LES CRIMES ET LES PEINES

 

CHAPITRE V. — ROME SOUS LA RÉPUBLIQUE ET L'EMPIRE.

 

 

§ 1. — L'ORGANISATION JUDICIAIRE.

Questeurs du parricide, c'est-à-dire du meurtre. — Questions perpétuelles. — Permanence de l'institution. — Renouvellement annuel des tribunaux. — Juges-jurés. — Triumvirs capitaux. — Bourreau des citoyens. — Bourreau des esclaves. — Pourquoi il fut interdit au bourreau de Paris de résider dans cette ville.

 

Tant que dura la république, la connaissance des causés capitales fut toujours censée réservée au peuple, ou, pour être plus précis, aux cent-quatre-vingt-treize centuries dans lesquelles tout le peuple était réparti et dont chacune avait une voix[1].

Nous avons déjà parlé des questeurs du parricide. C'étaient, comme on l'a vu, des magistrats à qui le peuple déléguait ses pouvoirs pour le jugement d'un meurtre : le plus souvent le peuple désignait les consuls ou les chargeait de faire pour lui cette délégation. Mais ces missions, ou, pour parler le langage consacré, ces quæstiones, étant toutes spéciales, ne s'appliquaient qu'à un crime seulement ou à une série déterminée de crimes ; les pouvoirs confiés aux questeurs expiraient aussitôt le jugement prononcé.

La complication et la multiplicité toujours croissante des causes criminelles, les obscurités de la jurisprudence, ces broussailles dont se hérisse d'ordinaire une législation qui vieillit, les longues formalités qu'entraînait la convocation des comices, toutes ces entraves conduisirent à substituer des magistrats permanents à ces mandataires spéciaux et transitoires.

On divisa successivement presque toutes les matières criminelles en diverses parties qu'on appela des questions perpétuelles. Au lieu de ce système flottant et arbitraire qui consistait à donner une mission pour chaque cause ou pour certains délits commis en un certain lieu, une loi, spéciale pour chaque crime, organisa une délégation perpétuelle ; elle définit le délit, en précisa la peine et organisa un tribunal chargé d'en connaître. Ces tribunaux furent, comme les lois mêmes qui statuaient sur chaque matière criminelle, appelés des questions perpétuelles. Le peuple

se réserva que le jugement des crimes de haute trahison (perduellio) et la révision des sentences dont les condamnés appelleraient devant lui.

Bien que permanents, les tribunaux dont nous venons de parler n'en étaient pas moins, quant à leur personnel, renouvelés tous les ans. L'institution seule était perpétuelle. Le président était un préteur. Jusqu'au temps des Gracques les juges furent pris. dans l'ordre des sénateurs ; Tiberius Gracchus fit ordonner qu'on les prendrait dans celui des chevaliers. Montesquieu a développé l'immense portée de ce changement, coup mortel porté à l'autorité du sénat[2]. Au fond, ces juges n'étaient que des jurés nommés pour chaque cause et qui devaient même être agréés des parties. Le président seul était investi pour un an de la puissance judiciaire.

La première question perpétuelle fut établie en l'an de Rome 605 par la loi Calpurnia sur les concussions ; c'est-à-dire qu'à partir de cette année, il y eut, pour la concussion, une loi, une pénalité, une procédure déterminées, en même temps qu'un tribunal spécial. Nous. parlerons tout à l'heure des questions établies pour des crimes emportant la peine capitale.

Nul ne pouvait être traduit devant ces tribunaux permanents si ce n'est en vertu d'une loi, d'un plébiscite ou d'un sénatus-consulte approuvé par les tribuns, importante garantie accordée à la classe plébéienne. Ces actes permettaient et réglaient la mise en accusation. Tout citoyen avait droit de se porter accusateur et, chose étrange ! c'était presque toujours à l'accusateur qu'appartenait la désignation des jurés, mais l'accusé devait en récuser la moitié. La société semblait n'avoir aucun intérêt à la répression ; un crime privé qu'aucun citoyen ne poursuivait restait impuni. C'est encore ainsi, à quelques exceptions près, que les choses se passent en Angleterre. L'accusateur devenait partie dans la cause et, comme tel, obligé d'indiquer la loi en vertu de laquelle il poursuivait et de faire la preuve. Le jury se bornait à prononcer selon la loi invoquée, sans pouvoir ni tempérer le châtiment édicté par cette loi, ni en appliquer une autre[3].

Dès que les voix avaient été recueillies, dès que la majorité avait fait entendre la formule consacrée : condemno, l'accusé était remis par le préteur aux triumvirs capitaux. On appelait ainsi des magistrats chargés de la garde de la prison et de l'exécution des sentences capitales. C'étaient des jeunes gens pris dans l'ordre des chevaliers : ils faisaient partie d'un collège appelé le vigintivirat, premier échelon par lequel devaient d'abord passer ceux qui se destinaient aux magistratures. Les triumvirs se bornaient à la surveillance de l'exécution : ils en remettaient le soin matériel à un bourreau qui se faisait aider par leurs licteurs.

C'était le bourreau qui précipitait les condamnés du haut de la roche Tarpéienne, et qui jetait ensuite leurs corps dans le champ Sestertium où ils devenaient la pâture des bâtes sauvages. C'était lui qui, dans les ténèbres du Tullianum, passait le lacet au cou du condamné et qui lançait ensuite son cadavre dans le Tibre après l'avoir exposé quelque temps sur les degrés gémonies.

Au temps d'Horace le bourreau de Rome était un certain Cadmus qui, s'il faut en croire le scoliaste Acron, s'était fait une grande réputation de férocité[4].

Il y avait un bourreau spécial pour les esclaves. C'est lui sans doute, et non le bourreau des citoyens, que Cicéron désigne dans son discours pour Rabirius :

Gracchus serait mort mille fois, plutôt que de souffrir que le bourreau mit le pied sur cette place, cet âtre infâme à qui les lois des censeurs ont interdit non-seulement l'entrée du forum, mais ce jour qui nous éclaire, cet air que nous respirons et le séjour de Rome ![5]

Puisque les citoyens étaient le plus souvent mis à mort dans le Tullianum, cachot de la prison Mamertine, située à l'angle de la voie du forum de Mars, il fallait bien que le bourreau pénétrât dans la ville et même dans le forum pour remplir son office. C'est ce qui nous porte à penser qu'il y avait un bourreau spécial pour les hommes libres et un autre pour les esclaves, et que l'objurgation de Cicéron n'a trait qu'à ce dernier. Rabirius, dont l'orateur romain plaidait l'appel devant le peuple, avait été, quoique citoyen, condamné au supplice des esclaves, ce qui corrobore notre sentiment.

Veut-on, par un petit fait, constater la longue influence de la législation romaine ? Cette loi qu'invoquait Cicéron et qui défendait au bourreau le séjour de Rome, fut suivie en France jusqu'à la Révolution. C'est par application de ses principes que le séjour de Paris, comme nous le verrons plus tard, était interdit à l'exécuteur des hautes o3uvres, qui ne pouvait avoir logement dans cette ville, à moins que ce ne fat dans la maison du pilori.

 

§ 2. — RÉGIME PÉNAL DES CITOYENS.

Inviolabilité du citoyen romain. — Loi Porcia.— Esclaves de la peine. Énumération des peines capitales. — Les mines ; la pyrrhique. — Interdiction de l'eau et du feu. — Dépollution. — Travaux forcés à perpétuité. — Modifications apportées aux pénalités de la république. — Supplice de la strangulation. — qui appliqué. — Exemples divers. — Loi de Sylla contre les homicides, les incendiaires, les sorciers. — Criminels de lèse-majesté ; de sacrilège. — Leurs supplices. — Dépravation des mœurs. — Impuissance des peines. — Fréquence des divorces. — Dépopulation. — Loi Julia contre l'adultère. — Droits du père et du mari.

 

I

Ce n'était pas un droit de peu d'importance que le droit de citoyen romain. Riche ou pauvre, patricien ou plébéien, qu'il disposât comme Sylla ou comme Lucullus, d'une fortune de plus de cent vingt millions, ou qu'il n'eût d'autre ressource que de vendre son vote ou son témoignage, un Romain, par cela seul qu'il était citoyen, semblait un personnage considérable, presque un roi aux yeux des étrangers. On n'était rien dans le monde si l'on n'était citoyen romain ; avec ce titre on était tout[6]. Dépositaire d'une partie de la puissance publique, tout citoyen était membre du souverain et, comme tel, inviolable. Sa personne, comme celle des rois, était sacrée. Nous tenons de nos ancêtres, disait Cicéron, qu'un citoyen romain ne peut perdre ni la liberté ni les droits de citoyen qu'en les aliénant lui-même[7]. L'an de Rome 654, une loi de M. Porcius Caton consacra cette inviolabilité en défendant aux magistrats de faire frapper ou mourir un citoyen romain ou de le réduire en servitude. Le peuple seul, assemblé en centuries, pouvait juger un des siens et lui appliquer les peines capitales.

Qui ne connaît ce beau mouvement oratoire de Cicéron reprochant à Verrès le supplice d'un citoyen romain ?

Enchaîner un citoyen romain est un crime, le battre de verges un forfait, lui donner la mort presque un parricide, mais l'attacher à une croix ! Il n'existe point de mot pour caractériser un fait aussi exécrable[8].

Mais, sous peine d'anarchie dans l'État, il faut, de toute nécessité, que la poursuite des crimes entraîne la privation de la liberté, leur punition des supplices. Le citoyen romain étant inviolable, on avait dû sauvegarder par une fiction les intérêts de la société ; c'est pourquoi l'on considérait qu'à partir de l'accusation portée contre lui, le coupable était devenu esclave de la peine. Ce n'était plus un citoyen, c'était un esclave qu'on privait de la liberté ou de la vie.

On entendait par peines capitales celles qui ôtaient la vie naturelle ou civile, qui emportaient ce qu'on appelait le grand changement d'état.

