HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XL. — L'Éducation de Louis XV (1715-1721).

 

 

Attention générale journée vers Louis XV. — A cinq ans. — Soins de Mme de Ventadour. — Malices. — Distractions. — Promenades, jeux et compagnons. — Bouderies. — Espiègleries. — Le Roi « passe aux hommes » 15 février 1717. — Le maréchal de Villeroy son gouverneur. — Première éducation. — Éducation morale. Études et délassements. — Flagorneries. — Polissonneries et sournoiseries. — Morosité. — Récréations. — Manque de tendresse et de piété.

 

Attention générale tournée vers Louis XV

Dans les écrits de la Régence : Journaux intimes, Correspondances privées. Mémoires secrets, une préoccupation se laisse voir toute faite de vigilance, d’admiration et de tendresse ; c’est comme une chronique particulière des faits et gestes du petit Roi. Mille détails nous sont donnés sur sa bonne mine et son esprit : c’est à qui l’aura vu et pourra dire l’air de force et de santé qu’il prend chaque jour ; c’est à qui débitera les nouvelles qui circulent, les rumeurs et les conjectures accréditées dans l’entourage. Ses moindres espiègleries font le tour des salons de Paris, descendent de là aux boutiques et sur les marchés ; sa mauvaise humeur donne du souci a la ville et à la Cour, l’étranger lui-même s’alarme au premier bruit de ses indispositions : « Louis XV est l’enfant de l’Europe », dira l’Empereur[1]. Par-dessus tout il est l’enfant de la France ; à la pensée de ce rejeton qu’on croit miraculeusement épargné par la mort, qu’oh soit chétif et de santé délicate, il n’est pas rare de voir des yeux se mouiller ; à sa vue, il n’est pas de française qui n’éprouve un sentiment de fierté maternelle, comme si cet orphelin si radieusement beau était un peu son propre enfant. Ces yeux lumineux, et noirs, et sourieurs ; ces longs cils qui frisent, ce joli teint, cette charmante petite bouche, ces belles joues pâles, et la finesse, la délicatesse, l'harmonie d’un visage de femme en cette figure ronde, la mignonesse et le charme d’un Joas, la face bourbonienne en sa fleur et sa lumière finissantes ravissent tous les cœurs[2]. Le bambin grandit, l'enfant pousse droit et mince, l’adolescent promet de dépasser toutes les promesses et tous les espoirs, c’est le triomphe de la grâce mignarde, drapée de pourpre et d’hermine, à. la fois sérieuse et folâtre, suspendant ses jeux afin de se laisser admirer.

Si l’affection des Français pour leurs rois avait été mise a l’épreuve et avait paru ébranlée, elle renaissait plus profonde, plus confiante et plus attendrie autour de cet enfant dont l’existence renfermait le mystérieux avenir de la monarchie. Chacun semblait sentir plus ou moins confusément de quelle gravite seraient pour les destins du royaume les vertus ou les vices de ce Roi dont l’éducation devenait, en toute vérité, « affaire d’Etat ». De mois en mois, les indices, les anecdotes composent l’idée brillante d’un prince tel qu’on le voudrait voir. Touchante illusion de laquelle la nation mettra longtemps à revenir ! Mais, en même temps, révélation circonstanciée des lacunes et des erreurs de cette éducation artificielle dont on saisit le vide et l’immoralité.

 

A cinq ans

Tous les témoins ne parlent pas de l’enfant sur le même ton. Son arrière grand-tante, Madame, ose se permettre des jugements qui consternaient Dangeau, toujours plus préoccupé de la santé que de tout le reste. Il est vrai qu’au début du règne, on ne souhaite rien de plus à cet enfant de cinq ans. Le Roi est d’une parfaite santé[3] ; il se promène tous les jours[4], se fortifie et se porte à merveille[5], se porte à merveille et se fortifie[6], jouit d’une parfaite santé[7] et devient tous les jours plus joli et par l’esprit et par ses manières polies[8]. Il comprend déjà les cartes de géographie aussi bien que le ferait un homme[9], donne des audiences[10], reçoit des prestations de serment[11], promène tous les jours[12]. Dangeau habitant Paris, est instruit de ce qui se passe à Vincennes et ne manque pas de noter que le Roi eut le matin, une assez grande fonte, à quoi il est sujet, mais le soir tout allait bien et, le lendemain, on est averti que l’incommodité n’a eu aucune suite. Dieu merci ! ajoute le chroniqueur rassuré[13]. La semaine suivante un nouveau dérangement mais aussi c’est que le Roi mange beaucoup et peut-être trop[14].

 

Soins de Mme de Ventadour

Paris est impatient de le voir installé aux Tuileries[15] et l’enfant, ravi de ce changement de lieux, montre sa joie[16], se fait déjà fort aimer de ceux qui ont l’honneur d’approcher de lui[17] et donne de grandes espérances[18] quoiqu’on s’entretienne d’un pronostic qui ne lui accorde que deux années à vivre[19]. Madame, qui l’observe sans une excessive bienveillance, le trouve vif, il ne reste pas lin moment dans la même posture, mais pour dire la vérité vraie, c’est un enfant mal élevé : on lui permet tout de peur qu’il ne tombe malade. Si on le corrigeait il ne se passionnerait pas autant, et cela peut lui nuire plus que de lui laisser faire toutes ses volontés ; mais chacun veut être dans les bonnes grâces du Roi, quelque jeune qu’il soit[20]. La gouvernante laisse critiquer avant tout dit-elle, il est question qu’il vive ; je veux l’accoutumer à parler, mais on y a bien de la peine[21], cependant il promet de corps et d’esprit tout ce qu’on peut désirer[22]. Mme de Ventadour défend, contre tous les périls qui guettent l’enfance, ce frêle petit garçon qu’elle a déjà disputé à la mort. Notre capital est de vivre et de prendre peu à peu de bons sentiments[23] ; voilà tout son programme, et elle l’a fait adopter à une autre matrone : ne songer qu’à sa santé et à le divertir, et encore en enfant, car les grands plaisirs l’attachent[24], aussi je donne souvent congé aux maîtres et nous faisons nos leçons ensemble, en riant : il aura de l’esprit à tout. Le gouverneur mettra en œuvre pour moi ; je n’ai qu’une jolie matière à lui remettre entre les mains, et elle se prêtera sûrement à toute l’industrie de l’ouvrier[25].

 

Malices

Le malicieux enfant sait, à l'occasion, exploiter l’indulgence de sa gouvernante. Lundi 24 février, le Roy s’est trouvé mal pendant la messe, il s’est jeté dans les bras de Mme de Ventadour en criant qu’il était mort. On le reporta dans sa chambre, où il perdit connaissance et Mme de Ventadour tomba évanouie de l’autre côté. On courut avertir M. le Régent qui le trouva jouant à la farine. Quoique cet accident n’ait duré qu’un moment, il n’a pas laissé de donner beaucoup d’inquiétudes : les uns disent que ce sont des vers, d’autres que cela vient de s’être retenu, car il est si vif dans ce qu’il fait que quand il joue à la comète ou à d’autres jeux, il ne songe ni à boire ni à manger ni à d’autres nécessités[26]. Dangeau qui a partagé ces émotions mettra plus de temps à se rassurer. Le lendemain 25, il constate que le mal du Roi n’a eu aucune suite ; et le 26 le Roi s’est promené tout le matin dans le jardin, car sa colique n’a eu aucune suite ; et le 29, il se porte parfaitement bien[27], le 9 mars il se porte à merveille et prend du carême ce qu’il en peut prendre : des sermons, où il se montre d’une attention étonnante et ne paraît pas s’ennuyer[28], donnant beaucoup de marques, d’esprit et de raison[29].

 

Distractions

On varie ses distractions : visite au Palais-Royal chez la vieille Madame[30], visite au Luxembourg chez la duchesse de Berry[31], représentation d’Athalie où l’enfant n’a d’yeux que pour le jeune Joas dont le rôle était tenu par le fils du concierge de la Comédie et qui surpassa tous les autres acteurs[32]. Le Jeudi-Saint, le petit Roi lave les pieds à douze pauvres[33], le Vendredi-Saint il va aux Feuillants faire l’adoration de la Croix[34], le mardi de la semaine de Pâques il fait ses débuts comme chasseur. Le Roi, nous dit Dangeau, vit dans la salle des Suisses un petit vol d’oiseaux qu’on avait dressé à prendre des moineaux[35]. Madame de Ventadour le dépeint très joli tout seul, devant le monde sérieux[36] et vite excédé par les devoirs de la représentation[37]. En sortant d’une cérémonie, nous dit-elle, il fit son potage lui-même et trouva du soulagement à ne plus faire le Roi. Cette disposition à l’isolement ne le quittera jamais et l’enfermera dans les « petits appartements ». Il a des vapeurs, dit encore sa gouvernante, et il en a eu au berceau ; de là ces airs tristes et ces besoins d’être réveillé. Naturellement il n’est pas gai, et les grands plaisirs lui seront nuisibles parce qu’ils l’appliqueront trop[38].

