place Saint-Georges. Ses rapports avec ce personnage considérable n'avaient été que suspendus par les premières commotions de la guerre ; ils acquirent une force inattendue, lorsque, aux heures de détresse nationale, elle lui proposa d'employer, pour le bien de la France et du mieux qu'il lui serait possible, le crédit personnel dont elle jouissait auprès de la reine de Prusse Augusta et du roi d'Italie Victor-Emmanuel.

Elle s'était retirée à Florence. Heureuse de se reprendre, de raviver sa jeune ardeur diplomatique, d'être une portion contingente appréciable parmi les grands et terribles événements qui se déroulaient en Europe, elle se mit en mesure de rendre des services signalés, services réels et qui ne furent point connus de l'histoire. C'est un point de vérité qu'il importe de tirer de l'ombre, pour qu'il brille en l'honneur de la comtesse de Castiglione. Les détails en ont été notés d'une manière très exacte par l'un de ceux qui se trouvèrent mêlés directement à son action. Les voici dans toute leur précision, tels que nous les avons lus, au courant d'une longue lettre de Cléry, passée entre nos mains.

Cet homme d'esprit et d'éloquence avait été délégué à Florence en 1870, par ordre de Jules Favre, ministre des Affaires étrangères au gouvernement de la Défense nationale. Il devait y accompagner Sénart investi d'une mission extraordinaire auprès du roi de Piémont et de Sardaigne, Victor-Emmanuel II, fort occupé d'agrandir sa couronne italienne, pendant que le roi Guillaume de Prusse était en voie de passer empereur. Thiers, qui revenait alors de son douloureux pèlerinage à travers l'Europe, s'était arrêté dans la cité toscane. Un matin, Sénart et Cléry se trouvaient en sa compagnie, traitant des malheurs de la France, lorsque s'ouvrit la porte du salon : Madame la comtesse de Castiglione, annonça le valet de chambre. La visiteuse arrivait tout droit de Gênes ; elle avait passé la nuit en chemin de fer et ses traits semblaient aussi reposés, néanmoins, que si elle eût goûté les douceurs d'un long sommeil, dans son lit. Thiers se leva, fit quelques pas au-devant d'elle, l'embrassa avec la familiarité d'un vieil ami ; et, la prenant par la main pour la conduire vers Sénart il posa cette question au ministre frappé d'étonnement : Vîtes-vous jamais rien de plus beau ? Puis, la conversation s'engagea sur des sujets, qui n'avaient rien de frivole. Cependant, l'homme d'État était sur le point de quitter Florence pour se rendre à Tours. La semaine suivante, Sénart allait être obligé de rentrer, aussi, rappelé en France non par des raisons politiques mais par un cruel deuil de famille : la mort de sa fille âgée de dix-sept ans. Cléry demeurait seul chargé des pleins pouvoirs de la légation de France auprès de Victor-Emmanuel. En lui repassant ses lettres et ses propres responsabilités, Sénart lui avait tenu ce langage : Je pars ; auparavant, je dois vous informer d'une communication, que m'avait laissée M. Thiers et qu'il est de mon devoir de vous transmettre. La voici : Mettez-vous en toutes choses à la disposition de Mme de Castiglione, m'a-t-il dit. C'est l'amie la plus sûre, la plus dévouée, la plus intelligente que nous puissions avoir et la mieux en état de nous servir, ici. D'ailleurs ne m'en demandez pas plus que je n'en sais et que M. Thiers n'a eu le temps de m'en apprendre. Vous vous trouvez, aujourd'hui, dans une situation fort délicate et ayant à remplir un poste très difficile. Je n'ai pas à vous donner d'autres conseils, en des circonstances comme celles-ci, où il importe avant tout, d'avoir le coup d'œil prompt et l'esprit éveillé. Conduisez-vous d'après les événements et faites pour le mieux. De pareilles instructions diplomatiques avaient le privilège d'être courtes ; elles n'en étaient ni moins troubles, ni moins embarrassantes. Cléry en avait encore l'esprit singulièrement perplexe, lors qu'il reçut, le lendemain, un billet de la comtesse, crayonné de son indéchiffrable écriture, et où il parvint à lire qu'elle le priait de passer chez elle. Il s'y fit conduire ; c'était dans un palais du Corso Vittorio-Emanuele. On l'introduisit. Toujours amoureuse de l'effet théâtral, elle était étendue sur l'un de ces immenses lits de repos en bois sculpté et doré, comme il fut de mode au dix-huitième siècle d'en fabriquer en Italie. Elle attendait, enveloppée dans les plis d'une robe d'intérieur, ample et somptueuse. À peine, lorsqu'il entra, daigna-t-elle tourner la tête vers le jeune plénipotentiaire ; car, il était jeune, alors, et il le paraissait encore davantage ; simplement elle se contenta de lui adresser un petit salut bref, une de ces salutations de condescendance protectrice, qu'une cliente riche adresserait, par exemple, à un clerc de notaire se présentant, en lieu et place de son patron empêché.

