LES RECHERCHES RELATIVES À LA VENTE DES BIENS NATIONAUX

 

PAR GEORGES LEFEBVRE

Extrait de la Revue d'Histoire moderne - 1928 – pp. 188-219.

 

 

I

 

C'est à la fin du siècle dernier qu'on a commencé d'étudier d'un peu près la vente des biens nationaux. Jusqu'à cette époque, les archivistes ne communiquaient pas volontiers les documents et on en était réduit aux affirmations contradictoires inspirées d'ordinaire par l'esprit de parti. Lejeay et Rouvière entreprirent, les premiers, de publier les actes de vente dans la Sarthe et le Gard. Mais les premières études vraiment suggestives ont été l'œuvre d'étrangers : Minzes et Loutchisky[1]. M. Sagnac, en 1899 et en 1906, résuma les résultats acquis et commença d'orienter les recherches[2]. Puis, dans son histoire de la Constituante[3], Jaurès reprit la question et ne contribua pas médiocrement à l'imposer à l'attention des historiens[4]. La Commission pour la recherche et la publication des documents relatifs à l'histoire économique de la révolution, dont il provoqua la création, mit naturellement la vente des biens nationaux au premier rang de ses préoccupations : elle publia en 1905 une instruction pour les travailleurs locaux, et, dès 1906, elle put assurer la publication de M. Charléty pour le département du Rhône. Finalement, l'Académie des sciences morales et politiques choisit ce sujet pour l'attribution du prix Rossi en 1907 : ce fut l'origine des livres de MM. Marion, Lecarpentier et Vialay[5]. Celui de M. Marion qui étudiait, pour la première fois, la question dans toute son étendue, a marqué une étape. Il a paru en 1908. C'est à cette date que nous ferons commencer cette étude.

M. Marion indiquait, avec une parfaite clarté, tous les problèmes qui se posent à propos de la grande mesure révolutionnaire. Problèmes d'ordre financier d'abord, puisqu'aussi bien c'est pour rembourser la dette que la Constituante l'a votée : à quel prix les biens ont-ils été estimés, vendus et payés ? Mais questions sociales aussi ; et la Constituante ne les a pas négligées ; la Convention encore moins. Qui donc, en définitive, a surtout profité de la vente ? Ceux qui travaillaient la terre ou les autres ? Les paysans qui étaient déjà propriétaires ou ceux qui le voulaient devenir ? Faut-il, d'ailleurs, sur ce point en croire les actes de vente ? Nombre d'acquéreurs n'ont-ils pas acheté pour des commands non dénommés ? Les émigrés n'ont-ils pas récupéré une part notable de leurs biens ? Au profit de qui se sont faites les cessions des spéculateurs, si nombreux sous le Directoire ? Les réponses peuvent varier avec la période considérée, c'est-à-dire avec le mode de vente, la situation monétaire, l'état général du pays, tant politique qu'économique ; avec les régions aussi, les biens nationaux étant, inégalement répartis, inégalement morcelés et la population paysanne étant plus ou moins dense, plus ou moins aisée, comportant ici une majorité de propriétaires, là de métayers et de journaliers. De cette complexité, qu'on n'avait jamais mise en si bonne lumière, résultait la nécessité d'études locales, poussées aussi loin que les documents le permettraient, à l'aide de la connaissance particulière des lieux, des personnes, des circonstances et aussi des sources auxiliaires. M. Marion indiquait le parti qu'on pouvait tirer des documents fonciers : terriers et rôles d'impôts, des fonds de l'enregistrement et de tous les papiers des séries départementales. Bref, on pouvait conclure que toute conclusion de portée générale demeurerait désormais prématurée tant que de nombreuses monographies régionales, très longues à préparer, n'auraient pas vu le jour. Le livre a mis fin aux vaines polémiques et tracé le plan général du travail à entreprendre : dans le recul du temps, c'est ce qui marque surtout son importance.

Pour, le progrès de ces recherches, il eût été souhaitable qu'après avoir posé les questions et indiqué les sources, M. Marion étudiât une région en poussant la recherche à fond. Que nous manquait-il surtout à ce moment ? Un guide pratique, un exemple vivant qui nous éclairât sur les difficultés techniques et les moyens de les surmonter. Mais l'auteur dut se borner à des sondages dans le Cher et la Gironde et son exposé; procède par échantillons sans pouvoir s'appuyer sur une statistique des propriétés vendues. Pour ce qui concerne les questions financières, ses assertions, qui étaient d'accord, en somme, avec les déductions que suggère l'histoire des assignats, ont été confirmées par les recherches postérieures, avec toutefois certains tempéraments. Mais pour la répartition des biens vendus entre les différentes classes d'acquéreurs et pour la portée sociale de l'opération, les conclusions, quoique judicieuses, manquaient nécessairement de précision — les bourgeois l'emportaient dans la Gironde et le Cher, mais de combien ? — et, surtout, reposaient sur une base territoriale bien étroite.

Les mêmes nécessités s'étaient imposées à MM. Lecarpentier et Vialay. Le premier s'était occupé seulement de la propriété ecclésiastique ; il aurait pu compléter les recherches sur la Seine-Inférieure, dont il avait déjà publié les résultats : il jugea préférable de pratiquer des sondages, souvent assez aventureux, dans onze districts éparpillés par toute la France ; ses recherches, d'ailleurs, se bornaient presque toutes aux ventes antérieures au Directoire[6]. Quant à M. Vialay, il avait limité ses sondages à la Côte-d'Or et à Paris, mais ils n'en étaient pas plus décisifs.

M. Marion avait exprimé le regret de ne pouvoir donner d'indications quantitatives générales et ne donnait pas ses études régionales comme des modèles définitifs. Cependant, plus d'un chercheur les considéra comme telles et les prit pour modèle. Par une tendance naturelle, on se préoccupa surtout d'en confirmer les conclusions financières : elles attiraient particulièrement l'attention dans le livre et le travail, à cet égard, était beaucoup plus facile. Mais sur la répartition, M. Vermale a procédé par échantillons pour le Rhône et pour le district de Chambéry[7] ; M. Cottin de même pour le district d'Is sur Tille[8]. M. Lechevallier, étudiant celui de Saint-Lô, s'est excusé de ne pas donner de statistique, les actes de vente ne portant pas tous les renseignements suffisants[9]. Malheureusement, c'est le cas général et, si l'on s'en tient là, il faut abandonner tout espoir. Il est regrettable que ces auteurs s'y soient résignés, car, dans les districts de Villefranche-sur-Saône, d'Is-sur-Tille et de Saint-Lô, les paysans paraissent avoir été très favorisés, contrairement au Cher et à la Gironde.

On attendait mieux des publications de documents, mais les déceptions ont été nombreuses. Pour le Morbihan, M. Moisan n'a guère donné que des noms d'acquéreurs, sans domicile ni profession, sans même le prix d'acquisition[10] ; M. Cornillon, dans l'Allier, a suivi de plus près les actes de vente[11] ; les volumes publiés pour la Commission d'histoire économique de la révolution, par MM. Mouliné pour les Bouches-du-Rhône (1908-1911), Marion, Benzacar et Caudrillier pour la Gironde (1911), Rebillon et Guillou, pour les districts de Bain et de Rennes (1911), Schwab pour ceux d'Épinai et de Remiremont (1911 et 1913) sont plus soignés et plus riches : outre les actes de vente on y trouve les inventaires et parfois des pièces annexes. Mais les lacunes des actes de vente n'y sont pas comblées, bien que les documents de la seule série Q eussent suffi, semble-t-il, à fournir une partie au moins des renseignements indispensables[12] ; les soumissionnaires et les enchérisseurs manquent dans tels recueils ; les cessions n'ont pas été recherchées dans les décomptes, sommiers et registres de formalités civiles de l'Enregistrement. La question des paiements est bien étudiée, mais aucune tentative n'est faite, et c'est le point capital, pour dresser la statistique de la répartition entre les différentes classes sociales[13]. On objectera que c'est là un travail d'élaboration et non de publication dé textes. Mais c'est méconnaître le véritable caractère des documents en question : individuellement, ils sont d'intérêt médiocre ; ce qui importe, c'est le résultat d'ensemble ; il est matériellement impossible à un homme de le calculer pour l'ensemble de la France et les publications locales ne peuvent lui rendre aucun service si elles ne le lui présentent pas. Il y a plus : essayez de faire ce travail à l'aide de ces volumes et vous serez arrêté au premier tournant, puisque les éditeurs se bornent à reproduire les actes de vente, sans plus. Pourtant, on ne publierait point des mémoires ou des lettres, sans identifier les personnages, sans éclaircir les faits qui s'y trouvent mentionnés. Ici, la tâche est immense ? Assurément. Mais si elle paraît rebutante, peut-être vaut-il autant ne rien publier.: à quoi peut servir un acte dé vente où ne figurent ni la superficie du bien, ni le domicile, ni la profession de l'acquéreur ? Tous les problèmes ne pourront être résolus ? Sans doute ; mais on désire savoir que tous les documents accessibles ont été interrogés[14].

 

II

 

Cependant, Loutchisky continuait, avec un zèle et une patience inépuisables, les recherches sur lesquelles il avait donné les premiers renseignements en 1895-7. En 1913, il présenta quelques-uns des résultats nouvellement obtenus[15]. La question financière ne l'intéressait pas. Mais il avait un vif sentiment de l'importance que présente la répartition des biens vendus parce qu'en étudiant l'opération révolutionnaire, il pensait aux réclamations des paysans russes de son temps et aux solutions qu'on pourrait adopter éventuellement pour y satisfaire. La nécessité de préciser les idées par des pourcentages approximatifs s'imposait à lui.

