HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XXXIV. — La conspiration bretonne (1719-1720).

 

 

Reprise des États de Bretagne. — Les « exclus ». — Les « droits d’entrée ». — Le refus de la noblesse. — Alliance de la noblesse et du Parlement. — Abandon des droits d’entrée. — Rapport des Bretons avec.la duchesse du Maine. — Rapports avec Cellamare. — L'Acte d'Union. — Le marquis de Pontcallec. — L’assemblée de Lanvaux. — Les conjurés. — Prise d’armes de Questembert. — Mission de Mellac en Espagne. — Assemblée de Kerlein. Préparatifs à Pontcallec et en Armorique. — La vie à Pontcallec. — Fuite des conspirateurs. — Le secours d’Espagne. — Soldats et pistoles. — M. de Mianne dirige les poursuites. — Arrestation de Pontcallec. — Autres arrestations. — La « Chambre royale ». — Saisie des papiers de Talhouët de Bonamour. — Interrogatoire. — Pontcallec. — Deuxième interrogatoire de Pontcallec. — Autres interrogatoires et dépositions. — Les inculpés. — La réalité du crime. — L'arrêt et l’exécution.

 

 

Reprise des États de Bretagne

En Bretagne, le maréchal de Montesquiou continuait à administrer d’après sa maxime : « que les Bretons sont insolents pour peu qu’on mollisse avec eux, mais ils sont souples comme des gants quand ils trouvent une autorité ferme qui veut être obéie[1]. » Sa correspondance officielle ne parlait que de prison et d’exil[2], mais le maréchal demeurait persuadé qu’il devait suffire de « faire avancer quatre ou cinq bataillons et deux ou trois régiments de cavalerie », sinon « le peuple s’habituerait très facilement » à ne pas payer les impôts. Et quoique ceux-ci ne rentrassent pas, la méthode préconisée n’était pas adoptée, parce que le Régent entretenait dans la province un grand nombre d’informateurs, gentilshommes, magistrats, ecclésiastiques, simples commis[3] dont l’opinion s’accordait sur un point : la nécessité absolue de rappeler les États sans tarder. L’esprit breton, disaient-ils tous, est d’un entêtement au-dessus de toutes les nations du monde. » En conséquence, le 6 juin 1718, le Régent avait convoqué à Dinan, pour le 1er juillet suivant, les États de Bretagne, à l’effet de poursuivre la session interrompue le 18 décembre précédent.

 

Les exclus

Le 1er juillet, aussitôt la séance ouverte, l’intendant demanda les deux millions du don gratuit qui fut accordé, non « par acclamation » maïs immédiatement et sans aller aux Chambres. Le 6, les États consentirent à la levée des impôts perçus au profit du roi ; dès le 8, il était visible que l’accord ne durerait pas longtemps. Quelques gentilshommes avaient été éloignés par le maréchal comme « cabaleurs et turbulents », et parmi les « exclus » se trouvaient quatre membres de la « Commission des fonds par estime », autrement dite des prévisions budgétaires. Leurs collègues les redemandèrent, le Régent refusa, les gentilshommes refusèrent à leur tour de désigner d’autres commissaires parce que, dirent-ils, « les exclus sont les membres les plus instruits des affaires des États, ils ne peuvent être remplacés ; d’ailleurs cette interdiction lèse le droit qu’ont tous les gentilshommes d’assister aux États. » Toute résistance, tout appel à un droit provoquait invariablement la même réponse de la part du maréchal qui écrivit cette fois au ministre La Vrillière : « Je souhaiterais avoir des troupes sur la frontière, car la peur a un grand pouvoir sur cette nation. » Le conflit s’aggravait, et lorsque Montesquiou vint donner en personne aux États l’ordre, de la part du roi, de remplacer les « exclus », le clergé se soumit la noblesse refusa et fit décider que « les Commissions travailleraient incomplètes dans l’état où elles sont » (22 juillet)[4].

 

Les droits d’entrée

Un autre conflit plus grave fut soulevé par l’affaire « des droits d’entrée». Parmi ces droits, les boissons, et notamment l’eau-de-vie, étaient durement frappées. En Bretagne, pays d’excessive consommation, la province percevait « les grands et les petits devoirs », le roi percevait les « impôts et billots » et, depuis 1709, une nouvelle taxe s’était imposée sous le nom de « droits d’entrée », montant à 10 liv. par barrique de vin étranger, 5 liv. par barrique de vin de Nantes, 2 liv. par barrique de cidre. Cette dernière taxe fut particulièrement odieuse aux Bretons, le commerce s’en ressentit, la consommation diminua et le produit des « devoirs » baissa dans une proportion inquiétante. Un mémoire de l’évêque de Saint-Brieuc combattit ces « droits d’entrée » malencontreux qui imposaient la tempérance à ses ouailles ; sa parole fut entendue et comme un bail de huit ans passé aux engagistes expirait le 1er octobre 1718, les États votèrent le 7 juillet la suppression pure et simple des droits d’entrée et leur non perception à partir, du 1er octobre[5]. Cette mesure atteignait directement Je trésorier Michau de Montaran, un des principaux engagistes ; il n’était pas homme à s’avouer battu ; ayant trouvé le moyen d’échapper à la Chambre de Justice de 1716, il usa des mêmes amitiés et des mêmes protections pour obtenir du Régent, le 30 juillet, un arrêt du Conseil qui « cassait et annulait la délibération du 14 juillet, comme contraire aux véritables intérêts de la Province et préjudiciable à la sûreté des créanciers[6]. » Quand l’arrêt arriva à Dinan (4 août) les États avaient entamé la lutte contre Montaran, commencé la révision de ses comptes, prononcé contre lui de nombreuses ordonnances de débet et de recharge ; enfin, mis à l’étude « les réductions à faire sur les gages, taxations et émoluments du trésorier[7]. »

 

Le refus de la noblesse

Le 4 août, le maréchal parut aux États pour leur annoncer que les droits d’entrée étaient maintenus par le Régent et que l’arrêt du Conseil devait être exécuté « nonobstant toute opposition ». Ce fut un beau tapage, et qui dura six heures ; « la noblesse criait comme tous les diables », enfin, chacun se trouva « si enroué qu’il fallut remettre la chose au lendemain ». Pendant la nuit, l’intendant travailla le clergé et le tiers et « à force de négociations et de faire jouer différents ressorts » il les amena à ses vues, mais la noblesse tint bon, soutenant que rien n’était fait aussi longtemps que, dans les questions de finances l’accord unanime des trois Ordres n’était obtenu. Une partie du tiers se sentit ébranlée prête à revenir sur sa détermination. Les meneurs réclamèrent à grands cris qu’on allât « aux Chambres » ; le président de l’Église, M. Desmaretz, évêque de Saint-Malo « dit qu’il aimait mieux se retirer ; on répondit : « Vous nous ferez grand plaisir ». Il sortit, suivi des évêques « et de M. de la Trémoille, qui ne savait plus sur quel pied danser » sortit également. Les présidents étaient débordés, on leva la séance. Le lendemain, 7 août, à 9 heures du matin, le maréchal monte au fauteuil dans une salle comble et requiert sur le champ l'enregistrement de l’arrêt du Conseil du 30 juillet. Aussitôt la noblesse réclame le procureur syndic qui déclare faire opposition au nom de son Ordre à la délibération prise par deux autres Ordres. L’évêque de Saint-Malo refuse la protestation. On insiste à grands cris.

« Quand une délibération est annoncée au nom des Etats, dit l’évêque, un Ordre n’a plus le droit de s’y opposer. D’ailleurs, c’est aujourd’hui dimanche et il est midi. Il est temps d’aller à la messe. » Il renvoie la séance au lendemain, se couvre et se lève pour sortir. « Mais nous avons tous sauté en un instant de nos bancs dans le parterre et bouche le passage, raconte un des gentilshommes présents ; M. de la Trémoille a voulu aussi s’enfuir mais la foule a été si grosse qu’ils n’ont pu passer. Lorsqu’ils ont voulu passer, la foule a serré de si près qu’on voyait, comme a la mer, des houles si fortes qu’il leur a fallu reculer. L’évêque est tombé... M. de la Trémoille a franchi deux personnes, mais alors la houle a poussé sur lui si ferme que se trouvant les jambes contre les marches de la tribune du maréchal, il a pense vingt fois être en hasard de se casser les jambes. Une autre fois, il a voulu s’échapper, mais il a été si étreint qu’il... dans ses chausses. Trois ecclésiastiques plus alertes ont sauté par les fenêtres ; l’évêque de Nantes a évadé par un endroit qui n’était pas gardé... et court encore ; l’évêque de Vannes en a fait autant, comme un rat le long de la muraille, par derrière le tiers, sans qu’on l’ait vu... Les houles cessant, on remontait sur les bancs, mais dès que le duc et les évêques voulaient s’enfuir, tous ressautaient dans le parterre. L’évêque de Saint-Malo a donc toujours refusé de donner acte des protestations et du refus qu’il avait fait des Chambres. Cependant Mgr de Saint-Brieuc demanda le silence tout le très grand bruit s’apaisa comme une tempête qui cesserait tout d’un coup... Il fit comprendre à l’évêque de Saint-Malo qu’il était juste de donner acte du refus. Le sénéchal de Rennes, qui est un habile homme, seconda l’évêque de Saint-Malo, parla avec beaucoup d’esprit, donna un tour malin à ce refus. L’évêque se heurta comme un mulet... Le Tiers était d’avis de donner acte du refus. L’on donna enfin acte du refus de la part des États, et alors on les laissa aller[8]. »

 

Alliance de la noblesse et du Parlement

L’assemblée décida l’envoi à Paris d’un des procureurs-syndics, M. de Coëtlogon, afin de se pourvoir, par voie de requête contre l’arrêt du Conseil. Le maréchal interdit ce voyage et répondit à toutes les députations que, vînt-on le prier trente fois, il refuserait toujours. La noblesse eut, dès lors, un dessein arrêté d’associer le Parlement de Rennes à sa résistance, afin de solidariser les deux grands Corps de la province[9]. Alors se forma à Rennes un véritable Comité directeur composé de MM. de Talhouët de Bonamour, de Lambilly, de Piré, de Jacquelot et des conseillers d’Andigné, Le Chat, de Saisy, Charette de Montbert, d’Ernothon, Thierry, du Plessix et de Runefaou. Ce Comité correspondait avec les gentilshommes de Dinan par le moyen de jeunes gens servant de courriers. C’est de ce Comité que vint la pensée du recours au Parlement[10]. Le maréchal en prit ombrage et lorsqu’il sut que le procureur-syndic prenait de nouvelles réquisitions pour obtenir des États « défense de lever la capitation de 1718 », il n’hésita plus et fit enlever de nuit deux gentilshommes, exiler deux autres en Béarn et en Bigorre et interdit à une vingtaine des opposants les plus déterminés de reparaître aux États. Aussitôt furent rédigées une lettre au Régent et des remontrances au roi, elles n’obtinrent pour réponse qu’un refus blessant[11].