La première impression ne fut rien moins qu'agréable à maître Cléry, qui s'attendait à un accueil moins sommaire. Il espérait plus de considération, de la part d'une femme politique pour sa charge et plus d'intérêt d'une jolie femme pour sa moustache. Sans prendre garde à sa déconvenue, elle lui posa un certain nombre de questions, qui lui semblèrent plutôt saugrenues, mais qu'elle avait, à dessein, ménagées, comme pour tâter le terrain. Brusquement, tandis qu'il se préparait à rompre un entretien, qu'il jugeait oiseux, elle lui déclara que Thiers, le porte-parole de la France auprès de l'Europe, lui avait laissé, au moment de son départ, un chiffre, à l'aide duquel elle pourrait correspondre avec lui ; et, incontinent, elle lui remit une dépêche, afin qu'il l'expédiât de l'ambassade, sous le couvert du sceau diplomatique. Une seconde entrevue fut arrêtée pour le lendemain.

Toujours au comble de l'étonnement sur ce qu'il voyait et entendait, Cléry revint à l'heure fixée. Il la salua, s'assit, et prêta l'oreille. Elle lui annonça que ses relations avec la cour de Prusse lui permettraient de rendre d'éminents services ; qu'elle était en correspondance assez suivie avec la reine Augusta, la future impératrice d'Allemagne, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'ambassadeur de Prusse, à Florence, M. Brassier de Saint-Simon ; enfin que Thiers attendait, par son entremise à elle, le sauf-conduit qui lui permettrait d'entamer les premières négociations relatives à un armistice possible.

La surprise du délégué français allait grandissant, compliquée, en outre, de soupçon et d'inquiétude. Il passa la nuit sans dormir, ni parvenir à fixer son indécision. Qu'était donc, se demandait-il, cette comtesse étrangère, dont il ne connaissait que la légende de beauté, sous le régime impérial, et que rien ne recommandait à lui, sinon les paroles vagues de Sénart, disant les tenir de Thiers ? D'où venait qu'il n'en avait reçu aucune instruction écrite ? Il lui faudrait, cependant, accorder une confiance illimitée aux agissements d'une espionne[1], peut-être, ayant trompé jusqu'à la perspicacité du plus fin des hommes ! Plus il s'interrogeait, plus s'aggravaient ses doutes. Il n'était qu'un novice en diplomatie. Si, profitant de son inexpérience elle allait pénétrer les secrets de sa mission, qui étaient ceux de la France même, pour en instruire l'ennemi ? Mais si, au contraire, en se fermant à elle, à ses bons offices, à ses informations procédant d'une haute source, il allait priver Thiers et le gouvernement de la Défense d'un concours sur lequel on était en droit de compter ? De toutes parts son esprit anxieux envisageait des embûches à redouter. Il s'était laissé conduire, se le reprochant intérieurement, à des conciliabules nocturnes où se trouvait, de tiers-parti, Brassier de Saint-Simon, un homme excellent en soi, mais que hantait comme un cauchemar la peur continuelle de Bismarck, son maître. Tout cela, et la crainte de passer pour un traître si l'on eût découvert le mystère équivoque de ces entrevues, tout cela n'était pas fait pour ramener le calme dans son âme. Enfin, il se rassura : la comtesse se dénonçait, par des preuves certaines, une alliée sûre, discrète, intelligente et dévouée. Elle mettait au service de la France d'anciennes et sérieuses relations. Les employer en faveur de cette cause était sa sollicitude quotidienne. La reine Augusta, petite-fille de Charles de Saxe- Weimar, peu sympathique par éducation à la Prusse, dont son mariage l'avait faite la souveraine, opposée par sentiments et par goût aux idées de son mari, d'ailleurs amie des lettres et des arts français, Augusta l'y secondait, autant que le permettait le rôle effacé où l'avait réduite, à Berlin, l'esprit jaloux du roi. Quant à Victor-Emmanuel, dont les dispositions personnelles n'étaient pas douteuses, il faisait mieux que répondre aux instigations sympathiques d'une ambassadrice officieuse. Quoique se sentant épié, surveillé, sans cesse, par des regards inquisiteurs, il voulut que l'Italie fût ce qu'elle pouvait être, conciliante, généreuse, utile au pays voisin tant éprouvé, sans sortir de la neutralité, qu'il subissait à contrecœur.

