LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

DEUXIÈME PARTIE

 

II. — LA FOSSE-HINGANT.

 

 

De Lamballe, Lalligand, dans l'ivresse du succès, adressa le soir même[1], au Ministre, un récit de son expédition à la Guyomarais. Sa pensée reconnaissante va vers Chévetel : Que son nom ne soit pas articulé, écrit-il, il perdrait infailliblement la vie ; je vais le rejoindre, le tirer de l'incertitude où je l'ai laissé et agir de nouveau[2].

Le lendemain, il s'occupa d'envoyer à Rennes ses prisonniers, car il redoutait l'intérêt que leur sort excitait à Lamballe, où ils étaient depuis longtemps connus et aimés. Il grossit leur nombre de trois nouvelles victimes, arrêtées la veille, M. de la Vigne-Dampierre[3], accusé d'être des amis de la Guyomarais et d'avoir séjourné à Paris à l'époque du 10 août, un perruquier nommé Petit, et Micault de Mainville[4], frère de Mme de la Guyomarais.

Lalligand requit une escorte de trois gendarmes et de douze volontaires[5], ordonna le départ pour onze heures du matin, pourvut à tout et ne prit le temps de respirer que lorsqu'il eut vu ses victimes, convenablement enchaînées, s'éloigner sur la route de Rennes. Aussi infatigable que vantard, il glissa aux commissaires, sous le plus grand secret, qu'il allait courir vers de nouveaux exploits et qu'avant peu on entendrait parler de lui[6]. A onze heures et quart il montait en berline avec l'ami Burthe et se dirigeait vers Saint-Servan.

Le 2 mars, il est de retour à l'auberge du. Pélican, et il écrit de là au Ministre cette lettre dont il faut textuellement citer les termes, car elle peint le personnage.

Me voici de retour à Saint-Servan... J'attends Chévetel pour porter le coup de la mort au parti aristocrate.

Depuis cinq jours je veille, je cours, je fais arrêter, je fais des procédures, des saisies ; ma conduite sera celle de l'homme qu'il faut à la République... Patience ! Adieu, je meurs de sommeil et je vais prendre un peu de repos en attendant Chévetel.

LALLIGAND-MORILLON.

Il n'y a rien à reprocher à Chévetel, il a bien été[7].

 

Chévetel devait aller mieux encore : à l'heure dite il était chez Lalligand et lui donnait ses dernières instructions : il s'agissait de ne pas laisser échapper un seul des hôtes chez lesquels il vivait et qui, depuis six mois, lui témoignaient une absolue confiance ; toutes ses mesures étant bien prises, il retourna en hâte à la Fosse-Hingant.

 

Ce château[8], vaste construction entourée de dépendances importantes et de jardins étendus, est situé à huit kilomètres de Saint-Malo, sur le territoire de Saint-Coulomb : un court chemin ombragé, se détachant de la route de Cancale, conduit en quelques pas à une porte charretière, posée de biais et encadrée de vieux arbres : cette porte franchie, on est dans un jardin qui sépare le château du grand chemin.

De ce côté la maison présente deux forts pavillons carrés, formant avant-corps, réunis par des constructions moins hautes ; l'autre façade est plus régulière et donne aujourd'hui sur un beau parc anglais, remplaçant les parterres de légumes et de fleur qui s'y trouvaient autrefois.

La Fosse-Hingant, où notre récit nous a déjà plusieurs fois amené, était habitée, à l'époque de là Révolution, par M. et Mme Desilles de Cambernon[9], dont le fils, nous l'avons rappelé, avait glorieusement perdu la vie en s'efforçant d'apaiser la rébellion des troupes de Nancy, en août 1790. Ce malheur avait troublé les facultés mentales déjà affaiblies de Mme Desilles ; près d'elle s'étaient réfugiées, depuis deux ans, ses trois filles : Jeanne-Julie-Michèle, veuve de M. de Virel ; Marie-Thérèse d'Allerac[10] et Angélique-Françoise Roland de la Fonchais[11] ; MM. d'Allerac et Roland de la Fonchais avaient émigré depuis quelques mois. A la fin de février de cette année 1793, M. Picot de Limoëlan, frère de Mme Desilles, était venu, laissant ses filles à son château[12], passer quelques jours chez son beau-frère, afin de discuter avec lui les obligations qu'imposait aux chefs de la conjuration bretonne la mort du marquis de la Rouerie. Au milieu de cette famille unie et sans méfiance, vivait Chévetel, que son dévouement apparent et ses continuelles protestations d'amitié avaient rendu le conseiller écouté, le confident obligé de tous les projets.

Le 2 mars, en revenant de Saint-Servan, où il avait donné à Lalligand ses derniers ordres, Chévetel trouva les habitants de la Fosse-Hingant très émus ; ils venaient de recevoir secrètement l'avis qu'au cours de la nuit suivante une perquisition devait avoir lieu au château. Les filles de Desilles suppliaient leur père de s'éloigner ; lui seul, en somme, était compromis et pouvait courir quelque danger. Chévetel rassura tout le monde et traita ces craintes de chimériques, ajoutant que lui-même allait souper très tranquillement et passer la nuit à la Fosse-Hingant[13]. Son calme rendit aux jeunes femmes un peu de sang-froid, et la soirée fut tranquille ; mais, à peine Chévetel était-il retiré dans sa chambre qu'un nouvel émissaire vint prévenir les dames Desilles que le détachement chargé de la perquisition avait quitté Saint-Malo en même temps que lui et qu'il n'avait d'autre avance que celle que peut prendre un homme pressé sur un corps militaire en marche. Mme de Virel, qui reçut l'avis, le transmit immédiatement à son père, et Desilles, cédant à regret aux sollicitations de sa femme et de ses filles, alla demander asile à son ami, M. de Cheffontaine, au château de la Ville-Bague, voisin de la côte ; on pouvait là, en cas d'alerte, monter dans quelque barque amarrée au havre de Rotheneuf et gagner rapidement le large.

Ainsi rassurée sur le sort de son père, Mme de Virel pensa à prévenir également Chévetel : celui-ci dormait d'un sommeil paisible ; réveillé, mis au courant de la fuite de Desilles, il s'en montra excessivement contrarié, affirmant que personne à la Fosse-Hingant ne courait le moindre danger et que la perquisition, si elle avait lieu, ne serait qu'une formalité sans conséquence, puisque la famille Desilles et lui-même connaissaient seuls l'endroit où avaient été enfermés les papiers de la Rouërie.

— Où donc s'est réfugié Desilles ? interrogea-t-il.

— Je l'ignore, répondit Mme de Virel.

— Ah ! Madame, qu'avez-vous fait ? Vous perdez votre père et moi ; je l'aurais sauvé, j'en suis sûr ! pour ma part je ne vous quitterai pas[14].

Mme de Virel, interdite, émue de tant d'énergie et de dévouement, se retira les larmes aux yeux, renonçant à vaincre l'obstination de cet héroïque ami.

A la pointe du jour, Lalligand se présenta au château : il était accompagné de François Chartier, juge de paix du canton de Cancale, de l'inévitable Burthe et d'un détachement de cent hommes, sous le commandement du lieutenant Cadenne, qui plaça des postes à toutes les issues[15]. Lalligand commença par visiter la maison et ses dépendances, mit toutes les personnes présentes en état d'arrestation et les consigna dans le château, sous la surveillance des gendarmes. Chévetel, arrêté comme les autres, fut enfermé dans la même chambre que Mme Desilles, tandis que son compère parcourait les bosquets du jardin et les cours de la ferme, prenant ses dispositions. Mme de Virel se désespérait : non point tant sur son sort que sur celui de Chévetel : profitant d'un moment où la surveillance de ses gardiens se relâchait, elle prit, dans un secrétaire, deux cents louis d'or qu'elle réussit à lui faire parvenir dans la chambre où il était détenu, l'assurant que lui seul était compromis et que sa présence même dans une maison suspecte équivalait à un aveu ; le conjurant de fuir, s'il en était temps encore ; Chévetel dut bien rire : il mit l'argent en poche et attendit tranquillement les événements.