 

Abandon des droits d’entrée

Alors la noblesse ne vit plus de ressource que dans une protestation par devant le Parlement. Celui-ci reçut la requête le 6 septembre et décida, le 7, d’adresser au roi des remontrances« sur les infractions aux droits et privilèges des États » ; en attendant le résultat facile à prévoir, il « fit défense à toute personne de faire aucune imposition ni levée de deniers dans la province sans le consentement des États, à peine de concussion. » Les remontrances étaient telles qu’on les pouvait attendre[12], mais ce qui était plus grave c’était une déclaration des États s’opposant formellement à toutes bannies, enchères et adjudications de quelques droits, fermes et autres levées de deniers que ce puisse être jusqu’à ce qu’il ait plu à S. M. de répondre aux remontrances du Parlement et de rétablir les États dans leurs droits et privilèges. » Cet acte était signé de soixante-deux gentilshommes et à la Cour, Saint-Simon avait raison d’écrire : « La Bretagne est à demi soulevée, les États assemblés et le Parlement tournent ouvertement à la révolte[13]. » Montesquiou envoya aux soixante-deux signataires l’ordre de ne plus reparaître aux Etats. Leurs collègues s’abstenant désormais d’y venir, Montesquiou envoya à une soixantaine d’entre eux l’ordre « de travailler aux affaires ». On se trouvait en pleine incohérence. Le maréchal n’essayait plus de comprendre la situation, l’intendant la comprenait si bien qu’il pria le Régent de supprimer les droits d’entrée. D’Argenson refusa, mais, en réalité, la défense du Parlement « de lever les impôts non consentis sous peine de concussion » rendait la perception impossible ; les droits furent supprimés par prétérition et force fut au maréchal et au Régent de s’y résigner. L’intendant écrivit « qu’il paraissait qu’indépendamment des droits d’entrée les États auraient des fonds suffisants[14]. » Ces mots donnaient raison aux États et au Parlement, et le maréchal n’était pas arrivé, cette fois, à « ôter des esprits de cette province qu’ils sont indépendants[15]. »

Débarrassé des États, Montesquiou s’en prit au Parlement et adressa douze lettres de cachet aux magistrats les plus énergiques et les plus entreprenants qui furent dispersés dans de petites villes lointaines. Les arrêts du 13 août et du 7 septembre furent « tirés du registre, lacérés par l’huissier du Conseil et l’arrêt du Conseil mis à leur place. » On se contenta de les bâtonner largement sans les lacérer[16], mais l’injure n’en fut pas moins ressentie. On sent un frémissement de colère et de dégoût dans la protestation de la Compagnie dont « l’honneur a été atteint, dit-elle, ses registres profanés, ses arrêts ignominieusement cassés et même flétris par la radiation d’un vil huissier, et ses registres secrets abandonnes à la discrétion du plus abject de tous les officiers. » A ces remontrances La Vrillière répondit « que le Roi voulait être obéi[17] ».

 

Rapports des Bretons avec la duchesse du Maine

Ce que Saint-Simon nommait « révolte ouverte », la duchesse du Maine l’appelait « indisposition dans les esprits[18] ». Elle s’exprimait ainsi dans une pièce calculée en vue de s’innocenter des reliât ions qu’elle avait entretenues avec les gentilshommes bretons « mandes » a Paris, MM. de Talhouët de Bonamour, de Noyan et du Groësquer. « A l’égard de la Bretagne, écrit la princesse dans la confession générale qu’elle adressa au Régent, je n’y ai eu de ma vie aucun commerce et je n’ai vu que deux gentilshommes de cette province une seule et unique fois et voici comment cela est arrivé. MM. de Bonamour et de Noyan me firent proposer de venir chez moi, mais, craignant que cela ne tirât à conséquence, je les refusai. Ils me firent dire qu’ils me priaient au moins de trouver bon qu’ils me fissent la révérence dans les Tuileries, où ils savaient que j’allais souvent me promener les soirs après souper. J’y consentis, et un soir après que la compagnie, qui était à la promenade avec moi, se fut retirée, je restai dans le jardin, où j’attendis ces messieurs, qui me rejoignirent un moment après. Ils m’entretinrent fort des affaires de Bretagne et de leur mécontentement du maréchal de Montesquiou ; ils me firent une proposition fort étrange, dont je leur fis voir le ridicule ; ils me demandèrent si je n’avais pas quelques liaisons avec l’Espagne ; je leur dis que non, et leur cachai très soigneusement mon commerce avec l’ambassadeur, ce que l’on ne doit pas avoir de peine à croire, puisqu’il eût été de la dernière imprudence de dire à des gens que l’on n’a jamais vus, et que l’on ne connaît pas, des choses de cette conséquence. Je leur fis seulement beaucoup de compliments et leur dis que je souhaitais fort que la noblesse eût satisfaction dans les choses qu’elle désirait. Ils me parurent même fort fâchés de ce que je ne leur proposais rien, et de ce que je ne leur ouvrais aucun avis. » Quant à M. de Groësquer, la duchesse le rencontra a Bercy, chez l’duchesse de Rohan, dans la galerie, où il fit sa révérence de loin et n’approcha pas, ayant la réputation d’avoir « la tête très légère[19]. »

 

Rapports avec Cellamare

La préoccupation des deux gentilshommes d’entrer en rapports avec l’Espagne montre que Saint-Simon a été bien instruit, écrivant que, dès le début de 1718, « Cellamare donna une attention très particulière à ce qui se passait en Bretagne, les mouvements de cette province devenant chaque jour plus considérables[20] » et il est hors de doute que l’ambassadeur rencontra MM de Talhouët de Bonamour et de Noyan, mais « loin de les pousser à leur perte par la vaine promesse des secours de l’Espagne, comme Alberoni lui en avait donné l’ordre, il les exhorta à réserver pour d’autres temps et pour une plus digne cause l’effervescence de leur province[21] ».

Si l’ambassadeur dégoûta les gentilshommes de s’engager dans la conspiration qu’il dirigeait à son corps défendant, la princesse ne semble pas s’être montrée aussi hostile qu’elle voudrait donner à croire. Un député aux États de Bretagne a su que des leur arrivée à Paris, les « mandés » « se virent recherches par les émissaires de Mme la duchesse du Maine... Peut-être que M. d’Argenson, qui savait presque tout ce qui se passait à Paris, eut connaissance des démarches que la duchesse du Maine avait faites pour engager les trois Bretons dans son parti... Les comtes de Noyan et de Bonamour se rendirent à Rennes, le dernier sûrement bien intentionné de fomenter le parti de Mme la duchesse du Maine[22] ».

 

L'acte d'Union

A Rennes, le Comité inspirateur et régulateur de l’opposition bretonne vit venir à lui la plupart des soixante-deux gentilshommes expulsés de Dinan le 12 septembre 1718. L’émotion était grande, le Comité sut en tirer parti pour la formation d’une association de gentilshommes appartenant à la noblesse bretonne déterminas à offrir une résistance aux entreprises du Pouvoir. Ainsi fut arrêté, le 15 ou 16 septembre, dans la maison du Vert-Bois à Rennes, l’Acte d'Union pour la défense des libertés de la Bretagne, rédigé par M. de Talhouët de Bonamour. Après avoir énuméré « les attentats jusqu’à présent sans exemple » commis contre les États, traitements « opposés au bien public et injurieux à la noblesse de Bretagne, nous avons, disaient les signataires, déclare par cet écrit, juré et promis unanimement, sur notre foi et notre honneur de nous unir tous ensemble pour soutenir par toutes sortes de voies justes et légitimes, sous le respect dû au Roi et à S. A. R. Mgr le duc d’Orléans, Régent du royaume, tous les droits et privilèges de la province de Bretagne et les prérogatives de la Noblesse. — De plus, promettons que si quelqu’un des soussignés est troublé ou attaqué, en quelque sorte que ce soit dans la suite, en sa personne, sa liberté ou ses biens, nous prendrons son intérêt comme commun à tous en général et en particulier, sans pouvoir nous en séparer par aucune considération ; et sera déclaré infâme celui qui en usera autrement... Tous les gentilshommes de la province seront engagés, pour l’intérêt de leur honneur, de signer cette présente Union, et les deux ordres de l’Église et du Tiers-état invités à s’y joindre ; et on y admettra les gentilshommes extra-provinciaires qui, pour l’intérêt de l’État, voudront bien y entrer. — Nous nous promettons de plus, sous les mêmes peines, de nous garder un secret inviolable. Enfin, nous déclarons sans foi et sans honneur et comme dégradés de noblesse, les gentilshommes de la province, soit présents ou absents, qui ne voudront pas signer le présent Traité d’Union, ou qui, l’ayant signé, contreviendront à aucun des dits articles, en sorte qu’ils seront exclus de toutes les fonctions de la Noblesse et bannis de tout commerce avec les soussignés[23]. »

Pendant les trois derniers mois de l’année 1718, l'Acte d’Union circula dans les châteaux de Bretagne et reçut un grand nombre de signatures. M. de Talhouët de Bonamour parcourait la province pour le faire connaître[24], le maréchal ne s’en alarmait guère et l’avocat-général de la Villeguérin prévoyait qu’il n’aurait « d’autre effet que de gâter encore un peu davantage les esprits, d’inspirer l’indépendance et des sentiments républicains[25] ». Pendant que Bonamour et son ami M. de Lambilly s’employaient à recueillir des adhésions, chacun d’eux reçut une lettre de cachet (octobre) dont ils ne tinrent compte ni l’un ni l’autre sous prétexte de maladie, mais ils se terrèrent chez eux, l’un à Kergrois, en Remungol, l’autre à Lourmais, en Nivillac. De leur côté, MM. de Noyan, de la Berraye, de Saint-Gilles et du Groësquer redoublaient de zèle. Parmi les signataires de la liste de M. du Couëssin de la Berraye on lit, le 4 novembre 1718, le nom du marquis de Pontcallec.

 

Le marquis de Pontcallec

C’était un célibataire âgé de quarante ans, de bonne souche, habitant avec sa sœur le château de Pontcallec, forteresse de belle mine, encore capable de quelque résistance avec ses remparts intacts et ses fossés garnis. Pontcallec était situé au centre de l’Armorique, entre Guéménée et le Faouët, « bâti sur un coteau à pic percé de souterrains, il domine, à l’est, un vaste étang et est protégé à l’ouest, par le cours sinueux du Scorff, rendu infranchissable par les rochers qui l’obstruent ; il était de plus entouré, à quelques pas, du côté du sud, par une forêt de cinq cents hectares, remplie de chênes séculaires et coupée de fourrés et de halliers impénétrables. On ne pouvait y accéder que par deux ponts faciles à défendre : c’était un refuge inaccessible[26] ». Le marquis de Pontcallec, maître de cette forteresse en 1719, avait servi dans les dragons et dans les mousquetaires, puis était venu rétablir ses affaires et sa fortune plus que compromise. La noblesse le voyait peu, ne l’estimait pas et le craignait assez. Ses vassaux le haïssaient, ses serviteurs eussent mérité le titre d’esclaves puisqu’à la moindre infraction il les mettait au cachot, fers aux pieds, et les faisait jeûner au pain et à l’eau. Les paysans ne souhaitaient rien d’autre à leur seigneur que de « le voir pendre[27] ». Ne pouvant être braconnier puisqu’il était noble, il était fraudeur et « en faisait depuis longtemps presque un commerce public[28] ».

L’hiver, saison des chasses, amenait des rencontres, des entretiens favorables à la propagande ; les adhésions venaient. MM. de Bonamour, de Lambilly, de La Berraye et Talhouët de Boisorhant « qui étaient les initiateurs de l’entreprise » se donnaient beaucoup de fatigues pour recueillir des signatures. Parfois ils rencontraient des timides ou des sceptiques, tel M. de Kersulguen, au château de la Boixière, en Pluguffan, près Quimper à qui on confia un exemplaire de l’Acte d'Union et qui l’enterra dans son jardin. Mais celui-ci faisait figure de sage parmi d’autres qui ne l’étaient guère. Dans une réunion tenue au château de Pontcallec (mars 1719), Kersulguen essaya de faire entendre raison à Lambilly, à Bonamour, à La Berraye, il perdit sa peine et fut menacé. « Je vois que les Bas-Bretons veulent abandonner les Hauts-Bretons, s’écria Lambilly, eh ! bien, si l’entreprise de ceux-ci obtient le succès qu’ils en attendent, ils iront chez les Bas-Bretons mettre le feu dans leurs maisons ». On se sépara froidement et Lambilly, poussé à bout, finit par dire « qu’il faillait donner quelque chose au hasard et à la Providence[29] ».