Ainsi, dans ces heures difficiles et rudes de l'histoire européenne, la comtesse de Verasis-Castiglione avait su, sans aucune fausse manœuvre, sans aucun jeu d'intrigues, s'entremettre habilement pour le service de ses amis de France.

De fait, elle avait continué d'être sur un pied excellent, à cette cour de Savoie, dont les destins devaient lui inspirer, sur la fin de sa vie, de si sombres pronostics. Victor-Emmanuel, à son égard, n'avait pas affaibli les marques d'une affection voisine de la tendresse. Les princes et les princesses de la famille royale lui prodiguaient les plus gracieuses attentions. Le prince Amédée, dont elle aida l'accession au trône d'Espagne, la tenait en particulière estime. Lorsqu'il s'en alla prendre possession de sa fragile couronne, il se fit un devoir de lui présenter ses adieux, en la maison qu'elle occupait sur le Corso. Son équipage stationnait à la porte. Deux ministres de Victor-Emmanuel, Acton et Visconti, étaient présents à sa visite, qui fut accompagnée de paroles très affectueuses. Et, il lui avait laissé, en partant, comme un souvenir choisi selon les attirances particulières qu'il lui connaissait, une magnifique perle noire montée en bague. L'influence dont elle disposait, alors, s'étendait jusque sur les ministres du roi, et, malgré qu'elle ait articulé, longtemps après, dans ses lettres, un certain grief contre le comte Visconti-Venosta, ce personnage éminent, ce gentilhomme, le plus parfait qui se pût voir, associait à des sympathies réelles pour sa personne, celles qu'il ressentait très profondes envers la France.

Elle prolongea de quelque temps son séjour en Italie, sans faire beaucoup parler d'elle, au dehors, réapparaissant, de loin en loin, à la cour de son roi, se rejetant en son palais Oldoïni, de la Spezia, organisant et désorganisant la gestion de ses biens, s'embarrassant de mille affaires d'argent, qu'elle supposait conduire, réveillant de ses lettres mouvementées des relations, qui lui étaient demeurées chères en son pays, en Espagne, en France ; et ne parvenant point à chasser de son cœur des rappels ou des regrets, qui la suivaient partout. Où porter ses pas, se disait-elle, déjà, quand la vie nous manque, quand on craint la solitude et qu'on n'aime plus le monde ? Elle revint à Paris, s'installa dans un hôtel de la rue Volney : l'hôtel de l'Alma, fit revenir du fond de la Calabre ses bijoux qu'on y avait portés et enfouis, dans des conditions fort romanesques[2] ; puis, ces choses étant faites, elle se demanda sur quelles bases elle établirait cette autre forme d'existence, qui serait, maintenant, la sienne, et vers quel but. Elle regarda autour d'elle. Qu'était devenue la foule brillante et diverse, dont elle eut, naguère, le spectacle quotidien ? Elle se sentit terriblement isolée. Pour les nouveaux arrivants elle n'était plus qu'une étrangère. Il lui semblait même qu'on la regardait avec une sorte de suspicion hostile. De sombres méfiances pesaient sur elle. Elle se voyait en butte à des soupçons humiliants. C'étaient les premiers symptômes des tendances inquiètes, maladives, dont l'obsession assombrira si fort le déclin de sa vie.

Tant de trouble agitait son âme, si persistante en était l'impression qu'elle écrivit au chef de l'État pour lui demander aide et protection contre des ennemis imaginaires, sans doute. Thiers, qui lui gardait un sentiment presque tendre et n'oubliait pas ses interventions pleines d'à-propos et d'intelligence, aux pires instants de l'année douloureuse, voulut aussitôt calmer ses alarmes. Il avait donné des instructions. Le Préfet de police était informé. On veillerait avec une particulière sollicitude sur la tranquillité de ses jours. Elle ne serait nulle part mieux gardée qu'à Paris. La lettre[3] du Président de la République lui fut un calmant et une joie. Ses idées de départ furent ajournées. Et, pour employer le temps elle se remit à politiquer sous le manteau, au compte des profits et pertes de la maison d'Orléans.

§

Dès avant la répression de la Commune elle en avait eu l'imagination occupée. En ces temps d'angoisse, où l'armée citoyenne, trépidante de son inaction et ne voulant point, cependant, être rendue à la vie régulière, au travail, avait réclamé des salaires à l'insurrection, elle n'ignora point que des hommes intelligents s'étaient portés au devant du duc d'Aumale, pour qu'il intervint en maître dans ce désordre.

