HISTOIRE DES INSTITUTIONS CAROLINGIENNES

LIVRE PREMIER. — ORIGINES MÉROVINGIENNES.

CHAPITRE VIII.

DES VÉRITABLES CAUSES DE LA DISSOLUTION DE L’EMPIRE. - DU FISC. - DES PRIVILÈGES. - DES CURIES. - DU COLONAT. DES PATROCINIA. - MORCELLEMENT DU TERRITOIRE. - ANALOGIES FÉODALES.

 

 

Nul doute que les attaques des Barbares n’aient aidé puissamment à la destruction de l’Empire romain ; mais il serait puéril de s’arrêter à cette cause. Les sociétés ne périssent guère que par des vices organiques. Les attaques extérieures ne peuvent rien contre ces grandes existences. Il est même vrai de dire que si quelquefois elles contribuent à hâter leur ruine, elles sont toujours nécessaires à leur développement ; et l’utilité qui en résulte est beaucoup moins contestable que le mal qui en provient. Mais ici, comme partout, on a beaucoup accordé à l’opinion. Les Barbares, qui combattaient au grand jour, ont eu le privilège d’occuper exclusivement les tristes rhéteurs qui se sont donnés pour les historiens des derniers temps de la période impériale. On leur a fait porter pendant mille ans, sur la foi d’Aurelius Victor ou d’Eutrope, la responsabilité d’un événement qui a eu des causes bien autrement profondes. L’erreur sur ce point était si ancienne, qu’elle avait fini par obtenir force de chose jugée ; et l’école historique du dernier siècle produisit la plus étrange sensation, lorsqu’elle vint dire après saint Augustin, Salvien de Marseille et tous les hagiographes, qu’il s’était établi au sein même de l’Empire des plaies bien plus dévorantes que les Barbares : je veux dire la corruption, le fisc et l’esclavage.

Nous n’ajouterons rien à tout ce que l’on conne des prodigieuses débauches de la Rome des Césars. On sait que le Christianisme lui-même suffit à peine pour laver tant de souillures. Nous ne devons envisager ici que la question politique.

Le fisc des empereurs a causé plus de maux que leur tyrannie. On a épuisé toutes les invectives contre leur despotisme et leurs cruautés ; je suis tenté de réserver les miennes tour leurs effroyables profusions. C’est par là que s’est écoulée la fortune de Rome. C’est au fisc que venaient aboutir les mille conduits de cette machine meurtrière, que les publicains avaient placée à toutes les sources de la richesse publique, et qui la versait à flots dans le trésor du prince. Rien aujourd’hui ne saurait donner une juste idée des ravages d’un tel fléau. A force de passer et de repasser sur les provinces, il finit par en exprimer toute la substance, et il les livra, ainsi appauvries et épuisées, aux attaques incessantes des Barbares. Dans les sociétés modernes, le travail et l’industrie ont mis entre les mains de l’homme les moyens de créer la richesse à volonté, et de la multiplier, pour ainsi dire, à l’infini. L’intelligence, en s’exerçant sur la matière, a trouvé en quelque sorte le secret de la convertir en or à son gré ; et les ressources des nations semblent désormais sans limites, comme la nature qui les fournit. C’est ainsi qu’un peuple célèbre a pu de nos jours dépasser impunément toutes celles qui étaient connues jusqu’ici, et dépenser, pour soutenir sa puissance, plus de trésors que n’en valait son île. On l’a vu pendant vingt ans, au grand étonnement de l’Europe, épuiser, sans les tarir, toutes les, sources de sa prospérité, et porter légèrement, au sortir de cette crise, un fardeau sous lequel l’Empire romain se serait affaissé. Mais les sociétés antiques existaient à d’autres conditions. Les plus habiles ne se sont guère inquiétées que des moyens de conquérir la richesse : toutes ont dédaigné l’art difficile de la créer. La masse disponible était tout entière à la surface du sol, sous une forme et dans des proportions à peu près invariables. Elle circula ainsi, pendant deux ou trois mille ans, de l’Orient à l’Occident, des bords du Gange au détroit de Gadès, sur une ligne qui resta presque toujours la même, passant tour à tour des mains des Assyriens à celles des Perses, des Grecs et des Romains, sans qu’il soit possible de constater une différence un peu notable dans son volume ou dans sa direction.

Mais ce fleuve, qui depuis tant d’années suffisait aux besoins des divers peuples qui avaient passé sur la terre, semblait être venu se perdre sans retour dans le fisc des empereurs. Tout ce qui tombait dans ce gouffre avait disparu pour jamais. L’or qu’il enlevait à l’agriculture, au commerce, aux professions laborieuses ou à là propriété foncière, ne retombait que sur les mimes, les gladiateurs, les cochers et les courtisanes. C’était un aliment offert à tous les vices, une prime accordée à toutes les corruptions. L’immoralité du prince, grâce à cette puissante excitation, gagnait ainsi de proche en proche, et se communiquait à tout l’Empire. Les largesses de César avaient inévitablement pour résultat d’étouffer une vertu ou de faire germer un nouveau vice partout où elles tombaient. Mais son avidité croissait en proportion de ses largesses. Après avoir dévoré son patrimoine, il apprit à confisquer celui des autres. Le fisc finit par tout envahir, les biens des condamnés et les revenus des provinces, la fortune publique et les fortunes privées. La loi elle-même lui vint en aide, et créa ‘en sa faveur tout un système d’exceptions et d’odieux privilèges. Le dixième livre du Code suffit à peine à l’énumération de ses prérogatives. A la fin du IIIe siècle, la multitude de ses agents couvre comme une armée toute l’étendue de l’Empire. Pendant que les uns le tiennent à terre et l’empêchent de remuer, les autres lui enlèvent froidement ses dernières dépouilles. S’il reste encore quelque chose au malheureux tributaire, après avoir satisfait à toutes les exigences du collecteur, il reçoit l’ordre d’aller l’offrir à César, à l’occasion de son joyeux avènement ou de quelque victoire remportée sur l’ennemi[1]. Si, au contraire, quelque nouvelle défaite a mis l’Italie en péril, une surtaxe accablante en instruit aussitôt les provinces[2]. Ainsi, les joies nationales et les calamités publiques retombent également sur le possesseur. C’est sur lui que porte en définitive tout le poids de cet immense Empire ; c’est lui qui doit suffire aux prodigalités du prince et aux nécessités de l’État ; à lui le soin d’alimenter le trésor de l’empereur, de recruter et d’approvisionner ses armées, de pourvoir à ses plaisirs et de mourir en le défendant[3]. Ainsi l’infortuné trouvait dans sa propriété même son supplice et son désespoir. Il recourut à tous les moyens pour échapper à cette torture. Les plus forts se placèrent avec César dans le privilège, et aidèrent de là à écraser les autres. Le plus grand nombre resta sous le fardeau et devait périr en le portant. Ceci a besoin de quelques explications.