 

L'assemblée de Lanvaux

On ne laisserait que trop de place au hasard et ces conspirateurs rustiques paraissaient aussi novices que les conspirateurs académiques de la duchesse du Maine. Ceux-ci s’assemblaient dans un boudoir, ceux-là se réunissaient dans une forêt, la forêt de Lanvaux, entre Malestroit et Auray, à l’abri de toute surprise. Tous lès adhérents furent convoqués à une grande chasse dans « le parc de Lanvaux » le 13 avril. Il en vint seize en tout : MM. de Lambilly, de Talhouët de Bonamour, de Pontcallec, de Talhouët de Boisorhant, du Bouëxic de Becdelièvre, de Lantivy du Coscro, de Kervasic, de la Houssaye, Le Gouvello de Kerentrec’h, de Villeglé, le comte de Lescouët, le chevalier de Lescouëtdu Couëssin de la Berraye, Grout de Moutiers, le chevalier Huchet de la Bédoyère et du Groësquer[30]. Ce n’était guère. Bonamour fit de son mieux pour échauffer son auditoire, lut un petit livre qu’il avait fait imprimer à cent exemplaires et la réunion décida l’envoi d’une requête au Régent pour demander justice des infractions commises contre les libertés de la province et réclamer les comptes du trésorier Montaran. Ensuite on se partagea le soin de la propagande et Lambilly suggéra a d’envoyer un gentilhomme à la noblesse du Poitou » qui n’attendait qu’un signal pour se soulever. Enfin, au moment de se séparer, Lambilly proposa d’envoyer un gentilhomme en Espagne afin de demander l’appui de cette puissance, il ajouta qu’il faudrait faire un fonds dans ce but. Les gentilshommes firent grise mine à cette proposition, les uns ne voulaient pas aller en Espagne, les autres ne voulaient pas payer. Lambilly insista, s’engagea pour 8.000 livres ; Grout de Moutiers en promit 4.000 ; les autres montèrent à cheval et se dispersèrent[31]. On ne pouvait manquer, pour disculper celte conduite, de raffiner sur la notion de Patrie et sur l’idée de trahison, comme si le sentiment national avait surgi seulement au souffle de la Révolution. Subtilités pitoyables qui se recommandent d’un prétendu respect des idées de ce temps où le mot de Patrie n’aurait pas impose, dit-on ; des devoirs aussi absolus que de nos jours. Coligny, Condé, Turenne faisant appel aux secours étrangers savaient leur trahison et, couverts de gloire, pardonnés, réhabilités, sentaient à ce souvenir la rougeur leur monter au front. Les gentilshommes bretons, eux non plus, n’ignoraient pas leur crime et l’un d’entre eux, M. de Larlan de Kercadio, qu’on appelait le président de Rochefort, jeune homme de 25 ans, « pétulant et inconsidéré à l’excès » nous dit-on, rétablissait en quelques mots cette vérité qu’une indulgence excessive voudrait obscurcir, sacrifiant la vérité de l’histoire à des préoccupations provinciales qui lui sont étrangères. « Messieurs, dira aux conspirateurs leur compatriote Kercadio, j’ai été de vos amis tant que j’ai cru que tout ceci n’était qu’un jeu, mais s’il s’agit de faire des députations et d’envoyer en Espagne je n’en suis plus et je me retire[32]. » La proposition de Lambilly était d’autant plus inexplicable qu’au moment où elle était émise la France était en guerre depuis trois mois avec l’Espagne, et le parlement de Rennes avait condamné comme « libelles séditieux » les manifestes répandus en Bretagne par Philippe V[33]. Lambilly ne tint compte de rien et chercha un émissaire ; il mit la main sur Hervieu de Mellac, officier pauvre, sans emploi, qui se morfondait dans son petit manoir de Kerbochon, en Taupont, et partit à lafin du mois de mai pour l’Espagne[34].

Les conjurés

Pendant qu’il amorcerait la trahison, les conspirateurs redoublaient leurs efforts. Lambilly, Pontcallec, Bonamour, Salarun endoctrinaient les gentilshommes, exploitaient leur mécontentement, leur persuadaient que le moyen de sortir d’une situation ruineuse était « de former un parti dans la province pour le roi d’Espagne..., qu’il n’y avait rien à hasarder puisque c’était le même que celui du Roi[35] ». Plusieurs se laissaient convaincre et donnaient leur nom. Combien étaient-ils d’adhérents ? Pontcallec a tantôt dit 150, tantôt 300 ; Talhouët Le Moyne parue de 400 à 500 et Keranguen de 700. Les listes ont été brûlées[36], mais il semble qu’on puisse admettre le nombre de 500 signatures dont quatre cinquièmes au moins ignorèrent tout de la conjuration. On n’arrive en effet, en récolant tous les noms et en tenant compte des simples figurants qu’à soixante-dix et, sur ce nombre, une vingtaine environ savaient ce qu’ils faisaient, mais tous ne savaient pas ce qu’ils voulaient. « Ainsi, écrit Jacquelot de la Motte, tout ce fameux parti, qui devait être l’avant-coureur d’une des plus grandes révolutions qu’on eut vue en France, consistait tout au plus en trente ou quarante gentilshommes, la plupart tout jeunes gens et peu capables de conduire un dessein à son terme[37]. » Tous ces gentillâtres étaient pauvres, sauf Lambilly qui possédait 30.000 livres de rente. En juin et en août 1719, Pontcallec fit quelques recrues, entre autres M. de Montlouis,  du manoir du Plascaër, à deux lieues de Pontcallec[38] ; M. Le Moyne de Talhouët, du manoir de Barac’h, en Ploërdut, autre voisin[39] ; M. du Gouëdic de Kerbleizec habitant son château des environs de Quimperlé. Ceux-ci n’étaient plus jeunes, d’ailleurs aigris et mécontents à proportion de leur âge et des passe-droits dont ils avaient eu à se plaindre. Quelques dames étaient mêlées au secret de la conspiration.

 

Prise d’armes de Questembert

Pontcallec ne dirigeait rien, mais sa réputation à elle seule était compromettante. Il fut averti qu’on songeait à l’arrêter comme fraudeur de tabac et, ajoutait-on, à le déporter au Mississipi. Craignant une surprise, il fit construire au plus profond de la forêt qui entourait le château des « cabanes de feuillages » où il passait la nuit gardé par un valet, puis par quinze paysans armés, ayant près de lui un cheval tout sellé. Ce ne fut qu’une alerte. Mais au mois de juin, Pontcallec sut que le régiment de Champagne aillait venir en garnison à Vannes et, cette fois encore, il se crut arrêté. Aussitôt il écrivit à Lambilly, à Montlouis, à Talhouët de Bonamour et à Rohan-Pouldu « qu’on voulait enlever la plupart des gentilshommes, sous prétexte de fraude, pour les envoyer à Mississipi ». L’avertissement fut entendu et une convocation fut adressée aux signataires de l’Acte d'Union pour qu’ils eussent à se rendre le 24 juin, entre Vannes et la Roche-Bernard, sur les landes de Questembert. Ils y vinrent à environ cent cinquante à deux cents, tant maîtres que valets, bien armés de fusils, de pistolets d’arçon et de baïonnettes ». On se demanda pour quelle raison on était rassemblés, personne ne put le dire. Les chefs n’avaient pas pris la peine de se déranger pour le leur apprendre. Pendant trois jours et trois nuits, les gentilshommes errèrent à l’aventure entre Questembert et Péaule, et de Molac à Sulniac. A la fin, Talhouët de Boisorhant les reçut au manoir de Keredern on ils campèrent sur la dure. Le lendemain, les plus ardents offraient de marcher sur Vannes, de s’en emparer ainsi que de Malestroit et de Ploërmel, et « d’y égorger les cuirassiers » qui s’y trouvaient. Quand on sut que Pontcallec n’avait rien à craindre, tout le monde se débanda. Mais l’esclandre n’avait pu passer inaperçu. Dès le 27 juin, l’intendant Feydeau de Brou était renseigné sur la prise d’armes de Questembert, et il en concluait qu’« il semble que l’esprit ait tourné à la plupart de ceux qui paraissaient gens sensés ». Un mois plus tard, le 30 juillet il savait ; que MM. de Pontcallec, de Bonamour et du Pouldu amassaient dans leurs châteaux des armes, de la poudre, du plomb et des balles[40].

 

Mission de Mellac en Espagne

L’intendant ne savait pas tout. Le 27 juillet, se rendant à l’appel de Lambilly, Pontcallec arriva au manoir de Kergrois, en Remungol, près de Locminé, à onze heures du soir. Il y rencontra outre Lambilly et quinze gentilshommes, un certain M. le Calme (anagramme de son nom) et qui n’était autre que Hervieu de Mellac arrivant d’Espagne. Il s’était abouche là-bas avec le cardinal Alberoni de qui il avait tiré la promesse de deux millions d’argent, huit mille hommes et un général. Mellac ne voulut pas se montrer moins généreux et promit une armée de 50.000 Bretons[41] ; sans parler des Picards, des Dauphinois et des Provençaux. De plus, Mellac apportait cette lettre de Philippe V : « Le sieur de Mélac Hervieux m’a apporté des propositions de la part de la noblesse de Bretagne concernant les intérêts des deux couronnes. Je m’en remets à ce que ledit sieur leur dira sur cela de ma part. Mais je les assure ici moi-même que je leur sais moi-même un très bon gré du glorieux parti qu’ils prennent et que je les soutiendrai de mon mieux, ravi de pouvoir leur marquer l'estime que je fais de sujets aussi fidèles du roi mon neveu, dont je ne veux que Ile bien et la gloire[42]. » Mellac, non moins intrigant que Walef, avait pris sur lui d’offrir à Philippe V la régence du Royaume de France et Alberoni, toujours magnifique, lui avait remis 30.000 livres. « Ce n’était, disait-il, que pour commencer la danse ; après ce serait aux Bretons à payer les violons[43]. » MM. de Lambilly et de Bonamour répondirent ou roi et au cardinal et leurs lettres furent signées par tous les membres présents à Kergrois. Comme il n’y avait que quinze gentilshommes présents, Pontcallec signa pour deux amis, Villeglé pour un troisième et Lambilly, qui s’abstint, écrivit de sa main : « Les Commissaires des neuf évêchés de la province de Bretagne », disant « que cela aurait une forme plus régulière. La lettre à Philippe V ne contenait que des remerciements et des protestations de respect ; avec Alberoni on sortait des généralités. Les gentilshommes bretons convenaient que c’était à eux à porter le poids de l’affaire ; ils s’engageaient donc à lever 14.000 hommes, 22.000 gens de pied et 2.000 cavaliers ; en outre ils comptaient sur 4.000 gentilshommes. De plus, 10.000 hommes capables de porter les armes étaient prêts à s’enrôler sous leurs ordres ; chacun des neuf évêchés de la province formerait un bataillon et nommerait les colonels et les officiers. L’Espagne n’aurait à fournir que quatre bataillons — on rabattit ensuite de moitié — un général, 20.000 fusils et 100.000 écus. Le chef étranger serait désigné par Philippe V, et Mellac, ayant sa leçon faite par Alberoni, souffla le nom du duc d’Ormond, qui fut accueilli par les gentilshommes avec une faveur marquée[44]. Mellac emporta ces lettres à Madrid où il arriva vers la fin du mois d’août.

 

Assemblée de Kerlein

Quelques jours auparavant, une réunion d’une, dizaine de gentilshommes, parmi lesquels Pontcallec, Montlouis, du Couëdic et Le Moyne de Talhouët, s’était tenue dans la forêt de Kerlein, en Priziac. On s’assit au bord d’une fontaine et, après avoir cassé la croûte, Pontcallec prit la parole : « Messieurs, dit-il, nous avons reçu des nouvelles d’Espagne ; le roi Philippe V a écrit à la noblesse bretonne une lettre signée de sa main « contenant des offres de secours, et l’assurance d’envoyer une flotte et de l’argent. J’ai, ordre de nommer aux emplois en son nom et d’envoyer en Espagne la liste de ceux que j’aurai nommés, afin qu’on m’en expédie les provisions que je remettrai à chacun de vous. » Le Moyne de Talhouët se mit à rire : « Ce que vous nous proposez là est une vision ; il y a de quoi rire de voir distribuer des offices de guerre sans troupe et sans armée. » — « Non, répartit Pontcallec, ce n’est point, une vision ; pour dés troupes nous n’en manquerons point et vous verrez que ce que je vous propose aura son exécution. » Là-dessus, il tira de sa poche un papier qui lui avait été remis par Lambilly, et il nomma du Couëdic et Le Moyne de Talhouët lieutenants colonels « sans dire de quelles troupes », d’autres furent capitaines, il eut des grades pour chacun, lui-même s’institua colonel ; tous sous les ordres du duc d’Ormond général en chef. En attendant l’existence d’une armée régulière, Pontcallec suggéra la levée d’un corps de 500 fraudeurs ; ce qui ne fut pas pris au sérieux[45].