On allait recommencer le siège de Paris. Le conseil lui en avait été donné : il devait se montrer à l'Assemblée nationale, demander, aussitôt, la validation de son élection et lui, l'ancien combattant d'Algérie, joignant au courage l'esprit d'administration et la méthode, mettre son épée loyale au service des lois de son pays.

Les conséquences d'une pareille initiative n'auraient pas été douteuses. Chef de l'armée, il fût devenu par la force des choses, le chef aussi du gouvernement. Et le monde orléaniste en eût reçu un puissant réconfort. Telle en était la conviction, parmi les siens, qu'on avait même préparé le discours qu'il lui faudrait prononcer, en ces circonstances dramatiques.

Mais, sous l'empire d'un scrupule chevaleresque dont le bénéfice ne pouvait être que perdu pour ceux de sa Maison, il refusa ; d'autres écrivirent : il recula.

La comtesse florentine, en même temps qu'elle avait reçu la nouvelle de cette grande démarche, en avait appris l'insuccès. L'interprète accoutumé de ses émois sentimentaux en politique, l'en informa tout au long.

Non ! cent fois non ! avait répondu le duc, patriote avant d'être prince. Puisque je n'ai pas eu le bonheur de commander des troupes françaises contre les Prussiens, je ne recommencerai pas ma carrière en les conduisant contre des Parisiens.

On avait objecté de fortes raisons. La France avait besoin de lui. L'armée voulait un chef en qui elle eût confiance. Le rôle des princes, leur devoir était de marcher en tête de leur parti, aux jours de danger comme aux jours de fête. Discours perdus : il s'était redressé contre cette offre ; aux prôneurs des actes énergiques il avait répliqué :

Ah ! je ne suis pas de ces princes qu'on trouve toujours prêts à tirer l'épée sur les boulevards de Paris pour la tremper dans le sang français et pour la jeter, ensuite, aux pieds du roi de Prusse. S'il vous faut des princes de cette espèce, ailleurs que chez moi, allez les chercher !

La pensée que traduisait ce beau mouvement oratoire était magnanime. Il fallait, pourtant bien, qu'un homme d'énergie se dévouât à enrayer le mal révolutionnaire et à sauver la patrie.

§

L'orgie rouge s'était noyée dans son propre sang. Tout était à refaire et à reconstituer en France. Quelle serait la légalité politique de l'avenir ? Quel gouvernement réparateur, après une phase de stationnement imposée par l'état de désorganisation générale assumerait la lourde et généreuse tâche de relever, à la face des autres peuples, cette malheureuse nation deux fois meurtrie par la guerre étrangère et par la guerre civile ?

La lice était ouverte aux ambitions rivales. Tandis que les républicains commençaient à construire pour un long établissement, les espérances monarchiques, engourdies depuis dix-huit années, se détendaient et reprenaient vigueur. Les compétitions de programmes et de personnes se multipliaient sous des étiquettes de toutes couleurs. Si récemment abattus, les impérialistes déjà relevaient la tête et brûlaient de rentrer en campagne, se disant qu'une excellente place de dictateur était à prendre, en France, qu'elle n'appartiendrait pas au plus sage, comme le donnait à entendre M. Thiers, mais au plus audacieux et au plus populaire.

Le comte de Chambord s'enveloppait des plis de son drapeau blanc fleurdelysé attendant une manifestation de la Providence en faveur de sa cause[4]. Derrière lui, les princes, encore étonnés de fouler librement le sol de la patrie, tâtaient le terrain avec prudence. De leurs amis leur reprochaient même d'être trop prudents. Et la belle comtesse de Castiglione, qui avait oublié non les Bonaparte, mais l'Empire, était de ceux-là.

Nouvellement revenue d'Italie, sous les auspices de son vieil ami Thiers, elle ne respirait, elle ne formait de pensées que pour la gloire en expectative du duc d'Aumale. Chaleureusement, elle avivait en lui l'espoir d'une prompte restauration monarchique, aux trois couleurs.

Il faut conquérir la France, écrivait-elle à son prince, et nul plus que vous n'est en mesure de le faire.

Lorsqu'il eut abandonné au maréchal Mac-Mahon l'accomplissement d'un devoir douloureux mais nécessaire, qui consistait à vaincre des compatriotes, la déception avait, été grande, pour les entreprenants de son parti, pour notre héroïne entre autres et son répondant de Normandie.

Monseigneur, lui avait, alors, déclaré ce serviteur aux formes rudes, si vos aïeux eussent professé de mêmes sentiments — c'est-à-dire des sentiments aussi nobles qu'inutiles — nous en serions encore à auner du drap, rue Saint-Denis.

