LES PREMIÈRES CIVILISATIONS

TOME SECOND. — CHALDÉE & ASSYRIE. - PHÉNICIE

III. — CHALDÉE ET ASSYRIE

 

UN VÉDA CHALDÉEN[1].

 

 

Parmi les nombreux problèmes qui se présentent à l'attention de l'historien dans le domaine, ouvert depuis hier à peine, des antiquités du bassin de l'Euphrate et du Tigre, il n'en est pas de plus importants ni de plus neufs que ceux qui ont trait au peuple des Accads. Né le premier à la civilisation, dans cette portion du globe si anciennement civilisée, ce peuple n'appartient à aucune des trois grandes races : chamitique, sémitique et aryenne, qu'on a crues pendant longtemps devoir tenir seules une place dans l'histoire du développement de l'humanité ; sa langue le rattache, au contraire, aux populations touraniennes de la haute Asie et aux populations finnoises qui ont précédé dans la plus grande partie de l'Europe les peuples aryens. Dés une très-haute antiquité, les Accads ont cessé d'avoir une existence propre et indépendante. Douze cents ans avant l'ère chrétienne, leur nom, qui continuait à désigner la Chaldée, n'était déjà plus qu'un souvenir. Mais ils avaient légué à la population kouschito-sémitique qui s'était superposée à eux, et. dans laquelle leurs descendants avaient fini par se confondre, leur écriture cunéiforme, leur magie, leurs institutions, leurs vieux livres sacrés, en un mot tout le bagage d'une civilisation dès lors très-antique et remarquablement développée. Cette civilisation a eu une certaine part à la formation de celle de Babylone, source à son tour de celle de presque toute l'Asie antérieure. Par l'intermédiaire de la culture babylonienne, le vieux peuple touranien de la Chaldée a exercé une action sur les nations sémitiques, où rien, avant le déchiffrement des textes cunéiformes, ne laissait soupçonner un pareil fait. Et même, par l'Assyrie et l'Asie-Mineure, son influence a rayonné jusque sur la Grèce primitive, dont plusieurs institutions, comme les poids et mesures, laissent suivre, en remontant, leur filiation d'étape en étape jusqu'à ce point de départ.

Par delà ce qui a longtemps semblé le début des temps historiques de l'Asie antérieure, les notions acquises déjà sur les Accads nous font pénétrer dans une autre couche de civilisation, qui forme le substratum de la civilisation des âges sémitiques et aryens, et qui, si l'on cherchait ses origines, reporterait à une antiquité vraiment prodigieuse. Nous commençons à entrevoir une Asie kouschite et touranienne, puissamment constituée et parvenue à un haut degré de progrès matériel et scientifique, bien avant qu'il fût question des Sémites et des Aryens, et nous discernons déjà que la connaissance de cette Asie primitive éclairera d'un jour tout nouveau les origines de l'Asie qui lui a succédé, car celle-ci a dû immensément à son héritage. C'est un des premiers et des plus importants chapitres des annales de l'humanité et de la civilisation dont les matériaux commencent à être rassemblés. Les travaux pleins de hardiesse et d'originalité, trop hardis même, du baron d'Eckstein ont projeté quelques lueurs heureuses dans les ténèbres du monde kouschite. Avec le secours des documents cunéiformes, nous entrons d'un pas plus sûr dans le monde touranien, qui semble plonger ses racines dans des siècles plus reculés encore, et dont on devra se demander si les souvenirs n'ont pas laissé quelques traces dans les premiers récits de la Genèse.

Mais ce chapitre de l'histoire primitive de l'humanité est loin de pouvoir encore s'écrire. On commence à peine, depuis quatre ou cinq ans, à en étudier et à en recueillir les documents. Toute l'ambition des savants doit être aujourd'hui de les rechercher, de les mettre en lumière et de les expliquer ; il faut encore du temps et bien des efforts avant qu'on en puisse tenter une synthèse sérieuse. Les essais de ce genre seraient aujourd'hui tout à fait prématurés. La civilisation de Babylone telle qu'elle se présente à nous dans son développement complet, telle qu'elle était quand elle a exercé une influence décisive sur tous les peuples syro-arabes et même sur l'Asie-Mineure, la civilisation de Babylone était un produit mixte, une combinaison et une résultante, où des races fort diverses avaient confondu leurs apports. Sans doute la civilisation des Accads de la Chaldée y avait fourni beaucoup, puisque dès à présent on peut constater avec certitude qu'elle y avait donné l'écriture, la numération et la magie ; mais elle n'en avait pas été l'unique source. Les Kouschites de Nemrod, et peut-être aussi les Sémites, avaient également apporté leur tribut à cette œuvre. Avant d'être en mesure d'opérer le départ de chacun des éléments qui entrèrent ainsi dans la formation de la culture babylonienne, la méthode scientifique exige que l'on cherche à bien connaître les Accads en eux-mêmes par l'étude des documents qu'ils ont laissés ; qu'en se tenant dans le domaine des faits précis et en évitant de formuler d'ambitieuses théories, on demande à leur langue, à leurs monuments, à leurs écrits, qui ils étaient, quelles croyances ils avaient, quel était au juste le point où étaient parvenues leurs sciences et leur civilisation matérielle.

Dans ce travail de reconstitution de l'antique peuple des Accads, qui préoccupe vivement déjà plusieurs savants éminents et tend à devenir l'objet de leurs recherches, je ne suis que le plus humble des ouvriers, et personne ne sait mieux que moi la faiblesse et l'imperfection de mes efforts. Pourtant j'ai osé aborder les 'problèmes de la langue et en tracer la première esquisse grammaticale, sachant d'avance combien je devrais ensuite la corriger moi-même, et combien surtout de plus habiles auraient à y introduire d'indispensables rectifications. Aujourd'hui je voudrais encore apporter une petite pierre à l'édifice qu'élèveront des architectes futurs, en signalant une série de documents qui n'ont encore été l'objet d'aucune étude et qui éclairent d'une manière très-précieuse la mythologie chaldéo-babylonienne, en même temps qu'ils révèlent chez les Accads l'existence d'une véritable poésie lyrique mise au service de la religion.

 

Au huitième siècle avant notre ère, il existait encore, dans les bibliothèques des villes de la Chaldée où siégeaient de grandes écoles sacerdotales, un certain nombre de vieux livres sacrés d'Accad. Ils étaient l'un des fondements principaux des études scientifiques du sacerdoce. On y copiait des formules magiques que l'on considérait comme toutes-puissantes sur les Esprits, et que l'on inscrivait sur des amulettes, même en Assyrie. Les incantations théurgiques se prononçaient en accadien d'après ces livres, et il semble même que, dans certaines cérémonies du culte public, on chantait encore des hymnes dans l'idiome d'Accad. Cependant, dix siècles, auparavant déjà, l'accadien, bien qu'employé encore dans certaines inscriptions officielles comme le latin dans notre Europe, était, au moins dans la Babylonie — car dans la Chaldée proprement dite il se maintenait encore probablement — était, dis-je, une langue morte, que l'on n'apprenait que par une étude savante. Aussi Sargon Ier, qui d'Aganê étendait son autorité sur l'ensemble de la Babylonie et de la Chaldée, et qui fut un grand promoteur des études, avait-il, entre autres travaux qui marquèrent son règne, fait exécuter des éditions des livres accadiens qu'avaient pu recueillir ses scribes, en les accompagnant d'une traduction assyrienne, soit interlinéaire, soit placée en regard du texte original. Ses successeurs continuèrent cette entreprise, et ce fut vers le même temps qu'on rédigea les tablettes grammaticales et lexicographiques destinées à l'enseignement de la langue sacrée.

Ce sont ces éditions avec traductions de Sargon Ier et de ses successeurs, ainsi que leurs tablettes grammaticales, qui existaient dans les bibliothèques des écoles de la Chaldée et y servaient de base à l'enseignement au huitième siècle. Le premier parmi les monarques assyriens, Sargon II, le vainqueur de Samarie, y fit copier quelques ouvrages pour son palais de Calach, par Nabou-zouqoub-kinou, chef des bibliothécaires de la couronne d'Assyrie, dont le père Mardouk-moubagar, et le grand-père Gab-ilani-kamis, avaient déjà rempli le même office auprès des rois antérieurs. Mais ce personnage s'attacha exclusivement aux ouvrages astrologiques rédigés en assyrien. Ce fut seulement Assourbanipal qui entreprit d'une manière systématique d'émanciper définitivement le sacerdoce de l'Assyrie de la suprématie des écoles chaldéennes, en naturalisant tous les enseignements qu'on y donnait, y compris celui de la langue accadienne et l'étude directe des livres sacrés d'Accad, dans les écoles palatines et sacerdotales du pays d'Assur. Dans cette intention, il profita de la fidélité que lui avait toujours montrée la ville d'Érech et de la reconnaissance des prêtres de cette cité, à laquelle il avait restitué après le sac de Suse une statue particulièrement vénérée de la déesse Nana, enlevée 1535 ans auparavant par les Élamites. Érech avait précisément une des plus riches et des plus anciennes bibliothèques ; elle fut ouverte aux scribes d'Assourbanipal. Ils paraissent l'avoir copiée en entier, et du moins ils y relevèrent les tablettes grammaticales et lexicographiques, et les ouvrages accadiens avec leurs traductions, en même temps que les livres d'astronomie, d'astrologie et de divination. Les manuscrits sur terre cuite qu'ils copiaient ainsi remontaient au temps de l'Ancien Empire chaldéen, probablement au temps de Sargon Ier ou de ses successeurs, et souvent les scribes assyriens ne surent pas comment interpréter les signes archaïques de l'écriture ; en ce cas, ils les reproduisaient purement et simplement au milieu du texte, dont ils transcrivaient le reste dans le type d'écriture généralement usité à leur époque. Quant à l'état de dégradation auquel étaient parvenues au Ville siècle les tablettes originales de la bibliothèque d'Érech, consultées par tant de générations successives, on le voit par le nombre de fois où le copiste assyrien a dû laisser une lacune en blanc dans le texte, en y inscrivant seulement le mot effacé. Chaque ouvrage fut copié par ordre d'Assourbanipal en plusieurs exemplaires, pour les deux bibliothèques qu'il fondait à Ninive même : celle du palais royal, dont les débris ont été retrouvés par M. Layard et sont conservés au Musée Britannique, et celle du temple de Nébo, dont un petit nombre de fragments portent la marque.

