HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME TROISIÈME

 

CHAPITRE LIII. — L’ambassade de Saint-Simon (Septembre 1721 - mars 1723).

 

 

Saint-Simon demande l’ambassade extraordinaire. — Il se ménage l’appui de Dubois. — Les préparatifs. — Instruction. — Mission du duc d’Ossone. — Saint-Simon à Madrid. — Le Roi. — L’infante. — Le contrat. — L’audience solennelle. — Audience de la Reine. — Signature du contrat. Le voyage de Mlle de Montpensier. — Voyage de l’Infante. — L’échange. — Le prince des Asturies. — La rencontre. — Santé et destinées de la princesse des Asturies. —Saint-Simon ruiné. — Maulévrier reste à son poste. — Voyage de l’infante. — Bordeaux. — Chartres. — Orléans. — Berny. — Bourg-la-Reine. — Aspect de Paris. — Le cortège et les fêtes.

 

Saint-Simon demande l’ambassade extraordinaire

Au premier mot du mariage du Roi et de la venue de l’infante d’Espagne, le duc de Saint-Simon songea à l’occasion que lui offrait la confidence du Régent de faire la fortune de son second fils. Après avoir exposé un plan d’éducation, désigné une gouvernante et une résidence, improvisé et brillé tout à son aise, le duc d’Orléans lui dit qu’il avait raison mais qu’on ne pouvait adopter ses vues, la place de gouvernante ne se pouvant ôter à la duchesse de Ventadour qui n’était pas femme à s’enfermer au Val-de-Grâce. Saint-Simon contesta un peu et dit au prince « que, puisque les choses en étaient nécessairement à ce point, il devenait instant d’envoyer faire la demande solennelle de l’infante et en signer le contrat de mariage, qu’il y fallait un seigneur de marque et titré, et que je le suppliais de me donner cette ambassade avec sa protection et sa recommandation auprès du roi d’Espagne pour faire grand d’Espagne le marquis de Ruffec» ; et sans lui donner un instant il récapitula tout ce que le Régent avait fait pour d’autres et n’avait pas fait pour lui : et La Feuillade, et Noailles, et Brancas, et Ne vers ! Le prince « eut peine à le laisser achever », accorda tout et tout de suite. Ce qu’il assaisonna de beaucoup d’amitié avec la demande d’un secret sans réserve et la recommandation de ne faire aucun préparatif, voulant se donner le temps « de tourner son Dubois et de lui en faire avaler la pilule[1] ».

 

Il se ménage l’appui de Dubois

Dubois avait son candidat, assez singulièrement choisi le maréchal de Berwick, qui avait commandé l’armée en 1719 et qui le ministre voulait ménager l’occasion de regagner la faveur de Philippe V ; « malheureusement, écrit-il au maréchal, je fus prévenu de quelques heures par M. le duc de Saint-Simon, qui tira de S. A. R. un engagement si positif qu’il n’y eut plus moyen de le rompre[2]. » Toutefois Saint-Simon savait que le Régent était « tenu de trop court[3] » par Dubois, pour ne pas ménager ce ministre. Comme la brouille avait, entre eux, succédé à l’amitié, il chargea M. de Belle-Isle d’offrir ses excuses au cardinal avec la demande de l’ambassade extraordinaire à Madrid. Vingt années plus tard, la scène était retournée et c’était, à l’en croire, Dubois qui envoyait Belle-Isle à Saint-Simon « pour ployer sa roideur et lui offrir la paix. » Belle-Isle remplit sa mission le 5 ou le 6 septembre et, le 8, Dubois répondit aux avances très humbles de Saint-Simon : « J’avais deviné, monsieur, ce que vous désiriez de mes soins, et j’ai débuté par là ce matin avec les sentiments que pouvait m’inspirer l’ancienne amitié dont vous m’avez autrefois honoré, qui surnagera toujours dans les plus mauvais temps aux vagues les plus orageuses... J’aurai l’honneur de vous voir au jour et à l'heure qu’il vous plaira de me marquer pour concerter avec vous toutes les mesures qu’il y a à prendre[4]. » Entre ces deux adversaires, aussi vindicatifs l’un que l’autre, commença une joute impitoyable. Dubois savait ce que pèse l’indépendance d’un grand seigneur ruiné devant l’omnipotence d’un ministre, il complota la ruine de Saint-Simon afin de le tenir à sa discrétion, et celui-ci le comprit, mais trop fard ; il s’en vengea, sachant ce que pèse la réputation d’un ministre vilipendé persévéramment par un écrivain.

 

Les préparatifs

Ce ne furent d’abord de la part de Dubois que profusions d’ami- préparatifs d’attachement et tous les artifices en usage afin d’éviter d’entrer en matière et de rien discuter avec lui. Lorsque la date du départ approcha, le ministre changea de ton, prêcha la plus extrême magnificence et entra dans les plus minces détails, se récriant sur l’excès de simplicité, augmentant le train d’un tiers. Saint-Simon se débattit, rappela l’état pitoyable des finances, le déchet prodigieux du change et obtint pour réponse que cela devait être ainsi pour la dignité du Roi, et que c’était à S.M. de porter toute la dépense ». Le Régent, persuadé par le cardinal, tint le même langage ; alors il fallut que Saint-Simon détaillât, le nombre et la broderie de ses habits, qu’il énumérât ce qui regardait la table et l’écurie et le cardinal augmenta tout du double. « Il fallut céder, quoique je sentisse bien qu’une fois embarqué, ils ménageraient la bourse du Roi aux dépens de la mienne[5]. » L’ambassade fut déclarée le 23 septembre et Saint-Simon partit en poste le 23 octobre. Ce mois, si on le pouvait raconter dans sa minutie serait pareil à une comédie entrecoupée d’accès de rage, de fines perfidies et de harangues enflammées.

Dubois montrait alors autant d’empressement qu’il avait marqué de nonchalance. Il envoya presser les ouvriers, voulut voir un habit de chaque sorte de domestiques, livrées et autres, y ajouta des galons ; même il se fit montrer tous les habits faits pour l’ambassadeur et ses deux fils. Enfin l’impatience devint telle qu’il fit transporter tout ce qui pût l’être sur des haquets du poste jusqu’à Bayonne. Il voulut encore connaître, la suite, la trouva bien choisie mais trop peu nombreuse et envoya dire qu’il fallait emmener une quarantaine d’officiers. Saint-Simon se récria, parla de folie de dépenses, fit entendre que cette belle jeunesse, galante, indiscrète et française, lui susciterait par ses aventures plus d’affaires que toutes celles de l’ambassade. Finalement, on composa et l’ambassadeur n’emmena que vingt-neuf officiers. Entre temps Saint-Simon écrivait, interrogeait, se bourrait de renseignements, consultait Berwick, Amelot, Saint-Aignan, Louville. Ce dernier qui avait la prétention justifiée de connaître à fond l’Espagne traçait un véritable itinéraire et une règle de conduite. M. de Saint-Simon ira ici, il ira là, il fera ceci, et puis cela. « Il verra le tombeau de la bienheureuse Marie d’Agréda qu’il verra bien dévotement et empêchera, s’il le peut, M. l’abbé de Saint-Simon de faire l’agréable ni de faire parade de son jansénisme. S’il ne suit pas mes conseils, il pourrait bien ne pas revenir entier en France[6]. » Saint-Simon dressa une sorte de questionnaire « sur des bagatelles qui pouvaient échapper, disait-il, à l’instruction attendue de Son Éminence ». Dubois répondit et Saint-Simon l’en remercia sur ce ton : « Toute mon habileté ne peut être infusée que de la vôtre qui est féconde en miracles. Une grande exactitude à vos ordres fera toute ma conduite et une grande et pleine confiance en vous toute ma sûreté. Je désire extrêmement vous avoir pu plaire tantôt. Je conjure Votre Eminence d’être bien persuadée que c’est le cœur qui parle et qui lui est entièrement attaché[7]. » Ce fut dans ces sentiments qu’il lut une longue instruction qui lui fut remise au moment du départ[8].