 

Promenades, jeux et compagnons

Avec le printemps et l’été on le conduit au Cours[39], au Jardin-Royal où il peut courir à l’aise[40] les Parisiens se pressent sur son passage et trouvent qu’il commence à se bien porter et promet de vivre[41], on le voit aux Champs-Élysées[42], à la Meute [la Muette[43]], à Chaillot[44], à l’Observatoire où on fait devant lui quelques expériences, celles de l’aimant lui plurent fort[45]. Les dimanches commencent par la messe aux Tuileries et s’achèvent souvent par le salut du Saint-Sacrement aux Feuillants[46] ou on le conduit dans une chaise roulante, poussée par huit Suisses, qui s’effacent pour laisser voir leur maître grignotant quelque friandise[47]. Au Château il trouve des compagnons de jeu, fils de courtisans parmi lesquels a été introduit un housard. Jouant seul, un jour, avec son housard le Roi lui demanda s’il garderait le secret de ce qu’il allait lui dire ; sur la réponse affirmative, le Roi tirant sa montre lui dit : « J’ai envie de te faire un présent de ma montre, tiens, tends ton gousset. » Et il la fourra lui-même dans le gousset du housard : « N’en dis mot à personne. » — « Non, sire, je n’en parlerai point, je vous en remercie très humblement » en faisant quelques gambades qui firent rire le Roi. Le soir, un valet de chambre ayant déshabillé le Roi, dit à Mme de Ventadour que la montre ne se trouvait pas. Elle envoya aussitôt chez le maître de pension du housard ; ce dernier fut fouillé et on rapporta la montre. Le lendemain, le Roi retrouvant sa montre, la jeta de dépit par terre en disant :

« Madame, quand je donne quelque chose, je prétends qu’il soit donné et qu’on n’y retrouve point à redire ; on a repris ma montre du housard a qui je l’avais donné agréablement ; c’était peu de chose, je lui donnerai quelque autre chose qui vaudra mieux. Le Roi parut chagrin jusqu’à l’arrivée du Régent à qui il conta l’affaire et qui l’approuva. On admira là-dessus, écrit Buvat, la fermeté de ce jeune monarque et on en tira d’heureuses conjectures pour l’avenir[48]. Au housard vint s’adjoindre un indien, au teint basané, que l’on prétendait fils d’un roi iroquois et ne parlant qu’anglais. Le housard en fut jaloux, le Roi lui dit : « Quoique j’aie pris cet Indien, je ne laisserai pas de t’aimer toujours, pourvu que tu sois sage » ; ce qui rassura le housard qui sut se gouverner en bonne intelligence avec l’Indien qui était vêtu à la manière de son pays[49].

 

Bouderies

On penserait, en lisant ces anecdotes, avoir affaire à un adolescent, Louis XV n’est rien moins encore et le maréchal de Villeroy ne peut se tenir de blâmer l’indulgence de la gouvernante qui lui remettra un enfant capricieux et obstiné. « Je vois que j’aurai, dit-il, d’abord bien de la peine avec le Roi[50]. » Tout va bien aussi longtemps qu’il n’est question que de promenades et de goûters. On le voit un jour faire le tour de la place Royale et revenir par la place des Victoires, s’extasiant le long du chemin[51], un autre jour il se promène au château de Madrid chez une intrigante appelée Mlle de Chausserais[52] et s’y divertit fort bien[53], mais rentré aux Tuileries, il refuse de descendre dans la chapelle et, s’obstine à entendre la messe dans la tribune[54] quoiqu’il se porte à merveille et se fortifie beaucoup[55]. Ou bien il boude ; nous avons un jeune Roi qui est un petit boudeur opiniâtre, écrit le Gazetier de la Régence : il ne fut pas possible à Mme de Ventadour de lui faire donner une audience à l’ambassadeur du roi de Sicile lorsqu’il fit son entrée, s’étant caché derrière les rideaux de son lit et n’ayant pas voulu paraître quelque chose qu’on ait pu lui dire[56]. Quand ces algarades parviennent aux oreilles de Madame, elle ne manque pas de les reprocher à l’enfant, lui répétant à satiété qu’il sied mal à un grand roi d’être mutin et opiniâtre[57]. Sa jeune beauté ne lui vaut pas l’indulgence de cette aïeule revêche. Le jeune Roi, écrit-elle, a des yeux noirs comme du jais, et ce qu’on peut appeler un beau regard ; ses yeux sont bien plus doux qu’il ne l’est en effet, car il a une petite tête violente, une vanité effroyable et il sait fort bien ce que c’est que le respect[58]. Taciturne, il serait bien gentil s’il voulait parler un peu plus, mais on a de la peine à lui arracher les mots[59], car il ne parle qu’aux personnes dont il est habituellement entouré[60].

 

Espiègleries

Ses espiègleries prennent volontiers un tour agressif ou sournois. S’armant de courage, il s’adresse au nonce Bentivoglio : « Monsieur le nonce, lui dit-il, combien y a-t-il eu de papes jusqu’à présent ? » Le nonce, naturellement, l’ignorait ; après avoir joui de son embarras : « Vous ne savez pas le nombre des papes, et moi je sais combien il y a eu de rois en France jusqu’à moi, qui suis encore un enfant ! » Et il les nomme tous l’un après l’autre suivant leur chronologie[61]. Ou bien, un soir, à peine couché, et voyant les courtisans et le service battre en retraite, l’enfant fait un saut de carpe, et roule sur le parquet mais un valet de chambre en se jetant à plat ventre adoucit la chute, et Louis XV va se pelotonner sous le lit, silencieux, causant une vraie angoisse à tout le monde. Enfin il sort de sa cachette, marchant « à quatre pattes » et riant de la frayeur qu’il a causée[62].

On ne perçoit, dans les écrits du temps, jamais l’écho d’une gronderie, d’une réprimande, et l’enfant se sent défendu par l’admiration universelle. Ses moindres gestes sont applaudis par la troupe des badauds parisiens. Je vis dimanche, écrit l’un d’entre eux, notre jeune Roi dessus le balcon des Tuileries jouer à des jeux d’enfants avec d’autres enfants et le plaisant fut de voir une foule de monde regarder du jardin, le nez en l’air, les puérilités du maître de la France. Il y avait là des vieillards, des prêtres, des religieux, de graves bourgeois et de toutes sortes de gens qui tinrent leurs yeux deux heures entières pour regarder de petits jeux qu’ils avaient peine à apercevoir[63]. A quelque temps de là on aménage un jardinet grillé avec quatre pavillons aux angles qui renfermeront un billard et d’autres jeux ; quant au public, il lui sera permis de border les grilles[64].

Quant à la qualité des divertissements et des jeux, elle ne diffère en rien de celle des plaisirs du jeune âge. La duchesse de La Ferté l’invite une après-dînée et fait parfumer la rue sur son passage, à cause du mauvais air. La maison est fort petite, nous apprend Dangeau, mais d’une magnificence extraordinaire. La fête fut fort jolie ; il y eut de la musique, un ballet de petites filles, de petites mascarades d’enfants vêtus en chiens, une grande collation pour le Roi, d’autres collations pour sa suite, force fusées, un feu d’artifice, des fontaines de vin, des marionnettes, des combats d’animaux[65]. Les leçons ressemblent assez à des délassements. Un jour le bruit s’est répandu qu’un moine de Franche-Comté se fait fort de pouvoir, en deux heures, apprendre à écrire à un enfant, on l’introduit dans le cabinet du Roi qui s’amuse et se divertit avec l’inventeur et continue, la leçon terminée, à savoir signer son nom comme auparavant[66], car il lui a fallu de bonne heure signer les contrats de mariages des principaux courtisans.