On sait que l’égalité devant la loi devint de bonne heure l’une des maximes de la législation impériale. Les distinctions primitives, basées sur le privilège, avaient péri une à une dans les luttes du forum, pendant la période républicaine. La puissance des empereurs, qui sortit de ces orages avec Auguste, son fondateur, appuya sa base sur ce terrain nivelé, et s’habitua tout d’abord à considérer le reste du monde comme placé sur le même plan à ses pieds. A peine si quelques distinctions honorifiques rappellent encore cette forte organisation du vieux patriciat, démoli, ruiné par l’éloquence tribunitienne. Dans ce sénat bizarre, où tous les partis ont fait entrer pêle-mêle, depuis cinquante ans, leurs protégés et leurs séides, qui reconnaîtrait la grave et imposante assemblée où siégeaient autrefois les Fabius et les Camille ? Les magistratures elles-mêmes ne sont plus que de simples titres dont la politique des empereurs se sert pour enchaîner les mécontents par la vanité ; et cacher sous de vieilles formes la pensée nouvelle qui gouverne en leur nom. César, l’héritier des guerres civiles, résume et renferme en lui seul tous les pouvoirs de l’État ; c’est en lui que se personnifie toute la majesté de l’Empire et la toute puissance du peuple-roi.

Mais il ne put se tenir longtemps dans cet isolement. Tout en restant au sommet de la pyramide, il sentit le besoin d’en élargir la base ; et comme il ne pouvait se rapprocher des autres hommes sans descendre, il aima mieux leur ménager les moyens de monter par degrés jusqu’à lui. Il fut ainsi conduit par la force même des choses à établir une hiérarchie nouvelle ; à la place de celle dont les ruines avaient servi de fondement à sa propre grandeur. En effet, une hiérarchie administrative est aussi nécessaire au despotisme, que la hiérarchie héréditaire des gentes et des castes à l’aristocratie. Ce fut la pensée de la célèbre réforme opérée par Dioclétien à la fin du IIIe siècle. Il étagea en quelque sorte tout l’Empire, en remplissant l’immense intervalle qui le séparait de la foule par une multitude prodigieuse d’ordres, de classes, d’écoles, de maîtrises, qui comblaient le vide, et transformaient la principauté des Césars en une monarchie orientale.

Mais ces premières distinctions en entraînèrent d’autres bien plus importantes. A mesure qu’on s’élevait dans cette échelle, on se croyait en droit de laisser tomber sur les autres une plus large part des charges publiques ; et le privilège, qui ne s’était d’abord établi que dans l’administration, passa par voie de conséquence dans la constitution même.

Le principe fondamental de l’égalité devant la loi fléchit, pour faire place à l’abus des immunités, qui devint aussi un principe à son tour. Ce furent désormais la nature et l’étendue de ces immunités qui marquèrent les rangs. On est tenté de prendre en pitié le sérieux avec lequel le législateur s’occupe de ces graves puérilités[4]. L’étiquette, au milieu de cette grandeur décrépite du Bas-Empire, était devenue la plus sérieuse des affaires d’état. Elle eut son code, ses interprètes, ses jours d’épreuve et ses martyrs. La loi fait d’inutiles efforts pour se retenir sur cette pente ; elle cède au moment même où elle proclame les anciennes maximes, et semble ne protester en leur nom que pour les déserter avec plus d’éclat[5]. Au milieu de ces exceptions sans fin, on se demande ce que devient la règle. L’interminable liste de la domesticité impériale figure en première ligne. C’est la milice du sacré palais[6]. Cette armée parasite ne vivait que de privilèges. Tout le titre XXXV du sixième livre du Code lui est consacré. Ensuite viennent les sénateurs[7], les professeurs d’éloquence et de grammaire[8], les professions mécaniques, celles qui servaient aux besoins et celles qui servaient aux plaisirs du peuple[9] ; l’Eglise, qui, après trois siècles d’oppression et de souffrances, finit par remonter des catacombes jusqu’au trône de César[10] ; toute la populace des villes, qui n’eut désormais d’autre souci que d’encourager les cochers du Cirque par ses acclamations, et de réclamer à grands cris le dernier sang du gladiateur[11] ; tous les soldats, sans distinction, depuis le dernier conscrit jusqu’aux Maîtres de l’une et de l’autre milice[12]. Ces sortes d’immunités étaient générales, et s’étendaient à des classes entières. Mais ce n’était point encore assez, et le prince se réservait de faire descendre le même bienfait sur ceux de ses favoris qui ne se trouvaient compris dans aucune des catégories privilégiées. Ce dernier abus, qui tenait plus particulièrement aux faiblesses du despote, finit par devenir tellement ruineux, que Théodose se vit obligé d’y mettre un terme[13]. Ainsi, par un juste retour, le despotisme eut besoin, pour durer, d’entrer en partage avec, les instruments de ses rigueurs, et il se vit forcé de faire une part égale dans le privilège, et aux armées de légionnaires qui tenaient l’Empire renversé à ses pieds, et aux innombrables agents qui l’exploitaient à son profit.

Alors tout le fardeau retomba sur le simple possesseur. Là, aucun privilège ne venait arrêter l’action du fisc : on pressurait le malheureux à loisir. Les contribuables retardataires étaient entassés dans les prisons, où ils finissaient le plus souvent par se pendre de désespoir[14]. Quelquefois on abrégeait, et l’on commençait par les faire mourir[15]. Mais le nombre des libres possesseurs diminuait de jour en jour avec une effrayante rapidité. Ils disparaissaient pour faire place aux coloni, aux inquilini, aux mansionarii, à tout ce bétail humain qui, sous des noms divers, exploitait pour le compte d’un maître le champ héréditaire qui avait cessé de lui appartenir. Le monde, en effet, fut témoin alors d’un étrange spectacle. La terre, pour la première fois, se vit répudiée par son possesseur ; et ce fut à qui ne posséderait rien pour n’avoir rien à payer. A chacune des pages du Code il est question de terres qui n’ont point de maître. C’est en vain que l’empereur les offre, tantôt aux Romains et tantôt aux Barbares[16] ; elles restent désertes et sans culture entre les mains du fisc : personne ne veut de ces largesses intéressées. Une ruine certaine et de cruelles tortures attendent l’imprudent qui les accepterait. En Égypte, au IVe siècle, il était rare de rencontrer un contribuable qui ne portât pas sur sa chair l’empreinte du fouet du collecteur ; et cela commençait à devenir un titre et un honneur[17]. Tels sont le malheur des temps et le vice des institutions, que l’indigence est devenue une sauvegarde, et la pauvreté un objet d’émulation et d’envie. Loin de songer à acquérir, chacun se hâta de dépouiller une liberté exposée à tant de mi- aères, et chercha un asile jusque dans la servitude. Le petit propriétaire, qui ne pouvait plus suffire à la défense de sa propriété, ni aux charges qui pesaient sur elle, achetait la protection de quelque puissant personnage, qui la vendait le plus souvent au prix de tout ce que le malheureux voulait sauver[18]. Il devenait simple colon du champ qu’il avait reçu de ses pères ; il renonçait à sa personnalité pour n’être plus qu’un pur instrument de labour ; et quoiqu’il ne fût point compté parmi les esclaves, il subissait néanmoins tous les opprobres de l’esclavage. Comme l’esclave, il était dans la main du maître ; comme lui encore, il ne pouvait entrer ni dans la milice, ni dans la cléricature, ni dans aucune autre fonction publique, sans l’aveu dé ce maître avide et sans pitié[19]. S’il prenait la fuite, on le ramenait ; le receleur était condamné à une amende[20], et le fugitif au châtiment[21]. La prescription trentenaire elle-même ne pouvait lui servir. Le langage du législateur a ici quelque chose de sauvage que nous craindrions d’affaiblir. Nous traduisons[22] :