 

Instructions

Elle lui prescrivait de hâter le plus possible son voyage, réglait par avance certaines questions de cérémonial et d’étiquette, exigeant, par exemple, que Mlle de Montpensier fut traitée comme une fille de France, marquait tout ce qui avait été fait et bien fait par Maulévrier, donnait enfin un aperçu de la situation politique résultant des traités d’alliance signés auparavant entre la France, l’Angleterre et l’Espagne. L’ambassadeur extraordinaire ne devait entretenir aucune relation avec les Bretons réfugiés, ni avec les partisans de Jacques Stuart, mais ne devait témoigner aucune hostilité aux amis de la princesse des Ursins ou du prince de Cellamare.

 

Mission du duc d'Ossone

Enfin, Saint-Simon partit en poste le 23 octobre avec ses fils, le comte de Lorges, l’abbé et le major de Saint-Simon, fut rejoint à Blaye par l’abbé de Mathan, à Bayonne par M. de Céreste. En chemin, au-delà de Poitiers, il rencontra le duc d’Os- sone, grand seigneur espagnol qui remplissait la fonction d’ambassadeur extraordinaire du roi d’Espagne, et arriva à Paris le 29 octobre[9]. Celui-ci fut, par une attention presque unique, logé et défrayé avec sa suite à l’hôtel des Ambassadeurs extraordinaires. On se hâta de faire faire à la future épousée sa première communion et, le 13, le duc d’Ossone fut conduit à l’audience publique de Louis XV qu’il complimenta sur son mariage et à qui il adressa la demande pour Mlle de Montpensier. Le 15, dans l'après-dinée, eut lieu la signature du contrat. Le duc d’Ossone, conduit par le prince d’Elbeuf et le chevalier de Sainctot, introducteur des ambassadeurs, dans un carrosse du Roi, et don Patricio Laulès, conduit par le prince Charles de Lorraine, grand écuyer de France et par M. de Rémond, autre introducteur des ambassadeurs, furent reçus aux Tuileries avec tous les honneurs accoutumes et la plus grande magnificence. Ils trouvèrent le Roi dans un grand cabinet, debout sous un dais, ayant un fauteuil derrière lui et découvert, une table et une écritoire devant lui. La duchesse d’Orléans avait prié la vieille Madame d’accompagner Mlle de Montpensier. Le Régent faisait face à sa mère aux deux bouts de la table et le cardinal Dubois un peu en arrière du Régent. Les princes et princesses du sang en demi-cercle ainsi que le comte de Toulouse, les grands officiers et les principaux seigneurs. Le duc d’Ossone et Laulès s’approchèrent, firent un court compliment et se retirèrent aux places qui leur étaient marquées, au-dessous des princes du sang et sur la même ligne. Le cardinal Dubois donna lecture du contrat qui fut signé par le Roi et par tout ce qui était là présent du sang ; puis, sur une autre colonne, par les deux ambassadeurs, sur la même table.

Le Roi alla peu après rendre visite à Mlle de Montpensier au Palais-Royal, ensuite à l’Opéra, qu’il vit pour la première fois. Après le souper aux Tuileries, Louis XV revint au Palais-Royal où il ouvrit le bal avec Mlle de Montpensier, s’attarda une heure et demie et, en se retirant, traversa huit salles remplies de masques magnifiquement parés. Bal et souper conduisirent jusqu’à six heures du matin. Le 17 vinrent, par ordre, le prévôt des Marchands et le Corps de Ville, complimenter la gamine royale dont lies caprices bizarres et la perversité précoce allaient consterner la Cour d’Espagne.

 

Saint-Simon à Madrid – Le Roi.

Pendant œ temps, Saint-Simon poursuivait son voyage. Il ne se hâtait point, heureux de savourer les encens provinciaux dont on le régalait libéralement. Philippe le fit prier de presser sa marche[10], l’ambassadeur extraordinaire n’en fit rien, prit son temps et mit un mois entier à gagner Madrid, où il arriva dans la nuit du 21 au 22 novembre. « J’espère, disait-il, que je ne ferai point de honte à l’honneur de mon emploi sur la manière de paraître ici[11]. » Dès le lendemain, conduit par Grimaldo et accompagné de Maulévrier, il fut présenté au roi d’Espagne[12]. Le premier coup d’œil m’étonna si fort, avoue-t-il, que j’eus besoin de rappeler tous mes sens pour m’en remettre. Je n’aperçus nul vestige du duc d’Anjou, qu’il me fallut chercher dans un visage fort allongé, changé, et qui disait encore beaucoup moins que lorsqu’il était parti de France. Il était fort courbé, rapetissé, le menton en avant, fort éloigné de sa poitrine, les pieds tout droits, qui se touchaient et se coupaient en marchant, quoiqu’il marchât vite et les genoux à plus d’un pied l’un de l’autre. Ce qu’il me fit l’honneur de me dire était bien dit, mais si l’un après l’autre, les paroles si traînées, l’air si niais, que j’en fus confondu. Un justaucorps, sans aucune sorte de dorure, d’une manière de bure brune, à cause de la chasse où il devait aller, ne relevait pas sa mine ni son maintien. Il portait une perruque nouée, jetée par derrière, et le cordon bleu par-dessus son justaucorps, toujours et en tout temps, et de façon qu’on ne distinguait pas de Toison d’or qu’il portait au cou avec un cordon rouge, que sa cravate et son cordon bleu cachaient presque toujours[13]. » La première audience dura un quart d’heure et se passa à demander des nouvelles, à se réjouir des mariages. Ensuite le Roi entra chez la Reine et l’ambassadeur fut appelé et entretenu une demi-heure « qui ne fut qu’un épanchement de tendresse ».

 

L'infante

Le ménage royal montra lui-même ses enfants, Ferdinand, Carlos et Philippe, enfin l’infante et « ce que j’en ai vu, écrit Saint-Simon à Louis XV, m’a paru beaucoup au-dessus de ce qu’on en a écrit ». L’enfant dansa « ce qu’elle fit avec beaucoup de grâce ». « La Reine me fit l’honneur de me dire, qu’elle commençait à apprendre assez bien le Français, et le Roy ajouta qu’elle oublierait bientôt l’Espagnol, sur quoi la Reine s’écria qu’elle souhaitait qu’elle oubliât non seulement cette langue, mais l’Espagne et eux-mêmes, pour ne s’attacher et n’aimer que Votre Majesté. » Enfin ce fut le tour du prince des Asturies qui me parut « grand et parfaitement bien fait. Il me demanda avec beaucoup d’empressement des nouvelles de V.M. et ensuite de Mlle de Montpensier et du temps de son arrivée. » L’audience solennelle fut fixée au 25 novembre pour demander et accorder l’infante et signer les articles du contrat[14].

