HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME TROISIÈME

 

CHAPITRE XLII. — Le Chapeau de l’abbé Dubois (Avril-décembre 1719).

 

 

Dubois vise le cardinalat. — Ses motifs. — Hostilité au cardinalat. — Dubois s'associe Lafitau. — Initiative de Saint-Saphorin. — Accueil fait à lord Stair par le Régent. — Zèle excessif de Saint-Saphorin. — Lettre ostensible de lord Stanhope. — Dubois s’abouche avec Lafitau. — Son choix est fait, mais il ne veut pas froisser les appelants. — Il repolisse un projet trop hardi. — Instructions données à Lafitau. — Accueil et projet du Pape. — Proposition de nomination in petto. — Torcy évente la correspondance. — Reprise de l’intervention anglaise. — Lettre de Georges Ier à l’Empereur. — Commentaire de Saint-Saphorin. — Lettre du roi d’Angleterre. — Lettre du Régent. — Échec de Dubois.

 

Dubois vise le cardinalat

Depuis le succès de sa mission diplomatique à Hanovre, Dubois avait senti jaillir l’étincelle de la grande ambition sous cette forme que Saint-Simon a joliment nommé le « poison très dangereux du cardinalat[1] ». De la Haye, en 1716, il écrivait à son confident Nocé : « Il n’y a pas un ministre étranger qui ne croie que je vais avoir le chapeau de cardinal pour récompense, et vous seriez étonné par quelles têtes une si grande ridiculité, passe[2]. » Un mois plus tard, s’adressant au Régent : « Je vous suis plus redevable, écrit-il, de m’avoir donné cette marque d’honneur de votre confiance, que si vous m’aviez fait cardinal[3]. » Madame, que sa haine pour « le plus méchant et le plus avide personnage qu’on puisse voir[4] » rend clairvoyante, interroge son fils qui la rassure et proteste « que l’abbé ne songe pas à être cardinal[5] ». D’autres lui épargnent ce soin ! « J’ai recherché sur vos ordres, lui écrit Chavigny, par quelles faveurs dans les siècles passés les princes témoignent leur satisfaction à ceux qui s’étaient employés su service de leur patrie ; les premiers mouvements de quelques gens sensés, à qui j’ai donné occasion d’en parler ne leur ont pas inspiré autre chose, sinon qu’un chapeau de cardinal devait être la récompense de vos travaux et de vos succès[6]. » Dubois est déjà loin de son désir quasi honteux du début, à peine en contient-il encore l’expression prête à devenir une véritable frénésie. Sa grandeur ministérielle est trop fragile pour l’illusionner sur les périls qui le menacent. Il sait à merveille que la Triple-Alliance, honnie du public, ne tient qu’à un fil, la volonté du Régent, dont l’inconstance d’esprit lui est connue. Que le Régent change de politique et l’instrument de l’alliance sera écarté, rejeté, disgracié aux applaudissements de tous. Contre cette perspective redoutable, Dubois ne connaît qu’une garantie sûre : le cardinalat. C'était tout ensemble un éclat qui effaçait l’obscurité de sa naissance ; un degré qui l’élevait à tout ; une protection contre les retours de fortune ; un état quand tout viendrait à manquer.

 

Ses motifs

L’alliance anglaise était la raison d’exister de Dubois, il le savait, le sentait et s’y attachait dans une sorte de crispation. Cette alliance lui imposait la rupture avec l’Espagne qui achevait de le perdre dans l’esprit des partisans de l’ancienne politique et de soulever contre lui des rancunes impitoyables. Pour l’acheminer vers cette rupture, les ministres anglais-, Stanhope et Sunderland, avaient compris que Dubois exigerait une garantie exceptionnelle et ils disaient à Chavigny : « Il faut songer à le faire cardinal[7] ; il le mérite au jugement de tous les plus sages[8]. » Chavigny, à qui la leçon était faite, en convenait volontiers, et s’employait à convaincre l’abbé[9] qu’il n’avait, à l’on croire, « jamais trouvé susceptible de cette ambition ». Or, depuis l’été de 1718, Dubois ne détournait plus sa pensée de l’obtention du cardinalat et son rival Alberoni exprimait avec justesse la conséquence de cette passion : « Il ne fera désormais plus rien qui ne soit dirigé vers ce but[10]. » Moins pénétrant, lord Stair s’était étonné des « frivoles finesses » de Dubois pendant la négociation de Londres ; rien ne lui avait alors expliqué les calculs mystérieux et les tortueuses démarches dont s’enveloppait la diplomatie de l’abbé. Stanhope lui-même s’était étonné et presque ému de l’insistance apportée par Dubois à soutenir les prétentions du Saint-Siège sur les duchés de Parme et de Plaisance revendiqués par l’Empereur à titre de fiefs masculins[11]. Cette insistance ne visait à rien d’autre qu’à se créer un titre à la bienveillance pontificale. Ainsi fallut-il peu d’éloquence pour persuader Dubois de la convenance d’une si éclatante illustration. Sunderland faisait valoir l’intérêt général, le service du roi Georges et du Régent, également chers au candidat, l’affermissement de l’alliance, Dubois savait assez son intérêt personne ! pour n’y mêler l’intérêt général que comme une excuse ou un prétexte. L’Angleterre pouvait le servir dans la conquête du chapeau, mais il lui fallait d’autres alliés pour réussir et lord Stair s’en étonnait : « Milord, écrivait-il à Stanhope, le chapeau de cardinal a tout à fait tourné la tête à, notre pauvre ami l’abbé, il paraît entièrement livré aux gens qu’il croit en état de lui faire avoir le plus promptement[12]. »

 

Hostilité au cardinalat

Dubois ne pouvait ignorer que la dignité cardinalice soulevait en France, parmi les grands seigneurs, une antipathie qui ne demandait qu’à se manifester sous forme d’opposition. Saint- Simon était intraitable à l’égard de ces personnages qui, passant sur le corps des ducs, prenaient rang à la suite des princes du sang. Le duc d’Antin, plus courtisan et plus modéré ; s’exprimait ainsi : « Je ne comprends pas comment on souffre des cardinaux dans un état bien policé. Ils sont à charge à tout le monde soit par le rang ridicule qu’ils ont, soit par la quantité de bénéfices qu’ils absorbent, soit par la dévotion que la plupart ont pour le pape. Et ce n’est pas encore le plus grand mal ; mais le voici : comme beaucoup de prélats y aspirent, ils ont une complaisance aveugle pour la Cour de Rome et oublient fort souvent ce qu’ils doivent au Roi et à leur patrie, pour tout sacrifier à leur ambition[13]. » Le maréchal de Tessé allait répétant : « J’ai entendu dire au feu Roi que la chose principale que le cardinal Mazarin lui avait recommandée, c’était de ne jamais mettre dans son conseil, ni prince du sang, ni princes étrangers, ni cardinaux[14]. » Dubois ne s’attarda pas à réfuter ces apophtegmes ni à contredire qui ne voulait se laisser convaincre ; il laissa les uns maudire et les autres branler la tête, ayant rencontré l’homme de cette besogne il l’employa.