Cependant Lalligand continuait ses préparatifs : il s'agitait beaucoup, allant de la cour au jardin, scrutant de l'œil les massifs, réquisitionnant une troupe de paysans armés de pioches et de bêches, jetant une question hâtive aux prisonniers, surveillant tout, se lamentant à haute voix de la rude besogne dont on l'avait chargé.

Il avait en effet adopté une nouvelle tactique : au fond cet homme n'était pas méchant, il était pire. Il avait réfléchi qu'en agissant comme il l'avait fait à la Guyomarais, il servait grandement la République, mais sans en retirer personnellement aucun profit : après tout, ces gens qu'il envoyait au bourreau étaient riches, et c'eût été, à son avis, pure duperie que de ne pas spéculer sur leurs angoisses. Il pensa que ces trois jeunes femmes, dont l'aînée n'avait pas vingt-sept ans, rachèteraient volontiers leurs têtes et, dès l'abord, il posa un premier jalon en leur témoignant un intérêt des plus vifs ; se présentant dans la chambre où il les tenait enfermées, toutes trois ensemble, il déplora amèrement la honte de la mission dont il s'était chargé sans en comprendre toute la gravité : il leur avoua qu'il avait été royaliste, qu'il l'était encore, et, tirant à demi son sabre du fourreau, il leur en montra la lame fleurdelysée portant, gravée dans l'acier, l'inscription : Vive le Roi ![16] L'emphase qu'il mettait à cette déclaration étonna les dames Desilles plus qu'elle ne les séduisit : elles demeurèrent impassibles, craignant quelque piège ; pourtant, sans se livrer, elles traitèrent, dès ce moment, avec moins de hauteur[17], l'espion qui, de son côté, s'appliqua à se montrer accessible à la pitié, prévoyant bien que l'heure viendrait où ses victimes, acculées à l'échafaud, n'hésiteraient plus à payer largement son assistance. Je ne sais rien de plus lamentable que la situation de ces pauvres femmes, trahies par Chévetel, dupées par Lalligand, n'ayant, pour toute défense, que leur bonne foi naïve, leur honnêteté sans détours, et si bien aveuglées par les ruses hypocrites de leurs bourreaux qu'elles soupçonneront tous leurs amis avant de découvrir le nom de l'homme qui les aura vendues.

Il faut reconnaître que Lalligand joua, en grand artiste, son double rôle. Il commença par questionner Chévetel, à qui il demanda, sans rire, son nom et sa profession ; le juge de paix Char lier semble n'avoir rien compris à la comédie : il consigna dans son procès-verbal[18] la réponse de Chévetel, sans s'étonner que l'interrogatoire ne fût pas poussé plus avant. Lalligand, très adroitement d'ailleurs, se montra, tout d'abord, aussi réservé à l'égard des autres prévenus : il leur posa quelques questions sur l'évasion de Desilles, sur leurs relations avec la Rouërie et sur le dépôt de ses papiers, dont ils affirmèrent n'avoir aucune connaissance. Tous déclarent unanimement vouloir être présents aux perquisitions qui vont avoir lieu. Cette formalité remplie, on se met à table, on dîne, et vers deux heures et demie les fouilles commencent.

Cinq paysans, armés de pioches et de pelles, reçoivent l'ordre d'ouvrir une tranchée dans le premier carré du parterre : les recherches poussées rapidement et pour la forme, puisque Lalligand connaissait d'avance l'emplacement exact de la cachette, ne donnaient, naturellement, aucun résultat : les ouvriers attaquèrent le second carré, puis le troisième et le quatrième : déjà les dames Desilles et leur oncle Limoëlan, qui, pendant les fouilles, avaient obtenu la permission de se promener dans le jardin, reprenaient confiance : une perquisition aussi superficielle n'était pas de nature à les inquiéter. Tous quatre allaient et venaient sous les arbres, en compagnie de Chévetel, causant avec les travailleurs et se félicitant déjà du dénouement de l'aventure.

Vers cinq heures du soir, cependant, voyant le jour finir, Lalligand donna l'ordre de creuser le sixième carré ; après quelques minutes de travail, le citoyen Bernard, gendarme, crut apercevoir du verre ; sur son observation, le citoyen Germain Ravaleux, garde national du détachement, s'étant précipité dans la fosse pour s'en assurer, leva la terre avec la main et mit le cul de la bouteille à découvert[19]. Les recherches furent immédiatement interrompues : avec mille précautions on sortit le bocal de la fosse : c'était un vase de verre jaune, à large goulot, haut de dix pouces sur quatre et demi de diamètre[20], fermé d'un épais bouchon de liège scellé au moyen d'une couche de résine.

Lalligand fit rentrer tous les prévenus dans le château, s'installa dans la salle du rez-de-chaussée, et aussitôt les interrogatoires commencèrent. Tout d'abord comparurent les dames de Virel, d'Allerac et de la Fonchais, qu'il voulut questionner en présence de leur oncle Picot de Limoëlan, insinuant que celui-ci, homme d'expérience et de sang-froid, saurait ouvrir dans ses réponses une ligne de défense que ses nièces n'auraient plus qu'à suivre[21]. Il manœuvrait avec une incomparable virtuosité, trouvant le moyen d'éloigner Chévetel, offrant insidieusement ses services aux y pauvres femmes affolées, cherchant à leur faire comprendre qu'il n'était pas intraitable et que son ; intégrité avait des limites[22].

Que se passa-t-il dans ces entretiens mystérieux ? Le procès-verbal est plein de lacunes ; mais une chose est certaine, c'est que Lalligand, ayant découvert la retraite de Desilles, se mit à sa poursuite et le laissa échapper, avec Dubuat et Lemasson, fils du docteur compromis dans l'inhumation de la Rouërie : tous trois, comme si on les eût prévenus à temps, se jetèrent dans une barque et prirent le large à Rotheneuf. Lalligand, cherchant à s'excuser de cet échec, écrivait au Ministre[23] :

Malgré un détachement de cent hommes, Desilles, Dubuat et Lemasson fils se sont embarqués pour ainsi dire sous mes yeux. J'ai pris l'oncle[24] et les trois jeunes femmes Desilles, dont les maris sont émigrés.

 

Mais le rigide Sicard, tenu, je ne sais comment, au courant du moindre détail des opérations, adressait au Ministre cette note sévère :

Que penser d'une telle conduite, jointe à d'autres inculpations que je développerai lorsqu'il sera temps ? Si Lalligand se rend à Paris, on pourra l'interpeller sur des faits qu'il ne peut ignorer : il est bien étonnant, par exemple, que Desilles père ait trouvé le moyen de s'évader, lorsque son ami intime[25], son confident... était le seul instruit des préparatifs pour la découverte... J'aperçois des fripons auxquels on est obligé de confier les intérêts sacrés de la République et qui la trahissent. Je crois en avoir la preuve morale, et je ne puis agir : il n'y a aucune trace matérielle tout s'est passé dans l'ombre du mystère.

 

Les soupçons de Sicard étaient justifiés : il nous paraît bien probable que les trois filles de Desilles avaient acheté à Lalligand la liberté de leur père.