 

Le contrat

Saint-Simon n’avait que trois jours pour tout régler, entre son arrivée et son audience solennelle. Il conféra avec Grimaldo et Maulévrier et ils s’aperçurent que le roi et la reine d’Espagne ne devaient pas signer au contrat, mais devaient confier tous leurs pouvoirs à des commissaires qui contracteraient pour eux. Philippe IV n’avait pas signé au contrat de sa fille Marie-Thérèse, et cependant les Instructions données à Saint-Simon prévoyaient la signature de Philippe V à qui on rendit compte de la difficulté, il décida qu’il signerait ainsi que la Reine[15]. Une autre difficulté fut soulevée : la coutume d’Espagne exigeait impérieusement la présence de témoins pour la validité d’un acte et notamment d’un contrat de mariage, quelle que fut la dignité des personnes contractantes. Saint-Simon déclara cette formalité « inconnue », enfin il céda aux instances de Grimaldo et de Philippe V lui-même et toléra les témoins sur un acte séparé, à condition qu’ils ne signassent pas le contrat lui-même. Philippe V eût la bonne grâce de choisir les cinq témoins dans la famille de Saint-Simon[16].

 

L’audience solennelle

L’audience publique eut lieu le 25 novembre. Saint-Simon et Maulévrier furent reçus au bas de l’escalier par le duc de Liria, le prince de Chalais et le marquis de Valouse qui rendirent leurs devoirs en qualité de Français. L’escalier était garni de hallebardiers avec leurs officiers ; les gardes faisaient la haie dans leur salle ; des grands et des gens de la première qualité attendaient dans la pièce contiguë à celle de l’audience et vinrent féliciter l’ambassadeur. Après un quart d’heure la porte de la salle d’audience s’ouvrit et les Grands y entrèrent pour recevoir le Roi. Philippe V prit place sous un dais vers le fond de la salie ; à quelque distance de lui le duc de Bournonville, grand d'Espagne, capitaines des gardes en quartier ; du même côté, presque au bout, le majordome-major du Roi ; les Grands le long des murailles ; plus près de la porte d’entrée, les gens de qualité en foule. Saint-Simon, cambré, dédaigneux, magnifique, s’avança à pas comptés dans son habit d’or rechampi, — tel un coq faisan —, fit à l’entrée une profonde révérence pour laquelle le Roi leva son chapeau et se recouvrit ; l’ambassadeur arrivé au milieu de la pièce s’inclina de nouveau, puis une troisième fois au pied du trône et le Roi se découvrit encore et se recouvrit[17].

Saint-Simon parla de l’union des deux couronnes, de la joie des deux nations, de l’union des deux familles et demanda la main de l’Infante, ensuite il remercia pour le choix du prince des Asturies et se congratula lui-même d’avoir été appelé à figurer dans cette occasion. « La joie du roi d’Espagne éclatait cependant sur son visage et sur toute sa personne[18]. Si j’avais été, écrit Saint-Simon, surpris à la première vue du roi d’Espagne à mon arrivée, et si les audiences que j’en avais eues jusqu’à celle-ci m’avaient si peu frappé, il faut dire ici avec la plus exacte et la plus littérale vérité que l’étonnement où me jetèrent ses réponses me mit presque hors de moi-même. Il répondit à chaque point de mon discours dans le même ordre, avec une dignité, une grâce, souvent une majesté, surtout un choix si étonnant d’expressions et de paroles par leur justesse et un compassement si judicieusement mesuré, que je crus entendre le feu Roi, si grand maître et si versé en ces sortes de réponses. »

« Philippe V sut joindre l’égalité des personnes avec un certain air de plus que la déférence pour le Roi son neveu, chef de sa maison, et laisser voir une tendresse innée pour ce fils d’un frère qu’il avait passionnément aimé et qu’il regrettait toujours. Il laissa étinceler un cœur français sans, cesser de se montrer en même temps le monarque des Espagnes. Il fit sentir que sa joie sortait d’une source plus pure que l’intérêt de sa couronne, je veux dire de l’intime réunion du même sang ; et à l’égard, du mariage du prince des Asturies, il sembla remonter quelques degrés de son trône, s’expliquer avec une sérieuse bonté, sentir moins l’honneur qu’il faisait à M. le duc d’Orléans en faveur du même sang, que la grâce signalée... qu’il lui faisait... Cet endroit surtout me charma par la délicatesse avec laquelle, sans rien exprimer, il laissa sentir sa supériorité tout entière, la grâce si peu méritée de l’oubli des choses passées, et le sceau si fort inespérable que sa bonté daignait y apposer. Tout fut dit avec tant d’art et de finesse, et coula toutefois si naturellement, sans s’arrêter, sans bégayer,-sans chercher, qu’il fit sentir tout ce qu’il était, tout ce qu’il pardonnait, tout en même temps à quoi il se portait, sans qu’il lui échappât un seul mot ni une seule expression qui pût blesser le moins du monde, et presque toutes au contraire obligeantes... Je regretterai à jamais de n’avoir pu écrire sur-le-champ des réponses si singulières et de n’en pouvoir donner qu’une idée si dissemblable à une si surprenante perfection[19]. »

 

Audience de la Reine

Après la présentation des officiers des troupes faisant partie de sa suite, le Roi se retira, les ambassadeurs français et l’assistance se rendirent dans l'appartement de la Reine. Foucault de Magny, un des Bretons traîtres à la France, s’y trouvait majordome de semaine et devait conduire à l’audience. Il fut remplacé et invité à ne se trouver nulle part où il pût rencontrer le duc de Saint-Simon. Les autres Bretons, coupables du même crime, se tinrent pour avertis et évitèrent partout le regard de l’ambassadeur[20].

La Reine avait le visage marqué, couturé, défiguré à l’excès par la petite vérole ; maigre, mais la gorge et les épaules belles, la taille dégagée, bien prise, parlant français avec correction, facilité et un léger accent italien ; une grâce charmante, continuelle, naturelle, sans la plus légère façon, un air de bonté, même de politesse qui n’excluait pas un air de grandeur et de majesté qui ne la quittait pas[21]. Le discours roula sur les mêmes choses qu’à l’audience du Roi. Elisabeth Farnèse se trouva embarrassée par sa propre joie, répandit cependant en bons termes toutes les banalités dont l’enchaînement prévu compose les improvisations du cérémonial des cours[22].

