MARIE STUART

LIVRE TROISIÈME. — LES PRISONS - 1567-1580

 

CHAPITRE IV. — CARLISLE.

 

 

Effet de la miraculeuse délivrance de Marie. — En peu de jours elle a réuni six mille hommes. — M. de Beaumont vient la rejoindre. — Elle envoie en France le fidèle Beaton. - Désarroi des partisans de Murray. — Son sang-froid et sa fermeté. — Marie temporise et négocie. Échec de ses ouvertures à Murray. — La lutte devient inévitable. — Élisabeth offre sa médiation. — Son envoyé arrive trop tard. — Rivalités de l'armée. — Prétentions des Hamilton. Murray dispute le passage à l'armée de la reine. — Habileté de ses dispositions et supériorité de sa position. — Indisposition subite du comte d'Argyle. — Premier engagement stérile. Le défilé de Langside. — Exploits épiques des Hamilton. — Alternatives de succès et de revers. — Manœuvre décisive de Morton et de Kirkcaldy de Grange. — Déroute de l'armée de la reine. — Désespoir de Marie. — Elle galope avec quelques amis toute une nuit à travers champs, jusqu'à Sanquhar. — Vie errante. — Halte à l'abbaye de Dundrenan — Murray abuse de sa victoire. — Dégoût et découragement de Marie. — Motifs de sa détermination de se réfugier en Angleterre. — Conseils et reproches de ses serviteurs. — Elle persiste dans sa funeste inspiration. — Lettres à Élisabeth. — Celle-ci se décide à profiter de l'occasion et à retenir captive celle qui s'est confiée à son hospitalité. — Analyse des motifs de cette résolution. — Séjour à Carlisle. — Marie prisonnière. — Missions décevantes de Scroope et de Knollys auprès de Marie. — Instructions d'Élisabeth à ses envoyés.— Leur entrevue avec la reine d'Écosse. — Marie accrédite auprès d'Élisabeth lord Hernies, et envoie lord Fleming en France. — Habileté et énergie qu'elle déploie dans la position du débat sur son innocence dont Élisabeth fait la condition de sa médiation. — Système énervant auquel succombera son courage. — Humiliante parcimonie d'Élisabeth. — Carlisle devient un autre Lochleven. — Impression produite par Marie sur Knollys. — Ses aveux caractéristiques dans une lettre à Cecil. — Marie engage ses partisans à continuer la lutte en Écosse. — Mission de Midlemore en Écosse et à Carlisle. — Murray consent à comparaître devant Élisabeth pour justifier sa conduite. — Marie refuse d'accepter ses sujets pour accusateurs et une princesse son égale pour juge. — Sa lettre à Élisabeth du 13 juin 1568. -- Éloquent appel au cardinal de Lorraine. — Élisabeth défère au vœu exprimé par son conseil que Marie et Murray s'expliquent devant une commission nommée par la reine d'Angleterre. — Comment Élisabeth surprend le consentement de Marie transférée du château de Carlisle à celui de Bolton. — Illusions qu'elle parvient à donner à lord Hernies. Marie les partage au point de donner ordre à ses partisans, à demi victorieux, de poser les armes. - Fatale confiance. — Murray profite de l'occasion pour écraser les Hamilton. — Protestations de Marie. — Reproches d'Élisabeth. — Lettre d'Élisabeth à Murray attestant sa connivence avec lui. — Conférences d'York. — Commissaires de Murray — d'Élisabeth — de Marie. Détails sur les débats. — Murray produit, in petto, les documents trouvés dans la cassette. Ouvertures conciliatrices. — Le duc de Norfolk. — Ses ambitions et prétentions matrimoniales. — Élisabeth évoque le procès à Westminster. — Transformation de la situation de Marie. — Elle devient l'accusée et Murray l'accusateur. — Le duc de Norfolk regagne, en reniant ses projets sur Marie, les bonnes grâces d'Élisabeth. — Acte d'accusation de Murray. — Examen de ses prétendues preuves. — Dissimulation et contradiction. Protestations énergiques de Marie. — Cartel de lord Herries à lord Lindsay. — Déroute de l'accusation. — Clôture subite des débats. — Jugement dérisoire. — Vengeance différente que Marie et Élisabeth tirent de leur commune déception. — Coup d'œil sur l'avenir en deuil.

 

La miraculeuse évasion de Marie, premier témoignage d'une sorte de retour de la fortune au bon droit, causa dans toute l'Écosse une sorte d'électrique et chevaleresque frémissement.

Peuple et nobles accueillirent la nouvelle avec un égal enthousiasme. Les comtes d'Argyle, de Cassilis, d'Eglington, de Rothes ; les lords Somerville, Yester, Levingston, Herries, Flemming, Ross, Borthwick et un grand nombre de barons s'empressèrent de venir offrir à la reine, au château d'Hamilton, leurs hommages et leurs services. En peu de jours, l'étendard royal fut entouré d'une armée de six mille hommes.

M. de Beaumont, envoyé de Catherine de Médicis, qui s'était rendu auprès de Marie au premier jour de sa délivrance, n'hésita pas à voir un augure de victoire dans cet élan de zèle des grands vassaux et cette popularité retrempée dans le malheur. Le mouvement, en effet, s'accentuait et s'étendait tous les jours. Et dans le Nord, Huntly et Ogilvy avaient proclamé le retour de la reine et appelé aux armes ses serviteurs, dont le renfort allait doubler l'armée de la loyauté.

Celle-ci, du reste, se montrait digne de cet enthousiasme et capable d'en profiter. Avec cette alacrité charmante, cette éloquente verve, cette facilité de compréhension et de travail qui, sans les illusions de son imagination ardente et les entraînements de confiance de son cœur trop généreux, eussent fait une grande souveraine de cette Marie Stuart, dont les malheurs inouïs ont trop fait oublier à la postérité les talents et le courage, la reine, qui sentait que l'occasion étaie décisive, se multipliait pour concilier les devoirs, surmonter les obstacles, trouver les moyens.

Son premier salut de délivrée avait naturellement été pour la France, toujours préférée, en dépit de plus d'une ingratitude.

Marie avait dépêché en France le fidèle Beaton, pour y annoncer l'évasion dont il avait été le témoin et l'auxiliaire, et pour solliciter l'envoi immédiat de mille arquebusiers et surtout un secours d'argent, car elle était dénuée de tout, Murray ayant outrageusement fait main basse, non-seulement sur les revenus de la couronne, mais encore sur tout ce qui appartenait en propre à la souveraine dépossédée et dépouillée par lui.

Aux cris d'enthousiasme, aux préparatifs belliqueux des partisans de la reine, fanatisés par son apparition, avait répondu, dans le parti opposé, un sombre et soucieux silence, suivi de conciliabules quelque peu embarrassés et de mystérieux messages.

Seul au milieu du désarroi universel, de la contagion de la peur, des défections particulières menaçant d'un sauve-qui - peut général, Murray ne perdit point son sang-froid, et ne tarda pas à rendre le leur aux principaux de ses partisans, trop compromis pour espérer merci. Il leur fit sentir la nécessité d'une contenance ferme en cas de propositions conciliatrices et celle d'une résistance désespérée en cas de conditions trop rigoureuses, ou d'appel immédiat aux hasards du combat. Son exemple et ses raisons maintinrent son parti, convaincu comme lui que le salut était dans l'art d'être le plus fort ou celui de le paraître.

Un premier résultat, un premier succès fut ainsi obtenu par le régent. En se décidant pour la lutte, mais sans ostentation et sans défi, il provoqua habilement des ouvertures pacifiques qui lui permettaient de gagner du temps ou même de gagner la partie, car il connaissait sa sœur, et il ne pouvait se méprendre sur le sentiment généreux et imprudent comme toujours, qui la poussa à prendre l'initiative de pourparlers conciliateurs.

Était-ce manque de ressources, défiance de ses forces, répugnance à verser le sang, impatience de remonter de gré à gré, fût-ce au prix de quelques sacrifices inévitables, sur le trône où la victoire même pouvait l'asseoir moins solidement que la modération et la reconnaissance de rebelles épargnés ?

Il y eut de tout cela, sans doute, à la fois dans la détermination de Marie, de ne recourir qu'à la dernière extrémité au sort des armes, détermination qui permit au régent de rassembler, de rassurer ses partisans épars et démoralisés, et de se ménager dans une crise où il n'était pas moins intéressé qu'elle, les sympathies de la politique anglaise.

Quand Marie fut prête ou sentit la lutte inévitable, l'impatience des siens conspira encore contre elle et ajouta sa faute à celle du temps perdu. Il était dans la destinée de Marie d'être toujours victime de ses amis ou dupe d'elle-même, et la témérité des Hamilton allait lui faire perdre cette bataille qu'elle voulait sagement éluder. Elle avait raison. On ne l'écouta pas.

Mais nous n'avons, dans ces considérations, exposé que les moralités, pour ainsi dire, du sujet et les causes essentielles d'un nouveau et définitif désastre. Il importe de serrer les faits de plus près et de définir plus exactement, par leurs actes mêmes, l'attitude réciproque de Marie et du régent avant la lutte.

Quand Marie arriva au château d'Hamilton et y fit surgir du pied, pour ainsi dire, autour d'elle, une petite armée, Murray, accompagné seulement de quelques serviteurs, était non loin de là, à Glasgow, où il tenait en pleine sécurité une cour de justice.

C'est dans ce mince appareil que le surprit, sans le déconcerter, la nouvelle d'un danger si pressant que quelques-uns de ses amis, habitués à ces volte-face, Robert Melvil, par exemple, prirent le parti de prévenir un inévitable changement de la fortune, et d'abandonner celui qu'elle semblait abandonner elle-même. Un des premiers donc, Robert Melvil revint sans vergogne au parti de la reine, lui rapportant la bague que lui avait autrefois donnée Élisabeth, et qu'il avait jusque-là refusé de lui rendre.

Murray, résolu à tenir tête à l'orage et à profiter des chances d'une lutte précipitée avant que l'arrivée des renforts d'Ogilvy et de Huntly assurât à la reine même la supériorité du nombre, ne répondit point à l'invitation que Marie lui fit transmettre, à peine arrivée à Hamilton, de déposer son pouvoir mal acquis. Il continua sourdement ses préparatifs.

Alors la reine déclara devant la noblesse assemblée, que son abdication lui avait été violemment et abusivement extorquée ; et elle invoqua le témoignage de Robert Melvil et de Georges Douglas, présents à la scène de Lochleven. Les nobles, à l'unanimité, déclarèrent nuls et de nul effet les actes signés par la reine et les décisions du Parlement convoqué par l'usurpateur. Ils conclurent un pacte de résistance, signé, le 8 mars, par neuf comtes, neuf évêques, dix-huit lords, douze abbés et prieurs, et plus de cent barons, c'est-à-dire les trois quarts de la noblesse.

La reine fit part à Murray, dans un second message, de sa rétractation et de la ratification solennelle qui la consacrait. Elle lui offrait, pour lui et ses amis, le pardon plein et entier de leurs injures, à condition de leur soumission préalable et de la convocation d'un parlement réparateur et conciliateur. Murray répondit par des proclamations déclarant complice du meurtre de Darnley tout déserteur de sa cause.

Marie, qui venait d'apprendre enfin, et pour la première fois, les circonstances du meurtre et le nom des principaux assassins, offrit de livrer ceux qu'on lui nommerait, pourvu qu'on lui livrât aussi ceux qu'elle désignerait de son côté. Cette offre jeta l'alarme parmi les adhérents de Murray, et leur fit sentir le besoin de s'unir. Lethington, qui commençait à bouder, oublia ses griefs. Balfour se hâta de reparaitre, et Morton comprit que la victoire seule le sauverait du supplice. Ils arrêtèrent les messagers de la reine, et saisirent ses proclamations[1].

 

On se prépara donc des deux côtés à la lutte devenue inévitable. Les ministres réformés, alliés naturels de Murray, firent retentir les chaires de la prédication d'une sorte de guerre sainte. Murray posséda bientôt, grâce à ce recrutement du fanatisme et à cette propagande de l'anathème, 4.000 hommes autour de lui.

