MARIE STUART

LIVRE PREMIER. — LA PETITE REINE - 1542-1561

 

CHAPITRE PREMIER. — ENFANCE ÉCOSSAISE.

 

 

But de ce livre. — Marie Stuart et Marie-Antoinette. — Le procès de la dernière a été révisé le premier. — Appel de Marie Stuart à la postérité. — État de cet appel. — Résultat réparateur des témoignages nouveaux. — Avortement de l'œuvre satanique d'Élisabeth. — Renversement des rôles. — La justice triomphe et la calomnie est vaincue. — Réhabilitation de Marie Stuart. — Condamnation et malédiction d'Élisabeth. — Portraits de famille de Marie Stuart. — Influences héréditaires. — Le pays et le peuple. — Nécessité de cette élude préliminaire. — Ce qu'il aurait fallu à la royauté en Écosse et ce qui lui manqua. — Tableau de l'Écosse au seizième siècle. — Antiques éléments de discorde. — Agitation permanente d'un peuple naturellement anarchique. — Tendance commune des cinq rois qui précédèrent Marie Stuart. — Lutte de l'autorité royale contre la noblesse. — Ses résultats. — Jacques Ier. — Jacques II. — Jacques III. — Jacques IV. — Jacques V. — Destin tragique de ces cinq rois. — Prophétique désespoir de Jacques V mourant. — Naissance de Marie Stuart. — Vicissitudes de son berceau. — Tentative d'enlèvement d'une reine à la mamelle. — James Hamilton, comte d'Arran. — Les comtes de Lennox et de Bothwell. — Le nid de Stirling. — Baptême de Marie Stuart. — Projets ambitieux et avances impérieuses d'Henri VIII. — Soulèvement national. — Palinodie du régent. — Réaction catholique. — Alliance française. — Guerre entre l'Angleterre et l'Écosse. — Défaite des Écossais à Pinkie. — Recours à la France. — Assentiment de Henri Il. — Projet de mariage entre Marie Stuart et François, dauphin de France. Le duc de Somerset cherche à s'opposer par la force au départ de Marie Stuart. — Détails sur l'enfance de Marie Stuart. — Le monastère d'Inchmahome. — Portrait et caractère de Marie Stuart à six ans. — Elle échappe à l'embuscade de la flotte anglaise. — Les quatre Marie. — Heureuse arrivée et réception triomphale en France. — Recrudescence d'hostilités entre l'Angleterre et l'Écosse. — Paix de Boulogne. — Résumé de la période décennale de l'histoire d'Écosse, de 1550 à 1560. — Apogée et déclin de l'influence française. — Intrigues anglaises. — Menées anarchiques. — Triomphe de la réforme. — Marie de Lorraine, reine douairière, puis régente d'Écosse. — Ses mérites, ses fautes.

 

J'entreprends de raconter la vie dramatique et la mort exemplaire de la plus charmante et de la plus malheureuse des reines de France avant Marie-Antoinette.

Je remonte pieusement dans le passé de l'une à l'autre de ces deux sœurs tragiques, couronnées de roses d'abord et bientôt d'épines seulement, dont l'ombre en deuil traverse si poétiquement notre histoire, et dont la destinée a de si tristes et si touchantes ressemblances.

L'une et l'autre, en effet, étrangères d'origine, bientôt si Françaises d'esprit et de cœur, montèrent sur le trône de France dans l'aube radieuse de leur beauté, et sous les plus riants auspices des sorts privilégiés.

L'une et l'autre, nourries d'abord du miel si doux de la popularité, épuisèrent bientôt jusqu'à la lie l'amertume des ingratitudes d'un peuple ; victimes de l'envie et de la calomnie, elles virent changer en crimes leurs plus innocentes aspirations, leurs plus légitimes sentiments et, accusées par leurs ennemis, furent jugées et condamnées par eux.

Toutes deux apprirent aux nations, aux dépens de leur cœur, ce que le rang suprême peut cacher de misères et ce que les yeux des rois peuvent contenir de larmes.

Toutes deux demeurèrent supérieures aux plus cruelles inégalités de fortunes si orageuses, et résistèrent à la déception d'une fin si différente de leurs commencements. Toutes deux en prison, toutes deux sur l'échafaud furent héroïques.

Toutes deux, enfin, en ont appelé à la postérité qui a révisé le jugement de Marie-Antoinette, réhabilité la victime, flétri les bourreaux, et qui répond aujourd'hui, par la voix d'un groupe d'historiens désormais victorieux de toute contradiction, au pourvoi de Marie Stuart, considérée jusqu'ici avec plus de pitié que d'admiration, et regardée à tort comme plus malheureuse qu'innocente.

Nous sommes en mesure dans ce procès, longtemps controversé, d'apporter les témoignages décisifs qui absolvent définitivement Marie Stuart, et font d'elle la victime et la martyre de l'anarchie oligarchique de son pays, des intrigues ambitieuses et jalouses de l'Angleterre, surtout du fanatisme protestant.