On a mis en doute, non sans quelque raison, si le fils d’un colon qui pendant un espace de trente ans ou de quarante, ou même, davantage, est resté libre du vivant de son père, sans que son père ait cessé d’être attaché à la glèbe ; et cela parce que le maître de la terre, trouvant un dédommagement suffisant dans le travail du père, avait toléré l’absence du fils ; on a mis en doute si un tel fils peut abuser contre son maître de ce long usage de la liberté ; s’il le peut après la mort de son père, ou lorsque son père est devenu incapable de faire son service. Peut-il se prévaloir de ce qu’il aurait cessé personnellement depuis plusieurs années,de cultiver la terre et de remplir les autres obligations imposées aux colons, alors que son maître ne peut être accusé de négligence, puisqu’il recevait du père tous les services qu’il était en droit d’exiger du fils ?Il nous a paru qu’en pareil cas, c’était déjà pour le maître un préjudice assez notable que l’absence des colons nés sur sa propriété, et remplacés momentanément sur sa glèbe par un père, un frère ou un parent. Car comme une partie du colon absent restait toujours en quelque sorte sur le fonds d’autrui dans la personne de ce parent, il ne saurait être lui-même réputé ni absent, ni en fuite, ni en liberté. Que le maître conserve donc son droit dans sa plénitude, et que le colon soit censé résider en personne aussi longtemps que ses ascendants ou ses descendants, ou ses collatéraux résideront en son lieu.

On le voit : le malheureux était devenu partie intégrante du sol qu’il habitait, et aucune puissance humaine ne pouvait désormais l’en détacher. On eût dit que la terre en avait pris possession à son tour, et il devait y rester jusqu’à la mort, confondu avec le bétail, dont la loi le distingue à peine. En effet, il figurait à côté des animaux sur le rôle du cens ; et chaque tête humaine y était évaluée, comme les ceps de vigne et les plants d’olivier[23]. Le législateur prononce froidement le mot éternité sur une telle misère[24] ; mais cette éternité heureusement n’était que celle de la loi romaine, et se trouva périssable comme elle. Le Christianisme avait déjà proclamé d’autres maximes.

Et pourtant la loi, par un cruel mensonge, s’obstine à distinguer le colon de l’esclave, alors que l’esclave et le colon se trouvent déjà confondus et enveloppés dans la même misère[25]. Mais cette hypocrisie de langage tombait chaque jour devant la brutalité des faits. Chaque jour le colon voyait périr quelqu’une des garanties dérisoires dont on avait entouré l’espèce de liberté qu’on prétendait lui laisser. ; il glissait chaque jour un peu sur la pente fatale où il était placé. Ainsi, après avoir échangé sa liberté contre la misérable condition des colons, cette sauvegarde elle-même lui échappait par degrés ; st il tombait enfin tout meurtri dans l’abîme de la servitude commune. Il n’y a que les écrivains ecclésiastiques qui puissent trouver des paroles pour de telles souffrances. Ecoutons Salvien[26] :

Et toutefois, cette situation, quelque dure et inhumaine qu’elle soit, serait pourtant moins cruelle et moins horrible, si tous portaient en commun le fardeau imposé à tous. Mais ce qu’il y a de plus indigne et de moins tolérable, c’est que tous ne portent pas la charge commune sur leurs épaules ; bien plus, le tribut des riches lui-même retombe sur les pauvres gens, et ce sont les plus faibles qui supportent le fardeau des plus forts. Qui pourrait estimer à sa juste valeur une telle iniquité ? Les malheureux ! ils ont à supporter en même temps les impositions de ceux qui possèdent et le dénuement de ceux qui n’ont rien. Et pourtant je dirai quelque chose de plus fort encore : ce sont les riches qui parfois ajoutent de leur propre mouvement à la charge du tribut, et ce sont les pauvres qui paient pour eux !.... Ainsi il arrive sans cesse de nouveaux envoyés, de nouveaux porteurs d’ordres de la part des hautes puissances, qui les adressent à un petit nombre de personnages illustres pour la ruine du plus grand nombre. On vote pour les misérables de nouveaux impôts, on vote des indictions nouvelles : oui ! les puissants votent ce que les pauvres seuls sont appelés à payer. Pour eux, ils ne sont pour rien dans les sommes dont ils surchargent les autres. — Mais, direz-vous, on ne peut pas se dispenser d’honorer et de recevoir avec libéralité les envoyés du pouvoir. — En ce cas, ô riches, soyez les premiers à contribuer, puisque vous êtes les premiers à voter. Toi qui donnes du mien, donne aussi du tien ;quoiqu’il fût beaucoup plus convenable que qui prétend seul à toute la faveur, en fit seul aussi tous les frais.... Et cependant, le tout retombe à la charge des plus misérables, qui paient sans savoir pourquoi et à quel titre ils sont obligés de payer. Car à qui fut-il jamais permis de discuter pourquoi il paie ? Qui eut jamais la permission de s’enquérir de ce qu’il doit payer ?Mais au moins ceux qui se montrent iniques en cela, sont justes et modérés en d’autres circonstances, et compensent l’improbité de leur conduite en un point par leur probité sur un autre. Ainsi, de même qu’ils font retomber sur les pauvres la surcharge des indictions nouvelles, ils réservent aussi pour les pauvres la faveur des nouveaux dégrèvements.... Non, l’injustice est la même dans les deux cas. Les pauvres sont les premiers, lorsqu’il s’agit d’augmentation, et les derniers lorsqu’il s’agit de dégrèvements. Car si parfois, comme naguère, les hautes puissances croient devoir diminuer en quelque chose les contributions des villes en détresse, les riches seuls se partagent un bienfait qui est offert à tous. Qui alors se souvient des pauvres ? qui songe à appeler les petits et les nécessiteux au partage de cette grâce ? Quel est celui qui, étant le premier sous le fardeau, obtient d’être admis, même après tous les autres, à participer au remède ?... Et nous croyons encore que nous n’avons point mérité les jugements de la colère divine, lorsque nous devenons nous mêmes un supplice perpétuel pour les pauvres ; ou parce que nous sommes toujours injustes, nous imaginons-nous que Dieu ne doive pas être complètement juste à notre égard ? Où donc, et chez quels autres peuples que les Romains, trouverons-nous de pareils maux ? Car les Francs ne savent même pas ce que c’est qu’un tel crime. Les Huns sont étrangers à de pareils forfaits. Rien de semblable chez les Vandales, rien chez les Goths. Tant s’en faut que les Barbares aient à souffrir de pareils tourments chez les Goths, que les Romains mêmes qui vivent au milieu d’eux en sont exempts. Aussi ne forment-ils tous qu’un seul et même vœu ; c’est de ne jamais être réduits à passer de nouveau sous la domination romaine. Oui, toute cette plèbe romaine ne demande qu’une grâce au ciel, celle de pouvoir passer au milieu des Barbares la vie telle quelle dont il leur est permis de vivre. Et nous nous étonnons que les Goths ne soient pas vaincus par nos armées, lorsque les Romains aiment mieux se ranger de leur côté que, du nôtre ! C’est pourquoi, non seulement nos frères ne songent point à les quitter pour passer à nous comme transfuges ; mais ils désertent nos provinces pour se réfugier auprès d’eux. Je pourrais m’étonner, du reste, que tous les tributaires pauvres et ruinés n’en fassent pas autant, si je ne connaissais l’unique motif qui les arrête ; l’impossibilité de transporter avec eux leur petit patri» moine, leur chétive cabane et leur pauvre famille. Car puisque nous voyons le plus grand nombre d’entre eux abandonner leurs champs et leurs habitations ; pour se soustraire à la violence des exactions ; pourquoi n’emporteraient-ils point aussi, s’il était possible, ce qu’ils n’abandonnent que parce qu’ils y sont forcés ? Aussi, comme ils ne peuvent prendre le parti qu’ils préféreraient peut-être, ils prennent le seul qui leur reste : ils se donnent aux riches pour que les riches les défendent et les protègent ; ils se mettent à la discrétion des forts et passent en quelque sorte sous leur puissance et leur domination. — Et pourtant, loin de voir en cela un malheur ou un abus, j’applaudirais au contraire à cette magnanimité des riches, s’ils ne vendaient pas leur patronage, si la protection prétendue qu’ils accordent aux petits était un tribut payé à l’humanité, et non une des embûches de la convoitise. Ce qu’il y a de cruel et de profondément triste, c’est qu’ils ne paraissent se mettre en peine de défendre les pauvres que pour les dépouiller, de protéger les misérables que pour les rendre plus misérables encore par leur protection. En effet, tous ceux qui paraissent jouir de cette protection, aliènent, avant de la recevoir, entre les mains de leurs protecteurs, presque tout ce qu’ils possèdent ; et ainsi, pour qu’il soit permis aux pères de se ménager un appui, les fils sont privés de leur héritage. Et voilà la protection, voilà le patronage des grands ! Ils ne donnent rien à leurs protégés, mais bien à eux-mêmes. Ils vendent donc, et vendent à un très haut prix, ce qu’ils paraissent accorder. Et quand je dis qu’ils vendent, plût au ciel qu’ils vendissent au moins à la manière accoutumée ! Il resterait au moins quelque chose aux acheteurs. Mais c’est ici une espèce toute nouvelle de vente et d’achat. Le vendeur ne donne rien et reçoit tout ; l’acheteur ne reçoit rien et perd tout, jusqu’à sa dernière obole. — Mais que dire de cette insupportable, de cette monstrueuse injustice ? Le plus grand nombre des pauvres et des malheureux, dépouillés de leur petit patrimoine, expulsés de leur coin de terre et privés de tout, ne laissent pas que de payer le tribut des biens qu’ils ne possèdent plus. Ils n’ont plus de possessions, et ils continuent d’être soumis à l’impôt ! Ils ont perdu leurs propriétés, et ils sont écrasés sous le poids de leurs redevances ! Après la mort du père, les fils qui lui survivent n’ont pas un champ qui leur appartienne, et pourtant ils périssent sous le fardeau des taxes territoriales ! Le brigandage leur a enlevé leurs biens, et l’exacteur leur enlève la vie ! C’est pourquoi il en est qui, dépouillés par ces rapines de leur maison et de leurs terres, ou chassés par les exacteurs, vont s’établir sur les terres des grands et deviennent colons des riches. Et semblables à ces malheureux que la terreur des ennemis force à chercher un refuge dans les châteaux, ou qui, après avoir perdu leur liberté, se réfugient désespérés dans quelqu’asile, les misérables, dépouillés en même temps et de leur héritage et de la dignité de l’homme libre, sont réduits à se vouer au joug et à l’abjection du colonat. — Et pourtant leur condition, quelque misérable qu’elle soit, paraîtrait encore supportable, puisqu’enfin la rigueur et la misère de leur sort les y obligent, s’il n’y avait pas encore au-delà une misère plus grande. Ce qu’il y a de plus cruel et de plus triste, c’est qu’un mal plus affreux encore vient s’ajouter à ce mal. En effet, on les reçoit comme des aubains (advenæ), et bientôt, par le fait même de leur habitation, ils deviennent des serfs attachés à la glèbe. Et de même que cette déesse malfaisante, dans la fable antique, avait le pouvoir de changer les hommes en bêtes ; de même tous ceux qui sont reçus sur les terres des riches se voient métamorphosés comme par l’effet du breuvage empoisonné de Circé. Tous ceux qui y entrent à titre d’étrangers et d’aubains, commencent dès ce moment même à faire partie de la propriété du maître, et ceux qui sont venus libres se transforment en esclaves. Et nous nous étonnons si les Barbares nous réduisent en servitude, quand nous réduisons en servitude nos propres frères ! Il n’y a donc rien d’étrange dans la dévastation et la ruine de nos cités ; il y a longtemps qu’en opprimant et en asservissant les autres nous travaillons à notre propre asservissement. Nous avons enfin éprouvé, plus tard il est vrai que nous ne le méritions, mais enfin nous avons éprouvé ce que nous avons fait nous-mêmes ; et selon le langage de l’Ecriture, nous avons mangé l’ouvrage de nos mains, et nous avons payé, au juste jugement de Dieu, ce que nous devions.