 

Préparatifs à Pontcallec

Tous ces gens se repaissaient d’illusions et cette armée d’opérette était digne des conspirateurs de boudoir de la duchesse du Maine. La forteresse de Pontcallec servait de rendez-vous à l’état-major et le marquis, à force d’audace et de mensonges continuait à grossir le nombre des dupes. Le château prenait figure de place de guerre. Un armurier y fourbissait les instruments tels que fusils, baïonnettes, fourches de fer et le petit arsenal comptait 60 fusils, 50 baïonnettes, 30 fourches ; Lambilly cachait 24 fusils à baïonnettes à Kergrois et Bonamour autant à Lourmais. Il y eut aussi quelques réserves de poudre, des balles, une douzaine de déserteurs du régiment de Champagne et un régiment qui n’exista que de nom et devait s’appeler « le régiment de la Liberté ». Le château de Pontcallec était gardé militairement.

 

Et en Armorique

L’Armorique était d’ailleurs en état de siège. Les refus d’impôts s’étaient non seulement multipliés mais aggravés de bousculades et d’échauffourées[46]. Des espions sillonnaient le pays et rendaient compte à l’intendant de la situation périlleuse et critique de la province[47]. En l’absence du maréchal de Montesquiou, le commandant des troupes M. de Coëtquen avait amené 15.000 hommes. Le régiment des Landes était à Quimper, Quimperlé et Hennebont, le régiment de Champagne et deux bataillons de Royal-Marine à Vannes, le régiment de Senneterre à Nantes, le régiment de Saint-Simon à Guérande, le Croisic et la Roche-Bernard, le régiment de Saintonge à Saint-Brieuc, le régiment de cavalerie de Villars à Pontchartrain ; Savenay, Blain et Ploërmel, le régiment de cuirassiers de Lénoncourt à Nantes. Les précautions paraissaient excessives lorsqu’un événement sembla les justifier. Parmi les gentilshommes compromis dans l’échauffourée de Guérande, se trouvait un manceau anobli qui fut arrêté à Nantes. Cet homme était au courant de tous les secrets de la conspiration, il livra tout : l’Acte d’Union, les principaux signataires, l’organisation par évêchés, le récit des assemblées de Lanvaux, de Kergrois, l’alliance espagnole. Ces aveux furent faits le 15 septembre[48].

Le 20, le maréchal invita une vingtaine des gentilshommes les plus compromis à venir immédiatement à Rennes rendre compte de leur conduite. Cinq ou six seulement obéirent. En même-temps un détachement de cavaliers partit pour Saint-Jean-Brévelay afin de mettre en arrestation MM. de Rohan-Pouldu. Ceux-ci se trouvaient en compagnie de Bonamour, Lambilly, La Berraye, Talhouët de Boisorhant et les deux du Groësquer. Prévenus par un mendiant de l’approche des soldats, ils décampèrent en toute hâte et se réfugièrent à Pontcallec.

 

La vie à Pontcallec

Le marquis avait été mandé à Rennes par le maréchal, il hésitait à s’y rendre quand Rohan-Pouldu, Lambilly, Bonamour lui arrivèrent (le 22), et le lendemain matin un exprès vint lui apprendre qu’un détachement parti de Vannes paraissait se diriger vers Berné. Aussitôt Pontcallec convoqua ses paysans à Meslan, à Plouay, au Faouët, fit appel à ses amis et mit le château en état de soutenir un siège. Deux postes avancés, au pont de Léty et au pont du Moulin commandaient les approches et renfermaient vingt à vingt-cinq paysans armés de fusils à baïonnettes ou de fourches de fer. Deux sentinelles se promenaient devant la grande porte du château, à l’intérieur duquel étaient répartis trois corps de garde, un dans chaque pavillon, un dans la cour ; tous de vingt hommes commandés par des soldats déserteurs promus sergents. Toutefois, ils avaient la consigne d’avertir en cas d’alerte, mais non de tirer. Dans l’enceinte, une centaine de paysans armés composaient la garnison que commandait du Couëdic.

Ces précautions étaient prises pour la nuit ; le service de jour était moins rébarbatif. Vers neuf heures du matin, Pontcallec, Lambilly, de Talhouët de Bonamour, Rohan-Pouldu et Montlouis rentraient ! de leurs cachettes sylvestres, déjeunaient et, parfois au nombre d’une quinzaine, s’attardaient à causer « des affaires du temps et de la province ». On criait « qu’il fallait se mettre en liberté, réclamer les Etats-Généraux, résister au Régent et, la conversation s’échauffant, Pontcallec prononçait « qu’il fallait mettre la province en république ». En sortant de table on allait se promener, « sans sortir du château jusqu’à la tombée de la nuit ». Très vite, deux groupes s’étaient formés : le Conseil, c’est-à-dire Pontcallec, Lambilly, Bonamour, Rohan-Pouldu et Chemendy ; les Officiers ou les Généraux et c’étaient Du Couëdic, Le Moyne de Talhouët, Montouis, Kerberec et Keranguen — deux amis qui « ne s’étaient jamais vus qu’étant ivres, attendu qu’ils ne désenivraient l’un et l’autre presque jamais[49] » — enfin Hugonnier et Kerrouët.

Le soir, vers 6 heures, Pontcallec, Lambilly, Bonamour et Rohan-Pouldu regagnaient leurs loges en feuillage au milieu des brousses de la forêt et dormaient sur quelques paillasses. Soixante-dix paysans armés de fusils et de fourches veillaient sur leur repos ; ce que voyant, les vassaux, contraints à aller « à la guerre du Pontcallec » enjambèrent les murailles et on ne les revit plus. La plupart n’avait cédé que devant la menace d’« être brûlés », mais on savait qu’on ne pouvait compter sur eux ; Pontcallec avouait « que la poltronnerie des paysans était cause qu’il ne fallait pas songer à se défendre », néanmoins à entendre ces écervelés, il n’était jamais question que de centaines et de milliers d’hommes bien armés, prêts à se battre et sûrs de vaincre.

 

Fuite des conspirateurs

On l’allait bien voir. Le jeudi 28 septembre, on fut averti de l’approche des troupes du Roi ; à l’instant tout le monde se sauva, les uns parce qu’ils n’osaient pas, les autres parce qu’ils ne voulaient pas se battre contre les soldats du Roi. A la tombée du jour, Pontcallec sortit de son château et se jeta dans la forêt ; à minuit, il quitta sa loge feuillage, monta à cheval et, avec Lambilly, Bonamour et Rohan-Pouldu lui quatrième, partit dans la nuit. Pendant ce temps le château se vidait. Dans la matinée du 29, Champagne, Royal-Marine et les dragons de Villars au nombre de soixante-dix environ pénétrèrent dans la forteresse, ils n’y découvrirent qu’une femme, Mlle de Pontcallec[50].

Son frère était anéanti. Réfugié au manoir de Dréortz, en Priziac, il songeait au sort qu’aurait son château, sa forêt et lui-même. Quelques jours plus tard, caché à Kerbleizec, près Quimperlé, on vint lui demander s’il était d’humeur à se défendre et à faire le coup de feu ; il répondit : « Chacun n’a qu’à penser à sa sûreté. Pour moi je m’en tirerai comme je pourrai. » Et son interlocuteur partit « très mécontent de la réponse[51] ». A partir de ce moment Pontcallec n’aura plus d’autre ressource que d’errer à travers ce pays sauvage, d’éviter les villages, d’entrer dans les châteaux par une poterne, de vivre en vagabond et presque en mendiant, portant tout son bagage dans une gibecière.

La découverte de leur folle entreprise paraissait avoir ajouté quelque chose à la déraison des conspirateurs. L’abbé du Groësquer proposa et fit accepter par le Conseil un projet de rassemblement en masse au carrefour du Pas-aux-Biches, dans la foi et de Lanouée d’où on marcherait sur Rennes qu’on prendrait, et le maréchal servirait d’otage à tout événement. On attendait 1.500 conjurés à Lanouée, le 6 octobre. Il en vint quinze ! Et désormais il n’y eut plus d’assemblée, chacun songea à se mettre à l’abri ; il n’y avait plus alors qu’une personne qui escomptât la révolte des Bretons, c’était le cardinal Alberoni.

 

Le secours d’Espagne

Alberoni déçu en Turquie, en Suède, en Écosse s’accrochait à l’entreprise de Bretagne avec une énergie désespérée. Sa correspondance avec le duc d’Ormond montre qu’il jetait dans cette aventure la dernière mise d’un joueur aux abois. On l’a vu tracer un plan, trouver un subside, réunir deux bataillons, improviser une flotte de transport, et, surmontant les obstacles, parvenir à faire sortir de la Corogne la petite escadre qui arriva à Santander le 20 octobre. Ce jour-là, Alberoni écrivait a Hervieu de Mellac : « Si vous voulez aller en Bretagne, cela ne pourrait servir qu’à vous informer de l’état des affaires et si les Bretons peuvent et veulent d’eux-mêmes faire la guerre ; pouvant les assurer qu’on leur enverra de l’argent par lettres de change, car, par la mer, à l’heure qu’il est, ce serait le risquer et le perdre absolument. Enfin, vous avez été témoin de tout ce qu’on a fait, et que la mer seule a fait différer l’exécution[52]. » Quoique dans cette lettre, le cardinal eut averti Mellac que d’après « les lettres qu’on a reçues ce matin de Paris... on doit croire que tout est découvert », le gentilhomme breton s’embarqua le premier, avec quelques hommes et 6.000 pistoles d’Espagne sur le vaisseau le plus rapide[53]. Le reste de l’escadre refusa de mettre à la voile, en sorte que le bâtiment arriva seul, le 30 octobre, en vue des côtes de Bretagne, jeta l’ancre sous la pointe Saint-Jacques de Rhuys. Un marinier de la côte accosta le navire, prit dans sa barque les sacs d’argent et un paquet de papiers qu’il transporta non loin de là chez M. de Lantillac, à Noëdic, près de Sarzeau[54].

 

Soldats

La frégate espagnole alla mouiller dans la rivière de Crac’h, sous le château de Kergurionné, et débarqua, dans la nuit du 30 au 31 octobre, ses 300 hommes quise tinrent cachés dans un « landier, derrière le jardin de M. de Salarun[55] ». Mellac se rendit à Kergurionné où il rencontra Bonamour qui écrivit à l’instant à Couë de Salarun : « Le Calme vient d’arriver, le reste viendra bientôt » ; en même temps il fit avertir Lambilly qui se trouvait à Noëdic. Au moment où le billet de Bonamour atteignit Salarun celui-ci était à Vannes, où il venait d’apprendre l’existence de lettres patentes signées le 3 octobre par le régent et portant érection à Nantes d’une Chambre royale, juridiction exceptionnelle chargée de poursuivre et de juger les conspirateurs. L’installation de ce tribunal avait dû avoir lieu le jour même (30 octobre). Très inquiet, Salarun accourut chez lui, fit à l’instant rembarquer les 300 hommes et ordonna au capitaine espagnol de prendre le large. Quand tout lui parut arrangé, Salarun revint à Vannes dans la soirée du 1er novembre et, à la nuit, tombée, avertit le commandant de la maréchaussée que « les ennemis étaient à la côte », prêts à débarquer dans les parages de Quiberon. Le maréchal fut averti et arriva à Vannes dans la soirée du 2 novembre ; son neveu, le comte de Montesquiou, avait pris quelques mesures et couru avec les unités disponibles à la presqu’île de Quiberon où il s’attarda et ne vit rien venir. Les troupes que le maréchal espaça le long de la côte, de Vannes au Port-Louis, ne virent rien non plus. De retour chez lui, Salarun trouva Lambilly, Bonamour et Mellac, leur dit de s’enfuir ; ils descendent jusqu’à Locmariaker s’embarquent sur un chasse-marée, sont rejoints le lendemain par les deux Rohan-Pouldu, Talhouët de Boisorhant et Couëssin de la Berraye, louvaient quelques jours, attendent à la hauteur de Belle-Isle, la flotte espagnole et, ne voyant rien paraître se laissent porter par le vent jusqu’à Santander. De là ils envoyèrent un récit détaillé à leurs compatriotes qui ne le lurent jamais[56]. Le maréchal de Tessé qui les vit à Madrid les dépeignait en deux mots : « Ils sont d’une figure à faire croire qu’ils ne feront pas révolter la Bretagne. Qui les déchausserait les trouverait chèvre-pieds [des satyres][57]. »