Contre une telle coalition, servie par la fatalité des circonstances, que pouvait faire, sinon mourir, une femme préparée seulement aux triomphes de l'esprit et de la beauté, qui avait vu l'art de régner dans l'art de plaire, et qui déploya en vain contre les trahisons de la fortune quelques inspirations dignes du génie de Guise ?

La fatalité héréditaire des Stuarts l'emporta dans sa périodique tempête, et la plia, après une lutte inutile, dans l'uniforme linceul sanglant des funérailles de sa race.

La machiavélique Élisabeth triompha de celle qu'elle appelait sa sœur, et qu'elle haïssait de toutes les jalousies de la femme, de toutes les rancunes de la reine.

Sa haine contre sa rivale, accrue par toutes les pudeurs de l'hypocrisie et toutes les craintes de l'orgueil, poursuivit jusqu'au delà de la mort cette victime innocente, et chercha à la frapper dans sa mémoire, après l'avoir atteinte dans sa réputation.

La reine et les juges qui avaient calomnié sans relâche, pendant vingt ans, Marie Stuart, pour la rendre tuable et la livrer au bourreau, cherchèrent à perpétuer, en ne laissant à l'histoire que le dossier mercenaire de l'accusation, le mensonge de son infamie et l'illusion de leur impartialité.

Mais vains efforts ! stériles subterfuges ! La vérité peut être étouffée un moment, mais elle n'en crie que plus haut, à l'heure de la délivrance, de sa voix immortelle. La justice est lente et boiteuse, mais elle n'arrive que plus sûrement et plus implacablement à son but.

Aujourd'hui, pièce par pièce est tombé cet édifice artificieux de la culpabilité de Marie Stuart, chef-d'œuvre illusoire d'Élisabeth et de ses complices.

La fille, la femme, l'épouse, la mère, la reine, dans Marie Stuart, nous sont rendues, avec leur exacte et fidèle ressemblance, si différente de cette image, noire de perfidie et de méchanceté, destinée à légitimer l'échafaud.

Aujourd'hui, l'inévitable vengeance du sang innocent est tombée sur Élisabeth.

Et les taches calomniatrices dont la piété de témoignages authentiques a débarrassé enfin la mémoire de la victime, retombent sur les bourreaux.

C'est Élisabeth aujourd'hui, dont la mémoire, à défaut d'autre châtiment, devient et demeure exécrable.

Par un contraste qui rappelle et justifie celui de la fin si différente de la reine condamnée, mourant sereine et confiante dans l'avenir, et de la reine accusatrice, se tordant dans les convulsions d'une agonie désespérée, aujourd'hui que l'heure a sonné d'une expiation vengeresse de trois siècles d'erreur, c'est la mémoire purifiée de Marie Stuart qui remonte au ciel, d'où la calomnie l'avait exilée, de l'admiration universelle, tandis que la mémoire maudite de celle qui la tua sans pouvoir la déshonorer, tombe, d'une impunité usurpée, dans l'universelle réprobation.

Marie Stuart désormais ne peut plus être blâmée, Élisabeth ne peut plus être approuvée que par ceux qui pensent que la fin justifie les moyens, que le succès absout tout ce qu'on fait pour l'obtenir, que la politique est dispensée d'avoir une conscience, et que la raison d'État a toujours raison.

Nous ne sommes point de ceux-là, et à l'honneur de notre temps et de l'humanité, ils sont rares ; et nous n'avons rien à craindre en les écartant du seuil de ce monument expiatoire, et en refusant de les avoir pour lecteurs.

 

Avant de raconter l'histoire de l'enfance et de la jeunesse de Marie Stuart, et de montrer à sa charmante aurore, au milieu des grâces et des poésies d'un matin plein d'espérances, cette destinée aux précoces orages et au sombre soir, il importe de dire quelques mots de sa famille, d'esquisser le portrait de quelques-uns de ses aïeux, de peindre le pays abrupt et le peuple indomptable sur lesquels elle devait régner si jeune. Il est nécessaire, enfin, d'analyser les causes politiques et religieuses qui devaient rendre son autorité précaire et sa résistance impuissante, et ballotter son trône, comme un esquif, de la tempête populaire à l'aristocratique tempête, jusqu'à l'inévitable naufrage dont l'Angleterre guettait l'épave après en avoir soufflé les vents. 

Il n'y a pas de bon portrait sans cadre et sans fond, de bon paysage sans horizon. Il n'y a pas non plus de bonne histoire sans étude préalable des sources et des origines. Il est impossible, parce que cela serait injuste, d'isoler l'appréciation du caractère de Marie Stuart de celle des événements qui lui préparaient, bien avant sa naissance, de si difficiles épreuves et de si redoutables problèmes. Et quand nous aurons montré se dressant et sifflant à la fois autour de son berceau, d'un côté, le fanatisme menaçant de la Réforme, impatiente à son tour des représailles de l'intolérance, de l'autre, l'ambition, excitée et soudoyée par l'Angleterre, d'une féodalité usurpatrice, nous comprendrons d'avance le sort réservé à une jeune reine foncièrement catholique, sincèrement Française, et intrépidement royaliste au milieu des susceptibilités nationales, des effervescences du schisme, des empiétements de tous les corps de l'État et des machinations de l'Angleterre attisant de loin tous ces feux de révolution.