 

Signature du contrat

Ensuite vint l’audience du prince des Asturies, où tout se passa sans aucune cérémonie, conversation plus qu’audience ; de là on passa chez l’infante. Grimaldo avait promis qu’elle dormirait, — Elle dormait ![23] A quatre heures de l’après-dînée, Saint-Simon et Maulévrier revinrent au palais avec la même pompe que le matin pour la signature du contrat. On les introduisit dans le Salon des Grands, où se trouvaient les Grands d’Espagne, le Président de Castille, les deux secrétaires d’État, les cinq témoins français. Un moment après arrivèrent le Roi, la Reine, le prince des Asturies, l’infante avec sa gouvernante et les infants. Ils prirent place devant une table disposée au milieu du salon, les grands d’Espagne faisant cercle tout autour ; le nonce au bout de la table, à droite ; l’ambassadeur extraordinaire derrière le nonce tout près du Roi, ce qui comportait une véritable préséance, encore que déguisée, sur le représentant du Pape. Don José Rodrigo lui le contrat du mariage en espagnol et fit ensuite la lecture d’un double du même contrat et en même langue, puis de l’acte séparé où il était fait mention des noms et qualités des dix témoins et de la présence de toux ceux des grands d’Espagne qui se trouvaient là. Le Roi et la Reine signèrent, la Reine guida la main de l'infante, puis le prince des Asturies et ses jeunes frères. Les ambassadeurs français, conduits à une autre table, signèrent à coté des noms des deux derniers infants[24].

A la nuit, illumination, souper, bal, feu d’artifice ; le lendemain Te Deum solennel à Notre-Dame d’Atocha et nouvelles réjouissances. Le 27 novembre, Saint-Simon apprit que Mlle de Montpensier s’acheminait vers la frontière d’Espagne, il l'alla annoncer au ménage royal qui attendait cette nouvelle avec la plus vive impatience. A la demande d’être introduits, on répondit que leurs Majestés étaient encore au lit, mais que les ambassadeurs pouvaient entrer néanmoins. Le Roi, presque tout couché sur des oreillers, avec un petit manteau de lit de satin blanc ; la Reine à son séant, un morceau d’ouvrage de tapisserie à la main, à la gauche du Roi, des pelotons près d’elle ; des papiers épars sur le reste du lit et sur un fauteuil au chevet, tout près du Roi qui était en bonnet de nuit, la Reine aussi et en manteau de lit, tous deux entre deux draps que rien ne cachait que ces papiers fait imparfaitement[25]. Cette nouvelle du départ de Mlle de Montpensier causa une extrême satisfaction et la conversation se prolongea pendant une heure. Le jour même l’infante partit pour Alcala et le Roi et la Reine pour Lerma où devait être célébré le mariage du prince des Asturies[26].

 

Le voyage de Mlle de Montpensier

Tout avait été prodigué pour rehausser l’éclat du voyage de Mlle de Montpensier à travers la France, jusqu’à cette île célèbre dite des Faisans, sur la Bidassoa, où se ferait l’échange des princesses. Cette fillette perverse, fantasque et opiniâtre était présentée par Dubois comme une pieuse et douce enfant. « Toutes les inclinations de Mlle de Montpensier, écrivait-il, tendent au bien, à l’honneur, à la dignité, à la piété, et il semble qu’elle soit née pour vivre auprès de Leurs Majestés Catholiques ; en sorte qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître que la même Providence qui a formé cette princesse, a inspiré au Roi Catholique le dessein de la choisir pour le rang «qui lui est destiné[27] ». « On ne peut cependant pas dire, écrivait l’aïeule qui la voyait de plus près, que Mlle de Montpensier soit laide ; elle a de jolis yeux, la peau line et blanche, le nez bien fait quoique un peu mince, la bouche fort petite ; avec tout cela c’est la personne la plus désagréable que j’aie vue de ma vie ; dans toutes ses façons d’agir, qu’elle parle, qu’elle mange, qu’elle boive, elle est insupportable ; elle n’a pas versé une larme en nous quittant, et c’est à peine si elle nous a dit adieu[28] ». Elle avait grandi, ou pour mieux dire, pousse, ainsi qu’un joli animal, dans un appartement de ce Palais-Royal où personne ne s’occupait à former sa conscience, son intelligence et son cœur. Le 18 novembre, le duc d’Orléans, le duc de Chartres, la duchesse de Ventadour, la princesse de Sou- bise et la comtesse de Cheverny, encadrés de cent cinquante gendarmes et quatre-vingts gardes du corps conduisirent la jeune Reine d’Espagne jusqu’à Bourg-la-Reine d’où elle devait poursuivre sa route[29] sous la surveillance de trente ou quarante brigands de la bande fameuse de Cartouche qui ne la quittèrent pas jusqu’à son entrée à Madrid[30]. L’avocat Barbier avait raison de dire qu’« il y a des préparatifs étonnants pour ce voyage-là ; on dit qu’il marche près de quatre mille personnes, cela nous coûtera des sommes[31] ! » Le catalogue des livres que la princesse emporta en Espagne a été conservé, ce n’est que « rapsodies de la plus forte mysticité, et tels que les aurait choisis une vieille servante imbécile[32]. » Le voyage dura six semaines, la jeune Reine étant partout reçue solennellement[33]. De Bazas elle écrivait à son père ces quelques lignes en caractères plus qu’enfantins : « A Basase ce 22 décembre. Permete mon chère papa que jail l’honnœur en vous souhaitent davence une bonne ane de prendre encore congé de vous et de vous asurer nuls terme ne pouvant esprimer ma vive reconnessence de toust ce que vous aves fait pour moi que je vous le marquerez toute ma vie par ma bonne conduite et mon application à vous playre. Trouve bon aussi que rendent justice à la maison du roy je men loue infiniment. M. de Basoncourt m'a fait très grande et bonne chère. Le clergé qui est très bien composée a eu toute lexattitude possible[34]... »

 

Voyage de l’Infante

Le prince de Rohan qui attendait la princesse à Bayonne, alla à sa rencontre accompagné d’une nombreuse suite à cheval et lui donna la main à la descente du carrosse. Le lendemain Mlle de Montpensier rendit ses devoirs à la Reine douairière d’Espagne, retirée près de là, et fut traitée en reine. Louise-Élisabeth en reçut de riches présents[35]. De son côté, l’infante se rapprochait de la frontière sous la conduite du marquis de Santa-Cruz, grand- maître de la maison de la Reine. A Lerma, où ils s’arrêtaient de leurs personnes, Philippe V et Elisabeth se séparaient de leur enfant ; ils voulurent, pour l’honorer encore, l’accompagner jusqu’au péristyle du palais, mais tous deux s’évanouirent en chemin et l’infante fut enlevée de leurs bras. La princesse était accompagnée de la duchesse de Montellano, de trois dames d’honneur, de gouvernantes et de sous-gouvernantes, puis tout ce qui devait ramener la jeune princesse des Asturies à Lerma.

Le 6, Mlle de Montpensier arriva à Saint-Jean-de-Luz et l’infante à Ozarzun ; le 8, le prince de Rohan et le marquis de Santa-Cruz s’abouchèrent, discutèrent les formules et le protocole de l’acte d’échange, les dispenses pontificales étaient prêtes et la cérémonie fut fixée au 9 janvier à midi.

 

L’échange des princesses

Ce jour-là les deux princesses se dirigèrent vers une maison de bois, belle et bien meublée, bâtie aux dépens du roi de France dans l’île des Faisans avec des matériaux enlevés par ses troupes lors de l’expédition de Passage[36]. Deux appartements égaux, l’un du côté de France, l’autre du côté d’Espagne, n’étaient séparés que par un salon destiné à l’échange. On y abordait des deux côtés par un pont de bateaux fort spacieux. Une foule considérable bordait la rivière sur laquelle se voyaient un grand nombre d’embarcations.