 

Le Roi « passe aux hommes », 15 février 1717

On gagne ainsi l’époque où le Roi, âgé de sept ans passe des mains des femmes à celles des hommes. L’échange comporte une cérémonie archaïque. On déshabille l’enfant tout nu et on fait défiler devant lui médecins, chirurgiens, apothicaires, princes, princesses, seigneurs et dames de la Cour qui après l’avoir examiné, palpé, visité membre par membre signeront un procès-verbal reconnaissant qu’il est de sexe mâle, nullement blessé, bien nourri, sain, net et entier. En vue de cette visite, Mme de Ventadour fait laver tous les soirs les pieds du jeune monarque pour qu’il soit trouvé bien propre et le fait coucher plus tôt qu’à l’ordinaire afin qu’il paraisse frais et reposé[67]. Le 1er février eut lieu la visite[68], ce qui fit dire au jeune Roi qu’il se souciait peu de quitter sa gouvernante car il n’était plus un enfant et ne voulait pas être gouverné par des femmes, mais il se moquait de son futur gouverneur, le maréchal de Villeroy qu’il appelait « un vieux radoteur[69] ». Celui-ci commença, le 13, à servir le Roi à son dîner[70], et le lendemain, comme on terminait la toilette, les officiers de la garde-robe demandèrent si le Roi souhaitait qu’on lui remît ses lisières. L’enfant répondit : « Non, non » ; la gouvernante répliqua : « Le Roi se tient trop droit et marche si sûrement que je n’ai pas dessein qu’on les lui remette[71]. »

Le 15 février l’enfant se leva assez gai[72], on l’habilla de neuf[73] et au moment où le Régent se rendait au Conseil, sur les neuf heures et demie du matin, Mme de Ventadour l’attendait au passage et lui dit :

— « Monseigneur, voulez-vous bien que je dépose entre vos mains la personne du Roi ?

— « Volontiers, Madame » ; et il entra dans la chambre du Roi.

— « Monseigneur, reprit la duchesse, voilà le dépôt que le feu Roi m’a confié et que vous m’avez continué ; j’en ai pris tous les soins possibles, et je le rends en parfaite santé.

— « Sire, dit lié Régent en s’adressant au Roi, vous ne devez jamais oublier les obligations que vous avez à Mme de Ventadour ; elle vous a sauvé la vie par ses bons soins et chacun est content de l'éducation qu’elle vous a donnée » ; il ajouta que lui-même n’oublierait rien pour lui donner des marques sensibles de sa reconnaissance. Dans ce moment, le Régent présenta au Roi le maréchal de Villeroy pour son gouverneur, Fleury, ancien évêque de Fréjus, en qualité de précepteur ; adressant ensuite la parole au duc du Maine et au maréchal, il leur dit :

— « Messieurs, ce sacré dépôt vous regarde particulièrement. Nous espérons que vous répondrez parfaitement à l’attente que toute la France a conçue de vous pour l’éducation du Roi ; c’est à vous à présent d’en avoir tout le soin que nous nous promettons de votre zèle et de votre inclination pour Sa Majesté et pour l'État.

— « Monseigneur, dit Mme de Ventadour à S. A. R., voilà mon ministère fini, vous me permettrez de baiser la main du Roi et de me retirer. »

Ce qu’elle fit, mais le Roi lui sauta au cou, l’embrassant, se cachant sous ses habits, refusant de la perdre et pleurant à chaudes larmes ; elle lui dit :

— « Mais, Sire, il faut écouter la raison.

— « Ah, maman ! je ne reconnais plus de raison quand il faut m’éloigner et me séparer de vous. »

Enfin elle put sortir, mais l’enfant ne cessa de pleurer. On lui fit entendre la messe dans son oratoire ; alors tournant la tête et ne voyant plus Mme de Ventadour les larmes recommencèrent ; comme il cherchait à s’en cacher, son précepteur lui dit :

— « Sire, vous ne devez pas vous cacher quand vous pleurez Mme de Ventadour ; ces pleurs sont justes et montrent votre bon naturel. »

Après la messe, on tâcha de le consoler dans la petite chambre du billard, pendant qu’on démeublait son appartement dont les meubles appartenaient de droit à la gouvernante. Ensuite on le ramena dans sa chambre où se trouvaient tous les nouveaux serviteurs et jusqu’à un suisse, âgé de six ans et demie, tenant sa hallebarde d’ébène à lame d’argent ; mais tout fut inutile et quand vint l’heure du dîner le Roi refusa de manger si sa gouvernante ne revenait auprès de lui. On lui dit qu’elle dînait en ville et ne rentrerait pas avant quatre heures.

— « Eh bien ! qu’on ne serve qu’à quatre heures ! dit-il toujours larmoyant. Il demeura inconsolable jusqu’à trois heures et demie, buvant parfois un coup pour se rafraîchir. Quand Mme de Ventadour revint elle lui fit reproche de ce qu’à l’âge de huit ans il manquait de résolution qu’il devait au contraire être très content de se trouver sous la conduite des hommes, fit appel à sa raison.

— « C’est parce que j’ai de la raison, ma chère maman, que j’ai regret de me voir séparé de vous.

— « Mais Sire, vous n’avez pas mangé.

— « Non, à présent que vous êtes auprès de moi, que l’on mon apporte. »

Pendant qu’il dînait, M. de la Vrillière apporta un présent de diamants de cent cinquante-quatre mille livres qu’il mit sur la table du Roi pièce à pièce ; c’étaient des bracelets avec les portraits des père et mère du Roi, un collier de perles avec une croix de diamant magnifique ; la bague du dernier dauphin et quantité d’autres pierreries, entre lesquelles une pierre en table de grand prix. Le Roi demanda : « Est-ce tout ? » — On lui répondit : « Oui, Sire. » — « C’est bien peu, ma bonne en mérite davantage pour les bons soins quelle a pris de moi. » Il y en avait pour une somme considérable ; le lendemain ce fut au tour de la vaisselle de vermeil. L’enfant donnait toujours, estimant qu’aucun présent n’égalait la grandeur du service que sa gouvernante avait rendu à la France en lui conservant un être aussi précieux que sa frêle personne[74].

 

Le maréchal de Villeroy, soit gouverneur

Le vieillard frivole qui allait exercer la mission redoutable de former un roi absolu était l’homme le plus incapable de s’en acquitter. Agé de soixante-quatorze ans, le maréchal de Villeroy jouissait à Paris, principalement parmi la populace, d’une bruyante popularité sans doute parce qu’on avait cessé de le croire malfaisant depuis le jour où il avait quitté les armées et cessé de perdre des batailles. Ce vieux fat avait eu l’adresse de s’élever à la condition de favori du feu Roi, l’habileté de se montrer assez dévoué au Régent pour lui vendre le secret du testament, l’ambition d’entrer au Conseil de Régence et maintenant il allait exercer une des charges les plus considérables auxquelles eût pu viser un homme de bien. Intrigant et indiscret autant qu’incapable, sa présomption n’avait de comparable que son ineptie et son arrogance n’avait d’égale que sa platitude ; singulier mélangé d’orgueil et de bassesse, c’était, a-t-on pu dire de lui avec une exacte vérité, un homme fait exprès pour présider à un bal, pour être le juge d’un carrousel et, s’il avait eu de la voix, pour chanter à l’Opéra les rôles des rois et des héros ; fort propre encore à donner les modes, mais à rien du tout au-delà[75]. Le Régent le supportait à peine, mais devait le ménager, car Villeroy avait su persuader la multitude que sa véritable mission était de veiller sur la vie de l’enfant et de tenir en respect l’empoisonneur[76].

Ses flagorneries sont demeurées proverbiales, cependant il savait se donner les apparences d’un maître rigide. Le Roi est toujours mutin, se disent les Français, mais ils se rassurent parce que le maréchal a toutes les intentions imaginables pour lui en faire passer la fantaisie[77]. On soit que l’enfant reste sujet aux diarrhées mais ses fréquentes promenades permettent de constater qu’il jouit d’une bonne santé, se fortifie tous les jours et, du côté de l’esprit, promet beaucoup[78]. Cependant cette belle vigueur ne fait pas l’affaire du maréchal qui insinue que le tempérament du Roi est peu robuste, sa santé très douteuse et très valétudinaire[79] ; le Régent, ajoute-t-il, a pourtant intérêt qu’il se porte bien, toute son autorité étant fondée sur la vie de cet enfant ; ce qui surprend tous ceux qui entendent pareil discours[80]. Le public s’étonne-t-il de ne pas le voir à ses jeux ordinaires pendant les belles et douces journées d’automne[81], alors le gouverneur répète et fait savoir au public que son pupille promet beaucoup du côté de l’esprit. On s’aperçoit qu’il commence à aimer le travail, et, de lui-même, quitte le jeu quand l’heure de ses études est venue[82]. Mais ses sujets paraissent exiger peu de chose de lui, ils ne lui demandent encore que de croître et se fortifier. D’ailleurs ils reconnaissent qu’il a très bon air, bien campé sur les jambes et se sent à merveille sur ce qu’il est. Dieu veuille, disent-ils, qu’il ne se sente pas trop un jour et qu’il profite des bons principes que lui inspire le maréchal de Villeroy qui, à ce qu’on assure ne le flatte pas trop[83]. Par dessus tout, le maréchal veille ; et voilà l’historiette qui court parmi le peuple : Il s’aperçut que le Roi avait un biscuit dans sa poche et lui demanda qui lui avait donné ce biscuit : « Je n’en sais rien », dit le Roi. — « Pourquoi ne l’avez-vous pas mangé ? — Je n’y ai pas pensé. » Le maréchal s’empare du biscuit dont il donne un morceau à un chien qui meurt à l’instant ![84]