Pour dompter de telles résistances, pour triompher de cette sédition et rébellion à l'état chronique, pour réduire les dissidents à la paix et les factieux à l'obéissance, il eût fallu la tête et la main d'un prince homme d'État, armé de toutes les forces et de toutes les rigueurs, possédant des finances, des troupes, des tribunaux ; pouvant payer, commander, juger, punir.

Le lecteur va voir, non sans étonnement, ce que l'absence de tous ces moyens de gouvernement, et aussi du génie qui permet d'y suppléer, avait fait de l'autorité royale, entre les mains d'une famille souveraine de nom plus que de fait, où les princes n'avaient d'autre appui que celui de leur épée, où les princesses n'avaient pour dot que leur beauté, et où le droit de régner ne semble avoir été que le privilège héréditaire d'une vie militante et d'une mort tragique.

Ce rapide tableau de l'Écosse au seizième siècle suffirait seul à justifier Marie Stuart. Nous n'y verrons que querelles et batailles, nous n'y entendrons que menaces et défis. Partout des châteaux forts sur la montagne ; partout dans la plaine, des villages retranchés qui en font comme un camp. Dans ce pays âpre et hérissé dont le chardon est l'emblème, partout des armes à la main de ce peuple montagnard, chasseur aux sommets, pêcheur au bord des lacs, peuple d'aventuriers et de sectaires, embrigadés en clans, dont l'épée des seigneurs et le rude bâton pastoral des ministres protestants dirigent les expéditions ou les soulèvements ; peuple enfin que ne gouverne jamais une femme, surtout quand elle n'a pour sceptre que le rameau fleuri de la Renaissance !

Placée à l'extrémité septentrionale de l'île de Bretagne, couverte de montagnes, remplie de landes, coupée de lacs, froide, pauvre et belliqueuse[1], l'Écosse, sans cesse exposée à l'invasion, tour à tour menacée par les Romains, les Saxons, les Anglais, les Danois, les Anglo-Normands, depuis l'antiquité jusqu'au moyen âge, avait toujours défendu son indépendance contre le joug des conquérants établis au sud de Ille, mais qui ne purent jamais que camper au nord.

L'autorité royale n'avait pas plus pénétré, pendant des siècles, que l'invasion étrangère parmi ces clans de montagnards de race gauloise qui ne connaissaient d'autres liens que ceux de la famille, d'autres lois que celles de la guerre, d'autres passions que la gloire, la vengeance, le dévouement.

Les rois nationaux de l'Écosse avaient admis et même attiré sur les basses terres, dans la région tempérée, depuis la fin du onzième siècle jusque vers la fin du treizième des Saxons fugitifs et des Normands aventureux, qui s'y étaient établis, moins en conquérants qu'en colons, et s'y étaient mêlés aux Pictes et aux Scots[2].

De là cette division — dont plus d'une hostilité résiste encore au niveau unitaire et à l'adoucissement des mœurs—de la population de l'Écosse, en gens des hautes terres ou Highlanders, parlant le gaélique et pratiquant le régime patriarcal, et en Lowlanders ou habitants des basses terres, parlant l'anglais et soumis au régime féodal.

Cette diversité d'origine et de mœurs fut un premier élément de discorde dans ce pays voué à l'anarchie, où les luttes héroïques de Wallace et de Robert Bruce contre la domination anglaise, et la fondation laborieuse de l'indépendance nationale avaient perpétué pendant des siècles une agitation que la victoire ne calma pas.

Car alors, les successeurs de David II (1577) sur le trône glorieusement fondé par Robert Bruce, après avoir conquis l'indépendance de leur royaume contre les ennemis du dehors, grâce à l'appui efficace et fidèle de la France, — alliée constante de l'Écosse depuis le treizième jusqu'à la fin du seizième siècle — furent obligés de disputer aux ennemis de l'intérieur, c'est-à-dire à la noblesse et à ses chefs, l'indépendance de la couronne elle-même.

Les cinq rois qui succédèrent à Marie Stuart sur le trône, obéissant à la tendance générale qui poussait tous les États à la concentration de l'autorité, avaient tenté vainement d'assujettir à la règle monarchique et de plier à l'obéissance cette formidable noblesse. Il s'était alors engagé, entre eux et les grands barons, une lutte politique qui avait succédé à la lutte nationale entre les Écossais et les Anglais. Les grands barons, dont plusieurs étaient à la fois chefs de clans et seigneurs féodaux, disposaient de forces considérables. Le chef seul des Douglas noirs, qui défendait les marches écossaises dans les régions du Sud, avait mille à quinze cents cavaliers pour escorte ordinaire, et pouvait mettre quarante mille hommes en campagne. Les rois, au contraire, n'avaient ni troupes permanentes, ni ressources financières[3]...

 

Diviser pour régner, telle fut donc la politique de nécessité et d'expédients, suivie depuis 1423 jusqu'à 1542 par la dynastie des Stuarts montée par les femmes sur le trône de Robert Bruce[4].

On va en voir les conséquences.