Il comptait davantage, avec raison, sur l'appui de l'Angleterre. Élisabeth couvrant, en effet, son dépit sous des apparences conciliatrices, dépêcha à Marie, tandis qu'elle retenait à Londres, sous de décevants prétextes, son envoyé Beaton, Thomas Leighton, porteur d'instructions du genre de celles qu'avait reçues Trockmorton, et tendant à l'acceptation de la médiation de l'Angleterre.

Avec quelque célérité que fût parti Leighton, il ne put arriver à temps pour précipiter, sous prétexte de le conjurer, un dénouement fatal, encore plus rapide que lui.

L'armée de la reine était nombreuse, mais sans direction et livrée à des influences rivales. Lord Claude Hamilton en avait en vain sollicité le commandement, que Marie crut devoir confier à un homme inférieur, comme caractère et comme talent, à son concurrent, mais moins exigeant que les Hamilton, qui se flattaient de voir la reine payer leurs services de l'octroi de sa main à lord d'Arbroath, neveu de l'archevêque de Saint-André.

Marie, vaguement inquiète de l'issue d'une lutte trop retardée et où l'intervention des renforts attendus des comtes d'Huntly et d'Ogilvy pouvait seule rétablir ses chances compromises, émit en vain le sage avis de temporiser et de se retirer à Dumbarton, pour choisir l'occasion d'un rencontre, à l'abri de fortes murailles.

Les Hamilton, dont l'ambition aiguillonnait l'impatience, n'accédèrent en apparence à ce désir que pour le tromper impunément.

L'armée royale se mit en marche sur Dumbarton, rendez-vous assigné à la noblesse fidèle convoquée en parlement ; mais cette marche ne fut ni assez rapide ni assez discrète pour échapper aux éclaireurs de Murray ; ni surtout aux délations des traîtres de l'armée royale.

Murray, qui s'était posté à Glasgow-Moor, fut averti que la reine avait adopté subrepticement une autre route et suivait la rive gauche de la Clyde.

Il prit aussitôt ses dispositions pour rencontrer l'armée royale et lui disputer, à l'improviste, le passage (13 mai).

Il fit en toute hâte passer la rivière à ses troupes : les gens de pied, sur le pont le plus voisin ; les cavaliers à gué, chacun ayant en croupe un arquebusier, afin de s'emparer au plus vite des hauteurs de Langside, et de barrer le passage à ses ennemis. L'avant-garde était conduite par Morton, Sempil, Lindsay et lord Hume. Le régent conduisait le reste de l'armée ; il avait avec lui Mar, Glencairn, Menteith, le master de Graham, Ruthven, Ochiltrée, Lethington, Balfour et trois des Melvil. Athol, de plus en plus dégoûté du gouvernement de Murray, n'était pas venu, et n'avait envoyé aucun de ses vassaux. Kirkcaldy de Grange avait la charge spéciale de surveiller la bataille.

Arrivé au sommet de la colline avec les borderers à cheval de lord Hume et les arquebusiers qu'ils avaient pris en croupe, Grange rangea une partie de ces derniers à l'entrée d'un chemin creux et étroit, par où devaient déboucher les troupes de la reine ; il abrita le reste dans les jardins et les cottages du village. Le gros de l'armée, formé par derrière sur deux colonnes, occupait le sommet de la colline, dont l'abord était rendu plus difficile par les haies et les fossés qui eu coupaient les flancs[2]...

 

Le corps de bataille de la reine comptait, outre Argyle qui, dès l'action imminente, soit politique, soit faiblesse, soit malaise sincère, était tombé frappé de la plus inopportune des indispositions, les comtes de Cassilis, d'Eglington et de Rothes, les lords Seaton, Somerville, Yester, Borthwick, Levingston, Sanquhar, Boyd et un grand nombre de barons. Lord Claude Hamilton, un des plus ardents partisans de Marie, conduisait l'avant-garde, composée de tous les Hamilton avec leurs vassaux et amis, au nombre de 2.000, et, loin de la modérer, excitait l'impatience de cette héroïque et téméraire élite.

La cavalerie, plus nombreuse que celle de Murray, était commandée par lord Herries et son frère Maxwell, intrépides et loyaux capitaines.

Mais une pensée unique n'inspirait pas ces éléments rivaux et indisciplinés d'une armée sans cohésion et sans harmonie. L'accès d'épilepsie du comte d'Argyle détruisit jusqu'à l'apparence d'une direction, et la bataille fut abandonnée au hasard.

Les deux armées s'arrêtèrent en face l'une de l'autre, à une portée d'arquebuse, et les avant-gardes s'entrechoquèrent en tirailleurs, tandis que, des deux côtés, le feu de l'artillerie ouvrait sa trouée sanglante par où devaient passer, dans un plus décisif et plus meurtrier élan, les masses d'infanterie poussant l'une contre l'autre leurs mêlées de piques, sous la protection de la cavalerie aux deux ailes.

Mais ce premier choc mal engagé fut sans autre résultat que celui, assez stérile, que produit la rencontre de deux troupes qui s'entament sans se pénétrer.

Le désordre de cette escarmouche de début, entrechoquant les borderers à cheval de lord Herries et de lord Hume, ne permit pas aux arquebusiers des deux partis de nourrir leur feu, et les sept canons de la reine échangèrent avec les six couleuvrines que le régent avait empruntées aux remparts de Stirling des volées intermittentes, qui firent plus de bruit et de fumée que de besogne, et ne percèrent pas, à travers les rangs restés intacts, la brèche qui est le chemin de la victoire.

Le combat se prolongeait, douteux, à travers la poussière et la fumée, et Marie, placée sur une éminence, à un demi-mille du fort de la lutte, en suivait les péripéties avec une inquiétude mêlée d'espérance, entourée de ses dames et gardée par lord Boyd, lord Fleming, le fils de lord Herries et un petit groupe de serviteurs dévoués.

Soudain un grand cri, formé de mille cris confus de colère et de détresse, retentit sur le champ de bataille, à l'entrée de ce défilé montueux ouvrant devant l'assaut des Hamilton, qui s'y précipitèrent avec l'impétuosité de l'ouragan, son amphithéâtre étroit, hérissé de piques et d'arquebuses, et vomissant, comme une gueule d'enfer, la flamme et la fumée.

C'est là que fut le point le plus ardent du combat, et que retentit au sein de l'escadron des Hamilton victorieux, mais décimés, ce cri de triomphe désespéré qui eut un si triste écho au cœur de la reine et de ses compagnons, car il annonçait à la fois le succès de l'attaque et l'épuisement des assaillants, l'escalade des Titans et leur chute.

Arrivés, en effet, au sommet de la colline, non sans semer de cadavres d'hommes et de chevaux chaque degré de ce chemin meurtrier, bordé de chaque côté d'une double embuscade, le clan des Hamilton, qu'avait diminué de moitié le feu croisé à travers lequel il tourbillonnait d'étage en étage, et dont les survivants étaient essoufflés, harassés, rencontra sur le plateau les troupes fraîches de Morton, couvertes par un bois de coudriers et défendues par des abattis d'arbres et des huttes de bûcherons.

Sur ce second champ de bataille succédant au premier, au haut de cette rampe fatale des gorges de Langside, la mêlée fut intense, furieuse, implacable, décisive.

Les Hamilton, qui ne pouvaient plus aspirer à la victoire, vendirent du moins chèrement la défaite inévitable.

Ce fut une suprême mêlée vraiment digne de son renom chevaleresque et légendaire.

On y vit des combats singuliers faits pour l'épopée. On y entendit, à travers le cliquetis des claymores faussant les cuirasses et taillant les chairs, à travers le sauvage chant de guerre des enfants des Highlands et le rauque chevrotement des cornemuses, de superbes défis, de sublimes adieux.

Autour des chefs qui tuaient et mouraient, s'agitaient, tuaient et mouraient aussi, entre-heurtant comme des béliers leurs jambes velues et leurs fronts coiffés de fer, les farouches montagnards qui, sur le granit rouge de sang et jonché de piques rompues, trouvaient encore moyen -de se battre sans armes, dans ce dernier corps à corps où tout est bon pour l'insulte et pour la blessure.

La chronique raconte en frémissant que, dans le délire de cette furieuse agonie, des adversaires mutilés se jetèrent au visage leurs pistolets déchargés, s'éventrèrent avec des tronçons d'épée et des éclats de hampe, et roulèrent les uns sur les autres jusqu'au bas de la pente en s'achevant des ongles et des dents !

Peut-être un si beau désespoir l'eût-il emporté et eût-il ramené la victoire hésitante du côté de cette poignée d'héroïques et tenaces champions de la reine, sans une de ces manœuvres familières à Kirkcaldy de Grange, qui tourna le coteau où ils se débattaient, ramena à la charge leurs adversaires prêts à lâcher pied, et enveloppa dans une décisive attaque de front et de flanc, les Hamilton victimes de la supériorité du nombre et de la position.

La bataille était perdue, irrémédiablement perdue. L'armée royale en désordre, prise d'une panique irrésistible, fuyait dans toutes les directions, fondait en un clin d'œil dans ce sauve-qui-peut aveugle et sourd que rien n'arrête.

Marie, éperdue, voulut tenter un dernier effort, rallier ses troupes débandées, charger à leur tête, gagner le temps d'attendre les renforts d'Huntly et d'Ogilvy. Les deux chefs accouraient avec des troupes fraîches qui ne purent que prendre part à la déroute, déçues et démoralisées par cette lutte si courte et si pleine cependant.

Elle n'avait duré qu'une heure, et elle coûtait à la cause royale trois cents morts, dont cinquante du seul nom de Hamilton, et trois cents prisonniers, parmi lesquels, blessé, lord Seaton, un des meilleurs amis de la reine et un de ses meilleurs chefs. Le comte d'Argyle aussi avait trouvé moyen de se faire prendre, pour justifier, sans doute, son inaction. Le régent fit dédaigneusement rendre à la liberté cet adversaire, plus utile que redoutable[3].

Marie, qui avait poussé son cheval en avant pour ramener les fuyards et charger l'ennemi, ne se laissa détourner par ses amis et ses serviteurs de cette héroïque folie, et ne consentit à les suivre vers l'asile qu'ils lui proposaient que par crainte du sort le pire de tous, et dont la pensée seule la glaçait d'horreur : retomber, entre les mains des rebelles triomphants.

Quand elle songea à un second retour à Édimbourg pareil au premier, à un nouveau Lochleven, elle se précipita vers le salut, même acheté au prix de la fuite.

Le chemin de Dumbarton lui étant déjà fermé par l'ennemi, qui la devança sur les bords de la rivière qu'il lui fallait traverser pour parvenir à la forteresse fidèle, elle retourna bride, sur le conseil de lord Herries, du côté de la Galloway, où elle serait en sûreté, et d'où elle pourrait, s'il le fallait, se retirer à l'étranger. Elle éperonna donc fiévreusement le galop de son cheval dans cette direction, escortée par Herries et son fils, les lords Levingston et Fleming, Georges et Willie Douglas.

Ils coururent ainsi toute la nuit à travers champs. Marie et son groupe fidèle ne s'arrêtèrent qu'à Sanquhar, après avoir fourni d'une traite soixante milles.

De Sanquhar, lord Herries la conduisit dans sa résidence de Terregles. On raconte que, comme elle passait devant le château fort de Carlston, qui avait appartenu à Bothwell, lord Herries le lui désigna comme un lieu de refuge, mais que Marie, très-agitée et fondant en larmes, se précipita en avant sans rien répondre. Après qu'elle eut traversé la Dee, ceux qui l'accompagnaient coupèrent le pont, et en jetèrent les débris dans la rivière. Alors, un peu rassurée, elle osa frapper à la porte d'une chaumière, et demanda de quoi apaiser sa faim et sa soif. La pauvre femme qui l'habitait lui servit du pain noir et du lait. Marie, avant de se remettre en route, demanda à son hôtesse quel bien elle pouvait lui faire pour reconnaitre son hospitalité. La femme déclara que sa plus grande joie serait de posséder en propre le cottage qui l'abritait, et le champ qui était autour. Oubliant qu'elle n'était plus qu'une fugitive sans ressources, Marie promit de les lui donner. Ce fut sans doute lord Herries qui tint la promesse de sa reine[4].