Ce qu'on possède de fragments des tablettes grammaticales et lexicographiques avec quelques feuillets détachés des livres bilingues a été édité en fac-simile il y a quelques années, par sir Henry Rawlinson et M. Norris, dans le tome II des Cuneiform Inscriptions of Western Asia. Le progrès du classement des débris de la bibliothèque de Ninive n'a fourni depuis lors, en ce qui touche aux documents grammaticaux, qu'un petit nombre de suppléments à cette belle publication, qui a contribué, plus qu'aucune autre, à l'avancement de la science. Restent maintenant à publier les fragments des livres d'Accad eux-mêmes avec leur traduction assyrienne. C'est ce qu'ont entrepris sir Henry Rawlinson et George Smith dans les 35 premières planches du tome IV de la même publication. Ces 35 planches forment un demi-volume qui verra bientôt le jour et qui mettra aux mains des savante des trésors d'un prix inestimable. Je puis le dire d'avance, grâce à la généreuse communication que sir Henry Rawlinson a bien voulu me faire des planches déjà prêtes, et j'affirme qu'aucune source aussi féconde n'aura encore été ouverte aux recherches de l'assyriologie.

La majorité des fragments accadiens, avec traduction, déjà classés au Musée Britannique, et dont l'édition est toute préparée, proviennent d'un grand ouvrage magique en plusieurs livres. C'est un recueil de formules et d'incantations contre les mauvais Esprits et les maladies, ainsi que d'hymnes souvent animés d'un vrai souffle poétique et composés pour les rites de la magie, le tout classé méthodiquement et formant un véritable Atharva-Véda chaldéen d'un grand développement. Dans un autre travail, j'essaierai de donner une idée de ce recueil et de résumer les notions qu'il fournit sur la magie chaldéo-babylonienne, qui a été une des principales sources de la magie des autres peuples de l'antiquité, et même de celle du moyen âge par l'intermédiaire des Chaldœi de la Rome impériale et des juifs babyloniens. Pour cette fois mon intention est de parler des débris d'un autre recueil, moins développé, ou du moins dont il ne reste pas à beaucoup près autant, mais qui, par sa nature même, est aussi intéressant. C'est un recueil d'hymnes liturgiques et religieux, non plus magiques, adressés aux principaux dieux. A côté du grand recueil magique, il est avec celui-ci dans un rapport que l'on peut comparer à celui du Rig-Véda avec l'Atharva. Malheureusement il n'en subsiste que bien peu de fragments, qui font profondément regretter la perte du reste et laissent la curiosité éveillée, sans parvenir à la satisfaire. La seule tablette presque intacte de la série est celle qui cantient l'hymne au dieu-Lune (Mus. Brit. K 2861) ; elle porte la signature de Istar-soum-kamis, chef des bibliothécaires d'Assourbanipal, roi des légions, roi d'Assyrie, fils de Nabo-zir-asir, grand astrologue.

En Babylonie et en Chaldée, comme en Égypte, chaque ville était spécialement consacrée au culte d'un dieu déterminé, qui trônait dans le temple principal. Cette localisation du culte, qui tenait sans doute en partie à des légendes que l'on n'a pas encore retrouvées et sur lesquelles l'antiquité classique ne nous apprend rien, a marqué son empreinte d'une manière profonde dans les hymnes du recueil. Chaque dieu y est mis en rapport avec sa ville sacrée, et d'une façon si étroite, avec des titres si magnifiques qui semblent faire de lui le premier des dieux, que l'on est en droit de considérer la collection comme ayant été formée des principaux hymnes usités dans la liturgie solennelle de chacune des grandes cités de la partie inférieure du bassin de l'Euphrate et du Tigre, aux fêtes célébrées en l'honneur du dieu protecteur. Quelques expressions semblent aussi les caractériser comme appartenant à une liturgie royale, peut-être à ces sacrifices d'intronisation que les rois d'Assyrie disent avoir été faire dans les principales cités toutes les fois qu'ils prennent possession de la Babylonie et de la Chaldée.

Au reste, le lecteur se fera par lui-même une opinion au sujet de la nature et de la destination première de ces hymnes, qui renferment sur la religion chaldéo-babylonienne dans sa forme la plus ancienne une quantité d'informations que l'on chercherait vainement ailleurs. Car nous allons essayer de donner la traduction de tous les fragments que nous en connaissons. C'est une entreprise hardie, et nous nous sommes demandé par moments si nous n'avions pas trop présumé de nos forces en l'abordant. Ceux qui reprendront après nous l'étude de ces documents trouveront bien des imperfections dans notre version et devront la corriger en main endroit ; pourtant nous nous flattons de ne pas nous être trompé sur les points fondamentaux et essentiels, et de n'avoir pas fait de contre-sens trop graves. Imparfait encore, notre travail, nous l'espérons du moins, donne avec exactitude les linéaments principaux de ces curieux morceaux de poésie religieuse. D'ailleurs, pour les fautes que nous avons dû nécessairement commettre, nous croyons avoir droit à une certaine indulgence, en considération des énormes difficultés d'une première tentative d'interprétation de textes que leur style poétique et la nature des sujets dont ils traitent rendent particulièrement ardus et obscurs.

Nous commençons par l'hymne le mieux conservé (Mus. Brit. K. 2881) ; il est adressé au dieu de la Lune. Ce dieu, considéré comme un personnage mâle, était appelé en accadien Hour-ki, ou simplement Hour, et Akou, en assyrien Sin. Dans les inscriptions des rois de l'Ancien Empire de Chaldée, il apparait comme tenant un des rangs les plus élevés parmi les dieux, et plus on remonte haut, plus l'importance de son culte se montre grande. Les monarques des dynasties primitives le regardent comme leur protecteur spécial, et son nom entre comme élément principal dans la composition des noms propres de la plupart d'entre eux. En effet, il était le dieu de la plus ancienne capitale d'Accad, de la ville sacrée par excellence pour les Chaldéens, de la grande cité d'Our (aujourd'hui Mougheir), d'où partit Abraham sur l'appel de Jéhovah. Sous les Assyriens, il est bien déchu de son antique grandeur ; son culte est passé au second plan, et on ne lui donne plus que le titre de seigneur des trente jours du mois, seigneur du signe zodiacal, illuminateur de la terre. Pourtant il est encore le premier dieu de la seconde triade du panthéon, et dans la hiérarchie savante des personnifications divines qu'admet le sacerdoce d'alors, il vient immédiatement après les grands principes cosmiques, primant le dieu du soleil et celui de l'atmosphère lumineuse. Sa figure est rare sur les monuments de l'art. Les représentations des cylindres symbolisent ordinairement ce dieu par la simple image du croissant lunaire ; cependant, on voit quelquefois un buste divin coiffé de la tiare qui s'élève au-dessus de ce croissant. Un texte l'appelle le dieu qui porte des cornes divergentes, et ceci pourrait conduire à le faire encore reconnaître dans quelques autres figures gravées sur des cylindres, ayant devant elles un ou plusieurs adorateurs.

On va voir la splendeur des épithètes que lui décerne le vieil hymne accadien :

Seigneur, prince des dieux du ciel et de la terre, dont le commandement est sublime ;

père, dieu qui illumine la terre, seigneur, dieu bon[2], prince des dieux ;

père, dieu qui illumine la terre, seigneur, dieu grand, prince des dieux ;

père, dieu qui illumine la terre, seigneur, dieu du mois[3], prince des dieux ;

père, dieu qui illumine la terre, seigneur d'Our, prince des dieux ;

père, dieu qui illumine la terre, seigneur de la maison d'albâtre, prince des dieux ;

père, dieu qui illumine la terre, seigneur des

couronnes, qui revient périodiquement, prince des dieux ;

père, dieu qui illumine la terre, qui distribue grandement l'élévation à la couronne[4], prince des dieux ;

père, dieu qui illumine la terre, qui dans l'abaissement des puissants se dilate[5], prince des dieux ;

croissant périodiquement, aux cornes puissantes, qui distribue la justice, qui . . . . . splendide quand il remplit son orbe ;

rejeton[6] qui s'engendre de lui-même[7], sortant de sa demeure, qui, propice, n'interrompt pas les gouttières par lesquelles il verse l'abondance[8] ;

très-haut, qui engendre tout[9], qui par le développement de la vie exalte les demeures d'en haut ;

père, qui renouvelle la génération, qui fait circuler la vie dans tous les pays ;

Seigneur, [dans] ta divinité, comme les cieux étendus et la vaste mer, tu répands une terreur respectueuse.

Dans . . . . . du pays, protecteur des sanctuaires, prophète de leur gloire ;

père, générateur des dieux et des hommes qui dirige l'enfance (?), créateur de la dame des biens[10] ;

prophète du commencement[11], rémunérateur, qui fixe les destinées pour des jours lointains ;

chef inébranlable, qui ne garde pas de longues rancunes[12] ;

. . . . . de qui le flux de ses bénédictions ne se repose pas, qui ouvre le chemin aux dieux ses compagnons ;

. . . . . qui du plus profond au plus haut des cieux[13] pénètre brillant[14], qui ouvre la porte du ciel, qui fait . . . . . l'albâtre . . . . .

père qui m'a engendré, qui produit et favorise la vie, qui voit[15] . . . . .