Lactance avait déjà caractérisé la situation avec la même énergie, et peut-être avec la même exagération ; car c’est dans les hyperboles un peu haineuses des écrivains ecclésiastiques que nous sommes réduits à chercher la vérité sur les derniers temps de l’Empire[27].

Les champs étaient mesurés jusqu’à la dernière motte ; les ceps de vigne et les pieds d’arbres étaient comptés ; les animaux de toute espèce étaient inscrits ; chaque tête d’homme était marquée. Le pauvre peuple des villes et des campagnes était rassemblé dans les villes, pendant qu’au dehors se pressaient d’innombrables troupeaux d’esclaves. Chaque propriétaire était là avec ses hommes libres et ses serfs ; la torture et le fouet retentissaient de tous côtés. Les fils, appelés à déposer contre leurs pères, étaient appliqués au chevalet ; les esclaves les plus fidèles étaient contraints par les tourments de témoigner contre leurs maîtres, les femmes contre leurs maris. S’ils n’avaient ni esclaves ni proches, ils étaient eux-mêmes torturés contre eux-mêmes ; et lorsqu’ils étaient enfin vaincus par la douleur, on les inscrivait pour des biens qu’ils ne possédaient pas. Nulle excuse pour l’âge, nulle pour les infirmités. Les malades et les infirmes n’en étaient pas moins portés sur les registres. L’âge de chacun était soigneusement suppute ; on ajoutait des années à celui des petits enfants, on en ôtait aux vieillards. Tout était plein de deuil et de tristesse. Ce que les anciens faisaient autrefois à l’égard de ceux que la guerre avait livrés entre leurs mains, le tyran Galère se l’est permis à l’égard des Romains et des sujets des Romains ; sans doute parce que ses aïeux avaient été soumis autrefois au tribut que Trajan vainqueur imposa jadis aux Daces pour les punir de leurs continuelles révoltes[28].

Et pourtant on n’avait pas foi entière dans les premiers opérateurs (Censitoribus) ; mais on en faisait partir d’autres après ceux-là, pour tâcher de trouver plus de matière imposable. Et chaque fois l’impôt était augmenté ; non parce qu’on avait trouvé quelque chose qui n’eût pas été encore imposé ; mais parce que les nouveaux envoyés ajoutaient toujours, pour qu’on ne pût pas dire qu’on les avait envoyés inutilement. Cependant les animaux diminuaient, les hommes venaient à mourir ; mais on n’en payait pas moins le tribut pour les morts ; de telle sorte que l’on ne pouvait plus ni vivre ni mourir sans payer. Il n’y avait plus que les mendiants dont on ne pouvait rien exiger, parce que leur misère et leur dénuement les mettaient à l’abri de toute injure. Ah ! l’homme sans pitié eut pitié de leur détresse, et ne voulut pas qu’ils fussent malheureux plus longtemps. Il donna l’ordre de les rassembler tous, de les entasser sur des navires, et de les précipiter au fond de la mer. L’âme compatissante ! il n’a pas voulu qu’il y eût un seul misérable sous son gouvernement. Ainsi, dans la crainte qu’un seul contribuable n’échappât au cens sous prétexte de pauvreté, il a tué contre toute justice et toute humanité une foule de malheureux.