 

Dubois associe Lafitau

C’était un jésuite gascon nommé Pierre Lafitau[15]. Ayant à peine dépassé la trentaine, il avait su s’évader d’une classe de rhétorique et se faufiler dans la diplomatie. La querelle soulevée à l’occasion de la Bulle lui ouvrait une carrière où lès intrigues conduiraient aux honneurs, il s’y jeta et la remplit brillamment. Nous l’avons rencontré déjà courant la poste de Rome à Paris, chargé d’une mission secrète par le cardinal de la Trémoille. Il s'agissait d’entraîner Dubois, à peine nommé secrétaire d’État, du camp des appelants dans celui des constitutionnaires ; en outre d’obtenir la décardinalisation d’Alberoni que ce coup inattendu précipiterait du pouvoir[16]. Le pape ne promettait rien, laissait tout espérer et subordonnait son intervention en Espagne à la réception préalable de la bulle Unigenitus en France. Avant de s’être rencontré avec Dubois, Lafitau était éclairé par la correspondance de l’abbé sur les hautes visées qu’il poursuivait, il jugea l’affaire profitable à poursuivre et s’insinua comme intermédiaire officieux entre la cour de Rome et le Palais-Royal. L’agent était adapté parfaitement à l’opération ; portant la subtilité jusqu’à la fourberie, la gaieté jusqu’à l’indécence, l’avidité jusqu’à la friponnerie, Lafitau vivait parmi une société interlope et ne comptait plus le nombre de ses dupes[17]. Dès le mois de décembre 1718, Lafitau se mit à l’œuvre : « Je suis jour et nuit, écrit-il, à pied sur le pavé sans pouvoir certainement suffire à tout ; un autre en trouvera encore plus à faire qu’il ne pourrait s’imaginer. Nous nous partagerions de manière qu’il serait content de son ouvrage et qu’il ne serait pas mécontent de moi[18]. » Parti incognito pour Paris, à la fin de décembre, Dubois le retint près de lui une partie de l’année 1719, l’employant à batailler avec Rome par correspondance et à préparer, le terrain à Paris afin d’obtenir à moindres frais les plus larges concessions[19]. Lafitau ne manquait pas de déplorer l’attitude hostile au Régent prise par les constitutionnaires, relevait l’imprudence avec laquelle ses confrères étaient entrés dans la conspiration de Cellamare, se plaignait du peu de mesure gardé à Rome par certains contre le duc d’Orléans et demandait qu’on le laissât faire : « Les circonstances présentes sont très mauvaises pour la Cour de Rome ; mais attendez-moi, et je vous montrerai un temps qui n’est pas éloigné où tout changera[20]. »

 

Initiative de Saint-Saphorin

Tandis que Lafitau s’emploie avec zèle, d’autres amis de Dubois ne demeurent pas inactifs. Georges Ier et lord Stanhope, tous deux protestants, n’avaient pas qualité pour adresser une requête a Rome, mais ils savaient que l’Empereur n’avait rien à leur refuser ni le Pape rien à refuser à l’Empereur. Ce formidable voisin pouvait à tout moment faire sentir sa lourde épée aux États pontificaux, mais lui-même devait compter avec la flotte britannique sans laquelle il pouvait considérer la Sicile comme perdue. L’Angleterre restait définitivement, maîtresse de la situation, et savait le faire souvenir. Déjà elle avait exigé l’arrestation de la fiancée du Prétendant, aujourd’hui elle demandait un chapeau de cardinal.

L’initiative de cette démarche fut prise spontanément par l’ambassadeur britannique à Vienne, Saint-Saphorin. Un certain abbé Strickland négociait à Vienne au nom de Georges Ier ; au Pape qui demandait que l’on se relâchât en Angleterre sur l’exécution des lois contre les catholiques, le Roi répliquait qu’on cessât de donner un chapeau à la nomination du Prétendant, « mais que si on le juge nécessaire dans la suite il en donnera un, comme motu proprio, à quelque personne non suspecte à la Cour d’Angleterre, et qui sera recommandée par l’Empereur[21]. » En même temps, l’Empereur entend mettre son concours au plus haut prix. Son ministre Sinzendorf demande que la France s’engage à ne point conclure la paix avec l’Espagne si celle-ci ne donne juste satisfaction aux griefs du pape. A cette condition, Clément XI pourra consentir à travailler contre Alberoni et à favoriser Dubois[22]. Saint-Saphorin voudrait faire croire à Stanhope que l’initiative qu’il a prise est tout à fait spontanée, il y avait une combinaison politique « des plus salutaires aux intérêts de toutes les parties qui composent la Grande Alliance[23] ».

 

Accueil fait à lord Stair par le Régent

Il est malaisé d’admettre que Dubois n’ait connu ces démarches que par l’avertissement de lord Stair dès les premiers jours du mois d’avril. L’Écossais consent à jouer sa partie dans la comédie qui se prépare : il suggérera au Régent cette idée du chapeau et l’abbé continuera à tout ignorer. Stair, toujours plus soucieux de son pays que de tout le reste, ne voit en tout ceci que l’intérêt de l’Angleterre. « C’est la plus heureuse pensée du monde, écrit-il à Craggs, que vous avez eue de lui faire avoir ce chapeau. C’est le seul moyen d’être sûr de lui, de le lui mettre sur la tête, car tant qu’il ne l’a pas on ne peut pas compter sur lui[24]. » Dès le lendemain, 9 avril, Stair eut audience du Régent et aborda la question. A sa stupéfaction, le prince coupa court déclarant que jamais il ne consentirait que l’abbé fut cardinal, à cause qu’alors il dépendrait moins de lui et ferait dans l’État un personnage qui ne lui convenait pas[25]. Ce n’était pas la première fois que cette idée lui était lancée et, dans l’intimité orageuse de leurs tête-à-tête le duc de Saint-Simon, tout comme la vieille Madame, agitait le spectre d’un Dubois cardinal. Soudain le prince l’interrompait : « Voilà comme vous êtes, disait-il, suivant toujours vos idées aussi loin qu’elles peuvent aller : Dubois est un plaisant petit drôle pour imaginer de se faire cardinal ; il n’est pas assez fou pour que cette chimère lui entre dans la tête, ni lui, si die y entrait jamais, pour la souffrir[26]. » Et encore « qu’il le ferait mettre dans un cachot, s’il osait jamais faire un pas vers la pourpre[27] ».

Lorsqu’il venait d’arracher quelque protestation dans ce style, Saint-Simon ne se contenait plus et le Régent devait se résigner à entendre tous les maximes de cette tête échauffée « sur l’aveuglement de souffrir des ecclésiastiques dans les affaires, surtout des cardinaux, dont le privilège le plus spécial est l’impunité de tout ce qui est de plus infamant et de plus criminel en tout genre. Ingratitude, infidélité, révolte, félonie, indépendance !... Tout ecclésiastique qui arrive, de quelque bassesse que ce puisse être à mettre le pied dans les affaires, a pour but d’être cardinal et d’y sacrifier tout sans réserve[28]. » Le duc d’Orléans laissait dire et Saint-Simon croyait qu’il l’écoutait ; il l’écoutait sans doute mais pour répéter à Dubois ce qu’il venait d’entendre. Dubois savait le caractère de celui qui n’avait jamais cessé tout à fait d’être son élève et prenait patience. L’issue de la tentative de lord Stair lui montra la nécessité de mener l’affaire avec plus d’alliés afin de peser sur le duc d’Orléans et de le rassurer en même temps. Le prince craignait que l’élévation de Dubois ne déplût aux appelants, il ne s’agissait que de le rassurer et de disposer le cardinal de Noailles et le duc d’Antin, au moyen du maréchal d’Estrées et de Law, à parler en faveur de l’abbé[29].

 

Zèle excessif de Saint-Saphorin

Stair avait dû faire l’aveu à son gouvernement du peu de succès de sa tentative, le ministère britannique pendant ce temps poussait sa pointe ; il continua d’agir sur Vienne et, par Vienne, Saphorin sur le pape. Celui-ci faisait des réponses dilatoires[30] et Saint- Saphorin se dépitait, s’inquiétait à l’idée que Dubois ne cherchât dans un autre camp des patrons plus influents, plus habiles ou, en tout cas, plus heureux[31]. Pour éviter cette extrémité il proposait le recours à la force : « Les ministres de l’Empereur qui étaient les plus disposés à juger bien [du Pape] sont obligés de convenir qu’il n’y a eu dans toute sa conduite qu’un tissu d’obliquités et que l’on échouera toujours vers lui par la voie de la négociation, si elle n’est soutenue par la force et si l’on ne lui inspire de la crainte... Je ne désespère pas tout à fait que, si Ton pousse bien la chose, Ton ne dispose cette Cour à prendre un parti rigoureux contre le pape pour l’obliger à donner, malgré qu’il en ait, le chapeau de cardinal à M. l’abbé Dubois[32]. » Lord Stanhope n’en était pas là ! Il n’eut songé à recourir à l’hostilité ouverte contre le Pape que si Clément XI s’était laissé entraîner à quelque manifestation en faveur du Prétendant ; cependant il attendait de la Cour de Vienne-le service d’insinuer à Rome qu’une telle concession serait payée de retour par la restitution des revenus pontificaux en Espagne dont Alberoni s’était emparé. Stanhope ne paraît pas douter que cet argument n’obtienne à Rome, gain de cause, et il termine sa lettre par ces mots : « La Cour impériale est plus intéressée que personne à procurer le chapeau de cardinal à M. l’abbé Dubois, et je ne doute point que quand nous en ferons l’ouverture au Régent, il ne concoure volontiers à mettre par là M. l’abbé à couvert, et en liberté de suivre ses vrais intérêts et ceux de ses alliés avec moins de circonspection[33]. » (15 juin).