Pendant huit jours l'espion séjourna à la Fosse-Hingant, poursuivant son enquête : il avait ouvert le bocal et fait l'inventaire des pièces qui y étaient renfermées[26] : toutes établissant la complicité de Desilles et la véracité des délations de Chévetel Outre les lettres autographes du comte d'Artois, les commissions en blanc, les minutes des proclamations de la Rouërie, les inventaires d'armes et de munitions, on y trouva mention des cotisations versées par certains affiliés, Locquet de Granville[27], Groult de la Motte[28], Morin Delaunay[29], Thérèse de Moëlien, et aussi le nom de Thomazeau[30], quincailler à Saint-Malo, qui avait fourni des armes, ainsi que les quittances reçues par Fonte vieux pour ses frais de voyage.

Très renseigné par Chévetel, qui sous main dirigeait l'enquête, Lalligand lança contre Groult de la Motte, Locquet de Granville, Delaunay et Thomazeau des mandats d'amener : tous, conduits sous escorte à la Fosse-Hingant, affirmaient n'avoir pris aucune part au complot ; ils ne s'expliquaient pas comment leurs noms figuraient dans les papiers de la Rouërie, n'ayant jamais eu de relations avec lui depuis le commencement de la Révolution. Les domestiques de la maison[31], les fournisseurs[32], les paysans des villages[33], n'en apprirent pas davantage : on ne tira d'eux que quelques renseignements très vagues. Nous ne voyons à retenir parmi ces interrogatoires que celui d'Anne Larsonneur, femme de chambre de Mme Desilles : elle ne cessa de railler et de rire, exigeant que le procès-verbal relatât toutes les bêtises qu'elle dirait, et telles qu'elle les dirait, assurant que, pour elle, le mot de Rouerie était un mot latin et prétendant que, quand elle avait vu les commissaires retirer de terre un bocal de verre jaune, elle était si bien ignorante des papiers qu'il pouvait contenir qu'elle avait cru que c'était un pot de miel de Narbonne[34].

Un incident imprévu termina cette longue enquête : au moment où Lalligand venait d'interroger Picot de Limoëlan qui, ayant habilement éludé les questions embarrassantes, pouvait se croire hors de cause, un domestique se présenta à la porte de la Fosse-Hingant et fut immédiatement appréhendé par les soldats qui l'amenèrent à Lalligand. C'était un des serviteurs de Limoëlan : il venait du château de Sévignac et apportait au prévenu une lettre de sa fille aînée.

Lalligand prit la lettre, l'ouvrit, elle était conçue en ces termes :

Comment, déjà une lettre de ma fille ! — Oui, mon cher papa, je ne puis résister au désir de vous demander de vos nouvelles. D'ailleurs, j'ai tout plein de choses à vous dire : nous avons su hier qu'à la Fosse-Hingant tous les domestiques savent la mort de notre ami[35] et quel est son fils et où il est. Il faut que cela soit tenu bien peu secret puisque Saint-Jean[36] n'y a été qu'un demi-jour, et cela a suffi pour qu'il en fût instruit. Il n'en a parlé qu'à nos femmes de chambre, dont nous sommes sûres comme de nous-mêmes... Nous voudrions, papa, que vous lui en parliez[37] ; mais faites-le comme de vous-même, disant que vous pensez bien qu'il aura su dans la maison où vous êtes la naissance du jeune homme[38], la mort, etc. c'est le seul moyen de réparer le mal que peut faire le babil de mes cousines[39]... Voyez si la maison que vous habitez en ce moment n'est pas le temple de l'indiscrétion ; vraiment j'enrage, je suis d'une colère contre mes cousines...

 

Ce billet est joint au dossier : il est resté tel que l'envoya la jeune fille, avec ses plis, ses caractères menus et élégants, son petit cachet de cire que viola la main brutale de l'espion ; et, parmi ce sinistre fatras de paperasses, celle-ci arrête et attriste : cette gentille lettre enjouée, ce conseil affectueux, adressé par une enfant dont on devine l'inquiétude sous le badinage du style, ces quelques lignes écrites sans méfiance... c'était pour le père l'échafaud ; et l'on pense au regard terrifié que le malheureux, tandis que Lalligand lisait, dut attacher à ce papier qui lui venait de ses filles et qui l'envoyait à la mort...

Avant de quitter la Fosse-Hingant, Lalligand fit fouiller, d'après les indications de Chévetel[40], un petit cabinet où, sous une lourde commode, s'ouvrait une trappe conduisant à une sorte de caveau : on découvrit, dans cette cachette, une grande quantité d'argenterie, qui fut mise dans un sac scellé[41] ; cette opération terminée, l'espion prit ses dispositions de départ. Laissant au château Mme Desilles, trop malade d'esprit pour qu'on pût espérer la convaincre de complicité avec les conspirateurs, il fit monter sur une même charrette Delaunay, Thomazeau, Groult de la Motte, Picot de Limoëlan et ses trois nièces, Mmes de Virel, d'Allerac et de la Fonchais, et, sous l'escorte d'un peloton de gendarmes, on prit la route de Saint-Malo.

Les pauvres femmes pleurèrent, dit-on, en entendant se refermer derrière elles la porte de cette propriété où s'était passée leur enfance : elles durent longtemps fixer des yeux le toit de cette maison où elles laissaient leur mère, seule, l'esprit égaré, sans assistance ; enfin, à la descente de la Toutenais, un vallonnement de la route leur cacha le groupe de vieux arbres, pleins de guis, dont s'entoure la Fosse-Hingant ; elles se recueillirent et se mirent à prier : leur calvaire commençait[42].

On écroua les prisonniers au château de Saint-Malo[43], et seulement lorsqu'il les fut enfermés derrière ces formidables murailles, Chévetel respira, enfin délivré de la contrainte qu'il s'était imposée ; mais le misérable craignait que les malheurs de ses victimes ne leur suscitassent un vengeur. Il avait hâte de quitter la Bretagne et s'ouvrait de ce désir au Ministre :

MONSIEUR,

Le citoyen Morillon vous a sans doute instruit des difficultés et des obstacles que nous avons eu à vaincre pour remplir la mission dont le Comité de Sûreté générale nous avait chargés ; malgré cela les grands coups sont portés et d'ici dix jours j'irai moi-même vous rendre compte de nos opérations ; le succès a couronné nos efforts et je me flatte que ma conduite aura votre approbation ; je dois encore rester sous le manteau, ma tête en dépend, et je tiens à mon existence, parce que je crois pouvoir encore être de quelque utilité à ma patrie.

J'ai l'honneur d'être avec la considération due à vos talents et à votre civisme,

Monsieur,

Votre dévoué et très obéissant serviteur,

CHÉVETEL[44].

 

Mais, dans la terreur que lui inspirait le sentiment confus de son ignominie, il se voyait partout en butte au poignard de quelque justicier : il n'osait rentrer à Paris où se trouvaient Fontevieux et Pontavice : il fallait que ces deux hommes disparussent : il vivait dans l'angoisse de les voir, tout à coup, se dresser devant lui et lui demander compte de sa trahison.

Déjà il avait pressé Lalligand, — il ne se mettait jamais en scène, — de dénoncer au Ministre les deux aides de camp du marquis : il avait spécifié que Fontevieux, caché sous le nom de le Petit, habitait à Paris, place de la Révolution, chez le citoyen Gogi ; que Pontavice logeait avec sa femme rue du Parc-Royal, à l'hôtel d'Orléans, tenu par un nommé Filhastre[45] ; mais, tant que les deux jeunes gens ne seraient pas sous les verrous, il refusait de s'aventurer dans Paris. Lalligand écrivait :

Mon collègue est perpétuellement en danger. Je vous le répète, si son nom est articulé avec le mien, il est infailliblement perdu. Le parti ennemi de la chose publique est mieux servi que nous[46].