Aussi, chacun essaya de se soustraire aux charges intolérables de la vie civile. Ce ne fut plus la liberté que l’on rechercha, ce fut le servitude. On y courut, on s’y précipita. Ce fut comme une circulation du genre humain : Rome les recevait libres et les renvoyait esclaves[29]. Ce furent les paysans des frontières exposés sans défense aux incursions des Barbares, qui donnèrent le signal de cette espèce de désertion[30]. Bientôt elle devint générale ; et, au milieu du IIIe siècle, des villages, des villes entières renoncent à leur indépendance, et se donnent un autre maître que l’empereur[31]. Le mande romain se brise déjà à ses extrémités ; une multitude infinie de petites sociétés presque imperceptibles, se forment incessamment des blocs qui s’en détachent, et s’abritent au milieu de ses ruines. Le Code nous les montre se constituant au cœur de l’Empire, sous la main même de l’empereur, en dépit de toutes ses menaces, par la double influence des spoliations du fisc et des déprédations des Barbares. Il y eut dès lors comme un premier essai, une première efflorescence des institutions féodales qui un peu plus tard couvrirent l’Europe entière. Il y a déjà des seigneurs, cachés encore sous l’ancienne et familière dénomination de patrons[32] ; et il y en a autant qu’il se trouve de villages en révolte contre une autorité qui ne peut plus donner que l’oppression en retour de l’obéissance. Ce principe de dissolution devint plus actif à mesure que la force centrale perdit de son énergie, et devait rester sans contrepoids le jour où celle-ci cesserait de se faire sentir. Au IIIe siècle, ce ne sont encore que quelques hameaux isolés qui se séparent de- l’Empire ; un peu plus tard ce sera la Gaule et la Bretagne. La plupart de ces tyrans qui remplissent l’histoire des empereurs, ne sont que l’expression et le produit de cette situation nouvelle. Eux aussi sont des patrons, des libérateurs que les provinces opprimées croyaient se donner contre la tyrannie étrangère. C’étaient les représentants de cette force de répulsion qui tendait de plus en plus à disloquer ce grand tout, et à replacer dans l’isolement et l’indépendance les parties hétérogènes qu’un travail de huit cents ans y avait fait entrer. Ce malaise s’annonce pour la première fois par les séditions de la Gaule, sous les règnes d’Auguste et de Tibère, arrive de crise en crise à son paroxysme sous les Trente Tyrans, se continue à travers les révoltes de Carausius, d’Allectus, de Maxime, de Constantin dans la Bretagne ; celles de Magnence, de Sylvenus, de Maxime ; de Constantin, de Sébastien dans la Gaule (pour ne parler que de celles-là) ; et aboutit enfin, après tant de scissions temporaires, au partage définitif du Ve siècle. Ainsi l’Empire d’Auguste ne périt pas d’une autre manière que celui de Charlemagne. Les circonstances étaient les mêmes ; les résultats ne pouvaient différer. Le principe de dissolution qui brisa l’Empire romain, et qui le fractionna en autant de royaumes barbares qu’il renfermait de grandes lignes géographiques et de nationalités mal éteintes, brisa l’Empire carlovingien à son tour en autant de blocs qu’il renfermait de royaumes, et chacun de ceux-ci en autant de parcelles qu’il comptait de châteaux forts. Il continua d’agir presque sans interruption, malgré de vains et impuissants efforts, pendant six cents ans, de Dioclétien à Hugues Capet. Alors on recommença de nouveau à reconstruire. Ainsi, au point de vue de l’histoire générale, la formation des royaumes barbares à la chute de l’Empire, et l’établissement de la féodalité à la mort de Charlemagne, ne sont, à vrai dire, que des effets de la même cause. Dioclétien, Constantin, Théodose, Théodoric, Charles-Martel, Charlemagne, etc., réussirent un moment à la paralyser, mais sans pouvoir la détruire. Leurs essais de reconstruction ont immortalisé leur mémoire ; parce que les hommes admirent volontiers ce qui est grand, et ne demandent aux héros que du génie. Mais si leurs efforts ont pu retarder de quelques années la formation de la société féodale, elle n’en est pas moins sortie de terre sous leurs yeux, et elle n’a conservé en s’élevant que les moins significatives peut-être des empreintes dont ils avaient voulu la marquer. Il faut convenir que les origines de la féodalité ne sont point toutes où l’on a coutume de les chercher ; et que tels faits, qui nous paraissent nouveaux aux VIe et VIIe siècles, dataient déjà de trois cents ans.

Dans ce nombre, il faut placer le plus caractéristique de tous, le fractionnement du territoire et l’isolement du pouvoir. Ce mal avait déjà miné l’Empire romain avant de s’attaquer aux sociétés barbares ; et lorsqu’il les faisait crouler à petit bruit du VIe au Xe siècle, il ne faisait que se continuer. Il faut se donner le spectacle de cette lutte désespérée de la loi impériale contre un ennemi qui la tuera.

Que les laboureurs[33] n’invoquent aucun patronage, et qu’ils soient livrés au supplice, si par d’audacieuses fourberies ils cherchent à se donner de pareils appuis. Quant à ceux qui les accordent, ils devront payer pour chaque fonds et chaque contravention, une amende de vingt-cinq livres d’or ; mais que notre fisc ne prenne que la moitié de ce que les patrons avaient coutume de prendre en, totalité.

Quiconque[34] parmi les officiers, ou dans quelque classe de citoyens que ce soit, sera convaincu d’avoir accepté un patronage, qu’il soit soumis aux peines de droit. Quant aux possesseurs, qu’on les Contraigne, bon gré mal gré ; d’obéir aux statuts impériaux et de contribuer aux charges publiques. Que s’il se trouve des hameaux qui, à raison des avantages de leur position ou du nombre de leurs habitants, osent s’y refuser, qu’on leur inflige tel châtiment que de raison.

Quiconque[35] accordera son patronage aux paysans, de quelque dignité qu’il soit, qu’il soit maître de l’une ou de l’autre milice, comte, proconsul, vicaire, préfet de la province, tribun, curiale, ou de telle autre puissance ou dignité ; qu’il paie une amende de quarante livres d’or pour chaque patronage accordé, s’il ne renonce à l’avenir à une pareille témérité. Et non seulement ceux qui accueilleront les paysans dans leur clientèle seront frappés de l’amende en question ; mais ceux qui y recourront pour échapper au tribut paieront le double.

Que ton Excellence sache[36] que nous avons attaché des peines plus sévères aux lois faites par nos prédécesseurs pour défendre les patronages. Ainsi, à l’avenir, quiconque sera convaincu d’avoir pris sous sa sauvegarde des laboureurs ou des villageois propriétaires, qu’il soit dépouillé de son propre bien. Quant aux laboureurs, qu’ils soient aussi dépouillés de leurs terres.