 

Marie continua cette vie errante et fugitive jusqu'au 15 mai, où elle arriva enfin au terme de ses pérégrinations nocturnes, et put s'arrêter avec sécurité à l'abbaye de Dundrennan, près de Kirkudbright.

Elle y fut rejointe par l'archevêque de Saint-André et quelques-uns de ses défenseurs, échappés de Langside, qui venaient délibérer avec elle sur le meilleur parti à prendre.

En ce qui touchait l'Écosse, ce parti ne pouvait être que désespéré. Marie put mesurer l'étendue du désastre de Langside au découragement de ses partisans, et à l'implacable acharnement avec lequel Murray abusa de sa victoire.

Dès le lendemain, Marie ne put l'apprendre sans un transport de colère et de douleur, le régent avait publié une proclamation monstrueuse, arrachée à l'innocence de Jacques enfant, dans laquelle le fils, après avoir énuméré les prétendus crimes de sa mère, l'accusait d'avoir voulu le faire mourir pour lui ravir violemment la couronne.

Ce dernier coup acheva d'exalter et d'abattre à la fois une reine fugitive, proscrite, que soutenait seule dans ses tribulations la pensée de l'amour de ce fils par qui on la faisait injustement maudire.

Cet appui de l'ambition et de la confiance maternelle manquant tout d'un coup à Marie, elle cessa d'être héroïquement inspirée, et se laissa aller aux sentiments ordinaires d'une femme dont des épreuves trop répétées ont troublé l'esprit et détendu les ressorts.

Il n'y avait plus de compromis possible entre elle et un Murray. Elle ne pouvait en espérer de pitié ni lui promettre le pardon. D'un autre côté elle se faisait un scrupule d'exposer, par sa présence, ses serviteurs auxquels leur dévouement allait déjà coûter si cher, à continuer une lutte inutile, et à aggraver ainsi les représailles d'un vainqueur implacable.

Lutter, toujours lutter, peut-être pour tomber plus bas encore ! Ne valait-il pas mieux épargner à la fortune la peine de ses dernières rigueurs et se réfugier décemment, du moins, et libre encore, dans le repos d'une hospitalité amie ?

Mais où se retirer, quel asile choisir ? La France aurait eu les préférences de l'esprit de Marie, comme de son cœur. Mais la France était bien loin. Et quelle épreuve que de revenir proscrite et déchue dans ce pays où elle avait régné, et où elle avait eu le pas sur cette Catherine de Médicis dont il lui faudrait maintenant subir l'ombrageuse tutelle et suivre humblement la grande robe noire ! Non, c'était impossible.

Ne valait-il pas mieux prendre le parti le plus naturel, le plus facile, le plus habile dans sa confiance hardie, téméraire même, au dire de plus d'un ? Ne valait-il pas mieux, jugeant Élisabeth non telle qu'elle était, mais telle qu'elle devait être, venir, par la plus flatteuse des démarches, se réfugier dans les bras d'une sœur dont la jalousie n'avait plus de prétextes devant une telle infortune, et obliger la secrète alliée de Murray à se faire sa protectrice ? Que pouvait-elle avoir à craindre après tout ? Et ne serait-il pas toujours temps, après avoir épuisé les amertumes de l'exil en Angleterre, s'il ne répondait pas à ses espérances, de faire appel à la France ?

Telle est, évidemment, la série de raisonnements ou plutôt de sentiments, — car Marie ne raisonna pas cette fois, en proie au dégoût et au découragement, avec sa finesse ordinaire, et s'abandonna à ces illusions généreuses qui devaient la perdre — par lesquels la reine fut conduite à abandonner la lutte armée en Écosse pour la lutte politique en Angleterre, et à se confier à la médiation d'Élisabeth, sa cousine, sa voisine, sa protectrice naturelle, qui semblait, depuis ses derniers malheurs, être disposée à ce rôle, et qui ne pouvait manquer décemment à un devoir supérieur à tous les intérêts.

Qui pourrait blâmer Marie, puisque, si elle eût réussi, le parti qu'elle prit eût été le meilleur, et qu'il n'a contre lui que les malheurs qui en furent la suite ? Du moins n'y a-t-il pas lieu de reprocher à ses serviteurs de l'avoir encouragée dans un dessein qu'ils blâmèrent et désapprouvèrent, au contraire, hautement, sous l'influence de pressentiments plus clairvoyants que les illusions de la reine.

Lord Herries, au premier mot de refuge en Angleterre, fit le bond d'un soldat à qui on proposerait de traverser un chemin sur lequel il flaire une embuscade. Il représenta avec sa franchise énergique à Marie qu'il n'y avait aucun fond à faire sur les démonstrations de cette reine suspecte, dont l'eau dormante couvrait des abîmes. Chercher un asile entre ses bras, c'était se jeter dans la gueule du loup. Marie savait bien comment elle entrerait en Angleterre, mais savait-elle comment elle en sortirait ?

Ces conseils et ces reproches ébranlèrent la reine sans la convaincre. Son parti était pris, la contradiction ne fit que l'y confirmer comme le marteau ne fait qu'enfoncer le clou.

Elle refusa obstinément de rester un moment de plus en Écosse, où lord Herries s'engageait, sur sa tête, à la maintenir quarante jours, attendant, dans l'insondable Galloway, l'occasion de profiter d'une revanche ou, tout au moins, de se retirer sous bonne escorte dans une forteresse imprenable.

Elle persista à ne pas continuer une lutte où la trahison se servait contre son honneur d'armes si déloyales. Elle repoussa, enfin, l'avis de choisir en France un asile préférable, sans doute, s'il ne fallait le demander à Catherine de Médicis, et, en passant la mer, paraître renoncer à la couronne.

Alors l'archevêque de Saint-André et ceux qui étaient là se jetant à ses genoux, la supplièrent de ne point aller en Angleterre, parce qu'elle y serait retenue captive, et ne rentrerait jamais dans ses États. Et ils lui citèrent plusieurs exemples des perfidies de la nation anglaise â l'égard des trois rois d'Écosse ses prédécesseurs. Rien ne put la faire changer de résolution. Quelques-uns des seigneurs présents, ne prévoyant que trop les funestes conséquences d'un aveuglement que, seule, elle partageait, lui demandèrent des lettres de décharge, pour témoigner que c'était malgré eux qu'elle agissait ainsi[5].

 

Sa fatale détermination prise, Marie commença à la mettre à exécution, en l'annonçant à Élisabeth par la lettre suivante :

Ma très-chère sœur, sans vous l'aire le récit de tous mes malheurs, puisqu'ils vous doivent entre connus, je vous diray que ceux d'entre mes sujets à qui j'avais faict plus de bien, et qui m'avaient le plus d'obligation, après s'estre soublevez contre moy, m'avoir tenu en prison et traittée avec la dernière indignité, m'ont enfin entièrement chassée de mon royaume, et réduite en un tel estat, qu'après Dieu je n'ay plus d'autre espérance qu'en vous ; permettez donc, s'il vous plais, ma chère sœur, que j'aie l'honneur de vous voir au plus tost, afin que je vous puisse entretenir au long de mes affaires. Cependant je prie Dieu qu'il vous comble de ses faveurs, et qu'il me donne la patience et les consolations que j'attends de recevoir de sa sainte grâce par vostre moyen[6]...

 

En même temps qu'elle expédiait cette lettre à Élisabeth, Marie faisait demander à Lowther, qui commandait à Carlisle pour lord Scroope, si la reine d'Écosse, réduite à se réfugier en Angleterre, pouvait le faire impunément. Lowther répondit qu'il ne pouvait prendre aucun engagement en l'absence de lord Scroope, qui était à Londres en ce moment.

Marie n'attendit pas d'autre assurance. Le 16 mai, elle s'embarqua à Dundrennan sur un bateau de pêcheur, avec une escorte de dix-huit personnes, qui, quoique dénuées de tout, comme leur maitresse, voulurent partager sa fortune. A peine débarquée à Worthington, dans le Cumberland, elle écrivit de nouveau à Élisabeth[7]...

 

Dans cette longue lettre, exposé de ses griefs contre les rebelles et de ses malheurs, la reine errante implorait de la reine heureuse un asile hospitalier, une médiation protectrice et, tout d'abord, des secours pour sa détresse.

Mays Dieu, par son infinie bonté, m'a préservée, m'estant sauvée auprès de milord Heris, lequel et aultres seigneurs qui sommes venus en vostre pays, estant assurée qu'entendant leur cruaulté (de Murray et des siens) et comme ils m'ont traitée, que, selon votre bon naturel et la fiance que j'ay en vous, non-seulement me rescevrés pour la seureté de ma vie, mays m'aiderés et assisterays en ma juste querèle, et semondrays les autres princes fayre le semblable.

Je vous supplie le plus tost que pourrés m'envoyer quérir, car je suis en piteux estat non pour Royne, mais pour gentilfame. Car je n'ay chose du monde que ma personne, comme je me suis sauvée, faysant soixante miles à travers champs le premier jour, et n'ayant despuis jamays osé aller que la nuit, comme j'espère vous remonstrer, si il vous plest avoir pitié, comme j'espère, de mon extresme infortune, de laquelle je laysseray à me lamenter pour ne vous importuner, et pour prier Dieu qu'il vous doint, etc... Votre très-fidélle et affectionnée bonne sœur et cousine et eschappée prisonière. MARIE R.[8].

 

A ce moment, Marie avait franchi le golfe de Solway ; elle avait renoncé à traiter avec ses sujets, à chercher un asile en France. Elle s'était réduite à ne plus pouvoir rien espérer que de l'Angleterre, sans songer combien un tel isolement et une telle détresse faisaient les affaires de la politique anglaise, et combien allait être grande, chez Élisabeth et surtout chez ses ministres, la tentation de profiter de l'occasion unique de satisfaire à la fois leur haine et leur ambition.

Nous voulons croire, pour l'honneur de la nature humaine, qu'Élisabeth n'arriva point du premier coup, mais par une pente insensible, à ce chef-d'œuvre d'égoïsme et de perfidie, par lequel elle allait transformer la reine proscrite en accusée et l'accusée en prisonnière.

Sans doute elle n'étouffa point sans combats, sans regrets, sans remords, les murmures de sa conscience et le cri de ses entrailles, à la pensée d'un traitement qui allait décevoir de si justes espérances et aggraver de si cruelles misères.

Oui, il est probable qu'elle eut un premier mouvement d'hésitation et de scrupule en revoyant la bague, gage d'amitié et de protection donné à Marie et que celle-ci lui renvoyait en lui demandant l'une et l'autre avec confiance.

Et, malgré son avarice, elle ne put pas apprendre impunément par Lowther, que l'appareil de la reine d'Écosse était si mince qu'elle n'avait pas de quoi se changer et bien peu d'argent, à ce qu'il semblait ; car il avait dû subvenir aux frais de son voyage et fournir des chevaux pour elle et pour sa suite.

Ainsi parlait de l'état dans lequel il avait trouvé cette reine, jadis si brillante et si fière qu'Élisabeth ne l'avait détestée qu'à force de l'envier, le lieutenant de lord Scroope. Il conduisit la reine de Wortington à Cockermouth et de là à Carlisle, avec tous les honneurs dus à son rang, au milieu des manifestations sympathiques de la noblesse du district, accourue sur son passage.

Mais dans le cortège se trouvaient cinquante soldats armés, dont la présence n'était pas d'un trop bon augure. Arrivée à Carlisle, Marie fut conduite dans le château, à sa grande surprise. Elle demanda à être logée ailleurs ; Lowther répondit que c'était impossible[9]...

 

En effet, à Carlisle, l'avisé commandant ne tarda pas à recevoir les instructions restrictives qu'il avait pressenties ou devancées. Élisabeth avait résolu de profiter de l'occasion, et donnait l'ordre de bien traiter, mais de bien garder la proscrite trop confiante dont elle allait chercher à régulariser et à légaliser la détention.