Seigneur qui étend sa puissance sur le ciel et la terre, qui ne . . . . . par ta volonté ;

qui tire du ciel les saisons (?) et les eaux, qui veille sur le développement de la vie, aucun dieu que toi ne produit les pluies.

Dans le ciel qui est sublime ? Toi. Ton commandement est sublime.

Sur la terre qui est sublime ? Toi. Ton commandement est sublime.

Toi ! ta volonté dans le ciel tu la manifestes ; les Esprits célestes[16] élèvent . . . . .[17]

Toi ! ta volonté sur la terre tu la manifestes ; tu fais s'y conformer les Esprits de la terre[18].

Toi ! ta volonté dans le ciel, comme l'espace lumineux dans sa révélation . . . . .[19]

Toi ! ta volonté sur la terre, par ton action . . . . .[20] tu me la proclames.

Toi ! ta volonté dans la magnificence, dans l'espérance et dans l'admiration, étend largement le développement de la vie.

Toi ! ta volonté fait exister les pactes et la justice, établissant les pactes pour les hommes.

Toi dans ta volonté tu répands le bonheur parmi les cieux étendus et la vaste terre ; tu ne gardes rancune à personne[21].

Toi ! ta volonté qui la connaît ? qui peut l'égaler ?

Seigneur, dans les cieux ta domination, sur la terre ta domination ; parmi les dieux tes compagnons tu n'as pas d'égal.

Roi des rois, qui . . . . . sa divinité, dieu incomparable ;

le lieu de ta seigneurie

le lieu de ton action bienfaisante  

. . . . . le ciel et la terre mon . . . . . extension.

Favorise . . . . . ta demeure ;

favorise . . . . . la ville d'Our.

L'épouse . . . . . joyeuse, seigneur, le repos est ton . . . . .

Vaillant  seigneur du repos.

Les Esprits célestes . . . . .

les Esprits de la terre . . . . .

Suivaient encore cinq autres versets, dont il ne reste plus que les caractères initiaux et dont on ne peut plus rien tirer.

On voit par cet hymne que la coupe du discours en versets et le système du parallélisme régulier, qui devinrent les lois de la poésie sémitique, existaient déjà dans la vieille poésie accadienne et y servaient de base. Nous les observerons encore dans les autres fragments.

Je dois aussi remarquer que le titre accadien an hur ki, dieu qui illumine la terre, qui se répète au commencement des premiers versets, y est traduit en assyrien nannur le lumineux. Sous cette forme ou sous celle de Nannaru, c'est un des surnoms les plus habituels du dieu Sin dans les documents de l'époque assyrienne. Ctésias en a fait Nannarus, et à ce nom se rattache une des plus curieuses parmi les légendes mythologiques que le médecin d'Artaxerxés Mnémon donnait aux Grecs pour l'histoire vraie de l'Assyrie.

J'ai déjà dit tout à l'heure que, dans la hiérarchie savante de la religion des temps de la puissance de l'Assyrie et du Nouvel Empire de Babylone, le dieu-Soleil tenait un rang immédiatement inférieur à celui du dieu-Lune ; il était alors le second personnage de la même triade. Il ne paraît pas qu'il soit représenté sur les monuments de l'art jusqu'à présent connus autrement que par le disque rayonnant de l'astre du jour. Un cylindre nous montre pourtant le buste du dieu coiffé de la tiare au milieu de ce disque. Dans les époques primitives, il était le dieu spécial dés villes de Larsa en Chaldée, la Larancha des fragments de Bérose (aujourd'hui Senkereh), et de Sippara en Babylonie, Sepharvaïm de la Bible, appelée souvent Sippara du Soleil. On le nommait en accadien Oud et en assyrien Samas, deux noms qui veulent dire également soleil.

 

Nous possédons deux fragments d'un hymne à ce dieu, tracés sur les deux côtés d'une tablette brisée (Mus. Brit. K. 4803) et séparés par une lacune de quelques lignes qu'une fracture a emportée :

. . . . . lion . . . . .

avec Anou et Bel[22] . . . . .

toi qui exaltes, dirige heureusement les légions des hommes.

Celui qui dirige dans le ciel, celui qui est le plus haut, c'est toi ;

la loi qui enchaîne l'obéissance[23] des pays, c'est toi.

Tu connais la vérité ; tu connais le mensonge.

Soleil, la justice a dressé son front[24] ;

Soleil, le mensonge en envieux a calomnié.

Soleil, le serviteur d'Anou et de Bel, c'est toi.

Soleil, l'arbitre suprême du ciel et de la terre, c'est toi.

Soleil . . . . . . . . . .

Ici se place la lacune ; le texte reprend ensuite, sur le verso de la tablette :

Soleil, l'arbitre [suprême] des pays, c'est toi.

Soleil,] le seigneur  qui développe la vie[25], celui qui répand sa grâce sur le pays, [c'est toi.

Soleil, dans ce jour, le roi fils de son dieu[26], fais-le briller, fais-le fructifier ;

tout ce qui existe faisant le mal dans taon corps, ensemble qu'il soit arraché.

Les deux versets suivants n'ont pas de version assyrienne, et je n'en comprends pas complètement le texte accadien. La fin, au contraire, est claire, sauf les lacunes résultant de la mutilation de la tablette :

Comme le cuivre, que ta gloire brille du plus vif éclat ;

. . . . . . . . . . son élévation,

vers le jour des vivants la sublimité.

Comme auteur de la lumière et dissipant les ténèbres, le Soleil est l'ennemi du mensonge et des complots obscurs. Ce point de vue, nettement indiqué dans le fragment qu'on vient de lire, est encore plus développé dans un hymne de la collection magique adressé au dieu-Soleil (Mus. Brit. K. 256) :

Toi qui fais évanouir les mensonges, toi qui dissipes la mauvaise influence

des prodiges, des augures, des pronostics fâcheux, des songes, des apparitions mauvaises,

toi qui déçois les complots méchants, toi qui mènes à la perdition les hommes et les pays

qui s'adonnent aux sortilèges et aux maléfices.

La mythologie des bords de l'Euphrate et du Tigre prêtait au dieu Samas plusieurs épouses. La principale était Anounit, déesse nocturne et lunaire, appelée aussi l'Étoile du fleuve Tigre. C'est à cette déesse qu'était consacré le grand temple pyramidal remontant à la plus haute antiquité et l'un des plus célèbres de toute la Babylonie, que l'on nommait Ulbar et qui était situé à Aganê. Cette ville se trouvait en face de Sippara, de l'autre côté de l'Euphrate, et n'en était séparée que par le fleuve ; aussi la désignait-on souvent comme Sippara d'Anounit, en opposition avec Sippara du Soleil, et la réunion des deux villes formait une seule cité ; d'où la forme plurielle employée par la Bible, Sépharvaïm, les Sippara. Anounit s'identifiait quelquefois avec la Nana ou Belit d'Érech en Chaldée, déesse essentiellement ténébreuse et funèbre, de telle façon qu'un document astrologique dit : La planète Vénus est à son lever la dame d'Aganê, à son coucher la dame d'Érech.

Après ces remarques, nous n'hésiterons pas à reconnaître Anounit dans la déesse à laquelle s'adresse un début d'hymne de la plus magnifique poésie (Mus. Brit. K. 4608) :

Vers le pays, dame . . . . . . . . . .[27]

Dans ta ville capitale, Érech, le jeûne a été célébré ;

dans le temple Ulbar, la demeure de ta puissance, j'ai fait couler le sang[28] comme de l'eau.

Dans la totalité des pays qui t'appartiennent, j'ai . . . . . le feu ; comme . . . . . .[29] il s'est répandu.

Dame, grandement sur le méchant je suis fort ;

le rebelle puissant comme un simple roseau tu le ploies.

Je ne m'attache pas à ma volonté ; je ne me glorifie pas moi-même ;

comme une fleur des eaux, jour et nuit, je me flétris[30] ;

je suis ton serviteur, je m'attache à toi.

Que ton . . . . . soit établi, que ton glaive flamboie

Le texte continuait, mais il ne reste plus que des caractères isolés des versets suivants.

Nous ne rencontrerons pas souvent des coups d'aile d'une pareille puissance, emportant la poésie à d'aussi grandes hauteurs dans les hymnes accadiens. Cependant il y a quelques autres exemples d'un accent aussi biblique, rappelant les plus beaux passages des psaumes, parmi les débris de ce lyrisme antérieur de bien des siècles à la Bible, et qui, par les traductions et les imitations en langue assyrienne, a dû nécessairement avoir une grande influence sur les premiers essais de la poésie sémitique, y fournir beaucoup d'images et de tournures.

Tel est le fragment d'un hymne au dieu Mardouk (Mus. Brit. K. 3132) :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Devant ta grêle qui se soustrait ?

Ta volonté est un décret sublime que tu établis dans le ciel et sur la terre.

Vers la mer je me suis tourné, et la mer s'est aplanie ;

vers la plante je me suis tourné, et la plante s'est flétrie ;

vers la ceinture de l'Euphrate je me suis tourné, et

la volonté de Mardouk[31] a bouleversé son lit.

Seigneur, tu es sublime ; qui t'égale ?

Mardouk, parmi les dieux, prophète de toute gloire, c'est toi qui . . . . .

Héros, parmi les dieux . . . . .