Jacques Ier, surpris dans Perth, succomba le 14 janvier 1437, sous le poignard d'une conspiration aristocratique.

Jacques II, implacable vainqueur de la lutte engagée à forces égales, entre les Stuarts et les Douglas, fut tué en 1460, à l'âge de vingt-neuf ans, d'un éclat de canon devant Roxburg.

En 1488 son fils et successeur, Jacques III, qui avait essayé d'une diversion démocratique, et ne réussit qu'à réunir toute l'aristocratie contre son autorité, fut battu à Sanchie, et égorgé dans sa fuite.

Jacques IV, réconcilié avec sa noblesse et avec l'Angleterre, subit le sort commun malgré une politique contraire. Il périt en 1513, sur le champ de bataille de Flodden, laissant un fils de deux ans, dont la minorité fournit de nouveaux prétextes et de nouvelles forces à la guerre civile et à l'ambition étrangère.

Devenu majeur, Jacques V, résolu à triompher de l'inimitié anglaise par l'alliance de la France, et à dominer la noblesse par le clergé, épousa, en 1537, Madeleine, fille de François Ier. Bientôt veuf, il se remaria l'année suivante, avec Marie de Lorraine, veuve du duc de Longueville, et sœur du duc François de Guise. La noblesse écossaise, qui ne lui pardonnait point ses rigueurs, refusa de le suivre contre les Anglais, qui lui avaient déclaré la guerre.

L'ignominieuse et significative défaite de Solway-moss désespéra Jacques V, La fièvre le saisit, et il mourut le 14 décembre 1542, dans le château de Falkland, à l'âge de trente et un ans. Un peu avant de mourir, il apprit que sa femme venait d'accoucher d'une fille à Linlithgow, et il dit tristement, en parlant de la couronne d'Écosse, qu'une petite-fille de Robert Bruce avait fait entrer dans la maison de Stuart : Par fille elle est venue et par fille elle s'en ira[5]...

 

Cette fille était Marie Stuart, née le 8 décembre 1542.

Voici l'éloquent et triste résumé que trace, de cette période d'efforts impuissants et de transformations passagères, un grave et illustre historien, qui a mieux vu que personne les difficultés et les trahisons qui formaient, en 1542, tout l'héritage de Marie Stuart au berceau, sans lui en tenir, plus tard, assez de compte :

Des cinq rois qui étaient montés surie trône avant Marie Stuart, deux avaient péri assassinés, Jacques let et Jacques Il ; deux étaient morts en combattant, Jacques III et Jacques IV ; et le dernier, Jacques V, avait expiré de désespoir en se voyant délaissé par sa noblesse qu'il avait compté soumettre, et en étant vaincu au moment où il se croyait triomphant. Tous les cinq avaient succombé à l'antagonisme de l'aristocratie écossaise, ou à l'inimitié de l'Angleterre. Victimes d'une situation plus forte qu'eux, ils étaient tombés, jeunes encore, sous des complots ou dans des batailles. Le plus âgé n'avait pas dépassé quarante et un ans, et tous avaient laissé des successeurs dans l'enfance. Pendant cinq minorités successives et prolongées, il y eut, non-seulement suspension de l'œuvre royale, mais paralysie même de la royauté. La noblesse reprit ce qu'elle avait perdu de puissance, et l'Écosse retomba dans tous les désordres. C'est ainsi que, malgré leurs desseins et leurs efforts, ces cinq rois, laissant subsister le même état de société, se transmirent les mêmes périls. Ces périls s'accrurent encore pour Marie Stuart, pendant la minorité de laquelle s'accomplit, dans les croyances religieuses, une révolution qui ajouta de nouvelles causes d'insubordination et de lutte aux anciennes. La réforme protestante vint fortifier et étendre l'anarchie aristocratique[6]...

 

Marie Stuart, dès le berceau, connut, avant de les comprendre, les dangers d'une situation qui encourageait les espérances de partis rivaux, que la pitié ne désarmait pas. Mais si son âge et son sexe n'arrêtèrent pas ses ennemis, ils lui donnèrent aussi des amis dévoués, dont la fidélité fut tentée par la désertion universelle, et s'obstina à la garde et à la défense de cette reine à la mamelle, qui ne pouvait avoir que les courtisans du malheur.

James Hamilton, comte d'Arran, qui était le plus proche héritier de la couronne, et qui avait en sa faveur la majorité de la noblesse, chercha à décourager, par un coup décisif, l'influence rivale du cardinal Beaton, archevêque de Saint-André, primat de l'Église d'Écosse.

Le prélat lui avait en vain disputé la régence et la tutelle de la jeune reine, qui lui avaient été conférées par le Parlement du royaume.

Le régent, sacrifiant tous ses devoirs à l'ambition et au ressentiment, entreprit, à l'instigation d'Henri VIII, d'enlever l'auguste orpheline, et de la remettre, comme gage d'une alliance qui, par le mariage, pouvait aboutir un jour à l'annexion des deux pays et à l'union des deux couronnes, à la garde suspecte de l'Angleterre elle-même.