Pour être juste, même envers Élisabeth qui le fut si peu, il faut tenir compte, pour arriver à l'appréciation équitable de sa conduite, non-seulement des scrupules de la générosité et des devoirs de l'hospitalité, mais aussi de l'imprudence de Marie, qui avait mis Élisabeth à l'épreuve d'une tentation trop forte pour elle, des mœurs du temps et des intérêts d'une politique implacable, très-bien démêlés dans le passage suivant :

Élisabeth ramènerait-elle Marie triomphante en Écosse ? Lui accorderait-elle simplement l'hospitalité en Angleterre ? Lui permettrait-elle de se retirer librement en France ? Tels étaient les trois partis qu'elle pouvait prendre, et qui semblaient conformes ou aux sentiments qu'elle avait montrés à Marie Stuart, comme parente, ou aux obligations qu'elle s'était reconnues envers elle, comme reine. Mais ces trois partis lui parurent également dangereux.

Elle craignait que si Marie recouvrait son trône, elle ne s'entendit avec la cour de Rome et les cours catholiques du continent afin d'abattre le parti protestant en Écosse, et ne reprit ensuite ses prétentions sur l'Angleterre ; que si elle restait libre en Angleterre, elle n'y devint une cause permanente d'excitation, un centre d'intrigues et de complots pour les catholiques, très-nombreux et très-puissants, de ce royaume, qui, la regardant comme leur souveraine légitime, conspireraient avec elle, et se soulèveraient probablement pour elle ; enfin, que si elle se retirait en France, elle n'y préparât, d'accord avec ses oncles et les princes ses alliés, une expédition militaire, destinée à soumettre l'Écosse, ce qui l'obligerait elle-même à soutenir dans ce pays l'autorité du régent, à y défendre les intérêts du protestantisme, et l'exposerait aux suites redoutables d'une lutte nouvelle.

Croyant, d'après sa propre expérience, les positions plus fortes que les promesses, et les nécessités de la politique supérieures aux sentiments de la gratitude, elle n'admit pas que Marie Stuart pût devenir à son égard, comme elle s'offrait à l'être, une amie dévouée et une protégée reconnaissante. Elle ne consulta donc que la raison d'État, sa règle à peu prés unique durant quarante années, et elle résolut de garder entre ses mains la reine imprudente qui s'y était mise. Elle espéra assurer ainsi sa prépondérance en Écosse, et affermir sa sécurité en Angleterre[10]...

 

Nous avons insisté avec quelque développement sur ces considérations lumineuses qui, placées à l'entrée de la dernière partie de cette histoire, en éclairent si profondément les mystères.

Nous pénétrons maintenant l'égoïste et implacable mobile de l'acharnement inouï d'Élisabeth contre une proscrite qu'elle changea en prisonnière et une prisonnière qu'elle changea en victime.

Nous comprenons la mise en mouvement, dès le mois de mai 1568, par une main inexorable, de cette machination subtile et mortelle dont l'invisible et inévitable engrenage saisira Marie par un pan de sa robe d'héroïne et mettra vingt ans à dompter ses résistances, à étouffer ses plaintes, à broyer sous sa roue son inviolabilité et son innocence, à la torturer vivante, à la souiller morte.

A peine Marie est-elle arrivée à Carlisle, que fonctionnent les premiers de ces machiavéliques ressorts. En attendant une raison de retenir dans son royaume une princesse, sa parente et son égale, qui ne lui avait fait aucun tort et sur laquelle elle n'avait aucun droit, Élisabeth se contenta d'un prétexte, et, en attendant qu'elle le trouvât, elle le supposa.

A peine arrivée à Carlisle, Marie, dépouillée subtilement, pli par pli, et si habilement que ce fut comme à son insu, de ses privilèges et de sa liberté, fut bientôt étroitement surveillée, d'après un warrant d'Élisabeth, qui prescrivait au shérif et aux juges de paix de Cumberland, de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu'elle ne s'échappât point. Lady Scroope, sœur du duc de Norfolk, fut chargée d'aller demeurer auprès d'elle. Sir William Drury eut ordre de faire partir cinquante arquebusiers de Berwick pour Carlisle, où Élisabeth envoya lord Scroope, gardien de cette frontière, et le vice-chambellan, sir Francis Knollys, avec la mission secrète de garder la reine d'Écosse comme si elle était déjà prisonnière[11].

Cette mission décevante de Scroope et de Knollys est intéressante à étudier rapidement. Car c'est la première carte hasardée de cette partie de vingt ans. C'est le premier coup de griffe, faisant encore patte de velours, de la chatte à la souris.

En lui remettant les lettres de condoléance d'Élisabeth, ses deux envoyés devaient dire à Marie que leur souveraine prenait beaucoup de part à son infortune, mais qu'elle ne saurait la recevoir avant qu'elle eût prouvé son innocence dans le meurtre de son mari. La nécessité de cette justification préalable était le moyen qu'Élisabeth avait imaginé pour l'éloigner de sa présence, et la retenir dans ses États[12].

 

C'était là une honteuse violation du droit des gens ; car Marie n'était en rien placée sous la juridiction d'Élisabeth, et celle-ci, en la retenant prisonnière, faisait offense à la première condition de la justice, qui est de considérer l'inculpé comme innocent et de le laisser libre.

Élisabeth sentait bien le vice de son système et ne se faisait pas illusion sur l'inanité de son droit.

Mais elle se flattait que l'hypocrisie universelle pardonnerait à son hypocrisie d'avoir pris, par-dessus tout, souci de la dignité des couronnes, et de n'avoir usurpé un droit que pour remplir un devoir.

Elle comptait sur la complicité des circonstances, sur l'habileté que mettrait Murray à servir une accusation qu'il avait fomentée, et dont le succès était son salut ; sur la faute que Marie commettrait, sans doute, d'accepter le débat après l'avoir refusé, et de l'éluder après l'avoir accepté, ce qui permettrait de la présumer coupable, sinon de la convaincre, et de la détenir en feignant de l'épargner.

Élisabeth ne se trompait dans aucune de ces prévisions si monstrueusement préconçues. Et les circonstances, en effet, aidées par l'art raffiné de Cecil et de ses instruments, allaient favoriser la haine jusqu'à lui permettre de se déguiser en justice, et trahir l'innocence jusqu'à la faire paraître coupable.

N'oublions pas, pour expliquer ce contraste, la différence de la situation réciproque des parties.

Marie est affligée, séquestrée, isolée de ses serviteurs, privée des communications et des conseils utiles à sa défense. Elle est dans le dénuement le plus complet et le plus humiliant.

Et contre cette ennemie désarmée, Élisabeth et Murray unissent, en vue du triomphe nécessaire, indispensable à la sécurité de l'un, à la réputation de l'autre, toutes les ressources de leur habileté et tous les moyens d'intimidation et de corruption contre lesquels lutte si inégalement l'innocence prisonnière.

Murray prenait le rôle de vengeur du roi, qu'il avait laissé assassiner, et Élisabeth, pendant qu'il se préparait à flétrir l'honneur conjugal de sa sœur, répondait aux sollicitudes de la France par les plus rassurantes nouvelles, et invoquait gracieusement auprès de Catherine de Médicis, qui souriait de son énigmatique sourire, le privilège de la parenté et du voisinage pour prodiguer à Marie les consolations d'une sœur jalouse de lui faire oublier les injustices de la fortune.

L'Écosse fanatisée, la France paralysée, Murray faisait vendre impunément, en Angleterre, pour se procurer sans doute des arguments, les bijoux de la reine d'Écosse. Élisabeth se parait sans vergogne de la dîme de ce butin ; et Charles IX, abusé, bornait les instructions de M. de Montmorin à de vagues assurances de condoléance et de sympathie. Une fois tout en train, enfin, on mettait, discrètement encore, toutefois, la cloche de l'accusation en branle, non sans avoir pris les précautions nécessaires pour assourdir celle de la défense.

Le premier choc des illusions de Marie contre les décevantes dispositions manifestées par Élisabeth, ne fut pas, comme on le pense, à l'avantage de cette dernière, et les deux négociateurs durent recevoir plus d'une éclaboussure de l'étonnement indigné de la reine d'Écosse, à la lecture de la lettre équivoque où sa sœur déclarait qu'elle croyait trop à son innocence pour lui faire l'injure de la recevoir avant qu'elle n'en eût fourni l'éclatante preuve.

Marie, profondément émue, prit à part Scroope et Knollys, et, avec des larmes dans les yeux et de la passion dans la vois, elle se plaignit de ce qu'Élisabeth répondait si mal à son attente, et refusait de la recevoir. Elle demanda que sa bonne sœur lui fournit des secours pour soumettre ses sujets rebelles, ou qu'elle lui laissât traverser ses États, pour aller en France implorer le secours des princes étrangers ; car c'était librement qu'elle s'était mise entre les mains d'Élisabeth, la meilleure partie de ses sujets lui restant encore attachée. Ceux qui se sont révoltés, dit-elle, ne l'ont fait que pour conserver par la violence des biens que je leur avais trop libéralement concédés. Le meurtre du roi qu'ils font semblant de poursuivre n'est qu'un prétexte, car ils sont eux-mêmes les meurtriers. Et elle accusa nommément Morton et Lethington[13].

Lord Scroope, et surtout Knollys, emportèrent de cette entrevue une impression tout en faveur de Marie Stuart, et ne purent se défendre, l'un de l'admiration, l'autre de la pitié.

Marie méritait ce flatteur témoignage, que nous citerons tout à l'heure, par son activité et ses efforts pour tirer au net une situation fausse et ramener à elle une reine évidemment prévenue.

Dans la lettre du 28 mai, écrite le jour male de sa première entrevue avec les envoyés d'Élisabeth, Marie posait très-habilement et très-dignement le terrain de ses rapports avec Élisabeth.

Elle attribuait son parti de se réfugier en Angleterre au désir de venir en personne lui faire sa complaynte contre l'ingratitude de ces sujets rebelles qu'elle n'avait épargnés qu'à sa recommandation, et de se décharger vis-à-vis d'elle librement, volontairement, et sur le pied d'égalité seul acceptable pour une reine innocente, des fausses imputations par lesquelles ils avaient cherché à la compromettre à ses yeux et à justifier leur usurpation.

Par cette lettre, Marie accréditait auprès d'Élisabeth lord Herries et lui faisait part de la mission semblable donnée à lord Fleming vis-à-vis de la cour de France, la priant d'autoriser et faciliter son voyage.

Marie terminait sa lettre par de justes plaintes sur le traitement qui lui avait été fait au nom d'Élisabeth, si différent de celui qu'elle était en droit d'attendre, et par le regret que sa cause éprouvât, par la faute de sa protectrice naturelle, un retard préjudiciable.

Elle demandait la liberté de chercher ailleurs un asile plus hospitalier ou la permission de se rendre auprès d'Élisabeth, selon sou droit de reine et sou vœu d'amie.

Tous ces regrets et ces reproches discrets étaient adoucis par cette tendre finale, où le soupir se change en un baiser :

Souvenès-vous que j'ay tenu promesse ; je vous envoyés mon encor en bague, et je vous ay aporté le vray et corps ensemble, pour plus seurement nouer ce nœud, si à vous ne tient.

 

Cette manière d'envisager la question et de poser le débat n'eût point fait l'affaire de Murray ni celle d'Élisabeth, car Marie n'eût pas eu de peine, si les situations fussent demeurées intactes et les faveurs égales, à faire triompher son innocence et à reconquérir sa liberté.

Or l'intérêt d'Élisabeth était que Marie fût coupable ou parut l'être, seul moyen, pour sa prétendue amie, de demeurer sa geôlière.

Élisabeth n'opposa donc aux justes et pressantes instances de Marie, qui passait bientôt de la prière à la plainte et de la plainte au reproche, que son énervant système d'équivoque, de subtilités dilatoires, donnant chaque fois un tour de roue de plus à la machine d'isolement, de captation, d'intimidation, sous laquelle elle tenait sa prisonnière.