Et l'ex-favorite de Napoléon III, désolée de languir en vain après la reconstitution d'un état de cour, ajoutait cette réflexion aux tirades d'une longue et plaintive épître :

Courageux sur le champ de bataille et courageux dans la vie, pourquoi faut-il qu'un tel prince manque de décision dans le cabinet ?

Elle en voulait mille morts à ceux qui déchaînèrent dans le monde la rage jacobine et plaignait le sort des porte-couronnes modernes, qui ne peuvent être sûrs, nulle part, de la soumission de leurs sujets ; mais, comme elle restait persuadée, quand même, qu'il valait mieux commander qu'obéir, elle s'efforçait d'en imprimer l'idée active dans l'âme des prétendants.

Elle n'avait aucune relation établie du côté du château d'Eu, en la personne du comte de Paris ; mais elle écrivait d'une plume ardente à son ami le duc de Chartres ; elle faisait presser le duc d'Aumale, riche, libéral et sans enfants, de préparer les voies au reste de la famille.

Que tardez-vous à être vous-même et à poser des conditions ! questionnait l'impatiente Florentine.

Et puis ? Et puis ? ripostait le prince pour rafraîchir une ardeur qu'il jugeait prématurée. Vous savez que la politique ne m'a jamais beaucoup passionné. Ma seule et tenace aspiration était de contribuer à reconstituer les frontières de la France, à lui rendre ses enfants, à rétablir cette grande partie, cette partie essentielle, fondamentale, de l'œuvre de nos pères, que les aventuriers, grands et petits, les faux patriotes ont si cruellement entamée. Eh bien ! je ne vois pas que nous soyons sur la route encore. Pourtant, les choses arrivent souvent à l'heure où on les attend le moins ; il convient de s'y préparer.

Son principe était de ne rien précipiter avec éclat, avec violence, mais de se laisser porter par le courant. Quoi qu'on en pensât, autour de lui, ce courant il ne voulait ni le pousser ni le devancer.

En attendant, car le duc d'Aumale voulut toujours attendre, Thiers s'ancrait à la présidence et ne paraissait nullement disposé à léguer sa succession aux fils de son ancien maître.

Certes les membres de l'Assemblée nationale, des royalistes pour les trois quarts, s'étaient laissé prendre au trébuchet de la belle manière en permettant au malin vieillard d'exercer, à titre de simple expérience, les fonctions présidentielles. Grande avait été leur crédulité, en s'imaginant qu'il serait trop heureux de s'en dessaisir, l'heure venue, au profit d'un prétendant7 à sceptre ou à couronne, voire même d'un candidat princier à la représentation d'une république athénienne. L'étiquette temporaire, qu'ils avaient bénévolement acceptée pour un gouvernement de transition, ne farderait pas à devenir, sous leurs yeux, l'enseigne d'une réalité tenace.

Thiers — on ne le sait pas assez — avait toujours rêvé le pouvoir souverain. Et les monarchistes, qui résignèrent en lui leur suprême espérance, auraient bien dû se douter qu'il ne travaillerait jamais pour la reconstitution d'un trône, où il ne se serait pas assis lui-même.

Bien avant la Révolution de 1848, il découvrait déjà toute l'étendue de son ambition. C'était un soir de 1840. Il passait devant les Tuileries, où reposaient en paix Louis-Philippe et sa famille. A la clarté des étoiles, il avait considéré, d'une particulière attention, le palais des rois :

Eh ! Eh ! avait-il dit à son compagnon de voiture, peut-être coucherais-je là, un jour.

Trente ans après, un fervent soutien de la cause royaliste exposait devant la Chambre le vœu des princes, revendiquant l'honneur et le péril de combattre dans les rangs de l'armée française. A l'issue de la séance, Thiers l'avait rejoint dans la salle des Pas-Perdus, non pour l'en féliciter, mais pour lui admonester une sortie virulente : Tout cela, ce sont des folies. De quoi vous mêlez-vous ?

Orléaniste : le rival en permanence du doctrinaire Guizot avait pu l'être, il le fut complètement, quand Louis-Philippe régnait. Plus rien de cela ne subsistait ni dans ses opinions ni dans l'état des choses. Il l'avait fait savoir, en 1869, dans un bureau du Corps législatif, à ceux qui pensèrent s'y tromper.

Je ne sais ce que durera l'établissement actuel, mais le seul gouvernement qui puisse lui succéder, c'est la République.

Et comme les visages trahissaient une expression de surprise, il reprenait son texte en l'accentuant : Je dis la République.