Malheureusement, il n'a pas donné, pour les biens nationaux, une étude régionale vraiment satisfaisante comme il l'a fait pour la répartition de la propriété dans le Limousin. Préoccupé de démontrer la vanité des opinions émises jusqu'alors, il avait besoin d'exemples nombreux et, 'en conséquence, il avait étendu ses recherches à un assez grand nombre de districts choisis dans des régions éloignées les unes des autres. Or, il n'y en a certainement pas un en France qui permette d'établir une statistique sans recherches longues et minutieuses : Loutchisky n'a pas pu les faire ; il semble même qu'il n'ait pas poussé ses recherches au delà de l'an IV ; bien entendu, il n'a pu s'occuper des rachats, ni des cessions. Sa méthode d'exposition lui a fait tort aussi : il travaillait vite et ses données numériques ne concordent pas toujours ; il ne se souciait pas assez de l'extrême difficulté qu'on éprouve à être à la fois concis et précis quand, on rend compte de pareilles recherches. A la vérité, les recherches des érudits locaux n'ont pas contredit ses affirmations au point qu'on l'a quelquefois dit[16]. Mais il ne donne pas toujours un sentiment de sécurité suffisante. Malgré tout, on lui doit beaucoup et c'est principalement sous son influence, semble-t-il, qu'on s'est mis d'accord sur la nécessité d'employer la méthode quantitative.

Les premières études qu'on puisse comparer aux siennes furent celles du comte de Solms-Rœdelheim sur le district de Strasbourg[17] et de Schmitt sur le district de Bar-le-Duc[18], cette dernière malheureusement limitée aux biens ecclésiastiques vendus avant la loi de ventôse an IV. La thèse de droit de M. Thouroude sur le district de Revel, un peu postérieure, comporte une part d'hypothèses qu'on aurait pu sans doute réduire, mais elle n'élude pas les difficultés[19]. Il n'a pas tenu à M. Dubreuil que son livre sur les Côtes du Nord[20] ne nous offre également une répartition numérique des biens vendus, entre bourgeois et paysans : ses efforts pour parer à l'insuffisance des actes sont demeurés infructueux. La précision de son analyse justifie néanmoins ses conclusions. Par ailleurs, les recueils documentaires de MM. Martin, pour les districts de Toulouse (1906) et de Saint-Gaudens (1924), Porée, pour celui de Sens (1912) et Nicolle pour les cantons de Vire et de Pontfarcy (1923 et 1927)[21] ont mis peu à peu au- point la méthode de publication. A vrai dire, les deux recueils de M. Martin n'échappent pas à plusieurs des objections qu'on peut faire à ceux dont il a été question plus haut[22]. Il s'est notamment contenté d'indiquer la superficie moyenne acquise par chacun des acquéreurs appartenant aux catégories sociales qu'il a distinguées et de telle façon, en ce qui concerne au moins le district de Saint-Gaudens, qu'il n'est pas possible de se faire une idée exacte de la part des paysans[23]. Mais les volumes de MM. Porée et Nicolle sont des modèles. La question des paiements est élucidée de manière définitive par une statistique complète ; les auteurs ont eux-mêmes mis en œuvre les actes de vente en les complétant ; ils ont procédé aux calculs et permis de les contrôler au moyen de tables d'acquéreurs établies avec détail et précision. Les deux recueils de M. Nicolle, moins probants en tant qu'ils portent sur une étendue plus restreinte, ont par ailleurs une supériorité certaine sur celui de M. Porée qui n'étudie que les ventes[24] ; jusqu'à ce jour, en effet, M. Nicolle est le seul éditeur qui ait dépouillé les documents fonciers, notamment les états de sections et les matrices de 1791 et des années suivantes, ainsi que les actes civils de l'Enregistrement (et non pas seulement les sommiers de biens nationaux), ce qui lui a permis de suivre la destinée des biens vendus jusqu'au règne de Louis-Philippe. On souhaiterait toutefois qu'une statistique de ces transmissions de biens nationaux fût également établie et que la répartition des biens d'émigrés fît l'objet d'une étude quantitative particulière de manière à résoudre un problème dont il sera question ci-dessous. Il est possible que, dans plus d'un district, l'insuffisance des documents oblige les éditeurs à s'en tenir, comme M. Porée, aux actes de vente ; mais, en principe, il est à souhaiter qu'on ne publie plus de recueils de documents relatifs aux biens nationaux sans imiter M. Nicolle. En tout cas, la période de tâtonnements doit être considérée comme close ; on est sorti de la période des échantillons et la méthode quantitative a triomphé. Ajoutons que M. Caron a entrepris, pour la Commission d'histoire économique de la révolution, de nous donner un instrument de travail qui nous manquait, en publiant un Recueil des textes législatifs et administratifs concernant les biens nationaux (tome I, 1926)[25].

C'est ici le lieu de rendre hommage à la mémoire de Morin et de Lazard qui avaient commencé à éditer le Sommier des biens nationaux de la ville de Paris et qui avaient l'intention d'en tirer toute la substance dans une introduction historique : la mort est venue interrompre leur travail[26]. Pour être complet, on me permettra de rappeler que j'ai exposé, en 1924, dans mon livre sur les Paysans du Nord, le résultat de mes recherches sur ce département : elles ont été conduites dans le même esprit que celles de M. Nicolle, quoique à l'aide de documents beaucoup moins complets[27].

 

III

 

Sur le succès des ventes, tout confirme l'assertion de M. Marion : il a été très grand, même dans les pays, comme le Nord et l'Alsace, où une propagande très active a essayé d'entraver l'opération. Dans le district de Strasbourg, un tiers de la superficie totale des biens nationaux aliénés a été vendu dans la seule année 1791. Dans le département du Nord, on avait déjà adjugé en 1793 les deux tiers des biens ecclésiastiques. Les biens des émigrés ont été également très recherchés. La spéculation proprement dite s'est développée avec l'avilissement de l'assignat et date surtout de l'an III ; mais, dès l'origine, il y a eu, çà et là, des gens qui achetaient pour revendre en bloc ou après morcellement, comme Saint-Simon dans le Nord ; ces marchands de biens, souvent improvisés, ont rendu de grands services en divisant les terres et en les mettant ainsi à la disposition des paysans et, aussi, en essuyant les plâtres, car plus d'un amateur a dû acheter plus volontiers de seconde main ; l'étude systématique des cessions, qui est à peine commencée, mettra sans doute leur importance en lumière ; pourtant, ils n'ont pas joué un grand rôle autour de Vire. Les grands agioteurs du Directoire ne semblent pas avoir opéré partout : on n'en parle pas dans les Vosges ni dans la Haute-Garonne; à Vire, non plus. Mais M. Dubreuil a retrouvé dans les Côtes-du-Nord les compagnies de fournisseurs qui se sont également signalées dans le Nord et en Belgique. Leur activité s'est peut-être limitée aux régions qui n'étaient pas trop éloignées de Paris, leur quartier général.

Faut-il attribuer l'affluence des acheteurs à leur enthousiasme révolutionnaire ? Évidemment non : l'acheteur, avant tout, cherchait son profit, surtout le paysan. Mais il n'y a pas lieu de refuser un certain rôle, même au début des ventes, au sentiment politique. La campagne, contre-révolutionnaire, qui a été si vive partout et, en outre, dans certaines provinces, la prédication religieuse ont sûrement écarté plus d'une personne des adjudications. En Alsace, la part des paysans est plus grande dans les villages protestants que dans les villages catholiques ; en 1791, les ruraux achètent 73% des biens vendus dans le district de Strasbourg ; en 1792, le conflit religieux battant son plein et la guerre étant déclarée, leur part tombe à 22. Est-ce par hasard ? Ne serait-il pas raisonnable de convenir que, partout, les acquéreurs ont eu, dès l'origine, le sentiment d'un certain risque[28] ? Les aristocrates n'avaient pas grand mérite à surmonter cette crainte, car la contre-révolution, en leur reprenant les biens nationaux, leur aurait rendu par ailleurs une part au moins de leurs privilèges utiles ; mais les autres acquéreurs ne pouvaient compter sur un dédommagement et témoignaient donc à la nation, volontairement ou non, une confiance qui, dans quelque mesure, servait moralement sa cause. Et c'est pourquoi la qualité d'acquéreur a pris assez vite une valeur politique.

Mais le succès des ventes est dû principalement au fait que les biens ont été offert, à bon compte : la Constituante avait présumé un revenu de 4 ½% environ et, presque partout, la terre rapportait sensiblement moins[29]. En outre, dès 1791, la dépréciation de l'assignat assurait une prime. Cependant les acquéreurs n'ont pas hésité à réduire considérablement la marge de leur profit en poussant vigoureusement les enchères. Dans le district de Sens, en 1790, alors que la dépréciation du papier-monnaie était très faible, les biens, estimés 358.010 livres, ont été vendus 750.645 livres ; en 1791, sur une estimation globale de 1.605.608 livres, on a obtenu 3.732.948 livres ; au total, jusqu'en 1793, les estimations ont été de 2.867.238 livres et le prix de vente de 6.344.909. Dans le district de Lille, pendant la même période, les biens nationaux se sont vendus sur le pied d'un peu plus de la moitié du prix courant ; dans le district de Bergues, aux trois cinquièmes. Le Cambrésis, où les paysans sont intervenus pour obtenir des estimations très basses et empêcher les enchères, présente des résultats bien différents : la terre s'y est vendue au quart du prix courant, mais, en dehors de la plaine picarde et du Laonnais, il ne paraît pas que les ruraux aient ainsi agi en masse. On peut dire avec M. Porée que, jusqu'en 1793, les biens nationaux se sont vendus en général aussi bien qu'on pouvait l'espérer. A partir de l'an II, l'instabilité monétaire a rendu les estimations en partie fallacieuses, mais non pas toujours : on a tenu compte de la dépréciation en certains cas. Jusqu'en l'an IV, l'opération n'apparaît pas comme mauvaise à M. Porée; l'ensemble des estimations, pour le district de Sens, est de 6.274.988 livres ; les adjudications donnent 29.754.017 livres dont la valeur réelle est de 7.937.927. Quant à la période du Directoire, l'avilissement des prix ne peut être contesté.