Et le Ministre, estimant précieux les jours d'un tel auxiliaire, mandait à Sicard.

Surtout, mon ami[47], qu'il ne t'échappe rien, car tu exposerais la vie d'un de nos agents : nomme-les ainsi dans tes lettres et ne déclare jamais leur véritable nom[48].

 

Enfin, vers le milieu de mars, parvint à Saint-Servan la bienheureuse nouvelle.

Je m'empresse, mon camarade, écrivait le Ministre[49], de vous apprendre que les deux coquins sont dedans ; l'aide de camp[50] s'est enferré jusqu'aux oreilles ; l'autre s'est assez bien défendu... Il est instant : 1° que Chévetel parte pour Paris à l'effet de donner des renseignements nécessaires sur ces deux individus et d'ailleurs pour se mettre en sûreté, car, malgré les précautions que le Comité a prises, il serait possible que l'aide de camp écrivît en Bretagne ; 2° il faut hâter l'envoi des détenus à Paris ; je vous adresse un ordre du Comité[51]...

 

Fontevieux s'était enferré, en effet : dans un premier interrogatoire il s'était donné comme négociant, avait nié toute participation au complot de la Rouërie et prétendait que les notes découvertes à la Fosse-Hingant n'étaient pas tracées de sa main. N'ayant pu cependant nier contre l'évidence, il avait imaginé de révéler l'existence d'un frère qui lui ressemblait si parfaitement que toujours on les avait pris l'un pour l'autre ; leur écriture même était de tous points semblables : ce frère, dont il était sans nouvelles depuis longtemps, avait, supposait-il, compté au nombre des conspirateurs[52]... Pontavice s'était plus habilement défendu ; mais l'important était que ces dangereux amis du marquis fussent en prison : ceci ne leur manqua point, et Chévetel, à peu près rassuré, put, sans trop d'appréhensions, rentrer à Paris.

 

Cependant Lalligand s'occupait de transférer à Rennes les prisonniers de la Fosse-Hingant pour les réunir à ceux de la Guyomarais : il ne négligeait pas de se faire valoir et de vanter son habileté et son courage :

Je suis, écrivait-il avec une grâce familière, secrètement prévenu que l'on fera des tentatives pour m'enlever mes prisonniers de Saint-Malo et pour m'assassiner. Mande-moi donc s'il faut tout emmener à Paris ; je le crois indispensable : rien ne déconcerte autant l'aristocratie. Mon collègue vous verra bientôt : il vous dira ce que je ne peux même confier à un courrier extraordinaire. L'affaire que nous travaillons est majestueuse ; mais, f... ! il fait chaud où je suis : les b... me convoitent avec admiration. Pauvre b... de Morillon ! S'il n'y prend garde, il laissera ses os en Bretagne ; je tiendrai bon si vous me soutenez... si vous me lâchez, je suis f...[53]

 

L'étrange agent du Comité de Sûreté générale cherchait, d'ailleurs, à duper tout le monde : cette inquiétude de se voir enlever ses prisonniers n'était pas plus sincère que le reste : la feinte appréhension de ce danger imaginaire devait lui servir d'excuse dans le cas où les dames Desilles se décideraient enfin à racheter leur liberté. Comme elles semblaient n'y point songer, Lalligand se vit dans l'obligation de préciser sa combinaison.

On devait quitter Saint-Malo le 12 mars : Lalligand prit soin de ne commander qu'une très faible escorte : au moment du départ, s'approchant de Mme de Virel, il lui montra la sacoche contenant les papiers saisis à la Fosse-Hingant :

— Mon cabriolet, dit-il[54], précédera le convoi : j'y vais prendre place avec Burthe : il est peureux comme un lièvre ; embusquez sur le chemin deux hommes déterminés, et, au premier coup de pistolet, — je réponds de lui, — il se sauvera de toute la vitesse de ses jambes : resté seul, je me laisserai arracher ces papiers, je serai censé n'avoir cédé qu'à la violence, et Burthe ne manquera pas de jurer qu'il a vu toute une armée...

 

Cette fois encore les pauvres femmes ne comprirent pas : l'idée qu'un fonctionnaire pût forfaire à son devoir, quel qu'il fût, était sans doute trop étrangère à leur habitude d'esprit ; elles ne virent dans la proposition de Lalligand qu'un moyen de joindre à ses prisonniers les quelques hommes d'action dont il les invitait à mettre le dévouement à contribution, et elles dédaignèrent de répondre.

Elles avaient, d'ailleurs, d'autres pensées : elles se sentaient dans la main de Dieu et se disposaient à mourir. Lalligand ne leur avait pas caché que bientôt elles seraient transférées à Paris : connaissant par ouï-dire le régime des prisons du tribunal révolutionnaire, elles voulaient mettre à profit leur séjour dans les cachots de Rennes, ville où elles comptaient de nombreuses relations, pour se préparer pieusement à la mort. Dès qu'elles furent écrouées à la Tour-le-Bat, une amie leur fit savoir que, dans une cellule séparée seulement de la leur par une porte lourde et massive, était enfermé un vieux et respectable prêtre réfractaire. Les dames Desilles reçurent cet avis comme une grâce du ciel : elles parvinrent à se mettre en rapport avec cet ecclésiastique ; puis, comme aux jours des persécutions antiques, une fille de la Charité, la sœur Marie-Anne, leur apporta, cachées dans la piécette de son tablier et enveloppées dans un linge d'autel, cinq hosties consacrées[55]. Lalligand avait là, décidément, de piètres clientes

Cet échec ne le découragea pas ; comme il n'y avait pas de temps à perdre s'il voulait utiliser son séjour en Bretagne pour entamer quelque nouvelle spéculation, il laissa à la Tour-le-Bat ses ingrates prisonnières de la Fosse-Hingant et se mit en quête de nouveaux exploits.

Bien que ses conversations avec Chévetel lui eussent appris les noms de bon nombre de conjurés, la manière d'agir demandait, pour être productive, un certain flair.

Après mûres réflexions, son choix s'arrêta sur Thérèse de Moëlien ; il savait que Desilles avait confié à la cousine du marquis mille louis d'or, reliquat des fonds de la conjuration ; Thérèse était au surplus assez gravement compromise pour ne pas hésiter, lorsqu'elle se verrait en danger, à payer largement un sauveur. Lalligand estimait l'affaire facile et lucrative, et il ne se trompait pas.

Malheureusement, soit qu'il ne pût imposer silence à ses fanfaronnades habituelles, soit qu'il crût prudent de faire valoir à l'avance l'importance de cette nouvelle arrestation, il en parla trop et trop haut dans ce milieu de comparses et de gens tarés qui s'agitaient autour des administrateurs du département et du député Sevestre, que la Convention avait envoyé en Bretagne avec mission d'enrayer le mouvement contre-révolutionnaire. Un assidu de cet entourage interlope était Sicard, avec lequel Lalligand, naïf au fond, entretenait des relations cordiales : Sicard témoignait au héros de la Fosse-Hingant une admiration sans bornes, ce qui rendait l'autre bavard : très hâbleur, à mille lieues de se douter qu'il pouvait être l'objet d'une surveillance quelconque, Lalligand ne dédaignait pas d'admettre Sicard à l'honneur de ses confidences, et celui-ci conçut aussitôt le projet de lui souffler sa prisonnière.

Il instruisit secrètement Sevestre de la nature de sa mission et obtint facilement un réquisitoire pour la municipalité de Fougères où habitait Mlle de Moëlien. Le 25 mars[56], il se présente chez elle, la met en arrestation, fouille, sans rien découvrir, toute la maison et, le soir même, reprend, avec la Nymphe, la route de Rennes. Le 26, à six heures du matin, elle était écrouée à la Tour-le-Bat, avant même que Lalligand eût vent de l'incident.