L'empire disparu, l'évidence de cette succession n'en avait pris que plus de force dans le jugement de celui qui l'avait annoncée. C'était quelques heures avant le départ du gouvernement et des chambres se transportant de Bordeaux à Versailles. Le duc Albert de Broglie, député de l'Eure et le futur président du ministère de combat, se trouvait dans le wagon-salon où le chef du pouvoir exécutif avait pris place avec Jules Favre et Ernest Picard. Il devait y recevoir ses instructions pour la conférence de Londres, Thiers ayant disposé de lui dans le dessein de l'y envoyer. Durant le parcours, le Libérateur avait pris la parole sur les événements du jour et s'était emporté en des termes assez vifs contre les princes d'Orléans. Le duc avait voulu les défendre. Thiers insista en s'écriant :

Leur conduite est indigne, ils viennent chercher une couronne dans les malheurs de la patrie.

Ils se montraient fort sages, cependant. Quoique appelés à la députation de leur pays, les princes de Joinville et d'Aumale s'étaient résignés, le 6 septembre, à s'éloigner de Paris, puis à s'arrêter sur la route de Bordeaux, puis à se tenir bien calmes, à Biarritz, jusqu'à la régularisation de leur mandat. C'est alors qu'Estancelin — nous en trouvons le récit original dans une de ses lettres à la comtesse — avait eu avec l'illustre homme d'État ce colloque plein de saveur :

Je vais à Biarritz. Avez-vous quelque commission pour le duc d'Aumale et le prince de Joinville ?

Que diable sont-ils venus faire ici ! répliqua Thiers. Nous avions bien besoin d'eux !

C'est tout à fait mon avis. Leur place n'était pas dans cette Assemblée. Mais enfin, les voilà arrivés. Que voulez-vous qu'ils fassent ? Où voulez-vous qu'ils aillent ?

Le plus loin possible.

A Chantilly ?

Où ils voudront, mais le plus loin possible.

Et ces princes continuèrent d'expecter les effets de son bon vouloir. Deux années se passèrent. Dans l'intervalle, la famille d'Orléans, avec l'assistance quelque peu perfide de Thiers, avait opéré la reprise de ses quarante millions. Mais, bientôt après, quand fut survenu le coup de théâtre du 24 mai 1873, quels changements de perspective ! Que d'espérances levées sous leurs pas !

L'initiateur de la république en France venait de tomber sous l'effort de la coalition des droites. Pendant vingt-quatre heures, loin des hommes politiques, bien ignorée dans ses désirs, une belle Italienne put croire à la réalisation d'un magnifique rêve de gloire et d'amitié. Centristes et droitiers étaient allés au-devant du duc d'Aumale, qui n'aurait pas eu, le premier, l'idée de s'imposer à leurs vœux. Ils lui avaient offert la présidence de la République. Les majoritaires se croyaient assez unis, en dépit de leurs divisions de programmes, pour se rallier temporairement autour de son nom. Il se déclara prêt ; il obéirait au désir des élus de la nation. Les lendemains semblaient acquis. Il se coucha président de la République, mais ne se réveilla pas tel. Dans la nuit, les bonapartistes, qui devaient faire partie du ministère, s'étaient ravisés. Certaine parole du duc d'Aumale, prononcée la veille : Je veux bien être une transaction, une transition jamais, leur avait donné à réfléchir. Il aurait tenu sa parole : on l'en savait capable. Les impérialistes reprirent la leur ; ils n'avaient pu se résoudre à livrer à un prince d'Orléans une présidence, dont les suites et le terme échappaient à leurs prévisions. Les monarchistes durent se résigner. Entre la république radicale et la république princière la France avait choisi la présidence militaire du duc de Magenta. Et le prince Henri d'Orléans, qui, par mesure de précaution ou de commodité, avait fait établir un couloir secret entre son hôtel du faubourg Saint-Honoré et le palais de l'Elysée, eut le regret de ne pouvoir pas s'en servir.

§

Jamais Mme de Castiglione n'avait eu l'esprit tellement agité de désirs en marche, d'espérances entretenues dans la fièvre, de combinaisons renversées aussitôt que formées et désespérément reprises, que pendant cette période d'aventure où se joua la dernière chance du parti monarchique. De tout ce qui se faisait, se disait ou s'écrivait, son impatience de savoir était instruite au jour le jour. Elle se sentait revivre par les mouvements de la pensée et par des apparences d'action. Tout son rôle était d'aiguillonner la torpeur princière, de l'encourager à sortir de son assoupissement, de susciter l'élan, l'effort.

Faites donc vouloir, écrivait-elle, à vos amis les princes, ce qu'ils ne peuvent vouloir. Mais, nous ne l'obtiendrons, je le crains, ni vous ni moi. Les exhortations, les conseils, on ne les écoute plus. L'attachement est dangereux et le dévouement inutile.