La tentative n'échoua que grâce à la résistance indignée du comte de Lennox et de Patrick Bothwell qui, oubliant ses griefs contre Jacques V, au moment où tant d'autres payaient ses bienfaits d'ingratitude, provoqua un soulèvement des clans fidèles, et déjoua le complot de trahison.

Les deux seigneurs, conjurés à leur tour pour le salut, dérobèrent l'enfant et la mère à l'embuscade, et les transportèrent l'une et l'autre dans la forteresse de Stirling, dont la roche inexpugnable fut le premier nid tranquille de la vagabonde et enfantine royauté de Marie Stuart (21-22 juillet 1543[7].)

C'est dans l'église de Stirling, le 9 septembre[8], de la même année que Marie, à peine âgée de neuf mois, recul en gémissant, comme si elle eût instinctivement pressenti l'avenir, des mains du cardinal Beaton, l'onction du sacre et la couronne de la royauté.

Le parti catholique et français, par suite de ce jeu de bascule et de ces alternatives de revers et de succès qui portaient tour à tour à la prédominance les influences rivales, profita de l'échec des vues du régent et du mouvement de réaction qui en avait été la suite dans l'opinion, pour essayer de compléter son avantage et de rendre sa supériorité définitive.

Jacques Hamilton avait, dès le 1er juillet 1543, conclu avec Henri VIII, impatient d'intervenir dans les affaires de l'Écosse, un traité par lequel il stipulait le mariage futur de la jeune reine avec Édouard, fils du roi d'Angleterre. Dès l'âge de dix ans, Marie devait être conduite en Angleterre et élevée auprès de son fiancé.

La divulgation prématurée de ce téméraire empiétement sur les droits de la famille et du pays souleva une véritable explosion des susceptibilités nationales, si peu ménagées par ce pacte hâtif, qui livrait à un tuteur étranger, hérétique, avide, le double gage de la garde de la reine et de la remise des places frontières. Les répugnances des catholiques pour une alliance qu'ils qualifiaient d'apostasie ajoutèrent leurs levains à une fermentation que le comte d'Arran, qui avait cédé plus par ambition que par sympathie, ne se crut pas assez fort pour braver.

Par une de ces palinodies qu'expliquent les faiblesses de son caractère, les nécessités de la politique et les habitudes d'un temps peu scrupuleux, ce qui devait brouiller à jamais le régent, la reine douairière et le primat d'Écosse fut ce qui les réconcilia ; et le patriotisme fournit à tous les trois assez d'excuses pour rapprocher, au moins provisoirement, ceux qu'il semblait devoir séparer à jamais.

Le traité avec Henri VIII fut, d'un commun accord, annulé cinq mois après avoir été conclu (3 décembre), et le 15 décembre, le régent et les États d'Écosse resserrèrent solennellement, par le traité d'Édimbourg, les liens traditionnels de l'alliance avec la France.

Henri VIII ressentit, avec son emportement ordinaire, l'injure et la déception de ce revirement. Il considéra le refus de ratification, par les États d'Écosse, de ses conventions avec le régent, et surtout leur consécration de l'influence catholique et du protectorat français, comme un double défi auquel il répondit par une déclaration de guerre.

La guerre éclata donc avec ses implacables horreurs, entre les deux nations voisines, mais que séparaient des griefs séculaires, auxquels neuf ans de lutte ne devaient pas peu ajouter. On peut en juger par l'acharnement des premières hostilités entre les deux armées, qui semblaient apporter dans leur choc quelque chose de la passion jalouse qui avait provoqué la querelle dont elles étaient les champions.

Henri VIII envoya dans le détroit du Forth une flotte qui en ravagea les côtes, et alla brûler la ville même d'Édimbourg. Peu de temps après, une armée anglaise franchit la frontière du sud et dévasta le territoire écossais à plusieurs reprises. Demander Marie Stuart en mariage si violemment, c'était être sûr de ne pas l'obtenir. Par cette guerre impolitique, Henri VIII ne parvint qu'à inspirer en Écosse une horreur universelle pour les Anglais, dont le parti s'affaiblit de plus en plus, qu'à y faire appeler des troupes françaises comme auxiliaires, et qu'à provoquer une ardente persécution contre les novateurs religieux attachés à sa cause, et dont les chefs, déjà nombreux, furent pris dans le château de Saint-André, et enchainés sur les galères de France. Il mourut, en janvier 1547, bien éloigné du but qu'il s'était proposé en voulant unir les deux maisons des Stuarts et des Tudors pour confondre ensemble les deux royaumes d'Écosse et d'Angleterre[9]...

 

La mort d'Henri VIII n'apaisa point la lutte, et la flamme en fut avivée au contraire par le duc de Somerset, oncle maternel d'Édouard VI, dans lequel l'irascible et vindicatif tyran se survécut pour ainsi dire, tant son suppléant hérita de ses ambitions et de ses rancunes.

Avec la même maladroite hauteur que Henri VIII, le lord protecteur vint, appuyé par une armée, à la tête de laquelle, à peine arrivé au pouvoir, il envahit l'Écosse, sommer le régent et les États de s'engager à garder leur reine jusqu'à sa nubilité et à ne la confier à aucune autre puissance, surtout la France, jusqu'à ce que, capable d'un choix indépendant, elle se prononçât sur ses préférences.