Deux compagnies de grenadiers des régiments de Touraine et de Richelieu étaient postées à droite et à gauche de l’entrée du pont. On choisit vingt hommes pour mettre dans l'île aux deux côtés de l'appartement de France. Les gardes du corps se mirent en bataille vis-à-vis le pont ayant à leur gauche, sur le chemin de la princesse les régiments de cavalerie de Chartres et de La Tour. Les troupes espagnoles imitèrent cette disposition. Le cortège du prince de Rohan, composé de quarante gentilshommes, de seize pages, de cinquante hommes de livrée, et celui de la duchesse de Ventadour, occupaient une grande partie du pont. La livrée du Roi, les pages et les douze Suisses tenaient le côté le plus près du salon.

Le prince de Rohan donna la main à Mlle de Montpensier, à la descente du carrosse, et la mena à son appartement. Au même instant, l’infante entrait dans le sien. Après que les princesses se furent reposées quelque temps, elles entrèrent, suivies de leur Cour, chacune de leur côté, dans le salon et s’avancèrent jusqu’à la table qui était au milieu, Le prince de Rohan était à la droite de Mademoiselle, la duchesse de Ventadour et le prince de Soubise à sa gauche. Le marquis de Santa-Cruz et la duchesse de Montellano étaient aux côtés de l’infante. On se dispensa de relire les actes examinés la veille, ils furent présentés et signés, et les doubles en furent remis réciproquement. Le prince de Rohan remercia au nom du Roi tous ceux et celles qui avaient pris soin de l’infante, on échangea des politesses, les princesses s’embrassèrent et furent reconduites chacune dans son nouvel appartement. Une demi-heure plus tard chaque cortège s’ébranla dans sa direction[37].

 

Le prince des Asturies

Saint-Simon qui l’attend et bientôt l’observera recueille ce qui se dit de la princesse des Asturies : avec beaucoup d’esprit et d’envie de plaire, elle manque de l’éducation la plus commune ; libérale, charitable, haute, volontaire, peu de bienséance, abusant de la complaisance qu’on lui témoigne, peu de souvenir de la France et de ses parents, des enfantillages[38]. Son jeune fiancé est « fait à peindre ». Allongé, maigre, fluet, délicat, mais sain, le» chevelure blonde, le visage laid. Danseur, chasseur, tireur, il avait reçu l’éducation d’un jeune faune et ne donnait ni ne rendait aucun salut, mêmes aux dames. Le tempérament excité au point qu’il fallut retirer de sa chambre le portrait de sa fiancée dont l’image troublait ses nuits et à laquelle il envoyait pour premier présent deux fusils de chasse[39]. Par aversion pour tous ses maîtres, il aimait la France qu’eux n’aimaient pas ; l’intelligence était celle d’un enfant, la curiosité celle d’un adolescent, les passions celles d’un homme[40].

 

La rencontre

L'impatience de posséder la jeune fille était si grande que Philippe V lui fit brûler les étapes et elle arriva à Cogollos, à quatre lieues de Lerma, le 19 janvier, le jour même où Saint- Simon, remis de la petite vérole, put se présenter à la Cour. Le roi d’Espagne ; sa femme et son fils se rendirent en cachette à Cogollos où le duc del Arco pria la princesse de se laisser voir à des gens de sa suite, personne n’osa faire un signe indiscret et après peu d’instants le duc dit à la princesse que ses domestiques étaient devenus ses maîtres. Elle ne fut pas déconcertée, on s’embrassa et après une heure de conversation publique et debout. Le lendemain 20, ce fut l’entrée solennelle à Lerma. La Reine apercevant Saint-Simon lui dit avec un transport de joie quelle tenait maintenant la princesse, qu’elle était à eux, plus à nous et qu’ils la sauraient bien garder. Comme on était convenu, à cause de l’âge des deux enfants, de retarder la consommation du mariage, Saint-Simon exigea que les époux parussent dans le même lit en présence de toute la Cour, tenant cette cérémonie pour essentielle à la solidité du lien, à défaut de la cohabitation[41]. La princesse des Asturies tint son père au courant de ces événements : « Mon chere papa, avant jere le roy la reine et le prince me vinre voire je netait pas encore ariver ici le lendemain-git arriveret je fut marie le même jour cependant ili a eu aujourduit encore des ceremonie a faire le roy et la reine me traite fort bien pour le prince vous en aves ace oui dire je suis avec un très profond respect votre très humble et très obéissante fille Louise Elisabeth[42]. »

 

Santé et destinée de la princesse des Asturies

La princesse des Asturies arrivait en Espagne malade et les glandes du cou engorgées. L’enthousiasme des parents n’avait pas duré plus d’une semaine ; le 27, ils appelèrent Saint-Simon et lui avouèrent leurs inquiétudes, leur humiliation en songeant que la malheureuse avait dans ses veines le sang corrompu que lui avait transmis un père, dont les mœurs honteuses étaient connues de tout le monde. Saint-Simon cherchait des excuses, invoquait l’âge de la fillette, les bienfaits que la nature lui apporteraient sous peu plus complètement ; mais on lui répondait « que tout le sang qu’on lui avait tiré était pourri[43] » et on sentait grandir l’angoisse de ces parents bizarres, on l’accordera, mais sincèrement honnêtes et qui entrevoyaient la souillure indélébile que cette malheureuse imprimerait peut-être à leurs descendants.

A cette angoisse vont s’ajouter les mortifications publiques. La princesse pouvait réparer par son caractère, ses attentions, sa tendresse ce lamentable début ; sa nouvelle famille la chérissait presque avec excès et dans cette Cour compassée et monotone au lieu d’apporter la gaieté, la naïveté et l’innocence de son âge, Louise-Elisabeth ne montra que caprices, humeurs et mutineries. Refus formels de sortir de sa chambre et d’assister au bal en dépit des supplications du roi et de la reine d’Espagne, espiègleries dans lesquelles l’indécence rivalise avec la crapule, incongruités qu’on ne peut aller lire que dans les pages où Saint-Simon raconte son audience de congé. La déception des souverains, la détresse du jeune époux étaient sans limites et peut-être que sans la précaution prise par Saint-Simon de faire défiler toute la Cour devant le lit de parade, la validité du mariage eut été mise en question et l’impure jeune fille rendue à son père et au cardinal Dubois. Mais on supportait tout afin de ne donner aucune atteinte à l’établissement de l'infante. Afin d’apprivoiser la jeune princesse des Asturies, peut-être aussi afin de l’instruire, l’Inquisition lui offrit le régal d’un auto-dafé ; il y eut onze suppliciés dont cinq femmes (22 février). Plus heureux que Louise-Élisabeth, Saint-Simon allait à Tolède écouter la liturgie « en langue Mozambique » et, ayant obtenu la Toison d’Or pour son fils aîné, la Grandesse pour son cadet, s’apprêtait à quitter l’Espagne, avec ses « barbotteurs de chapelets, tous mangeurs d’ail, d’huile puante et de madones[44] ». Il avait quelques autres raisons de rentrer en France et d’y ramener a la troupe dorée[45] » attachée à ses pas ; car Dubois avait calculé juste, le grand seigneur était ruiné. Telle était l’ordinaire fortune qu’on recueillait au service du Roi.