Ces peines étaient :

Le dernier supplice : nous dirons plus loin quels changements la législation de la république et celle des empereurs apporta sur ce point aux usages consacrés par les Douze Tables ;

La condamnation à perpétuité aux mines ou aux travaux des mines : ces deux châtiments ne différaient entre eux que par le poids des chaînes dont étaient chargés ceux qui les subissaient ;

La condamnation à la pyrrhique ou aux travaux de la chasse.

La pyrrhique était une sorte de spectacle que donnaient ceux qu'On condamnait à combattre contre des bêtes ou à leur faire la chasse dans un cirque. Elle différait de la condamnation aux bêtes, qui était une des formes du dernier supplice. Ceux qu'on livrait aux bêtes étaient dits condamnés ad gladium ; ils devaient mourir dans l'année de leur jugement. Les condamnés à la pyrrhique au contraire, qu'on appelait aussi condamnés ad ludum gladiatorium, étaient simplement astreints au métier de gladiateur. Après cinq ans, ils pouvaient obtenir leur grâce et même on leur permettait, au bout de trois années, de ne plus combattre avec le fer, mais seulement avec le bâton appelé rudis, qui les exemptait des combats périlleux[9].

Toutes ces peines entraînaient la perte de la liberté et du droit de citoyen. Ceux qu'on y avait condamnés devenaient jusqu'au jour de leur exécution ou de leur mort naturelle, esclaves de la peine, c'est-à-dire qu'ils étaient censés n'avoir point d'autres maîtres que la peine à laquelle ils avaient été adjugés[10].

Trois autres châtiments privaient seulement du droit de cité : l'interdiction de l'eau et du feu, qui forçait un citoyen de s'expatrier et qui lui interdisait tout l'empire ; la déportation dans un lieu déterminé, peine beaucoup moins ancienne que la précédente et qui fut introduite par Auguste sur le conseil de Livie, enfin la condamnation à un travail perpétuel, assimilée à la déportation dans ses conséquences pénales[11].

II

Dans les derniers temps de la république, plusieurs lois importantes modifièrent la pénalité des Douze Tables. Des questions perpétuelles furent établies pour divers crimes, tels que ceux d'homicide, de parricide[12], de lèse-majesté, de sacrilège, d'adultère.

Avant d'exposer sommairement cette pénalité nouvelle et les changements qu'elle subit elle-même jusqu'à Justinien, nous voulons dire un mot du supplice de la strangulation si usité à Rome vers la fin de la république. Originaire de l'Orient, il parait s'être naturalisé chez les Romains au temps de la première guerre punique, bien avant rétablissement des questions perpétuelles les plus anciennes.

Cette peine était surtout appliquée aux criminels de marque. Le préteur Lentulus et huit autres complices de Catilina furent étranglés dans le Tullia.num, ou, pour employer l'expression romaine, inanimés[13].

Valère Maxime cite de ce supplice un exemple qui s'applique à l'an de Rome 599, et qui montre bien quelle était encore à cette époque l'autorité du chef de famille. Deux matrones, Publicia et Licinia, ayant empoisonné leurs maris, furent étranglées par ordre de leurs parents[14]. Ces sévères gardiens du vieux droit patriarcal ne crurent pas devoir attendre, pour un crime si manifeste, les longueurs de la procédure publique.

C'est là un acte de justice privée. Voici un autre fait emprunté au même auteur : il prouve que le supplice de la strangulation était aussi ordonné par les préteurs et même à l'égard des femmes.

Une Romaine, de condition libre, convaincue de crime capital au tribunal du préteur, fut envoyée par celui-ci au triumvir pour être mise à mort dans la prison. Ému de compassion, le geôlier (sans doute le triumvir) ne la fit point étrangler sur le champ, mais se résolut à la laisser mourir de faim. Il permit même l'entrée de la prison à la fille de cette malheureuse. Plusieurs jours s'écoulèrent. Au grand étonnement du triumvir, rien dans l'état de la condamnée n'annonçait qu'elle fût en proie aux tortures de la faim. Il épia la fille et la trouva nourrissant sa mère de son lait. Le fait s'ébruita, le préteur fut touché : on fit grâce à la mère en considération de la piété de celle à qui elle avait donné le jour[15].

Passons maintenant aux principales lois ou questions perpétuelles qui établirent des supplices spéciaux pour certains crimes.

Sylla qui confondit la tyrannie, l'anarchie et la liberté, fit les lois Cornéliennes. Il sembla ne faire des règlements que pour établir des crimes. Ainsi qualifiant une infinité d'actions du nom de meurtre, il trouva partout des meurtriers ; et, par une pratique qui ne fut que trop suivie, il tendit des pièges, sema des épines, ouvrit des abîmes sur le chemin de tous les citoyens[16].

Les peines portées par Sylla étaient cependant assez douces. Elles consistaient dans la confiscation de tous les biens et l'interdiction de l'eau et du feu. Mais, plus tard, quand le nom de citoyen romain eut perdu tous tes droits, les lois Cornéliennes furent rendues plus sévères et étendues à un grand nombre de crimes. Les gens du peuple convaincus d'homicide ou d'empoisonnement furent livrés aux bêtes[17] ; les gens élevés en dignité étaient simplement déportés.

Les peines avaient, en effet, été divisées en trois classes, selon le rang des coupables : celles qui regardaient les premières personnes de Mat étaient assez douces ; celles qu'on infligeait aux personnes d'un rang inférieur étaient plus sévères. Les plus rigoureuses étaient réservées aux gens de basse condition.

Avec le temps, la loi Cornélia s'étendit aux incendiaires, aux devins, aux magiciens, aux auteurs de maléfices, aux mathématiciens. On donnait ce dernier nom aux imposteurs qui prétendaient lire la destinée des hommes dans les astres.

Les Romains du temps de César qui s'affranchissaient si volontiers de la crainte des dieux étaient les plus crédules des hommes. Des personnages éminents avaient foi aux songes et à l'astrologie. Mais l'esprit de la république réagit toujours contre ces superstitions ; Cicéron écrivit un livre pour les réfuter (De divinatione). L'an 613, le sénat bannit de Rome les astrologues[18]. Les empereurs rendirent de nombreuses ordonnances contre les sorciers. Constantin ordonna de brûler les aruspices et de déporter...ceux qui les auraient consultés. Constance et Julien, pénétrant dans le domaine inviolable de la conscience, étendirent la peine de la déportation aux gens convaincus de croire à l'astrologie[19]. Les idées chrétiennes s'introduisirent ainsi dans la jurisprudence pénale, par les efforts mêmes de leurs adversaires. Ce supplice du feu, dont la loi Cornélia frappait la magie et l'astrologie, resta pendant tout le moyen âge et presque jusqu'à la Révolution française le supplice des sorciers et des astrologues ; tant les lois pénales sont lentes à se omettre au pas des mœurs, tant il faut de siècles pour modifier un supplice !

Les crimes de lèse-majesté, de sacrilège, d'adultère, furent définis et punis par diverses lois qui paraissent avoir été établies sous Auguste et qui toutes portent lé nom de Julia.

La rébellion contre la majesté du peuple romain, le trouble apporté à sa puissance, avaient été punis de mort par la loi des Douze Tables. Le coupable devait être frappé de verges, sa tête coupée et exposée à une potence. César, qui parait avoir fait aussi une loi appelée Julia, réduisit la peine de ce crime à l'interdiction de l'eau et du feu. La loi d'Auguste rétablit la peine de mort.

Le crime de lèse-majesté est assimilé au sacrilège, dit le Digeste.

La majesté réside proprement dans le peuple romain. On est censé y porter atteinte en dérogeant à sa dignité, à sa grandeur, à sa puissance ou à celle qu'il communique.

Cela se fait de deux manières, d'où naissent deux espèces de crimes de lèse-majesté.

La première qu'on appelle Perduellio, a lieu lorsque quelqu'un montre des dispositions hostiles contre le peuple romain ou le prince à qui le peuple romain a transmis sa puissance ; c'est-à-dire lorsqu'il se retire chez les ennemis, ou entreprend de renverser l'État en tout ou partie, trouble la sécurité publique par des séditions, ou attente soit à la vie, soit à l'autorité du prince.

L'autre espèce, qui s'appelle aime de lèse-majesté, a lieu lorsque quelqu'un, sans ces intentions hostiles, trouble cependant là puissance publique par quelque action audacieuse, ou altère d'une manière grave le respect dû au prince ou à ses magistrats[20].

C'est en vertu de la dernière partie de cette définition, vieille alors de tant de siècles, que Cinq-Mars et de Thou furent accusés du crime de lèse-majesté, pour avoir voulu chasser Richelieu des affaires, le crime qui touche la personne des ministres des princes étant réputé, par les constitutions des empereurs, de pareil poids que celui qui touche leur personne. — Quand la servitude elle-même viendrait sur la terre, écrit à ce sujet Montesquieu, elle ne parlerait pas autrement.

Le criminel de lèse-majesté avait la tête tranchée, s'il était de condition distinguée ; on le brûlait vif s'il était du peuple[21]. Nous verrons plus tard la jurisprudence des peuples modernes emprunter aux lois romaines ce principe inique de l'inégalité de la peine, selon le rang des coupables.

Ce supplice du feu, appliqué aux crimes de lèse-majesté, remontait aux premiers temps de la République. Valère Maxime raconte qu'en l'an de Rome 268, P. Mucius, tribun du peuple, fit brûler vifs tous ses collègues qui s'opposaient traîtreusement à l'élection de nouveaux magistrats et mettaient ainsi en péril la liberté publique[22].

Constantin ordonna de brûler celui qui avait facilité à une troupe de barbares les moyens de piller les Romains, ou avait pris part au pillage. Une loi de Valentinien, Théodose et Arcadius assimila aux criminels de lèse-majesté les faux monnayeurs[23].

Au temps de Septime Sévère, le juge avait le choix de livrer aux bêtes les coupables du crime de lèse-majesté, de les faire brûler vifs ou mettre en croix. Depuis longtemps déjà la loi Porcia ne protégeait plus les citoyens, le droit de cité était un vain mot, et les supplices des esclaves étaient souvent infligés aux hommes libres. Les militaires transfuges, bien qu'en général l'armée fût exempte de ces peines atroces, étaient condamnés aux bêtes ou à la potence.