Cette historiette reparaît par intervalles afin d’entretenir la popularité du gouverneur dont la vigilance n’est jamais prise en défaut. Parmi les courtisans c’est à qui imaginera quelque délassement, un jour on voit le petit Roi ceint d’un tablier blanc plantant des oignons de fleurs et les couvrant de cloches de cristal[85], un autre jour délaissant le jardinage et la terrasse des Tuileries, il se montre fermier à la Muette, courant après brebis, poules, chèvres et pigeons[86], il a même une vache d’une petitesse extraordinaire offerte par Mlle de Chausserais[87] et des chiens qui flairent les truffes[88]. Ces plaisirs alternent avec des revues, des visites aux Invalides, à l’Académie[89] et le bon public s’extasie en apprenant que son jeune Roi s’applique à tant de choses diverses avec une égale perfection. Tous les jours à l’écriture, au latin et à l’histoire, trois fois la semaine au dessin, aux mathématiques et à la danse, il fait des progrès prodigieux dans tous ces exercices et raisonne de manière que les savants en sont surpris et même Sa Majesté parle des attaques qui se font au siège de Saint-Sébastien comme si elle avait été présente à plusieurs sièges[90].

 

Première éducation

Il n’en fallait pas tant pour faire pâmer les courtisans et conférer au petit Roi la réputation d’enfant prodige. Entre les mains de Fleury aucun surmenage n’était à redouter et les donneurs d’avis, toujours nombreux et fertiles en inventions en étaient pour leurs frais. « J’eus l'imprudence, raconte Voltaire, de demander un jour au cardinal de Fleury s’il faisait lire au roi le Télémaque : il me répondit qu’il lui faisait lire de meilleures choses[91]. » Le précepteur, qui trouvait dans la vie de Fénelon, par Ramsay, « bien des choses répréhensibles[92] » s’était tracé un plan d’éducation qu’il communiqua à Clément XI de qui les éloges furent sans doute un encouragement à persévérer dans cette méthode[93]. Médiocrement instruit, Fleury recourait a l’obligeance des jésuites pour préparer les études de son élève. « Je lui demandai, nous dit Saint-Simon, s’il projetait de mettre bien du latin dans la tète du Roi. Il me répondit que non, mais seulement pour qu’il en sût assez pour ne pas l’ignorer entièrement. Là dessus, il me vint une pensée pour apprendre au roi mille choses particulières et très instructives pour lui dans tous les temps de sa vie, et en se divertissant, qui ne pourraient guère lui être montrées autrement. » Il s’agissait de faire tapisser toute une galerie des portraits de personnages illustres, depuis Louis XI jusqu’à Henri IV ; on n’avait qu’à puiser dans es portefeuilles de Gaignères entrés à la Bibliothèque du Roi. Louis XV et ses petits compagnons seraient conduits devant ces images et leur curiosité éveillée poserait des questions dont la réponse étendrait leur instruction. C’était la méthode qu’imaginerait — peut-être pour l’avoir lue dans les manuscrits de Saint-Simon — Mme de Genlis. « M. de Fréjus, reprend Saint-Simon, me témoigna être charmé de cet avis, et le goûter extrêmement. Toutefois il n’en fit rien[94]. » Fleury ne pensa pas cependant pouvoir faire moins pour son élève que Péréfixe, Bossuet et Fénelon n’avaient fait pour les leurs ; en conséquence, il composa une Histoire de France, en trois volumes et la dédia à son élève, elle est heureusement demeurée inédite.

A la connaissance superficielle de l’histoire, ramenée à des noms et a des dates, vinrent s’ajouter des leçons de géographie. Ici encore on avait crié au prodige, car il n’avait pas cinq ans que la Palatine écrivait de lui : « Il comprend déjà les cartes de géographie aussi bien que ferait un homme[95] » ; et à cinq-ans et demi Dangeau notait gravement que l’enfant « sait beaucoup de choses pour son âge, et surtout la géographie, où il s’applique avec grand plaisir[96] ». Cette prédilection enfantine s’affirma bientôt par un ouvrage sur les Cours des principaux fleuves et rivières de l'Europe, composé et imprimé par Louis XV, roi de France[97], âgé de huit ans. On s’ingénie de la sorte à provoquer l’attention, à stimuler l’apathie ou la paresse. Un jour, on a cru constater que l’enfant semble prendre quelque amusement dans l’astronomie[98] ; un autre jour, qu’il s’intéresse au blason.

De lecture, il n’est pas question ; de piété, non plus. Tandis que Fleury entretenait l’indolence, le sous-précepteur Vittement pressait le roi d’étudier. Fleury sous prétexte de prendre intérêt à la santé de Vittement, lui conseilla doucement la retraite. Le sous-précepteur comprit ; le devoir le retenait seul, mais déjà plus l’espérance du bien à faire, ayant en peu d’années atteint le tuf et senti que ses soins demeureraient inutiles. Il se retira donc et alla finir ses jours à la Doctrine chrétienne. De lui à Fleury toute lutte était impossible. « La puissance de M. de Fréjus, confiait-il à un ami, durera autant que sa vie, et son règne sera sans mesure et sans trouble. Il a su s’attacher le Roi par des liens si forts que le Roi ne les peut jamais rompre. Je ne puis en dire davantage ; mais s’il meurt avant moi, je vous expliquerai ce que je ne peux expliquer pendant sa vie[99]. » On peut se demander si ces révélations, qu’un homme généralement  estimé[100] se refusait à faire, eussent rien ajouté à l’admiration pour le précepteur.

 

Education morale

D’Argenson a accusé Fleury de s’occuper plutôt de divertir Louis XV que de former son esprit ; on a même raconté qu’un volume de Quinte-Curce resta ouvert pendant six mois à la même page, et « qu’au lieu de travailler, le bonhomme apportait des cartes au roi pour le divertir par des tours de carte[101] ». Ces racontars sont démentis par les faits[102] et, en particulier, par l’existence de volumes entiers remplis des devoirs du roi, corrigés souvent de la main de M. de Fréjus[103]. Ces volumes peuvent nous servir à connaître les principes qui présidèrent à une éducation de laquelle tant d’avenir dépendait. On donnait à traduire au jeune roi, âgé de sept ans, des maximes appropriées aux circonstances : « O Français, lit-on dans un des devoirs dont le texte et la traduction sont de la main de l’enfant, ayez bon courage, car quoique notre Roy soit un jeune enfant, il n’est pas pourtant cet enfant que Dieu dans sa colère a établi sur son peuple pour punir ses péchez, mais au contraire, celui que Dieu, dans sa miséricorde, envoie pour rappeler le siècle d’or ». — « O sujets, priez Dieu que je ne me serve jamais de ma puissance si ce n’est que pour le bien public ! » — Parfois on l’amenait à des aveux qui coûtent à l’enfance : « Quoique le Roy ait souvent promis qu’il modérerait sa colère, elle le domine pourtant si fort qu’elle le porte quelquefois à frapper même ceux qu’il aime comme lui étant le plus attachés et qui le servent le mieux[104] ». — « J’avoue que jusqu’à présent, je ne me suis pas servi de toutes les forces de mon esprit pour apprendre et pour exercer les choses qui sont les meilleures et les plus honnêtes, mais j’espère que dans la suite je m’en servirai de manière que ceux qui m’aiment d’un cœur sincère seront remplis d’une très grande joie[105] ».

 

Etudes et délassement

A cette époque il n’est personne en France qui ne sache par le menu les occupations du petit roi, et cet intérêt ne s’adresse pas seulement a l’enfant idolâtré mais au maître futur dont on cherche à deviner les défauts et les qualités comme pour se préparer a cc que la nation aura à attendre de lui. Tous ceux qui notent si attentivement les moindres détails laissent à peine de loin en loin, échapper une critique fort atténuée, aucun ne paraît faire attention à la méthode pédagogique elle-même, en remarquer les lacunes et l’insuffisance. Dictées, copies, sentences morales remplissent tant bien que mal chaque jour plusieurs heures décorées du nom d’« heures d’études ». « Le roi alla dîner à la Muette, écrit Dangeau à la date du 1er mars 1720, et en revint à cinq heures pour être à son étude, car il n’y manque jamais, et étudie tous les jours le matin et l’après-dînée et même les fêtes et dimanches[106]. Le 18 février 1720, Louis XV parut pour la première fois au Conseil de Régence et demeura jusqu’à la fin, depuis lors, il y vint assez souvent, mais « sans remuer ni parler[107] », jouant avec un jeune chat à qui tout était permis, même de griffer son maître. Villeroy s’indigna d’une telle irrévérence et apostropha le chat. « Or ça mon grand papa, dit l’enfant, ne savez-vous pas bien que mon chat n’aime pas plus les remontrances que mon oncle le Régent[108] ». Une saillie de ce genre courait tout Paris, qui pardonnait tout à l’espiègle. Un jour que l’évêque de Metz, M. de Coislin faisait sa cour, le roi lui dit en plein visage : « Ah, mon Dieu qu’il est laid ! » — « Voilà un petit garçon qui est bien mal appris[109] » dit l’évêque à qui on donna tort, — le tort d’être vraiment trop laid, au point de déplaire à l’enfant gâté. Villars nous assure que le jeune roi « montre beaucoup d’esprit, de pénétration et de vivacité[110], bien qu’il fût le plus souvent silencieux et taciturne[111], glorieux et timide[112].