 

Saint-Simon ruiné

Le ministre constatait dès lors à quel point l’impécuniosité de ses plus farouches adversaires pouvait tempérer leurs ardeurs. La duchesse lui écrivait que se « voyant dans l'impossibilité de trouver un sol à emprunter malgré d’excellentes cautions[46] » elle s’adressait à lui et le cardinal ricanait : « J’ai marqué à Mme la duchesse de Saint-Simon combien j’y étais sensible et si je ne savais faire de la fausse monnaie, je courrais grand risque de succomber à la tentation d’être faux monnayeur pour vous tirer de l’embarras où vous êtes[47]. » A défaut de fausse monnaie, Dubois s’avisa d’une ruse qui lui livrait son ennemi ;» merci en faisant de Saint-Simon son débiteur personnel sur les revenus de l’archevêque de Cambrai. L’ambassadeur extraordinaire et sa femme s’épuisèrent en remercîments, qu’explique leur inaptitude complète à la gestion de leurs biens. Saint-Simon pensait s’acquitter de tant de bienfaits en monnaie de singe. De Madrid, il écrivait à Dubois que Mme de Saint-Simon lui avait fait la galanterie de lui envoyer le mandement de S.E. sur le Jubilé, « dans lequel j’ai reconnu des tours qui m’ont fait vous reconnaître, et je ne conçois pas que vous avez trouvé le temps d’écrire vous même une sorte d’ouvrage dont beaucoup de prélats sans affaires ont coutume de se décharger sur des faiseurs. Vous avez fait des coups d’état à la Richelieu et vous voulez comme lui vous montrer évêque par des pièces qui en ce genre seraient enviées des maîtres[48] ».

 

Maulévrier reste à son poste

Maintenant qu’il lui fallait dévorer sa haine contre Dubois, Saint-Simon prenait sa revanche contre Maulévrier. A son départ pour l’Espagne, l’ambassadeur extraordinaire avait écrit à l'ambassadeur ordinaire une lettre de pure bienséance qui se terminait par cette formule : « Je vous honore parfaitement ». Maulévrier se jugea insulté et on eut beaucoup de peine à l’apaiser. Une fois rapprochés les deux ambassadeurs vécurent sur le pied de paix, mais d'une paix brûlante et assez semblable à une hostilité ouverte : Bêtise de Maulévrier ; conduite énorme, honte de Maulévrier[49], tel est le vocabulaire de Saint-Simon qui, dans ses dépêches, relève malignement ce qui pouvait nuire à son subalterne. Dubois, qui ne pardonnait rien à personne, voulait rappeler Maulévrier, à qui il tenait rigueur de sa maladresse lors des négociations du traité de Madrid, et envoyait de Parme, M. de Chavigny pour le remplacer. Saint-Simon fut prié de travailler à l’accréditer. Il échoua si complètement qu’il en dût convenir lui-même[50]. Chavigny fut reçu avec froideur et défiance, mais Philippe V s’était accoutumé à la société de Maulévrier et n’admettait pas qu’on le lui enlevât ; il fallut rappeler Chavigny promptement[51] et maintenir son prédécesseur.

 

Voyage de l’infante

Pendant ce temps la petite infante, retirée tout en larmes des bras de la duchesse de Montelllano[52], et suivie d'une seule espagnole, sa remueuse, dont il ne fut pas possible de la séparer, commença parmi les poupées, les jouets et les bijoux la longue promenade triomphale qui l’amènerait à Paris[53]. Elle traversa la France, haranguée, encensée, cajolée, amusée dans chaque ville. A Bordeaux, où elle entra par la porte Sainte-Julie, elle Bordeaux passa sous un arc de triomphe « de l’ordre dorique », fut saluée par la jurade, passa en revue la milice, traversa un deuxième arc de triomphe « de l’ordre composite » sur lequel on voyait Mme de Ventadour sous les traits de la Vertu et le maréchal de Villeroy sous ceux de Mentor. L’écho des réceptions et la description des cortèges parvenaient jusqu’à Paris où certains songeaient et disaient tout bas : « C’est à toutes ces histoires-là que notre argent est employé[54]. » On apprit que la princesse était « dans les boues en deçà de Poitiers[55] », puis son entrée à Chartres. Le cardinal de Rohan, la « belle Eminence » et Mme de Soubise y étaient venus à sa rencontre. Cette dame avertit l’enfant que le cardinal était plus laid encore que l’évêque de Bazas dont la laideur l’avait effrayée. Quand le cardinal vint la saluer, la petite fille baissa le nez, mit ses mains sur son visage en écartant les doigts pour regarder ; à son dîner, une demi-heure après, elle dit : « Il faut donner le fouet à Mme de Soubise parce qu’elle a menti[56]. »

L’infante partit d’Orléans pour arriver à Paris le 2 mars et « comme il faut toujours amuser un peu le peuple de Paris, pour le consoler de n’avoir point d’argent, on prépara des magnificences étonnantes, travaillant à cinq arcs de triomphe. On comptait même que les rues seraient tapissées. « Et cet enfanta trois ans dix mois, se disait-on ; n’est-il pas impertinent de faire de tels préparatifs, comme aussi de faire faire ce mariage avant que le Roi soit en âge d’y consentir, au risque qu’il n’en veuille plus dans dix ans, ce qui ferait des guerres étonnantes avec l’Espagne[57] ».

Le dimanche 1er mars, l’infante-reine arriva à Berny, maison appartenant à l’abbé de Saint-Germain-des-Prés[58], à trois lieues de Paris. Le Régent y alla présenter ses hommages, avec le duc de Chartres, son fils, la duchesse d’Orléans et ses filles. C’était à qui pourrait raconter quelque détail. « Il est impossible, disaient les uns, de voir une si petite créature, tant de grâces dans tout ce quelle fait et tant d’esprit[59], elle est, ajoutent certains, plus jolie que laide, petite pour son âge, mais avec infiniment d’esprit et de vivacité[60]. Gazouillant sans cesse, elle avait des réflexions d’une maturité déconcertante : « On dit que quand on meurt à mon âge, on est sauvé et on va droit en paradis ; je serais donc bien heureuse si le Bon Dieu voulait me prendre[61]. » A la vue de cette mignonne, au contact de ses caresses, Madame s’attendrit, craint que cette enfant trop précoce ne vive pas ; « elle a les plus gentilles façons du monde, m’a tout à fait prise en amitié et elle court au-devant de moi dans son antichambre, les bras grands ouverts et m’embrasse avec affection[62]. »

Le 2 mars, l’infante monta en carrosse avec Madame, les princesses du sang et Mme de Ventadour et gagna Bourg-la-Reine où le Roi, Les princes et la Cour l’attendaient. Dès que l'infante arriva, le Roi se rendit à la rencontre. L’enfant se mit à genoux, l’adolescent ploya un genou devant elle et la releva ; il était rouge « comme une cerise » et ne sut rien dire que ces mots : « Madame, je suis charmé que vous soyez arrivé en bonne santé[63] », il l’embrassa et la conduisit dans l’appartement où elle reçut les hommages des princes. Ensuite tous les deux montèrent dans des carrosses différents ; l’infante devant faire une entrée solennelle et le Roi allant l’attendre au Louvre.