La poursuite du crime de lèse-majesté n'était point éteinte par la mort naturelle du coupable survenue avant le jugement. Son procès était continué, sa mémoire condamnée, ses biens confisqués, son cadavre traîné au supplice. Ses enfants se voyaient déshérités de sa succession, heureux quand ils n'étaient pas mis à mort, comme cela eut lieu plus d'une fois sous l'Empire. C'est le père criminel, s'écrie Cicéron, qui doit paraître cruel envers ses enfants, et non celui qui le juge ennemi de sa patrie[24].

On ignore quelle peine la loi Julia sur le sacrilège avait infligée à ce crime. D'après l'orateur que nous venons de citer, celui qui a ravi une chose sacrée doit être traité comme un parricide[25]. Sous les empereurs, la mort fut la peine ordinaire du sacrilège ; mais elle fut infligée de diverses manières, par le feu, la potence, la livraison aux bêtes, sans que la jurisprudence impériale paraisse s'être fixée sur ce point. Théodose assimila l'hérésie au sacrilège et fournit ainsi, comme nous le verrons en traitant de l'inquisition, une arme terrible aux persécutions religieuses.

De toutes les lois Julia, celle qui concerne l'adultère est la plus importante, moins par le résultat qu'elle obtint que par le but qu'elle se proposait. Elle est en même temps la plus féconde en révélations historiques touchant les mœurs romaines, et c'est pourquoi nous en traiterons ici avec quelques développements.

III

Pour comprendre l'intérêt qui s'attache à cette loi, il faut se représenter ce qu'était, au moment où Auguste se décida à la rendre, la dépravation de la société et le débordement des mœurs. On a beaucoup écrit sur ce sujet, mais il est immense et il offre toujours quelque côté nouveau par lequel on peut l'aborder. Nous n'en voulons dire que le peu qui est nécessaire pour faire comprendre l'utilité et l'impuissance des peines par lesquelles les législateurs essayèrent d'arrêter le torrent de la licence romaine.

Les richesses énormes accumulées dans un petit nombre de mains, la satiété qui naît de l'abus des jouissances, le pouvoir absolu des maîtres sur les esclaves, une religion-dépourvue de frein et à laquelle on ne croyait plus, toutes ces causes avaient développé une corruption qui n'eut jamais d'égale. Comme les Grecs des temps héroïques, les Romains ignoraient les délicatesses de l'amour : ce mot, dans leur langue, ne signifie que libertinage. Les femmes s'autorisaient de l'exemple de leurs maris ; elles encourageaient des dérèglements qui servaient d'excuses à leurs propres déportements. Une classe tout entière, celle des femmes affranchies, était livrée en proie à la débauche des hommes. Ces libertæ ont donné leur nom au libertinage. Elles étaient formées à l'art difficile des courtisanes par des compagnies d'industriels qui spéculaient sur leurs charmes et tiraient d'elles d'énormes bénéfices. Les matrones vivaient en bonne intelligence avec ces femmes, corruptrices de leurs maris et de leurs fils ; elles les attiraient et les protégeaient. Loin d'en prendre ombrage, elles n'avaient souci que de les imiter et d'emprunter une partie de leur science. Ces malheureuses n'étaient pas pour elles des rivales, mais des modèles[26].

La chasteté était le privilège des laides, une suspicion de difformité. Les hommes s'adressant de préférence aux femmes mariées, une femme riche et de race ne se mariait guère que pour encourager les amants, ut adulterium irritet, dit énergiquement Sénèque[27]. Le mariage était comme l'enseigne de l'adultère. Où trouverez-vous, s'écrie le philosophe que nous venons de citer, une femme assez humble, assez pauvre d'esprit et d'état pour se contenter d'une couple d'amants ? Ne faut-il pas qu'une femme compte les heures de la journée par le nombre de ses adultères, qu'un jour entier ne lui suffise pas pour visiter tous ses favoris ; qu'on la porte chez l'un, qu'on la ramène chez l'autre ? Ce qu'on appelle aujourd'hui mariage, c'est de n'avoir qu'un seul amant : grossière et bien arriérée est la femme qui l'ignore[28]. Certains maris spéculaient sur la facilité de leurs femmes et se faisaient payer une honteuse tolérance[29]. Maris et femmes, rassasiés de voluptés naturelles, demandaient à des unions incestueuses ou à des amours plus infâmes encore le réveil de leurs sens blasés. Les auteurs latins sont pleins de révélations sur ces monstruosités : il y a tels vers dans les satires de Juvénal que le vice en personne ne saurait lire sans horreur.

Le divorce, dans un tel état de mœurs, était chose commune et normale. Les registres publics étaient pleins des actes qui le constataient[30]. Les hommes répudiaient leurs femmes, non qu'ils rougissent de l'infamie de leurs compagnes, mais afin d'en épouser d'autres et de toucher de nouvelles dots. Quant aux femmes, Sénèque atteste qu'elles ne se mariaient que pour divorcer. Beaucoup comptaient leurs années, non par les consuls, mais par le nombre de leurs maris[31]. On en vint peu à peu à considérer le mariage comme un état contre nature, et il fallut faire des lois moins pour corriger les mœurs que pour arrêter la dépopulation.

Auguste résista longtemps au désir des sénateurs qui lui demandaient de décréter des peines destinées à refréner l'impudicité[32]. Peut-être sentait-il que les lois sont impuissantes contre de tels débordements ; peut-être aussi était-il trop corrompu lui-même. pour être vivement touché de cette corruption. Il est certain que la loi qu'il se décida enfin à publier contre l'adultère et l'inceste ne portait que des peines assez douces ; il l'appliqua de suite à sa fille et à sa petite-fille, et l'on doute s'il eut pour but principal, en la publiant, de satisfaire la moralité publique ou de venger un attachement personnel, passion incestueuse et dédaignée[33].

La loi Julia punissait les adultères de la perte d'une partie de leurs biens.et de l'exil. Auguste condamna à mort les amants de sa fille et de sa petite-fille, mais ce fut plutôt comme criminels de lèse-majesté que comme adultères[34]. Il était permis au père de tuer sa fille et le complice de sa fille surpris en adultère dans sa maison ou celle de son gendre ; mais il fallait qu'il les tuât de sa propre main[35].

Contrairement aux principes admis depuis par la jurisprudence française, le mari, en pareil cas, avait des droits moindres que le père. Il ne lui était pas permis de tuer sa femme. La loi avait voulu, suivant les expressions mêmes du Digeste, refréner la colère irréfléchie et le premier mouvement d'indignation des maris[36] ; il semble qu'elle ait craint l'extermination générale des femmes mariées.

Quant au complice surpris en flagrant délit, le mari pouvait le tuer, mais il fallait pour cela que ce complice fût esclave ou déjà noté d'infamie, ou enfin qu'il fit commerce de son corps, comme chanteur, danseur ou gladiateur : L'adultère était-il de condition libre ? tout ce que pouvait le mari, c'était de le retenir vingt heures durant pour constater le délit et de le traduire ensuite en justice.

Un des premiers bienfaits du christianisme fut de rappeler la société au respect des mœurs et, en particulier, de la foi conjugale. Mais l'action qu'il exerça sur la pénalité romaine est une matière trop vaste pour être traitée incidemment ; nous lui consacrerons tout à l'heure, à propos du Code de Théodose, un paragraphe spécial.

 

§ 3. — RÉGIME PÉNAL DES MILITAIRES.

Discipline. Obéissance absolue. — La décimation. — Distinction des peines. — Peines graves et moins graves. — Les baguettes. — Le congé ignominieux.

 

Les Romains durent tous leurs succès à la discipline militaire. C'est la chose qui a paru la première dans leur État et la dernière qui s'y est perdue, tant elle était attachée à la constitution de leur République[37].

La loi Porcia n'existait pas pour l'armée. Ce même citoyen qui, dans Rome, ne pouvait être frappé des verges ou de la hache sans l'arrêt du peuple entier, devenait, dès qu'il passait sous les drapeaux, esclave de la discipline. Sa liberté, sa vie, étaient à la discrétion de ses officiers. L'arbitraire était l'essence même de la pénalité militaire.

Ce n'est pas à dire qu'à défaut de lois, il n'y dit pas des usages qui déterminassent la nature des peines applicables aux crimes des soldats. Ce qui était livré à l'arbitraire, c'était moins la nature de la peine que son application.

De ces châtiments consacrés par l'usage et qui plus tard furent sanctionnés par les lois impériales, le plus terrible, celui dont le nom seul faisait pâlir les plus braves parce qu'il s'appesantissait au hasard, même sur les meilleurs, ce châtiment était la décimation.

La mutinerie, la rébellion d'un corps entier, la fuite devant l'ennemi d'une cohorte ou d'Une légion, étaient punies de la décimation.

Dans la guerre contre les Volsques, le consul Appius Claudius s'était aliéné l'esprit de ses soldats par son extrême sévérité. Ils se vengèrent d'abord par une nonchalance systématique, par une résistance passive à ses ordres. Un jour enfin, l'armée entière, rangée en bataille et sur le point d'en venir aux mains, se réfugia dans le camp à la première démonstration de l'ennemi. C'est là chez tous les peuples le plus grave manquement du soldat ; mais c'était. un crime hors ligne chez un peuple dont la guerre était l'élément et qui s'était fait une loi de ne jamais reculer, même accablé par le nombre.

Le consul décampa le lendemain ; mais arrivé sur un territoire ami, sentant désormais derrière lui la grande. figure de la République qui le regarde et le protège, il s'arrête et fait former les rangs. Dans une allocution indignée, il demande aux soldats ce qu'ils ont fait de leurs armes, aux porte-enseigne de leurs étendards. Les centurions, les duplicaires qui ont quitté leurs rangs sont battus de verges ; leurs têtes tombent sous la hache. Les soldats, honteux et frémissants, assistent à ce supplice, attendant celui qui doit les frapper eux-mêmes. Le consul leur déclare qu'ils vont être décimés : on apporte des urnes et le sort désigne ceux qu'atteindra le châtiment[38].