Il était si malaisé de les pousser hors des voies parfaitement planes et rectilignes ! Le duc d'Aumale, avec son honnêteté libérale et sa vaillance de cœur s'immobilisait, l'arme au pied, dans une tenue de fière attente et d'abstention ferme, — des principes lents à l'aide desquels on ne va pas loin, sur les chemins de l'ambition ! Mais il avait cessé d'être ambitieux[5]. Le duc de Nemours, le seul vrai politique de la famille, gardait les scrupules et les hésitations de son âme timorée. Le duc de Chartres aurait eu l'énergie, qui manquait à Nemours, s'il ne fût pas resté soumis, en toutes rencontres, à la discipline des aînés. Enfin le comte de Paris, loyal et noble caractère, mais esprit faux, s'il en fut, ne procédait que par raisonnements et déconcertait l'élan de ses troupes.

Estancelin, entre autres champions des procédés rapides, venait de raconter épistolairement à la comtesse un dialogue assez vif qu'il avait eu, naguère, avec son Roi et qui en disait long sur ce qu'on pouvait attendre de Lui, qui ne fût strictement légal et constitutionnel au premier chef.

Le comte de Paris et M. de Limbourg, préfet de la Seine-Inférieure, dînaient au château de Baromesnil. La conversation s'était échauffée promptement, autour des questions irritantes de la politique du jour. L'indiscipliné serviteur qu'était notre Estancelin[6] s'était écrié, tandis qu'on servait les vins capiteux du dessert : Monseigneur, vous n'êtes entouré que de niais — fussent-ils de l'Académie française —, qui vous perdront[7].

Il ne l'ignorait point. Chacun était dans l'attente d'un coup de surprise. Que ne poussait-il ses amis tenant, alors, les clefs du gouvernement, à user, dans la manière forte, de toutes les ressources que la législation mettait aux mains du pouvoir existant !

Monseigneur, assurait-il, le succès est certain, si le personnel est énergique. Je ne le connais pas ; mais, moi je me chargerais d'amener la victoire en employant les moyens nécessaires.

Un coup d'État, avec des moyens bonapartistes. Vous réussiriez, je n'en doute pas ; mais, ce sont des moyens bonapartistes et j'y suis absolument opposé. S'il le faut, je prendrai mon fusil pour défendre la constitution et la liberté de mon pays.

On ne pouvait mieux parler ; mais, quand on voulait s'appeler Philippe VII, plus impolitiquement raisonner.

Quoiqu'il en fût, la partie deux fois perdue avait été reprise, une dernière fois, lorsque le 16 mai 1876, le maréchal de Mac-Mahon, en son for intérieur convaincu que l'Assemblée nationale l'avait choisi tout exprès pour empêcher l'avènement des idées avancées, rompit avec la majorité des gauches par un geste autoritaire.

L'idée d'un coup d'État, disions-nous, était dans l'esprit de tout le monde. On y croyait si bien, à la Bourse, par exemple, que, pendant un moment, les coulissiers recevaient des ordres considérables d'achats de rente, de la part de républicains attiédis, qui spéculaient à la hausse sur les chances de la restauration monarchique.

On s'était forgé, dans le camp royaliste, de magnifiques imaginations sur le compte de M. de Fourtou, ministre de l'Intérieur. A ceux qui avaient intérêt à l'envisager tel, il était apparu comme un autre Morny, capable d'expédier, en un tour de main, un nouveau Deux Décembre. Après vingt ans, on s'en souvenait comme de la veille. Morny avait conduit l'affaire si proprement et si lestement ! Toutes les forces du parti républicain enlacées, paralysées en un instant, cent arrestations menées avec un tel ensemble qu'aucune n'avait demandé plus de vingt minutes de temps[8] : quel modèle d'exécution à suivre ! Il y avait bien eu quelques éclaboussures de sang contre les maisons du boulevard : des promeneurs, des femmes, des enfants avaient payé de leur vie l'aventure de s'être trouvés là mal à propos. Mais le succès amnistie les erreurs du hasard.

Dans le parti libéral abondaient les consciences faciles aux promptes métamorphoses, pourvu qu'on les assurât de ne pas les oublier, le lendemain, au partage. La contre-révolution éclaterait brusquement. Elle viendrait, se disait-on, du ministère de l'Intérieur. Les habiles pensaient à se garer. Des indices de ces dispositions accommodantes commençaient à prendre forme ; on les verrait promptement grandir, pour peu qu'on les y encourageât.