 

Lettre ostensible de lord Stanhope

Le lendemain, Stanhope écrit à Stair cette dépêche en français, destinée à être mise sous les yeux du Régent[34] :

« A Hanovre, ce 16 juin 1719, Milord, il y a déjà quelque temps que j’ai mandé confidemment à votre Excellence qu’il me semblait qu’il serait du service de Monseigneur le Régent que M. l’abbé du Rois fût fait cardinal, laissant à votre discrétion d’en faire l’ouverture à S. A. R., laquelle, à ce qu’il me paraît, devrait tâcher de mettre par là Solidement à couvert un Ministre qu’elle honore de sa principale confiance.

« J’ai en même temps écrit à M. de Saphorin pour qu’il sondât la Cour Impériale, si elle voudrait concourir par des offices à Rome à faire le chapeau de cardinal à M. l’abbé du Bois, si M. le Régent le devrait. Il m’a répondu qu’elle y était assez disposée, et il tâche de l’entretenir dans ces dispositions comme vous le verrez par les copies ci-incluses de ses lettres. Mais comme présentement je crois la conjoncture favorable pour pousser cette affaire, et que vous ne m’avez jamais appris que vous vous en fussiez ouvert à S. A. R., je vous réitère ma prière de prendre votre temps pour l’en entretenir ; et je vous répète pareillement d’empêcher avec soin que M. l’abbé du Bois n’en ait connaissance jusqu’à ce que la chose soit bien emmanchée. Car j’appréhenderais de sa délicatesse qu’à moins que S. A. R. ne le lui ordonnât bien expressément, il n’eût une répugnance invincible à permettre que l’on fît agir la maison d’Autriche pour ses intérêts.

« Depuis que cette idée m’est venue, il est arrivé diverses choses qui m’y ont confirmé. Surtout, les bruits qui se répandent comme s’il y avait quelque accommodement particulier sur pied entre l’Empereur et le Roy d’Espagne, et auxquels l’évasion de la princesse Sobiesky semble donner une nouvelle vogue, me font croire que M. le Régent dans le même temps qu’il doit être fort attentif et en garde sur la conduite de la Cour de Vienne, devrait aussi tâcher de faire paraître en public une plus grande harmonie que jamais entre tous les Alliés. Or rien ne serait plus propre à faire éclater cette union et à donner de la réputation à notre Alliance que si l’Empereur et S. A. R. agissaient de concert pour élever au cardinalat celui qui en a été le principal instrument, tandis qu’ils s’attacheraient à perdre Alberoni, à le chasser de l’Espagne et à le dégrader. Aussi me paraît-il naturel que l’époque de l’abaissement de l’un et de l’élévation de l’autre doive être la même. Si Mgr. le Régent agréait que nous tirassions là-dessus une parole positive de la Cour Impériale, j’espère qu’elle ne nous le refuserait point à l’heure qu’il est, si nous le demandions comme une compensation des griefs dont nous pourrions nous plaindre ; au lieu que si l’on tardait un peu à se prévaloir de cette circonstance, je ne sais si nos instances conserveraient le même poids à Vienne, où notre crédit diminue de jour en jour avec celui des ministres allemands. C’est pourquoi je crois qu’il faut tirer parti d’eux le plutôt qu’on pourra ».

La ruse était si grossière qu’elle fait peu d’honneur à Stanhope qui, à la réflexion, le lendemain écrivait à Stair que la lettre était « couchée exprès pour pouvoir être montrée au Régent, si vous le trouviez à propos, et que M. l’abbé l’approuvât ; sinon vous la supprimerez[35]. » On ne la supprima pas, mais Dubois jugea inopportun de la faire lire au Régent dans la crainte de provoquer de sa part un refus dont il serait difficile de le faire revenir[36] ; Stair, encore sous le coup de la rebuffade du mois d’avril précédent augurait que le caractère du Régent était tel qu’on ne l’amènerait jamais à consentir[37]. Stanhope lui-même était pris de doutes, faisait des vœux pour le succès et se retournait vers le concours, de Vienne. « Il faut présentement, écrivait-il à Stair, vous laisser agir suivant vos lumières et les siennes, et tout ce que nous pouvons faire de notre côté, c’est d’entretenir cependant la Cour impériale dans la disposition où nous l’avons mise[38] » (15 juillet).

 

Dubois s'abouche avec Lafitau

Dubois suivait cette négociation avec cette ardeur passionnée qu’il savait mettre chaque fois que son intérêt était en jeu, mais son impatience ne s’arrangeait pas de ces lenteurs et Lafitau, initié à la conduite des affaires romaines, lui découvrait d’autres perspectives et lui révélait de sûrs raccourcis. Sa fonction de secrétaire d’État le mettait en mesure de traiter directement avec la Cour romaine les affaires ecclésiastiques. La bulle Pastoralis officii, du 8 septembre 1718, par laquelle le pape « séparait de la charité de la Sainte Église romaine tous les prélats de France qui ne se soumettaient pas à la bulle Unigenitus » donnait à la querelle une vivacité extrême et mettait la Régence à deux doigts d’un schisme officiellement déclaré. Entré au ministère à l’heure où cette guerre religieuse était menaçante, Dubois trouvait un vestige des conseils dans la commission laïque instituée pour remédier au refus d’institution canonique des évêques ; son premier soin fut de l’embarrasser dans des ruses et de l’empêtrer dans des délais, il la réduisit à l’inaction, le Pape lui en sut bon gré. En même temps, Dubois songea à s’épargner les services du cardinal de la Trémoille, qui, dans une maison au pillage et le cerveau ébranlé des suites d’une apoplexie, subsistait réellement des aumônes du Pape. Lafitau, actif, effronté, ambitieux, se glissa dans l’ambassade et offrit ses services à Dubois qui, dès la première ouverture, fit accorder au jésuite une gratification de deux mille livres, simple obole ! L’archevêque de Bordeaux, Bezons, frère du maréchal, et qui s’était fait une réputation de canoniste éminent, loua fort Lafitau et conseilla à Dubois de recourir à ce séduisant aventurier. Lafitau tenait prêt un projet de pacification de l’Église, projet inspiré par Clément XI et dont le succès était peut-être réservé au glorieux ministère de Dubois[39]. Il tenait prête aussi une tentation plus subtile : « À l’occasion de la future promotion de cardinaux, écrivait-il, j’ai parlé de votre Excellence. Sur quoi le cardinal [Albani, neveu du pape] m’a dit deux choses, la première, qu’il la servirait tôt ou tard, mais que si Votre Excellence portait Son Altesse Royale à finir promptement ce qu’on lui propose, il ne désespérait pas d’y réussir en peu de jours. Il a fini par me dire ces propres paroles : Que l’un et l’autre finissent notre affaire, et sûrement je finirai la leur[40]. » Le projet de pacification consistait dans la présentation par le Saint-Siège au cardinal de Noailles, chef des « appelants » d’explications de la Bulle dressées sous les yeux du Pape[41]. Si Noailles acceptait, le parti n’avait plus de chef et s’émiettait ; s’il refusait, le schisme était notoire. Peut- être envisageait-on de préférence la deuxième alternative. Lafitau écrivait : « Si l’archevêque de Paris persiste dans son refus, Votre Excellence peut regarder son chapeau comme assuré[42] » ; et Dubois lui écrivait à ce moment même : « Je n’ai besoin d’aucun autre attrait... que de pouvoir contribuer aux avantages de la religion et à la paix dans les Églises de France[43]. »

 

Son choix est fait

Mieux instruit probablement de l’inutilité de semblables protestations adressées à un Lafitau, Dubois ne lui cacha pas longtemps que son choix était fait ; c’était Clément XI et non pas Noailles qui détenait les chapeaux, il se tournait sans hésitation vers Clément XI ; disposé à voguer « à pleines voiles à ce que le Pape peut souhaiter de plus éclatant pour sa satisfaction[44] », mais aussitôt il calme les espérances trop vives qu’il aurait pu faire naître : « Le seul moyen de préparer une fin à ces contestions, honorable à Sa Sainteté, et sans danger pour la religion et le Saint-Siège, c’est d’avoir recours à la sagesse, à la dissimulation et au silence[45]. »