Vendus, somme toute, à un taux raisonnable, les biens nationaux ont-ils été mal payés ? Sans aucun doute, à partir de l'an III. En l'an IV, le district de Sens avait reçu 17.124.860 livres dont la valeur réelle n'excédait guère 4 millions. Autour de Vire, à la même époque, on avait vendu 845.680 livres un ensemble de biens estimé 381.825 : la valeur réelle des paiements a été de 251.546[30]. Mais il est juste de distinguer entre les acquéreurs : certains, ayant acheté en 1791 et 1792, ont payé très vite et, par conséquent, relativement cher : ainsi, dans le second recueil de M. Nicolle, les paiements réels ne manifestent par rapport aux estimations, qu'une perte de 4% pour les biens vendus en 1791-92, tandis qu'elle est de 78% pour ceux qui l'ont été en 1794-95. D'autre part, M. Dubreuil a fait remarquer avec raison que, pour apprécier la lésion, il convient de comparer le prix réellement payé non à l'adjudication mais à l'estimation, c'est-à-dire à la valeur que l'État regardait comme satisfaisante. Et il faut encore ajouter qu'en l'an II et en l'an III, les assignats que l'État recevait étaient moins dépréciés qu'ils ne le paraissaient : car il les avait, pour la plupart, remis en paiement de marchandises livrées au maximum et s'était dédommagé par avance.

A tout ce qu'on a dit de la perte subie par l'État, on peut donc apporter quelques tempéraments. Et quant au principe de l'opération elle-même, il faut être moins sévère qu'on ne l'a été : sans la guerre, elle n'aurait pas mal réussi, parce que l'inflation n'aurait pas pris les mêmes proportions. Mais il est opportun de rappeler que l'historien ne peut pas l'envisager du même point de vue qu'un théoricien de la finance ou de l'économie politique. La Constituante, dit-on, aurait dû regarder les biens du clergé comme un patrimoine national et ne les vendre que graduellement pour n'en pas avilir le prix. On devrait ajouter que cette combinaison aurait été très agréable au clergé qui, en 1802 et en 1814, aurait pu réclamer une part notable de ses biens demeurés ainsi disponibles, et aussi à l'aristocratie foncière dont le patrimoine n'aurait pas été atteint par la baisse du prix des terres ; on pourrait même observer que Babeuf aurait approuvé l'État de conserver un vaste domaine foncier à la disposition d'un gouvernement socialiste éventuel. Mais toutes ces considérations n'auraient pu qu'encourager les Constituants et les Conventionnels à précipiter la vente. La Constituante, dit-on encore, aurait dû rembourser la dette en titres de créance valables pour l'acquisition des biens nationaux. C'est-à-dire : réserver ceux-ci aux anciens privilégiés et à la haute bourgeoisie ! Enfin, au lieu de créer l'assignat, elle aurait dû lever des impôts. Cela se pouvait, en chargeant l'armée de ligne d'en imposer aux paysans. Evidemment, après cela, elle eût été en excellente situation pour tenir tête au roi et aux privilégiés ! Autant dire, en résumé, que tout eût été mieux si la Constituante avait renoncé, vers la fin de 1789, à la révolution elle-même. Il se peut. Mais, en tant qu'historiens, qu'est-ce que cela peut nous faire ? Au vrai, le remboursement de la dette n'était plus, dès ce moment, que d'importance secondaire : il fallait alimenter le trésor afin que la révolution pût durer et s'enraciner ; il y avait aussi grand avantage à gagner, par l'intérêt, à la cause de la révolution le plus grand nombre possible des tièdes et des indifférents. Il fallait donc vendre vite et, pour vendre vite, on ne pouvait pas vendre cher. Après tout, ce fut encore grande chance pour la bourgeoisie révolutionnaire que tous les paysans français n'aient pas imité les Picards, car il est très probable qu'en ce cas, ils eussent payé fort peu de chose et peut-être rien du tout. Bien que les arguments financiers soient toujours restés au premier plan dans les discours, ce sont les raisons politiques qui ont déterminé les volontés. La rapidité des ventes, la dissémination des biens aliénés, leur répartition entre les différentes classes sociales et surtout la part qui a été faite aux paysans ont une importance beaucoup plus grande que l'aspect financier de l'opération.

 

IV

 

Si l'on s'en tient aux actes de vente, et surtout si on les considère dans leur totalité, toutes les études confirment que dans l'ensemble, les ventes de l'État ont principalement profité à la bourgeoisie. Et il n'en pouvait être autrement, du moment qu'on les mettait aux enchères pour les livrer aux plus riches. Encore ne faut-il pas exagérer leur, succès et convient-il, à la suite de Loutchisky, de distinguer entre les biens urbains et les biens ruraux. Les immeubles des villes ne pouvaient intéresser les paysans : pour eux, la question était de savoir si la terre, dont ils tiraient leur subsistance, passerait entre leurs mains et leur assurerait l'indépendance. Or, à cet égard, il faut distinguer aussi entre les époques : la bourgeoisie ne l'a pas emporté partout dès le début — et entre les districts : il en existe où les ventes mêmes du Directoire n'ont pas suffi à lui assurer la prépondérance. Enfin, là où elle triomphe, ce peut n'être qu'une apparence : c'est un point que nous nous réservons d'examiner plus loin, pour nous en tenir provisoirement, aux ventes primitives.

On sait qu'on distingue trois périodes de vente durant lesquelles, sans jamais contester au riche le droit de l'emporter sur le pauvre chaque fois qu'il lui plaisait d'intervenir — le décret du 13 septembre 1793, lui-même, contrairement à ce qu'on imagine parfois, n'a rien innové à cet égard —, les lois et les circonstances l'ont pourtant très inégalement favorisé. Le décret du 14 mai 1790 qui a été appliqué en fait jusqu'au printemps de 1794, ordonnait d'e mettre à prix l'ensemble des objets compris dans une soumission, bien qu'ils appartinssent à des propriétaires différents ou fussent loués séparément. Mais elle prescrivait de procéder ensuite à des enchères partielles qui pouvaient aller jusqu'à distinguer les diverses pièces de terre d'une même exploitation. Et si le total de ces enchères partielles égalait l'enchère globale, elles avaient la préférence. En fait, les administrations de district n'ont pas appliqué la loi de manière identique et, au début, plusieurs, dans le Nord et ailleurs, l'ont même outrepassée, en admettant des soumissions qui morcelaient des exploitations et même des pièces de terre. C'est une question qui n'a pas été étudiée d'assez près et que les recueils ne permettent pas d'élucider, quand ils ne mentionnent pas les occupeurs et ne donnent pas une description précise du bien mis en vente.

Les décrets du 3 juin 1793 et du 4 nivôse an II ordonnèrent ensuite le démembrement des exploitations et le morcellement des pièces. M. Marion estime que, dans le. Cher et la Gironde, la part des paysans en a été accrue. Dans le district de Strasbourg, la part des paysans, devenue très faible en 1792 et 1793, remonta brusquement à 87% en l'an II. Dans le second recueil de M. Nicolle, ce nouveau régime de vente procure aux paysans 79, 3% des terres adjugées au lieu de 68,3 dans la période précédente. L'effet des lois montagnardes paraît avoir été analogue dans le district de Saint-Calais et peut-être dans celui de Mamers. Mais il n'en a pas été de même, dans le district de La Ferté-Bernard, ni peut-être dans celui de Fresnay-sur-Sarthe[31] ; dans le Laonnais non plus et pas davantage dans le Nord, bien que, dans ce département, les acquéreurs ruraux, pendant cette période, aient été plus nombreux en proportion de la superficie acquise. Pour tirer la question au clair, il est à souhaiter qu'à l'avenir, on ne se contente pas de pourcentages d'ensemble, mais qu'on en établisse également pour chacune des trois périodes.

Sous le Directoire, on recommença à vendre sur soumission, avec ou sans enchères et en tout cas sans enchères partielles : rien ne protégea plus l'intérêt du petit paysan. Le mode de vente a donc exercé une grande influence sur la répartition.

Et le lieu de la vente a joué aussi un rôle important. Dans le Cambrésis, tout au moins, les paysans exprimèrent le vœu qu'elle eût lieu à la mairie du village ; sous la Convention, des administrations montrèrent aussi, par exemple à Bazas et à Toulouse, que des enchères menées loin des pauvres populations rurales rendaient illusoires les lois montagnardes. Cependant on ne changea rien au mode adopté par la Constituante : la vente eut lieu jusqu'en l'an IV au chef-lieu du district. Ce fut bien pis sous le Directoire : elle fut centralisée au chef-lieu du département.