Né dans le peuple il eut été un gamin malicieux jusqu’à l’effronterie souvent corrigé, et de la belle façon.

 

Flagorneries

Né roi, on célèbre, on excuse, on justifie ce qu’on devrait blâmer ou châtier. L’enfant a posé devant la pastelliste Rosalba Carriera et le gouverneur s’extasie sur la patience du roi[113], sur sa beauté. A l’ambassadeur Méhémet-Effendi il demande : « Que dites-vous de la beauté de mon roi ? » — Que Dieu soit loué ! répond le Turc, et qu’il le préserve du mauvais œil ! — Il n’a que onze ans et quatre mois, ajoute Villeroy, sa taille n’est-elle pas proportionnée ? Remarquez que ce sont ses propres cheveux. » En disant cela, il fit tourner le Roi et je considérai ses cheveux d’hyacinthe en les Caressant. Ils étaient comme des fils d’or bien égalisés et lui venaient jusqu’à la ceinture. « Sa démarche, dit encore le gouverneur est aussi fort belle. » Il dit en même temps au Roi : « Marchez de cette manière, que l’on vous voie ». Le roi, avec la marche majestueuse de la perdrix, alla jusqu’au milieu de la salle, après quoi il revint. « Marchez avec plus de vitesse, ajouta le gouverneur pour qu’on voie votre légèreté à courir ». Aussitôt le roi se mit à courir[114]. Villeroy contraint l’enfant à danser, à assister au spectacle et à se donner en représentation. C’est que Villeroy ne sera jamais que le « personnage de théâtre qui piaffe et parade[115] », dont la frivolité, l’incapacité portèrent les fruits les plus funestes. Singulière aberration qui héréditairement livrera l’héritier du trône, celui sur lequel reposent tant d’espoirs aux plus présomptueux et aux plus incapables. On a rappelé cent fois mais il faut toujours revenir à cette fête de Saint-Louis où le petit roi regardait d’une fenêtre du château le peuple qui l’acclamait dans le jardin des Tuileries, ce à quoi il prenait grand plaisir[116]. « Mon maître, lui dit le maréchal d’un ton sentencieux, regardez ce monde, cette multitude, tout cela est à vous, vous en êtes le maître » ; et sans cesse il répétait cette leçon pour la bien inculquer[117]. » L’affection sincère et plus intelligente que portait le Régent au jeune Louis XV ne le gardait pas d’une sorte de flagornerie. S’agissait-il de places, de bénéfices, de pensions à distribuer, il faisait ses propositions au petit Roi en ajoutant : « C’est à vous de choisir et de décider, vous êtes le maître ; je ne suis ici que pour vous rendre compte, pour recevoir vos ordres et les exécuter[118]. » Comment la cervelle du petit garçon se trouvera-t-elle de cette éducation ?

 

Polissonneries et sournoiserie

Elle s’attachera à des futilités auxquelles l’attention qu’il leur prête confère de l’importance. Il va exister un ordre du Pavillon, un ordre du Cabinet, un ordre de la Moustache, un gouvernement du Salon, un de la Chapelle, un des Médailles, parce que tout ce qui l’approche prend une valeur hiératique ; il est centre, il attire et il absorbe. Ses compagnons-de jeux sont de petits courtisans façonnés à se laisser gifler par lui, a se laisser gronder pour lui ; il ne pardonnera jamais à M. de Pezé les excuses qu’on l’a obligé de faire à ce gentilhomme pour un soufflet donné[119]. Avec le duc de Noailles il se plaira à le fatiguer par une marche trop rapide, à un abbé il jettera du fromage mou à la figure, à un écuyer il coupera les sourcils, a d’autres il coupera la cravate, déchirera les manchettes, brisera une agrafe[120]. Et on le souffre ; cependant le duc de Noailles ne peut s’empêcher de dire : « Apparemment, sire, que vous envoyez de beaux manchons et des agrafes de diamant à ces messieurs à la place de ceux que vous rompez. » Ces polissonneries s’aggravent d’une allure sournoise, car Louis XV s’amuse sans cris, sans rires, sans paroles. « Il cherche à éviter le monde qu’il n’aime point », écrit Marais[121], car le fond de nature est une sorte de sauvagerie boudeuse. « Je veux l’accoutumer à parler, disait jadis sa gouvernante, mais on y a de la peine. » Il aime non pas la solitude, mais l’isolement, aussi le bruit se répand qu’il est de tempérament mélancolique, assez pour que Dubois prenne inquiétude de ces rumeurs, et se croie tenu de rassurer les agents de la France à l’étranger. « Soyez certain, leur écrit-il, que tout ce que vous entendez débiter malignement sur la faiblesse de tempérament du Roy et sur sa mélancolie est entièrement faux. Sa santé est parfaite. Il se fortifie tous les jours, et il n’y a aucune de ses journées où, après avoir donné la matinée à ses études, il ne prenne quelque nouveau divertissement dans l’après-midi, et entre un très grand nombre de jeunes seigneurs qui sont autour de Sa Majesté, il n’y a personne qui ait plus de gaieté qu’elle[122]. »

 

Morosité

Gaieté, si l’on veut, mais gaieté morose. Peut-être, dans l’enfant, la nature s’est-elle trop hâté. A l’âge de onze ans, « le Roi, écrit Marais, a eu un mal fort plaisant et qu’il n’avait point encore ressenti. Il s'est trouvé homme. Il a cru être bien malade et en a fait confidence à un de ses valets de chambre, qui lui a dit que cette maladie était un signe de santé. Il en a voulu parler à Mareschal, son premier chirurgien, qui lui a dit que ce mal n’affligerait personne, et qu’à son âge il ne s’en plaindrait pas. On appelle cela en plaisantant le mal du Roi[123]. » Cette précocité des sens entraîne avec elle une sorte d’insensibilité du cœur. Un jour, à la Muette, pour montrer son adresse, il lui prend fantaisie de tirer sur une biche familière qui ne mangeait que dans sa main.

Blessée, sanglante, la pauvre bête accourt vers lui, en gémissant, comme pour demander du secours. Froidement, il la fait attacher à quelque distance, tire de nouveau et la tue. « On a trouvé cela bien dur », ajoute Barbier, qui a recueilli ce trait, et « on commence à craindre que le caractère du Roi ne soit mauvais et féroce[124]. » Le placide avocat a tort de s’alarmer ; ce sont là prouesses de chasseur et le jésuite Tournemine s’apprête à publier une docte dissertation dans laquelle il prouvera que l’inclination de la chasse est le présage d’une vertu héroïque[125]. En fait d’héroïsme, Louis XV se borne, pour l’heure, « à jarreter un lapin sans couteau, en lui déchirant seulement les ergots[126] », à chasser au grand soleil[127], à promener sous une pluie battante[128], à harasser de fatigue son escorte, à faire monter un de ses officiers sur un cheval vicieux[129].

 

Récréations

Si disposé que chacun fût à lui passer tous ses caprices et à les mettre sur le compte de l’âge, de l’étourderie, les récits qu’on en faisait courir ne laissaient pas que de causer quelque inquiétude. Cet enfant silencieux avait rompu le silence pour qualifier de « poltron » un brave officier[130] ; cet enfant concentré, avait souffleté son premier valet de chambre et « toute la Cour » toute la ville aussi — « a entendu ce soufflet et n’augure pas bien, disait-on, de ce jeu de mains[131]. » Et voici qu’« on n’est pas content de la hauteur que le maréchal donne au roi[132] », dans Paris, on se met à raconter que l’enfant royal est « même, indifférent et bête ». Inquiet, l’avocat Barbier se place sur son passage et constate qu’il « se porte bien, a un bon et beau visage, et n’a point la physionomie de ce qu’on dit de lui... Il a une très belle tête. Cela fera un beau prince et de bon air[133]. » En effet, il est « beau comme l’Amour », d’une beauté qui émerveille. « On se souviendra longtemps qu’il ressemblait à l’Amour, le matin de son sacre à Reims, avec son habit long et sa toque d’argent. Je n’ai jamais rien vu de plus attendrissant que sa figure alors ; les yeux en devenaient humides de tendresse[134] » écrit le coriace d’Argenson. Mais il n’a que la figure, car l’intelligence est aussi négligée que la formation morale. Il est né, pour ainsi dire, avec l’antipathie du trône et suivant le mot de sa gouvernante « trouve du soulagement à ne plus faire le roi[135] ». Il conservera ce goût qui fera dire : « les actions du roi ne sont que des enfances[136] », et s’amusera à des puérilités[137], à des vulgarités.