 

Mais il ne veut pas froisser les appelants

Désormais l’affaire de la Bulle et l’affaire du chapeau sont inséparables, et suivant la tactique de Dubois, elles seront conduites en silence. Le 28 octobre 1718, le Régent a requis les évêques et les Parlements de faire trêve aux discussions dont on ne pouvait plus attendre éclaircissement ni apaisement. Trois mois plus tard, Lafitau arrive à Paris (20 janvier) et aussitôt entame les négociations. Du premier coup, Dubois écarte le projet romain, il ne veut pas obliger Noailles à un refus qui donnerait le chapeau sans doute, mais brouillerait pour toujours le secrétaire d’État avec le parti janséniste. Celui-ci était en pleine effervescence, à laquelle la publication de l'Instruction, pastorale de Noailles n’était pas étrangère. Pendant que les appelants reprochaient aux Jésuites leur complicité dans l’affaire de Cellamare, les constitutionnaires s’alarmaient à la nouvelle de conférences tenues à Paris entre lord Stair et le docteur en Sorbonne Ellies du Pin en vue d’arriver à l’union du schisme janséniste avec le schisme anglican sous l’égide du primat de Cantorbéry[46]. La situation était à ce point compromise qu’on n’y voyait plus d’issue. « L’affaire de la Constitution, écrivait de Rome le cardinal de la Trémoille, est réduite à un point qu'il faut une protection particulière de Dieu pour la terminer heureusement. Depuis le mois de septembre jusqu’à aujourd’hui on a bien fait du chemin... Il y aura bientôt rupture entière et schisme ouvert sous toutes les formes[47]. » Excitée par tout ce que lui écrivait de Paris i-r nonce Bentivoglio, la Cour de Rome semblait prête aux dernières rigueurs : « On est menacé, écrivait-on, de quelque pièce sanglante avant la fin du Carême[48] » et le public en savait quelque chose : « La Cour de Rome, disait-on, est plus mal avec la nôtre que jamais[49]. »

Clément XI cependant ménageait Dubois. Celui-ci ajoutait à sa riche couronne de bénéfices l’abbaye de Bourgueil et le Pape lui accordait l’induit gratuit : Ces petits présents font naître les bons procédés et Clément XI souhaitait par-dessus tout que le Régent se déclarât pour la Constitution. « Que, sans s’embarrasser des événements, S. A. R. se déclare pour Dieu et Dieu se déclarera pour elle[50] » ; or, comme S. A. R. ne croyait pas en Dieu, le cardinal neveu parlait en clair : « Que le duc d’Orléans se déclare pour le Pape ; le Pape se déclarera pour lui, il y est tenu par sa conscience, par sa politique[51]. » C’était affaire à Dubois de l’y décider. Or Dubois avait mis son espoir dans les délais et dans le silence et ces délais aigrissaient le soupçon et soulevaient des tempêtes. Clément s’étonnait de ne pas voir revenir Lafitau et soupçonnait de sa part quelque louche manigance[52], mais le Jésuite avait à Rome un frère aîné qui prenait sa défense, veillait sur ses intérêts, distribuait ses largesses. « Il faut foncer de l’argent, avait écrit le cadet à Dubois ; je manquerais à mon devoir, si je ne tenais à Votre Excellence un tel langage. C’est le seul qui soit éloquent et efficace en un temps et en un lieu où on ne rougit pas de toujours demander[53]. » De Paris, il avait tarifé les consciences de l’entourage pontifical, le seul qui exerçât une influence durable sur l’esprit du pape : domestiques, infirmiers, médecin, maître de chambre, maître du Sacré- Palais, commissaires du Saint-Office. Avec deux mille écus, répartis avec discernement, on pouvait se les attacher jusqu’au moment où le tentateur ébranlerait leur fidélité[54].

 

Il repousse un projet trop hardi

Tiraillé, indécis, le Pape finit par prêter l’oreille à ceux qui u repousse exploitaient contre Lafitau sa trop longue absence, vers le mois de juin sa patience était à bout et sa santé déclinait assez rapidement pour lui faire envisager une mort prochaine. Il souhaitait finir cette longue querelle qui avait troublé son pontificat et à ce moment, toujours pour gagner du temps, une Déclaration du roi, du 3 juin, prescrivait aux Parlements, aux Facultés, aux docteurs et théologiens une nouvelle période de silence complet sur la Constitution. Le cardinal-neveu qui sentait le pouvoir prêt à lui échapper fit répondre à cette invite par trop platonique par l’avertissement que si le Régent consentait à la décardinalisation de Noailles, le chapeau devenu vacant serait attribué à Dubois, le coup était hardi, désespéré et Dubois ne voulait pas, même au prix du cardinalat, s’exposer à des haines, peut-être à des attentats. Les appelants avaient l’oreille fine et guettaient les moindres bruits. Précisément à cette époque, Dubois était averti que « l’alarme est dans le parti opposé aux Jésuites. On dit que Votre Excellence prendrait des engagements avec le Pape contraires aux intérêts du Roi et de S. A. R., et que la pourpre vous avait fait changer[55]. » Même sans cet avertissement, Dubois eut trouvé l'appât trop grossier ; il refusa l’offre à lui faite sur un ton magnanime[56] sauf à confier le fond de sa pensée à Lafitau : Sa Sainteté a dit hautement que si l’abbé Dubois contribuait à faire dépouiller le cardinal de Noailles de sa dignité, il pourrait en profiter. Voilà un panneau dans lequel vous devez être bien persuadé qu’il ne donnera point[57]. »

 

Instructions données à Lafitau

Lafitau quitta Paris le 12 juillet 1719, muni des instructions de Dubois[58] et emportant la promesse de sa prochaine nomination à un évêché. Lafitau devait se plaindre hautement de l’attitude et des manœuvres du nonce Bentivoglio, surtout il devait faire valoir l’intention pacificatrice dont s’inspirait la Déclaration-du Roi du 3 juin précédent et solliciter le rappel d’un nonce qui ne craignait pas d’écrire contre le Régent et de le traiter d’empoisonneur. Une fois cet encombrant personnage éliminé, Lafitau presserait l’octroi des bulles aux évêques de Bayeux et de Tours, la cessation de la procédure contre le cardinal de Noailles, en un mot s’efforcerait de faire prévaloir la modération et de faire triompher la patience. L’accommodement se ferait alors au gré du Pape « par une acceptation solide de la Bulle ». Le Régent s’engageait à faire inscrire dans cet acte l’obligation du respect dû au Saint-Siège, à déterminer la soumission de tous les évêques, à faire reconnaître enfin l’autorité de la Bulle. Il promettait d’employer jusque-là tous les moyens efficaces contre la témérité des personnes ou des corps qui entreprendraient d’entretenir le trouble dans l’Église. C’était la victoire définitive, absolue de l’ultramontanisme, la défaite éclatante, irrémédiable du Jansénisme que le duc d’Orléans offrait au Pape sans faux détour et à brève échéance[59].