476 MARIE STUART.

Tous les moyens lui étaient bons pour arriver à dompter l'énergie et à affaiblir la résistance de l'infortunée souveraine ; loin de la guérir d'un seul coup de ce mal de la misère dont souffrait sa fierté, elle n'apportait au dénuement de la reine d'Écosse qu'un soulagement parcimonieux et comme dérisoire.

Élisabeth avait pitié de sa pauvreté comme elle avait pitié de ses malheurs. Elle lui envoya quelques effets, mais tels, que Scroope et Knollys en eurent honte, et pour celle qui les offrait, et pour celle à qui ils étaient destinés. Marie eut le bon goût de ne point paraitre offensée ; et Knollys crut devoir excuser sa maîtresse, en disant que c'était lui qui s'était mal expliqué. L'envoi consistait, dit l'ambassadeur espagnol, en deux vieilles chemises, deux paires de souliers, et deux pièces de velours noir[14]...

 

Marie ne tarda pas à reconnaître quelle imprudence elle avait commise en se jetant dans les bras de cette reine qui l'embrassait à l'étouffer, et dont l'hospitalité était la captivité d'un autre Lochleven.

Mais la faute était commise, il fallait en tirer le meilleur parti possible, appeler au besoin la ruse au secours de la faiblesse, feindre la confiance pour l'inspirer, se tirer, en la caressant, des griffes de la harpie.

C'est ce que fit Marie, et ses lettres du mois de juin attestent les ressources de son esprit, l'habileté avec laquelle elle profite des moindres faveurs de sa situation, l'art avec lequel elle joue avec les susceptibilités d'influences rivales, enfin la  supériorité de sa défense sur l'attaque dans une lutte où Élisabeth ne triomphe que par l'avantage d'être sans cœur et sans scrupules.

Cette impassibilité insensible, ces yeux et ces oreilles de Fatalité, elle ne parvint pas à les donner à ses envoyés, qui ne pouvaient voir et entendre impunément Marie, qui rougissaient de leur rôle et s'indignaient qu'on les obligea à tromper une personne qu'ils ne pouvaient s'empêcher d'admirer. Les aveux de Knollys, à cet égard, sont caractéristiques. Le 29 mai, les deux envoyés d'Élisabeth lui communiquaient, en ces termes, leur première impression :

Nous jugeons, d'après ses réponses, qu'elle possède une bouche éloquente et une tête avisée ; il nous semble, en outre, qu'elle est douée d'une grande énergie et d'un cœur généreux[15].

 

Et ils concluaient qu'il était difficile de retenir longtemps impunément prisonnière une princesse demeurée populaire en Écosse, dont la courageuse infortune avait suscité des dévouements héroïques et ne pouvait qu'exciter l'intérêt de toute l'Europe.

Le 11 juin, Knollys, écrivant à Cecil, mettait naïvement les pieds dans le plat, et il confessait qu'il n'y avait d'autres expédients pour justifier un traitement si peu conforme au caractère de Marie et aux devoirs d'Élisabeth, que ceux que pouvait offrir une accusation fondée ou non.

Cette lettre, on peut le dire, est de celles que la postérité doit lire, car elle est, dans la balance de la justification de Marie Stuart, d'un poids décisif, dont, certes, son auteur ne se doutait point.

J'ai hâte de savoir quelle conduite nous devons tenir à l'égard de cette dame. Il est temps de renoncer à la dissimulation et aux faux semblants... Assurément, c'est une femme rare et tout à fait supérieure ; de même qu'elle ne se laisse prendre à aucune flatterie, de même la franchise ne semble point l'offenser, si elle croit que son interlocuteur est un honnête homme... Elle ne tient pas à l'étiquette ni à la pompe, pourvu qu'on reconnaisse sa condition de reine. Elle aime beaucoup à converser ; elle est hardie, enjouée et familière. Elle se plaît à entendre parler de bravoure ; elle fait l'éloge, par leur nom, de tous les hommes renommés pour leur courage dans son royaume, et ne cache point son dédain pour les lâches, même s'ils sont ses partisans. Ce qu'elle désire le plus ardemment, c'est d'être vengée de ses ennemis, et de remporter sur eux la victoire ; que ce soit par l'épée de ses amis, par ses libéralités ou par les divisions, peu lui importe, à ce qu'il semble. Pour en venir à bout, peines et périls lui seraient agréables. Les richesses et tout le reste lui paraissent méprisables au prix de la victoire. Que faire avec une telle dame et princesse ? S'il faut la nourrir chez soi, ou dissimuler avec elle, je le laisse à votre jugement. La politique la plus sûre et la plus expéditive serait d'aider le régent à propos ; et si l'on pouvait faire apparaitre des taches sur le manteau de cette reine, le plus tôt serait le meilleur[16].

 

Le digne Knollys prêchait un converti, quand il ne voyait d'autre moyen de retenir Marie que de la diffamer, et qu'il le recommandait au ministre qui en avait fait la base même de sa politique. Déjà, en effet, dans son mémoire sur les inconvénients et les avantages de la venue de Marie en Angleterre, Cecil avait mis en tête de ses conseils, celui-ci : Se faire envoyer d'Écosse toute espèce de preuves pour la convaincre de la mort de son mari, après quoi sa cause sera soumise au jugement de la reine d'Angleterre[17].

Mais l'entreprise n'était point sans délicatesse ni sans difficultés, en dépit de la faveur partiale des circonstances et des avantages de la force, et il fallait un bras bien habile et un filet aux mailles à la fois bien souples et bien solides pour envelopper et paralyser les résistances d'une femme intrépide et prisonnière, capable de tout pour défendre son innocence et reconquérir sa liberté.

Lord Scroope et Knollys étaient impatients de se décharger de la responsabilité d'une garde de plus en plus hasardeuse, en dépit d'une escorte de cavaliers armés et de mille autres précautions. Marie, écuyère consommée, se plaisait, en riant, à multiplier les alertes de ses compagnons, et à les défier à la course d'un provoquant galop.

Il fallait couper les ailes d'une prisonnière si disposée à les ouvrir. Et c'est ce qu'on fit à la première occasion favorable.

En attendant l'issue inévitable d'une lutte inégale, ni l'une ni l'autre des deux reines adversaires ne négligeait rien pour parvenir à son but. Marie envoyait à Londres, comme nous l'avons dit, lord Herries chargé de négocier auprès d'Élisabeth et lord Fleming, investi par elle de la mission, après avoir sondé les dispositions de la reine d'Angleterre, de pousser jusqu'en France et de lui ménager, en engageant, au besoin, les revenus de son douaire, un appui efficace d'hommes et d'argent.

En même temps, elle invitait formellement le comte de Huntly à continuer la résistance en Écosse et à grouper ses partisans en confédération.

Élisabeth, de son côté, dépêchait à Carlisle et à Édimbourg, un nouvel envoyé, Midlemore, parent de Throckmorton, habitué à conduire avec dextérité des négociations ambiguës, et porteur pour la reine d'Écosse et pour Murray, le régent usurpateur, d'assurances contradictoires.

Murray, contraint par la nécessité, séduit par l'espérance, reçut avec une résignation facile les remontrances affectées d'Élisabeth, et se soumit volontiers, tout en continuant à se livrer, vis-à-vis des partisans de Marie, à une persécution impitoyable, à la réquisition que lui adressait Élisabeth, de comparaître devant elle, afin d'expliquer et de justifier ses actes. Il fit volontiers le sacrifice de ses susceptibilités personnelles et de l'indépendance de son pays, en acceptant une intimation qui vassalisait la couronne d'Écosse.

Mais Marie, qui n'avait pas les mêmes raisons d'être docile, se plaignit avec une juste amertume de l'humiliation à laquelle on voulait la condamner. Et elle persista à maintenir le débat sur l'unique terrain compatible avec sa dignité.

Elle voulait bien faire à la médiation bienveillante d'Élisabeth la concession de se justifier, sur le pied de l'égalité et de la liberté, devant sa parente et son amie.

Mais elle se refusait à tout ce qui pouvait ressembler à une reconnaissance du droit de suzeraineté que s'arrogeait la reine d'Angleterre, et elle repoussait ce rôle d'accusée prisonnière, indigne d'une reine innocente, qui voulait bien condescendre à exposer ses griefs contre des sujets rebelles, mais non descendre à discuter leurs accusations.

Que si Élisabeth trompait sa confiance au point de méconnaître cette juste prétention, qu'elle cessât du moins de la retenir, et ne trouvât point mauvais que la reine d'Écosse cherchât ailleurs des amis plus impartiaux et des souverains plus fidèles aux devoirs de la solidarité entre personnes couronnées.

Tel est le thème constant, parfois brodé avec une singulière énergie et une pénétrante éloquence, des négociations, des lettres, ou des conversations de Marie avec Élisabeth et ses envoyés.

Elle y maintient nettement son droit, non d'être jugée, mais d'être entendue ; non de se défendre, mais d'accuser. Tout en tenant compte des nécessités de la politique et des susceptibilités de la rivalité anglaise, elle ne réserve pas moins clairement son droit d'ordonner comme souveraine en Écosse, d'y encourager ses partisans, d'y autoriser Argyle et Huntly à les réunir, et de confier au duc de Châtellerault, en qualité de lieutenant général, l'administration légale du royaume en son absence.

De même, elle maintient l'indépendance de ses communications avec la cour de France, à laquelle, à défaut de lord Herries et de lord Fleming, retenus indûment à Londres, elle envoie, par M. de Montmorin, par Beaton, par Georges Douglas, dont elle recommande chaudement à Charles IX et à Catherine de Médicis la fidélité héroïque, l'expression de ses doléances, la protestation discrète de ses plaintes, l'appel de son dénuement.

Le 13 juin, après avoir reçu la décevante visite de Midlemore, elle écrit à Élisabeth :

Madame ma bonne sœur, je vous mercie l'envie qu'avez d'ouir la justification de mon honneur, qui doibt importer à tous princes, et d'aultant plus à vous, que jay cet honneur d'estre de votre sang si proche ; mais il me semble que telz qui vous persuadent que ma réception vous tournera à déshonneur, manifestent le contraire. Mais, hélas ! Madame, où ouistes-vous jamais un prince blasmé pour escouter en personne les plaintes de ceux qui se deullent (plaignent) d'estre faussement accusez ? Ostez, Madame, hors de voire esprit que je sois venue icy pour la sauveté (le salut) de ma vie — le monde ni toute Écosse ne m'ont pas reniée —, mais pour recouverer mon honneur, et avoir support à châtier mes faux accusiteurs, non pour leur respondre à eux comme leur pareille, car je smis qu'ils ne doivent avoir lieu contre leur prince, mais pour les accuser devant vous, que jay choisie entre tous autres princes pour ma plus proche parente et parfaicte amye... Je vois, à mon grand regret, qu'il est interprété autrement...

... Par quoy, je vous supplie, aydez-moi, m'obligeant à vous de tout, ou soiez neutre, et me permettez chercher mon mieux d'ailleurs ; autrement, remettant les choses en longueur, vous nie ruinez plus que nies propres ennemys. Si vous craignés blasme, au moins, pour la fiance que j'ai eue en vous, ne faites pour moy ni contre moy, que ne voyez comme je viendray à mon honneur estant en liberté, car icy je ne puis ny ne veulx respondre à leurs faulses accusations, mais ouy bien par amitié et bon plaisir nie veulx je justifier vers vous de bonne voglia, mais non en forme de procès contre mes subjetz, s'ils n'avoyent les mains liées ;  Ittadamne, eulx et moy ne sommes en rien compaignons ; et quand je devrois estre tenue icy, encore ayineroy-je mieulx mourir que me faire telle[18].

 

Marie ne se méprenait pas sur l'effet de ces protestations et de ces plaintes, et comptait davantage sur la crainte d'Élisabeth que sur sa pitié. Aussi, s'aidant elle-même afin d'être aidée de Dieu, elle poursuivait l'indifférence ou l'impuissance de la cour de France d'appels d'une éloquente détresse, comme celui-ci, adressé à son oncle, le cardinal de Lorraine :

... Mon oncle, si vous n'avez pitié de moy à ce coup, je puis bien dire que c'est faict de mon fils, de mon pays et de moy, que je seray en ung aultre quartier en ce pays, comme en Lochlevin. Je vous supplie avoir esguard, mes ennemis sont peu, et jay tout le reste de la noblesse ; les leurs les commencent à laisser, si j'avois tant soit peu de secours. Car ilz sentent bien que leur querelle est maulvaise, et que, en Écosse, et icy, ou jay peu parler pour respondre à leurs calomnies et faulx raports, ils sont estimez traistres et menteurs ; et pour ce respect s'éforcent-ils de in'empescher de passer oultre et m'arrestent icy...