Cet enfant dont les défauts et les vices ont, plus qu’on ne le croit, permis et hâté la ruine des institutions dont il avait la garde et qui fut le collaborateur le plus actif, dans son inertie, de l’esprit révolutionnaire ; nous le voyons vivre à l’âge de douze ans, pendant quatre mois, jour à jour, dans le journal d’un page de la petite écurie[138].

« Le 9 février. Le roi me donna une montre d’argent de Genève qu’il avait achetée 50 écus... La façon dont il se servit pour me la donner fut de l’enterrer dans une caisse de bois pleine de terre qui était sur la terrasse. Il me commanda de fouiller dedans avec les mains et j’y trouvai ladite montre enveloppée dans du papier avec sa chaîne.

« Le 24. A la Muette, il nous fit marcher prodigieusement avant et après dîner, surtout pour lasser M. de Noailles.

«Le 11 mars. Le roi, après avoir joué tout l’après-midi au volant, imagina le soir de faire une illumination de petites bougies.

« Le 13. A la Muette, force poissons pris et éventrés.

« Le 17. Le roi dit que de tous les hommes qui paraîtront au jugement dernier, les Juifs seraient les plus attrapés.

« Le 18. Le roi joua au volant mieux qu’il n’avait encore fait.

« Le 19. Le roi joua à la rancune, ...et le soir à une espèce de guerre.

« Le 22. Après le sermon, le roi fut au bois de Boulogne, la pluie en allant fut très forte et le roi se réjouit beaucoup de nous voir mouillés. »

Et cette existence, entremêlée de bals, de Te Deum, de feux d’artifices, de spectacles, de sermons, de promenades, se continue comme les divers aspects d’un long désœuvrement. Jeu de volant, jeu à la queue de loup, jeu au moine, jeunes chats qu’on tourmente, chocolat et omelettes qu’on fabrique, et œufs en chemise « à la fanatique », pêche d’écrevisses. Bientôt le jeu apparaît ; dès le mois de novembre 1722, Louis XV annonce cet amour du jeu, engageant des sommes dont la notion lui échappe[139]. Après le jeu, la table aura son tour[140], avec le cortège ordinaire d’indigestions, lavements, saignées et le reste.

 

Manque de tendresse et de piété

Et on hésite cependant à se montrer trop sévère à l’égard de cet enfant sevré de toute tendresse familiale et qui, pour tenir la place des parents, des grands-parents, de tous ceux dont la vigilance est inspirée par l’affection, ne rencontre que des vieillards : Mme de Ventadour, le maréchal de Villeroy, l’ancien évêque de Fréjus, l’abbé Vittement, tous septuagénaires, l’abbé Fleury son confesseur, autre septuagénaire. Rien de jeune, rien qui fasse parler le cœur dans cet aréopage défraîchi, et dans la maison royale on ne peut songer sans frémir aux conversations et aux caresses malsaines du Régent, de M. le Duc ou d’un prince de Conti, aux entreprises de la duchesse de Retz et aux projets de quelques jeunes polissons pour déniaiser l’enfant, leur compagnon de jeux[141].

La rigide conscience du duc de Bourgogne eut, peut-être, fait de lui le confident et l’ami, le guide de cette âme d’enfant ; père, il eut attendri ce cœur, pénétré cette intelligence d’un sentiment profond et tendre, l’eût pliée à l’idée du devoir et des obligations royales. Doué d’un esprit juste et d’un sens droit, Louis XV, remis à la vigilante attention d’un gouverneur comme Beauvillers ou d’un précepteur tel que Fénelon eut été, sans doute, bien différent, comme homme et comme Toi, de ce qu’il a été ; mais non seulement sa malheureuse destinée le priva d’un père tendre, vigilant et instruit, elle le livra à des serviteurs maussades ou avides, tous extrêmement jaloux les uns des autres et empressés à se faire bien venir d’un maître inexpérimenté, mais qu’ils savaient rancuneux et vindicatif.

A défaut de cette tendresse des parents, on cherche en vain l’influence de la religion, toutes deux semblent avoir fait défaut. Le confesseur n’était « ni janséniste, ni moliniste, ni ultramontain », mais il était presque octogénaire, d’ailleurs personnage d’apparat n’ayant la permission d’entrevoir son pénitent que pendant quelques secondes la veille des fêtes solennelles où son ministère était requis. L’enfant écrivait sa confession de sa main et la donnait à corriger à son précepteur Fleury, ensuite il venait lire ou réciter ce qu’on lui permettait de dire, cela fait il écoutait quelques mots d’exhortation et se retirait sans que le confesseur eut licence de lui poser une seule question[142]. On voit ainsi s’étioler au point de vue religieux cette âme d’enfant dans laquelle ne survivra qu’une notion : la terreur de l'enfer. La première communion, la confirmation, l’assistance ou la : participation aux cérémonies du culte semblent n’avoir pas impressionné ce roi très-chrétien fort peu digne d’un si grand titre. Que penser de ces nombreux sermons auxquels l’enfant prête une attention soutenue bien que son âge lui interdise d’y rien comprendre ? Il assiste à ces développements oratoires comme, il assiste à l’opéra italien, sans y comprendre grand’chose, passif, résigné plutôt qu’attentif. En 1717, Massillon prêche devant un petit garçon à peine arrivé à l'âge de raison cet admirable Petit Carême dont, un demi-siècle plus tard on réimprimera certains passages pour en faire la condamnation du règne qui va s’achever. A la verdeur des anciens bouffons de la Cour, dont la dynastie s’était éteinte sous Louis XIV, avait succédé la rudesse des prédicateurs du Roi dont l’auguste succession recevait de son présent titulaire un suprême éclat. L’épigramme gaillarde ou triviale avait fait place à l’admonestation solennelle ou magnifique, le style avait changé, les vices ne changeaient pas. En 1719, le Père Surian, de l’Oratoire, occupe la place de Massillon[143]. Il est permis de suivre dans les manuscrits du prédicateur la trace des hésitations, des développements essayés et rejetés. La préparation du deuxième sermon remplit quinze pages de notes tirées du Télémaque, de La Bruyère, de Balzac, de Bourdaloue, Mascaron, Fléchier, Massillon. Brantôme, Boileau et Pierre Bayle.

« Je mettrai toujours, se dit l’auteur, une histoire de l’Écriture de quelque roi, histoire naïve que le Roi comprenne bien et contée naïvement. » Et les histoires se succèdent, les personnages de la Bible alternent avec les héros du Télémaque, le Régent apparaît doué de toutes les qualités ; « de toutes les vertus, de tous les caractères, la douceur et la fermeté, la liberté et la justice. » Le maréchal de Villeroy et le précepteur Fleury sont couverts de louanges ; en sorte que «la parole de Dieu ne devient qu’un prétexte à des leçons inintelligibles ou à des flatteries ridicules. Cependant l’enfant écoute et son cœur est touché. Dans le sermon du dimanche 12 mars, le prédicateur ayant pour thème un passage de l’évangile de Saint Luc (XI, 14) employa « des expressions si vives et si recherchées au sujet de la tentation et des occasions qui la causent que le Roi dit ensuite à M, l’évêque de Fréjus et à M. l’abbé Fleury qu’il ne voulait plus aller à la Comédie pendant le reste du Carême et qu’il aimait mieux aller prendre l’air au Mail après ses exercices ; de sorte, ajoute Buvat, que pour se conformer aux bonnes intentions de S. M. on serra dans le garde-meuble toutes les décorations qui servaient à la comédie[144]. »

 

 

 



[1] Ch. Aubertin, L'Esprit public au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1873, p. 56.

[2] E. et J. de Goncourt, Portraits intimes du XVIIIe siècle. Étude nouvelle d’après les lettres autographes et les documents inédits, in-12, Paris, 179.

[3] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 172 ; 11 septembre 1715.

[4] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 197 ; 25 septembre 1715.

[5] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 200, 205, 213 ; 1, 7, 19 octobre 1715.

[6] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 220 ; 26 octobre 1715.

[7] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 227 ; 3 novembre 1715.

[8] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 213 ; 19 octobre 1715.