Comment s’y prendrait-il pour obtenir l’adhésion et la soumission du clergé ? Dubois y avait songé avec Lafitau pendant que, de son côté, la Trémoille découvrait une solution à peine différente et qui lui ferait grand honneur[60]. Il se ressouvenait de son titre d’archevêque pour adresser à ses ouailles sous forme de Mandement aux fidèles de Cambrai une explication de la Bulle rédigée à Rome, approuvée par le Pape, présentée au cardinal de Noailles[61]. Dubois sentit l’inutilité et peut-être le danger qu’il y aurait à présenter à Clément XI deux projets trop semblables ; il renonça au sien et laissa à Lafitau le soin d’appuyer l’un et, s’il n’était pas agréé, de reprendre l’autre[62]. Outre ses instructions, Lafitau emportait mieux qu’un chiffre ; Dubois et lui étaient d’accord sur un langage secret. Mme de Gadagne — c’était l’abbé — soutenait un vieux procès devant la Rote — le consistoire — et chargeait son homme d’affaires — Lafitau — d’y mettre fin en gagnant le président — Clément XI — et le rapporteur — cardinal Albani ; — en échange de leurs bons offices elle les servirait en Avignon — à la Cour. —

 

Accueil et projets du Pape

Lafitau arriva à Rome le 25 juillet[63] et obtint sa première audience le 4 août. Clément XI fit fête à l’enfant prodigue, se répandit en promesses, reconnut la convenance et l’opportunité de la nomination de Dubois, à qui Lafitau rendit compte de tout en ajoutant ses impressions personnelles. Le Pape baissait rapidement et sa succession s’ouvrirait sans tarder. La France y aurait son mot à dire si, d’accord avec le parti Albani, elle savait faire « briller au Conclave la lueur de l’argent et exigeait du Pape de finir l’affaire de la Constitution au gré du Régent[64]. » Mais Clément XI pouvait durer quelque temps encore et son tempérament batailleur n’était pas terrassé par l’âge et la maladie. La politique de délais et de silence ne lui agréait pas, il lui préférait celle des coups rapides et éclatants, et ruminait la convocation d’un Consistoire où il accorderait les bulles aux évêques de Bayeux et de Tours tandis qu’il condamnerait la conduite et les écrits du cardinal de Noailles[65]. Lafitau fut plus heureux sur un autre point et obtint le rappel du nonce Bentivoglio[66]. Il laissait à La Trémoille le soin de soutenir son projet de Mandement et s’appliquait tout entier à la négociation du cardinalat.

 

Proposition de nomination in petto

Dès sa première audience il en avait tiré de vagues assurances ; peu après il lui fallu reconnaître que le Pape l’avait joué : une de ces rumeurs, dont l’origine se retrouve sous forme ci avertissement beaucoup plus que d’indiscrétion annonçait une promotion prochaine de cardinaux dont feraient partie deux prélats français. M. de Gesvres archevêque de Bourges et M. de Mailly archevêque de Reims. Dubois comprend à demi-mot et avertit son confident que « si son affaire n’était pas jugée dans la présente Rote, [Mme de Gadagne] retirerait sûrement sa procuration[67]. » Le confident se rend à Castel Gandolfo, où le Pape prend des vacances, et obtient l’assurance que Dubois sera nommé au prochain Consistoire, mais in petto ; au besoin Clément XI en prendra l’engagement écrit et Lafitau le mande sans tarder : « J’assure de la part de Monsieur notre Premier Président que si Mme de Gadagne fait à ses juges le plaisir qu’ils en attendent, son procès finira certainement dans la séance, et qu’un des articles qu’elle souhaite sera formellement inséré dans l’arrêt, le tout sans aucune ambiguité[68]. » Dubois déçu ne perd pas cependant l’espoir de réussir, il répond à Lafitau : « Mme de Gadagne, ma cousine, vous prie de ne rien oublier pour faire en sorte que son procès soit terminé définitivement à la première séance, parce qu’autrement elle est déterminée sans retour à ne plus poursuivre ce jugement à la Rote. Elle croit devoir à son honneur, à ses intérêts et à son repos de prendre cette résolution et de ne pas employer à chicaner et à essayer des subterfuges sans fin un temps précieux qu’elle peut employer très utilement à profiter des avances qu’on lui a faites pour un accommodement dans lequel, sans faire aucune injustice à ses associés, elle peut trouver des avantages certains. Elle vous prie donc de déclarer qu’elle aime autant perdre son procès que d’obtenir seulement une sentence interlocutoire dans laquelle elle ne fût pas nommée et qui ne fût pas signée aussitôt qu’elle sera rendue[69]. » L’insuccès n’était pas imputable à Lafitau et, avec cette lettre, Dubois en expédiait une autre annonçant à son chargé d’affaires sa nomination à l’évêché de Sisteron[70] : « Dans le temps que vous travaillez, lui disait-il, pour la religion, le Saint-Siège et pour l’État, il ne serait pas juste de vous laisser exposé à la malignité de leurs ennemis et de tarder plus longtemps à vous affranchir et à rendre justice à votre mérite... » Les autres agents n’étaient pas moins bien traités : le P. Désirande, théologien du Pape, accepta cinquante pistoles en espèces[71] ; l’assesseur et le commissaire du Saint-Office avaient un moment embarrassé Lafitau qui les jugeait inaccessible à l’argent[72], ils s’humanisèrent et le premier s’accommoda d’un bureau couvert de plaquas d’argent ciselé, deux flambeaux d’argent, une tabatière, un flacon de vermeil et trente-cinq pistoles ; le deuxième accepta deux tableaux encadrés, un bénitier de vermeil et vingt-trois pistoles, en outre on remplit ses armoires de dix livres de chocolat, dix livres de tabac d’Espagne, soixante livres de sucre, quatre-vingts livres de chandelle ; Massei, ,qui visait à une nonciature, se contenta d’un couvert, une coupe et des salières d’argent avec dix pistoles, plus neuf pistoles à partager entre son secrétaire, son valet de chambre et sa cuisinière[73]. Le neveu du Pape, don Alexandre Albani, écrivait Lafitau, « commence à être affligé de ce qu’il n'a rien touché en dernier lieu, il souhaite extrêmement qu’on y remédie le plus tôt possible[74]. » Dubois y consentait, mais connaissant la conduite privée de Don Alexandre exigeait « un marché particulier avec lui dans chaque affaire particulière[75]. » Pour son frère, le cardinal-neveu, Dubois ne lésinait pas autant et lui destinait une miniature du Régent dans un cadre de cristal et treize pistoles[76] ; ajoutant que le duc d’Orléans serait toujours prêt à donner au prélat et les marques les plus généreuses de son amitié[77]. « Le cardinal Tolomei refusa longtemps une montre à répétition, puis succomba et presque aussitôt la rendit au tentateur[78]. Enfin, le Pape lui-même n’était pas à l’abri. « Sa passion, écrivait Lafitau, est de se faire une Bibliothèque[79] ». L’insinuation sera entendue.

 

Torcy évente la correspondance

Lafitau soutient son personnage, car il est entendu entre les deux complices qu’il ne fait rien que de lui-même et sans l’aveu de Dubois, à qui il écrit : « Votre Excellence m’encourage à lui parler d’une affaire dont je l’entretenais mal volontiers à cause du peu de part qu’elle y prend[80] » et Dubois de répondre : Si Mme de Gadagne gagnait son procès et que son jugement pût être publié, je crois que le solliciteur devrait écrire au vice-légat d’Avignon (le Régent) pour lui demander excuse d’avoir poursuivi cette affaire sans avoir reçu ses ordres, et s’excuser sur ce que le juge lui-même (le Pape) lui avait conseillé d’agir et de ne dire à personne que ce fût par son conseil[81]. » Or, quelques mesures que prit Dubois pour cacher son intrigue, Torcy dépistait tout par le secret de la poste ; il fut frappé de ce style énigmatique, et comme il voulait peu de bien à l’abbé, il avertit le duc d’Orléans avec sa mesure accoutumée, que si cet abbé travaillait pour son chapeau de l’aveu de S. A. R., il n’avait rien à dire ; mais que, dans l’incertitude il avait cru de son devoir de l’avertir de ce qu’il en voyait. Le duc d’Orléans se mit à rire. « Cardinal, ce petit faquin ! vous vous moquez de moi ; il n’oserait y avoir jamais songé. » Et sur ce que Torcy insista et montra les preuves, le Régent se mit en colère, et dit que, « si ce petit impudent se mettait cette folie dans la tête, il le ferait mettre dans un cul de basse-fosse[82]. » La lettre du 14 novembre fut mise sous les yeux du Régent et Dubois le fit savoir à Lafitau : « Mgr le Régent a su, je ne sais par où que dans vos lettres il était parlé souvent d’une Mme de Gadagne, avec un jargon qui semblait inintelligible, et qui pourtant ne l’a pas été pour Son Altesse Royale ». En conséquence, il recommandait à son agent de garder le silence lorsqu’il ne disposerait pas d’une occasion sûre, lui prescrivait dans sa première lettre de renouveler ses excuses de s’être engagé dans cette affaire sans ordre, sans permission et malgré la défense expresse de Dubois ! « Je persiste à penser qu’il faut que le procès de Mme de Gadagne soit jugé dans la première séance et l’arrêt prononcé publiquement, ou qu’elle renonce à tout jugement. Si elle ne peut obtenir ses sûretés d’un côté, il faut qu’elle les prenne de l’autre. Elle aimerait mieux sans [comparaison] celles qui peuvent venir du côté de Rome, que les plus grands établissements qu’on puisse lui procurer ici ; mais en attendant inutilement ce qu’elle aimerait le mieux, il ne serait pas juste quelle perdît l’occasion de se mettre à l’abri de tous les événements dans ce pays-ci[83]. »