Telle était la décimation. Nos ancêtres ont porté cette loi, dit Cicéron, afin que la crainte du châtiment planât sur tous et qu'il n'y eût pourtant qu'un petit nombre qui le subît[39]. Quelquefois, quand le nombre des coupables était considérable, le général reculait devant l'effusion inutile de tant de sang et se bornait à en exécuter un sur vingt ou même un sur cent[40].

La lâcheté était un crime : celui qui, le pouvant, négligeait de défendre son chef ou qui, dans le combat, prenait le premier la fuite, était puni de mort.

La perte ou la vente des armes, l'excitation à la révolte, l'insulte aux supérieurs, la tentative de suicide, la sortie du camp en sautant le retranchement, toutes ces fautes étaient également punies du dernier supplice. C'était un crime capital de désobéir, même pour combattre et vaincre. Le dictateur Postumius avait un fils jeune, brave, et dont il était fier : il le condamna à mort pour avoir, sans son ordre, quitté son poste et battu l'ennemi[41].

Les peines militaires étaient distinguées en peines graves et moins graves (graviores et leniores).

Les peines graves étaient :

Le décollement avec la hache : les coupables étaient traînés tout nus en dehors des retranchements, les exécutions capitales n'ayant jamais lieu dans le camp ; ils étaient ensuite, en présence de toute l'armée, attachés à une potence, flagellés et frappés par la hache[42].

Le supplice de la bastonnade. Polype en a donné la description : un tribun militaire, armé d'un bâton, en touchait seulement le condamné. A ce signal, tous les soldats tombaient sur ce dernier à coups de bâton ou de pierres. Il était tué sur place ou, s'il parvenait à fuir, sa mort n'en était pas moins certaine, puisqu'il n'était permis à ces condamnés ni de rentrer dans leur patrie, ni de chercher asile chez leurs parents[43]. Ce supplice n'était administré qu'avec des bois de vigne ; le bâton fait de tout autre bois était réservé aux seuls auxiliaires. Un soldat romain, quoique condamné à une peine exempte d'infamie, ne s'en fût pas moins cru déshonoré s'il eût été frappé avec un autre bâton qu'un sarment. Dans les camps, dit Pline, la vigne est un symbole d'autorité et de commandement : elle ôte au supplice son caractère infamant[44].

La perte de la liberté : c'était la peine ordinaire des déserteurs ; elle constituait un véritable supplice. Le coupable était fouetté de verges sous la fourche et vendu ensuite comme esclave.

Les peines les plus douces étaient la privation de la solde, la privation de la lance, le changement de corps, la condamnation à manger debout ou à manger de l'orge, nourriture ordinaire des vils gladiateurs, au lieu de froment. Deux autres peines étaient particulièrement sensibles aux soldats : le congé portant infamie, par lequel ils étaient chassés ignominieusement de l'armée, et la saignée au bras. Aulu-Gelle a cherché la raison de cet étrange châtiment. C'était, dès les temps les plus anciens, une punition militaire de faire ouvrir la veine au soldat pour cause d'ignominie et de laisser couler son sang, comme si ceux-là étaient censés moins sains qui avaient commis quelque délit[45]. Mais la vraie raison a été donnée par Montesquieu : La force, dit-il, étant la principale qualité du soldat, c'était le dégrader que de l'affaiblir[46].

Les empereurs introduisirent une autre peine militaire dite simplement castigatio, le châtiment ; elle est consacrée par le droit des Pandectes ; c'est ce qu'on appelle en France passer par les baguettes. Cette peine différait de la bastonnade en ce qu'elle n'était pas appliquée jusqu'à ce que mort s'ensuivît.

A l'exception du congé ignominieux, toutes les peines dites leniores n'emportaient point la note d'infamie.

 

§ 4. — RÉGIME PÉNAL DES ESCLAVES.

Haute antiquité de l'esclavage. — Nullité de l'esclave aux yeux de la loi romaine. — Rien qui ne fût permis au maître contre l'esclave. — Arbitraire des tortures et des supplices appliqués aux esclaves ; leur énumération. — Eunuques. — Thlibies. — Le champ Sestertium- Supplices que Constantin défend d'appliquer aux esclaves. — Les murènes. — Exécution en masse des esclaves habitant la maison d'un maître assassiné. — Ce qu'était la torture des esclaves.— Torture des témoins. — Description du chevalet. — Le maître, seul juge de la torture. — Procès de Cluentius. — Édits de Claude et des Antonins ; lois rendues sous l'influence du christianisme pour améliorer le sort et adoucir les supplices des esclaves. — Les colons ; transformation de l'esclavage.

 

I

L'esclavage est aussi vieux que le monde. Dès avant le déluge, un certain nombre d'hommes étaient devenus la propriété de quelques autres. L'antiquité tout entière a proclamé le droit absolu du vainqueur sur le vaincu : il n'est aucun peuple du monde ancien qui n'ait considéré l'esclavage comme une application légitime de ce droit, comme une nécessité de l'ordre social ; il n'en est point qui ait traité les esclaves avec une cruauté aussi systématique, avec un oubli aussi profond de la dignité humaine que les Romains.

Cette société romaine si fière de sa civilisation ne subsistait que par les esclaves ; eux seuls formaient la classe active de la population, les travaux manuels étant considérés comme indignes de l'homme libre. Entre leurs mains étaient l'industrie, les arts, l'agriculture, tout, excepté les armes. Ces bêtes étaient mille contre un ; tous les moyens semblaient bons pour les empêcher de dévorer leurs maîtres. C'est à ce point de vue qu'il faut se placer pour apprécier la politique de Rome à leur égard et la sévérité inflexible au moyen de laquelle elle espérait conjurer leurs révoltes. Tot servi, tot hostes, disait le proverbe latin[47].

Aux yeux de la loi romaine, l'esclave n'est pas une personne, mais une chose, res non persona. Cette chose existe toutefois et il faut bien la ranger parmi les êtres ; on la classe parmi les animaux domestiques. De volonté, de personnalité, il n'en est pas question : non tam vilis quam nullus, moins vil encore que nul, telle est la définition légale de cette bête à deux pieds qu'on appelle un esclave. Parcourez la loi Aquilia dans les Institutes : Celui qui, sans droit, tue l'esclave ou le quadrupède domestique d'autrui, payera le prix le plus élevé que des animaux ou des esclaves semblables auront atteint dans le courant de l'année[48]. Le mal fait à l'esclave ne regarde que le maître ; encore faut-il que ce mal ait entraîné la mort ou l'incapacité de travail ; car, pour les blessures sans conséquences graves, elles ne donnent pas au propriétaire le droit de poursuivre celui qui les a faites. Quant au droit du maitre sur l'esclave, ce droit est entier, absolu, au-dessus de toute discussion : droit sur son travail, sur le misérable pécule qu'il parviendra à économiser au prix de ses veilles, sur sa succession, s'il en laisse une, sur celles mêmes qui lui seraient léguées directement, sur sa femme, sur ses enfants, sur son corps que le maitre peut martyriser à son gré ou soumettre aux plus révoltantes infamies. In servum nihil non domino licere, rien qui ne soit permis au.1 :nitre contre son esclave : telle est la jurisprudence romaine.

Pendant toute le République et jusqu'aux Antonins, on chercherait vainement une loi qui protégeât l'esclave contre le maitre, qui tentât, nous ne dirons pas de l'arracher à l'arbitraire, mais seulement de régler les châtiments qu'on pourrait lui infliger. La société romaine, en foulant ainsi aux pieds les droits les plus simples de la nature, semble oublieuse de son propre intérêt : elle épuise, elle tarit comme à plaisir cette source infinie de jouissances et de produits de toute nature qu'elle tire de l'esclavage : elle met en coupe réglée ces travailleurs qui la font vivre, elle pour qui l'industrie est un déshonneur et le travail une flétrissure. Jeunes, robustes, les esclaves voués aux travaux des champs sont enchaînés la nuit dans les ergastules, prisons souterraines sans air et sans lumière où ils n'ont d'autre lit que la terre humide. Bientôt brisés par ce dur régime, infirmes, atteints de maladies incurables, ils sont abandonnés dans l'île d'Esculape où ils meurent sans secours. Claude défend cette pratique barbare : alors on les assomme.

L'usage seul, non la loi, détermine les tortures, les supplices, le genre de mort qui conviennent à la classe serve ; mais cet usage, chaque maitre le modifie selon son bon plaisir.

Tout est crime, tout est prétexte à châtiment. Il n'est pas même besoin de prétexte. Celui-ci bat ses esclaves quand le cœur lui en dit, sans qu'ils aient failli, de crainte de n'en avoir pas le temps au moment où ils mériteront en effet d'être frappés ; cet autre fait flageller régulièrement les siens, uniquement pour ne pas leur laisser oublier qu'ils sont esclaves. Caton, après dîner, fouettait de ses propres mains ceux de ses serviteurs qui avaient commis quelque léger manquement dans le service. Juvénal, traçant le portrait de la femme impérieuse, la peint faisant crucifier un esclave sans motif, par caprice, parce que telle est sa volonté[49], et répondant aux timides objections de son mari par cette exclamation mélangée d'ironie et d'étonnement : Ainsi donc à vos yeux un esclave est un homme ! O demens ! ita servus homo est ? Quelques patriciennes avaient des bourreaux payés à l'année et charmaient les longs apprêts de leur toilette en faisant, sous leurs yeux, fouetter leurs esclaves. Les férules volaient en éclats, le sang rougissait les fouets et les lanières, pendant que l'indolente matrone se faisait peindre le visage, babillait avec ses amies, examinait les dessins d'une robe nouvelle, parcourait les longues colonnes de la gazette du jour[50] et, la main armée d'une aiguille d'or, en piquait au bras ou au sein celles de ses femmes dont la maladresse l'irritait ou qui ne parvenaient pas à pallier sur ses traits flétris les outrages du temps et de la débauche.