Toutes ces menaces furent également impuissantes, car la situation était déjà plus forte que les hommes ; la dissolution suivit son cours et marcha rapidement vers son ternie. Elle devint irrésistible, lorsque les agents de l’autorité impériale se firent eux-mêmes les complices de ceux qui travaillaient à sa ruine. Les ducs, les comtes, les recteurs des provinces, institués pour résister aux puissants et aux forts, n’usèrent plus de l’autorité de leur charge que pour se rendre redoutables aux petits et aux faibles, et se firent un honteux revenu de la terreur qu’ils répandaient autour d’eux. Ils enlevaient sans scrupule, tantôt le bœuf, tantôt l’esclave du pauvre, et quelquefois le malheureux lui-même avec sa femme et ses enfants, pour les employer tous ensemble à, la culture de leurs villæ[37]. Quelques-uns y accouraient d’eux-mêmes pour y trouver, au prix de leur travail, la sécurité et le pain dont ils manquaient, et quelquefois un refuge contre la salutaire nécessité du travail[38]. D’autres se réfugiaient dans l’église, croyant y trouver un asile sous Palle du Dieu vivant et au pied de ses saints autels. Mais le fisc les y poursuit encore : il les entraîne de force sur la glèbe qu’ils ont désertée, ou oblige les clercs à satisfaire pour les fugitifs[39]. D’autres enfin allaient au-devant des Barbares, dans l’espoir de trouver un peu de repos sous leurs tentes[40], et pour revenir bientôt avec eux ravager par le pillage et l’incendie la terre qu’ils avaient si longtemps et si vainement arrosée de leurs sueurs. Et lorsqu’ils ne pouvaient briser les chaînes qui les y attachaient, ils restaient, pour livrer à l’étranger les barrières de l’Empire avec les biens et la vie de leurs oppresseurs. Lorsque les Gotha, en 376, eurent pris définitivement possession de l’Empire, ce furent les paysans de la Thrace qui leur servirent de guides (Ammien Marcellin, XXXI, 6) ; et lorsqu’en 409 ils se présentèrent aux portes de Rome, la loi, qui ne sait plus à quel moyen recourir pour arrêter les progrès de cette dissolution générale, menace de jeter les traîtres au feu, sans réussir mémo à leur inspirer quelque crainte[41]. A la fin ils organisèrent le brigandage au sein même de ce triste Empire, en appelant à eux les esclaves, les déserteurs, les pâtres, les vagabonds, tous ceux qui avaient une injure à venger ou une passion à satisfaire ; et au jour marqué on voyait cette armée souterraine sortir par milliers des repaires où elle s’était organisée, pour aller ruiner toute une province[42] Chose étrange ! les pâtres qui erraient avec leurs troupeaux dans les solitudes de l’Empire, étaient devenus pour lui un sujet d’inquiétudes et de terreur. Et, en effet, ils le rançonnaient sans pitié, et se fortifiaient contre lui des malfaiteurs dont ils partageaient les profits, des voyageurs qu’ils avaient dépouillés, des soldats qu’on envoyait à leur poursuite, et jusqu’à des petits enfants à la mamelle qu’on leur donnait à nourrir. Qui le croirait ? il fallut défendre de leur confier des enfants[43].

Mais qui dira la misère de ceux qui étaient obligés de se vendre pour ne point mourir de faim[44] ; de ceux qui vendaient leurs enfants pour n’avoir point à les nourrir[45] ; de ceux qui les abandonnaient pour ne point les voir mourir entre leurs bras[46] ! On les trouvait, ces petits orphelins, dans les rues, sur les places publiques, dans les chemins et les carrefours, encore tout couverts du sang maternel, et implorant par leurs cris la pitié des passants[47]. Mais c’était le plus souvent la cupidité qui les recueillait pour son usage, ou dans l’intérêt d’un infâme trafic. L’infortuné, en grandissant, n’avait d’autre chance que de rester jusqu’à la mort dans l’ergastulum du maître qui l’avait nourri, ou d’être livré à un de ces hommes pour qui la langue latine avait un nom, mais que la nôtre ne peut désigner que par une flétrissure. L’usure achevait promptement ceux qui se débattaient encore contre le fisc. L’usure légale était de douze pour cent ; au bout de huit ans le capital était doublé[48]. Et néanmoins la loi est obligée d’intervenir à tout propos pour renfermer les créanciers dans ces limites[49]. Le Code Théodosien, en les y arrêtant, avait beaucoup fait pour le soulagement des provinces ; Justinien, pour sauver les siennes, fut forcé de descendre plus bas encore, et diminua l’intérêt de moitié[50]. C’est là ce qui explique l’acharnement avec lequel l’Eglise proscrivit l’usure et poursuivit les usuriers. On dirait qu’elle n’a pas assez d’anathèmes pour les frapper : elle semble fermer pour eux seuls les bras de sa miséricorde ; elle leur interdit la participation de ses saints mystères, elle les voue à l’exécration publique comme des infâmes, et les signale aux yeux de tous comme des meurtriers[51]. C’est qu’en effet l’usure était devenue chez les Romains un véritable homicide, et les métaphores de saint Jean Chrysostôme d’affreuses réalités.

La population libre s’écoulait à la fois par toutes ces blessures, et laissait l’Empire sans trésor et sans soldats, en présence des Barbares. L’esclavage gagnait toujours de proche en proche, et menaçait de tout envahir. Les empereurs, justement effrayés de cette solitude, commencent à comprendre que les progrès d’un tel fléau sont plus à craindre que ceux des Barbares eux-mêmes. La loi fait les derniers efforts pour y mettre un terme : elle entoure de précautions salutaires la liberté de ceux qui ont réussi à s’y maintenir[52] ; elle relâche les liens de la servitude légale, en statuant que l’ingénuité ne s’altère pas même par soixante années d’esclavage[53] ; elle poursuit impitoyablement tous les malheureux qui seraient tentés d’y chercher un asile en les arrachant malgré eux à cette fatale sécurité de l’esclavage pour les replacer à leur rang sous le fardeau de la vie civile. Ce fut encore par un effet de la même crainte qu’elle essaya de lier irrévocablement chaque citoyen à sa condition présente, en introduisant l’hérédité dans la plupart des conditions sociales. Ainsi, le titre et les charges de curiale passaient indéfiniment du père aux enfants ; celles du vétéran, du cohortalis, du boulanger, etc., à la famille[54]. L’Empire, qui sentait que sa force lui échappait, essayait de la retenir en immobilisant toutes les situations, et croyait se donner des bases éternelles en éternisant la misère et la tyrannie. Cette organisation monstrueuse des curies romaines résume en quelque sorte toutes celles dont le monde avait en à souffrir jusqu’alors. Jamais peut-être on ne viola plus impudemment les droits de la liberté et les règles d’une sage administration ; mais jamais aussi les injustices du pouvoir ne furent plus cruellement punies. Je doute qu’il existe dans toute l’histoire de l’Empire une page plus instructive que celle qui nous retrace la lente agonie de ses municipes, et la catastrophe qui la termina. Elle a été bien des fois reproduite et commentée : tout récemment encore, elle a fourni à un illustre professeur un exercice digne de sa haute intelligence[55] ; mais je ne puis la retrancher de mon tableau sans en détruire les proportions, et je me vois dans la nécessité d’y revenir.