... Ouvertement ilz inventent de jour en jour menteries de moy, et secrètement m'offrent de ne dire plus de mal de moy, si je veule leur quitter le gouvernement. Mais ou jayme mieulx mourir ou les faire ml-vouer quilz ont menty de tant de vilennies quilz m'ont mises subs. Or je me remetz à la suffisance de ce porteur, et vous suppliray avoir pitié de lhoneur de vostre pauvre niepce, et procurer le secours que vous dira ce porteur, et cependant de largent, car je nay de quoi achetter du pain, ny chemise, ny robe.

... La Royne d'icy m'a envoyé ung peu de linge et me fournit ung plat. Le reste, je l'ay empruntay, mais je nen trouve plus. Vous aurez part en ceste honte... Dieu m'esprouve bien ; pour le moins assurez-vous que je mourray catholique. Dieu m'ostera de ces misères bien tort. Car j'ay soufert injure, calomnies, prison, faim, froid, chaud, fuite sans sçavoir où, quatre XX et douze miles à travers champs sans m'arester ou descendre, et puis couscher sur la dure, et boire du laict aigre, et manger de.la farine d'aveine sans pain, et suis venue trois nuilz comme les chahuans, sans femmes, en ce pays, où pour récompense je ne suis guères mieulx que prisonnière ; et cependant on abast toutes les maisons de mes serviteurs, et je ne puis les ayder, et pend-on les maistres, et je ne puis les récompenser ![19]...

En dépit de ces protestations et adjurations, Marie ne reçut aucune aide efficace. Elle demeura livrée aux trames de ses sujets rebelles, qui se moquaient de l'intervention française, au point d'avoir rançonné sans vergogne, lors de son départ pour Carlisle, M. de Beaumont. Ils ne redoutaient pas davantage cette reine secrètement de connivence avec eux, qui, recherchant, non les occasions de trouver Marie innocente, mais des prétextes pour la croire coupable, avait suscité contre elle, dès son arrivée, le témoignage intéressé et passionné du comte et de la comtesse de Lennox, demandant avec ostentation justice contre une princesse innocente, et se joignant aux manœuvres des coupables, érigés en accusateurs.

Le résultat de toutes ces intrigues ambitieuses, hostiles, intéressées, de ces conférences en Écosse, à Dumfries, entre Midlemore et Murray, de ces entretiens à Londres entre John Wood, l'âme damnée du régent et le machiavélique ministre Cecil, fut une délibération du conseil d'Élisabeth, rendue sur les conclusions d'un mémoire du premier secrétaire. Ce mémoire sollicitait la reine d'Angleterre d'éloigner la reine captive des frontières, crainte d'évasion, et de ne l'autoriser, ni à se présenter devant elle, ni à se retirer ailleurs avant que sa cause eût été honorablement jugée.

Élisabeth déféra à ce vœu avec empressement, sans trop s'inquiéter des conséquences, car après de telles conclusions et avec de pareils juges, Marie ne pouvait qu'être trouvée coupable ; en effet de quel prétexte colorer sa captivité si elle était déclarée innocente ?[20]

Le fait n'était point à craindre, Élisabeth ayant des conseillers dont la conscience était taillée sur le patron de la sienne, et capables d'étouffer la voix de la vérité plutôt que de la laisser éclater au dommage de leur maîtresse. Le pis qui pût leur arriver était d'être obligés de suspendre le jugement, tout en envenimant et embrouillant assez l'affaire pour justifier la détention préventive de celle qu'ils allaient transformer en accusée, sinon en coupable.

On pouvait d'ailleurs compter, grâce aux entraînements des débats, à l'habileté des accusateurs, à leur implacable haine, sur une foule d'incidents de nature à altérer les dernières chances de la reine innocente, à abaisser progressivement la supériorité de sa situation, et à la faire descendre au niveau de ses adversaires jusqu'à la sellette d'infamie.

Aussi Élisabeth, pour arriver à ses fins, n'hésita-t-elle point à paraître accéder aux prétentions obstinées de Marie, à corrompre par de perfides démonstrations d'intérêt jusqu'au dévouement de lord Herries, et à faire de cet honnête homme abusé, dont la crédule fidélité se trouva innocemment ainsi pire pour Marie qu'une trahison, l'intermédiaire de sa captation.

Tandis que la reine d'Écosse languissait à Carlisle, en proie à toutes les obsessions d'ennemis déguisés en amis, à toutes les influences, si souvent mauvaises conseillères, de la solitude et de la captivité, Élisabeth, triomphant, par le prestige du rang suprême et l'art d'une hypocrisie raffinée, des objections et des répugnances d'Herries, obtenait de lui de décider sa maitresse à accepter le débat avec Murray. Elle lui promettait, en échange de cette déférence pour ses désirs, une protection éclatante, une intervention décisive et une justice exemplaire.

Marie céda, espérant être dédommagée de ce sacrifice de dignité. Elle consentit à accepter ses ennemis pour contradicteurs, les commissaires d'Élisabeth pour juges, et à désarmer ses amis, que Murray put lâchement écraser à son aise.

Grave faute, qu'excusent la confiance et la générosité, qu'excuse surtout le régime énervant de cette captivité qu'on devait encore trouver trop favorable, et qu'on allait resserrer au moment même où Marie croyait recevoir, pour prix de sa docilité, au moins une semi-liberté.

Elle était cependant loin d'être gâtée à Carlisle, si l'on en croit les détails donnés à Philippe Il par son ambassadeur, d'après le témoignage de M. de Montmorin, à la fin de juin 1568 :

La chambre où elle est gardée est une pièce obscure et très-petite, avec une fenêtre étroite, garnie de barreaux de fer ; elle n'a que trois femmes pour compagnie. Il y a trois chambres en avant de la sienne, et, dans toutes trois, une garde d'arquebusiers. Le château ne s'ouvre qu'à dix heures du matin ; les domestiques écossais de la reine couchent. en dehors. On lui permet d'aller jusqu'à l'église de la ville, mais suivie d'une compagnie de cent hommes. Elle a demandé un prêtre depuis que l'évêque de Ross l'a quittée ; lord Scroope lui a répondu sèchement qu'il n'y avait pas de prêtres en Angleterre[21].

 

C'est du fond de cet abime d'ennui et d'isolement que Marie adressait à Élisabeth ce dernier et touchant appel :

Mes ennemis vous abusent de l'espérance de vous donner preuve de leurs fausses calomnies ; l'inégalité du traitement que nous recevons devroit me le faire craindre, si mon innocence et la fiance que j'ai en Dieu, qui jusques ici m'a préservée ; ne me rassuroit. Ne faites pas un combat inégal, eux armés et moi destituée. Jugez, Madame, selon que Dieu vous a donné un esprit par-dessus les autres, et non selon le conseil de ceux qui sont mus de particulière affection. Je ne blême personne, mais un ver de terre se ressent quand on lui marche sus : combien plus un cœur royal supporte-t-il d'être si mal traitée[22].

 

Élisabeth répondit à ces instances en trompant lord Herries, en trompant l'ambassadeur de France, en trompant Marie elle-même par leur intermédiaire, et en obtenant de celle-ci, au lieu d'une résistance qui l'eût déconcertée, de consentir à changer de résidence — à se rapprocher ainsi d'elle — et à répondre devant ses députés de façon à se justifier, non judiciellement, mais amiablement, privément et sans aucun préjudice pour sa dignité de souveraine.

Marie, trop impatiente pour n'être pas trop confiante, et qui avait un trop grand besoin d'espérer pour ne pas croire, se laissa décider, après un passager transport de menaces, de protestations, de larmes, à quitter Carlisle pour le château de Bolton, dans le comté d'York. Elle y arriva le 16 juillet, après un voyage de trois jours, en litière, adouci par la compagnie tolérée de quelques dames et de quelques amis.

Accueillie avec respect par lady Scroope, sœur du duc de Norfolk, traitée avec ménagement par ses gardiens, Marie ne tarda pas à oublier la violence qui lui avait été faite. Le retour de lord Herries et les belles paroles qu'il apportait lui rendirent confiance[23].

 

Comment Marie, en effet, dans la situation où elle se trouvait, eût-elle pu refuser de se disculper devant une cousine et une amie, et éluder un débat dont la conséquence quand même devait être sa restauration ?

On procéderait de la manière suivante : les lords révoltés seraient mandés pour expliquer leur conduite ; s'ils pouvaient alléguer quelques raisons pour l'excuser, Marie serait rétablie, à la condition que les rebelles conserveraient leurs biens et dignités ; si, au contraire, ils n'alléguaient aucun motif valable de leur révolte, alors Marie serait rétablie sans conditions, et par la force des armes, si la force était nécessaire[24].

 

Marie, presque honteuse d'un reste tenace de méfiance, accepta cette proposition avec un empressement reconnaissant, comme la moins mauvaise, sinon la meilleure issue possible à sa situation. Et Élisabeth, enchantée de voir la reine d'Écosse tomber dans ce piège où elle avait osé l'attirer par la main d'un serviteur fidèle, se hâta de profiter de son succès.

Marie n'était pas moins impatiente d'en finir, au point d'avoir, dans sa confiance, négligé d'insister sur la promesse qui lui avait été faite, et qui fut éludée, de rédiger en forme de traité les conditions auxquelles le débat lui était offert et avait été accepté. Mais le temps pressait. L'impopularité de Murray en Écosse croissait tous les jours, et les complots et les défections attestaient le déclin de cette tyrannie précaire.

Les Hamilton, Huntly et Argyle, d'un autre côté, s'étaient coalisés et confédérés contre lui à Largs. L'assemblée avait envoyé à Élisabeth une lettre collective dans laquelle vingt évêques, comtes ou barons sollicitaient impérieusement la restauration de la reine légitime. Tout au moins réclamaient-ils que Marie fût laissée libre de chercher ailleurs un appui qu'ils demandaient eux-mêmes au duc d'Albe.

Poussant à bout avec vigueur cette résistance à l'oppression de Murray, et passant des paroles aux actes, les barons fidèles avaient convoqué un Parlement dont un manifeste dénonça publiquement le régent comme le meurtrier par procuration du feu roi, condamna les rebelles et appela le peuple aux armes. En même temps, ils se mettaient en campagne.

Huntly et Argyle soumirent en très-peu de temps les comtés du Nord et de l'Ouest, pendant que les Hamilton reprenaient le château de leur nom, dont les rebelles s'étaient emparés après la bataille de Langside. Ils s'avançaient victorieux vers le Sud, et comptaient écraser Murray, avant qu'il pût réunir son Parlement ; car ils attendaient de France un millier de volontaires, que Georges Douglas avait réussi à enrôler. La ruine des factieux était à peu près certaine sans une nouvelle perfidie d'Élisabeth[25].

 

Celle-ci, en effet, sous la promesse, bien entendu, de la réciprocité, obtint de Marie l'ordre à ses partisans de mettre bas les armes. A ce signal, les hostilités cessèrent, mais de la part seulement d'Huntly et des Hamilton. Murray profita de leur loyale inaction pour poursuivre abusivement un triomphe qu'on ne lui disputait plus, et pour frapper ses adversaires désarmés. Il convoqua son Parlement, fit déclarer traîtres l'archevêque de Glasgow, l'évêque de Ross, Claude Hamilton et plusieurs barons, et ressaisissant l'empire par la terreur, remplissant les prisons, gorgeant de la curée des confiscations ses amis et ses parasites, il attendit le moment de fonder définitivement, sur la diffamation publique de sa souveraine, son insolente autorité.

Marie, indignée de ce manque de foi, protesta en vain auprès de la reine d'Angleterre.