Défense à l'esclave, sous peine des plus dures corrections, de parler devant son maitre, de faire du bruit, de souffler, presque de penser. Un accès de toux, un éternuement, un hoquet étaient des fautes aussitôt punies des verges[51]. C'était un crime encore de jeter un œil trop avide sur les mets qui chargeaient la table, dans ces orgies prolongées jusqu'à l'aurore auxquelles ces malheureux assistaient debout, avec des entrailles qui criaient la faim. L'œil aviné du maître parcourait les groupes disposés pour les plaisirs de la soirée : d'un côté les bouffons, de l'autre les musiciens ; sur le devant ceux qui devaient se livrer une lutte à mort, en prenant bien garde que quelques gouttes de leur sang impur ne jaillit jusque sur les convives. Un geste, une attitude déplaisante, une contraction des traits trahissant la fatigue ou l'ennui, étaient aussitôt punis d'un soufflet. Sur un signe, car c'est ainsi que le maître leur parlait le plus souvent afin de ne point souiller sa langue[52], sur un signe, l'esclave fautif s'approchait pour recevoir le coup. Il devait tendre la joue et même la gonfler, afin que le soufflet fût mieux appliqué. Martial recommande de ne pas aller jusqu'à ébranler les dents :

Peccantis famuli pigne ne percute dentes[53].

Dans l'Asinaire de Plaute, l'esclave Léonidas énumère quelques-uns des châtiments ordinairement appliqués aux esclaves :

Nous bravons, dit-il, les houssines, les lames ardentes, la croix, les entraves (compedes), les liens (nervos), les chaînes, les numelles, les fers aux pieds (pedicas), les carcans (boias), et ces vigoureux correcteurs si familiarisés avec notre dos et si habiles à sillonner nos omoplates de cicatrices[54].

Les compedes étaient des chaînes qui partaient de la ceinture et se rattachaient à chaque pied. Beaucoup d'esclaves les portaient même en travaillant.

Les nervi étaient des machines à enchaîner. Elles avaient des trous au travers desquels on passait les pieds du patient que l'on assujettissait ensuite dans cette position avec des lanières : les Romains les avaient empruntées des Hébreux.

Les numellæ étaient aussi des machines : elles servaient à maintenir l'esclave immobile, dans une position déterminée, pendant qu'on lui infligeait le châtiment.

Ailleurs, le même Léonidas nous apprend de quelle manière on donnait le fouet.

L'esclave nu, les mains liées derrière le dos, était suspendu à une poutre au moyen de cordes passées sous les aisselles et manœuvrées par des poulies : il avait aux pieds un poids de cent livres pour que son corps, tendu par cette charge, ne vacillât point sous les coups et leur offrît une certaine résistance[55]. Le fouet était composé de cordes tressées ou de lanières de cuir presque toujours hérissées de nœuds ou de balles de plomb.

Nous expliquerons tout à l'heure, en traitant de la question chez les Romains, ce qu'étaient ces lames ardentes dont parle Plaute : elles ne s'employaient d'ordinaire que comme moyen de torture. Son énumération du reste est incomplète : il ne parle ni de la fourche ni de la marque.

La fourche remonte à la plus haute antiquité : les Hébreux en faisaient usage. Juste Lipse en a donné le dessin dans son livre sur la croix. La fourche, en effet, n'était autre chose qu'une croix portée par le patient et servant à entraver sa marche. Il la traînait à sa suite ou la portait obliquement devant lui, suivant que la traverse supérieure était passée sous son menton ou appuyée derrière sa tête. Dans les deux cas, ses mains étaient liées aux extrémités de cette traverse. Un écriteau, attaché sur sa poitrine, faisait connaître la faute du coupable qui, de plus, était souvent contraint de la confesser à haute voix. Dans cet état, nu jusqu'à la ceinture, il était promené par la ville, suivi de huit autres esclaves, chargés de le frapper de verges et que surveillait le lorarius, correcteur en chef[56].

Disons ici, en passant, que les verges étaient réservées aux seuls esclaves ; les citoyens ne devaient être frappés qu'avec le bâton et c'est en cela que la flagellation (supplice des verges) différait de la fustigation[57].

La marque était d'importation grecque. Nous en avons parlé déjà à propos des supplices de l'Attique. On l'appliquait sur le front au moyen d'un fer rouge, et ce stigmate indélébile était infligé pour les plus légers délits.

Rutilus se complaît au milieu des plus cruels supplices ; le sifflement des fouets est plus doux pour lui que le chant des sirènes. Il est heureux toutes les fois que la main du bourreau marque d'un fer rouge le front d'un esclave pour deux serviettes volées[58].

Les esclaves fugitifs qu'on parvenait à reprendre étaient flétris par la marque. Ces malheureux, coupables d'avoir tenté de secouer un joug intolérable, étaient ainsi signalés pour une surveillance exceptionnelle.

Mais les maîtres dont cette tentative de fuite trahissait la dureté ne se contentaient pas d'un châtiment si simple. On mutilait les stigmatiæ, c'est le nom qu'on donnait aux esclaves marqués[59], on les obligeait de combattre les bêtes. On sait l'histoire que rapporte Aulu-Gelle d'un esclave reconnu par un lion[60]. Constantin se crut clément en prescrivant de laisser la vie à l'esclave saisi au moment où il passerait aux barbares, et de se borner à lui couper un pied[61].

Le fouet, les verges, les chaines, les entraves de toute nature : compedes, nervi, numellæ, c'étaient là des peines avouées par l'usage et si fréquemment appliquées que ceux-là mêmes qui les subissaient y faisaient à peine attention, témoin le cynisme dédaigneux avec lequel en parle le Léonidas de Plaute. Mais que dire de ces atrocités raffinées, de ces tortures inventées par la barbarie individuelle des maltes ? L'imagination recule effrayée devant ces débauches de la cruauté romaine. Et nous sommes bien loin de connaître là-dessus toute la vérité. Le peu que nous en savons nous est révélé par les lois qui, sous l'inspiration libérale du christianisme, punirent enfin ces horribles abus de la force.

Sous Nerva, un sénatus-consulte déclare que celui qui fait son esclave eunuque, soit par caprice, soit pour en tirer profit, doit être puni[62].

Un autre sénatus-consulte, rendu sous Trajan, punit ce mime de la confiscation de moitié des biens.

Un peu plus tard, Adrien frappe d'une confiscation semblable ceux qui font écraser les testicules d'un esclave. Les malheureux qui avaient subi cet épouvantable supplice sans en mourir étaient si nombreux à Rome, qu'il y avait un mot spécial pour les désigner : on les appelait thlibies, d'un mot grec qui signifie broyer[63].

L'usage était de crucifier les esclaves qu'on voulait mettre à mort. Nous avons parlé déjà du bourreau spécial chargé de ces exécutions et auquel le séjour et même l'entrée de Rome étaient interdits. Nous avons dit un mot aussi de la place Sestertium, théâtre ordinaire de ces supplices. Elle était située en dehors de la ville et présentait l'aspect d'une forêt, tant les croix y étaient nombreuses : une horrible odeur s'exhalait de ce charnier au-dessus duquel voltigeaient sans cesse de noirs essaims d'oiseaux de proie. Çà et là, de ces arbres chargés de débris sanglants, partaient des cris qui n'avaient rien d'humain, cris chargés de haine et de malédictions qui montaient vers le ciel pour le prendre à témoin de l'iniquité des hommes. Car l'esclave n'était pas mis à mort après avoir été cloué à la croix ; on voulait qu'il expirât lentement de faim et de souffrances et qu'il servit, vivant, de pâture aux vautours du mont Esquilin[64].

Mais il s'en fallait de beaucoup que ce supplice cruel satisfit tous les maîtres. Chacun, suivant l'inspiration du moment, imaginait un genre de mort, quelque chose de neuf, propre à contenter un esprit depuis longtemps blasé sur l'horrible. Un édit de Constantin qu'on trouve au Code de Théodose jette une lumière sinistre sur ces atroces inventions. Cet édit défend de pendre les esclaves, de les précipiter d'un lieu élevé, de les faire mourir de faim, de leur introduire du poison dans les veines, de les brûler à petit feu, de mettre leurs corps en lambeaux et de les laisser ensuite pourrir vivants[65].

Les fautes les plus insignifiantes suffisaient pour motiver ces abominables exécutions. Celui-ci fait tuer son esclave pour avoir percé un sanglier avec un épieu, arme noble interdite à la servitude[66]. Cet autre fait jeter aux murènes le serviteur maladroit coupable d'avoir brisé un vase de cristal. Auguste s'indigne de cet acte d'inhumanité ; il fait briser tous les vases de ce maitre farouche et combler le vivier où les murènes s'engraissent de chair humaine. Mais lui-même fait crucifier au mât de son navire un esclave convaincu d'avoir mangé une caille. Horace, plus accessible à la pitié, en sa qualité de poète, que la plupart de ses concitoyens, Horace déclare qu'il y a de la folie à faire mettre en croix un esclave pour avoir, en desservant la table, goûté d'un reste de poisson ou trempé son doigt dans la sauce encore tiède[67]. Mais il ne voit là qu'une extravagance dont il ne songe même pas à s'indigner.

Tous les esclaves qui se trouvaient dans la maison d'un citoyen assassiné étaient appliqués à la question et ensuite mis à mort sans examen préalable, sans distinction entre les coupables et les innocents. On soumettait même à la torture les esclaves du père de la victime. Ces rigueurs sont ordonnées par le sénatus-consulte Silanianum qu'on pense avoir été porté sous Auguste : il ne fit probablement que consacrer des usages déjà anciens. Cette monstrueuse jurisprudence se fondait sur le dévouement absolu dû par l'esclave au maitre. Ces mêmes hommes qui faisaient si bon marché de la vie de leurs serviteurs regardaient comme un principe incontestable que l'esclave devait sacrifier ses jours pour défendre ceux de son maitre. Par cela seul qu'il se trouvait sous le même toit que ce dernier au moment de l'assassinat, il était censé avoir pu lui porter secours et n'avoir pas voulu le faire[68]. On frémit quand on songe que certains grands personnages avaient jusqu'à dix mille esclaves, que ces malheureux, occupés à des emplois d'une variété infinie, à des services multipliés avec une recherche savante, peuplaient des palais grands comme des villes et que la jurisprudence avait pris soin de décider qu'on devait entendre par le toit du maître tous les lieux jusqu'où le bruit de sa voix pouvait parvenir[69].