Cette requête armée couvrait, sous ses apparences d'impartialité et de désintéressement, une véritable mise en demeure de rompre l'alliance française. Les Écossais, qui aimaient peu à obéir à leurs maîtres, étaient encore moins dociles au joug étranger. Ils préférèrent les chances de la lutte aux hontes de la soumission à l'ultimatum anglais, et la guerre recommença, des deux parts impitoyable, désespérée ; les Anglais y déployant toute leur âpreté conquérante, les Écossais leur résistant avec la farouche et sauvage énergie du caractère national. Il n'y a pas — écrivait Georges Douglas — jusqu'aux petits garçons, qui ne veuillent jeter des pierres aux Anglais ; les femmes y briseront leurs quenouilles. Tout le peuple mourrait plutôt pour les arrêter ; la plupart des hommes nobles et tout le clergé sont contre eux.

Malheureusement la fortune et la victoire ne sont pas toujours du côté du droit, et la fatale défaite de Pinkie (10 septembre 1547) coûta à l'Écosse plus de dix mille de ses défenseurs, et la livra en proie à l'invasion. Les Anglais pénétrèrent jusqu'à Leith ; ils occupèrent la partie méridionale du pays, s'y fortifièrent, et les principaux lairds de cette frontière leur prêtèrent hommage.

Cet événement funeste fut décisif pour la destinée de Marie Stuart et pour la politique de l'Écosse. Il ne permettait plus les atermoiements, et les vains essais d'un décevant équilibre entre des influences inconciliables, et dont l'une exigeait le sacrifice de l'autre. La reine douairière et le cardinal Beaton, qui avaient rangé avec habileté le régent à leur domination, n'eurent pas de peine à obtenir son adhésion à un parti caressé depuis longtemps par l'ambition maternelle de l'une, par l'ambition religieuse de l'autre, et à lui montrer dans l'appui de la France le seul moyen de salut.

Par une sorte de miracle, tout le monde en Écosse fut du même avis, et chaque parti trouva à la fois des garanties pour l'intérêt commun et pour son intérêt particulier dans les gages mêmes que l'Écosse allait offrir à l'alliance de la France après les avoir refusés à celle de l'Angleterre.

Il ne s'agissait de rien moins que de fiancer Marie Stuart au dauphin de France, qui était d'un âge aussi tendre qu'elle, et de confier à Henri II, qui avait succédé à François Pr trois mois après l'avènement d'Édouard VI, la garde de sa future bru, en échange de sa participation efficace à la défense d'un royaume devenu celui de son fils.

A cet arrangement l'Écosse gagnait un allié intrépide, loyal et fidèle ; la reine douairière acquérait le pouvoir, dont elle avait déjà attiré à elle la réalité, en attendant qu'elle obtint du comte d'Arran, récompensé de ce sacrifice par le duché français de Châtellerault, l'ordre du roi et des pensions, la renonciation au vain titre d'une régence qu'il n'exerçait plus que de nom. Le cardinal Beaton voyait avec raison le triomphe de l'Église catholique dans celui de la sœur des Guise. La France tenait l'Angleterre en échec par la diversion de la guerre écossaise, et pouvait tourner contre l'Espagne un suprême effort. La noblesse écossaise se félicitait aussi du prochain départ de Marie Stuart, de son éloignement et de son mariage avec un prince étranger, et comptait bien profiter, pour étendre ses privilèges, de ce perpétuel interrègne de son absence.

Henri II ayant courtoisement et habilement fourni le premier à la nouvelle alliance le témoignage irrécusable de l'envoi dans le Forth d'une flotte française, portant une petite armée de six mille hommes de débarquement et un excellent train d'artillerie, les États d'Écosse firent le meilleur accueil aux déclarations du général en chef ambassadeur, André de Montalembert, seigneur d'Essé. Le projet de mariage des deux princes enfants et le départ de Marie Stuart pour la France furent ratifiés, et le duc de Somerset, dont les tardives et toujours maladroites protestations et explications n'avaient pu rendre la cause meilleure, aux yeux d'un peuple offensé à jamais, n'eut plus d'autre ressource, pour empêcher l'accomplissement de desseins qui ruinaient les siens, que l'éloquence de la force. Il résolut d'intercepter la flotte chargée de conduire en France Marie Stuart, et de s'emparer de cette enfantine fiancée, innocent objet de tant de convoitises et de discordes, qu'on ne voulait ni garder en Écosse ni confier à l'Angleterre.

La prévoyante activité de la reine douairière, aiguillonnée à la fois par l'affection et l'ambition, devait, comme nous allons le voir, tromper ses calculs, déjouer ses plans et dérober à ses ravisseurs cette fiancée encore trop jeune pour que ses prétendants se disputassent sa beauté, mais dont la dot était un royaume.

Agée à ce moment de six ans à peine, la jeune princesse avait résidé jusque-là au château de Stirling, sous la garde de ses deux gouverneurs, les lords Erskine et Livingston.