Enfin, il faut attacher une importance notable à la législation relative aux achats collectifs. Le décret du 14 mai 1790 autorisait les municipalités à soumissionner pour les biens sis dans l'étendue de leurs communes. Dans la région de Versailles et dans le sud du département du Nord, il est indubitable que les municipalités rurales ont compris que les biens soumissionnés par elles devenaient leur propriété, en sorte qu'elles auraient eu le droit de les revendre elles-mêmes et dans les conditions qui leur plairaient : en fait, les paysans pensaient qu'ils pourraient se partager les biens en question après avoir acquitté le prix de la soumission. Détrompés, ils songèrent parfois à les enlever aux enchères en chargeant la municipalité de représenter l'intérêt collectif : le décret du 24 avril 1793 interdit expressément cette manœuvre. Mais il alla beaucoup plus loin. Dans nombre de communes de Picardie, du Cambrésis et du Hainaut, les paysans, pour ne pas compromettre la municipalité, avaient formé des associations qui comprenaient au moins la grande majorité d'entre eux et nommé des commissaires pour acheter en leur nom[32] ; de telles associations se sont constituées en beaucoup d'autres départements, notamment en Côte-d'Or, en Haute-Garonne, dans le Rhône et dans le Var. Le décret du 24 avril 1793 les interdit également, comme frauduleuses. Mais il ne dit mot des associations restreintes que formaient couramment les paysans aisés, les bourgeois et les marchands de biens. Ainsi, par intérêt financier, la Convention ôta aux pauvres ruraux le seul moyen qui fût à leur disposition d'obtenir leur part, mais elle garda le silence sur les manœuvres de ceux que leur richesse favorisait déjà si puissamment. Dans toute la législation relative aux biens nationaux, il n'y a peut-être pas de mesure aussi caractéristique que celle-là.

Mais, à côté des décrets, il faut faire une grande place aux circonstances politiques et économiques. La guerre et surtout la guerre civile une fois déchaînées, les petits paysans ont été de moins en moins capables d'acheter ; dans le Nord, ils furent particulièrement découragés par l'invasion et par l'attitude des Autrichiens qui, dans le pays occupé, laissèrent molester ou dépouiller les acquéreurs et publièrent leur intention d'annuler les ventes. Puis, en l'an III, ce furent les misères de l'inflation. M. Marion, constatant l'échec du décret du 13 septembre 1793, a remarqué que les prolétaires ruraux, dès cette époque, eussent préféré un sac de blé à une parcelle de biens d'émigrés. Ce n'est pas douteux. Mais il n'en faut pas conclure qu'ils ne se souciaient pas de la terre : les conditions économiques, nées de la guerre, avaient simplement rejeté cette préoccupation au second plan. C'est une nouvelle raison de distinguer soigneusement entre les périodes.

De l'ouvrage de M. Porée, il résulte que, jusqu'à l'an IV, les paysans ont eu l'avantage dans la répartition des biens ruraux. Dans le Nord, de 1791 à 1793, ils ont acheté deux fois plus de terre que les bourgeois. Les recherches de Loutchisky témoignent dans un sens analogue pour le Laonnais, la Côte-d'Or et la Nièvre. Qui sait si une analyse plus minutieuse ne prouvera pas que jusqu'en l'an IV, les achats des paysans ont balancé dans l'ensemble ceux de la bourgeoisie ou que, plus probablement, l'opération, sans la guerre, leur eût été favorable ?

 

V

 

Comme on peut le pressentir quand on connaît la répartition de la propriété et des exploitations en 1789, le trait le plus curieux que les études relatives à la vente des biens nationaux commencent à mettre en lumière, c'est la diversité géographique. On savait depuis longtemps que les villes, même petites comme Vire[33], avaient, tout autour d'elles, rendu plus difficiles et plus rares les achats des paysans. On commence à voir que l'état de division de la propriété ecclésiastique et noble a exercé aussi une grande action sur les ventes. En fait, on a surtout soumissionné par exploitation ; or, beaucoup de propriétaires louaient séparément, pièce par pièce, une part au moins de leurs terres ; c'était notamment le cas des curés et des fabriques et c'est pourquoi leurs biens ont été particulièrement recherchés par les paysans. En sens inverse, les grandes fermes leur ont échappé, par exemple en Flandre ; ils n'ont pu se partager un certain nombre d'entre elles, dans le Cambrésis, que par une action collective.

L'importance sociale des ventes a aussi varié avec l'étendue des biens aliénés ; or, elle varie considérablement d'une région à l'autre : elle constitue 44% du district de Cambrai, et 12,75 de celui d'Hazebrouck : 25% environ du département du Nord ; au contraire, elle n'est que de 3,6% dans le district de Saint-Gaudens, de 5,5 et de 3,8 dans les recueils de M. Nicolle. En outre, la proportion varie d'un village à l'autre. En indiquant dans un précédent article, quelques-uns des caractères de la crise agraire, on a déjà dit que cette inégale répartition des biens nationaux avait contribué à ôter à l'effort des paysans l'unanimité qui lui aurait été indispensable.

Il est aussi des régions où un régime agraire particulier place la vente des biens nationaux dans des conditions, tout-à-fait particulières. Telle est la Basse-Bretagne, avec sa tenure convenancière : lui appliquerait-on les décrets relatifs aux droits féodaux et conférerait-elle la propriété par rachat de la rente ? Les paysans le demandaient et finirent par obtenir gain de cause, mais seulement après le 10 août. Il est bien clair que leur intervention dans les ventes nationales devait être déterminée surtout par le désir d'acheter leur exploitation : tant que la question de la tenure demeura en suspens, ils se réservèrent et, quand ils l'eurent emporté, un énorme transfert de propriété se trouva opéré en leur faveur, sans qu'il leur fût nécessaire de paraître aux adjudications. Quand, en 1797, on leur eut repris le fonds, un certain nombre d'entre eux se portèrent acquéreurs, mais les circonstances étaient devenues très défavorables aux paysans Ainsi M. Dubreuil a pu conclure que la vente des biens nationaux n'avait apporté aux paysans des Côtes-du-Nord qu'un profit insignifiant ; mais, dans la région du domaine congéable, la situation était vraiment exceptionnelle.

Bien que les connaissances précises soient encore peu nombreuses et sans rapport avec l'effort dépensé, la diversité régionale apparaît déjà considérable. Dans les districts de Versailles, de Mantes et de Dourdan, la part des paysans n'est que 13,49% ; elle est de 14 au moins dans le Toulousain[34] ; elle s'élève à 34 dans les cantons de Vire et de Pontfarcy[35], à 35 ou 40 dans celui d'Epinal[36], à 40 ou un peu plus dans celui de Sens[37], à 44 dans le district de Strasbourg. Le dépouillement complet des actes de vente de biens du clergé jusqu'en l'an IV, exécuté par M. Lecarpentier, dans les districts de Saint-Mihiel et de Saint-Dizier a fait ressortir des proportions, de 50,8 et de 60% : les ventes du Directoire ont dû les abaisser, mais il faut observer que la vente des biens d'émigrés en l'an II et en l'an III avait pu les élever encore. Le même travail n'a donné au contraire à M. Schmitt que 14,3 pour le district de Bar-le-Duc. Loutchisky néglige également les ventes du Directoire, mais ses calculs s'étendent aux biens d'émigrés. A l'exception du district de Saint-Omer où la part des paysans n'est que de 19,2%, la plupart des districts qu'il a étudiés leur donnent la prédominance — Laon, Cosne et Corbigny, Semur, Saint-Jean-de-Losne, Châtillon-sur-Seine et Is-sur-Tille[38] —. D'après Spilioti, il en irait de même pour celui de La Ferté-Bernard et, peut-être aussi, pour ceux de Fresnay-sur-Sarthe et de Saint-Calais[39]. Au contraire, M. Marion a conclu à une suprématie bien marquée de la bourgeoisie dans la Gironde et dans le Cher. Dans le Nord, la part globale des paysans est de 52% : leur prédominance est écrasante dans les quatre districts du Sud, surtout dans ceux de Cambrai et du Quesnoy ; dans les quatre districts de la Flandre, au contraire, les bourgeois l'emportent nettement, sauf dans celui d'Hazebrouck où les paysans ont une légère supériorité.

Etant bien entendu qu'il ne s'agit ici que des domaines ruraux, on conclura que, s'il n'est pas défendu de penser que les bourgeois en ont acquis la plus grande partie, le doute cependant demeure permis et la diversité régionale est telle qu'il ne sera pas levé de sitôt.

 

VI

 

Mais en admettant que la prédominance de la bourgeoisie fût démontrée, observons de nouveau que, dans tous ces calculs, il n'a été question que des acquéreurs primitifs, de ceux qui sont portés à l'acte de vente ou déclarés commands. Or ces acquéreurs sont souvent fictifs : sans les documents fonciers et sans les actes de l'enregistrement, on ignorerait, dans la plupart des cas, les achats collectifs des communautés du Cambrésis. De même les rachats des émigrés resteraient presque toujours inconnus. D'autre part, l'acquéreur primitif ou son command se sont souvent défaits de leurs acquisitions dans un délai fort court. C'est notamment le cas des spéculateurs. Les proportions ci-dessus mentionnées n'ont donc qu'une importance relative. Il importe de rechercher comment les biens se sont classés, d'atteindre l'acquéreur qu'on a chance de pouvoir regarder comme définitif, quoique ce terme, naturellement, comporte quelque chose d'aléatoire et d'arbitraire. C'est ce travail qui donne tant de prix aux recueils de M. Nicolle. Dans le Nord, les cessions découvertes ont légèrement abaissé la part des paysans (50,10%). Dans la région de Vire, au contraire, elle est sensiblement accrue[40].

Mais on constate aussi que les émigrés ont opéré des rachats importants, presque toujours par personne interposée. Or, à l'exception des travaux les plus récents, il n'en est tenu compte nulle part. Ces émigrés appartenaient à toutes les catégories sociales, mais la plupart sont nobles et bourgeois. Leurs acquisitions ont donc été passées au profit de la bourgeoisie. Dans le Nord, sur 30.000 hectares de biens nobles aliénés, il en a été racheté 7.000 ; sur 4.400, les bourgeois émigrés en ont récupéré près de 1.200. Il est bien évident que ces rachats doivent être mis hors de cause puisqu'ils ne constituent pas un déplacement de propriété. En faisant ce départ, les paysans du Nord se trouvent en possession de 53% des terres qui ont réellement changé de mains. Assurément, ce département est excessivement riche en biens d'émigrés et, dans les autres régions, le pourcentage des paysans ne se trouvera peut-être pas amélioré dans la même proportion Pourtant, dans les deux cantons de Vire et de Pontfarcy, les paysans passent ainsi de 34,4% à 43,58% : la différence est beaucoup plus considérable que dans le Nord, bien qu'on opère sur des superficies infiniment plus restreintes[41].