Rome, à mesure qu’elle étendait ses conquêtes, façonnait le monde à son image. Elle traînait partout, à la suite de ses légions, ses institutions civiles et politiques, et les offrait en spectacle aux nations vaincues, comme une terreur ou une séduction. C’est ainsi qu’on vit d’abord s’élever autour d’elle, et plus tard dans l’immense étendue de sa domination, autant de petites Romes qu’elle avait fondé ou soumis de villes. Toutes étaient uniformément modelées sur la grande ; toutes avaient, comme elle, leur sénat, leurs consuls, leurs légions[56]. Elles portaient les noms de municipes ou de préfectures, selon qu’elles étaient gouvernées par leurs propres magistrats, ou qu’elles recevaient de Rome un præfectus chargé d’y représenter le peuple-maître. Dans les premières, des duumviri annuels avaient l’administration générale des affaires de la cité ; dans les secondes, elle était presque tout entière entre les mains du præfectus. Les unes et les autres avaient leur sénat, ou curie, composé des membres des principales familles du territoire de la cité. La loi romaine les désigne indifféremment par les noms de décurions et de curiales, quoiqu’il existât entre eux une certaine différence[57] ; mais ils se donnaient volontiers celui de sénateurs. Il n’était point loisible aux citoyens d’accepter ou de refuser cet honneur à leur gré. Il devait se transmettre du père au fils, comme un fardeau héréditaire ; et quiconque devenait possesseur, n’importe à quel titre, d’une fortune déterminée (vingt-cinq arpents), était forcément membre de la curie[58]. S’il n’y avait pas dans la localité un nombre suffisant de possesseurs à vingt-cinq jugères, on y suppléait en prenant arbitrairement les curiales dans certaines corporations enrichies par le monopole, tels que les tabularii, les diurnarii, les logographi, etc. L’assemblée se divisait en magistrats et en simples décurions. Les premiers, élus au scrutin par les seconds, étaient chargés des diverses branches de l’administration de la cité, de l’emploi de ses revenus, de la garde de ses monuments, de l’intendance des pua publics et des cérémonies religieuses, etc., sous les noms de duumvirs, de questeurs, d’édiles, de flamine, de censeurs, etc. Le reste formait la portion délibérante de l’assemblée ; et à ce titre, ils étaient investis du droit de conseiller les magistrats, et de surveiller leur gestion.

Cette dignité, recherchée d’abord comme un moyen d’échapper à la tyrannie, et quelquefois d’entrer en partage avec elle[59], était devenue le plus accablant de tous les fardeaux, depuis que les provinces épuisées ne pouvaient plus suffire à des exigences qui croissaient avec les vices de leurs maîtres. D’un autre côté, l’Empire, qui voyait que chaque jour lui enlevait quelqu’une de ses dernières ressources, prit le parti de lier indissolublement la propriété foncière à sa fortune, et de s’appuyer sur elle dans toutes ses luttes, comme sur une base indestructible. L’impôt chez les Romains, comme chez tous les peuples de l’antiquité, s’adressait plus particulièrement à la terre, et presque jamais à l’industrie : la loi prit le parti d’identifier la terre et l’homme, et de les rendre solidaires l’un de l’autre. Elle constitua en un corps, et réunit comme en un faisceau, l’élite des propriétaires fonciers, sous le nom de curiales, en faisant porter à chacun individuellement la responsabilité de toutes les charges qui pesaient sur la propriété même. C’étaient les curiales qui levaient au profit du fisc impérial toutes les contributions dont elle était frappée. Ils répondaient, dans tous les cas, de la totalité de l’impôt, et leur fortune personnelle réparait les non valeurs. Leur part dans les charges communes s’accroissait ainsi de tous les ravages exercés par la dépopulation, par la misère publique, par l’invasion des Barbares, par la ruine de toutes les institutions sociales. Cela dura aussi longtemps qu’il exista des propriétaires dans l’Empire. Mais depuis cette réforme générale de l’administration civile, si malheureusement essayée par Dioclétien, la dépopulation faisait des progrès effrayants. Les campagnes étaient presque désertes, et le vide commençait à se faire sentir jusque dans l’enceinte de ces villes gauloises qui eurent longtemps la prétention de rivaliser avec Rome de magnificence et de profusion. La masse des impôts, de jour en jour plus écrasante, retombait aussi de jour en jour sur un moins grand nombre de têtes. L’empereur Valentinien Ier ayant un jour ordonné, dans sa colère, de faire mourir trois curiales dans un certain nombre de villes qu’il désigna, Florentius, préfet du prétoire des Gaules, s’écria : Eh que faudra-t-il faire, s’il ne s’en trouve pas trois dans chacune ?[60] Et en effet, Libanius affirme que dans certaines localités il ne s’en trouvait qu’un seul[61]. C’est que les décurions, attachés malgré eux à ce ruineux honneur, comme leurs colons à la glèbe des champs, inventaient chaque jour quelque nouveau moyen de s’y soustraire ; mais l’empereur déclara que ni la milice[62], ni le monachisme[63], ni la cléricature[64], ni le nombre des enfants[65], ni les dignités achetées[66], ne pouvaient en exempter. En vain renonçaient-ils à leur rang pour se confondre avec les simples plébéiens ; en vain cherchaient-ils un abri dans les maisons des grands[67], dans l’Eglise, dans l’armée, dans lés diverses corporations, dans le désert[68] : la législation impériale était là avec toutes ses rigueurs pour legs, remettre dans leurs chaînes.

Toutes ces calamités sans exemple se trouvent résumées dans les deux lois suivantes de Majorien : les plaies les plus honteuses de l’Empire nous sont dévoilées par la main paternelle qui essaie en vain de les guérir :

Personne n’ignore que les curiales sont les esclaves de la République, et comme les entrailles des cités ; et c’est à bon droit que leur assemblée est appelée un sénat au petit pied. Mais il est arrivé, par l’iniquité des juges et la coupable vénalité des exacteurs, que plusieurs ont été réduits à déserter leur patrie, à se dérober à la splendeur de leur naissance, et à chercher sur la terre d’autrui quelque retraite ignorée où ils puissent vivre en paix. Ils y ont même ajouté ce déshonneur, que pour obtenir le patronage des puissants, ils se sont souillés en s’unissant avec des femmes dégradées par le colonat ou la domesticité. Il en est résulté que, dans les villes, l’ordre des curiales a dépéri, et que quelques-uns ont à moitié perdu leur liberté originelle par la contagion d’un mariage mal assorti[69].