 

Et pistoles

Les pistoles d’Espagne devaient être distribuées à raison de 5.000livres par évêché et un dépôt de 14.000 livres serait constitué chez Lantillac. Cet argent devait être employé à « lever des troupes ». Montlouis reçut 2.000 livres et recruta 200 hommes, c’était la révolte à dix francs par tête. Quelques sommes de 4.000, 2.000 et 1.000 livres furent distribuées et ne produisirent rien. Seul, l’ivrogne Kéranguen consentit à lever un corps, on lui alloua 25 francs qu’il employa « à boire avec ses amis et à »e divertir, n’ayant jamais songé à lever des troupes ni à enrôler personne, y ayant plus de sept ans qu’il n’avait, eu 25 francs dans sa poche ». M. de Montlouis détenant quelques sacs des pistoles d’Espagne apparaissait à «es gentilshommes râpés tel qu’un Crésus à qui il était permis d’extorquer ce qu’on pourrait. Pontcallec s’y essayait donc. Toujours errant de châteaux en presbytères, il sollicitait une allocation de 100 pistoles « pour lever du monde » et Montlouis le rembarrait durement : lors que « Pontcallec mande qu’il a 300 hommes sur pied, il n’en a que dix ». On en était maintenant aux paroles aigres, aux insinuations blessantes, aux ironies d’une légèreté bretonne. Dans les derniers jours de novembre, dit Le Moyne de Talhouët, « tous les gentilshommes étaient dispersés », on n’espérait plus le « secours espagnol », il ne restait aucun vestige de la révolte », mais seulement beaucoup de crainte dans le cœur de la noblesse ».

 

M. de Mianne dirige les poursuites

C’était, on voudrait le croire, le remords tardif de leur crime qui inspirait cette crainte, car les opérations de la Chambre royale établie à Nantes n’avaient rien qui pût faire trembler. Pendant tout le mois de novembre elle laissa les coupables dans nue sécurité absolue, quelques arrestations de comparses montraient aux chefs véritablement compromis qu’on ne voulait pas les atteindre. La solidarité entre gentilshommes en était arrivée à ce point que les officiers des régiments fidèles s’arrangeaient de manière à laisser échapper les membres de leur caste coupables d’avoir introduit l’ennemi en France[58] ; tel était le patriotisme de la noblesse française. Il se rencontra heureusement un officier d’une trempe morale plus fine servie par des qualités éminentes. M. de Mianne, lieutenant du roi au château de Nantes, jadis l’ami de Pontcallec, s’employa avec une activité et une perspicacité louables à réparer le scandale de cette connivence tacite entre les criminels et leurs protecteurs. Il s’établit à Guéméné-sur-Scorff, à trois lieues de Pontcallec, dispersa dans tous les bourgs et villages des détachements de cuirassiers et de grenadiers, avec ordre de « battre l’estrade » jour et nuit, de fouiller les bois, les buissons, les moindres chaumières ; en plus, trente espions à ses gages s’insinuaient partout, « aussi, disait-il, je suis servi à souhait[59] ».

Ce qu’on nomme le hasard vint aider l’enquête à merveille. On arrêta à la côte du Morbihan un pilote qui rapportait d’Espagne la lettre collective des gentilshommes fugitifs à Santander, et quoique les écrits saisis avec cette lettre ne continssent que des pseudonymes ceux-ci ne tardèrent pas à être dévoilés. On arrêta Mme de Lambilly et son interrogatoire (25 décembre) apprit tout ce qu’on voulait savoir sur « ces noms mystérieux[60] ». Aussitôt, la Chambre royale ordonna de nombreuses arrestations et M. de Mianne redoubla de zèle, passant partout malgré le froid, le gel et les fondrières. Alors vraiment les gentilshommes eurent lieu de craindre et beaucoup d’entre eux s’enfuirent à l’étranger, en Hollande, en Espagne, d’autres se cachèrent dans Paris. M. de Kervasic l’aîné se fit passer pour mort, fit célébrer son enterrement et se tint coi dans une cachette bretonne ; plusieurs essayèrent de faire croire qu’ils « s’étaient noyés, dans une petite barque en voulant fuir les dragons[61] ». M. de Mianne, tout à la poursuite des grands coupables, laissait échapper ces complices dont la poltronnerie n’avait rien de redoutable. Il sut inspirer à un de ceux-ci le désir de se sauver en sacrifiant ses compagnons. « J’ai fait de sérieuses réflexions, lui écrivait M. de Chémendy, sénéchal du Faouët, sur ce que vous m’avez fait dire, et j’ai toute la reconnaissance que je dois d’un procédé si généreux... La légèreté et l’ignorance ont pu donner lieu à quelques soupçons de ma conduite. Je connais maintenant tout le ridicule de cette de la plupart des gentilshommes de ce pays, je m’en détache pour jamais... Je fais partir un exprès pour chercher l’homme que vous savez, sous prétexte d’avoir des choses à lui dire que je n’oserais confier au papier. Je suis sûr de le joindre bientôt. Je trouverai les plus coupables et vous instruirai promptement et régulièrement de tout[62]. »

 

Arrestation de Pontcallec

Le filet tendu autour de Pontcallec l’enserrait peu à peu, il le sentait et ne savait plus où fuir n’osant se risquer sur la mer[63]. Déguisé en laboureur il voyait l’instant où il faudrait se livrer, on lui avait tout pris et il ne lui restait qu’un valet nommé La Batterie, ancien soldat déserteur, balafré au visage. Voulant l’éloigner, Pontcallec l’envoya conduire ses deux derniers chevaux à l’homme d’affaires du comte de Lannion en lui disant « qu'il avait pu quitter la France après avoir couru mille dangers, qu'il le priait d’avoir soin de ses chevaux et de s’en servir ». Instruit de tout ceci, Mianne interrogea le valet, promit1.000francs à la femme si elle le déterminait à livrer Pontcallec et, le soir même, connut le secret tant convoité. Une petite troupe se dirigea vers le bourg de Lignol, à une lieue de Guéménée, cerna le presbytère et quelques instants après Pontcallec prenait, avec le curé, sous bonne escorte, le chemin de la ville (28 décembre)[64]. Interrogé le jour même, le marquis « déclara qu’il était prêt à découvrir tout ce qu’il savait, ne cherchant qu’à mériter quelque compassion pour sa bonne foi ». Et pendant quatre heures le jugé Pajot et son greffier n’eurent d’autre peine, l’un que d’écouter, l’autre que d’écrire. Pontcallec disait tout ce qu’on n’eût jamais osé espérer savoir : les noms des conjurés, les noms des signataires de l’Acte d’Union, les noms des commissaires désignés à Lanvaux, les noms des parlementaires favorables à la conspiration. Il révéla l’accord intervenu avec le roi d’Espagne, les tentatives faites pour entraîner les soldats à la désertion, les sommes reçues et distribuées (autant qu’il en pouvait être instruit). Ce conspirateur paraissait si chétif, si piteux, que le juge Pajot disait : « Nous regardons bien Pontcallec comme un chef, mais nous ne pouvons presque pas douter qu’il n’y en ait plusieurs autres, plus importants même que lui[65]. » Quant à Mianne, il brocardait joliment l’héroïque et fidèle noblesse bretonne : « Il est assez étonnant, disait-il, que 6 ou 700 gentilshommes associés, qui voulaient faire la guerre au roi, courent comme des moutons devant 300 hommes[66]. »

 

Autres arrestations

A la suite des aveux de Pontcallec les arrestations recommencèrent. Mianne s’était abouché avec Chémendy et lui avait promis là vie sauve s’il livrait quatre gentilshommes des plus compromis, c’était marché conclu ; en outre Chémendy avait confirmé les révélations de Pontcallec. La situation n’était plus tenable et la nouvelle de l’arrestation du chef jeta la consternation et ile découragement parmi ses complices. Le 29 décembre[67], du Couëdic croyant qu’il était temps encore d’entrer en composition et d’imposer ses conditions fit savoir à de Mianne qu’il consentait à se livrer « si on le rappelait avec assurance de ne le point inquiéter au sujet des prétendues accusations dont on le charge... Sur la foi de votre parole je me livrerai à tout ce qu’il vous plaira[68] ». De Mianne répondit « en termes fiers et convenables », dit le juge Pajot, qu’il ne promettait rien, sinon que s’il se faisait prendre par force il n’aurait point de grâce à attendre et que s'il se rendait on pourrait avoir compassion, mais qu’il ne fallait pas tarder car ceux qui se livreraient les derniers auraient peu à espérer. Le lendemain, 30 décembre, c’était Montlouis qui demandait grâce sans conditions. « J’ose prendre la liberté de vous représenter, écrivait-il à M. de Mianne, que l’on n’en veut qu’à moi et à mon infortunée épouse, et que tous les autres gentilshommes qui se sont justifiés auprès de vous m’accusent. Je ne suis pas plus criminel qu’eux... Quoique j’aie eu le bonheur de n’être pas pris jusqu’à présent, si vous aviez la bonté d’assurer mon épouse de sa grâce, je me sacrifierais volontiers pour la tirer de misère. Nous sommes fugitifs tous deux, chacun de son côté, ma maison délabrée et pillée ; pour un pauvre gentilhomme de 5 à 600 livres de rentes c’est tout mon bien, «le vous assure que sur votre parole seulement, si vous avez la charité de me l’accorder sous deux ou trois jours mon épouse et moi nous irons implorer votre miséricorde68. » Le 1er janvier, Montlouis se livra à de Mianne, le priant « un genou en terre, d’implorer la clémence de S. A. R. ». Le lendemain, ce fut au tour de Hugonnier, son beau-frère ; le 4, on arrêta Kersulguen de la Villeneuve, de qui la douleur « approche du désespoir » nous dit le juge ; enfin, le 10, Le Moyne de Talhouët se rendit. Les coupables étaient arrêtés, les papiers saisis, le tribunal installé, l’affaire, disait Pajot « sera bien aisée à juger[69] ».

 

La Chambre royale

La Chambre royale était instituée, aux termes des lettres patentes, pour réprimer « les cabales, les attroupements de gentilshommes, les associations entre eux, les amas d’armes, de poudre, de munitions et de chevaux, les enrôlements de soldats, les pratiques secrètes au dedans et au dehors du royaume, les projets de traiter avec une puissance étrangère, l’opposition à main armée à la levée des deniers publics, les assemblées illicites, la résistance et le refus d’obéir aux ordres du Roi, tous préparatifs tendant à la révolte. » Le tribunal était composé d’un président, le marquis de Châteauneuf, aux appointements de 8.000 livres par mois, de treize membres aux appointements de 2.000 livres par mois et des fonctionnaires indispensables[70]. Cette Chambre constituait une juridiction exceptionnelle qui se substituait au Parlement, mais celui-ci comptait plusieurs de ses membres, comme Lambilly, parmi les conspirateurs et le respect de la Justice ne permettait pas de recourir à des magistrats que pouvait atteindre le soupçon. Le Parlement protesta pour la forme, s’attira une réponse ironique et garda prudemment le silence[71]. La Chambre tint sa première audience, le 30 octobre, au Château. S’inspirant de ce qui avait été fait pour la Chambre de Justice, la Chambre royale rendit un-arrêt qui mettait sous la protection de la justice et la sauvegarde du roi ceux qui révéleraient un fait, un acte ou un indice, les dénonciateurs et les témoins[72] ; quiconque chercherait à intimider, séduire ou violenter ceux qui avaient une déposition à faire seraient poursuivis comme complices (8 novembre). En outre, le procureur-général envoya à l’autorité ecclésiastique l’injonction formelle ou monitoire « à ceux et celles qui savent et ont connaissance que plusieurs gentilshommes et autres personnes se sont attroupés, ont fait des associations entre eux..., des traités avec une puissance étrangère... qu’ils aient à venir à révélation » ; autrement l'autorité ecclésiastique userait des censures. Deux autres sommations, dites d'aggrave et de réaggrave, réputaient ceux qui gardaient le silence « contumax, désobéissants et rebelles » pour, finalement, les excommunier (23 novembre). Graves menaces. Alors la Chambre fulmina contre ceux qui donneraient asile aux proscrits, elle fit « défense à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient, et nommément aux communautés et maisons religieuses, de recevoir les dits coupables et complices même sous prétexte d’hospitalité..., à tous gentilshommes de les retirer dans leurs châteaux et maisons sous prétexte que ce soit... à peine d’être réputés complices des dits crimes et attentats et d’être punis comme criminels de lèse-majesté[73] » (29 novembre).