Mardouk, l'ennemi . . . . .

Seigneur des batailles . . . . .

Substituez le nom de Jéhovah à celui de Mardouk, et l'on se demandera de quel psaume provient cette grandiose peinture de l'instabilité des choses terrestres et de la toute-puissance divine. Il y a même des rencontres saisissantes d'expression entre ce fragment et la poésie lyrique des Hébreux, car le Psalmiste dit à son tour de Jéhovah (Ps. CXLVII) :

Il envoie sa parole sur la terre, et soudain sa sentence la parcourt.

Il donne la neige comme des flocons de laine ;

il répand le givre comme une cendre ;

Il jette les glaçons par morceaux ; devant son froid qui peut résister ?

Il envoie sa parole, et fait fondre les glaces ; il fait souffler son vent, et les eaux coulent.

Mardouk, le Mérodach de la Bible, qui a conservé presque sans altération, chez les Assyriens, son vieux nom de langue des Accads, Amar-Outouki, celui qui mesure la marche du soleil, est le dieu de la plus grosse et de la plus brillante des planètes, Jupiter, la Grande-Fortune des astrologues orientaux. Il est le dieu des légions (stellaires), et aussi le juge, le soutien de la souveraineté, de même que sa planète s'appelle, dans le langage de l'astrologie chaldéenne, l'étoile du roi. On lui donne pour père le dieu Nouah, qui est à la fois l'esprit divin qui pénètre le monde et le souverain de l'élément humide. C'était le dieu spécial et tutélaire de la ville de Babylone. Aussi, à mesure que l'importance politique et religieuse de cette cité grandit, Mardouk s'élève en même temps dans la hiérarchie céleste. On l'assimile à Bel, et cette identification, exprimée par le personnage de Bel-Mardouk, finit par devenir générale en Babylonie, tandis qu'elle ne paraît pas avoir jamais été admise en Assyrie. Au temps du nouvel empire de Chaldée, fondé par Nabopolassar, Bel-Mardouk est devenu le véritable Bel de Babylone, le second personnage de la triade suprême, et c'est ainsi que les Grecs l'ont connu. Mais il n'en était pas encore de même sous l'Ancien Empire, époque à laquelle remontent nos hymnes accadiens. Le Mardouk de Babylone est alors parfaitement distinct de Bel.

Mardouk est l'un des types de ces dieux qui meurent et ressuscitent périodiquement, caractéristiques des religions des bords de l'Euphrate et du Tigre, de la Syrie et de la Phénicie. La fameuse pyramide de la cité royale de Babylone passait pour son tombeau ; on y montrait aux dévots sa chambre sépulcrale, pillée plus tard par Xerxès, qu'on appelait le Lieu du repos de Mardouk. Parmi les statues colossales qui couronnaient le sommet de la pyramide, le dieu était figuré, nous dit Diodore de Sicile, comme un homme debout et marchant ; ce type de représentation, où Mardouk tient un sceptre court à la main, est fréquent sur les cylindres. Le prophète Baruch y fait allusion, ainsi qu'à l'épithète de juge, quand il dit, en parlant des divinités de Babylone : L'un d'eux porte un sceptre comme le juge d'une province, et il ne met pas à mort celui qui pèche contre lui. On représente aussi Mardouk tenant à la main un glaive ou harpé, et Baruch fait encore allusion à cette figure : L'un a un glaive et une hache à la main, mais il ne peut s'en servir contre les voleurs.

C'est au culte spécial de Mardouk dans la pyramide de Babylone qu'a trait un hymne fragmenté, qui paraîtra bien peu poétique après celui dont nous avons cité un débris, mais qui offre beaucoup d'intérêt pour la mythologie et même pour l'histoire (Mus. Brit. K. 4624). On sait que cet édifice sacré, si célèbre même chez les Grecs, portait le nom accadien de Ê-saggadhou, la Maison qui dresse la tête, lequel se maintint après que la langue assyrienne eut définitivement prévalu, et même encore sous Nabuchodorossor.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . est ta demeure ;

. . . . . . . . . . est ta demeure ;

Le Lieu du repos du Seigneur, la demeure sublime de vie, est ta demeure ;

la Maison qui dresse la tête, le sanctuaire de ta domination, est ta demeure ;

ta ville, le lieu du repos de ta garde[32], est ta demeure ;

Babylone[33], le lieu du repos de ta garde, est ta demeure.

Le Ciel grand, père des dieux[34], est le lieu de repos de ta garde ;

Le grand mont père de Bel est le lieu du repos de ta garde ;

la panégyrie de la grande mère Belit[35] est le lieu du repos de ta garde.

les . . . . . de Bel, puissances sublimes du ciel, sont le lieu de repos de ta garde.

Ici se trouve une lacune dont nous ne pouvons mesurer l'étendue ; la suite reprend un peu plus loin sur le verso de la tablette :

Favorise ta demeure, favorise ta ville, seigneur du Lieu de repos ;

favorise Babylone et la Maison qui dresse la tête, seigneur du Lieu de repos.

Que les eaux de Babylone, le sanctuaire supérieur[36] de la Maison qui dresse la tête, les briques de la Maison de la main droite[37], soient ramenées en leur lieu.

Assur, le pasteur[38] qui est ton néocore, vivifie-le par ses narines . . . . . . . . . . .[39]

la stabilité du trône de sa royauté, d'une manière bienfaisante [40] pour des jours durables,

toi qui élèves la main, ô Mardouk.

La grande montagne de Bel est une localité mythique dont un autre fragment d'hymne (Mus. Brit. K. 4898) parle encore en ces termes :

La grande montagne de Bel, la gloire des montagnes, dont la tête égale les cieux ; l'Abîme sublime . . . . .[41] ses fondements ;

entre les pays (elle est) comme un buffle puissant qui se repose,

sa corne[42] comme un rayon de soleil étincelle,

comme l'étoile du ciel qui annonce (le jour)[43] complétant son éclat.

Ce qu'il y a de plus intéressant dans l'hymne à Mardouk que nous venons de citer, c'est la mention du dieu Assur, qu'on ne trouve dans aucun autre document des époques primitives de la Chaldée et de la Babylonie. Son nom y est écrit sous la forme la plus antique, Ausar, à laquelle se substitua plus tard celle d'Assur. Pour trouver cette forme, il faut remonter jusqu'aux temps primitifs, où il n'y avait pas encore une nation assyrienne et un royaume d'Assyrie, mais de simples pontifes (patesi) du dieu Ausar, souverains de la ville d'Elassar. A partir de la fondation de la Monarchie assyrienne par Bel Pasqou, vers le seizième siècle avant notre ère, on ne trouve plus que la forme Assur. Ceci marque une date que l'on ne peut pas dépasser en se rapprochant de nous, pour placer l'époque de la composition de l'hymne. Il est curieux, du reste, d'y voir le grand dieu national de l'Assyrie, celui que le peuple qui s'est nommé d'après lui proclamait supérieur à tous les autres dieux, jouant un rôle secondaire, traité comme un néocore de Mardouk, qui reçoit la vie du dieu protecteur de Babylone. On a là, croyons-nous, une image très-exacte des rapports de subordination politique et religieuse qui existèrent à l'origine entre la cité d'Elassar (Kalah-Scherghat), premier noyau de la civilisation assyrienne et la grande métropole babylonienne.

Je signalerai encore à l'attention la phrase relative à la Maison de la main droite, Ê-zida, c'est-à-dire à la fameuse pyramide à étages de Borsippa, le monument prodigieusement antique auquel a été de très-bonne heure appliquée la tradition de la Tour des langues. Il semblerait en résulter que cet édifice vénéré, auquel se rattachaient tant de légendes, était, dès l'époque où fut composé notre hymne accadien, dans l'état de dégradation où la trouva Nabuchodorossor quand il en entreprit la restauration. Le temple des Sept lumières de la terre, la pyramide de Borsippa, dit-il dans l'inscription commémorative de ce travail, a été construit par le roi le plus antique... mais il n'en avait pas élevé le faîte. Depuis les jours reculés on l'avait abandonné sans entretenir ses déversoirs d'eaux (pluviales) ; aussi les pluies et la tempête avaient dispersé la construction en briques crues ; les revêtements en briques cuites s'étaient fendus ; la brique crue des massifs s'était éboulée en formant des collines. En effet, la phrase de notre hymne sur la Maison de la main droite est manifestement un vœu pour l'achèvement et la restauration de ce monument.

Afin de compléter ce qui regarde la nature et les attributions du dieu Mardouk, j'insérerai ici un hymne qui lui est encore adressé et qui fait partie, non plus de la collection liturgique que j'étudie spécialement dans ce travail, mais de la collection magique (Mus. Brit. K. 2962). Les titres qui y sont décernés à ce personnage divin ont en effet une grande importance mythologique et religieuse ; il faut surtout y noter l'expression de la croyance à la résurrection des morts, dont le soin devait être naturellement attribué à Mardouk, comme dieu qui lui-même mourait et ressuscitait. C'est un des premiers indices que l'on puisse, jusqu'à présent, relever sur les idées des Chaldéens et des Babyloniens relatives à la vie future[44].

Incantation.]

Seigneur grand] du pays, roi[45] des contrées

Fils aîné] du dieu Nouah ;

. . . . . qui ramène[46] le ciel et la terre ;

. . . . . Seigneur grand du pays, roi des contrées ;

dieux des dieux ;

. . . . . du ciel et de la terre, qui n'a pas d'égal ;

serviteur] d'Anou et de Bel ;

miséricordieux parmi les dieux ;

miséricordieux, qui relève les morts à la vie ;

Mardouk, roi du ciel et de la terre,

roi de Babylone, roi de la Maison qui dresse la tête,

roi de la Maison de la main droite, roi de la Maison suprême de vie[47],

affermis le ciel et la terre !