Élisabeth, loin de s'associer à ses plaintes, lui répondit par des reproches, et rejeta toute la faute sur les lords de la reine, les accusant d'avoir envahi les frontières anglaises.

Après avoir ainsi réduit Marie à se disculper auprès de ses partisans, dont elle venait, par un excès de confiance, de causer la ruine et de décourager à jamais le zèle, Élisabeth n'avait plus qu'à lui faire subir, en la trompant encore, l'affront de se défendre, devant des juges prévenus, d'une accusation indigne, fondée sur des pièces fausses, produites par des accusateurs qu'elle eût pu récuser au triple titre de rebelles, d'usurpateurs et de coupables du crime dont ils osaient lui demander compte.

La monstrueuse comédie des conférences d'York et de Westminster allait s'ouvrir, dignement inaugurée par une lettre d'Élisabeth à Murray, du 20 septembre 1568[26], qui était pour lui un brevet d'impunité et même une promesse de succès.

Il fallait, de la part de Murray, et même de la part d'Élisabeth, la certitude de pouvoir étouffer la vérité, pour oser provoquer une enquête publique sur les derniers complots qui avaient précipité du trône la reine d'Écosse. Car personne n'ignorait que le meurtre de Darnley était le crime de la noblesse, et que Murray et ses amis en avaient été les inventeurs, et quelques-uns, avec Bothwell, les exécuteurs.

Aussi, lorsqu'il fallut choisir des commissaires pour les envoyer, à York, accuser la reine, ce fut à qui refuserait cette odieuse mission. Murray, obligé de s'en charger lui-même, prit, pour l'accompagner, le comte de Morton, l'évêque d'Orkney, lord Lindsay, Robert Pitcairn, abbé commendataire de Dumferline, avec Lethington, John Wood, Mackgill, Balnaves et le célèbre Buchanan.

Morton et Lethington étaient notoirement connus pour être deux des principaux auteurs du régicide, dont ils allaient accuser Marie ; l'évêque d'Orkney était le seul ministre qui eût consenti à célébrer le mariage qu'il devait lui reprocher ; enfin, Lindsay, Pitcairn, Mackgill et Balnaves étaient les quatre juges qui avaient prononcé, en faveur de Bothwell, la sentence d'absolution qu'ils songeaient à lui imputer...

Élisabeth avait désigné pour la représenter le duc de Norfolk, homme sans caractère, et le comte de Sussex, qui pensait, comme Cecil, qu'il fallait retenir en Angleterre la reine d'Écosse, et la diffamer pour colorer sa détention. Elle leur adjoignit sir Ralph Sadler, qui avait été envoyé plusieurs fois en Écosse pour y semer des troubles, et qui, en ce moment, conseillait de traiter Marie Stuart de telle sorte qu'elle fût à jamais hors d'état de nuire[27]...

 

L'évêque de Ross, le persévérant défenseur des intérêts de la reine, l'éloquent apologiste de son innocence, fut chargé de présider la députation chargée de son mandat pour la représenter. Lord Herries, lord Levingston, lord Boyd, l'abbé de Kilwinning, sir John Gordon de Lochinvar et sir James Cockburn de Stirling lui furent adjoints et partagèrent le rôle que lui confiaient ses instructions.

Ces fameuses conférences, qui ne devaient être qu'une monstrueuse jonglerie, s'ouvrirent à York le 4 octobre[28].

Nous connaissons jusqu'à la satiété les accusateurs, les juges, les avocats, les faits sur lesquels allaient s'exercer l'impudente animosité des uns, la secrète hostilité des autres, la molle résistance, enfin, des mandataires d'une reine qui eût seule pu, se défendre elle-même, et dont la vue et les paroles seules eussent pu déconcerter des adversaires qu'encourageait son absence. Nous ne perdrons donc pas un temps précieux à analyser dans leurs subtilités, à suivre dans leurs vicissitudes, ces inégaux et illusoires débats. Nous nous bornerons à les caractériser par leurs inévitables résultats.

Tout d'abord, par un accord tacite qui attestait la faiblesse de l'accusation et la modération de la défense, la discussion se maintint dans des généralités inoffensives, en comparaison de ce qu'eussent été des articulations précises, qui furent évitées de part et d'autre au début, pour ne pas fermer les voies à un accommodement.

Marie l'eût accepté à certaines conditions. Mais une telle éventualité ne faisait pas l'affaire d'Élisabeth, qui, mécontente de la physionomie des premières séances, où Murray s'était trouvé assez embarrassé, non pour incriminer, mais pour se défendre, se hâta de réchauffer le zèle de ses commissaires, de gourmander la faiblesse des accusateurs, de jeter de l'huile sur le feu qui ne s'allumait pas assez vite à son gré.

En l'absence des députés de Marie, qui étaient allés à Bolton chercher de nouvelles instructions, Murray, pour réparer son désavantage, profita de la suspension des débats contradictoires pour gagner à sa cause compromise les commissaires hésitants, en exhibant enfin, à huis clos, à titre de renseignement, sur simples copies non communiquées, dont il conserva les originaux, qui l'eussent trahi, les documents apocryphes de la fameuse cassette.

Ce coup de théâtre fit un certain effet, et fournit des prétextes au moins à ceux qui étaient résolus à s'en contenter, à défaut de raisons.

Il permit à des hommes comme Sussex, qui n'étaient rien moins que convaincus, de profiter du doute pour servir les intentions de leur équivoque maîtresse. Il leur permit de justifier par leurs méfiances ses propres soupçons, d'excuser la répugnance de la prude souveraine qu'ils représentaient à admettre Marie en sa présence, épreuve qui eût déconcerté tous ses plans, enfin et surtout d'intimider, par la crainte du scandale, des défenseurs que cette crainte disposait à tous les sacrifices.

Marie qui avait envoyé, aux premières articulations portées contre elle, une écrasante réplique, datée du 16 octobre, ne put jouir, par suite de ces fatalités de sa situation, dont l'éloignement était le moindre inconvénient, de cette déroute de ses ennemis, bientôt changée en victoire par la faute que commirent ses représentants, dans les meilleures intentions du monde, d'ailleurs, d'accepter des ouvertures conciliatrices.

Le duc de Norfolk en prit l'initiative quelque peu intéressée, et leur prêta l'autorité de sa situation.

Norfolk était, par sa naissance, le plus grand seigneur d'Angleterre, et un des plus influents par ses alliances et son immense fortune. Il était proche parent de la reine d'Angleterre, petit-fils du troisième duc de Norfolk, et fils de l'infortuné comte de Surrey, qui avaient été tous deux victimes de l'ombrageux despotisme de Henri VIII : le premier était mort en prison, le second sur l'échafaud, sous prétexte de religion.

Quoique issu de ces deux martyrs de la foi catholique, Norfolk avait été élevé dans la religion protestante ; il en suivait les pratiques, mais ou le soupçonnait de pencher vers la foi de ses ancêtres... Son nom avait été prononcé comme celui d'un prétendant qui convenait à la reine d'Écosse, avant que cette princesse se fût mariée avec Darnley.

Lorsqu'elle eut cherché un refuge en Angleterre, il conçut l'espoir de l'épouser, et de réunir ainsi sur sa tête la triple couronne d'Écosse, d'Angleterre et d'Irlande. Il savait qu'Élisabeth et Cecil n'avaient d'autre but que de déshonorer Marie, pour avoir un prétexte de la retenir prisonnière, et de l'exclure ensuite, elle et son de la succession à la couronne d'Angleterre. Il résolut de déjouer, si c'était possible, celte odieuse machination[29].

 

Le duc de Norfolk rencontra facilement, dans l'avisé Lethington, avide de finir honorablement une carrière d'intrigues, un auxiliaire de ses projets.

Dans une entrevue avec Murray, qui eut lieu, la nuit suivante, dans la galerie de son logis, le duc, encouragé par des sentiments en apparence conformes aux siens, se sentit confirmé clans ses ambitieuses espérances.

L'évêque de Ross, attiré par Robert Melvil à un troisième conciliabule chez Lethington, se prêta aussi de bonne foi à un arrangement qui arrêtait court de pénibles débats, et prévenait des divulgations fâcheuses, puisque de la calomnie il demeure toujours quelque chose.

Restait à gagner la reine d'Écosse aux conditions de l'accommodement, qui étaient que Marie, après avoir ratifié son abdication, confirmerait la couronne à son fils, la régence à Murray, et qu'elle résiderait en Angleterre, sous la protection d'Élisabeth.

Robert Melvil se chargea encore de cette délicate entreprise, et surprit un acquiescement bientôt rétracté sur les observations du duc de Norfolk, à qui ses desseins matrimoniaux rendaient peu agréable une renonciation à la couronne qu'il aspirait à partager.

Ces velléités conciliatrices furent d'ailleurs bientôt traversées par la jalouse et implacable Élisabeth, qui avait trop d'intérêt à brouiller les cartes, afin de demeurer maîtresse du jeu, pour favoriser un accommodement.

Elle évoqua, aussitôt informée, les conférences d'York à Hampton-Court, décidée à déposséder Norfolk d'un mandat dont il usait si mal à son gré. Elle manda ensuite auprès d'elle, sous prétexte d'examiner la cause de plus près, mais, en réalité, pour y exercer plus à l'aise sa subversive influence, Lethington et Mackgill, qui ne tardèrent pas à suivre Murray lui-même.

Marie, qui voyait à travers ses illusions cette nouvelle phase de la procédure et la trouvait plus conforme à sa dignité, députa de son côté lord Herries et l'évêque de Ross au nouveau rendez-vous, où les affaires de la reine d'Écosse allaient prendre une tournure si différente de celle qu'elles avaient au premier.

Comme préliminaire à cette seconde information, le conseil privé d'Angleterre se réunit le 30 octobre, afin d'arrêter la marche à suivre pour arriver au triomphe de la politique d'Élisabeth, exposée sans ambages par le comte de Sussex, dans sa fameuse lettre du 22 octobre à Cecil : empêcher tout accommodement, encourager Murray à brûler ses vaisseaux, et, en se montrant l'adversaire irréconciliable de Marie, à tomber sous la tutelle de l'Angleterre ; enfin compliquer et envenimer le débat de façon à pouvoir le rompre définitivement sur des présomptions assez fortes contre la reine d'Écosse pour permettre de la retenir prisonnière.

Tel fut le but, tel fut le résultat de ces conférences de Westminster, ouvertes le 25 novembre 1568, où, de plaignante qu'elle était à York, Marie Stuart devint l'accusée et Murray l'accusateur.

Les liens de la captivité de l'infortunée reine d'Écosse ne furent pas relâchés en proportion des concessions que lui extorquait successivement une duplicité assez habile pour tromper à la fois ses amis et elle-même.

Elle fut resserrée, au contraire, en prévision de l'explosion que devait provoquer chez elle la déception de ses dernières espérances.

Elle ne put plus sortir qu'accompagnée de douze soldats, bien montés et bien armés, et ses promenades équestres, ainsi surveillées, causèrent encore tant d'ombrage à Cecil qu'il finit par les supprimer indirectement, en retirant à Marie l'argent nécessaire à l'entretien de ses chevaux.

En même temps, ses messagers étaient arrêtés et ses communications avec les ambassadeurs étrangers interceptées.

Quand Marie, éclairée par ces manœuvres sur les mobiles qui présidaient au système employé contre elle, réclama sa comparution et voulut rompre les conférences, il était trop tard. Ses commissaires, après avoir protesté contre tout ce qui pourrait donner aux débats l'apparence d'un jugement et contre l'admission de Murray en présence d'Élisabeth, avaient accepté les nouvelles conférences[30].

Le duc de Norfolk, qui, soupçonné seulement, mais non encore disgracié, avait racheté la faveur de sa maîtresse en reniant Marie et en désavouant toute prétention matrimoniale à son endroit, présidait ces nouvelles conférences assisté, outre ses deux assesseurs d'York, du chancelier Nicolas Bacon, des comtes d'Arundel et de Leicester, du grand amiral William Howard, de lord Clinton et du secrétaire Cecil, qui devait, sous son nom, diriger les débats.