Mais il faut pousser plus loin l'analyse. Une partie des biens des bourgeois émigrés a passé aux paysans ; nous bornerons-nous à les passer à leur profit ? N'est-il pas juste d'observer qu'ils constituent, d'autre part, une perte pour la bourgeoisie et qu'ils doivent venir en déduction du profit qu'elle a réalisé aux dépens des nobles et du clergé ? Or, si l'on effectue cette compensation on constate que le gain réel des paysans du Nord passe à 55%. Il faut donc souhaiter qu'à l'avenir les publications comportent une statistique particulière pour les biens d'émigrés et distinguent d'une part, la portion qui en est revenue aux différentes catégories sociales et, de l'autre, pour chacune de celle-ci, la provenance exacte des biens acquis[42].

Quand on veut mesurer le gain réel de la classe rurale, il resté encore à se demander s'il est légitime de considérer comme un profit pour la bourgeoisie les achats qu'elle a réalisés aux dépens des nobles. Les privilèges abolis, nobles et bourgeois roturiers se sont trouvés confondus dans la même classe sociale qu'on peut appeler la bourgeoisie post-révolutionnaire ou bourgeoisie nouvelle. Cela est si vrai que nos auteurs, tout en distinguant parfois, et non sans raison, les achats des nobles de ceux des bourgeois, né les rassemblent pas moins, et avec plus de raison encore, pour calculer la proportion qui revient à la bourgeoisie : comme on l'a dit plus haut, c'est ainsi qu'ils se trouvent amenés à compter, comme un profit pour celle-ci, les rachats des émigrés ! Mais si importante que soit la vente des biens nobles au point de vue politique et social, par la division qu'elle a perpétuée entre bourgeois roturiers et bourgeois d'origine noble ou privilégiée, il n'en est pas moins vrai qu'en face des paysans, les uns et les autres désormais ne forment plus qu'une classe : celle des propriétaires non-exploitants. Dès lors, ce que les nobles ont perdu au profit des bourgeois roturiers n'a pas augmentera puissance foncière de cette classe tandis que cette puissance a été diminuée de tout ce que les paysans ont acquis aux dépens de la noblesse. Dans lé département du Nord, cette manière d'envisager les choses aboutit à la conclusion que les paysans ont acquis 68.000 hectares, mais que la bourgeoisie post-révolutionnaire n'a réalisé, tout compte fait, qu'un gain de 34.000 hectares, c'est-à-dire moitié moins[43]. Cette conclusion, d'aucuns la jugeront paradoxale, mais il en ira autrement dans quelque quart de siècle, quand on aura mis en œuvre les documents fonciers postérieurs à la révolution : états de sections de l'an X, matrices foncières du Consulat, de l'Empire, de la Restauration, et, enfin, matrices cadastrales anciennes. En les étudiant, on constate, comme M. Nicolle l'a déjà remarqué, que, plus on s'éloigne de l'an 1789, plus il devient difficile de faire le départ entre les anciennes familles nobles et les familles d'origine roturière ; le moment vient bien vite où, sans cesser de réaliser ce départ autant qu'il est possible, on est bien obligé de considérer la bourgeoisie nouvelle comme une réalité et de comparer l'ensemble de ses possessions foncières au total de ce que possédaient en 1789 les nobles et les bourgeois roturiers.

 

VII

 

Les biens nationaux ayant été vendus suivant des modalités peu favorables aux pauvres, ce sont les paysans aisés qui se sont trouvés avantagés. Dans certaines régions, comme les Côtes-du-Nord et les environs de Vire, le nombre des propriétaires ruraux ne s'est pas sensiblement accru. Il n'a pas pu l'être dans le Sénonais, puisque tous les paysans, ou presque, avaient chacun leur lopin en 1789. Mais sur ce point encore, la diversité régionale paraît grande. Dans dix communes de la Côte-d'Or, M. Vialay a trouvé que sur 536 acquéreurs, 399 ne figuraient pas aux rôles d'impositions, ce qui donnerait une proportion de 73% de propriétaires nouveaux. Dans dix autres du district d'Is-sur-Tille, sur 160 acquéreurs, M. Cottin a dénombré 127 non-imposés, soit 79% de non-propriétaires ; même résultat dans le district de Saint-Lô, où M. Lechevallier, examinant les rôles de 18 paroisses — datant, il est vrai, de 1776 —, a constaté que, sur 49 acquéreurs, 10 seulement avaient des terres avant la vente des biens nationaux. Ces pourcentages sont si élevés qu'ils inspirent quelque méfiance. Les sondages opérés dans le Nord ont permis d'admettre que sur une trentaine de milliers d'acquéreurs, il n'était pas exagéré d'estimer à un tiers le nombre des nouveaux propriétaires. Les indications données par M. Loutchisky a propos de trois communes du Laonnais donnent la même proportion[44].

En outre, l'étude des exploitations a montré, dans le Nord, qu'elles avaient diminué en étendue et s'étaient multipliées, surtout les petites et les très petites. C'est encore là une conséquence fort importante de la vente des biens nationaux et, jusqu'ici, on n'y a fait nulle attention. Les paysans qui ne disposaient d'aucune terre en 1789 ont pu, faute d'avoir pu en acquérir, améliorer leur sort, dans une certaine mesure, en louant quelque parcelle.

 

VIII

 

Mais la transformation agraire, à l'époque révolutionnaire, se résume-t-elle uniquement dans l'aliénation des biens nationaux ? D'ordinaire, on l'admet implicitement, mais il s'en faut de beaucoup qu'il en soit ainsi et il est bien à souhaiter qu'on attache quelque intérêt à certaines mesures législatives, aux conséquences du nouveau régime successoral et au mouvement des ventes privées qui ont complété, dans une mesure très importante, la vente des biens du clergé et des émigrés.

D'abord, les domaines engagés qu'on avait décidé de reprendre, en l'an II, furent, en définitive, transformés en propriétés incommutables par la loi du 14 ventôse an VII. Quand le domaine ne dépassait pas 5 hectares, l'Etat l'abandonna gratuitement et il faut renoncer à évaluer l'étendue de son sacrifice ; mais au-delà de 5 hectares, l'engagiste eut à verser le quart du capital de la rente ou de l'expertise et les archives de l'Enregistrement permettent de retrouver une partie au moins des contrats ; ils datent du Consulat, de l'Empire et de la Restauration[45].

En second lieu, la loi du 10 juin 1793 autorisa le partage ou la vente des communaux. Si la publication de M. Bourgin nous donne des indications générales sur la préparation de cette loi[46], nous ne possédons que des renseignements fragmentaires sur son application : on les rencontre de ci de là dans les monographies de communes rurales. Comme les documents fonciers de la révolution, les éléments de cette étude sont dispersés, pour une part, dans les archives municipales ; cependant les dépôts départementaux permettraient à eux seuls des constatations intéressantes — série L ; série K : arrêtés préfectoraux et arrêtés du Conseil de préfecture —. Il faut joindre à cette question celle de la récupération des triages par les communautés rurales qui dépend, il est vrai, de la législation sur les droits féodaux, mais qui a porté, dans certaines régions, un coup sérieux à la propriété noble et diminué la portion aliénable des biens du clergé. Dans le département du Nord, les zones de marais desséchés et mis en culture, c'est-à-dire principalement les vallées de la Flandre wallonne, et certains villages du Hainaut à pâtis défrichables, ont vu, de par la loi du 10 juin 1793, tous leurs chefs de. famille se transformer en propriétaires. En 1813, on procéda de nouveau à des ventes de biens communaux au profit de la caisse d'amortissement, mais elles semblent avoir tourné ordinairement au profit de la bourgeoisie.

D'autre part, les ventes privées qui, à la fin de l'ancien régime, modifiaient si rapidement, tout au moins en certaines régions comme le Limousin, la répartition de la propriété, n'ont pas été suspendues par la révolution ; sous le Consulat et l'Empire, elles sont très actives. Or, elles profitent surtout aux paysans : en l'an XIII et dans les trois premiers mois de l'an XIV,' ils gagnent 275 hectares dans l'arrondissement de Lille et 314 dans celui de Bergues, aux dépens des nobles et surtout des bourgeois. Le second recueil de M. Nicolle montre que, à la date de 1830, les familles d'émigrés avaient vendu spontanément 271 hectares des terres que le séquestre leur avait restituées ou qu'elles avaient rachetées : les paysans en ont acquis 226 (83%). On peut même se demander si c'est la vente des biens d'émigrés qui a porté le coup le plus rude à la richesse foncière de l'ancienne noblesse. La perte des droits féodaux, le malheur des temps et particulièrement l'effondrement de l'assignat ont ruiné plus d'une famille noble et l'ont obligée à vendre ses biens. Et l'observation vaut également pour la vieille bourgeoisie roturière.

Enfin, il est à peine nécessaire de rappeler que, dans les régions où la révolution a établi l'égalité successorale entre les enfants, le nombre des propriétaires et le morcellement de la terre en ont été considérablement accrus.

C'est par l'étude des documents fonciers postérieurs au Directoire qu'on peut espérer se rendre compte, sinon de l'action particulière de chacun de ces facteurs, du moins de leur effet d'ensemble : l'étude de la répartition de la propriété et des exploitations à la fin de l'ancien régime doit être complétée par une semblable recherche pour l'époque du Consulat et de l'Empire et même pour celle de la Restauration et des premières années de Louis-Philippe, la loi du milliard ayant pu provoquer des rachats pour le compte des nobles. Les états de sections de l'an X, la première matrice cadastrale constitueraient des étapes naturelles. Puisque les recueils de documents relatifs à la vente des biens nationaux ont commencé à nous présenter le tableau de la situation foncière avant les transformations révolutionnaires, il est naturel et bien souhaitable que, dans l'avenir, ils y joignent aussi un tableau de la situation après que l'essentiel de ces transformations se trouve acquis.