Lorsqu'il l'apprit, il se montra fort déçu : il se sentait joué : assez inquiet de ce contretemps inattendu, il se rendit à la prison, questionna la détenue, chercha, sans y parvenir, à connaître le nom de l'homme qui s'était chargé de son arrestation, essaya même de s'attirer la reconnaissance de la prisonnière en lui reprochant de n'avoir point suivi le conseil qu'il lui avait fait passer, quelques jours auparavant, de s'éloigner de Fougères et de gagner Jersey[57]...

Mais Sicard veillait, et Lalligand ne put rien obtenir : c'était encore une affaire manquée, et, ce qui rendait sa déception plus amère, il lui fallait quitter la Bretagne, un arrêté du Comité de Sûreté générale ordonnant la translation à Paris de toutes les personnes compromises dans la conspiration de la Rouërie.

Le 10 mars, date fixée par la Rouërie pour le soulèvement général des provinces bretonnes, les paysans, en maints endroits, avaient pris les armes. La mort du Colonel Armand avait été tenue secrète par les royalistes ; le Gouvernement s'était efforcé de l'ébruiter, mais les gars n'y croyaient pas ; soit que les affiliés à la conjuration voulussent obéir encore même à leur chef disparu, soit que l'impopulaire décret prescrivant une levée de trois cent mille hommes décidât à la révolte les plus indifférents, tout s'embrasa en un seul jour, comme si l'âme ardente du marquis de la Rouërie eut encore présidé à cette explosion de colères. La mine qu'il avait chargée depuis si longtemps éclata tout à coup ; l'incendie s'alluma simultanément en Bretagne, dans le Maine, dans l'Anjou, en Vendée ; partout commandent les jeunes chefs que la Rouërie a groupés et instruits, partout les enrôlements s'opèrent suivant ses prescriptions ; c'est sa tactique qu'on adopte ; les bruyères, les landes, les épines, les genêts, les bas-chemins vont servir de camps retranchés ; ce sera plutôt la chasse aux bleus qu'une guerre véritable ; mais une chasse acharnée, sans merci, sans repos...

Il faut nous arrêter au seuil de cette extraordinaire épopée des paysans de l'Ouest ; aller plus avant serait pénétrer dans l'histoire de la Chouannerie, inextricable dédale de faits dont jamais personne, sans doute, ne pourra reconstituer la physionomie vraie. Il nous suffit d'indiquer ici que l'œuvre à laquelle il avait consacré toutes ses forces survivait au héros dont nous avons conté la misérable fin. Exemple frappant de l'inanité des conceptions humaines : son rêve, pour se réaliser, avait attendu que le corps de celui qui n'avait jamais connu le repos fût couché sous les chênes d'un bois désert et immobilisé pour l'éternité.

L'insurrection s'étendait donc à toute la Bretagne : les paroisses voisines de Rennes avaient pris les armes, et les commissaires du département s'étaient mis à la tête des gardes nationales de la ville pour repousser les brigands : c'est sous ce nom que, dès le premier joui m désigna les paysans révoltés ; — mais leur soulèvement rendait difficile le transport à Paris des détenus de la Tour-le-Bat. On devait traverser avec eux un pays en révolte, et l'on pouvait craindre que le convoi ne fût attaqué. Personne ne voulait assumer une si lourde responsabilité : le général la Bourdonnaye, auquel Lalligand avait demandé des troupes répondit sèchement qu'il n'avait pas un homme disponible[58]. Les avis, du reste, étaient partagés : tout le monde commandait à Rennes, et, pour la mesure la plus simple, il fallait consulter les conventionnels en mission, la municipalité, les représentants du pouvoir exécutif, les membres du directoire et le commandant de la force armée : dans ce désarroi général, la véritable autorité restait à Sicard, le policier silencieux, l'espion imperturbable, qui tenait les fils de tous ces pantins et, à coups de dénonciations, les faisait agir à sa guise, si bien que Lalligand, écœuré de l'ingratitude humaine, prenait le parti de ne plus se mêler de rien et faisait part de sa détermination au premier commis des Affaires étrangères ;

Je vous préviens, mon cher ami[59], que je pars aujourd'hui à midi pour me rendre à Paris.

Que je n'emmène pas les prisonniers, parce que cela ne plaît pas et parce qu'il n'y a pas assez de force à Rennes.

J'ai essuyé des tracasseries et des humiliations de tous les genres.

Je me suis regimbé comme un bougre ; enfin je pars, et tout cela s'arrangera peut-être quand nous serons ensemble.

 

Il ne partit pas cependant, et, le 3 avril, un nouvel arrêté du Comité de Sûreté générale[60] vint couper court à toutes les tergiversations en ordonnant, d'une façon formelle, le transfèrement immédiat, dans les prisons du Tribunal révolutionnaire, des prévenus de l'affaire de Bretagne.

On partit le 22 avril au matin : Mme de Virel et ses sœurs avaient obtenu de voyager dans la voiture de leur père[61] ; les autres accusés étaient sur de la paille, dans des chariots[62] ; les hommes seuls étaient enchaînés[63]. Une centaine de gendarmes et de gardes nationaux formaient l'escorte que conduisaient Sicard et Lalligand, redevenus amis.

 

Celui-ci ne renonçait pas à spéculer sur la malheureuse situation des dames Desilles : il supposait que, peu chargées par son procès-verbal, elles avaient quelque chance d'échapper à une condamnation capitale ; il lui serait facile, après l'acquittement, de les persuader qu'elles devaient la vie à ses bons offices ; et, dès maintenant, il se ménageait leur reconnaissance en leur témoignant un intérêt de tous les instants. C'était à lui qu'elles étaient redevables de la faveur du carrosse, et, comme elles s'étonnaient de ne pas voir Chévetel au nombre des prisonniers, il leur avait conté que le médecin, parvenu à s'échapper, devait tenter, en cours de route, de délivrer ses amis[64].

Le soir du premier jour, on arriva vers sept heures à Vitré ; les prévenus furent conduits à une auberge située sur la petite place plantée de tilleuls qui borde les fossés[65]. Toute la population de la ville[66] se pressait dans les rues ; au moment où le convoi pénétrait sur la place, quelques cris de mort s'élevèrent ; mais Lalligand commanda à ses hommes de mettre sabre au clair, et la foule se tut aussitôt.

Le lendemain, on s'avança jusqu'à Laval ; Sicard et Lalligand écrivaient de là au Ministre :

Nous voilà rendus, avec notre convoi ; mais non sans de très grands embarras : nous prenons nos mesures pour qu'on ne guillotine personne en route ; il faut conserver ces belles têtes pour Paris. Demain, nous repartons à sept heures.

Les Commissaires sans-culottes,

LALLIGAND-MORILLON, SICARD[67].

 

Ils signaient ensemble, comme on le voit, et vivaient en parfaite intelligence ; ce qui n'empêchait pas Sicard d'adresser secrètement à ses chefs son petit rapport quotidien ; il avait décidément conçu une assez médiocre opinion des deux personnages objets de sa surveillance : on en jugera par ce rapport daté de Laval.

Nous voilà au milieu de notre convoi, prenant toutes les mesures pour les loger sûrement ; jusqu'ici cela marche assez militairement. Nous n'avons pas été sans embarras hier à l'arrivée à Vitré. Ici beaucoup de spectateurs, mais plus de douceur.

Il est malheureux d'être obligé de fournir des soupçons sur des infidélités qui portent sur des intérêts particuliers de la part de mon second (Lalligand). Une malle prise à Rennes, voyageant avec nous et dont j'ignore le contenu, me donne des soupçons ; elle est lourde, on dit qu'elle appartient à Chévetel[68]. Que veut dire cela ?