Affermis autour le ciel et la terre !

Affermis la lèvre de vie !

Affermis la mort et la vie !

Affermis la digue sublime de la fosse de l'abîme !

L'ensemble des hommes qui ombragent leur tête[48],

ce qui développe la vie, tout ce qui proclame la gloire dans le pays,

Les quatre régions[49] dans leur totalité,

les Esprits divins[50] des légions[51] du ciel et de la terre dans leur totalité.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ici une lacune de quelques lignes.

Tu es . . . . . . . . . . . . . . .

tu es le colosse [favorable ;

tu es celui qui vivifie . . . . . ;

tu es celui qui fait prospérer . . . . . ;

le miséricordieux parmi les dieux,

le miséricordieux qui relève les morts à la vie.

Mardouk, roi du ciel et de la terre,

j'ai invoqué ton nom, j'ai invoqué ta sublimité[52] ;

la commémoration de ton nom, que les dieux . . . . . ;

la soumission à toi, qu'ils . . . . . . . . . .

Que celui dont la maladie est douloureuse soit [délivré,

. . . . . . . . . . la peste, la fièvre, l'ulcère.

Que le démon mauvais, le destructeur[53] mauvais, le diable[54] mauvais, le combattant[55] mauvais, le dieu mauvais, le tendeur d'embûches[56] mauvais,

le fantôme, le spectre, le vampire,

l'incube, le succube, le servant ;

la peste mauvaise, la fièvre douloureuse, la maladie mauvaise,

. . . . . ce qui fait le mal, ce qui produit le mal.

Les derniers versets demandant que toutes ces influences malfaisantes soient repoussées manquent par malheur, mais il est facile d'en restituer la pensée[57].

Je reviens à la collection des hymnes liturgiques.

La pyramide de Borsippa, dont j'ai eu déjà l'occasion d'étudier ailleurs les mythes cabiriques, était consacrée au culte des sept planètes ; à la base un sanctuaire en forme de caverne, disent les inscriptions, était dédié à Anou, en tant que dieu uranique et cosmique ; quant au sanctuaire supérieur, Nébo y trônait, et on le regardait comme la divinité suprême de ce monument vénéré. C'est à Nébo, dans ce rôle de maître de la pyramide de Borsippa, que se rapporte le fragment suivant (Mus. Brit. K. 3130) :

. . . . . . . . . . . . . . . seigneur de Borsippa,

. . . . . . . . . . . . . . . fils de la Maison qui, dresse la tête[58].

Seigneur, à ta puissance, aucune puissance n'est égale ;

. . . . . . . . . . prophète[59], à ta puissance, aucune puissance n'est égale ;

à ta ville, Borsippa, aucune ville n'est égale ;

à ta campagne, la Babylonie, aucune campagne n'est égale.

de me confie à ton arme qui devant elle ne répand pas la mort[60].

Ta volonté comme le ciel ne varie pas, dans le ciel tu es sublime.

Nébo, ou plus exactement Nabou, porte en accadien les deux noms de Ak et de Pa. C'est le dieu de la planète Mercure. Dans les derniers temps assyriens, on le divise en deux personnages distincts, Nabou et Nousqou, correspondant aux deux apparitions de la planète un peu avant le lever du soleil et un peu après son coucher, de même qu'on admet également à cette époque une double Istar, en rapport avec l'étoile du soir et l'étoile du matin ; mais cette idée est absolument étrangère aux âges vraiment antiques. Mercure, dont la vue annonce le prochain lever du soleil, a été pour tous les peuples l'astre prophétique par excellence ; de là le nom assyrien du dieu, Nabou, qui signifie : le prophète. Celui-ci est, par suite, le dieu de l'inspiration prophétique, des lettres et de l'éloquence. Un de ses titres les plus habituels est celui de scribe de l'univers ; il est aussi celui qui surveille les légions du ciel et de la terre, c'est-à-dire qui veille, en sa qualité de dieu savant, à la régularité des mouvements des corps célestes et des phénomènes terrestres ; c'est ce que développe une inscription en l'appelant auguste promoteur des levers sidéraux, ordonnateur des œuvres de la nature, qui fait succéder au lever du soleil son coucher, qui compte le temps avec lui. Aussi son titre le plus compréhensif et le plus auguste est-il celui d'intelligence suprême. Il est comme une forme nouvelle, dans un degré d'émanation inférieur et plus mêlé au monde matériel, de Nouah, l'esprit divin qui pénètre et vivifie tout. Nébo est en même temps le dieu de l'onction royale, le protecteur spécial des rois et le type qu'ils reproduisent sur la terre. En même qu'à Bel, on lui donne sur les monuments une figure purement humaine, avec la tiare et le costume des rois ; trois paires de cornes rangées l'une au-dessus de l'autre garnissent sa tiare ; quatre grandes ailes sont souvent attachées à ses épaules. Le sceptre est aussi un de ses attributs habituels, et il est appelé dans les textes le dieu qui porte le sceptre ; ailleurs nous le trouvons désigné comme le dieu de la tiare. Une statuette d'albâtre d'époque très-ancienne et de travail babylonien, que possède le Musée Britannique, représente le même dieu sans aucun attribut, les deux mains sur la poitrine. L'inscription, en caractères hiératiques, gravée sur l'épaule de cette figure, lui donne les trois qualifications de dieu du feu, du canal et de l'action. En effet, de ses deux noms accadiens, l'un, Ak, signifie action, l'autre, Pa, sceptre et autorité.

Voici le début d'un hymne à Nébo (Mus. Brit. K. 4902), envisagé spécialement comme le dieu de la science, comme l'ingénieur divin qui préside aux travaux des canaux d'irrigation, d'où dépendait la fertilité de la Babylonie et de la Chaldée :

Nébo[61], intelligence suprême, interprète des sphères célestes,

scribe de l'univers, qui dans ta sublimité mystérieuse . . . . .

portant le sceptre suprême, régulateur du pays,

soutien des fondements de la science . . . . .

ouvreur des fontaines, qui réjouit le cœur . . . . .

dieu sans lequel le . . . . .[62] des canaux ne subsiste pas,

seigneur honoré qui amoncelle la terre des digues,

avec ton . . . . . tu possèdes . . . . .[63]

. . . . . . . . . . mâle puissant, roi . . . . .

Le reste est détruit.

Le fragment suivant (Mus. Brit. K. 4980), provenant d'un autre hymne, considère le dieu uniquement au point de vue sidéral et astronomique ; la version assyrienne n'y est donnée que pour une partie des versets ; il faut traduire directement le reste sur le texte accadien :

Fils] du dieu Bel, agissant avec puissance,

qui enlève la terreur immense, qui accompagne

le jour, qui gouverne . . . . .[64] très-haut ;

seigneur, dieu de la planète Mercure[65], agissant avec puissance ;

grand régulateur des destinées, qui gouverne . . . . . très-haut ;

seigneur qui fait briller le père et la mère qui l'ont engendré ;

héros grand qui anéantit le pays rebelle,

qui rend glorieux le temple, qui anéantit l'ennemi ;

formé par la dame de Nipour[66] . . . . . agissant avec puissance ;

. . . . . . . . . .[67], qui s'étend sur le pays ;

seigneur de vie, qui s'étend dans le ciel et sur la terre[68].

A la planète Mars, planète de couleur sanglante et de mauvais augure, présidait un dieu qu'on appelait en accadien Nir-gal, au grand pied, ou Nir-lab-gal. Ce nom de Nirgal fut adopté en assyrien, mais on y forgea une étymologie significative dans cette langue, le piétineur, par allusion aux mouvements en apparence rétrogrades de la planète[69]. Cité plusieurs fois par la Bible sous la forme Nergal, ce dieu est armé et guerrier ; ses qualifications habituelles sont le grand héros, le roi des mêlées, le maître des batailles, le champion des dieux, et aussi le dieu de la chasse ; on le représente comme un combattant et un dompteur de monstres. Le culte de Nirgal était surtout répandu dans la Babylonie ; il y avait deux foyers principaux, la ville appelée en accadien Dhour-an et en assyrien Douban, et Cutha, dans le voisinage de Babylone, nommée en accadien Tiggaba[70]. A Cutha, où il avait pour épouse la déesse Laz, des témoignages positifs fournis par les inscriptions nous apprennent qu'il était adoré sous la figure d'un lion. Aussi les lions ailés qui entraient si habituellement dans la décoration des édifices symboliques de l'Assyrie sont-ils appelés des nirgalli, mot qui s'échange avec l'expression idéographique lions du bien, lions du bon principe[71]. Les figures colossales de lions ailés à tête humaine ou à buste d'homme, qui remplacent quelquefois les taureaux à tête humaine aux portes des palais assyriens, sont donc des images du dieu Nergal. Le mouflon, et peut-être aussi le coq, étaient également des animaux consacrés à ce dieu.

Nous avons des fragments de deux hymnes à Nergal. Le premier s'adresse au dieu de Cutha (Mus. Brit. K. 5137) ; la plupart des versets n'y ont pas de traduction assyrienne.

Héros, tonnerre puissant, anéantissant le pays rebelle ;

héros, seigneur géant, anéantissant le pays rebelle ;

dieu qui se manifeste dans la vaillance, anéantissant le pays rebelle ;

buffle grand, seigneur qui piétine, anéantissant le pays rebelle ;

seigneur de Tiggaba, anéantissant le pays rebelle ;

seigneur de la demeure de vaillance, anéantissant le pays rebelle ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .[72]

tonnerre qui frappe avec vigueur[73], n'ayant pas d'égal,

brandissant son arme . . . . .[74]

Le second hymne (Mus. Brit. K. 4869) se rattachait au culte de Dhour-an ou Douban ; malheureusement, il ne nous est parvenu que dans un état de mutilation déplorable. D'après la disposition du texte, on voit qu'une partie au moins de chaque verset devait se répéter deux fois dans la récitation.