 

Reprise de l’intervention anglaise

Le ton de cette lettre et les sûretés dont il était fait mention s’expliquent par le nouveau tour que prenait la bienveillance de l’Angleterre. Dans sa lettre du 8 novembre à Lafitau, Dubois nommait un de ses anciens partenaires dans les négociations de Londres. « M. de Pendtenriedter, mon ami particulier. Il a, ajoutait-il, une grande influence à sa Cour[84]. » Ce nouvel allié toutefois montrait plus de circonspection que son collègue à Paris, lord Stair. Le 10 octobre celui-ci avait écrit à Stanhope que Dubois était toujours féru du chapeau et priait son vieil ami de lui continuer ses bons offices à Vienne, pour y obtenir à tout le moins de la Cour impériale qu’elle fit savoir à Rome qu’elle ne soulevait pas d’objection et n’exigerait aucune compensation si Dubois était nommé. Mais, ajoute lord Stair, « il y aurait un autre moyen de procurer le chapeau à l’abbé, et qui, à mon gré, serait le plus propre à réussir ; je veux dire que si les choses tournent bien, comme probablement elles ne manqueront pas de le faire, conformément au système de la Quadruple-Alliance, ce serait que le Roi prît cette occasion de recommander l’abbé au Régent pour la nomination de la France, comme une marque de sa faveur envers l’homme qui lui aurait rendu un service si éminent. Je me flatte que le Régent ne repoussera pas la requête du Roi ; et en même temps, je crois qu’il sera très difficile d’obtenir son consentement par aucun autre moyen. » Dans un post scriptum, Stair ajoute qu’il a vu l’abbé qui approuve cette suggestion et désire que Georges Ier recommande à M. de Senectère, quand il se rendra en France, de parler de sa part au Régent en sa faveur, ou au seul Régent en prenant garde que l’abbé continue à ignorer tout ce qui se manigance à son profit[85]. »

 

Lettre de Georges Ier à l'Empereur

Georges Ier acquiesce à cette manœuvre qu’on lui propose et le 1er novembre, il écrit de Hanovre à l’Empereur qu’en raison de l’indisposition du Pape qui pourrait avancer la promotion de cardinaux, il communique « une idée essentielle pour l’avancement de l’intérêt commun » afin que l’Empereur « puisse sans perte de temps contribuer par ses offices à Rome à la faire réussir. Il est à présumer que le Régent de France recommandera l’abbé Dubois au cardinalat. Or celle dignité ayant enhardi Alberoni à entreprendre et pousser avec tant d’opiniâtreté ses des- x seins pernicieux, il me semble qu’il serait juste et prudent d’en récompenser et soutenir le courage d’un autre ecclésiastique, dont le ministère a si fort contribué à l’Union formée par la Quadruple-Alliance, et par conséquent aux suites heureuses qui en ont résulté, tant pour la cause commune que pour les intérêts de V. M. Imp. et Cath. en particulier. Si elle pensait là-dessus comme moi j’espère qu’elle fera témoigner au Pape que la promotion de l’abbé Dubois lui sera agréable...[86] » Stanhope transmit cette lettre à Saint-Saphorin en lui expliquant qu’il la devait remettre en mains propres et y ajouter les explications orales indispensables pour en assurer le bon effet : « M. l’abbé Dubois souhaite le cardinalat autant pour sa sûreté que par ambition ; et l’Empereur doit mieux aimer l’y aider que de le réduire à le rechercher par un canal où les Alliés ont moins leur compte[87]. » Il fallait que le comte du Bourg, ministre de France à Vienne ignorât tout, et aussi que la Cour impériale ne perdît pas de temps.

 

Commentaire de Saint-Saphorin

Saint-Saphorin, reçu en audience par l’Empereur, le 13 novembre, s’acquitta de sa mission avec une belle ardeur. Il montra combien il serait avantageux que l’abbé lui eût l’obligation de cette dignité suprême et, en cas d’échec, on s’y prendrait de façon que la responsabilité tombât sur l’obstination malveillante du Pape. Le roi d’Angleterre avait eu maintes occasions de se plaindre des machinations pontificales, il s’était tu uniquement par égard pour son allié impérial, préférant employer la flotte anglaise dans la Méditerranée dans l’intérêt de Charles VI plutôt que de la faire servir à châtier Clément XI.

Parlant d’ordre de son gouvernement, Saint-Saphorin fit entendre des menaces si le Pape tolérait le Prétendant à Rome, ou s’il faisait un cardinal à sa nomination. Il pria l’Empereur de lui faire de sérieuses remontrances pour l’empêcher de s’abandonner à tout ce que lui suggérait Alberoni et le Prétendant. L’Empereur promit de donner des ordres au cardinal del Judice pour qu’il s’employât à faire obtenir le chapeau à Dubois. Cependant il réserva ses droits à deux chapeaux qu’il prétendait comme empereur et souverain des Espagnes ; il promit de s’entremettre à propos du Prétendant[88]. Vagues promesses qui ne trompaient personne, pas même celui à qui elles étaient adressées car, remarquait Saint-Saphorin « la Cour de Vienne n’a pas la coutume de s’opiniâtrer pour autrui. »

 

Lettre du roi d'Angleterre

Mis au courant de ces démarches, Dubois manifesta une vive reconnaissance, et insista sur la nécessité d’agir directement sur le Régent. Il revint à l’idée d’une lettre autographe apportée par M. de Senectère, remise et commentée par lord Stair dont l’insistance savait parfois entraîner sans convaincre. Georges Ier se montrait d’une complaisance sans bornes. Rentré de ses États de Hanovre à Londres le 14 (25) novembre 1719, il écrivit le jour même la lettre suivante :

« Mon frère et cousin, M. de Senectère vous rendra compte de la confidence que je lui ai faite d’une chose que je souhaite depuis longtemps et que je crois convenable à vous et aux alliés. Nous devons cette reconnaissance à la personne dont il s’agit, et cette mortification à nos ennemis. Ne pouvant pas le faire par moi-même, je ne veux plus différer de vous exhorter à nous acquitter. Si vous y pensez vous-même, je vous prie de n’avoir aucun égard à la modestie de la personne, mais aux services importants qu’il nous a rendus. En mon particulier, je vous en serai obligé, comme d’une marque d’amitié essentielle que je vous demande de tout mon cœur[89]. » On aurait lieu d’être surpris qu’un allemand sut composer cet adroit billet, si on ne savait que, rédigé tout entier de la main de Dubois, il fut transmis par lord Stair, de sorte que le roi d’Angleterre n’avait eu qu’a le copier et le renvoyer[90].

Le coup porta, nous apprend lord Stair, qui présenta la lettre au Régent et, avant que de sortir de son cabinet, en tira parole qu’il ferait toutes les démarches nécessaires pour faire réussir les prétentions de l’abbé au cardinalat. « Mons. le duc d’Orléans, écrit-il, ayant leu la lettre du Roy m’a dit que je savais bien qu’il n’était pas fort amateur des cardinaux en France, mais qu’il n’y avait pas moyen de refuser quelque chose au Roy et qu'il était persuadé qu’il n’aurait pas lieu de se repentir de sa complaisance en cette occasion[91]. » Quand ils reçurent cette dépêche, lord Stanhope et lord Sunderland, qui venaient d’apprendre d’autre part les dispositions favorables de l’Empereur ne purent contenir leur satisfaction et l’exprimèrent chaleureusement à Destouches, qu’ils rencontrèrent à la Chambre des lords[92] ; le Roi lui-même, croyant l’affaire faite, en témoignait sa joie très vive[93].