 

Saisie des papiers de Talhouët. Interrogatoire

Les arrêts se succédaient sans résultats positifs. Cependant une perquisition faite au château du Bot, en Nivillac, à une demi-lieue de Lourmais, fit découvrir, après différentes péripéties, une cassette renfermant les papiers de Talhouët de Bonamour. Cette cassette était remplie de vaudevilles et de chansons[74]. On y trouvait aussi des notes politiques sur les meilleurs moyens d’organiser l’opposition dans les États et la résistance contre les représentants du roi. D’Argenson en donna lecture au Régent qui déclara « que tout y respirait l’indépendance, l’esprit républicain, la sédition et la révolte[75] ». La cassette avait été trouvée entre les bras d’un jeune homme, M. de Derval, âgé de vingt ans, que son âge avait fait tenir à l’écart du complot mais qui raconta ce qui l’avait frappé. Tantôt des conciliabules de gentilshommes, tantôt des battues de serviteurs, ou des manœuvres de paysans qu’on exerçait au son du tambour. Un tir avait été aménagé et des prix distribués aux plus habiles tireurs. Un taillandier était venu au manoir de Lourmais fabriquer des baïonnettes, réparer des fusils, fabriquer des mitouflets, sorte de pistolet préhistorique de l’invention de Bonamour. Enfin, ce jeune éveillé avait beaucoup vu, il avait même entendu parler de l’Espagne et il racontait tout ce qu’il savait, soit par peur soit pour se faire valoir. Tous ces faits divers n’apportaient cependant rien de positif (14, 16 et 17 décembre). Une circonstance fortuite livra les documents les plus compromettants. Après avoir reçu la lettre circulaire que Bonamour, Lambilly, Couëssin et Talhouët de Boisorhant adressaient de Santander à leurs compatriotes, le pilote Giles Madéran reparut devant la côte bretonne et débarqua en tapinois vers le 20 décembre. Arrêté peu de jours après à la suite d’une altercation, ilfut interrogé, fouillé et les lettres furent saisies. Aussitôt les arrestations se succédèrent : Coué de Salarun, son frère Coué de Brionnel et mesdames de Lantillac, de Lambilly et de Mellac. Les interrogatoires se succédèrent aussi ; mais Salarun ment avec impudence, Mme de Mellac ne sait rien, Mme de Lambilly sait beaucoup et raconte tout, les conférences à Kergrois, au Pouldu et au Pontcallec[76]. On en arrive alors à découvrir tous les pseudonymes, ce qui entraîne l'arrestation d’un conseiller du Parlement de Rennes, M. de Lattay. Mal avisé, le Parlement proteste et réclame le privilège de juger lui-même l’accusé ; mais il s’attire cette réponse du garde des sceaux d’Argenson : « Il n’a pu être que bien douloureux à une Compagnie aussi illustre et aussi fidèle que la vôtre de voir arrêter un de ses membres, également distingué par sa naissance et par sa réputation... Le grand nombre de procédures, d’accusations, d’incidents et de décrets dont cette importante affaire est composée ne permet pas d’en distraire aucun des accusés, ni par conséquent M. du Lattay, non plus que M. de Lambilly, qui a pareillement été décrété par la Chambre royale, établie à Nantes, et dont la retraite chez les ennemis du roi a si publiquement déshonoré la magistrature dont il était pourvu[77]. »

 

Interrogatoire de Pontcallec

L’interrogatoire de Pontcallec commença le 3 janvier et fut continué chaque jour jusqu’au 9 inclusivement. L’accusé avoua tout, répéta ce qu’il avait dit au moment de son arrestation, chargea ceux de ses complices qu’il savait fugitifs et hors de danger, s’efforça de disculper « la noblesse de Bretagne, qui, dit-il, n’a jamais prétendu se révolter contre le roi, ni rien faire contre le service de S. M. et contre le bien de l’État ; elle voulait seulement tâcher de se mettre à l’abri des persécutions de M. le maréchal de Montesquiou, et de l’oppression qui la tenait... le Traité d’Association n’avait pas d’autre but que de faire sortir le sieur de Montaran de sa place de trésorier de la province et de se maintenir dans leurs privilèges. » A cela le juge lui oppose que les commissaires des diocèses devaient « mettre les gentils hommes et le peuple dans le parti de la révolte », mais Pontcallec proteste : « Personne, assure-t-il n’avait envie de se révolter, ils étaient simplement liés pour se retrouver aux États en plus grand nombre, afin de se maintenir dans leurs privilèges que M. le maréchal de Montesquiou leur faisait perdre en les traitant avec rigueur. Toute là province pensait de la même manière, mais les plus hardis et les plus malheureux par la suite, avaient signé le Traité d’association[78]. » Pour tout le reste, Pontcallec avoue en essayant d’atténuer, mais d’Argenson, à qui l’interrogatoire fut envoyé, ne fut pas dupe de ces réticences et de ces explications, il réclama un nouvel interrogatoire. « Comment, demande-t-il, Pontcallec peut-il prétendre ne s’être pas révolté contre son souverain lorsqu’il a négocié ou approuvé la négociation faite avec une puissance ennemie, en a reçu de l’argent ?[79] »

Le second interrogatoire commença le 31 janvier et se prolongea jusqu’au 3 février inclusivement. Cette fois, on sent que l’intelligence lucide de d’Argenson a posé la question sous son jour véritable : il y a eu de la part des gentilshommes bretons dessein et commencement de haute trahison. Ils se sont adressés à une puissance en guerre avec la France, ils ont conclu des accords avec elle, reçu ses subsides et accepté ses soldats, trahissant la France et amenant la guerre civile et l’ennemi sur son sol afin de défendre les privilèges de leur caste qu’ils nomment des droits. Nous verrons les gentilshommes de l’émigration faire alliance avec l’Empereur d’Allemagne, recevoir les subsides du roi d’Angleterre, s’incorporer dans toutes les armées étrangères qui combattent la France, y attirer et y conduire la guerre afin de défendre, eux aussi, les privilèges de leur Ordre qu’ils prennent pour des droits.

 

Deuxième interrogatoire

— « Avoir des intelligences avec une puissance étrangère contre le service du roi et le bien de l’État, interroge le magistrat, préparer le débarquement sur les cotes des troupes ennemies, c’est un acte de trahison, c’est un crime d’État !

— « La noblesse de Bretagne n’est point entrée en négociations avec l’Espagne, répond l’accusé.

— « Pourtant, insiste M. de Baussan, dans la réunion de Kergrois, elle a adressé au cardinal Alberoni une lettre signée : Les Commissaires des neuf évêchés de Bretagne. — Outre l’envoi de M. du Bouëxic-Becdelièvre en Poitou, a-t-on essayé d’agiter, de soulever les autres provinces ?

— « Non, Hervieu de Mellac a dit un jour que la Provence et le Dauphiné remueraient avant la province de Bretagne, il a cité le duc de la Feuillade ; Lambilly qui était l’homme des illusions, tenait des discours qui tendaient à faire croire à une révolte générale dans le royaume, il a dit plusieurs fois que la Picardie, la Saintonge, le Poitou, la Provence et le Dauphiné étaient prêts à se soulever, mais il ne leur a jamais fait part d’aucun détail particulier.

— « Il n’est pas permis, reprend le magistrat, à des sujets de se révolter contre leur souverain et de négocier, sous quelque prétexte que ce puisse être, avec les puissances étrangères, d’en recevoir de l’argent, d’en distribuer ou faire distribuer, de faire débaucher des soldats, de prendre des déserteurs à son service, de lever des troupes, de les armer, et de se retirer dans les bois pour résister aux troupes du roi et ne pas obéir à ses ordres. »

Et Pontcallec répète qu’il ne s’est pas révolté puisqu’il n’a pas fait le coup de feu contre les régiments envoyés contre lui ; il a négocié avec Philippe V, mais n’est-il pas du sang de France, il n’a débauché aucun soldat, touché aucun argent et ne s’est retiré dans les bois que pour éviter d’être pris[80].

 

Autres interrogatoires

Les interrogatoires de Montlouis, de Le Moyne de Talhouët et de du Couëdic ajoutèrent peu de chose à ce qu’on savait. Cependant Montlouis reconnaissait avoir été chargé « par la noblesse » de la négociation avec l’Espagne, et avouait que les gentilshommes s’étaient assemblés au Pontcallec avec les paysans armés « dans l’assurance que le secours d’Espagne devait débarquer dans ce temps-là, dont les chefs du parti avaient seuls le secret[81] » (15-18 janvier). Mme de Montlouis, interrogée à son tour (26 et 21 janvier) reconnaît que son mari lui a dit « que l’on espérait toujours du côté de l’Espagne beaucoup de secours de troupes, d’armes et d’argent, et que ce n’était que pour rétablir les privilèges de la noblesse et de la province[82]. » Talhouët interrogé sur la conduite qu’il aurait tenu en cas d’attaque de Pontcallec par les régiments du roi, répond qu’on eût parlementé et que lui, personnellement eut brisé son fusil plutôt que d’en faire usage[83]. On en peut croire ce qu’on voudra. Il semble assez superflu d’amasser des fusils, de la poudre, des balles, des baïonnettes, des fourches et de se réunir à portée d’un secours ennemi dont on attend le débarquement si c’est pour parlementer et briser son fusil ; mais peut-être ne voit-on pas les choses du même œil quand on converse avec l’étranger et quand on discute avec le juge d’instruction. Le président de Brilhac appréciait finement ces scrupules tardifs des conspirateurs lorsqu’il écrivait à d’Argenson : « J’ose vous assurer que leur repentir à tous, tant qu’ils sont, n’est fondé que sur la seule attrition et que leur cœur est absolument gâté[84]. » Et d’Argenson de répondre : « Quelques exemples de sévérité paraîtront bientôt, » ; puis à mesure que l’affaire s’instruit et qu’il peut en prévoir les résultats : « Mgr le Régent voit avec peine la nécessité qu’il y a de faire des exemples de sévérité et même d’en faire plusieurs, mais il paraît plus déterminé que jamais à livrer les principaux coupables à toute la rigueur de la justice[85]. »

 

Dépositions

A la fin de janvier, les interrogatoires étaient terminés, les faits éclaircis. Les prisons du château de Nantes étaient remplies et le commandant « n’avait plus, disait-il, de quoi loger aucun prisonnier. » Il y eut cent dix-neuf personnes décrétées de prise de corps, et dix-neuf d’ajournement personnel. Beaucoup parmi eux n’étaient pas sous le coup d’une accusation personnelle d’une extrême gravité, mais on savait à quoi s’en tenir sur leurs sentiments. Le médecin de la Roche-Bernard, O’Connor avait déposé ce qu’il savait des conversations et des sentiments de sa clientèle noble. En plus des malédictions sur Montesquiou, il avait recueilli des indices plus graves et qui montraient l’intime corrélation entre les conspirations de Sceaux et de Pontcallec. « Le Régent, disaient les gentilshommes, n’avait pas le droit de faire la guerre à Philippe V, et les officiers français devaient lui refuser l’aide de leurs épées ; du reste, il ne visait qu’à la couronne de France et prolongeait seulement les jours du jeune Roi pour amasser l’argent nécessaire à cette entreprise criminelle... La seule voie à suivre pour rendre le bonheur à la France, et à la Bretagne ses privilèges et ses libertés, c’était de s’appuyer sur l’Espagne pour forcer le régent à remettre ses pouvoirs entre les mains de Philippe V[86]. » « Cette déposition est assurément terrible », écrit d’Argenson[87].