Le désastre de Pinkie, en menaçant Stirling, fit paraitre précaire, à la sollicitude maternelle, quoiqu'il fût à peu près inexpugnable, cet asile aérien, ce nid crénelé de l'enfance de Marie Stuart.

On la fit descendre de ce rocher fortifié pour la conduire au monastère d'Inch-Mahome, situé au milieu du lac de Menteith, et dont la situation réunissait le double avantage d'une ceinture de pierre défendue par une ceinture d'eau.

Il est demeuré peu de souvenirs historiques de ces premières années de Marie Stuart, croissant, comme une fleur de prison, dans la sévère atmosphère de cette forteresse où l'œil ne pouvait que se heurter à un cadre de pierres, ou que s'égarer dans l'infini du ciel.

Mais les traditions légendaires et populaires ne manquent pas sur le séjour de Marie Stuart, non plus sur l'abrupte montagne de Stirling, mais dans la vallée d'Inch-Mahome, où l'enfance de la digne fille du chevaleresque et romanesque Jacques V, cher à la ballade, trouva un champ plus propice à ses jeux et put être en contact avec ses fidèles sujets.

Les incursions anglaises n'étant plus à craindre, elle jouit là d'une demi-liberté, et put développer à la fois son imagination et sa santé dans les rêveuses promenades en barque sur le lac, ou dans les courses à pied à travers les bruyères, au milieu d'un essaim de compagnes souvent rustiques.

Il est demeuré, de ces rencontres, dans la mémoire du peuple écossais, l'image d'une charmante enfant, à l'œil vif, au teint hâlé, souple et forte, fière et douce, merveilleusement apte à tous les exercices de l'esprit ou du corps, devinant ce qu'on lui enseignait, et justifiant son rang par toutes sortes de supériorités innées.

Elle dansait comme une petite fée, et jouait comme un ange du luth et du psaltérion. Elle montait à cheval avec une grâce et une intrépidité précoces. Tour à tour folâtre ou mélancolique, un air de cornemuse la faisait sauter tour à tour ou pleurer. Elle parlait déjà à merveille, avec finesse et autorité, mais son silence était encore plus éloquent, quand, la tête noyée dans les flots de ses cheveux châtains, elle écoutait l'écho lointain du cor dans les bois, et suivait en imagination, les yeux fermés, la chasse qu'elle eût voulu suivre en réalité.

Enfin, au dire de tous les témoins de cette première enfance et de cette première éducation, assez semblable à celle qui trempait, à peu près vers le même temps, dans les montagnes patriarcales et pastorales du Béarn, le caractère du roi de Navarre, il reste de Marie Stuart enfant l'impression d'une de ces princesses privilégiées, destinées à être vraiment femmes et vraiment reines, faites pour honorer leur sexe et leur rang, et pour fournir au moraliste et au poète comme le type idéal d'un caractère et d'une époque.

Nous empruntons à un historien qui a peut-être un peu trop romancé ses histoires, ce crayon qui doit être ressemblant.

Elle était charmante, alors, au monastère d'Inch-Mahome, avec son snood de satin rose, et son plaid de soie, rattaché par une agrafe d'or aux armes de Lorraine et d'Écosse. Elle avait déjà ce don de séduction qui lui était si naturel. Elle était adorée de ses gouverneurs, de ses officiers, de ses femmes, de ses maitres et de tous ceux que le hasard lui faisait rencontrer, bourgeois ou gentilshommes, commerçants de la plaine, pêcheurs ou montagnards[10]...

 

Tandis que lord Somerset faisait partir une flotte sous le commandement de l'amiral Clinton, pour intercepter le passage à Marie Stuart et à ses guides, et que celui-ci se hâtait vers le point choisi pour cette maritime embuscade, la reine douairière d'Écosse conduisait rapidement et furtivement sa fille d'Inch-Mahome à Dumbarton, où la rejoignait, avec non moins de diligence et de précaution, l'amiral français Villegagnon, suivi de quatre galiotes destinées à la transporter en France.

La jeune princesse s'embarqua sur le galion royal, accompagnée de ses deux gouverneurs et de son frère naturel, lord James Stuart, alors âgé de dix-sept ans, qui allait bientôt, sous le nom de comte de Mar, puis de Murray, exercer, au prix d'une équivoque célébrité, une si fatale influence sur la destinée de sa sœur.

Quatre compagnes de son âge, appartenant aux premières familles de l'Écosse, et qu'on appelait les quatre Maries, parce qu'elles portaient le même nom que leur maîtresse et amie, Marie Fleming, Marie Beaton, Marie Seaton et Marie Livingston, complétaient sa suite. Ces filles d'honneur inauguraient ainsi la mission d'inaltérable dévouement et d'infatigable fidélité qui nous montrera sans cesse Marie Stuart entourée de ce groupe gardien et consolateur, au milieu duquel elle devait monter sur le trône, au milieu duquel elle devait s'agenouiller sur l'échafaud.

Mais alors qui eût osé mêler à des espérances que ne troublait même pas la pensée du danger imminent d'une rencontre de la croisière anglaise, des pressentiments si peu conformes aux heureux auspices d'un départ libérateur, pour cette France adoptive, si différente de l'Écosse marâtre, et cette cour modèle, que toutes les autres regardaient de l'œil d'admiration et d'envie avec lequel le purgatoire regarde le paradis ?