Je crois que tu feras fort bien[69] d'amener à l'endroit où tu nous rejoindras et qui, sans doute, sera Versailles, un homme pris parmi ceux dont tu m'as parlé : ce sont des agents de ta police. Il faudra qu'il soit intelligent et surtout que le second[70] ignore que tu l'as amené.

A Mayenne, à Pré-en-Pail, à Alençon, à Mortagne, à Verneuil, où l'on coucha les jours suivants, les manifestations hostiles ou sympathiques se renouvelèrent, mais avec assez de calme. A Dreux, au contraire, où l'on arriva dans l'après-midi du 19, la foule se montra menaçante[71] : entassée devant l'auberge où séjournaient les Bretons, elle proposait de donner l'assaut et de les massacrer sur l'heure. Lalligand, n'osant mettre sa troupe en contact avec cette population surexcitée, pria les dames Desilles de se montrer à la fenêtre ; dès qu'elles parurent, le tumulte cessa ; il y eut un murmure aussitôt perdu dans un grand silence : Elles sont pourtant bien jeunes pour mourir, chuchotaient les spectateurs[72]...

 

A mesure qu'on approchait de Paris, les prisonniers exténués, à demi morts de fatigue et d'émotions, voyaient croître l'exaltation populaire, et leurs angoisses s'en augmentaient ; s'ils n'étaient pas massacrés en route, ils prévoyaient que leur supplice suivrait de près leur arrivée, et ils en étaient à souhaiter qu'un coup de colère de la populace leur évitât les longs apprêts de l'échafaud et la lente horreur de la guillotine.

Les dernières étapes furent courtes : le 20, on couchait à Pontchartrain[73], et, le lendemain, vers midi, après avoir suivi l'avenue de Saint-Cyr et passé au pied des terrasses du château royal dévasté et désert, le convoi entra dans Versailles par la grille de l'Orangerie.

Dès la barrière ce furent des vociférations et des huées ; les chariots s'avançaient lentement entourés d'une troupe d'hommes déguenillés et de femmes ivres, alléchés par l'espoir d'une réception semblable à celle faite, huit mois auparavant, aux prisonniers d'Orléans. On parvint cependant sans encombre aux Quatre-Bornes[74], et l'on franchit le carrefour de sinistre mémoire, où avait eu lieu la tuerie. La foule s'accroissait sans cesse ; l'agitation devenait plus vive, on criait : A la mairie ! à bas les têtes ! Lalligand et Sicard, craignant qu'un seul coup de fusil ne fût le signal du massacre, ordonnèrent à leurs hommes de se réfugier dans la cour de la mairie ; derrière les chariots on ferma les grilles, et les prisonniers furent introduits dans la salle où délibéraient les municipaux ; devant ces magistrats débraillés, pris de vin, insolents, troupe immonde qui tenait à la fois du bourreau, du laquais et du parvenu[75], les Bretons subirent un interrogatoire, et la municipalité décida que, pour satisfaire au désir du peuple, on allait les promener dans Versailles. Les malheureux, certains que leur dernière heure était venue, durent se soumettre à cette ignoble parade. Chacune des dames fut obligée de prendre le bras d'un municipal, paré de ses insignes ; les hommes parurent enchaînés, accompagnés chacun d'un gardien[76] chargé de le tenir en laisse. Un grand nombre de fonctionnaires, d'officiers même, vinrent grossir le cortège, qui, pendant plusieurs heures, parcourut les avenues et les places de Versailles sous un déluge de menaces et d'injures obscènes. A la tombée de la nuit, on conduisit les prisonniers à la Vieille-Geôle[77] ; hommes et femmes furent entassés dans le même cachot, où ils espéraient, du moins, prendre un peu de repos ; mais point : ils entendirent pendant toute la soirée le bourdonnement lugubre de la foule, qui, massée devant la porte, réclamait la proie dont la vue l'avait mise en goût ; et, dans l'intérieur de la prison, le guichetier, affolé, en proie à un tic nerveux et effrayant, agitait sans cesse son bruyant trousseau de clefs en répétant : On a fait de même aux prisonniers d'Orléans ; ils vont vous massacrer comme les prisonniers d'Orléans !... Ce geôlier avait été témoin des massacres de septembre et en était resté frappé au point qu'au seul souvenir de ces scènes d'horreur il tombait en convulsions[78].

Enfin, au milieu de la nuit, la terrible odyssée s'acheva ; le convoi prit la route de Meudon et par l'interminable route de Vaugirard entra dans Paris et vint s'échouer à la porte de l'Abbaye.

Dans la prison, regorgeant de détenus, il fallut, à grand'peine, entasser les vingt-cinq Bretons, auxquels on joignit, sur le même écrou, Fontevieux et Pontavice. Mmes de Virel, d'Allerac, Roland de la Fonchais furent logées, avec Mme de la Guyomarais et Thérèse de Moëlien dans la petite pièce qu'avait quittée, deux jours auparavant, le duc d'Orléans envoyé en captivité à Marseille ; ils y trouvèrent de menus objets laissés par lui, entre autres une Imitation de Jésus-Christ, portant son nom, ornée d'une miniature représentant le Sauveur chargé de la Croix et montant au Calvaire[79] ; les cinq femmes s'installèrent, tant bien que mal, dans cette étroite cellule où deux personnes n'auraient pu vivre à l'aise.

Pourtant, à part l'encombrement de la prison, l'existence matérielle, à l'Abbaye, était supportable ; et puis on s'y trouvait en éminente compagnie : les dames Desilles y formèrent quelques relations avec Mme Roland ; dans les notes ajoutées à ses Mémoires, la fameuse Girondine traça de ces compagnes de sa captivité un rapide croquis : Mmes de Virel et d'Allerac sont, dit-elle, deux jeunes femmes douces et honnêtes dont l'aînée, veuve de vingt-sept ans, ne manque pas d'amabilité ni de caractère ; la plus jeune était d'une santé fort languissante. Quant à Angélique Desilles, femme de Roland de la Fonchais, la conformité de son nom avec le mien occasionna des quiproquos singuliers de la part d'un de mes amis, qui projetait de m'enlever.

Le concierge de l'Abbaye, nommé Lavacquerie, important personnage, n'était pas un méchant homme : il autorisait ses locataires forcés à recevoir, au parloir, les visiteurs munis de permissions. Les Bretons purent donc s'entretenir avec quelques rares amis, entre autres le citoyen Villain-Lainville[80], qu'ils avaient choisi comme défenseur : elles apprirent ainsi que Chévetel, qu'elles croyaient incarcéré dans quelque autre prison, avait été vu se promenant dans Paris ; elles en conçurent si peu de soupçons qu'elles supplièrent un de leurs amis, M. de la Martinière[81], de joindre Chévetel et de lui parler d'elles ; mais le médecin demeura introuvable.

Il n'avait pas, au reste, oublié ses amis de Bretagne, et il s'occupait d'eux activement : l'accusateur public se trouvait, en effet, assez embarrassé pour entamer la procédure, et il avait été convenu que Chévetel dirigerait sous main la marche d'une affaire dont il avait la cle. On lui avait donc remis une liste des prisonniers, et il travaillait à établir, en connaissance de cause, la culpabilité de chacun d'eux[82].

Quant à Lalligand, il se hâtait de jouir de la vie, tenant table somptueuse et étonnant ses amis du spectacle de son opulence subite[83]. Son modeste acolyte, Burthe, avait demandé au Ministre une gratification de 1.000 francs ; on lui en avait provisoirement accordé 500[84].