Les inculpés Dans la foule des individus compromis, la Chambre fit un choix des inculpés sur lesquels pesaient les charges les plus graves et retint sept noms : Pontcallec, Montlouis, Coué de Salarun, de Talhouët, Le Moyne, du Couëdic, de Coarorgan, Hiré de Kéranguen ; ceux-ci étaient sous les verrous ; seize autres, tons fugitifs seraient jugés par contumace : les deux Rohan-Pouldu, de Talhouët de Bonamour, Cocquart de Rosconan, de la Bouëxière-Kerpezdron, de Lantivy du Crosco, Le Gouvello de Kerantré, de Lambilly, Hervieu de Mellac, de la Houssaye, de Gouëssin de la Beraye, de Talhouët de Boisorhant, de Trevelec, du Groësquer et son frère l’abbé de Villeglé. On s’occuperait plus tard du menu fretin. L’armorial de Bretagne était largement représenté. Tous interrogatoires et confrontations faits et parfaits, les dossiers revus et paraphés, le dénouement approcha.

Il ne pouvait faire l’ombre d’un doute. Le 20 février, le procureur-général de Vastan écrivit au garde des sceaux d’Argenson :

« Je vais me disposer à donner mes conclusions définitives, et cela peut aller très vite. Le procès sera prêt à être mis sur le Bureau dans les dix ou douze premiers jours de mars... Nous attendons incessamment les derniers ordres de S. A. B. Bientôt il ne sera plus temps, car les jugements doivent être prononcés aux condamnés et exécutés le même jour qu’ils auront été rendus[88]. » Mais le Régent veut laisser la justice suivre son cours et n’entend pas suspendre ni modifier l’exécution de l’arrêt[89]. » La bonté instinctive du Régent faisait espérer qu’il oublierait assez l’intérêt de l’État pour acquérir quelque popularité en accordant une amnistie générale[90]. Mais cette âme faible, cet esprit ondoyant savait refuser toute grâce au comte de Horn assassin, il saurait aussi laisser châtier les gentilshommes traîtres et conspirateurs. Coué de Salarun, qui avait dénoncé le débarquement des troupes espagnoles méritait, à ce titre, la clémence, il l’obtint. Coarorgan et Keranguen faisaient piètre figure en regard des vrais coupables.

 

La réalité du crime

Ceux-ci étaient de la lignée des grands féodaux, les Biron, les  Montmorency, qui trahissaient l’État et y nourrissaient les discordes et la guerre civile. En comparaison du rôle de la duchesse du Maine, cette caillette, dont les plans subversifs n’avaient d’autres armes que les fers à friser et la poudre a la maréchale, fourvoyée dans sa conspiration comme dans un vaudeville au-dessus de son talent, en comparaison de la bouffonnerie de Sceaux, le drame de Pontcallec comportait des accords positifs avec l’ennemi, des préparatifs criminels et un commencement d’exécution. Rien de tout cela dans la conspiration parisienne et il faut plaindre — s’il ne faut que les plaindre ceux qui par un sentiment de solidarité provinciale criminelle ont pensé découvrir des excuses et jusqu’à une injustice dans le châtiment de leurs compatriotes. La conspiration de Cellamare ne pouvait pas être mise sur pied, s’y fut-on pris autrement et mieux que ne s’y prirent Brigault, Laval et Pompadour ; la conspiration de Pontcallec existait, elle était à pied d’œuvre et des bataillons espagnols souillèrent le sol français : il y eut 300 hommes débarqués. Traiter d’« illusions » et d’« enfantillages » le crime de ceux qui amenèrent l’ennemi en France, c’est la même indulgence dont on usera à l’égard des émigrés qui projetèrent de le conduire à Paris. Si on passe par les armes un factionnaire coupable de s’être assoupi, victime ignorée dévouée à la discipline et au salut de l’armée, faudra-t-il faire grâce « après une sévère admonestation » aux traîtres qui mettaient au-dessus de tout les privilèges de leur Ordre, au-dessus de l’intégrité de l’État ? Le clergé, les évêques du pays étaient dans leur rôle, peut-être, en parlant de miséricorde et d’amnistie[91], le maréchal de Montesquiou voyait plus haut et plus clair en écrivant : « Les extravagances qu’ils ont faites demandent des exemples de sévérité, ensuite l’amnistie pourra venir[92]. »

 

L’arrêt et l'exécution

Le 12 mars commença le rapport général de l’affaire qui dura plusieurs jours. Il n’y eut point de séance publique, ni de débats contradictoires, ni de comparution des accusés ; les crimes et les aveux rendaient ces formes superflues. Le 26 mars, mardi de la Semaine-Sainte, la Chambre se réunit à cinq heures du matin et la séance se prolongea jusqu’après trois heures de l’après-midi, l’arrêt prononçait la peine de mort contre Pontcallec, Montlouis, Talhouët et du Couëdic, atteints et convaincus de lèse-majesté et de félonie. Différentes peines étaient portées contre les autres coupables, au nombre de cent quarante trois. L’audience fut levée à quatre heures un quart. Le bourreau et quatre confesseurs étaient avertis. A huit heures on sortit aux flambeaux se rendant à la place du Bouffay. Moins d’une heure après justice était faite. Le retentissement fut immense. « Dans quel canton du monde, écrira le bénédictin Lobineau, n’a pas été porté le bruit de cet acte sévère de justice[93]. » La noblesse de France comprit la leçon salutaire et jamais plus, jusqu’à sa destruction, elle ne conspira contre son pays.

 

 

 



[1] Bibl. mun. de Rennes, ms. 339 : Montesquiou à Le Blanc et à La Vrillière, 4 et 6 mai 1718.

[2] Bibl. mun. de Rennes, ms. 339 : Montesquiou à La Vrillière, 18 février, 3 mars, 20 mars ; à Villars, 18 février, 3 mars ; à d'Argenson, 23, 27 février, 13 mars 1718 : Arch. nat., H1 225 : Relation de ce qui s'est passé au parlement de Bretagne, février 1718.

[3] Arch. nat., H1 220 ; H1 227 : Mémoire de Valincour au comte de Toulouse, 21 février 1718 ; M. de Mollandon à M. de Valincour, 11 avril ; M. l'abbé de Verneuil à M. d'Argenson, 10 avril ; Note sur les affaires de Bretagne avec les réponses du Régent, avril 1718.

[4] Arch. départem. d'Ille et Vilaine, C 2668 : Procès Verbaux ; C 2800 ; Minutes et documents ; Arch. nat., H1 225 ; H1 228 ; G7 199 : Correspondance de l’intendant ; Journal d'un député de la noblesse aux Etats, p. 15 ; J. de Coattarel, Une Tenue d'Etats de Bretagne, p. 115.

[5] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, C. 2668 : Procès-verbaux, Séances des 7 et 14 juillet 1718 ; C 2067 : Rapport de l’évêque de Saint-Brieuc, 30 janvier 1716.

[6] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, C 2800 : Original de l’arrêt du Conseil du 30 juillet 1718 ; Arch. nat., H1 227 : M. Feydeau de Brou à M. d'Argenson, 16 juillet 1718 ; Bibl. municip. de Rennes, ms. 339 : Montesquiou à La Vrillière, 28 juillet 1718.

[7] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, C 2668 : Séances des 16, 18, 23, 24, 28 juillet, 3 et 5 août 1718. M. de Montaran se retira de lui-même en 1720 avec une fortune considérable réalisée dans les fermes de la province.

[8] Arch. départem. d’Ille-et-Vilaine, C 2668 et C 2800 : Procès verbaux et Minutes ; Arch. nat., H1 225 : M. Feydeau de Brou à d'Argenson, 9 août 1718, Arch. nat., H1 429 : Récit d'un député de la noblesse, publié par J. de Coattarel, Une Tenue d'Etats, p. 130 ; Bibl. mun. de Rennes, ms. 339 : Montesquiou à La Vrillière, 8 août.

[9] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, C 2668 et C 2800 ; Arch. nat., G7 199 : lettres de M. Feydeau de M. Brou, 12 et 13 août.

[10] Arch. nat., G7 199 ; M. Feydeau de Brou à d'Argenson, 18 août ; Bibl. mun. de Rennes, ms. 339 : Montesquiou à La Vrillière, 18 août.

[11] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, G 2668 : Procès-verbaux, Séances des 31 août, 2 et 3 septembre 1718 ; C 2800.

[12] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, Arch. du Parlement, B 116 et B 71 : Registres secrets, 7 et 12 septembre ; Ibid. C 2800 ; Arch. nat., H1 429.

[13] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XV, p. 376, 438, t. XVI, p. 99. Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 120 ; Gazette de la Régence, p. 212, 27 septembre 1717.

[14] Arch. nat., G7 199 et H1 429 : M. Feydeau de Brou à d’Argenson, 7 septembre 1718.

[15] Arch. nat., G7 199 ; Correspondance de l’Intendant, 15 septembre 1718. Arch. départem. d’Ille-et-Vilaine, C 2800 : Minute ou procès-verbal. Copie de la vive Remontrance que le maréchal de Montesquiou a faite lui-même dans l’assemblée, séance du 21 septembre. J. de Coattarel, Une Tenue d’Etats de Bretagne sous la Régence, p. 154.

[16] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, Arch. du Parlement, B 416, Registres secrets, audiences des 11, 13, 24 octobre 1718.

[17] Arch. du Parlement, B 416 et B 71 ; Arch. nat., G7 199. De Carné, Les États de Bretagne et l'administration de cette province jusqu'en 1789, in-8°, Paris, 1857, t. II, p. 1-42 ; Le Moy, Le Parlement de Bretagne, 1909, p. 126 ; Le Moy, Remontrances du Parlement de Bretagne au XVIIIe siècle, 1909, p. 24.

[18] Déclaration de la duchesse du Maine, dans P. Lémontey, Histoire de la Régence et de la minorité de Louis XV, in-8°, Paris, 1832, t. II, p. 433.

[19] Déclaration de la duchesse du Maine, dans P. Lémontey, op. cit., t. II, p. 433.

[20] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIV, p. 301, 305, t. XV, p. 93.

[21] Lémontey, op. cit., t. I, p. 210.

[22] Histoire des malheureux évènements arrivés entre les Etats de Dinan et d’Ancenis par Fr.-R. de Jacquelot, publié sous le titre de Journal inédit d’un député de l’ordre de la noblesse aux Etats de Bretagne pendant la Régence par M. de Closmadeuc, 1905, p. 5, D’Argenson ne mettait pas en doute le rapport qu’avaient entre elles les deux conspirations de Sceaux et de Pontcallec Arch. nat., G7 201. M. d’Argenson à M. de Châteauneuf, 20 janvier 1720 ; M. d'Argenson à M. Pajot, 30 janvier 1720.

[23] Bibl. municip. de Rennes, ms. 339 (actuellement 15. 675) : Journal manuscrit du président de Robien, fol. 68, Fr.-R. de Jacquelot, Journal inédit, p. 19.

[24] Arch. nat., H1 238 : M. de Montesquiou à M. d'Argenson, 9 novembre ; M. de Montesquiou à M. de Valincour, 2 décembre 1718.

[25] Arch. nat., G7 199 : M. de La Villeguérin à M. d'Argenson, 27 novembre ; M. d'Argenson à M. de La Villeguérin, 1er décembre.