 

Aspect de Paris

Paris était en fête, répandu sur les places et dans les rues, bayant aux derniers préparatifs, aux dernières décorations ; épelant les inscriptions latines, s’entassant sur le parcours du cortège fixé par une Ordonnance, s’extasiant à la vue des arcs de triomphe élevés sur l’emplacement de l’ancienne porte Saint- Jacques, devant la façade du Petit-Châtelet, au bout du pont Notre-Dame, rue de la Ferronnerie et à l’entrée de la rue du Chantre[64]. On avait dressé des échafauds dans toutes les boutiques de la route, les fenêtres à louer conservaient leur écriteau, n’ayant pas, à raison de la misère générale, trouvé preneurs[65] ; et cependant « on n’était occupé que de cette arrivée[66] ».

 

Le cortège et les fêtes

D’abord le Roi parut, menant la marche, ayant dans son carrosse le Régent, le duc de Chartres, M. le Duc, le comte de Charolais et le prince de Conti. Une partie de la maison du Roi servait d’escorte. Le maréchal de Villars à cheval, avec son fils, et un gros d’officiers derrière eux. Les ambassadeurs ôtaient aussi à cheval.

A un intervalle assez long suivait le cortège de la Reine. En tête des inspecteurs de police le guet à cheval et toute la maison du Roi : grenadiers à cheval, mousquetaires, chevau-légers, gendarmes et les quatre compagnies des gardes du corps. Le duc d’Ossonne, ambassadeur extraordinaire d'Espagne, avait un bel équipage, huit pages à cheval, vingt-quatre valets de pied et quatre carrosses magnifiques, garnis de domestiques. Venait ensuite l’équipage du duc de Tresmes gouverneur de Paris, qui éclipsait tous les autres. Il avait douze palefreniers à cheval, tenant douze chevaux de main avec des couvertures de velours cramoisi, bordées d’un grand galon d’or, et ses armes brodées en or ; en outre six pages avec six gentilshommes à cheval ; ses soixante gardes comme gouverneur de Paris, tous habillés de neuf en rouge avec un galon d’argent, et bien montés, et trois carrosses, un à huit chevaux et deux à six. Venaient ensuite le Corps de Ville à cheval, les premiers carrosses de l’infante, douze laquais de M. de Châteauneuf, prévôt des marchands ; ensuite vingt-quatre laquais de M. le gouverneur de Paris, habillés magnifiquement ; le carrosse du Roi où était l’infante sur les genoux de Mme de Ventadour, et dans le carrosse, Madame et les princesses du sang, sans oublier la poupée de l’infante. Le duc de Tresmes bordait la portière à droite et M. de Châteauneuf à gauche.

Le chemin, à partir de Bourg-la-Reine était bordé par le régiment du Roi ; dans le faubourg Saint-Jacques jusqu’au Petit-Châtelet par le guet à pied et par des archers de ville, et depuis jusqu’au Louvre par le régiment des gardes françaises d’un côté et des Suisses de l’autre. Le cortège défilait pendant une heure et demie environ, arrivé au faubourg Saint-Jacques à trois heures de l’après-midi, il entra au Louvre avant la chute du jour[67]. Au Vieux-Louvre, où elle devait habiter, la « mirmidone infante », ainsi qu’on l’appelait en souriant, fut reçue par le Roi qui la conduisit lui-même dans ses appartements et aussitôt il écrivit à la reine d’Espagne : « Je viens de voir par mes yeux, infiniment mieux que je n’aurais fait par des récits ou par des portraits, combien l’Infante-Reine est aimable, et même combien elle le deviendra encore plus de jour en jour, et je ne doute pas que V. M. ne soit bien aise d’apprendre par moi-même quel est l’excès de ma satisfaction et de ma joie, car elle ne l’apprendrait pas assez par les réjouissances que Paris et la Cour vont faire à l’envi. Attendez de moi, Madame, les sentiments les plus tendres et les plus vifs qu’un gendre vous puisse devoir ; les charmes de l’infante vous en répondent[68]. »

Dès le soir les réjouissances commencèrent, les rues étaient illuminées. « Le peuple de Paris est bien sot » ne pouvait s’empêcher de dire Barbier[69]. Les réceptions et les fêtes durèrent plusieurs jours. Le 3, toute la Cour alla visiter l’infante-reine qui embrassa les personnes titrées et donna aux autres sa main à baiser. Elle veut embrasser tout le monde, écrit Marais. Ses petites mains sont toujours en l’air. Elle aime fort le Roi, elle jette des baisers à son portrait à la manière d’Espagne ; elle se met sur le petit bord de son lit en se couchant et qu’il faut laisser la place au Roi qui viendra peut-être ; qu’elle a vu son père et sa mère dormir ensemble et qu’elle veut faire de même.

Les cours de justice, de finance vinrent complimenter l’infante ; quant au Parlement, ne se jugeant pas averti et invité convenablement, il alla à ses travaux ordinaires le jour de l’entrée solennelle. Le Régent s’en trouva blessé et envoya une lettre de jussion aux magistrats qui désignèrent une délégation à laquelle on remit ce compliment :

« Madame. La lettre du Roi nous a annoncé le sujet de votre arrivée ; son exemple et son ordre nous déterminent à avancer les respects qui vous sont destinés. Vous êtes le sceau de la paix entre deux grands royaumes. Puissiez-vous toujours conserver cet auguste caractère ! Puisse l’innocence de vos jours attirer sur cet état la bénédiction du ciel ![70] »

Puis vinrent bals, feux d’artifices, Te Deum dont les contemporains furent rassasiés et dont le récit n’importe guère. On remarqua l’air chagrin du jeune Roi et il se répandit dans le public « qu’il n’aimait pas sa petite infante[71]. »

 

 

 



[1] Saint-Simon, Mémoires, édit., Chéruel, 1858, t. XVIII, p. 167-168 ; P. Bliard, Dubois et Saint-Simon. Une ambassade extraordinaire à Madrid, 1721, 1722, dans Revue des Questions historiques, 1901, t. LXX, p. 37-73 ; Dubois cardinal et premier ministre, t. II, p. 369-408.

[2] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 311, fol. 82 : Dubois à Berwick, 28 octobre 1721.

[3] Saint-Simon, op. cit., t. XVIII, p. 224.

[4] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 304, fol. 74 : Dubois à Saint-Simon, 8 septembre 1721.

[5] Saint-Simon, op. cit., t. XVIII. p. 228.

[6] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 305, fol. 46 ; Drumont, op. cit., p. 101.

[7] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 311, fol. 68 : Saint-Simon à Dubois, 22 octobre 1721 ; E. Drumont, op. cit., p. 124, n° 2, p. 395-403.

[8] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 299, fol. 127 : Mémoire pour servir d’instruction à M. le duc de Saint-Simon, Pair de France, conseiller au Conseil de Régence, gouverneur des ville, citadelle et comté de Blaye, gouverneur et Grand Bailli de Senlis, allant en Espagne, en qualité d’ambassadeur extraordinaire du Roy auprès du Roy Catholique, 21 octobre 1721 ; Saint-Simon, Mémoires, t. XVIII, p. 234-237.