Le bas peuple, la plèbe, en grande partie composée d'affranchis et en contact journalier avec les esclaves, s'indignait quelquefois de ces exécutions en masse. Sous Néron, le préfet de Rome, Perdonius Secundus, fut assassiné par un de ses serviteurs que la jalousie avait poussé à ce crime. Quand on voulut mener au supplice quatre cents esclaves qui peuplaient la maison préfectorale, la plèbe s'émut et fit craindre une sédition. Le Sénat dut délibérer. Le jurisconsulte Cassius emporta la décision par un discours que Tacite nous a conservé. Il montra le péril commun, la nécessité de l'exemple, la vie de tous les patriciens aux mains de cette masse d'esclaves venus de toutes les parties du monde, différents entre eux, différents de leurs maîtres par les mœurs, le langage et la religion. Ce n'est que par la terreur que vous comprimerez ce dangereux assemblage. Des innocents périront, dites-vous. Mais quand une armée a pris la fuite et qu'elle est décimée, les braves aussi tirent au sort. Il y a quelque chose d'inique dans tout grand exemple ; l'utilité publique compense les maux individuels[70]. Le supplice fut ordonné.

II

La torture était la conséquence fatale du pouvoir absolu du maître et de l'idée qu'on se faisait de l'esclave. Elle n'était pas limitée à la race serve ; mais, en dehors du crime de lèse-majesté pour lequel personne n'était exempt de la question, il n'y avait guère que les esclaves qui y fussent soumis ; la naissance, le rang, une haute fortune, la profession de la milice en garantissaient. Les plébéiens n'étaient jamais torturés dans les causes civiles, et dans les affaires criminelles, il était rare que la protection d'un riche patron ne les sauvât pas des horreurs de la question. Mais l'esclave n'avait aucun moyen d'y échapper : on la lui donnait non-seulement quand il était soupçonné d'un crime, mais encore quand il avait pu eu être témoin ; on la lui donnait pour le crime de ses camarades ; on la lui donnait pour celui de son maitre ; on la lui donnait pour obtenir sa déposition dans une affaire purement pécuniaire ; on la lui donnait indéfiniment, sans que son silence fût un argument en faveur de son ignorance des faits ou une preuve de son innocence, comme cela fut admis plus tard par les législations barbares. Valère Maxime cite un esclave du nom d'Alexandre qui, soupçonné d'avoir assassiné un chevalier, fut torturé sept fois de suite sans avouer sou crime et n'en fut pas moins condamné à mort[71].

L'esclave qu'on torturait dans le but d'obtenir sa déposition contre son maitre n'appartenait plus à ce dernier, mais au public. On voulait, dit Ulpien, qu'il pût dire la vérité sans crainte, sans trembler de retomber ensuite au pouvoir du maitre qu'il aurait accusé. Cette disposition empreinte de raison et d'humanité semble égarée et comme perdue au milieu de tant d'absurdes iniquités :

Il y avait bien des modes de torture : le plus usité était le chevalet. Jérôme Maggi a écrit une savante dissertation sur cet instrument de supplice[72] et Sigonius l'a restitué avec une habile vraisemblance.

Le chevalet, au dire de ce dernier, était une machine de bois, une catasta, pour employer un nom qui fut fort usité au moyen âge. Cette machine se tendait et se détendait par des vis, on y attachait le patient par les pieds et les mains avec des cordes qu'on appelait fidiculæ. Cela fait, on tendait la machine et on la dressait, en sorte que la victime s'y trouvait étendue comme en croix et que les jointures des os craquaient et se détachaient. C'est alors que, pour exaspérer la douleur, on déchirait son corps avec des crochets de fer et qu'on y appliquait ces lames ardentes dont nous avons déjà parlé d'après Plaute[73].

Qu'on ne l'oublie pas ! ces horribles tortures s'appliquaient le plus souvent non à des coupables, mais à des témoins. Lorsque le témoin était de condition vile, gladiateur ou esclave, sa déposition devait être considérée comme non avenue si elle n'était obtenue par les tourments[74]. La torture était la condition indispensable pour qu'on y crût.

Chose plus monstrueuse encore ! ce n'était pas la loi, ce n'était pis le juge, c'était le maitre seul qui réglait et ordonnait la question de l'esclave. Quelquefois, pour le besoin de sa cause, il achetait les' esclaves qu'il voulait torturer.

Une femme impudique et cruelle, Sassia, veut perdre son fils, Cluentius. Elle l'accuse d'avoir empoisonné son beau-père et commence par faire elle-même une enquête sur la mort de ce dernier. Son premier soin est d'acheter des esclaves qui fourniront les aveux dont elle a besoin, ceux du fils de la victime, ceux du médecin qui l'a soignée. Les malheureux sont soumis aux tortures les plus violentes ; tous protestent qu'ils ne savent rien. Les amis de la famille, en présence de qui se fait cette information domestique, sont d'avis de s'en tenir là. Mais Sassia veut qu'on recommence : les assistants détournaient la tête et ne pouvaient plus supporter ce spectacle. On voyait la rage de cette femme impitoyable, furieuse de ne pouvoir obtenir les témoignages qu'elle attendait : le bourreau était à bout, les instruments de torture épuisés ; elle voulait qu'on continuât. Enfin un homme de cœur qui se trouvait là se leva indigné en s'écriant qu'il était clair qu'on ne cherchait pas à obtenir la vérité, mais une fausse déclaration[75].

Tel était l'esclavage ; telle était la pénalité qui pesait sur lui.

C'est l'honneur éternel du christianisme d'avoir racheté le monde de ces opprobres. Aucune main mortelle n'était assez puissante pour guérir cette gangrène de la société antique : il ne fallait pas moins que l'intervention divine pour opérer ce miracle.

Les distinctions de race, les différences d'origine, la haine des vaincus, la supériorité du vainqueur, tous les principes sur lesquels reposait l'esclavage, s'effacent peu à peu devant les sublimes vérités proclamées par le nouveau culte, la fraternité des hommes, leur égalité devant Dieu, et ces vérités, avec la lenteur mais aussi avec la sûreté de la goutte. d'eau qui pénètre le rocher, vont progressivement s'infiltrer dans les lois et dissoudre le vieil ordre social.

Jésus est mort à peine depuis trente ans qu'un édit de Claude déclare libres les esclaves infirmes abandonnés dans l'île d'Esculape. Sous Néron, la loi Petronia défend de les contraindre à combattre les bêtes[76]. Adrien essaye de rendre ces malheureux à la loi commune ; les juges seuls pourront à l'avenir les condamner à la peine capitale. Antonin va plus loin : il ordonne aux magistrats de protéger l'esclave contre le maitre ; il punit comme homicide celui qui le tuera[77]. L'esclave a désormais une individualité ; il peut, en cas de mauvais traitements excessifs, porter plainte en justice contre son maître : ce n'est plus une chose, c'est une personne, une personne incomplète, il est vrai, une race inférieure que Florus définit : une seconde espèce d'hommes[78]. Mais cette race infime a maintenant des lois qui la protègent, elle compte dans l'État ; quelques années encore et elle forcera ses maîtres à observer les traités faits avec elle, à lui accorder la liberté quand le prix convenu aura été payé[79]. Constantin signale sa conversion à la foi nouvelle en abolissant la marque au front, stigmate indélébile en opposition flagrante avec une religion toute d'amour et de lardon. Il fait plus : dans un édit mémorable et que nous avons déjà relaté plus haut, il supprime tous les supplices que la tyrannie arbitraire des maîtres avait inventés ; il jette les bases de la jurisprudence criminelle de l'esclavage : le maître pourra encore châtier son esclave : mais il sera poursuivi comme homicide s'il est prouvé qu'il lui a volontairement donné la mort au moyen d'un châtiment excessif. La seule peine capitale que les juges pourront appliquer à l'esclave criminel sera celle de la potence. L'antique supplice de la croix est aboli. Justinien poursuit l'œuvre émancipatrice : il déclare que tous les affranchis seront citoyens romains et il les met tous sur le même rang, quelle que soit la forme de leur affranchissement.

Qu'on ne s'y trompe pas toutefois, l'asservissement de l'homme n'est pas près de toucher à son terme ; il commence seulement à prendre une nouvelle forme. Dès avant Constantin, des hommes d'une classe particulière appelés agricoles ou colons, espèce de serfs de la glèbe, forment une transition entre l'esclave et le sujet libre[80] : l'esclavage va se transformer, le servage a pris naissance. Mais l'égalité devant la loi n'est pas même entrevue. Le vieux monde reculera.it effrayé si la voix qui prêche l'égalité devant Dieu déduisait hautement toutes les conséquences civiles de ce principe. Il fallait que des flots de barbares inondassent la société antique, il fallait qu'elle fût emportée par ce torrent pour que la parole divine pût germer librement sur un sol renouvelé ; il fallait qu'une puissance toute moderne, l'opinion publique, vint en aide à cette parole pour effacer les derniers vestiges de l'esclavage. Dix-huit siècles d'efforts n'ont pas suffi pour mener à fin cette œuvre immense encore aujourd'hui inachevée.

 

§ 5. — LE CODE DE THÉODOSE.

Code de Théodose ; son importance. — Codes romains publiés par les barbares. — Lutte, manifestée par les lois pénales, de l'esprit chrétien et de l'esprit païen. — Résistances ; contradictions. — Peines excessives édictées dans le but d'assurer la pureté des mœurs. — Crimes-contre nature ; rapt. — Fréquence des expositions d'enfants ; science des avortements. — Réaction opérée par le christianisme ; assimilation de l'infanticide à l'homicide. — Distinction entre les lois octroyées par les barbares à leurs conquêtes et les lois propres aux barbares.— Première fusion de ces deux espèces de lois.