[26] Il ne reste rien des fortifications, B. Pocquet, Histoire de Bretagne, t. VI, (1914) p. 46-158 ; A. de La Borderie, La Bretagne et le Régent. Histoire de la conspiration de Pontcallec (1717-1720), dans Revue de Bretagne et de Vendée, 1857, t. I, p. 1-21, 223-252 ; t. II, p. 105-143 ; 1858, t. III, p. 1-22 ; 148-171, 315-344 ; t. IV, p. 29-54 ; 1859, t. VI, p. 369-395, 457-473 : Lettres bretonnes. M. de Carné et la conspiration de Pontcallec, dans Revue de Bretagne et de Vendée, 1868, 3e série, t. IV (t. XXIV de la collection), p. 42-64, 200, 216. 262-293. F. Le Digabel, La conspiration de Pontcallec, dans Revue morbihannaise, 1891 ; G. de Glosmadouc, La conspiration de Pontcallec en Bretagne sous la Régence, dans Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, 1871, t. XVI, p. 87, suivantes : De Bellevue, Conjuration de Pontcallec dans le pays de Ploërmel (1718-1720), dans Association bretonne. Comptes rendus... du 49e congrès, 1909, p. 44-55. A. de La Borderie, Interrogatoire du marquis de Pontcallec devant la chambre royale de Nantes en 1730, dans Revue de Bretagne, Nantes, 1892, t. VII, p. 5, 81, 315 ; Interrogatoires du Sieur de Montlouis, dans même revue 1892, t. VIII, p. 282, 367 ; A. de La Borderie, Pamphlet breton contre le Régent (1719), dans Bulletin de la Société des bibliophiles bretons, 1881, t. IV, p. 71.

[27] Arch. nat., G7 201, Déposition de M. de Montlouis.

[28] F.-R. de Jacquelot, Journal inédit, p. 24.

[29] Arch. nat., G7 201, déposition de M. de Kersuilguen ; 1ère déposition de M. de Pontcallec ; M. Payot à M. d'Argenson, 29 décembre 1719.

[30] C’est M. du Groësquer ou M. de Rohan-Pouldu. Arch. nat., G7 201 : le président de Brilhac à M. d'Argenson, 26 janvier 1720.

[31] Arch. nat., G7 701, 1er et 2e interrogatoire de M. de Pontcallec, voir Revue de Bretagne, janv. 1892, p. 12, 15 ; mai 1892, p. 329-333.

[32] Arch.nat., G7 201, déposition de Mme de Lambilly.

[33] Arch.nat., H1 228, M. de Montesquiou à M. d'Argenson, 11 et 22 janvier1719 ; Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, Arch. du Parlem., B 416, Registres secrets, 21 janvier 1719.

[34] Arch. nat., G7 201, déposition de M. Coué de Salarun.

[35] Fr. R. de Jacquelot, Journal d'un député aux États, p. 25-26.

[36] Arch. nat., G7 201, 1er et 2e interrogatoire de M. de Pontcallec ; voir Revue de Bretagne, janv. mai 1892, p. 18, 317, 328.

[37] Fr.-R. de Jacquelot, Journal d'un député aux États, p. 26.

[38] Arch. nat., G7 201 : Interrogatoire de M. Montlouis et de Mme Montlouis ; voir Revue de Bretagne, octobre 1892, p. 283, suivantes.

[39] Arch. nat., G7 201 : Interrogatoire de Talhouët Le Moyne.

[40] Arch. départem. de la Loire-Inférieure, G 215 ; M. Feydeau de Brou à M. Mellier, 13 juin, 27 juin, 2, 6, 13, 20, 24 et 30 juillet 1719.

[41] Fr.-R. de Jacquelot, op. cit., p. 27.

[42] P.-E. Lémontey, op. cit., t. I, p. 250 ; A. Baudrillart, Philippe V et la Cour de France, in-8°, Paris 1890, t. II, p. 384 ; B. Pocquet, Histoire de Bretagne, 1914, t. VI, p. 65-66 (deux mots omis). Cette lettre est datée du camp de San-Esteban, ce 22 juin 1719. Voir Revue de Bretagne et de Vendée, octobre 1868, p. 288, une note relative au voyage de Mellac en Espagne. L’interrogatoire de M. Couë de Salarun (14 et 15 février 1720) confirme levait du retour de cet émissaire à la fin de juillet. Au moment où Philippe V écrivait cette lettre il venait d’apprendre la capitulation de Fontarabie (18 juin).

[43] Alberoni au duc d’Ormond, 13 septembre 1719, Recueil du marquis de Biron, cité par A, Baudrillart, op. cit., t. II, p. 385.

[44] Alberoni au duc d’Ormond, 3 et 13 septembre, Ibid.

[45] Arch. nat., G7 201 : interrogatoire de MM. de Pontcallec, de Montlouis, Le Moyne de Talhouët, de Derval et de Kersulguen ; voir Revue de Bretagne et de Vendée, mai, oct. 1892, p. 285, 288, 368.

[46] Arch. nat., G7 201 : interrogatoire de Pontcallec et de Kersulguen ; Arch. départem. de la Loire-Inférieure, C 216, M. Feydeau de Brou à M. Mellier, 15, 17 août 1719.

[47] Arch. départem. de la Loire-Inférieure, C 216 : M. Feydeau de Brou à M. Mellier, 15 et 22 août.

[48] Arch. départem. de la Loire-Inférieure, C 216 et C 217 : M. Feydeau de Brou à M. Mellier, 6, 8, 13, 15, 17, 22, 24, 27, 29, 31 août, 3, 5, 7, 10, 14, 19, 20, 23 septembre ; Arch. départem. d’Ille-et-Vilaine, C 1814 : M. de Mianne à M. Mellier, 15 septembre : M. de La Vrillière à M. Feydeau de Brou, 19, 27 septembre.

[49] Arch. nat., G7 201 : Déposition de M. Keranguen.

[50] Arch. nat., G7 201 : Interrogatoires de MM. de Pontcallec, de Montlouis, de Kerberec, de Keranguen, Le Moyne de Talhouët, de Kersulguen, de Mmes de Lambilly et de Montlouis, de MM. de Couë de Salarun, de Derval père et fils, O’Conor.

[51] Arch. nat., G7 201 Interrogatoires de Keranguon, de Kerberec et de Mme de Lambilly.

[52] Alberoni à M. Hervieu de Mellac, 20 octobre 1719, (sous les pseudonymes de Le Calme et Robinson), dans A. Baudrillart, op. cit., t. II, p. 390-391.

[53] Alberoni au duc d'Ormond, 31 octobre, Ibid., t. II. p. 392.

[54] Bibl. mun. de Rennes, ms. 5675, anc. 339, fol. 96.

[55] Arch. nat., G7 201 : M. Pajot à M. d'Argenson, 5 janvier 1720.

[56] Lettre circulaire de MM. Bonamour, de Lambilly, et Mellac, dans A. Baudrillart, op. cit., t. II, 393-395.

[57] P. Lémontey, op. cit., t. I, p. 254 : le maréchal de Tessé au duc de Bourbon, Madrid, 6 mars 1724 ; sur l’expression « Chèvre-pied » voir Saint-Simon, dans Littré, Diction., à ce mot. Relation manuscrite de l'huissier Germain, dans Revue de Bretagne, avril 1858, p. 342-344.

[58] Fr.-R. de Jacquelot, Journal d’un député aux Etats, p. 28, 29, 32, 35, 42.

[59] Arch. nat., G7 201 : M. de Mianne à M. Châteauneuf, président de la Chambre royale, 29 décembre. Ce Châteauneuf est l’ancien ambassadeur que nous avons vu à La Haye.

[60] Arch. nat., G7 201 : M. d’Argenson à M. de Châteauneuf, 1er janvier 1720 : M. de Châteauneuf à M. d’Argenson, 8 et 10 janvier.

[61] Arch. nat., G7 201 : Le président de Brilhac à M. d’Argenson, 23 janvier 1720 ; Fr.-R. de Jacquelot, op. cit., p. 36 ; Revue de Bretagne et de Vendée, avril 1858, p. 327.

[62] Arch. nat., G7 201 : M. de Chémendy à M. de Mianne, 15 décembre 1719.

[63] F. Barrière, La Cour et la ville sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, ou révélations historiques tirées de manuscrits inédits, in-8°, Paris, 1830, p. 67.

[64] Arch. nat., G7 201 : M. de Mianne à M. de Châteauneuf, 29 décembre ; M. Pajot à M. d'Argenson, 29 décembre.

[65] Arch. nat., G7 201 : M. Payot à M. d'Argenson, 14 janvier 1720 ; M. d'Argenson à M. Payot, 7 janvier 1720.

[66] Arch. nat., G7 201 : M. de Mianne à M. de Châteauneuf, Guéménée, 29 décembre 1719.

[67] Arch. nat., G7 201 : M. du Couëdic à M. de Mianne, 29 décembre 1719, et daté « Du Couëdic ».

[68] Arch. nat., G7 201 : M. de Montlouis à M. de Mianne, 30 décembre 1719, et daté : « De Montlouis ».

[69] Arch. nat., G7 201 : M. Pajot à M. d'Argenson, 1er janvier 1720 (deux lettres) et 5 janvier 1720.

[70] Arch. nat., G7 202 : M. Aubery de Vastan à M. d'Argenson, 16 janvier1720 ; Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, C 1813, Lettres patentes du 30 octobre 1719 ; in-4°, 7 pages.

[71] Arch. départ. W Ille-et-Vilaine, Arch. du Parlement R. 733 ; B. 71, Registres secrets, 30 septembre, 4 octobre 1719.

[72] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, C 1813, Arrêt de la Chambre royale du 8 novembre 1719, in-4°, 7 pages.

[73] Arch. départem. d'Ille-et-Vilaine, C 1813. Arrêt de la Chambre royale du 29 novembre 1719, in-4°, 7 pages.

[74] Fr.-R. de Jacquelot, Journal d'un député aux Etats, p. 39.

[75] Arch. nat., G7 202 : Précis de ce que contiennent les papiers trouvés chez le sieur d'Erval et qui y avaient été déposés par le sieur de Bonamour.

[76] Arch. nat., G7 201 : Interrogatoire de Mme de Lambilly.

[77] Arch. départem. d’Ille-et-Vilaine, Arch. du Parlement, B. 71, lettres du 24 au 28 décembre 1719 ; Ibid., B. 733, Registres secrets, 23 décembre.

[78] Arch. nat., G7 201, 1er interrogatoire de Pontcallec, dans Revue de Bretagne, janv. févr. 1892.

[79] Arch. nat., G7 202 : M. de Châteauneuf à M. d’Argenson, 23, 25 janvier 1730 ; Ibid., G7 201 : M. de Châteauneuf à M. d’Argenson, 8 et 23 janvier ; M. d’Argenson à M. de Châteauneuf, 17 et 28 janvier.

[80] Arch. nat., G7 201 : second interrogatoire de Pontcallec, Revue de Bretagne, mai 1892.

[81] Arch. nat., G7 201 : interrogatoire de Montlouis, Revue de Bretagne, oct. et nov. 1892.

[82] Arch. nat., G7 202 : interrogatoire de Mme de Montlouis.

[83] Arch. nat., G7 201 : interrogatoire de Le Moyne de Talhouët.

[84] Arch. nat., G7 201 : M. de Brilhac à M. d'Argenson, 9 et 18 janvier 1720.

[85] Arch. nat., G7 201 : M. d'Argenson, au président de Brilhac, 15-17, 23-24 janvier, 1er février.

[86] Arch. nat., G7 201 : Déposition du médecin Hugues O’Connor.

[87] Arch. nat., G7 201 : Généalogie de la Maison de Talhouët, Pièces justificatives, p. 322.

[88] Arch. nat., G7 202 : M. de Vastan à M. d'Argenson, 20 février 1720.

[89] Arch. nat., G7 202 : M. d'Argenson à M. de Vastan, 24 février 1720.

[90] H. B. de la Rogerie, Correspondance de la famille Thépault de Treffaléguen, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1900, t. XXVI.

[91] Ibid., p. 56 ; Arch. nat., G7 202 : le président de Brilhac à M. d'Argenson, 7 et 9 février 1720.

[92] Arch. nat., G7 202 : le maréchal de Montesquiou à M. d'Argenson, 7 février 1720.

[93] Dom Lobineau, Réplique à M. l'abbé de Vertot, dans Revue de Bretagne, novembre 1857, p. 466 ; novembre 1859, p. 390. Sur tout procès, voir Bibl. de l'Arsenal, Arch. de la Bastille, mss. 10679-10687.