La comparaison permet des remarques suggestives. Le second recueil de M. Nicolle montre qu'en 1790 la propriété noble formait 15,1% de la superficie imposable et qu'elle ne constitue plus que 8,4% dans les matrices cadastrales. Or si l'on tient compte des rachats opérés par les émigrés, on n'a vendu à leur préjudice que 1,7% de la superficie imposable, soit 11% de leur patrimoine. La noblesse a donc vendu spontanément 5,53% de la superficie imposable ou 52% de ses biens-fonds.

Dans le Nord, l'étude des documents de l'époque consulaire conduit à penser que les paysans ont gagné 12% de l'étendue du département, depuis la fin de l'ancien régime, et la bourgeoisie roturière à peu près autant, tandis que la noblesse a perdu 8%. Mais, des 81 paroisses qui figurent dans cette recherche, une seule représente les districts de Valenciennes et du Quesnoy, où la vente des biens nationaux a été très favorable aux paysans, en sorte que, dans l'ensemble, leur gain a dû dépasser 12%. Tels qu'ils sont, ces pourcentages montrent cependant que la bourgeoisie nouvelle, roturiers et nobles réunis, n'a gagné que 4% c'est-à-dire trois fois moins que les paysans : or, d'après la répartition des biens nationaux, son profit devrait être de moitié ; la récupération des triages et des biens communaux réputés usurpés, le partage de ces biens, les ventes particulières auraient, donc considérablement accru les acquisitions des ruraux.

 

IX

 

Mais en admettant que les paysans aient ainsi retiré de la vente des biens nationaux et, plus généralement, des circonstances révolutionnaires, un profit beaucoup plus important qu'on ne tendait à l'admettre depuis une vingtaine d'années, en faut-il conclure que la révolution a mis fin à la crise agraire et qu'elle a comblé les vœux des paysans ? En aucune façon.

Dans l'ensemble, l'étude des documents de l'époque consulaire montre que, dans le Nord, le nombre des propriétaires s'était accru de 35%. Bien que les très petits propriétaires (moins d'un hect.) se fussent multipliés, ils formaient cependant assez souvent une proportion un peu moindre du total : à cette date, c'est le nombre des propriétaires de 1 à 5 hectares qui, relativement, manifeste l'augmentation la plus forte ; les propriétaires de plus de 5 hectares ne sont pas beaucoup plus nombreux, mais ils possèdent beaucoup plus de terre. Quand on étudie la répartition des exploitations, les très petits reprennent l'avantage ; les petits exploitants (1 à 5 h.) viennent ensuite ; l'exploitation moyenne (5 à 10) s'est accrue aussi ; au-dessus, le mouvement est moins net. Le fermage pur a sensiblement diminué. Le résultat d'ensemble est évident : la bourgeoisie paysanne s'est sensiblement accrue en nombre et en forces ; elle est plus homogène, les très grands fermiers ayant perdu du terrain au profit des propriétaires et des exploitants de catégorie un peu inférieure ; d'autre part, la dissociation de la masse rurale a fait de grands progrès : un nombre considérable de paysans, devenus propriétaires ou petits exploitants, sont sortis du prolétariat proprement dit. Mais ce prolétariat n'a point disparu, tant s'en faut, et, d'autre part, ces nouveaux propriétaires, ces petits exploitants n'ont pas acquis assez de terre pour vivre. Aussi la physionomie des diverses régions s'est conservée : dans le Sud du département, qui a été témoin d'une véritable révolution agraire, la démocratie rurale a achevé de se constituer et le nombre des simples manouvriers a diminué : à côté de la bourgeoisie paysanne vit un peuple innombrable de petits exploitants ; mais ils continuent à tirer surtout leurs moyens d'existence de l'industrie rurale ; en Flandre, la bourgeoisie paysanne reste composée en majorité de fermiers et les prolétaires, privés de terre, demeurent très nombreux.

Or, peu de régions ont vu vendre autant de biens nationaux que le département du Nord ; plus rares encore sont les pays où les ruraux ont pu, comme dans le Cambrésis, se réserver leur part au moyen d'une intervention collective et parfois violente ; dans toutes les contrées, la part de la conservation a dû être bien plus considérable encore. La révolution, si importante que soit son œuvre, n'a donc pas rompu la continuité historique ; si la grande propriété a été atteinte par le morcellement de nombreuses fermes ecclésiastiques, elle n'a pas disparu ; la noblesse a conservé une part notable de ses domaines et sa richesse foncière a été restreinte, en certaines régions, moins par les ventes nationales que par les aliénations volontaires ; la grande propriété bourgeoise, définitivement constituée, a compensé, et au delà, les pertes subies par la noblesse. Et d'autre part, le nombre des journaliers sans propriété est demeuré important ou n'a pas diminué beaucoup. La crise agraire a été plus ou moins atténuée ; mais elle n'a pas été résolue.

Quelles ont été à cet égard les réflexions des paysans ? On admet toujours implicitement que la politique agraire des assemblées révolutionnaires les a pleinement satisfaits. Ou bien, on assure que les lois montagnardes ont laissé les prolétaires indifférents et que, par conséquent, ils ne demandaient rien. Plus d'un indice prouve qu'il n'en alla point ainsi. Malheureusement les papiers de l'administration de l'Extraordinaire ont disparu avec les archives du ministère des finances et les pétitions relatives à l'aliénation des biens nationaux n'existent plus. Mais les archives locales en gardent quelques traces et, à cet égard encore, leur exploration serait de grand prix. Que la révolution n'ait pas entrepris de donner satisfaction aux paysans par des procédés analogues à ceux qu'on emploie de nos jours dans les états de l'Europe centrale et orientale, on se l'explique ; comme on l'a montré précédemment, le régime agraire de la France en est particulièrement la cause. Mais ce fut un des motifs, essentiels de son échec dans les campagnes[47].

 

FIN DE L'ARTICLE

 

 

 



[1] LEGEAY, Doc. hist.sur la vente des biens nx. dans le dép. de la Sarthe (3 vol.in-12, 1885-6) ; Doc. hist. sur la vente du mobilier des églises de la Sarthe pendant la Rév. (in-12, 1888) ; Vente des biens nx. du canton de Mayet (Sarthe) et de quelques établissements religieux du Mans (1883). — ROUVIÈRE, L'aliénation des biens nx. dans le Gard (1900). Ces publications reproduisent les actes de vente : elles paraissent avoir servi de modèles aux entreprises ultérieures jusqu'à celles de MM. Porée et Nicolle et sont difficilement utilisables quand on veut en tirer des données numériques. Cependant Spilioti a essayé de le faire pour la Sarthe (La question de la vente des biens nx. dans la Revue de l'Université de Kiev, 1897 ; en russe) ; Loutchisky a reproduit ses conclusions dans l'ouvrage paru en 1913 et mentionné ci-dessous. Les travaux de Minzes et de Loutchisky sont des études historiques et non des publications de textes (MINZES : Beitrag zur Geschichte der National güterveräusserung im Laufe der französischen Revolution mit besonderer Berücksichchtigung des Departement Seine-et-Oise, 1892 ; LOUTCHISKY, De la petite propriété en France avant la révolution et de la vente des biens nationaux, Revue historique, 1895, t. LIX, et même titre, in-12, 1897).

[2] Dans La Législation civile de la Révolution (thèse, 1899) et dans un article de la Revue d'Histoire moderne et contemporaine (La vente des biens nx., 1906, t. 7).

[3] 1901 ; nouvelle édition, revue par M. MATHIEZ, en 1922.

[4] On mentionne ici les études parues au début du siècle : ANGLADE, De la sécularisation des biens du clergé sous la Révolution (1901 : a fait des sondages dans plusieurs départements) ; LECARPENTIER, La propriété foncière du clergé et la vente des biens nationaux d'origine ecclésiastique dans la Seine-Inférieure et spécialement dans le district de Caudebec (Revue Historique, 1901, t. LXXVII) ; MARION, La vente des biens nat. dans le district de Libourne (Revue philomathique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 1902) ; MEYNIER, Les ventes nat. dans le d. d'Ornans (Annales franc-comtoises, 1903 ; sans noms d'acquéreur) ; GOUGUENHEIM, Essai sur la vente des biens nat. (1904) ; LEMONNIER, La prop. fonc. du clergé et les biens nat. en Charente-Inf. (R. des Q. hist., 1906, t. LXXIX, et R. de Saintonge, 1906) ; BONNEFOY, La vente des biens nat. dans le Puy-de-Dôme (Revue d'Auvergne, 1906, t. XXIII ; l'auteur avait mis sur fiches les actes de ventes, mais n'a pas eu le temps de les publier ni de les mettre réellement en œuvre ; ses fiches sont conservées aux archives départementales du Puy-de-Dôme) ; TANGUY, L'émigration dans l'Ille-et-Vilaine et la vente des biens nat. de seconde origine (Annales de Bretagne, 1905) ; FOROT, L'aliénation des biens du clergé à Tulle (1905) ; ROQUET, La vente des b. n. dans le canton de Pont vallain, district de la Flèche (Bull. de la C. d'hist. éc. de la R. de la Sarthe, 1906 ; c'est une publication des inventaires) ; VILLEPELET, Les biens eccl. dans le d. de Périgueux (Bull, de la Soc. hist. et arch. du Périgord, 1906 ; reproduit simplement la soumission de la municipalité de Périgueux). On trouve aussi des renseignements partiels dans mainte, histoire locale. Jaurès a reproduit en partie ceux qu'a donnés GUILLEMAUT dans son Histoire de la révol. dans le Louhannais (t. I, 1899) ; PORTAL a traité la question dans son Histoire de Cordes (1902) ; LAFONT aussi dans son livre : Le Valromey (1906).