Seigneur de vie . . . . . . . . . .

mouflon très-grand . . . . . . . . . .

le dieu Nouah . . . . . . . . . .

(ô) dieu Nergal . . . . . . . . . .

dans le temple . . . . . . . . . .

héros de l'immensité . . . . . . . . . .

(ô) dieu Nergal [héros de l'immensité, etc.

Chef qui ouvre largement les yeux

(ô) dieu Nergal, chef qui ouvre largement les yeux, etc.

Fils de la durée, qui exalte le cœur de

(ô) dieu Nergal, fils de la durée, etc.

Grand prince[75] des dieux très-grands, qui . . . . . l'adoration et la parure ;

(ô) dieu Nergal, [grand prince des dieux très-grands, etc.

. . . . . . . . . . qui étend la parure[76] ;

(ô) dieu Nergal

Seigneur qui dresse la tête avec sublimité, qui exalte le temple, qui commémore la gloire ;

(ô) dieu Nergal, seigneur qui dresse la tête avec sublimité, etc.

Qui élève les dieux très-grands, qui  . . . . .[77] le sceptre et . . . . .[78] ;

(ô) dieu Nergal, qui élève, etc.

Grand, chef guerrier, sublime, qui répand la mort au-dessus d'eux[79] ;

(ô) dieu Nergal, grand, chef guerrier, sublime, etc.

Qui colore son image[80], qui  . . . . .[81] les guerriers glorieux à droite et à gauche ;

(ô) dieu Nergal, qui colore son image, etc.

Qui étend loin sa main, qui  par sa main la blessure du . . . . .[82] malfaisant ;

(ô) dieu Nergal, qui étend loin sa main, etc.

Dieu  qui pour l'élan de son pied . . . . . la demeure . . . . .

 (ô) dieu Nergal, dieu . . . . .

Seigneur qui foule aux pieds les . . . . . de la nuit, qui . . . . . en eux-mêmes . . . . . ;

(ô) dieu Nergal, Seigneur qui foule aux pieds, etc.

héros dont les exploits parlent, qui . . . . .

(ô) dieu Nergal, héros dont les exploits, etc.

Cœur vaillant, dont la puissance ne . . . . . pas son . . . . .[83] comme . . . . .[84] ;

(ô) dieu Nergal, cœur vaillant, etc.

héros, l'ennemi du temple, l'adversaire de la ville de Dhour-an, toi, tu le . . . . .

(ô) dieu Nergal, héros, l'ennemi, etc.

Qui aplanit le  du Dieu du feu[85], qui . . . . . sa protection . . . . .

(ô) dieu Nergal, qui aplanit le . . . . .[86] etc.

. . . . . . . . . . qui anéantit le pays sur lequel pèse un mauvais augure[87], chef puissant . . . . .

A l'époque où la hiérarchie des dieux de la religion chaldéo-assyrienne est disposée dans une échelle savante et philosophique, inconnue aux âges plus anciens, on donne le troisième rang dans la seconde triade, après Sin et Samas, à un dieu qui s'appelle, en assyrien, Bin, l'élevé, le prééminent, et dont le vieux nom accadien était lm, susceptible de deux sens de vent, tempête, et gloire, éclat. C'est le dieu de l'air, de l'atmosphère lumineuse et de tous les phénomènes qui y ont leur siège : pluies, orages, tonnerres. A ce titre, il a un double aspect, bienfaisant et terrible. Il est le ministre du ciel et de la terre, le dieu qui répand sur les pays la pluie, source de l'abondance, le distributeur de l'abondance, le dieu seigneur des canaux, le chef bienfaisant, le dieu de la fécondité. Mais il est aussi le seigneur de la tempête, du tourbillon, de la foudre, l'inondateur, et c'est lui qui, dans le récit babylonien du déluge, verse le fléau du cataclysme sur la terre ; aussi dit-on des rois conquérants qu'ils dévastent les contrées ennemies comme le déluge de Bin, et on appelle ce dieu celui qui balaie de sa tempête les rebelles et les pays ennemis. Son attribut ordinaire et caractéristique sur les monuments de l'art est le foudre. Dans un bas-relief assyrien, nous voyons porter au milieu d'une procession sa statue, le front armé de quatre cornes, debout, tenant la hache et le foudre. Dans un autre, il est muni de quatre grandes ailes, vêtu en roi, coiffé de la tiare à plusieurs paires de cornes superposées, et il poursuit de sa foudre un mauvais génie représenté sous les traits d'un monstre effroyable. Sur les cylindres, nous trouvons assez fréquemment la figure de Bin tenant le foudre et debout sur un taureau ou sur un lion ; ailleurs, il est en pied, tenant la hache et le foudre, ou bien foudroyant des ennemis renversés. Il est enfin quelquefois symbolisé par le foudre porté sur un taureau.

Le fragment suivant (Mus. Brit. K. 4644) provient d'un hymne à ce dieu, qui se chantait évidemment dans une cérémonie nocturne :

. . . . . . . . . . . . . . . ils l'élèvent ;

. . . . . . . . . . . . . . . ils fortifient.

. . . . . . . . . . dieu, seigneur de la foudre,

. . . . . . . . . . dieu, seigneur de la foudre,

. . . . . . . . . . dieu, seigneur de, la foudre,

. . . . . . . . . . dieu, seigneur de la foudre,

. . . . . . . . . . dieu, seigneur de la foudre,

Le dieu Bin[88] dans sa flamme illumine le ciel,

le dieu Bin dans sa force soulève la terre.

La grande montagne, qu'il la saisisse entièrement !

Dans sa flamme, dans sa force,

dans sa générosité, dans son exaltation,

les dieux du ciel s'élèvent dans le ciel,

les dieux de la terre entrent dans la terre.

Le Soleil est entré dans le ciel inférieur ;

le dieu Lune est monté au plus haut du ciel.       

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Voici enfin le chant de victoire, le dithyrambe guerrier placé dans la bouche d'un dieu dont malheureusement le nom n'est plus indiqué dans ce que nous en possédons. Ce morceau est publié déjà depuis un certain nombre d'années[89] ; M. Oppert en a donné dernièrement une traduction qui m'a été du plus grand secours, qui m'a frayé la voie et que je suis dans la plupart des cas. Cependant, comme elle est faite sur la version assyrienne, l'étude directe du texte accadien et son analyse grammaticale m'ont fait discerner quelques modifications à y introduire, et je crois avoir serré de plus près l'original. Le grand intérêt de ce fragment poétique consiste dans les allusions dont il est rempli à des traditions d'épopée mythologique dont on chercherait vainement la trace ailleurs. Il faut y noter aussi une circonstance curieuse, et qui me paraît un indice de très-haute antiquité. Le dieu vante la puissance de ses armes ; or, la principale, -celle sur laquelle il revient constamment avec un luxe de comparaisons qui ne tarit point, est manifestement, d'après ces comparaisons mêmes, un disque maintenu par sept rayons concentriques intérieurs et armé de cinquante pointes à l'extérieur, arme qui se lançait avec un mouvement de rotation, comme le tchakra des héros de l'Inde, avec lequel elle offre une grande ressemblance. On ne voit plus trace de l'emploi de cette arme à l'époque assyrienne, ni dans les textes, ni sur les monuments ; nous n'en rencontrons pas non plus de vestiges chez les peuples sémitiques à leur âge historique. Mais elle figure dans les traditions si antiques des premiers chapitres de la Genèse. Quand il y est dit que le chérubin placé à la porte de l'Éden pour la garder était armé de la flamme du glaive tournant, on ne peut méconnaître, dans cette description, comme l'a déjà remarqué M. Obry, un disque tranchant et tournoyant, tel que le tchakra et tel que celui dont parle notre fragment accadien. Et celui qui voudra vérifier, dans la publication en fac-similé, faite aux frais de l'administration du Musée Britannique, le texte du morceau en question, ne pourra manquer d'être frappé d'y voir employés, dans la traduction assyrienne, les mots mêmes que la rédaction hébraïque de la Genèse emploie pour définir l'arme du chérubin du Paradis terrestre.

Les dieux . . . . .

Comme des oiseaux . . . . .

Son retranchement . . . . .

En présence de la terreur immense que je répands, pareille à celle du dieu Anou, qui garde la tête haute ?

Je suis maître. Les montagnes escarpées de la terre agitent violemment leurs sommets sur leurs fondements.

La montagne d'albâtre, de lapis et de marbre, dans ma main je la [possède.

Esprit divin, . . . . . comme un oiseau de proie qui fond sur les passereaux,

dans la montagne par ma vaillance héroïque je décide la querelle.

Dans ma main droite, je tiens mon disque de feu ;

dans ma main gauche je tiens mon disque meurtrier.

Le soleil aux cinquante faces, l'arme élevée de ma divinité, je la tiens ;

le vaillant qui brise les montagnes, son soleil qu'on ne détourne pas (?), je le tiens.

La grande arme qui, comme l'épée, dévore en cercle les cadavres des combattants, je la tiens.

Celle qui brise les montagnes, l'arme meurtrière d'Anou, je la tiens.

Celui qui courbe les montagnes, le poisson aux sept nageoires, je le tiens.

La lame flamboyante de la bataille, qui dévaste le pays rebelle, je la tiens.

Le grand glaive qui bouleverse les rangs des vaillants, le glaive de ma divinité, je le tiens.