 

Si l'on veut, par l'étude des pénalités, se rendre compte de l'influence qu'exerça de suite la foi chrétienne sur la moralité publique, il faut parcourir le Code de Théodose, compilation des ordonnances des seize premiers empereurs chrétiens, depuis Constantin jusqu'à Théodose le jeune (312-438).

Ce code, promulgué en 438 par Théodose II, précéda d'un siècle seulement le recueil beaucoup plus vaste de Justinien, destiné surtout à l'empire d'Orient. Il est loin d'avoir l'importance et la haute autorité historique du Digeste que l'illustre Savigny appelle le seul code vraiment complet après les Douze Tables[81]. Mais il a le mérite de contenir beaucoup de constitutions impériales omises au Digeste ; il Était, au moment où l'empire d'Occident se démembra l'une des sources principales du droit ; il acquit de suite une importance considérable par le soin que prirent divers peuples barbares de se l'approprier ; enfin il servit de base aux codes que ces peuples imposèrent à leurs conquêtes : l'édit de Théodoric pour les Goths, la loi romaine des Visigoths connue sous le nom de Bréviaire d'Alaric, celle des Bourguignons à laquelle Cujas a donné le nom fautif de Papiani Responsum, tous ces codes romano-barbares publiés dans les premières années du sixième siècle n'en sont que des reproductions abrégées.

On assiste, en compulsant le Code de Théodose et le savant commentaire latin dont Godefroy l'a enrichi, à la lutte des deux grands éléments qui se disputaient le monde au moment où il fut promulgué. On sent que le droit universel, le droit des gens, tend à se substituer au vieux droit des Quirites. L'empereur est chrétien, mais l'empire est païen encore. L'esprit inflexible et exclusif du droit romain se défend contre l'esprit d'égalité et de justice universelle émané du Christ. De là, dans cet amas de constitutions hétérogènes, des contradictions choquantes, des retours à l'antique cruauté romaine à côté des charitables inspirations chrétiennes ; ici des rigueurs toutes païennes, des aggravations même dans la législation criminelle ; plus loin des adoucissements, des tempéraments apportés à la dure pénalité des premiers temps de Rome.

C'est ainsi qu'à côté de l'antique privilège emprunté à la loi Papia qui permettait le divorce et le concubinage, on trouve dans le Code Théodosien des dispositions d'une sévérité exagérée pour assurer la pureté des mœurs. Constantin inflige la peine de mort aux profanateurs du mariage. L'esclave convaincu d'avoir des relations criminelles avec sa maîtresse doit être brûlé, celle-ci mise à mort par le glaive[82] ; les enfants nés de leur commerce sont exclus de la succession maternelle. Plus tard, le droit des Novelles mitigea ces sévérités. La femme ne fut plus punie de mort, mais seulement flagellée et enfermée dans un couvent ; son mari pouvait l'en retirer au bout de deux ans, ou l'y laisser à perpétuité.

De même pour les péchés contre nature, crimes oubliés, à dessein sans doute, par la loi Julia. Ils étaient trop fréquents sous Auguste, trop en possession de la tolérance légale, pour qu'on osât alors les punir. Les empereurs Constance et Constant veulent que les lois s'arment d'un glaive vengeur pour poursuivre le vice contre nature et qu'il soit frappé de châtiments extraordinaires et raffinés laissés à l'arbitraire du juge[83]. Plus tard Valentinien inflige à ce genre de crime le supplice du feu[84], et c'est celui dont il fut passible en France jusqu'à la Révolution.

L'inceste est puni d'un supplice semblable. Le Digeste définit ce crime : un attentat contre les droits sacrés du sang et de la religion ; c'est pourquoi le commerce avec une vestale était assimilé à l'inceste. Jusqu'au renversement des autels païens, la peine fut pour la prêtresse d'être enterrée vivante dans la ville ; son complice était battu de verges jusqu'à la mort[85].

Ainsi presque toujours le but est dépassé : la pensée qui inspire la loi est excellente, mais la peine est excessive. C'est l'esprit. chrétien qui indique aux empereurs les vices à extirper, les crimes à effacer de la société, mais c'est l'esprit romain qui dicte la punition. Le châtiment révèle, par son excès même, la ferveur du néophyte en même temps que l'inintelligence des véritables principes de la foi qu'il vient d'embrasser. Nulle part cette contradiction n'apparaît mieux que dans l'édit de Constantin relatif au rapt des filles et des veuves, Ce crime, qui porte une atteinte si profonde à l'autorité paternelle et à la tranquillité des familles, était commun à Rome, grâce à la faiblesse, nous allions dire à la connivence des lois[86]. Le consentement de la personne. enlevée suffisait pour excuser le ravisseur. Constantin abolit toute distinction à cet égard. Que la fille ait consenti ou non à son enlèvement, il sera puni de châtiments très-atroces et indéfinis (atrocissime et indefinite), comme d'être brûlé vif ou mis en pièces dans l'amphithéâtre[87]. Si le rapt a été fait du consentement de la personne enlevée, elle partagera la peine de son complice ; ses parents seront tenus de l'accuser publiquement ; les nourrices, les esclaves convaincus de complicité seront soumis à un supplice horrible : On fermera avec du plomb fondu cette bouche et ce gosier d'où sont sorties les paroles encourageant le crime. L'action contre le rapt sera imprescriptible ; ni le temps ni la mort des coupables ne désarmeront la loi ; elle poursuivra jusqu'à leurs héritiers.

Certes, la pensée morale, l'intention politique de la pénalité est excellente ; mais elle dépasse le but et va bien au delà du juste.

Citons encore, dans le même ordre d'idées, les édits qui ordonnent de livrer aux flammes les faux monnayeurs, hommes libres ou esclaves[88], de couper jusqu'à la racine la langue aux délateurs convaincus de calomnie[89].

Cette dernière peine avait pour but de guérir un des vices honteux de la société romaine où les plus grands personnages ne rougissaient pas de s'enrichir par les délations et les confiscations qui en étaient la suite ; mais, comme celle du rapt, elle péchait par son excessive rigueur.

Disons toutefois qu'on trouve au Code de Théodose des pénalités pures de toute réminiscence païenne, des lois où le véritable esprit chrétien se manifeste sans partage et avec autant de justesse que de mesure. Telles sont celles qui protègent les intérêts des mineurs et des orphelins, qui décrètent des secours aux parents trop pauvres peur nourrir leurs enfants, qui essayent de mettre un terme aux expositions et aux infanticides. Ce dernier point touche seul à notre sujet et exige quelques développements.

 On a pu voir par ce que nous avons dit de la loi des Douze Tables combien le droit du père sur les enfants était absolu chez les Romains. Ce droit allait jusqu'à les détruire en germe, jusqu'à les étouffer au moment de la naissance, jusqu'à les jeter, nus et à peine sortis du sein maternel, sur la voie publique.

D'innombrables témoignages attestent que les Romains immolaient souvent les filles à leur naissance et aussi les garçons mal conformés ou de chétive apparence. Une loi attribuée à Romulus ordonne de conserver la vie aux filles aînées, ce qui prouve assez que les subséquentes étaient sacrifiées sans scrupule. Cicéron, dans son Traité des lois[90], dit expressément que, par la loi des Douze Tables, il est permis d'étouffer les enfants monstrueux. Un texte de Sénèque démontre que ceux qui paraissaient simplement maladifs ou trop débiles étaient immolés avec la même barbarie[91].

Nous avons parlé déjà des paniers d'osier qu'on vendait publiquement dans les rues de Rome, et qui servaient à exposer les nouveau-nés[92]. On attachait souvent ces corbeilles aux branches des arbres sur le bord des chemins ; corbem supponendo puero.

La science des avortements était en honneur à Rome, les lois la toléraient, les théories philosophiques lui venaient en aide. Papinien déclare que le fruit avant sa naissance ne peut être regardé comme un homme (liv. IX, tit. ad legem Falcidiam), doctrine empruntée au stoïcisme qui regardait le germe comme une substance adhérente à la mère et privée de toute vie individuelle. Tertullien, un des premiers, osa dire qu'il y avait crime à le détruire : C'est commettre un homicide anticipé que d'empêcher la naissance ; il n'y a pas de différence entre ôter la vie et s'opposer à ce qu'elle ait lieu. Celui-là est homme qui doit le devenir. Homo est qui futurus, et fructus omnis jam in semine est[93].

L'une des premières tâches que s'imposa le christianisme naissant fut de ramener les hommes au respect des sentiments les plus simples de la nature. Constantin fit placer dans les églises des crèches pour recevoir les enfants abandonnés ; il ordonna de fournir des vêtements et des vivres aux parents trop pauvres pour garder leurs enfants ; il voulut Même que l'enfant abandonné fût la propriété, l'esclave de celui qui l'aurait recueilli, espérant, par cette mesure, émouvoir, à défaut de la pitié, l'orgueil des parents de race libre. Mais ces charitables dispositions restèrent à peu près infructueuses. Il faut arriver à Valentinien Ier pour rencontrer des lois qui défendent nettement l'exposition des nouveau-nés et qui assimilent l'infanticide à l'homicide. Le rescrit par lequel ce prince ordonna de frapper du glaive l'homme ou la femme coupables d'avoir ôté la vie à sa progéniture est daté de l'année 374[94]. C'est une date mémorable dans les annales de l'humanité. Jusque-là les Égyptiens seuls avaient eu des lois contre l'immolation des enfants par les parents. L'édit de Valentinien sape dans sa base la constitution romaine qui reposait sur l'autorité absolue du chef de famille, fondement et modèle du droit inexorable et inflexible, du strictum jus de la cité.

Nous avons succinctement résumé les principales dispositions pénales du code qui, après la chute de l'empire d'Occident, continua de régir les Romains tombés sous la domination des barbares. Les lois de Théodose furent reproduites presque sans modifications dans les différents codes que les rois goths, visigoths, bourguignons octroyèrent à leurs conquêtes, et nombre de ces lois ne nous sont connues que par ces reproductions. Ces recueils de lois romaines uniquement destinées à régir les sujets romains, ne doivent pas être confondus avec les codes propres aux barbares. Théodoric et Dagobert, par exemple, firent rédiger pour leurs sujets francs les lois et coutumes barbares, absolument comme Alaric et Sigismond firent colliger les lois romaines pour l'usage de leurs sujets romains[95]. Les deux législations vécurent longtemps côte à côte, sans arriver à se confondre : l'une était la loi du vainqueur, l'autre celle du vaincu. La loi barbare des Visigoths, dont nous parlerons dans un chapitre subséquent et qui fut publiée vers le milieu du septième siècle, est la première où la fusion commença de s'opérer.