 

Lettre du Régent

Le jour même où lord Stair rendait compte à sa Cour du succès obtenu, le Régent tenait parole et écrivait à Clément XI :

« Très-Saint-Père,

« Il y a longtemps que je diffère de demander à Votre Sainteté une nouvelle marque de bonté et d’amitié qui me serait aussi sensible qu’aucune autre que j’aie reçue. Elle sait que l’abbé Dubois a ma principale confiance dans les mesures que je continue de prendre pour procurer le rétablissement de la paix de l’Église ; que les dispositions prochaines à la tranquillité générale de l’Europe qui sont le fruit des négociations que je lui ai confiées me mettent en état d’avancer ce grand ouvrage auquel il peut encore beaucoup contribuer, et qu’il a toujours agi avec toute l’application et tout le zèle possible pour les avantages réciproques du Saint-Siège et du royaume, aussi bien que pour la gloire de Votre Sainteté. La place qu’il a remplie auprès de moi, les ambassades dont il a été revêtu et son élévation au ministère des Affaires Étrangères sont, Très-Saint-Père, autant de progrès qui ont pu l’approcher de la dignité de cardinal, que je supplie très instamment Votre Sainteté de lui accorder dans la première promotion. Si Votre Sainteté veut bien avoir égard à ma prière en faveur d’un sujet pour qui j’espère la trouver favorablement disposée, elle me donnera de nouveaux moyens d’avancer la satisfaction de Votre Béatitude, et de dissiper ce qui pourrait encore entretenir le trouble dans l’Église. Je ne veux point faire valoir la considération attachée à l’autorité que j’exerce, ni les raisons que je pourrais avoir de demander à Votre Sainteté, au nom du Roi, une compensation des places qu’Elle a accordées à d’autres puissances dans le collège des cardinaux. Je ne veux devoir la grâce que j’attends d’Elle en cette occasion qu’aux bontés dont elle m’a si souvent renouvelé les assurances, et que je me flatte qu’Elle voudra bien me continuer[94]. » Il est presque superflu d’ajouter que cette lettre du Régent, comme celle du Roi d’Angleterre, avait été rédigée par Dubois.

Le cardinal de La Trémoille avait mission de la présenter au Pape Clément XI « et de n’oublier rien de ce qui peut le toucher..., de ne négliger aucun des moyens qui peuvent assurer et avancer l’effet de ce plaisir[95]. » Dubois joignait ses instances à celles de son maître, s’estimant « heureux que S.A. R. dépose entre les mains de Votre Excellence l’excès de bonté qu’Elle a pour moi, et qu’elle lui confie le soin d’obtenir la grande distinction qu’elle veut me procurer[96]. » Par le même courrier il prévenait Lafitau qu’il persistait « à penser qu’il faut que le procès de Mme de Gadagne soit jugé dans la première séance, et l’arrêt prononcé publiquement, ou qu’elle renonce à tout jugement ; si elle ne peut obtenir ses sûretés d’un côté, il faut qu’elle se les procure de l’autre. Elle aimerait mieux, sans difficulté, celles qui peuvent venir du côté de Rome que les plus grands établissements qu’on peut lui procurer ici. Mais en attendant inutilement ce qu’elle aimerait mieux, il ne serait pas juste qu’elle perdît l’occasion de se mettre à l’abri dans ce pays-ci[97]. »

 

Echec de Dubois

Ainsi engagée, patronnée, soudoyée, la candidature semble devoir aboutir à une nomination. Cependant à l’heure même où, à Paris, le Régent écrit au Pape, à Rome, Clément XI tient un consistoire et déclare dix nouveaux cardinaux, parmi lesquels Dubois n’est pas nommé. La nouvelle en arriva à Paris le 9 décembre dans la soirée et elle éclata le lendemain[98]. La stupéfaction fut générale d’apprendre que les deux prélats français choisis par Clément XI étaient M. de Gesvres et M. de Mailly. La nomination de ce dernier semblait une bravade et presque une insulte, puisque le gouvernement français avait formellement exclu ce singulier personnage[99]. Le choix du nonce Bentivoglio dont la maîtresse et la fillette était la fable de tout Paris[100], soulignait encore la malveillance de ces choix auxquels la Cour romaine ajouta un procédé désobligeant par l’envoi à M. de Mailly de la nouvelle de sa promotion et de la calotte rouge[101]. Dubois dévora le contretemps et exhala sa mauvaise humeur dans une lettre à Stanhope : « Voilà mes plus grandes espérances à vau-l’eau[102] » et il fit entendre une sorte de menace à Lafitau : « C’est la plus grande offense que le Roi ait reçue depuis sa minorité, et cela au moment où le Régent travaillait à ramener les évêques au Saint-Siège[103]. » Lafitau ne s’émouvait pas pour un échec qu’il entrevoyait réparable vu l’état de santé de Clément XI. Sept jours après la promotion, il pronostiquait la mort prochaine du Pape : « Le président pense efficacement à se démettre de sa charge. Je ne crois pas la chose fort éloignée. Si Mme de Gadagne veut continuer à honorer son agent de ses ordres, il tâchera de faire en sorte que le nouveau président n’entrera pas en charge qu’il n’ait auparavant signé toutes ses prétentions. » C’était tout un programme, mais Dubois ne ressentait pas moins vivement son échec et l’incertitude de sa situation. Consolations et promesses, d'où quelles vinssent, de Lafitau ou de Stanhope[104], pouvaient difficilement tempérer l’amertume que l’abbé ressentait lorsque le Régent, pour lui faire sentir le peu qu’il était, l’obligeait à travailler sous ses yeux avec deux hommes qu’il haïssait, comme des rivaux possibles : Torcy et John Law[105].

 

 

 



[1] Saint-Simon, Mémoires, t. XVI, p. 222.

[2] Dubois à Nocé, la Haye, 11 décembre 1716, dans Lémontey, Histoire de la Régence, t. II, p. 2, note 1.

[3] Dubois au Régent, la Haye, 4 janvier 1717, ibid., t. II, p. 2, note 1.

[4] Madame à la raugrave Louise, 6 mars 1721, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 304.

[5] Madame à la raugrave Louise, 17 août, 1717, ibid., t. I, p. 312.

[6] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 112 : Chavigny à Dubois, Londres, 18 mai 1718.

[7] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 208 : Chavigny à Dubois, Londres, 17 juillet 1718.

[8] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 327, fol. 168 : Sunderland à Dubois, Londres, 18 décembre 1718.

[9] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 208 : Chavigny à Dubois, 17 juillet 1718.

[10] Alberoni à Cellamare, 10 octobre 1718, dans Lémontey, op. cit., t. II, p. 2, note 3.

[11] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à Craggs, Paris, 18 juillet 1718.

[12] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 4 décembre 1718.

[13] D’Antin, Mémoires manuscrits, t. VIII, dans Lémontey, Histoire de la Régence, t. II, p. 3.

[14] Le maréchal de Tessé au duc de Bourbon, 24 janvier 1725, ibid., t. II, p. 3.

[15] Né à Bordeaux en 1685, entré au noviciat en 1708, évêque de Sisteron en 1719 ; il aura quitté la Compagnie à cette époque ou peu auparavant.

[16] Dubois à Lafitau, 27 décembre 1718, dans C. de Sévelinges, Mémoires secrets du cardinal Dubois, in-8°, Paris, 1815, t. I, p. 268 suivantes.

[17] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 631, fol. 230 : cardinal de Rohan à Dubois.

[18] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 589, fol. 176 : Lafitau à Dubois, 6 décembre 1718.

[19] C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 268-273 ; V. de Seilhac, L’abbé Dubois, premier ministre de Louis XV, in-8°, Paris, 1862, t. II, ch. IX.

[20] P. Lafitau à J.-F. Lafitau (son frère), Paris, 11février 1719, dans C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 271-272.

[21] Public Record Office, Germany, vol. 212 : Saint-Saphorin à lord Stanhope : Vienne, 25 janvier 1719 ; mémoire sur l'État présent de la religion catholique en Angleterre et sur les moyens d’en prévenir l’extirpation par l’abbé Strickland (en français).

[22] Public Record Office, Germany, vol. 212 : Saint-Saphorin à lord Stanhope, Vienne, 7 mai 1719.

[23] Public Record Office, Germany, vol. 212 : Saint-Saphorin à lord Stanhope, Vienne, 7 mai 1719.