Sicard, enfin, n'était plus à craindre : il venait d'être envoyé à Venise pour y surveiller le chargé d'affaires de la République, Henin de Cuvilliers[85].

 

 

 



[1] La lettre est datée du 28 février 1793. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1409.

[2] La lettre porte en marge, de la main du Ministre : Le 8 mars, envoyé extraits à Sicard.

[3] Etat des circonstances de l'arrestation du citoyen la Vigne-Dampierre. — Archives nationales, W, 274.

[4] Extrait du registre de la Société des Amis de la République, séante à Lamballe. — Archives nationales, W, 274.

[5] Rapport d'Olivier Rupérou, administrateur du Directoire du département des Côtes-du-Nord. — Archives nationales, W, 274.

[6] Rapport d'Olivier Rupérou, administrateur du Directoire du département des Côtes-du-Nord. — Archives nationales, W, 274.

[7] Archives du Département des Affaires étrangères, 1409. La lettre porte en marge : Le 8 mars envoyé extraits à Sicard.

[8] On l'appelle plus ordinairement aujourd'hui le château de Nermont.

[9] Desilles de Cambernon, né en 1733 à Briqueville, évêché de Coutances, marié le 7 février 1765 à Saint-Malo, à Dlle Jeanne-Rose-Michèle Picot de Limoëlan.

[10] Demeurant ordinairement au château d'Allerac, paroisse de Saint-Just, district de Redon. Ce château appartient à la famille de Chappedelaine.

[11] Mme de Virel avait vingt-sept ans ; Mme d'Allerac, vingt-cinq ; et Mme de la Fonchais n'était âgée que de vingt-quatre ans.

[12] Limoëlan, paroisse de Sévignac, canton de Brons, Côtes-du-Nord. Ce château appartient aujourd'hui à la famille de Chappedelaine.

[13] Note écrite en 1812 par un membre de la famille Desilles. Voir aussi Journal de Rennes, 1847. Nous avons déjà fait remarquer que cette étude avait été rédigée sous l'inspiration des survivants de la famille Desilles pour réfuter le récit, par trop fantaisiste, de Fr. Soulié, dans son roman de Saturnin Fichet.

[14] Journal de Rennes, 1847.

[15] Procès-verbal de François Chartier, juge de paix du canton de Cancale. — Archives nationales, W, 274.

[16] Journal de Rennes, 1847.

[17] Ces dames ont regardé Lalligand-Morillon comme un agent du gouvernement qui existait alors, mais non comme leur ennemi particulier. Note écrite en 1812 par un des membres de la famille Desilles.

[18] Ce procès-verbal est rédigé d'une façon très confuse dans le seul but de ne pas compromettre Chévetel, dont le nom et la profession sont seuls mentionnés avec, ceux des autres témoins de la perquisition. — Archives nationales, W, 274.

[19] Procès-verbal de François Chartier, juge de paix du canton de Cancale. — Archives nationales, W, 214.

[20] Vingt-sept centimètres de haut sur douze de diamètre.

[21] Journal de Rennes, 1847.

[22] Louis XVI avait envoyé, après la mort dévouée du jeune Desilles, comme témoignage de gratitude, son portrait et celui de la reine par Mme Lebrun. M. Desilles, fier du souvenir de son, roi, avait dû néanmoins cacher ces toiles depuis la loi qui proscrivait ces images. Un des agents mit la main sur le rouleau. Mme de Virel l'aperçoit, et aussitôt, s'adressant bas à Morillon : Ce sont les portraits du roi et de la reine, dit-elle. Morillon, sans faire semblant d'avoir entendu, prend ce rouleau des mains des gendarmes, ne fait que le regarder sans le dérouler et s'écrie : Encore ces vieilles figures ! cela est bon à servir de jouet à la vieille mère folle ! Mettons cela parmi ses effets. C'est ainsi que furent sauvés ces portraits précieux à la famille Desilles qui les possède encore. — Journal de Rennes, 1847.

[23] Lettre datée de la Fosse-Hingant, le 9 mars 1793. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1409.

[24] Picot de Limoëlan.

[25] Chévetel.

[26] Nous avons donné, dans le cours de cette étude, le texte presque complet de ces pièces ; nous nous contentons donc de renvoyer le lecteur aux pages où elles sont citées.

[27] Félix-Victor Locquet de Granville, trente-trois ans, sans profession, demeurant à Saint-Malo, rue de la Fosse : il avait une mère infirme et deux jeunes enfants.

[28] Groult de la Motte, capitaine de vaisseau, cinquante ans, demeurant à Saint-Coulomb, maison de la Motte.

[29] Guillaume Morin de Launay, ci-devant lieutenant général de l'amirauté de Saint-Malo et président du Tribunal des Traites, cinquante-six ans, demeurant à Saint-Malo, rue de la Vicairerie.

[30] Louis-Nicolas Thomazeau, marchand, cinquante-trois ans, demeurant à Saint-Malo, près la Grande-Porte.

[31] On interrogea Michèle Leclinche, trente ans, femme de chambre de Mme de la Fonchais ; Mathurine Aubin, seize ans, gouvernante des enfants de Mme d'Allerac ; Guillemette Bracet, vingt-buit ans, femme de bras ; Nicole Hérié, quarante-cinq ans, cuisinière ; Thomas Hersant, domestique ; Charles Lefranc, domestique. — Archives nationales, W, 274.

[32] Interrogatoire de François Douville, boulanger à Saint-Coulomb. — Archives nationales, W, 274.

[33] Interrogatoires de Françoise Peret, fermière des Blancs-Monts ; de François-Louis Giroux, fermier ; de François Husson, marchand ; de. François Marchand, fermier à Tallet ; de la femme Marchand, fermière ; de Julien Giroult, fermier au Pont-Gilles. — Archives nationales, W, 274.

[34] Archives nationales, W, 274.

[35] Le marquis de la Rouërie.

[36] Domestique de Limoëlan, qui servait de courrier entre Sévignac et la Fosse-Hingant.

[37] A Saint-Jean.

[38] Le fils naturel de la Rouërie.

[39] Mmes de Virel, d'Allerac et de la Fonchais.

[40] Chévetel, resté avec une partie des hommes de l'escorte qui étaient censés le garder, en profita pour leur indiquer, dans la serre, le lieu où avait été cachée la caisse qui contenait les fonds de l'association et l'argenterie de la famille Desilles. Ils partagèrent tout cela. Chévetel s'en adjugea la plus grande partie, et la République n'en retira qu'un mince profit. — Journal de Rennes, 1847.

[41] Archives nationales, W, 274.

[42] Récit d'un membre de la famille Desilles.

[43] Le 9 mars 1793.

[44] Lettre du 8 mars 1793. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[45] Archives nationales, W, 274.

[46] Lettre du 5 mars 1793. — Archives du Département du Affaires étrangères, 1410.

[47] C'est Ysabeau, premier commis des Affaires étrangères, qui écrit la lettre le 8 mars 1793.

[48] Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[49] Lettre du 11 mars 1793.

[50] Fontevieux passait pour avoir servi dans l'état-major de Brunswick.

[51] Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[52] Archives nationales, W, 274.

[53] Lalligand-Morillon à Ysabeau, 9 mars 1743. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[54] Nous citons les paroles de Lalligand telles quelles ont été rapportées par les dames Desilles. Voir Journal de Rennes, 1847 ; et Note écrite en 1812 par un membre de la famille Desilles.

[55] Journal de Rennes, 1847.

[56] Archives nationales, W, 274.

[57] Voici la lettre par laquelle Sicard rendait compte au Ministre de l'arrestation de Thérèse et des soupçons que lui inspirait la conduite louche de Lalligand-Morillon.