[9] Madame à la raugrave Louise, Versailles, 18 novembre 1714, dans Correspondance, édit. G. Brunet, 1904, t. I, p. 153.

[10] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 198 ; 26 septembre 1715.

[11] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 196 ; 23 septembre 1715.

[12] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 197 ; 25 septembre 1715.

[13] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 260, 261 ; 11, 12 décembre 1715.

[14] Gazette de la Régence, p. 38 ; 20 décembre 1715.

[15] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 272 ; 29 décembre 1715.

[16] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 273 ; 31 décembre 1715.

[17] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 287 ; 1erjanvier 1716.

[18] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 306 ; 22 janvier 1716.

[19] Gazette de la Régence, p. 64 ; 31 janvier 1716.

[20] Madame à la raugrave Louise, 3 janvier 1716, dans Correspondance, édit. E. Jaéglé, t. II, p. 245.

[21] Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, 28 septembre 1714, dans Lettres de Mme de Maintenon, édit. La Beaumelle, t. VII, p. 28.

[22] Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, novembre 1714, ibid., t. VII, p. 32.

[23] Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, 19 octobre 1714, ibid., t. VII, p. 30.

[24] Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, juin 1715, cité par G. de Beaucourt, Le caractère de Louis XV, dans Revue des Questions historiques, 1867, t. III, p. 175.

[25] Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, juin 1715, dans op. cit., t. III, p. 175.

[26] M. Caumartin de Saint-Ange à Mme de Balleroy, dans Les Correspondants de la marquise de Balleroy, in-8°, Paris 1883, t. I, p. 80-81 ; 29 février1715.

[27] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 326, 327, 329 ; 25, 26, 29 février1716.

[28] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 335 ; 9 mars 1716 ; p. 343 ; 15 mars.

[29] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 355 ; 5 avril 1716.

[30] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 319, 10 février 1716.

[31] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 346 ; 20 mais 1716.

[32] Mercure de France, mars 1716 ; p. 184-186 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 352 ; 30 mars 1716.

[33] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 358 ; 9 avril 1716.

[34] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 359 ; 10 avril 1716.

[35] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 365 ; 18avril1716 ; ce que Lémontey, op. cit., t. II, p. 58, transforme en une scène de carnage.

[36] Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, 38 septembre 1716, dans op. cit., t. VII, p. 28.

[37] Quoiqu’en dise Madame, Correspondance, édit. Jaéglé, t. II, p. 28.

[38] Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, 1716, cité par Lémontey, Histoire de la Régence, t. II, p. 55.

[39] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 362 ; 13 avril 1716.

[40] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 377 ; 11 mai 1716.

[41] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 377 ; 15 mai 1716.

[42] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 381 ; 17 mai 1716.

[43] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 386 ; 28 mai 1716.

[44] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 388 ; 1er juin 1716.

[45] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 393 ; 10 juin 1716.

[46] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 383, 393 ; mai, 11 juin 1716.

[47] Gazette de la Régence, p. 88 ; 18 octobre1716.

[48] Buvat, Journal, t. I, p. 155-156 ; juin 1716.

[49] Buvat, Journal, t. I, p. 163 ; août 1716.

[50] Gazette de la Régence, p. 89 ; 13 juin 1716.

[51] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 418 ; 22 juillet 1716 ; Buvat, Journal, t. I, p. 160.

[52] Tabariès de Grandsaignes, La Sybille du Bois de Boulogne, Mme de Chausserais, dans Bulletin de la Société historique d'Auteuil et de Passy, 1907-1909, t. VI, p. 350 à 360 ; Lémontey, Histoire de la Régence, t. II, p. 55 ; Duclos, Mémoires secrets, 1791, t. I, p. 138-142.

[53] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 412 ; 13. juillet 1716 ; M. de Girardin à Mme de Balleroy, Paris, 6 septembre 1716, dans Les Correspondants, t. I, p.88-89.

[54] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 420 ; 26 juillet 1716.

[55] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 420, 426 ; 26 juillet, 9 août ; Gazette de la Régence, p. 113 ; 14 septembre 1716, voir Dangeau, Journal, t. XVI, p. 460-461.

[56] Gazette de la Régence, p. 105-106 ; 24 août 1716 ; scène analogue le 29.

[57] Madame à la raugrave Louise, 14 décembre 1717, dans Correspondance, édit. E. Jaéglé, t. II, p. 258.

[58] Madame à la raugrave Louise, 1er décembre 1716, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. I, p. 284

[59] Madame à la raugrave Louise, Saint-Cloud, 2 octobre 1718, dans Correspondance, édit. E. Jaéglé, t. II, p. 288.

[60] Madame à la raugrave Louise, 15 juillet 1717, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. I, p. 305.

[61] Buvat, Journal, t. I, p. 243 ; janvier 1717.

[62] Gazette de Hollande, 16 août 1717 ; Madame à la raugrave Louise, 14 août 1717, dans Correspondance, édit. Brunet, t. I, p. 312 ; Gazette de la Régence, p. 200 ; 20 août 1717 ; voir Mareschal de Bièvre, G. Mareschal, p. 391, autre chute le 15 novembre 1720.

[63] Gazette de la Régence, p. 98 ; 27 juillet 1716.

[64] Gazette de la Régence, p. 114-115, 18 septembre 1716.

[65] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 438 ; 2 septembre 1716 ; M. de Girardin à Mme de Balleroy, 6 septembre 1716, dans op. cit., t. I, p. 88-89.

[66] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 488, 490 ; 11, 15 novembre 1716.

[67] Gazette de la Régence, p. 137 ; 22 janvier 1717.

[68] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 16 ; 3 février 1717.

[69] Gazette de la Régence, p. 143 ; 1er février 1717.

[70] Dangeau, Journal, t. XVII, p.22 ; 13 février 1717.

[71] Nouveau Mercure, février, p. 155 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 22 ; 13 février 1717 ; Lémontey, op. cit., t. II, p. 333 ; il garda un corps de baleine jusqu’à onze ans et cinq mois.

[72] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 23 ; 15 février 1717.

[73] Buvat, Journal, t. I, p. 247.

[74] Nouveau Mercure, n° de février 1717, p. 156-161 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 23 ; 15 février : Gazette de la Régence, p. 149,19 février : Buvat, Journal, t. I, p. 247, 248, 258 ; M. de Breteuil à Mme de Balleroy, 19 février 1717, dans op. cit., t. II, p. 113.

[75] Saint-Simon, Mémoires, 1905, t. XI, p. 236.

[76] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVIII, p. 315 : « Il portait la clef du beurre dont le Roi mangeait... et il fit un jour une sortie épouvantable et avec apparat parce que le Roi en avait mangé d’autre, comme si tous les autres vivres dont il usait tous les jours, le pain, la viande, le poisson, les assaisonnements, le potage, l’eau, le vin, tout ce qui se sert au fruit n’eût pas été susceptible des mêmes soupçons. Il fit une autre fois le même vacarme pour les mouchoirs du Roi qu’il gardait encore... »

[77] Gazette de la Régence, p. 158 ; 26 mars 1717.

[78] Dangeau, Journal, t. XVII, p.63 ; 11 avril 1717 : Gazette de la Régence, p. 200 ; 20 août 1717.

[79] Gazette de la Régence, p. 206 ; 15 octobre 1717.

[80] Gazette de la Régence, p. 207 ; 15 octobre 1717.

[81] Gazette de la Régence, p. 208 ; 22 octobre 1717.

[82] Gazette de la Régence, p. 212 ; 27 décembre 1717.

[83] Gazette de la Régence, p. 246, 16 avril 1718.

[84] Buvat, Journal, t. I, p. 313, avril 1718.

[85] Buvat, Journal, t. I, p. 367 ; 24 mars 1719.

[86] Madame à la raugrave Louise, Saint-Cloud, 1er octobre 1719, dans Correspondance, édit. E. Jaéglé, t. III, p. 48.

[87] P. E. Lémontey, op. cit., t. II, p. 55 ; Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 411 ; 20 octobre 1719, voir Buvat, Journal, t. II, p. 15 ; Duclos, Mémoires secrets, 791, t. I, p. 138-142.

[88] P. E. Lémontey, op. cit., t. II, p. 56.

[89] J. Buvat, Journal, t. I, p. 413 ; 22 juillet 1719 : De Valincourt, Compliment fait le 22 juillet au Roy qui honora la Compagnie de sa présence, dans Recueil de plusieurs pièces d’éloquence présentées à l’Académie française, 1719, t. XXIII, p. 223.