Celle aux atteintes de qui la montagne n'échappe ! pas, la main des mâles puissants de la bataille, je la tiens.

La joie des héros, la lance qui fait la force dans la bataille, je la tiens.

Le lacet qui enveloppe les hommes et l'arc de la foudre, je les tiens.

La massue qui écrase les demeures du pays rebelle et le bouclier de la bataille, je les tiens.

La foudre de la bataille, l'arme aux cinquante pointes, je la tiens.

Pareil à l'énorme serpent à sept têtes, le...[90] à sept têtes, je le tiens.

Pareille au serpent qui bat les flots de la mer, [attaquant] l'ennemi en face,

dévastatrice dans le choc des batailles, étendant sa puissance sur le ciel et la terre, l'arme aux [sept] têtes, [je la tiens.

Faisant jaillir son éclat comme celui du jour, le (lieu brûlant de l'Orient, je le tiens.

Créateur du ciel et de la terre, le dieu du feu dont la main n'a pas d'égale, je le tiens.

L'arme qui [répand] ses terreurs sur le pays,

dans ma main droite puissamment, le projectile d'or et de marbre . . . . .

qui fait la force du dieu ministre de la vie dans ses miracles, je le tiens.

L'arme qui comme . . . . . combat le pays rebelle,

l'arme à cinquante pointes, je la tiens.

Je termine par un petit fragment (Mus. Brit. K. 5139) qui a trait à l'effroyable coutume du sacrifice des premiers-nés consumés par le feu, rite qui avait tant de développements en Phénicie et à Carthage. La Bible[91] l'attribue formellement aux habitants de Sippara et raconte que les captifs de cette ville transportés par les rois d'Assyrie dans le pays d'Israël y célébraient ces sacrifices en l'honneur de leurs dieux Adar-Malik et Anounit[92]. Il n'est guère douteux qu'il ne dût en être de même dans le reste de la Babylonie. Quoique bien court, notre fragment est fort curieux, car il établit avec une parfaite netteté l'idée de rachat de la vie du père par le sacrifice de son premier-né, qui avait donné naissance à une aussi monstrueuse superstition.

Le rejeton qui s'élève dans l'humanité,

le rejeton pour sa vie il a donné ;

la tête du rejeton pour sa tête il a donné ;

le front du rejeton pour son front il a donné ;

la poitrine du rejeton, pour sa poitrine il a donné.

Je me suis borné au rôle de simple traducteur de ces débris d'un des plus vieux livres sacrés de la Chaldée, d'un livre dont l'antiquité ne peut pas encore être appréciée d'une manière exacte, mais égale certainement celle des portions les plus anciennes des Védas de l'Inde. Il m'a semblé, en effet, que même dans leur état de mutilation profonde, les fragments des hymnes religieux d'Accad auraient plus d'intérêt et en apprendraient plus que toutes les remarques et tous les commentaires dont ils pourraient être l'objet. Avant de les apprécier, d'ailleurs, il importait de les faire connaître.

Si je ne me trompe, on y voit apparaître avec plus de vie et plus de relief que dans des dissertations érudites les figures des dieux qu'adoraient la Chaldée et l'Assyrie, et dont les noms se rencontrent dans la Bible. Grâce à ces morceaux, on pénètre dans le cœur des croyances et des traditions qui de Babylone ont rayonné sur toute l'Asie antérieure ; on entre dans la vie de ce polythéisme dont les idées et les rites offraient aux Hébreux tant de séductions, que les efforts des prophètes ne parvenaient pas toujours à les en préserver et à maintenir la pureté du culte de Jéhovah. Aussi pour l'exégèse biblique les débris déjà connus des hymnes de la Chaldée, et ceux que l'on arrivera à retrouver encore, ont-ils une importance capitale.

En même temps ils nous révèlent chez le peuple d'Accad un véritable souffle d'inspiration poétique, qui a exercé une action décisive sur les débuts de la poésie sémitique et a contribué à en former le génie. Il y a là un lyrisme qui atteint parfois à une grande élévation et qui peut, dès à présent, revendiquer sa place dans l'histoire littéraire de l'Orient antique. Mais il serait encore prématuré de vouloir sur ces seuls fragments porter un jugement d'ensemble sur la poésie lyrique accadienne, ses caractères et ses tendances. Pour un semblable jugement, il faut attendre encore que les documents soient plus nombreux. Les hymnes de la collection magique, dont nous possédons beaucoup plus que de ceux de la collection liturgique, ne leur cèdent pas en poésie et ont un accent particulier. Lorsqu'ils seront traduits, ils montreront une autre face, et une face très-originale des inspirations du même peuple.

Puis la critique devra aussi tenir compte des débris d'un lyrisme plus familier, populaire et gnomique, qui parait avoir eu chez le peuple d'Accad un assez grand développement, et dont les hiérogrammates d'Assourbanipal ont formé des collections. Ce sont des proverbes rythmés provenant d'anciennes chansons. On a déjà publié la copie d'une tablette qui en contient un assez grand nombre[93], et M. Oppert a signalé l'importance de ce recueil, en traduisant quelques-uns de ses proverbes. Mais la grande majorité attend encore un interprète. Et de plus, M. George Smith annonce avoir découvert dans ses fouilles récentes en Assyrie un autre recueil pareil, qu'il rapporte en original au Musée Britannique. Il y a donc encore de ce côté une mine à explorer, et qui promet d'être féconde.

Quelquefois les proverbes ne consistent que dans une simple phrase, extraite évidemment d'un chant plus développé, et que le bonheur de l'expression avait sans doute rendue proverbiale, comme celle-ci sur le battage des grains :

Devant les bœufs qui marchent à pas pressés

sur les épis elle a foulé vivement.

Plus souvent chacun d'eux forme un tout achevé dans sa brièveté, une petite chanson de quelques vers — s'il est permis de se servir de cette expression quand on ne connaît ni le rythme, ni la mesure — qui rappelle les vieilles chansons populaires chinoises insérées dans le Chou-King. En général, la pensée est d'une bonhomie fine, à la fois malicieuse et un peu mélancolique, empreinte d'un sentiment de philosophie pratique. C'est le cas de ce petit morceau qui exprime l'inutilité des efforts trop actifs :

J'ai fait beaucoup aller en haut mes genoux,

à mes pieds ne laissant pas de repos,

et sans avoir jamais de relâche

mon but s'est toujours éloigné.

Tel est aussi cet autre, dont nous ne pouvons aujourd'hui que trop apprécier la sagesse après les cruelles leçons que les événements nous ont données :

Tu vas dépouiller

le champ de l'ennemi,

et c'est qui vient, qui dépouille

ton champ, l'ennemi.

Ailleurs, une pensée simple revêt une forme imagée et piquante, comme dans ce souhait qui peut se ramener à ceci pour le fond de l'intention : que je tourne le mal en bien.

Le fruit de la mort

que je le mange,

et en fruit de vie

que je le transforme !

D'autres enfin parmi ces courts morceaux nous reportent au milieu de la vie des champs et de ses usages ; ils sont assez nombreux dans le recueil publié et attestent clairement son origine populaire. Voici, par exemple, une chanson en deux couplets qui devait se chanter dans quelque fête champêtre à laquelle on attribuait une influence de bon augure sur la réussite des moissons :

Le blé qui s'élève droit

arrivera au terme de sa croissance prospère ;

le secret (pour cela)

nous le connaissons.

Le blé de l'abondance

arrivera au terme de sa croissance prospère ;

le secret (pour cela)

nous le connaissons.

On le voit, le recueil des Proverbes de Salomon avait eu des modèles plus antiques dans le pays d'Accad.

Ce que nous pouvons du moins affirmer dès à présent, et les morceaux que nous avons traduits en sont, croyons-nous, une preuve suffisante, c'est qu'il y a dans la Chaldée primitive et anté-sémitique une véritable poésie et tout une littérature, qui commence seulement à s'ouvrir aux recherches de la science, mais dont on devra tenir compte dans l'histoire de l'esprit humain.

 

 

 



[1] Publié dans Le Correspondant, en août 1873.

[2] Ce titre est exprimé par les signes gui servirent plus tard à écrire le nom du dieu Assur.

[3] L'accadien a mot à mot : Seigneur du signe zodiacal ; la version assyrienne : Seigneur des trente [jours].

[4] L'assyrien traduit simplement la royauté.

[5] C'est la même idée que dans le cantique de la Sainte-Vierge : Deposuit potentes de sede et exaltavit humiles.

[6] Mot à mot fruit.

[7] On sait le rôle que cette notion joue dans la religion égyptienne ; elle existait également, comme on le voit, dans celle de la Chaldée.

[8] C'est la même idée de physique grossière que dans Job (XXXVIII, 25) ; les pluies tombant par filets continus sont censées couler de petites gouttières ménagées dans le firmament.

[9] Les écrivains grecs attribuent aux sanctuaires de l'Orient l'idée que la Lune était le dépôt de tous les germes (Lydus, de Mens., II, 6 ; III, 4 ; IV, 53 ; de Ostent., 16). Plutarque signale aussi cette croyance chez les Égyptiens, et elle existait dans l'Inde (A. Weber, Indische Studien, t. I, p. 194).

[10] C'est ainsi que porte la version assyrienne ; le texte accadien a simplement Istar. Ainsi Istar elle-même, la déesse bienfaisante, est dans la donnée de l'hymne une production du dieu de la Lune. Elle est, en effet, très-souvent qualifiée de fille de Sin dans les documents de l'époque assyrienne.

[11] L'expression assyrienne pourrait aussi vouloir dire la royauté ; mais l'accadien ne laisse pas de doute sur le sens.