[9] Saint-Simon, Mémoires, t. XVIII, p. 251-252, 331-334.

[10] Saint-Simon à Dubois, Bayonne, 8 novembre 1721, édit. Drumont, p.125, n° 4 ; p. 127, n° 5 ; Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVIII, p. 256, 261.

[11] Saint-Simon à Dubois, Madrid, 24 novembre 1721, édit. Drumont, p. 143, n° 11.

[12] Saint-Simon, Tableau de la Cour d'Espagne fait à la fin de 1712 et au commencement de 1722, édit. Drumont, p. 351-394.

[13] Mémoires, t. XVIII, p. 270-271.

[14] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 24 novembre 1721, édit. Drumont, p. 144-146, n° 12 ; Mémoires, t. XVIII. p. 266.

[15] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 24 novembre 1721, édit. Drumont, p. 147-148, n° 12 ; Mémoires, t. XVIII, p. 274-278.

[16] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 24 novembre 1721, édit. Drumont, p. 149-151, n° 12 ; Mémoires, t. XVIII, p. 278.

[17] Saint-Simon, Mémoires, t. XVIII, p. 280-284.

[18] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 27 novembre 1721, édit. Drumont, p. 172, n° 20.

[19] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 27 novembre 1721, édit. Drumont, p. 173, n° 20 ; Mémoires, t. XVIII, p. 285.

[20] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 27 novembre 1721, édit. Drumont, p. 173, n° 20 ; Mémoires, t. XVIII, p. 287.

[21] Saint-Simon, Mémoires, t. XVIII, p. 271.

[22] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 27 novembre 1721, édit. Drumont, p. 174, n° 20 ; Mémoires, t. XVIII, p. 288-291.

[23] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 27 novembre 1721, édit. Drumont, p. 172, n° 20 ; Mémoires, t. XVIII, p. 292.

[24] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 27 novembre 1721, édit. Drumont, p. 176-177 ; Mémoires, t. XVIII, p. 293-302.

[25] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 27 novembre 1721, édit. Drumont, p. 181, n° 20, p. 305 ; Mémoires, t. XVIII, p. 324.

[26] Saint-Simon à Louis XV, Madrid, 27 novembre 1721, édit. Drumont, p. 182 ; Mémoires, t. XVIII, p. 325.

[27] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 308, fol. 203 : Dubois à Maulévrier, 18 novembre 1721.

[28] Madame à la raugrave Louise, 6 décembre 1721, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 355.

[29] Buvat, Journal, t. II, p. 304 ; Saint-Simon, Mémoires, t. XVIII, p. 334.

[30] P.-E. Lémontey, Histoire de la Régence, 1832, t. I, p. 434.

[31] Barbier, Journal, t. I, p. 172.

[32] P.-E. Lémontey, Les filles du Régent, dans Revue rétrospective, 1ère série, t. I, 1833, p. 200. Toutes réserves à faire sur ce jugement.

[33] Les rapports des Intendants sur ces réceptions dans Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 150, fol. 129 suiv.

[34] Mlle de Montpensier à son Père, 22 décembre 1721, dans Lémontey, op. cit., p. 201 ; E. Brives Cazes, Passages de princesses royales françaises et espagnoles en Guyenne, 1721-1748, dans Actes de l’Académie des Sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, 1884, t. XLV, p. 35.

[35] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 29 janvier 1722, dans Les Correspondants de la Marquise de Balleroy, t. II, p. 420.

[36] Lémontey, Histoire de la Régence, t. I, p. 433.

[37] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 299, fol. 342 : Relation de l’échange de l’infante et de la princesse d’Orléans, fait à l’Ile des Faisans, le 9 janvier 1722. Ibid., fol. 346 : Acte de l’échange de l’infante d’Espagne et de Mlle de Montpensier, 9 janvier 1722.

[38] Saint-Simon, Tableau, p. 362.

[39] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Robin à Dubois, 3 novembre 1721.

[40] Saint-Simon, Tableau, p. 359, 361.

[41] Saint-Simon à Louis XV, Villalmanzo, 22 janvier 1722, édit. Drumont, p. 226, n° 32 ; p. 233, n° 33.

[42] La princesse des Asturies au duc d'Orléans, 21 janvier 1722, dans Revue rétrospective, 1833, p. 201.

[43] Saint-Simon au duc d'Orléans, Madrid, 2 février 1721, édit. Drumont., p. 249, n° 39 ; ibid., 7 février 1721, op. cit., p. 257, n° 43.

[44] Saint-Simon au duc d’Orléans, Madrid, 22 février 1721 ; op. cit., p. 299, n° 51.

[45] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 299, fol. 288 : Dubois à Saint-Simon, 9 décembre 1721.

[46] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 311, fol. 332. Mme de Saint-Simon à Dubois, 13 décembre 1721.

[47] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 299, fol. 317 : Dubois à Saint-Simon, 16 décembre 1721.

[48] Saint-Simon à Dubois, Madrid, 9 mars 1722, édit. Drumont, p. 308, n° 55.

[49] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVIII, p. 293-304.

[50] Arch. des. Aff. Etrang., Espagne, t. 299, fol. 445 : Saint-Simon à Dubois, 11 mars 1722.

[51] Le P. Daubenton l'exigea par sa lettre du 29 juin 1722 ; Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 319, fol : 207, suiv. Dubois à Chavigny, 27 juillet 1722.

[52] Barbier, Journal, t. I, p. 190 ; H. Gauthier-Villars, Le mariage de Louis XV, in-8°, Paris, 1900, p. 1-17.

[53] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 150, fol. 153 ; Voyage de l’infante à travers la France. Arch. nat. K 139.

[54] Barbier, Journal, t. I, p. 191.

[55] Barbier, Journal, t. I, p. 191.

[56] M. Marais, Journal et Mémoires, t. I, p. 252 ; M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 1er mars 1725, dans Les Correspondants, t. II. p. 434.

[57] Barbier, Journal, t. I, p. 192-193.

[58] C’était le cardinal de Bissy.

[59] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 1er mars 1722, dans Les Correspondants, t. II, p. 434.

[60] Barbier, Journal, t. I, p. 196.

[61] Madame à la raugrave Louise, 26 mars 172, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 362.

[62] Madame à la raugrave Louise, 26 mars 1733, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 362.

[63] Barbier, Journal, t. I, p. 196.

[64] Buvat, Journal, t. II, p. 348 ; Barbier, Journal, t. II, p. 193-194.

[65] Barbier, Journal, t. I, p. 194.

[66] Barbier, Journal, t. I, p. 194.

[67] Barbier, Journal, t. I, p. 197-198.

[68] Arch. d’Alcala, liasse 2514 : Louis XV à la reine d'Espagne, 2 mars 1723.

[69] Barbier, Journal, t. I, p. 198.

[70] Buvat, Journal, t. II, p. 352, 354-355 ; Barbier, Journal, t. I, p. 198 ; M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 251-252, 257.

[71] Barbier, Journal, t. I. p. 202.