[5] MARION, La vente des biens nationaux (1908) ; LECARPENTIER, La vente des biens nationaux ecclésiastiques (1908) ; VIALAY, La vente des b. n. (1908).

[6] Par exemple, M. L. a noté que, dans le district d'Avesnes, on avait procédé à 2.350 ventes ; il attribue à chaque contrat une superficie moyenne de 5 hectares et adopte une superficie totale de 11.500 hectares de biens ecclésiastiques. En réalité, j'ai trouvé 2.830 contrats jusqu'en l'an IV pour les seuls biens de première origine. Le coefficient 5 est beaucoup trop élevé : on a vendu au total (jusqu'à la fin de l'opération) 8.195 hectares seulement : or M. L. n'a pas compté les actes de vente postérieurs à brumaire an IV. Mais, d'un autre côté, il n'a pas tenu compte des forêts que l'État a conservées et qui ont porté l'étendue de 8.195 à 11.020 H. Grâce à cette particularité, son estimation s'est trouvée à peu près exacte, mais elle ne se reproduit pas partout. Malgré cela, son pourcentage (16,43%) est inexact : le clergé n'avait que 11,90% du district et la partie vendue représente 8,84% (G. LEFEBVRE, Les Paysans du Nord pendant la rév., 1924).

[7] Essai sur la répartition sociale des biens eccl. nationalisés dans le dép. du Rhône (Th. de droit, 1906) ; La vente des biens nat. dans le district de Chambéry (Ann. révol., 1911 et 1912 ; à part, 1912). M. V. a publié nombre d'études sur des points particuliers, relatifs à la vente dans la Savoie et l'Isère (La vente des b. n. dans l'I. en l'an IV) dans les Annales révolutionnaires de 1912 à 1923.

[8] La liquidation des biens du clergé sous la Rév. dans le d. d'Is-sur-Tille (Thèse droit, 1911).

[9] La propriété foncière du clergé et la vente des biens eccl. dans le d. de Saint-Lô (Th. droit, 1920).

[10] La propriété eccl. dans le Morbihan pendant la période révol. (Revue Morbihannaise, 1905 et 1906).

[11] La transmission de la propriété dans l'Allier sous la révol. franc. (1911-1913).

[12] Les actes de vente n'ont même pas toujours été reproduits intégralement. Voyez par exemple, le recueil relatif à la Gironde, I, 644, n° 9 : après avoir donné le nom d'un acquéreur, on ajoute : etc. (10 acquéreurs) ; il est difficile de croire que l'acte ne donne pas le nom des neuf autres !

[13] M. Moulins a étudié par ailleurs la vente à Salon (La pp. foncière et la venté des b. n. à Salon, Annales de la Soc. d'études provençales, 1906) ; M. Rébillon en a fait autant pour l'ancienne commune de Fougerai (Annales de Bretagne, 1909) ; M. Guillou pour Rennes (Ibid., 1910) ; M. Schwab a publié une étude sur les Vosges dans la Révolution dans les Vosges (1911-12). M. Gain a repris la question pour les biens de seconde origine d'après les états dressés en vertu de la loi de 1825 dans les Vosges (Ibid., 1925-6).

[14] On signale ici un certain nombre d'études d'ordre général et de travaux locaux : DÉPREZ, Les opérations de la vente des b. n. (R. hist., 1907) ; BOURNISIEN, La vente des biens n. (Ibid., 1908-9) ; Conséquences économiques et sociales de la vente des b. n. (R. des Q. H., 1910) ; G. BOURGIN, Une révolution sociale à la fin du XVIIIe siècle : la vente des b. n. (R. socialiste, 1909) ; SCHMIDT, La question du prix réel des b. n. (Bull. de la C. d'Hist. écon. de la Rév., 1907) ; BOUTILLIER DU RETAIL, Les privilégiés et les achats de b. n. dans le dép. de l'Aube (Révolution fr., 1909 ; nombreux exemples) ; HENRIOT, Lettres de J.-S. Le Paige, député des Vosges, au Conseil des Anciens (1909 ; important) ; GABORY, Les royalistes et les b. n. en Vendée (Rév. fr., 1909) ; GRÉGOIRE, Les biens eccl. dans la Loire-Inf. (R. de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, 1909-10 ; indications générales et tableaux pour les prix de vente) ; ROQUET, Les b. n. dans la Sarthe (Révol. dans la Sarthe, 1910 ; exemple d'acquisition frauduleuse) ; MAURY, La vente des b. n. et la société dite de Jésus à Bar-sur-Aube (Bull. du Comité des Tr. Hist., Sc. écon. et soc., 1910 ; il s'agit d'une dénonciation contre une société qui aurait cherché à entraver les ventes) ; VIVIER, Les b. n. eccl. du district de Saint-Palais (A. hist. et arch. du Béarn, 1911 ; dépouillement d'un livre journal d'un secrétaire de district qui y inscrivit des déclarations de fermiers et des versements d'acquéreurs) ; PRADEL DE LAMASE, Le pillage des biens n. ; une famille fr. sous la révol. (1912) ; GIRAUD, Levées d'hommes et acheteurs de biens n. dans la Sarthe en 1793 (Thèse, 1920 ; intéressant) ; SURVILLE, Le comte de Redern (1909) ; LEROUX-CESBRON, Un Allemand propriétaire en France pendant la Rév. (R. des Etudes hist., 1922 ; Redern, chargé d'affaires de Prusse a été l'associé de Saint-Simon dans ses spéculations sur les biens nationaux ; Cf. G. LEFEBVRE, Les Paysans du Nord, p. 436).

[15] Quelques remarques sur la vente des biens nationaux (1913).

[16] M. MARTIN (Doc. relatifs à la vente des b. n. dans le d. de Toulouse, p. XLIX) remarque que Loutchisky, p. 110, attribue aux paysans un pourcentage de 67,3 et aux bourgeois 32,7 seulement, alors que le dénombrement des superficies lui a donné pour les bourgeois 10240 hectares ou 86%. Mais en réalité le tableau donné, à la page 120, par Loutchisky porte sur le nombre des achats et non sur leur superficie comme on le voit par sa réflexion de la page 124 (jusqu'ici nous n'avons envisagé que le nombre des achats...). Au contraire, l'indication relative aux superficies qu'il donne, pages 88-9, d'après un sondage à en juger par l'étendue totale qu'il mentionne, lui fournit un pourcentage de 84,8 pour les bourgeois, ce qui concorde raisonnablement avec celui de M. Martin. C'est un bon exemple du préjudice que Loutchisky s'est attiré par son insuffisante précision et sa négligence. Dans le district de Revel, il a trouvé pour les bourgeois 60, 64% et M. Thouroude, 76,23 : mais la différence peut venir de la manière dont ils ont comblé les lacunes des documents (Voyez la note 4). En Artois, Laude a trouvé pour la noblesse une proportion de 32%, pour le clergé à peu près 20% ; Loutchisky donne 29 et 22.

[17] Die Nationalgüter-Verkaüfe im Distrikt Strassburg (1904).

[18] La répartition de la propriété en 1789 et la vente des biens nationaux de première origine dans le d. de Bar-sur-Meuse (Annales de l'Est et du Nord, 1908 ; c'est un mémoire de diplôme d'études supérieures.) Il y avait, paraît-il, 16.323 Hect. de biens eccl. ; 6.338 n'étaient pas encore aliénés en brumaire an IV et leur sort demeure inconnu.

[19] De la vente des biens n. particulièrement dans le district de Revel (Thèse droit, 1912). Beaucoup d'actes ne donnant la superficie vendue, l'auteur leur en a attribuée une d'après le prix moyen qui résulte des autres ; cette hypothèse lui a donné 397 hectares qui entrent dans un total de 1317. Comme beaucoup de professions manquent aussi, il a compté comme bourgeois les acquéreurs de plus de 20 hectares, dont le caractère n'était pas spécifié mais qui résidaient dans le district, et ceux de plus de 10 qui résidaient hors du district, sans que leur profession fut indiquée. M. Th. n'a pas fait de recherches dans les documents auxiliaires ; il n'a pas touché à ceux de l'enregistrement. Mais son travail est d'un niveau bien supérieur à celui de la plupart des thèses de droit qui touchent aux questions historiques.

[20] La vente des biens n. dans le dép. des Côtes du Nord (1912).

[21] Les recueils de MM. Martin et Porée ont été publiés par la Commission d'histoire économique de la révolution ; ceux de M. Nicolle par le Comité du Calvados (le premier est une thèse de doctorat ès-lettres).

[22] M. M. ne reproduit pas toujours intégralement les actes de vente : voyez par exemple dans le recueil relatif au district de Toulouse, p. 320, n° 14-114 : 305 arpents à la commune : 100 acquéreurs non dénommés ; dans celui de Saint-Gaudens : p. XIX : les biens du séminaire de Comminges ont été transmis à 80 cessionnaires : ils ne sont pas indiqués page 423 ; p. 312, vente à Ibos et autres propriétaires et cultivateurs ; p. 363 : 100 acquéreurs non dénommés. Il est donc impossible d'utiliser ces recueils pour dresser une statistique. M. M. donne quelques indications sur les cessions, mais elles sont fragmentaires : les documents de l'Enregistrement n'ont pas été utilisés ; rien non plus sur les rachats des émigrés ; pas de pièces annexes bien que, par l'exemple de la p. XXIX du d. de Toulouse, on constate qu'il doit y en avoir de fort curieuses ; les achats collectifs du d. de Saint-Gaudens qui ont été nombreux ne sont pas étudiés ; les occupeurs ne sont jamais indiqués ; les folles enchères non plus ; pas davantage les soumissionnaires et enchérisseurs ; les noms des acquéreurs figurent à l'index, comme dans les recueils précédents, mais cela ne constitue pas une véritable table des acquéreurs : ils doivent y être identifiés complètement et l'ensemble de leurs achats doit y être répertorié. L'étude des prix et des paiements procède par échantillons.