Ils furent dignes de cette inspiration. Murray, avec une feinte pudeur et des regrets affectés, se laissa arracher son acte d'accusation en forme contre Marie, qui en faisait non-seulement la meurtrière de son mari, mais une mère dénaturée, prête à sacrifier son fils[31].

Les commissaires se séparèrent sur cette production, pour aller rougir à leur aise.

Murray se retira à Kingston, alarmé de n'avoir point reçu d'Élisabeth, en échange de son réquisitoire, la garantie qu'il en avait en vain sollicitée, que l'accusation serait suivie d'un jugement, mais rassuré bientôt par le passé sur l'avenir.

La reine d'Angleterre se livra à des démonstrations épistolaires d'une tendresse inusitée envers sa prisonnière, espérant, par ces flatteries où elle lui montrait son héritage en perspective, la disposer à abdiquer.

Les commissaires de Marie, après avoir lu l'indigne factum, se présentèrent devant le conseil dès le lendemain, pour protester énergiquement contre de tels mensonges, et réclamèrent sa confrontation avec leurs auteurs, droit sacré de la défense, attesté par une consultation des avocats de la couronne.

Cinq des commissaires sur neuf, parmi lesquels Norfolk, qui s'attira encore une fois, par cette faiblesse, les reproches menaçants de sa maîtresse, appuyèrent cette réclamation, dont il ne fut pas tenu plus de compte que de la protestation solennelle du 6 décembre, par laquelle les mandataires de Marie déclarèrent se retirer de débats viciés par une partialité flagrante.

Cecil passa outre, suspendit l'admission de la protestation ; pour ne pas rompre les conférences, et employa les trois jours pendant lesquels la commission fut censée délibérer sur l'incident, à aggraver l'accusation, en mettant Murray en demeure de produire ses preuves, et à entraver la défense.

Après avoir protesté de nouveau de ses regrets d'être réduit par ses adversaires à cette extrémité, Murray livra enfin tout ce qu'il avait pu rassembler de prétendues preuves. Elles furent examinées entre les ministres anglais, instruments dociles des caprices de leur reine, et les compagnons de Murray, parmi lesquels Norfolk avouait n'avoir pas trouvé un seul honnête homme. Pas un témoin indépendant ou impartial ne fut admis à cette mystérieuse vérification[32].

 

Nous ne reviendrons pas sur ces pièces de la cassette, bonnes, tout au plus, à servir de base à 'un pamphlet indigne de l'histoire, et dont la critique a démontré depuis dix ans le caractère apocryphe, non sans quelque dommage pour la réputation de sagacité de l'illustre écrivain qui, le premier, séduit par la nouveauté, a inséré ces documents, indignes d'un tel honneur, dans la trame de son récit.

Nous nous bornerons à rappeler que Murray recula devant l'abandon des originaux, qu'ils ne furent ni contradictoirement examinés, ni même communiqués à la défense, et qu'ils parurent suspects à tous ceux qui ne les savaient pas faux.

Les dépositions écrites de ses affidés Nelson et Thomas Crawford, dont Murray se garda bien d'exposer le témoignage à une discussion, les confessions mutilées et faussées de John Hesburn, de John Hay, de William Powrie et de George Dalgleish, qui n'accusaient que Bothwell, pas plus que, plus tard, l'interrogatoire supposé de Paris, n'ajoutèrent aucun crédit à cet ensemble de documents sur la valeur desquels Élisabeth et Cecil n'étaient pas moins édifiés que ceux qui les avaient fabriqués[33].

La reine jugea même nécessaire d'adjoindre, pour l'examen des pièces produites, aux membres de son conseil privé, afin de renforcer son autorité, un certain nombre des principaux seigneurs de sa cour : les comtes de Northumberland, de Westmoreland, de Shreswsbury, Worcester, Huntingdton et Warwick.

Tous furent loin de répondre à ses intentions, car les deux premiers sortirent de cette épreuve, trop forte pour leur loyauté, convaincus de l'innocence de Marie, et disposés à soutenir, comme ils ne tardèrent pas à le faire, jusqu'au témoignage de leur sang, la cause de la justice et de la vérité qu'on les invitait à outrager.

Élisabeth n'en avait pas moins tiré d'une enquête ainsi tronquée ce qu'elle désirait : un prétexte pour retenir prisonnière Marie Stuart, et, par la remise entre ses mains des lettres de la cassette, une arme dont elle pourrait se servir au besoin. Elle était d'une trop bonne école pour n'avoir pas calculé que le scandale et la calomnie trouveraient toujours assez d'oreilles complaisantes et feraient beaucoup mieux leur chemin que la vérité[34].

Elle ne put empêcher cependant que quelques éclairs précurseurs de cette vérité qu'on ne saurait entièrement étouffer, n'aient dessillé les yeux de plus d'un contemporain, avant ceux de la postérité.

Elle ne put empêcher lord Herries, champion de l'honneur outragé de sa souveraine, d'adresser à lord Lindsay un défi que celui-ci éluda.

Elle ne put empêcher Marie indignée, d'accusée devenant accusatrice, de provoquer ses adversaires à un débat contradictoire, devant lequel ils s'empressèrent de reculer.

Ils furent ainsi dérobés, par la prévoyance d'Élisabeth, à la honte d'un échec, mais poursuivis dans leur retraite par la malédiction, qui allait porter ses fruits, de Marie, sensible surtout à une de leurs calomnies, et trouvant dans son cœur de mère la même éloquente protestation qui devait, deux siècles plus tard, justifier Marie-Antoinette.

A mesure que Marie, poussée à bout, devenait plus énergique, plus pressante, réclamant impérieusement maintenant et sur le pied, non d'accusée, mais d'accusatrice, un débat décisif, Élisabeth se montrait plus accommodante, reculant à mesure que sa victime avançait.

Et Cecil interceptait au passage une pièce des plus importantes de cette redoutable défense, le propre récit, de la main du comte d'Huntly, de ce qui s'était passé à Craigmillar, à la décharge de toute connivence de la reine dans le complot, auquel on avait en vain cherché à l'associer.

Cette énergique résistance valut du moins à Marie l'offre de conditions plus douces. On consentait à lui laisser le titre de reine, mais sans l'autorité ; ou, si elle voulait conserver l'autorité, on exigeait que son fils lui fût associé dans les actes du gouvernement, sous la régence de Murray.

La réponse de Marie n'est certes point d'une coupable :

... Quant à la démission de ma couronne, comme vous m'avez écrit, je vous prie de m'en plus empêcher ; car je suis résolue et délibérée plutôt mourir que de le faire. Et la dernière parole que je ferai en ma vie sera d'une reine d'Écosse... Si je cédois, on diroit que c'est par crainte d'être accusée publiquement, et que, me sentant avoir mauvaise cause, j'ai mieux aimé payer que plaider, et, par ce moyen, éviter ma condamnation[35]...

 

Cette attitude imprévue de Marie révoltée et se relevant dans l'opinion et devant ses prétendus juges eux-mêmes, à mesure qu'oie croyait l'abaisser, contraignit Élisabeth à clore le simulacre de procès, non par un jugement définitif, mais par un sursis jusqu'à plus ample informé, qui lui permettait de renvoyer en Écosse Murray — impatient d'y rentrer et tremblant.de ne pas traverser impunément de menaçantes et expiatoires représailles — tout en retenant Marie prisonnière.

Le 10 janvier 1569, Cecil couronna donc cyniquement cette farce judiciaire par un dénouement digne d'elle. Il déclara :

Qu'il n'avait rien été déduit contre Murray et ses amis qui pût entacher leur honneur et leur qualité de sujets fidèles ; et que, d'autre part, il n'avait rien été suffisamment produit ni montré par eux contre leur souveraine, d'où la reine d'Angleterre pût concevoir une mauvaise opinion de sa bonne sœur ; mais que, comme Murray et ses compagnons avaient allégué que les troubles rendaient leur présence nécessaire en Écosse, Sa Majesté leur permettait d'y retourner et d'y reprendre la même situation qu'ils avaient avant de venir en Angleterre, jusqu'à ce que la reine d'Écosse eût répondu plus complètement à ce qui lui avait été imputé[36].....

 

Ainsi finit, par un jugement absurde, une procédure inique où les règles les plus élémentaires du droit avaient été violées, où l'attaque et la défense n'avaient été ni égales ni contradictoires, où l'on avait refusé à Marie jusqu'à la copie des pièces produites contre elle, et où l'on avait, pour dérober ses accusateurs à ses accusations, fermé brusquement sur ses commissaires la porte de débats devenus embarrassants, et sur elle-même la porte de sa prison.

De cette double déception, les deux reines ennemies, dont les rôles auraient dû être intervertis, se vengèrent chacune selon leur caractère : Élisabeth en resserrant les liens de l'innocente prisonnière, en lui faisant boire jusqu'à la lie la coupe amère de l'isolement et de l'abandon, en l'exaspérant de propos délibéré, et en poussant son désespoir à une lutte facile à transformer en trahison ; Marie, au contraire, en pardonnant à ses ennemis et en ménageant, par une trop aveugle générosité, à ses coupables accusateurs la sécurité d'un retour qui, sans elle, n'eût conduit Murray et ses compagnons qu'à la mort.

Ils allaient reconnaître ce bienfait en perdant leur libérateur et leur sauveur, ce duc de Norfolk, que les fautes de l'orgueil et les illusions du dévouement devaient conduire sur l'échafaud, où il précéda celle qui avait promis d'unir sa vie à la sienne, et qu'il entraîna dans la mort.

Ce triste récit inaugurera le chapitre suivant, dont il tend de deuil l'avenue funèbre, au bout de laquelle, à travers seize années de luttes inutiles et de monotones douleurs, nous pouvons déjà entrevoir, désormais fatal, inévitable, le trône sanglant des royautés tragiques.

 

 

 



[1] J. Gauthier, t. II, p. 165.

[2] J. Gauthier, t. II, p. 167.

[3] Voir pour ce récit de la bataille de Langside, les divers historiens auxquels nous avons emprunté les traits dont nous avons composé la physionomie de ce combat original. Mignet, t. I, p. 387-390. — Dargaud, 227-250. — J. Gauthier, t. II, p. 166-170.

[4] J. Gauthier, t. II, p. 170.

[5] J. Gauthier, t. II, p. 172.

[6] Labanoff, t. II, p. 71-72.

[7] J. Gauthier, t. II, p. 172. De Dundrennan, le 15 mai.

[8] Labanoff, t. II, p. 73-77. De Wirkinton, le 17 mai.

[9] J. Gauthier, t. II, p. 175.

[10] Mignet, t. II, p 4-5.

[11] Mignet, t. II, p. 6.

[12] Mignet, t. II, p. 6.

[13] J. Gauthier, t. II, p. 176.

[14] J. Gauthier.

[15] J. Gauthier, t. II, p. 177.

[16] J. Gauthier, t. II, p. 181.

[17] J. Gauthier, t. II, p. 181.

[18] Labanoff, t. II, p. 96-99.

[19] Labanoff, t. II, p. 115-118.

[20] J. Gauthier, t. II, p. 191.

[21] J. Gauthier, t. II, p. 192.

[22] Labanoff, t. II, p, 108-112.

[23] J. Gauthier, t. II, p. 200.

[24] J. Gauthier, t. II, p. 200.

[25] J. Gauthier, t. II, p. 205.

[26] Cette lettre, publiée par Robertson, est citée par Gauthier, t. II, p. 206-207.

[27] J. Gauthier, t. II, p. 210.

[28] J. Gauthier.

[29] J. Gauthier, t. II, p. 221.

[30] J. Gauthier, t. II, p. 235.

[31] J. Gauthier, t. II, p. 238.

[32] J. Gauthier, t. II. p. 245.

[33] Voir sur ce point désormais hors de conteste, l'importante et curieuse lettre du comte de Sussex à Cecil York, 22 octobre 1568, citée in extenso dans J. Gauthier, t. II, p. 227 à 229.

[34] J. Gauthier, t. II, p. 218.

[35] Marie à ses commissaires, 9 janvier 1569. (Labanoff, t. II, p 276-277.)

[36] J. Gauthier, t. II, p. 256.