 

 

 



[1] Le peuple romain était divisé de trois manières : par centuries, par curies et par tribus ; et, quand il donnait son suffrage, il était assemblé et formé d'une de ces trois manières.

La division par centuries était plutôt une division de cens et de moyens qu'une division de personnes. Les patriciens et les principaux formaient les quatre-vingt-dix-huit premières centuries ; le reste des citoyens était répandu dans les quatre-vingt-quinze autres. Les patriciens étaient donc, dans cette division, les malins des suffrages. (Montesquieu, Esprit des lois, liv. XI, ch. XIV.)

[2] Esprit des lois, liv. XI, ch. XVIII.

[3] Cicéron, pro Cluentio, 10, 20, 33.

[4] Scolie d'Acron sur les vers 39 et 40 de la satire VI, liv. I d'Horace :

Tune Syri, Damæ aut Dionysi filius, audes

Dejicere e saxo cives, aut tradere Cadmo ?

Cadmus dicitur eo tempore fuisse carnifex notæ crudelitatis.

(Horace, coll. Panckoucke, t. II, p. 473.)

[5] Pro Rabirio, 5.

[6] Montesquieu, Grandeur et décadence des Romains, ch. IX.

[7] Pro domo, 29.

[8] In Verrem actio, II, 66.

[9] Digeste, liv. XLVIII, tir. XIX, § 2, n° 12.

[10] Digeste, liv. XLVIII, tir. XIX, § 2, n° 9.

[11] Digeste, liv. XLVIII, tit. XIX, § 3, n° 14 et 16, t. XX, p. 643 des Pandectes de Pothier.

[12] Nous avons parlé plus haut de la loi Pompéia sur le parricide.

[13] Salluste, Catilina, 55.

[14] Valère Maxime, liv. VI, ch. III.

[15] Valère Maxime, liv. V, ch. IV.

[16] Esprit des lois, liv. VI, ch. XV.

[17] Pandectes, liv. XVIII, tit. XVIII, art. 2.

[18] Valère Maxime, liv. III.

[19] Voy. la traduction des Institutes avec commentaires, par Joseph de Ferrière, t. VI, p. 364, et le Code de Théodose, liv. IX, tit. XVI.

[20] Digeste, liv. XLVIII, tit. IV, art. 1.

[21] Digeste, liv. XLVIII, tit. IV, art. 3.

[22] Liv. VI, ch. III.

[23] Code de Théodose, liv. IX, tit. XXI.

[24] Épître à Brutus.

[25] De legibus, II.

[26] Elles veulent nous avoir dans leur dépendance, menant une existence précaire, ayant besoin d'elles en toute chose pour nous forcer à rechercher leur protection ; ainsi parle Lena, la vieille courtisane, dans la Cassette de Plaute, act. I, sc. I.

[27] De beneficiis, lib. III, 16.

[28] De beneficiis, lib. III, 16.

[29] La loi Julia sur l'adultère contenait un paragraphe intitulé : De lenocinio mariti ; Du commerce de prostitution fait par le mari.

[30] De beneficiis, lib. III, 16.

[31] De beneficiis, lib. III, 16.

[32] Dion, liv. LIV, p. 609 de l'édit. de Henri Estienne, in-f°, 1592.

[33] Voy. dans Suétone (Auguste, 66), la surveillance extraordinaire qu'il fit exercer sur la conduite de sa fille pendant l'exil de cette dernière. Voy. aussi la note de M. de Golbéry sur ce passage, coll. Panckoucke, p. 334.

[34] Tacite, Annales, liv. IV.

[35] Digeste, liv. XLVIII, tit. V, art. 6.

[36] Cæterum mariti calor et impetus facile decernentis, fuit refrænandus. (Digeste, loc. supra cit.)

[37] Bossuet, Discours sur l'Histoire universelle, IIIe partie, ch. VI.

[38] Tite-Live, liv. II, 59. — Les duplicaires étaient des soldats qui jouissaient d'une double ration de vivres.

[39] Pro Cluentio, 46. Ut metus videlicet ad omnes, pœna ad paucos perveniret.

[40] Juste Lipse, Commentaire sur Polybe, p. 348.

[41] Valère Maxime, liv. II, ch. VII, § 7.

[42] Tite Live, liv. II, 3 ; XXVI, 15. — Digeste, liv. XLIX, tit. XVI, art. 5, § 8.

[43] Polybe, liv. V.

[44] Liv. XIV, 3. Les centurions frappaient aussi d'un sarment les soldats trop lents à prendre les armes. C'était un crime capital de briser le sarment du centurion. Digeste, liv. XLIX, tit. XVI, § 3.

[45] Noct. Att., liv. X, ch. VIII. Frontin, Stratagèmes, IV.

[46] Grandeur et décadence des Romains, ch. II.

[47] Autant d'esclaves, autant d'ennemis. Sénèque proteste contre cette sentence : Non habemus illos hostes, sed facimus ; Épit. XLVII. Mais Sénèque vivait sous Néron et écrivait aux premières lueurs du christianisme.

[48] Institutes, liv. IV, tit. III.

[49] Hoc volo, sic jubeo ; sit pro ratione voluntas. (Sat. VI, v. 223.)

[50] Sat. VI, v. 478 et suiv.

.... Hic frangit ferulas ; rubet ille flagellis,

Hic scutica. Sunt quæ tortoribus annua præstent.

Verberat, atque obiter faciem linit ; audit amicas,

Aut latum pictæ vestis considerat aurum,

Et cædit : longi relegit transverse diurni,

Et cædit, donec lassis cædentibus. Exi,

Intonet horrendum, jam cognitione peracta.

[51] Virga murmur omne compescitur, et ne fortuita quidem verberibus excepta sunt, tussis, sternumentum, singultus. (Sénèque, Épit. XLVII.).

[52] Ne vocem consociaret, dit Tacite, Annales, liv. XIV, 23. Consociare vocem, polluer sa voix en l'associant à celle d'un esclave.

[53] Épigrammes, liv. XIV.

[54] Act. III, sc. 2.

[55] Asinaria, act. II, sc. II.

Ad pedes quando adligatus es æquum centupondium,

Ubi manus manicæ complexæ sunt, atque adductæ ad traben.

[56] Tite Live, II, 36 ; Plaute, Amphitryon, act. I, sc. I ; Asinar., act. III, sc. II.

[57] Pandectes mises dans un nouvel ordre par Pothier, t. XX, note de la p. 561, et p. 575.

[58] Juvénal, Sat. XIV, v. 18 et suiv.

[59] Cicéron, De offic., liv. II, 7.

[60] Noct. Att., liv. V, ch. XIV.

[61] Code, liv. VI, tit. I, § 2.

[62] Pandectes de Pothier, t. XX, p. 337.

[63] Pandectes, loc. cit. d'après Godefroy.

[64] Horace, Épode V.

Post insepulta membra different lupi

Et Esquilinæ alites.

[65] Code de Théodose, liv. IX, tit. XII.

[66] Cicéron, in Verr. V, 3.

[67] Satires, liv. I, 3.

[68] Pandectes, liv. XXIX, tit. V.

[69] Pandectes, liv. XXIX, tit. V, § 3.

[70] Tacite, Annales, liv. XIV, 44.

[71] VIII, XLII.

[72] De equuleo hactenus incognito liber, à la suite du traité de Gallonius : De sanctorum martyrum cruciatibus, illustré par Antoine Tempeste.

[73] Sigonius, De judiciis Romanorum libri tres.

[74] Voy. les Pandectes de Pothier, t. XX, p. 495.

[75] Cicéron, pro Cluentio Avito, 62.

[76] Digeste, II, 2.

[77] Digeste, VI, 11.

[78] Hist., III, XX.

[79] Édit de Dioclétien dans le Code de Justinien, I, 19, 1 ; VII, 13, 1.

[80] Voy. la note 3 à la fin du volume.

[81] Hist. du droit romain au moyen âge, t. I, p. 38.

[82] Code de Théodose, liv. IX, tit. IX.

[83] Jubemus insurgere leges, armari jura gladio ultore, ut exquisitis pœnis subdantur infames qui sunt, vel qui futuri sunt rei. (Code de Théodose, édit. de Godefroy de 1665, t. III. p. 59.)

[84] Code de Théodose, liv. IX, tit. VII, p. 62.

[85] Tite Live, liv. IV, 42 ; Digeste, liv. XLVIII, tit. V, art. 2.

[86] Juris veteris mollitie et quadam veluti conniventia. (Comment. de Godefroy, t. III, p. 190.)

[87] Interprétation de l'édit de Constantin dans un édit de Constant, par lequel il réduit la peine portée par son père contre les ravisseurs et les condamne seulement à perdre la vie par le glaive ; et Comment. de Godefroy. (Code de Théodose, liv. IX, tit. XXIV.)

[88] Code de Théodose, liv. IX, tit. XXI.

[89] Code de Théodose, liv. X, tit. X.

[90] Code de Théodose, liv. III, ch. VIII.

[91] Portentosos fœtus extinguimus ; liberos quoque, si debiles monstrosique editi sunt, mergimus. (De ira, lib. I, 15.)

[92] Voy. la Pénalité de Sparte, note sur le kaïadar.

[93] Apologétique, ch. IX.

[94] Code de Théodose, liv. IX, tit. XIV. Les détails qui précèdent sont empruntés en grande partie au Comment. de Godefroy sur cette loi de Valentinien, ainsi qu'à une note de M. César Cantu qu'on trouve à la fin du tome VII de son Histoire universelle.

[95] Voy. M. Guizot, Hist. de la civilisation en France, t. I, p. 334.