Parti pour Fougères ou les environs, comme je vous l'ai marqué par ma dernière n° 6, le but que je me proposais était l'arrestation d'un des agents femelles de la conjuration de Bretagne, la Dlle Thérèse Moëlien-Trojoli. Mon but est rempli, je l'ai remise hier entre cinq et six heures du matin dans les prisons de Rennes. Le citoyen Morillon, malgré sa grande activité, n'avait sans doute encore pu la découvrir : la prise, selon lui, était cependant importante dans tous les genres, puisqu'il avait assuré qu'outre les renseignements qu'elle pourrait donner, il savait qu'elle avait un dépôt de 1.000 louis en or. Il avait peut-être des motifs pour le dire ; je pourrai communiquer mes idées à ce sujet à mon retour à Paris, mais un fait très certain, c'est que les perquisitions les plus exactes ont été faites par mon ordre et sous mes yeux ; et moi aussi j'ai fait sonder les caves, mais je n'ai rien trouvé. Elle aVà.it été prévenue qu'elle ferait sagement de s'éloigner ; mais, ne se croyant pas coupable, elle n'a pas voulu s'éloigner.

J'ai été obligé de communiquer ma mission au citoyen Sevestre, député ; je lui ai demandé un réquisitoire pour les administrateurs de Fougères, qui leur enjoignait de s'entendre avec moi pour l'arrestation de la Nymphe.

Morillon est de retour à Rennes, il a appris le fait. Il a été surpris, inquiet ; il est aile voir la belle prisonnière et l'a beaucoup questionnée pour savoir qui l'avait fait arrêter ; il lui a reproché de n'avoir pas suivi le conseil qu'il lui avait fait parvenir depuis quelques jours. J'insiste donc pour qu'on soit très réservé avec le sieur Morillon, qu'on ignore surtout ou qu'on feigne d'ignorer, même au Comité, l'arrestation de Thérèse Moëlien, et surtout ne lui remettez pas un sol jusqu'à mon arrivée à Paris. Qu'on le surveille même, surtout si Fontevieux n'est pas arrêté. Je sais qu'il a eu avec lui des rapports, et cela malgré les notes qu'il a données sur son compte ; j'ai mal rendu mon idée, je veux dire que c'est Chef... qui est à Paris, qui communique avec Fontevieux et qui sert ses projets.

Après l'arrivée du courrier de demain, je me rendrai à Laval...

Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[58] Réponse du général Bourdonnaye à un arrêté du département d'Ille-et-Vilaine qui lui donne communication d'une réquisition du commissaire du pouvoir exécutif Morillon, en date du 28 mars : Il ne m'est encore arrivé de la réquisition que cinq cents hommes, dont deux cents sont partis ce matin ; les trois cents autres partent après demain. Il ne m'est pas possible de donner une escorte suffisante dans ce moment. — Archives du département des Affaires étrangères, 1410.

[59] Lalligand à Ysabeau, reçue le 29 mars. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[60] Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

CONVENTION NATIONALE

COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE LA CONVENTION NATIONALE

Du 3 avril 1793.

Sur les renseignements fournis par le citoyen Laligand-Morillon relativement aux causes qui ont entraîné l'inexécution du décret du (sic) qui ordonne la translation à Paris des prisonniers contre-révolutionnaires détenus à Rennes,

Le Comité de Sûreté générale invite le Conseil exécutif à faire exécuter sans aucun délai ladite loi.

LECOINTE-PUYRAVEAU, L. MARIBON-MONTAUT,

INGRAND, ALQUIER.

[61] Journal de Rennes, 1847.

[62] Souvenirs de Casimir de la Guyomarais.

[63] Les prisonniers étaient au nombre de vingt-cinq : il n'est pas inutile de rappeler leurs noms :

M. et Mme de la Guyomarais, leurs fils Amaury et Casimir, Micault de Mainville, frère de M"' de la Guyomarais, François Perrin, Thébault de la Chauvinais, Julien David, Taburet, Mord, Lemasson, Picot de Limoëlan, Mme. de la Fonchais, de Virel d'Allerac, nées Desilles, Morin de Launay, Locquet de Granville, Groult de la Motte, Thomazeau, Thérèse de Moëlien, Vincent, Lavigne-Dampierre, Petit perruquier, Briot père et fils.

[64] Journal de Rennes, 1847.

[65] Journal de Rennes, 1847.

[66] Plusieurs milliers de personnes, dit le Journal de Rennes.

[67] Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[68] Cette allégation concorderait assez bien avec les souvenirs des dames Desilles, et il est probable que cette malle contenait l'argenterie trouvée à la Fosse-Hingant et dont, nous l'avons vu, Chévetel s'adjugea la plus grande partie.

[69] La lettre est adressée à Ysabeau, premier commis des Affaires étrangères.

[70] Lalligand.

[71] Nous arriverons à Paris au point du jour, si toutefois nous ne sommes pas dépecés en route, car aujourd'hui nous avons été un peu vexés à notre arrivée ; mais nous serons fermes jusqu'au bout et nous voulons tout conduire jusqu'à Paris. Nous sommes sans le sou : il faut nous envoyer 900 livres. — Lettre de Lalligand et Sicard, datée de Dreux, 19 avril 1793. — Archives du département des Affaires étrangères, 1410.

[72] Journal de Rennes, 1847.

[73] Lettre de Lalligand-Morillon. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[74] On appelait ainsi le carrefour formé par la rencontre des rues de l'Orangerie et de Satory : c'est là qu'eut lieu le massacre des prisonniers d'Orléans, événement que rappelle une plaque da marbre placée à cet endroit en l'honneur du maire Rigaud.

[75] Journal de Rennes, 1847, d'après les souvenirs de la famille Desilles.

[76] Au cours de cette promenade, l'homme qui accompagnait M. de la Guyomarais, lui proposa de le faire échapper à la faveur du tumulte et du désordre de la foule. Le gentilhomme refusa, ne voulant pas se sauver sans sa femme et ses enfants. — Renseignement communiqué par Mlle de la Guyomarais.

[77] A l'angle de la rue de la Pompe et de la rue de la Vieille-Geôle.

[78] Journal de Rennes, 1847, d'après les souvenirs des dames Desilles.

[79] Journal de Rennes, 1847.

[80] Par une coïncidence à noter, Augustin-Jean-Baptiste Villain-Lainville, homme de loi, habitait rue de l'Ancien-Théâtre-Français, cet hôtel de la Fautrière, où Chévetel avait logé jusqu'à l'automne de 1792.

[81] Journal de Rennes, 1847.

[82] Voici la lettre par laquelle le Ministre réclamait de Chévetel ce service :

Je vous rappelle, citoyen, qu'il avait été convenu avec vous qu'une instruction de votre part à l'accusateur public était très nécessaire et même indispensable pour diriger la marche d'une affaire dont vous avez la clef. L'accusateur public se trouve embarrassé pour entamer la procédure. Il est instant que vous le secondiez de toutes vos connaissances. Je me suis chargé de vous écrire : je vous adresse une liste des prisonniers ; au bas de chaque nom vous indiquerez ce que vous savez du personnage, les témoins qui peuvent déposer de la conduite antérieure à la découverte de la conspiration et enfin tous les indices qui peuvent rattacher le coupable aux pièces de la conspiration. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[83] Récit de Chévetel. Lors de son premier retour de Bretagne, et avant qu'il eût obtenu une gratification de la Convention, Ysabeau et moi le (Lalligand) trouvâmes chez lui, au milieu des préparatifs d'un somptueux festin, et l'opulence avait fait place à la misère.

[84] Archives du Département des Affaires étrangères, 1410.

[85] Le Département des Affaires étrangères pendant la Révolution, par Frédéric Masson.