Nos illustres fugitives échappèrent d'ailleurs, sans même s'en apercevoir, aux navires apostés sur leur route, et qui, devancés par la flotte française, ne purent prendre que derrière elle le poste de la pointe de Saint-Abbot, où ils devaient l'attendre et l'arrêter.

Partie de la côte occidentale de l'Écosse le 7 août, l'escadre française, chargée de son précieux dépôt, entra heureusement, après une traversée sans encombre, le 13 août 1548, dans le port de Brest, selon certains historiens[11], de Roscoff, selon les autres[12].

Marie fut conduite à Saint-Germain, résidence d'été de la cour, et accueillie paternellement par Henri II, qui lui assigna un état de maison digne de son rang, et la fit élever avec ses propres enfants[13].

Le départ de Marie Stuart fut le signal d'une recrudescence d'hostilités entre l'Angleterre et l'Écosse. Mais celle-ci, grâce à l'appui des troupes françaises, soutint avec honneur et même avec succès une lutte inégale, que termina la paix, signée à Boulogne le 24 mars et proclamée le 20 avril 1550.

Désormais ce n'est plus à la force mais à la ruse qu'aura recours l'Angleterre, et par des intrigues appuyées sur le fanatisme religieux plus encore que sur les mécontentements oligarchiques, elle organisera, sous le voile de l'inviolabilité diplomatique, une conspiration mystérieuse et permanente, dont les principaux serviteurs de Marie Stuart deviendront les mercenaires complices, et dont le génie astucieux d'Élisabeth poussera jusqu'à une tragique vengeance les odieux succès.

Durant la période décennale qui s'écoula de 1550 à 1560, la prédominance du parti catholique, royaliste et français en Écosse, atteignit son apogée pour décroître jusqu'au déclin.

La reine douairière, ambitieuse et habile, obtint, par la démission du comte d'Arran et l'assentiment de la noblesse, gagnée par ses concessions, la régence qu'elle convoitait, et qui lui fut solennellement attribuée, en 1554, par un mandat de sa fille, alors âgée de douze ans, confirmé par les États d'Écosse.

Pendant quelque temps elle put s'applaudir de son œuvre et jouir tranquillement de son triomphe, car l'exemple de soumission donné par le chef des Hamilton et par le chef des Gordon, devenus les premiers courtisans de la régente, maintint dans le repos une aristocratie intimidée ou séduite ; et la réaction catholique impitoyable, inaugurée avec son règne par Marie Tudor, et excitée encore par son mariage avec Philippe II, roi d'Espagne, fit apprécier aux protestants écossais l'avantage de vivre sous un régime tolérant en comparaison de la persécution anglaise, ou du moins les réduisit à l'impuissance.

Mais les germes de discorde et de révolte semés par les doctrines calvinistes, marquées en Écosse d'un caractère révolutionnaire et républicain qu'elles n'eurent ni en Angleterre ni en Allemagne, où elles se conciliaient fort bien avec le respect du principe monarchique et des autorités établies, ne pouvaient que s'aigrir et se développer dans cette amère inaction d'une attente troublée.

Car, par l'exagération naturelle de ses tendances moins contenues, dès que Marie de Lorraine, maîtresse du gouvernement, eut moins besoin de dissimuler complètement, la régente, entraînée à sortir de sa réserve et de son impartialité, ne tarda pas à fournir aux mécontents de la noblesse et aux fanatiques de la réforme, des griefs bientôt envenimés.

Dès 1546, l'assassinat du cardinal Beaton avait répondu au supplice du ministre précurseur de Knox, Georges Wishart ; et l'intervention de la France en Écosse, qualifiée d'abord d'alliance, puis de domination, allait offrir au manifeste de l'insurrection aristocratique de 1559 le grief de l'exclusion systématique des nationaux et de la préférence insultante accordée aux étrangers pour les principaux emplois du gouvernement. Et, en effet, à ce moment, la régente avait pour vice-chancelier, K. de Rubay, M. de Villemore pour contrôleur des finances et pour conseiller intime et dirigeant M. d'Oysel.

 

 

 



[1] Histoire de Marie Stuart, par M. Mignet, de l'Académie française. Charpentier, 1856, t. I, p. 5.

[2] Mignet, t. I, p. 5.

[3] Mignet, t. I, p. 6 et 7.

[4] Mignet, t. I, p. 7.

[5] Mignet, t. I, p. 17.

[6] Mignet, t. I, p. 23.

[7] Marie Stuart et le comte de Bothwell, par L. Wiesener, 1863, p. 2.

[8] Le 16, suivant M. Chéruel (Marie Stuart et Catherine de Médicis, 1858, p. 11).

[9] Mignet, t. I, p. 27-28.

[10] Histoire de Marie Stuart, par J. M. Dargaud, p. 18.

[11] Mignet, t. I, p. 51.

[12] Dargaud, p. 25.

[13] Mignet, t. I, p. 51.