[90] J. Buvat, Journal, t. I, p. 422, août 1719 ; Gazette de la Régence, p. 316 ; 3 février 1719 ; voir Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 21 février 1720, dans op. cit., t. II, p. 127 : « Le Roi a été ces jours-ci au Conseil de Régence. C’est une chose étonnante que l’application qu'il a donnée aux affaires dont on y a parlé. Lorsqu'il n’entendait pas, il questionnait tout bas le Régent avec attention et compréhension. C'est une chose étonnante que le goût qu’il a pris pour tout ce qui dépend du raisonnement. Dans les mathématiques il va plus loin que l’on ne veut le mener ».

[91] Voltaire, Œuvres complètes, édit. de Kehl, in-8°, t. LXI, p. 515.

[92] Le cardinal de Fleury ou cardinal de Polignac, 15 avril et 1er juillet 1725, dans P-E. Lémontey, Histoire de la Régence, t. II, p. 67, note 1.

[93] La lettre de Fleury à Clément XI n’a pas été publiée, la réponse du pape de Rome dit le « plaisir singulier » et l’approbation pour l’« ordre et la méthode » dans cette éducation ; H. Druon, op. cit., t. II, p. 226.

[94] Saint-Simon, Mémoires, t. XI, p. 310-312. Saint-Simon était l’auteur d’un Essai sur l’éducation d’un prince, publie dans la Revue international de l’enseignement, 1882, t. III, p. 209-240, 476-494 ; t. IV, p. 33-62, 201-231, 434-464, 552-564.

[95] Correspondance de Madame duchesse d'Orléans, édit. Brunet, lettre du 18 novembre 1714.

[96] Dangeau, Journal, à la date du 10 juillet 1715.

[97] In-4° de 72 pages, tiré à cinquante exemplaires.

[98] M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 306, 317 ; Journal du marquis de Calvières dans E. et J. de Goncourt, op. cit., p. 24.

[99] D’Argenson, op. cit., t. II, p. 409 ; Saint-Simon, Mémoires, t. XI, p. 124.

[100] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 365 ; t. XVII, p. 49, avec les annotations de Saint-Simon ; Buvat, Journal, t. II, p. 11 ; voir Desjardin, Jehan Vittement, né à Dormans, recteur de l’Université de Paris, lecteur des enfants de France et sous-précepteur de Louis XV (1655-1731), dans Mémoires de la Société d'agriculture de la Marne, 1882, t. XXVII, p. 309 suivantes.

[101] Journal et Mémoires du marquis d’Argenson, édit. E. J. B. Bathery, in-8°, Paris, 1859, t. II, p. 259 ; Bernis dit que l’élève posait des papillotes dans les cheveux gris de son précepteur. Mémoires du cardinal de Bernis, éd. F. Masson, in-8°, Paris, 1878, t. I, p. 49.

[102] Villars, Mémoires, collect. Michaud, p. 278 : « L’évêque de Fréjus, homme d’esprit, n’oubliait aucun de ses devoirs ».

[103] Bibl. nat., ms. franç. 1757, in-4 de 12 feuillets : Versions de Louis XV ; ms. franç 2322 : Instructions religieuses, passages de l’Evangile et des Actes des Apôtres. Catéchisme, in-4°, 387 feuillets (du mois de juillet 1717 et les mois suivants) ; — ms. franç. 2324 : Choix des plus beaux endroits de la vie de saint Louis, in-4°, 348 feuillets (1717-1720) ; — ms. franc. 1755 : Extraits de la Genèse, du Lévitique et des Nombres, in-4°, 394 feuillets (1718-1719) ; — ms. franç. 1756 : Extraits de l’Imitation et des Proverbes avec les définitions principales du catéchisme, in-4°, 290 feuilles (1720-1721) ; — ms. franç. 2325 : Fables, in-4°, 183 feuillets (1722) ; ms. franç. 2323 : Apophtegmes, in-4°, 237 feuillets (1722-1723).

[104] Bibl. nat., ms. franç. 2822.

[105] Bibl. nat., ms. franç. 3822, fol. 199, 200. Le travail de H. Druon sur l’éducation des princes de la maison de Bourbon est d’une insuffisance criante ; ce sujet réclame encore son historien. L. Batiffol et G. Lacour-Gayet ont étudié la jeunesse de Louis XIII et l’éducation politique de Louis XIV, dont la première jeunesse a été racontée par le P. H. Chérot. L’éducation du Grand Dauphin et celle du duc de Bourgogne sont encore à peine effleurées, malgré l’intérêt qui s’attache à la dernière surtout et les pièces nombreuses et intéressantes, lettres, mémoires, traités ou compositions littéraires qui s’y rapportent. Quant à Louis XV, à son fils et à ses petits-fils, presque tout reste à faire.

[106] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 244.

[107] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XI, p. 258 ; comparez Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 236.

[108] J. Buvat, Journal, t. II, p. 337.

[109] E. et J. de Goncourt, Portraits intimes du dix-huitième siècle. Études nouvelles d'après les lettres autographes et les documents inédits, in-12, Paris, 1879, p. 4 ; Mouffle d’Angerville, Vie privée de Louis XV, t. I, p. 18.

[110] Villars, Mémoires, collect. Michaud, p. 278.

[111] De Beaucourt, op. cit., p. 179 ; voir Dausin, Le caractère de Louis XV d'après les derniers documents, dans Mémoires de l’Académie de Caen, 1869, t. XXII, p. 104-121.

[112] Saint-Simon, Mémoires, t. XI, p. 223 ; Marais, op. cit., t. II, p. 253 ; Villars, op. cit., p. 278, 317 ; Barbier, Chronique de la Régence, t. I, p. 257, 360 ; Correspondance de Madame, t. II, p. 9, 363.

[113] Journal de Rosalba Carriera pendant son séjour à Paris en 1720 et 1721, publié en italien par Vianelli, traduit ; annoté et augmenté... par Alf. Sensier, in-12, Paris, 1865, p. 55.

[114] Relation de l’ambassade de Méhémet Effendi à la Cour de France en 1721, écrite par lui-même et traduite du turc, 1757.

[115] Saint-Simon, Mémoires, t. XII, p. 145 ; t. XIX, p. 335.

[116] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 72.

[117] Saint-Simon, Mémoires, t. IX, p. 277 ; t. XVIII, p. 182-183.

[118] Saint-Simon, Mémoires, t. XVII, p. 362.

[119] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 294 : addition de Saint-Simon ; M. Marais, Journal et Mémoires, t. I, p. 270 ; 1-6 juin 1720.

[120] Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 307, 428 ; t. III, p. 75, 100 ; D’Allonville, Mémoires secrets, t. I, p. 113.

[121] Op. cit., t. II, p. 443.

[122] Dépêche du cardinal Dubois, Paris, 21 octobre 1721, dans E. et J. de Goncourt, op. cit., p. 4-5 d’après les « archives du consulat de Venise ».

[123] M. Marais, Journal et Mémoires, à la date de février 1721.

[124] Barbier, Chronique de la régence et du règne de Louis XV, in-18, Paris, 1857, t. I, p. 212, avril 1722 ; La biche du Roi (1722) dans Bulletin de la Société historique d’Auteuil et de Passy, 1896, t. II, p. 136.

[125] Dissertation où il prouve que l’inclination pour la chasse est dans un jeune Prince le présage d’une vertu héroïque, lue le quinzième Février dans la Conférence des Sçavanz Français et étrangers qui se tient dans la Bibliothèque de Monseigneur le Cardinal de Rohan, dans le Mercure de France, mars 1725, p. 443-448.

[126] Journal de Calvières, 24 février 1722.

[127] Barbier, Journal, juin 1724.

[128] Calvières, op. cit., 22 mai 1722 ; Marais, op. cit., juillet 1722.

[129] H. Druon, op. cit., t. II, p. 218.

[130] M. Marais, Journal et Mémoires, mars 1723.

[131] M. Marais, op. cit., janvier et juin 1724.

[132] M. Marais, op. cit., 3 mars 1722.

[133] Barbier, Journal, 3 septembre 1722.

[134] D’Argenson, Journal, t. II, p. 87 ; octobre 1722.

[135] Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, 1716, dans Lémontey op. cit., t. II, p. 55.

[136] M. Marais, op. cit., t. III, p. 106.

[137] M. Marais, op. cit., t. III, p. 409, février 1723.

[138] Journal du marquis de Calvières dans E. et J. de Goncourt, op. cit. p. 5-35.

[139] 30 mai 1720, dans Lémontey, op. cit., t. II, p. 59, note 1.

[140] M. Marais, op. cit., t. III, p. 32.

[141] M. Marais, op. cit., t. II, p. 319-322.

[142] Lémontey, op. cit., t. II, p. 56.

[143] G. Doublet, Le petit Carême de Surian, 1719, d’après les archives des Basses-Alpes, in-8°, Nice, 1906. Rosne, Surian, in-8°, Paris, 1886 ; A. Bernard, Le Sermon au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1901, p. 46, 51-53.

[144] Buvat, Journal, t. I, p. 363.