[24] Public Record Office, France, vol. 353 : lord Stair à J. Craggs, Paris, 8 avril 1719.

[25] Public Record Office, France, vol. 354 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 1er juillet 1719.

[26] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 450-453 ; Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVII, p. 66 ; Dorsanne, Journal, t. III, p. 180.

[27] Saint-Simon, Mémoires, t. XVII, p. 70.

[28] Saint-Simon, Mémoires, t. XVII, p. 357-358.

[29] Public Record Office, France, vol. 354 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 1er juillet 1719.

[30] Public Record Office, Germany, vol. 212 : Saint-Saphorin à lord Stanhope, Vienne, 31 mai, 3 juin 1719.

[31] Public Record Office, Germany, vol. 212 : Saint-Saphorin à lord Stanhope, Vienne 7 juin 1719.

[32] Public Record Office, Germany, vol. 212 : Saint-Saphorin à lord Stanhope, Vienne, 14 juin 1719 ; The Stair Annals, vol. II, p. 391, 392.

[33] Public Record Office, Germany, vol. 212 : Lord Stanhope à Saint-Saphorin, Hanovre, 15 juin 1719.

[34] Public Record Office, France, vol. 353 : lord Stanhope à lord Stair, Hanovre, 16 juin 1719 ; C. Sévelinges, op. cit., t. I, p. 276 ; Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais, 1899, t. III, p. 184-186, rétablit contre Sévelinges et Lémontey la date du 16 et non du 27.

[35] Public Record Office, France, vol. 353 : lord Stanhope à lord Stair, Hanovre, 17 juin 1719.

[36] Public Record Office, France, vol. 354 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 1er juillet 1720.

[37] Hardwicke Papers, t. II, p. 580 : lord Stair à Craggs, Paris, 8 juillet 1719.

[38] Public Record Office, France, vol. 354 : lord Stanhope à lord Stair, Hanovre 15 juillet 1717.

[39] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 589 : Lafitau à Dubois, 15 novembre 1718.

[40] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 589 ; Lafitau à Dubois, 16 et 22 novembre 1718.

[41] Lafitau, Histoire de la Constitution Unigenitus, in-4°, Avignon, 1737.

[42] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 589 ; Lafitau à Dubois, 6 décembre 1718.

[43] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 589 ; Dubois à Lafitau, 6 décembre 1718.

[44] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 589 ; Dubois à Lafitau, 27 décembre1718 ; C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 270 (n’a donné que la dernière partie de cette dépêche).

[45] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 589 : Dubois à Lafitau, 27 décembre1718.

[46] P.-E. Lémontey, Histoire de la Régence, in-8°, Paris, 1832, t. I, p.165, note 1 ; Lafitau, op. cit., t. II, p. 86 ; Gazette de la Régence, p. 301 ; 26 décembre 1718.

[47] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 595 : La Trémoille au Roi, 28 février 1719.

[48] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 596 : La Chausse à Dubois, 14 mars 1719 ; Lafitau (l’aîné) à son frère, Rome 14 mars 1719.

[49] Gazette de la Régence, p. 314 ; 30 janvier 1719.

[50] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 595 : Lafitau (l’aîné) à son frère rapporte deux entretiens qu’il a eus avec Clément XI, 10 et 13 janvier 1719.

[51] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 595 : Le cardinal Albani à Lafitau, 17 janvier 1719.

[52] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 595 : Lafitau (l’aîné) à son frère, Rome, 25 février 1719.

[53] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 589 : Lafitau à Dubois, Rome, 6 décembre 1718.

[54] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 595 : Mémoire de Lafitau à Dubois, février 1719 (officiers qui sont dans la confidence du pape).

[55] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 597 : Crozat à Dubois, 26 juin 1719.

[56] C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 273, 274.

[57] C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 282.

[58] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 597 ; Le Roi à La Trémoille, 4 juillet 1719 ; Instructions à Lafitau, 11 juillet 1719.

[59] E. Bourgeois, Le secret de Dubois, cardinal et premier ministre, in-8°, Paris, s. d. [1911] p. 160.

[60] P. Lafitau, Histoire de la Constitution Unigenitus, t. II, p. 104, suivantes.

[61] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 597 : La Trémoille à Dubois, 25 mai1719 : Mémoires sur un projet dont je lui avais insinué quelque chose par rapport à l’affaire de la Constitution ; Id., t. 598 : Projet d'instruction pastorale, 6 juillet 1719.

[62] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 597 : Dubois à La Trémoille, 20 juin 1719.

[63] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 598 : La Trémoille à Dubois, 25 juillet 1719.

[64] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 598 : Lafitau à Dubois, 4 et 5 août 1719.

[65] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 598 : Lafitau à Dubois, 8 août 1719.

[66] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 599 : Lafitau à Dubois, 16 septembre 1719.

[67] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 599 : Dubois à Lafitau, 19 septembre 1719 ; C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 231.

[68] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Lafitau à Dubois, 1er, 7 et 31 octobre 1719.

[69] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Dubois à Lafitau, 8 novembre 1719 ; C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 284 suivantes.

[70] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Dubois à Lafitau, 8 novembre 1719.

[71] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600, fol. 260 : Mémoire de Lafitau, à novembre 1719, acquitté par Dubois.

[72] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600, fol. 260 : Mémoire de Lafitau, à novembre 1719, acquitté par Dubois.

[73] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600, fol. 260 : Mémoire de Lafitau, à novembre 1719, acquitté par Dubois.

[74] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Lafitau à Dubois, 10 et 24 octobre 1719.

[75] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 599 : Dubois à Lafitau, 3 octobre 1719.

[76] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600, fol. 260 : Mémoire de Lafitau, à novembre 1719, acquitté par Dubois.

[77] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 599 : Dubois à Lafitau, 13 décembre1719.

[78] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Lafitau à Dubois, 3 octobre 1719.

[79] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Lafitau à Dubois, 27 novembre 1719.

[80] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Lafitau à Dubois, 31 octobre 1719.

[81] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Dubois à Lafitau, 14 novembre 1719.

[82] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XVIII, p. 126.

[83] Dubois à Lafitau, 29 novembre, dans C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 277-291.

[84] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Dubois à Lafitau, 8 novembre1719.

[85] Public Record Office, France, vol. 354 : lord Stair à lord Stanhope, 20 octobre 1719.

[86] Public Record Office, Germany, vol. 213 : George Ier à Charles VI, Hanovre 21 octobre (= 1er novembre) 1719.

[87] Public Record Office, Germany, vol. 213 : lord Stanhope à Saint-Saphorin, Hanovre, 4 novembre 1719.

[88] Public Record Office, Germany, vol. 213 : Saint-Saphorin, Vienne, 16 novembre 1719.

[89] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 328, fol. 432 : Georges Ier au Régent, C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 287.

[90] Public Record Office, France, vol. 354 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 14 novembre 1719.

[91] Public Record Office, France, vol. 354 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 29 novembre 1719.

[92] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 327 : Destouches à Dubois, 3 décembre 1719 ; C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 293.

[93] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 327, fol. 148 : Destouches à Dubois, 14 décembre 1719.

[94] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : le Régent au Pape, 29 novembre 1719 ; C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 291.

[95] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : le Régent à La Trémoille, 29 novembre 1719.

[96] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 600 : Dubois à La Trémoille, 29 novembre 1719.

[97] Dubois à Lafitau, 29 novembre 1719, dans C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 290, 291.

[98] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 170 ; Additions de Saint-Simon, ibid., p. 176.

[99] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 599 : Dubois à La Trémoille, 3 octobre 1719.

[100] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVIII, p. 177 ; Duclos, Mémoires secrets, in-8°, Paris, 1791, t. I, p. 169.

[101] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 183 ; 14 décembre 1719 ; M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 16 décembre, dans Les correspondants de la marquise de Balleroy, 16 décembre, t. II, p. 90-91.

[102] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 327 : Dubois à lord Stanhope, 18 décembre 1719.

[103] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 601 : Dubois à Lafitau, 12 décembre 1719.

[104] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 327 : Stanhope à Dubois, 29 décembre 1719.

[105] Public Record Office, France, vol. 354 : lord Stair à lord Stanhope, 27 décembre 1719.