Quel plus évident symptôme de cette évolution secrète et déjà complaisante, quelle preuve plus significative des variations prêtes à s'accomplir trouverait-on dans l'histoire, si riche en exemples de la sorte, que ce trait de mœurs cueilli sur le vif par le comte de Falloux ! Il en avait conté le détail à Estancelin, qui s'était empressé de le répéter à sa fidèle correspondante, la comtesse de Castiglione.

La chose s'était produite devant ses yeux de catholique pratiquant. C'était l'habitude régulière de M. de Falloux de se rendre aux offices dominicaux de sa paroisse. Jamais un républicain connu pour tel n'y eût mis les pieds, avant la dissolution de la Chambre. Soudain effet d'une grâce providentielle ! Le dimanche qui suivit l'acte du maréchal, les convertis étaient légion : on les voyait tous, pieusement inclinés, à la messe ; et, au sortir de l'église, ces libéraux s'étaient rangés sur le passage de l'ancien ministre constitutionnel, polis, empressés, quêtant son regard et son salut. Ils étaient accourus, disons-nous, à l'office du matin ; la grâce avait si bien opéré qu'ils revinrent, l'après-midi, chanter vêpres. Mais, huit jours après, il n'y avait plus personne. Le ministère du Seize-Mai était jugé ! Il ne gagnerait pas la partie. On n'avait plus peur !...

On n'osa pas aller plus loin, parce qu'il eût été trop périlleux ou trop indigne d'oser. Et l'histoire contemporaine reprit sa marche, sans entendre les soupirs de Mme de Castiglione se lamentant sur la faiblesse des princes.

 

 

 



[1] On voyait, alors, des espions partout.

[2] La cassette fut transportée dans une lointaine campagne d'Italie, au fond de la Calabre, de dramatique mémoire. On n'avait pas échangé de papier couvert du timbre des gens de loi ni d'aucune estampille administrative. Nulle formalité financière ni bureaucratique n'avait été passée avec l'homme simple et droit qu'on avait chargé de veiller sur le trésor. Mais une carte avait été coupée en deux, dont une moitié lui avait été laissée et dont l'autre devait se raccorder avec celle-là, sur la présentation qui lui en serait laite par un inconnu. Et les choses s'exécutèrent ainsi. Elle en avait remis les soins à un homme de confiance, un avocat. Il avait fait le voyage. Lorsqu'il s'était vu au terme de sa course accidentée, on lui avait indiqué non sans peine, la demeure de celui qu'il cherchait. Il était arrivé dans une masure étrange d'aspect, chez des gens encore plus singuliers. Avec quelle attention on l'écouta ! De quels yeux scrutateurs on fouilla son visage ! Il avait présenté la parcelle complémentaire. On rassembla les deux cartons. Ils s'adaptaient exactement. On se décida à lui livrer les diamants et les perles d'un grand prix, obscurément cachés dans la muraille. Cf. Frédéric Loliée, les Femmes du Second Empire, p. 52, 53.

[3] En voici le texte original par nous retrouvé dans les archives du château de Baromesnil :

Versailles, 21 décembre 1872.

Ma chère comtesse,

J'ai entretenu M. le Préfet de police de vos craintes ; déjà il était fort occupé de vous. Il ne croit pas au danger qui vous menace ; mais, il n'en sera pas moins attentif à tout ce qui vous concerne ; comptez sur mon aide et mon ancienne amitié. Soyez assurée que vous serez protégée en France aussi bien que dans votre patrie ; je me rappelle ce que vous faisiez à Florence, dans l'intérêt de notre pauvre France, alors si malheureuse.

Croyez à mes anciens sentiments,

THIERS.

[4] On sait comment il fut écarté, après sa lettre du 27 octobre 1874.

[5] Quelques années plus tard, après expérience des événements, le duc d'Aumale jetait ces réflexions où subsiste une ombre de mélancolie :

Oui, je le crois, sans fausse modestie, j'aurais pu rendre plus de services. J'ai toujours été prêt, je ne me suis jamais imposé, et n'ai jamais pris la place de personne ; je me suis toujours senti plus de soif pour la gloire des armes que d'ambition politique ; mais je n'aurais pas reculé et tant que mes forces le permettront je ne reculerai jamais devant l'accomplissement de mon devoir ! (Lettre inédite, 1er janvier 1889.)

[6] Je n'aime pas les indisciplinés, lui détachait, un jour, le comte de Paris. — Monseigneur, avait-il hardiment répondu, il y a des gens qui sont nés pour commander, mais faits pour obéir, et d'autres nés pour obéir, mais faits pour commander. Moi, je n'ai jamais obéi de ma vie.

[7] Lettre XCIX.

[8] Celle de Thiers seule avait un peu traîné.