[23] Malheureusement ces indications ne permettent pas de calculer les pourcentages de manière sûre. Les commerçants, par exemple, sont groupés sans que nous puissions distinguer ceux des villes de ceux des campagnes. Il y avait à Toulouse des pépiniéristes et, dans la banlieue, des ouvriers agricoles ou des cultivateurs dont on ne sait trop où ils ont été classés ; l'inconvénient est encore plus sensible pour le district de Saint-Gaudens où il y avait peu de villes proprement dites. Pour le district de Toulouse, on voit p. XLVII que M. M. groupe d'une part, les bourgeois au sens moderne du mot, et de l'autre les petites classes urbaines et rurales, tandis que, p. XLIX, il opposé les habitants de Toulouse (qui doivent comprendre des ruraux) à ceux du reste du district. Pour le district dé Saint-Gaudens, il n'a pas même, fait de tentative semblable et il est impossible de calculer un pourcentage pour les bourgeois et les paysans, ce qui est d'autant plus fâcheux que ces derniers y ont probablement emporté la majorité des achats. La classification prête en outre à des objections évidentes : on constate qu'il a placé les maires de villages parmi les fonctionnaires. Fonctionnaires, soit ; mais c'étaient des paysans dans la plupart des cas.

[24] Quelques indications, puisées dans le volume lui-même, montrent combien la recherche des cessions est essentielle. Il y a deux émigrés parmi les acquéreurs. Mais Abbat, marchand, a revendu au tuteur des enfants des condamnés Bourbonne les biens confisqués qu'il avait acquis (II, 409) : cependant Abbat est porté acquéreur à la table (II, 442-3) ; Macé, jardinier, se désiste de son acquisition, son mandataire y ayant renoncé (I, 368) ; cependant Macé figure également à la table: si son mandataire n'a pas changé d'avis (et, alors, quel est-il ?), il est évident que Macé a dû trouver un cessionnaire.

[25] 2 vol. gr. in-8° ont paru en 1920 : ils concernent neuf arrondissements sur 12 ; toute la rive gauche manque.

[26] Il convient d'ajouter encore que, peu à peu, les archivistes départementaux classent la série Q. Le répertoire de la Drôme, préparé par MM. de Font-Réaulx et Madéran a paru en 1926.

[27] On annonce que M. Delaby, élève de M. Mathiez à la Faculté de Dijon, publiera prochainement son mémoire de diplôme d'études supérieures sur la vente des biens nationaux dans le district de Dijon.

[28] Voyez par exemple sur ce point les curieuses réflexions d'une aristocrate sur l'achat qu'elle a fait, dans le premier recueil de M. Nicolle, p. XXIX. Quant au fameux exemple de Marie-Antoinette conseillant à Fersen d'acheter des biens du clergé, le doute demeure permis : il est bien surprenant qu'en juin et juillet 1792, la reine eût de pareilles préoccupations et on peut bien soupçonner qu'il s'agit d'un langage convenu.

[29] Dans le Toulousain, le taux de capitalisation adopté aurait correspondu à la réalité.

[30] Premier recueil de M. Nicolle. Le second donne une proportion moins défavorable : 376.252 livres de paiements réels pour une estimation de 6.37.206 livres.

[31] D'après les calculs que Spilioti a opérés sur les données de Lejeay et qui sont reproduits dans Loutchisky (1913).

[32] Sur les achats collectifs, voir LOUTCHISKY (notamment son ouvrage de 1897, pour le Laonnais) ; G. LEFEBVRE, Les Paysans du Nord, pour le Cambrésis et le Hainaut ; et les très intéressants renseignements recueillis dans les archives notariales, par M. HUBERT, sur le canton de Lassigny (district de Noyon) (Bulletin du Comité des Travaux hist. ; Sc. écon. et soc., 1914).

[33] Dans le premier recueil de M. Nicolle qui concerne Vire et, les communes immédiatement voisines, la part des paysans est de 16,32% ; dans le second qui concerne les autres communes du canton et celles du canton de Pontfarcy, elle est de 56,2%.

[34] Voir ci-dessus les observations sur les recueils de M. Martin.

[35] Le premier recueil de M. Nicolle donne aux paysans 16,32%, le second : 56,2%. On donne ici le résultat d'un calcul sur l'ensemble.

[36] Évaluation de M. Schwab.

[37] Le calcul de M. Porée donne 31,27%. Mais il a rangé parmi les bourgeois 132 boutiquiers qui ont acheté 6,55% des biens vendus et dont beaucoup, dit-il, sont des ruraux ; en outre 151 artisans ont acheté 3,24.% et sont, pour une part au moins, des paysans ; enfin, M. Porée peine à croire que 48 indéterminés (3,99% des ventes) sont aussi des villageois. La part des paysans doit être de 40 à 45%.

[38] Part des paysans d'après Loutchisky :

Aisne (district de Laon) biens ecclésiastiques de 1793 à l'an IV : 79,1. — biens d'émigrés de 1793 à l'an IV : 49,17. — Ensemble (calcul opéré d'après les superficies indiquées L.) : 57,12%.

Bouches-du-Rhône (district de Tarascon) : 45,7.

Côte d'Or : district de Châtillon : 72,8. — district d'Is-sur-Tille : 68,3. — district de Saint-Jean-de-Losne : 56,1. — district de Semur : 59,5.

Haute-Garonne : district de Toulouse : 15,2.

Nièvre : district de Cosne : L. donne deux nombres 51,2 et 61,9. — district de Corbigny : 62,7.

Pas-de-Calais ; district de Saint-Omer : 19, 28.

[39] D'après Loutchisky (1913), pp. 80-85.

Fresnay-s.-Sarthe : biens ecclésiastiques jusqu'en 1793, 55,4% ; 1793-an IV 16,3% ; biens d'émigrés 44,3%.

Mamers : 31,4% ; 31,2% ; 45,4%.

Saint-Calais: 33,6% ; 54,9% ; 50,2 %.

La Ferté Bernard : biens de première origine, 70% ; biens d'émigrés 65%.

[40] M. Nicolle ne donne pas de statistique d'ensemble, après cessions : il est évident qu'elle prête à l'arbitraire puisqu'il faut choisir une date au delà de laquelle les mutations n'ont pas laissé de continuer. Pour le Nord, c'est la fin de l'Empire les documents de l'enregistrement n'allant pas au delà. J'ai pu faire le calcul pour cinq des communes du premier recueil de M. Nicolle : d'après les ventes nationales, la part des paysans était de 11% ; d'après les cessions indiquées, elle est de 19%, La différence doit être également considérable pour les communes du second recueil.

[41] Calcul opéré pour l'ensemble des deux recueils de M. Nicolle. Dans le premier les paysans passent de 16,32 à 21,54 ; dans le second, de 56,2 à 70,65.

[42] Voici le tableau pour le département du Nord :

Biens d'ém. n. :

(1) Rachetés par les anciens propriétaires : 6.928h80a87c.

»

(2) Achetés par des bourgeois : 13.209h91a09c.

»

(3) Achetés par des paysans : 9.919h95a93c.

Biens d'ém. b. :

(4) Rachetés par les anciens propriétaires : 1.188h23a62e.

»

(5) Achetés par des bourgeois : 1.852h43a54c.

»

(6) Achetés par des paysans : 1.370h19a90c.

Biens d'ém. p. :

(7) Rachetés par les anciens propriétaires : 368h18a46c.

»

(8) Achetés par des bourgeois : 110h84a33c.

»

(9) Achetés par des paysans : 240h24a10c.

Après cessions, la part des bourgeois étant de 68.434h21a16e et celle des paysans de 68.703h83a06c, la déduction des rachats (1 et 4), ramène la première à 60.317h, 16a67c et la seconde (7) à 68.335h64a60c.

Le gain réel des bourgeois se calcule en en déduisant les articles 5 et 6, le 5e n'étant pas un gain pour cette catégorie sociale et le 6° constituant une perte : 57.094h53a23c ; celui des paysans, en déduisant les articles 8 et 9 : 67.984h57a17c.

[43] Le gain réel de la bourgeoisie post-révolutionnaire se calcule, d'après le tableau précédent, en déduisant, de 57.094h53a23c, les articles 2 et 3, l'article 2 n'étant pas un gain et l'article 3 étant une perte.

[44] D'après Loutchisky, à Mons-en-Laonnais, de 21 acquéreurs, 10 sont de nouveaux propriétaires ; à Clary, de 7 : 4 ; à Parfondeval, de 32 : 7 ; au total de 60 : 21.

[45] Dans le Nord, on a découvert 800 hectares ayant fait l'objet d'un paiement. Il faut observer toutefois que dans lés documents fonciers de l'Ancien régime, les domaines engagés sont, la plupart du temps, portés comme propriétés ordinaires; quand on fait la comparaison avec les documents du XIXe siècle, il se peut donc qu'aucune part ne doive être attribuée à la loi de l'an VII dans les différences constatées.

[46] G. BOURGIN, Le partage des biens communaux ; documents sur la préparation de la loi du 10 juin 1793, 1908 (publication de la Commission d'Hist. écon.).

[47] La crise agraire posait d'autres questions que la division de la propriété, par exemple celle des grandes exploitations et le régime du métayage. On compte examiner prochainement l'ensemble du problème dans une étude sur la question agraire en l'an II.