[12] Mot à mot, dans l'assyrien comme dans l'accadien, dont le cœur ne se souvient pas longtemps.

[13] L'accadien, plus mutilé que l'assyrien en cet endroit, a du [nadir] au zénith.

[14] C'est, au contraire, l'accadien qui donne seul ce membre de phrase.

[15] N'existe plus que dans l'accadien.

[16] Esprits appelés Igili.

[17] Il y a ici un mot que je ne comprends pas bien.

[18] Les Anounnaki.

[19] La fin de ce verset est encore tout à fait obscure pour moi.

[20] Ici un mot jusqu'à présent intraduisible.

[21] Mot à mot, de personne tu ne te souviens.

[22] Je donne ici la forme assyrienne des noms des deux premiers dieux de la triade suprême, parce qu'ils sont les plus connus. Les noms accadiens, qui expriment très-clairement la nature de ces deux divinités, sont Anna, le Ciel, et Moul-ge, le Seigneur d'en bas.

[23] Mot à mot, les oreilles. Nous suivons ici la version assyrienne, qui paraphrase le texte accadien, très-concis et très-obscur.

[24] Version assyrienne : sa tête.

[25] Paraphrase de la version assyrienne ; le texte accadien a seulement le vivificateur.

[26] Le roi fils de son Dieu, l'homme fils de son Dieu, sont des expressions qui se reproduisent à chaque pas dans les hymnes de la collection magique ; elles veulent dire le roi pieux, l'homme pieux. J'étudierai ailleurs la notion qui les a dictées et qui se rattache à une conception analogue à celle des Fervers dans la religion de Zoroastre.

[27] La fin de ce verset, qui n'existe plus que dans la version assyrienne, est très-mutilée, et je n'ose pas en proposer d'explication.

[28] Le sang des victimes.

[29] Ici un mot obscur.

[30] La tournure est elliptique ; pour restituer la pensée complète, il faudrait substituer sans ton secours.

[31] Le nom de Mardouk est exprimé ici, comme dans beaucoup d'autres textes accadiens, par l'appellation Silik-moulou-khi, celui qui dispose le bien pour les hommes. Cette qualification se rapporte au rôle de véritable médiateur que lui attribuent les hymnes magiques.

[32] C'est la garde que le dieu exerce sur la marche du soleil et sur la régularité des mouvements de l'armée céleste ; il s'en repose dans son sanctuaire favori de Babylone, dans ce Lieu du repos, qui passe pour son tombeau quand on l'envisage comme un dieu qui meurt pour ressusciter.

[33] Babylone est désignée dans cette hymne par son plus ancien nom accadien, Dintir, et non par l'appellation qui ne prévalut que plus tard, Kâ-dingira, équivalent exact de l'assyrien Bab-ilou, — porte de Dieu.

[34] La version assyrienne, par une erreur évidente qui n'est peut-être qu'une faute de copiste, met ici le mot père au cas oblique, du Père des dieux. De plus, en traduisant Anna, le ciel, par le dieu Anou, si elle ne commet pas une faute mythologique, elle efface la confusion volontaire qui existe ici dans le texte primitif entre le ciel matériel et le Ciel envisagé comme dieu.

[35] En accadien, Nin-gelal, la Dame du monde inférieur.

[36] Mot à mot, dans le texte accadien, la corne de l'habitation, dans la version assyrienne, l'œil ; cette dernière expression, qu'on retrouve d'autres fois en pareil cas, se rapporte à l'usage du sanctuaire supérieur des temples à forme de pyramides comme observatoire sacré.

[37] La pyramide ou tour à étages de Borsippa.

[38] Je suis ici la version assyrienne ; pasteur y est, du reste, un équivalent plutôt qu'une traduction exacte de l'expression accadienne, plus développée et encore très-obscure.

[39] La fin du verset n'existe plus qu'en accadien, et je ne me sens pas en mesure de la traduire.

[40] Ici quelques mots très-obscurs.

[41] Mot encore intraduisible.

[42] Son sommet à pic.

[43] Dilbat, la planète Vénus.

[44] Pour ce qui est de l'Assyrie, la notion d'une immortalité bienheureuse dans des campagnes célestes et parmi les banquets des dieux est formellement exprimée dans cette prière pour un roi (W. A. I. iii, 66, verso) :

Des jours prolongés,

des années durables,

un glaive puissant,

une longue durée,

un vaste renom de gloire,

la prééminence sur les rois,

au roi, notre seigneur, le justicier,

qui toutes ces choses

ses dieux a offert !

Des frontières larges et vastes

à son empire !

Qu'il vive ! qu'il soit en paix !

au-dessus des rois la souveraineté,

la royauté et le commandement, en l'exerçant, aux cheveux blancs

et à la vieillesse qu'il parvienne !

Et par dessus tout cela,

la région qui brille comme l'argent, les autels splendides,

le bienfait de l'état de bénédiction

parmi leurs banquets (des dieux),

et les jardins bienheureux

dans leur lumière

qu'il les habite, la vie

. . . . . . . . . . joyeuse

dans le voisinage

des dieux

qui habitent l'Assyrie !

[45] Version assyrienne : seigneur.

[46] Qui ramène dans leurs mouvements périodiques.

[47] Temple désigné dans plusieurs inscriptions comme situé à Borsippa.

[48] Des hommes qui ont le droit d'avoir au-dessus de leur tête un parasol, en signe de puissance ; c'est une expression qu'on rencontre à plusieurs reprises.

[49] Les régions correspondant aux quatre points cardinaux, autour d'Accad considéré comme le centre de la terre ; c'est une locution qui revient à chaque instant dans les anciennes époques.

[50] Les Igili.

[51] Ce mot est ajouté par la version assyrienne.

[52] Version assyrienne : ton cœur.

[53] Démon appelé alal en accadien et alû en assyrien.

[54] Démon appelé gigim en accadien et ekim en assyrien.

[55] Démon appelé telal en accadien et gallu en assyrien.

[56] Démon appelé maskim en accadien et rabiz en assyrien.

[57] Après la même énumération, nous lisons dans une incantation magique :

De l'homme fils de son dieu, qu'ils sortent de son corps, qu'ils sortent de ses entrailles.

Dans un autre :

Leur tête sur sa tête,

leur pied sur son pied,

jamais ils ne le saisiront,

jamais ils ne reviendront.

[58] Voici le plus ancien vestige de l'identification de Bel à Mardouk ; car Nébo est souvent donné comme fils de Bel. D'autres fois on le dit fils de Nouah.

[59] Le premier mot de l'accadien est très-obscur ; à la place de ces épithètes, la version assyrienne met simplement Nébo.

[60] Le traducteur assyrien a hésité ici et propose deux sens, celui que nous suivons et cet autre : Ne verse pas le sang. Il s'agit évidemment ici du sceptre ou haste pure, qui est l'insigne habituel de Nébo.

[61] La forme du texte accadien est Ak ; la version assyrienne met : à Nébo, etc.

[62] Mot obscur ; la version assyrienne, que nous suivons ici, semble ne point reproduire pas à pas, dans ce verset, le texte accadien.

[63] Verset très-mutilé.

[64] Mot très-obscur.

[65] En accadien, Dounpa-ouddou, qui accompagne le lever du soleil.

[66] Belit, en accadien Nin-gelal, épouse de Bel, le grand digit de la ville de Nipour.

[67] Je ne suis pas en mesure de traduire ce membre de phrase, qui n'existe qu'en accadien.

[68] Le texte accadien de ce verset a été omis par le copiste ninivite ; nous n'en avons que la version assyrienne.

[69] C'est ce qu'atteste l'idéogramme significatif qui remplace fréquemment le nom de Nergal à l'époque assyrienne.

[70] Pline et Ptolémée connaissent encore cette forme accadienne, qu'ils rendent en Digba.

[71] Il y avait aussi des démons à tête de lion on en forme de lion ; c'est pour cela que les lions de Nergal sont appelés lions du bien, afin de les en distinguer.

[72] Il y a ici deux versets qui, comme les précédents, n'existent qu'en accadien, et que je ne puis pas encore traduire.

[73] Version assyrienne : puissant.

[74] Le second membre du verset est obscur.

[75] La version assyrienne a seulement prince.

[76] La parure, le vêtement du ciel.

[77] Mot obscur.

[78] Autre mot obscur.

[79] Sans doute : au-dessus des hommes.

[80] Allusion à la coloration de la planète Mars, visible même à l'œil nu.

[81] Expression que je ne comprends pas encore.

[82] Mot douteux.

[83] Expression obscure.

[84] Mot que je ne suis pas en état de traduire.

[85] Dieu qui parait avoir eu une grande importance à l'époque accadienne, et qui joue un rôle capital dans les hymnes magiques ; à l'époque assyrienne, je ne le trouve plus mentionné qu'une seule fois, comme un dieu du dernier ordre.

[86] Mot obscur.

[87] Mot à mot : le pays funeste, si l'on peut employer cette expression.

[88] Le texte accadien a, comme de raison, la forme Im.

[89] W. A. I. ii, 19.

[90] Mot obscur.

[91] II Rois, XVII, 31.

[92] C'est le nom de cette déesse que je crois cachée sous la forme Anammelech en cet endroit de la Bible, puisqu'il y est question du culte des gens de Sippara, dont Anounit était la grande déesse. Comme époux d'Anounit, le Soleil est précisément surnommé Malik, roi, le Moloch de la Palestine. Elle-même ne diffère pas essentiellement de la déesse Malkit, donnée aussi comme la compagne du Soleil. (Voyez mon Essai de commentaire des fragments cosmogoniques de Bérose, p. 97.)

[93] W. A. I. ii, 16.