Dès que le premier éclat de notre autorité sacrée a commencé de luire sur le monde, nous avons voulu consacrer de préférence les premiers jours de notre règne à des pensées salutaires à la République, et aux remèdes que réclament de notre sollicitude les grands intérêts qui nous sont confiés. Les habitants de nos provinces, fatigués par des exactions continuelles de toute nature, voient encore chaque jour leur fortune succomber sous la charge des redevances extraordinaires.... Le possesseur, épuisé déjà par les superindictions des années précédentes, traîne après lui, avec de grands efforts, un arriéré qu’il ne peut solder ; et cependant, les nouvelles indictions se succèdent selon l’ordre des temps, et amènent à leur suite des charges nouvelles : de telle sorte qu’après avoir épuisé ses ressources pour acheter des délais, le contribuable est enfin écrasé par la masse accumulée de sa dette ; et dans l’impossibilité de suffire à l’arriéré, il est d’autant moins en état de faire face aux nécessités qui l’attendent dans l’avenir. A ces causes nous pensons qu’il faut user d’indulgence, et qu’il est de notre clémence de venir en temps utile au secours de nos sujets dans leur détresse, afin que dégagés de ces vieux liens, ils puissent à l’avenir satisfaire aux exigences périodiques du fisc.... De plus, nous voulons mettre tous nos soins et toute notre attention à garantir les habitants de nos provinces de l’impitoyable et mortelle sévérité des exacteurs. En effet, les officiers du préfet du prétoire, ceux de notre palais, et en général les appariteurs des autres puissances, après avoir reçu du contribuable l’impôt de l’année, courent çà et là dans les provinces contre l’antique usage, pour remettre en vigueur contre le possesseur et le curiale d’anciens titres périmés, commettant ainsi, par une espèce de brigandage, de cruelles et arbitraires extorsions ; de sorte que la moindre partie des impositions publiques entre dans le trésor du prince, pendant que l’avide et puissant exacteur garde pour lui le double et au-delà.... Il arrive encore que ces exacteurs, enhardis par la terreur du grade élevé dont ils sont revêtus, sévissent sans aucun scrupule contre la vie et la fortune des provinciaux ; car personne n’oserait les accuser devant le juge de la province ; parce que le juge de la province, prosterné en quelque sorte devant l’agent du fisc qui reçoit ses caresses du haut d’une dignité supérieure, est lui-même soumis à son action, et que personne ne se soucie d’entreprendre un long et dispendieux voyage du fond de quelque province reculée pour venir se plaindre à notre cour ; chacun trouvant plus supportable encore de subir en gémissant les déprédations de ces hommes sans pitié, que de courir au milieu de grands périls les chances hasardeuses d’une satisfaction souvent illusoire. Il arrive par là que les villes, dépouillées de leurs sénats par les injustices des exacteurs, ne peuvent plus trouver de curiales, parce que les possesseurs, intimidés par la puissance de leurs oppresseurs, abandonnent leurs champs, craignant non plus de perdre leur fortune, mais de subir les angoisses et les tortures de la prison, au gré de l’avarice et de la cruauté d’un appariteur sans entrailles et d’une soldatesque sans pitié[70].

Nous avions tort de dire en commençant que c’est dans les Pères de l’église qu’il faut aller chercher les peintures les plus énergiques de cette irrémédiable détresse ; il n’y a point de Père de l’église qui en dise plus que cet empereur romain.

 

 

 



[1] Aurum coronarium.

[2] Superindictio.

[3] Cod. Theod., passim.

[4] Notitia dignitatum utriusque imperii. Edent. Pancirol.

[5] Cod. Theod., l. XI, tit. 12, ann. 365. — Ibid., tit. 13.

[6] De privileglis eorum qui in sacro palatio militarunt.

[7] Cod. Theod., l. VI, tit. 11 : De senatoribus.

[8] Cod. Theod., XIII, tit. 3 : de Medicis et Professoribus.

[9] Cod. Theod., XV, tit. 5 : de Spectaculis. — Tit. 7 : de Scœnicis. — Et XIV, tit. 3, de Pistoribus et Catabolensibus.

[10] Cod. Theod., XVI, tit. 2 : de Episcopis, Ecclesiis et Clericis.

[11] Cod. Theod., XIII, tit. 10.

[12] Cod. Theod., XIII, tit 1, l. 2, ad ann. 360.

[13] Cod. Theod., I, tit. 2, l. 7 : De rescriptis in fraudem rei tributariæ (ad ann. 385).

[14] Ammien Marcellin, XXX, 5.

[15] Ammien Marcellin, XXVII, 7.

[16] V. Cod. Theodos., XIII, tit. 11, trois constitutions de l’empereur Honorius — V. ibid., l. 13, ad ann. 417 et l. 15 et 16, ad ann. 417 : de agris desertis.

[17] Ammien Marcellin, XXII, sub fin.

[18] Salvien, de Gubernat. D., V, 8.

[19] Cod. Justin., XI, tit. 47, 50, 51, 52, 53, 54. — Cod. Theod.

[20] Cod. Justin., XI, tit 63, l. 2.

[21] Cod. Justin., XI, tit. 53. — Voir tout le titre 47.

[22] Cod. Justin., XI, tit. 47, l. 22.

[23] Digeste, I, tit. 15, de censibus.

[24] Cod. Justin., XI, tit. 50 : Colonos quodam æternitatis jure detineat.

[25] Cod.. Theod., de censibus et tributis.

[26] Salvien, de Gubenat. Dei, V.

[27] Lactance, de Mortib. persecut., 23.

[28] Galère était né dans la nouvelle Dace, en Illyrie.

[29] C’est l’inverse de la loi de Montesquieu : Rome les recevait esclaves et les renvoyait libres. (Grandeur et Décadence des Romains.)

[30] Cod. Theod., XI, tit. 24, de Patrociniis vicorum, l. 1.

[31] Cod. Theod., XI, tit. 24, de Patrociniis vicorum, l. 3.

[32] Cela est si vrai que, non seulement la chose, mais le mot se trouve dans Libanius.

[33] Cod. Theod., XI, tit. 24, l. 2. Dat. prid. Id. Novemb. Marcianop. Valentiniano et Valente, AA. III. Coss.

[34] Cod. Theod., XI, tit. 24, l. 3. Dat. prid. Kalend. octob. Olybrio et Probino Coss. (395).

[35] Dat. VI ; Id. Mart. Constantinop. Theodoro v. c. Coss. (399).

[36] Dat. VIII, Kal. Jun. Constantinop., Theodoro v. c. Coss. (399).

[37] Cod. Theodos., XI, tit. 10, l. 1. — Ibid. I, tit. 7, l. 7 (Ad. ann., 408.)

[38] S. Augustin, de Civitat. Dei, II, 20.

[39] S. Augustin, de Civ. Dei, V, tit. 9.

[40] Salvien, De Gubernat. Dei.

[41] Salvien, De Gubernat. Dei., VII, tit. 1, l. 1.

[42] Salvien, de Gubernat. Dei, V. — V. Orose, VII, 41. — Idatius, Chronic. — Eumène, Panegyr. pro scholis instaurandis.

[43] Cod. Theod., XI, tit. 31.

[44] Constitut. XIX, ann. 417, in Appendic. Codic. Theod.

[45] Lactance, Divin. Instit., VI, 20.

[46] Lactance, Divin. Instit., VI, 20.

[47] Cod. Theod., V, 7, de Expositis.

[48] Sidon. Apollinaire, Epist., IV, 24.

[49] Cod. Theod., II, tit. 33.

[50] Cod. Justin., IV, 32.

[51] Concil. Nicœn., can. 17. — Concil. Laodicens., can. 4, (ap. Labbe.)

[52] Cod. Theod., VII, tit. 1, l. 15 (396).

[53] Ibid., passim.

[54] Cod. Theod., VII, tit. 1, l. 8 : de Liberis veteranorum. — XIV, tit. 3, l. 5 : de Fillis pistorum. — VIII, tit. 4, de Cohortalibus, l. 4, 18, 21, 22.

[55] Guizot, Essais sur l’histoire de France. (1er Essai.)

[56] Nulle difficulté pour le sénat et les duumvirs ou consuls. Nous renvoyons à Dubos, I, 3, pour la milice.

[57] Les décurions proprement dits n’étaient autres, dans le principe, que les decemprimi de l’album.

[58] Cod. Theodos., XII, tit. 1, l. 33.

[59] Salvien, de Gubernat. Dei, V.

[60] Marcellin, XXVII, 7.

[61] In oratione.

[62] Cod. Theod., XII, tit. 1, l. 43.

[63] Ibid., l. 63.

[64] Ibid., l. 50.

[65] Ibid., l. 55.

[66] Ibid., l. 25.

[67] Cod. Theod., XII, tit. I, l. 50.

[68] Ibid., passim.

[69] Inter Novell. Div. Majorian. A., l. 1.

[70] Imper. Majorian. Aug. Novell., IV, de indulgentiiss reliquorum.