HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XXV. — Le système de Law (Octobre 1715 - Décembre 1717).

 

 

Débuts et théories de John Law. — Réhabilitation du papier-monnaie. Law entretient et séduit le Régent. — Le commerce et le crédit. — La Compagnie coloniale. — Le Régent est acquis à la banque. — Mise en discussion. —Procès-verbal de la séance du 24 octobre 1715. — Opinion motivée de Saint-Simon. — La banque est approuvée. — Lettres-patentes du 2 mai 1716. — Hésitation de l’esprit public. — Première opération de la banque. — Engagement et impatience du Régent. — Arrêt du conseil du 10 avril 1717. — Opposition dans plusieurs provinces. — Pressentiments. — Périls d’une convocation des Etats-Généraux. — Les projets de Noailles et « le comité ». — L’édit porté au Parlement, 28 août 1718. — Remontrances ; elles obtiennent satisfaction. — La banque résiste. — L’affaire du Mississipi. — Les Compagnies de commerce et la Louisiane. — La Compagnie d’Occident.

 

Débuts et théories de John Law

« Ce qui soulève presque tous les esprits dans le Parlement, écrit un gazetier, ce sont les visions et les idées scabreuses de Jean Law[1]. » Dès les premiers jours de la Régence l’étoile de cet aventurier avait lui, et inquiété tous ceux à qui une sorte de pressentiment révélait les surprises, les émotions, les angoisses et le désastre final où le Système de Law devait entraîner la nation entière. Le « Système », abréviation entendue de tous, évoque une « aventure unique dans l’histoire de nos finances[2] » et « la perturbation la plus extraordinaire qui soit jamais résultée des actes d’un gouvernement régulier[3]. »

Ce John Law de Lawriston, de souche écossaise, apparente aux ducs d’Argyle, était gentilhomme de grande mine et de belle prestance venu à Londres afin d’y manger gaiement son avoir, il découvrit, entre le jeu, la table et la galanterie, l'existence du crédit et étudia le mécanisme de la banque. Dans l’intervalle, un duel tragique lui valut une condamnation à mort suivie de lettres de grâce. Emprisonné, Law s’évada, gagna Amsterdam et se remit à l’étude des banques, étude qu’il poursuivit à Gênes, à Venise, à Florence, etc. Manquant des fonds nécessaires pour appliquer ses vues, il se contenta de les exposer dans un livre[4]. A l’entendre, plus une nation possède de numéraire, plus elle occupe de bras aux travaux de l’industrie et de l’agriculture, plus elle exporte et plus elle rend les autres nations tributaires envers elle. Plus elle exporte, plus elle travaille ; plus elle produit, plus elle se multiplie. L’exportation est bonne et utile, mais ne fera-t-on d’échanges qu’avec le numéraire ? D’autres moyens plus rapides, moins encombrants, en quantité indéfinie sont aux échanges ce que le sang fluide et abondant est à la vie. La vitalité et la production d’un pays sont en raison de la simplicité et de l'abondance des échanges. Le numéraire est pesant, malaisé à réunir, difficile à transporter ; le papier ne connaît pas ces entraves, sa circulation est rapide, sa fabrication peu onéreuse, il échappe aux mutations qui atteignent les espèces et peut être instantanément proportionné aux besoins des transactions commerciales.

 

Réhabilitation du papier-monnaie

Cette réhabilitation du papier avait le tort de prendre le signe pour réalité, d’oublier que les moyens d’échange rendent la monnaie richesse plus maniable mais ne la créent pas et que leur excessive diffusion n’aboutit qu’à l’avilissement de ce signe. Law allait jusqu’a dire que le papier représente le numéraire, le remplace au besoin et peut même s’y substituer. « De ce qu’en Angleterre cinquante millions d’espèces suffisaient pour soutenir cent millions de-billets, il concluait qu’on pouvait à volonté doubler tripler, vingtupler, centupler ces cent millions, sans aucun inconvénient et même avec avantage, que ce serait augmenter la richesse de l’Etat dune manière aussi réelle et aussi utile que s’il était arrivé du Pérou pour pareille somme de matières d’or et d’argent[5]. » A ceux qui prirent connaissance de ces opinions elles apparurent comme d’étranges paradoxes et l’illustration la plus convenable à l’existence désordonnée de celui qu’on commençait à connaître sous le nom de « W. Lass[6] ». Joueur effréné, assidu dans les pires tripots, il taillait au pharaon jusqu'au jour où le lieutenant de police d'Argenson l'invita à quitter Paris parce qu'« il en savait trop aux jeux qu'il avait introduits dans cette capitale[7].

 

Law entretient et séduit le Régent

Law reprit le cours de ses voyages, continua à jouer, à spéculer et à étudier. On ne peut pas douter qu'il n'ait conservé des correspondances avec ses amis au nombre desquels il comptait le duc d'Orléans. Réduit par la disgrâce à consumer son temps en expériences sur la physique, ce prince était doué d'une curiosité d'esprit trop universelle pour ne pas s'éprendre des théories audacieuses de John Law. Attentif et perspicace, doué pour saisir des symptômes et les interpréter, Philippe d'Orléans avait entrevu quelque chose des conséquences prochaines de l'avènement aux affaires de la bourgeoisie sous le règne qui s'achevait lentement. L'industrie et le commerce mettraient leur concours à tel prix qui leur conviendrait et tandis que la noblesse se précipitait dans les Conseils pour exploiter l'Etat, la bourgeoisie se disposait à l'enrichir. Sans attendre la mort de Louis XIV, Law rentrait à Paris mais s'y montrait peu, fréquentant son compatriote lord Stair et jouissant comme lui, sans doute, de conférences secrètes avec le futur Régent[8].

Il n'est pas impossible d'en ressaisir le sujet grâce aux lettres que le financier adressa plus tard au prince. La cervelle farcie de projets, l'Ecossais laissait entrevoir le bouleversement économique de la France amené par ses réformes, et cette perspective eut suffi, à elle seule, à séduire l'esprit de son interlocuteur.

 

Le commerce

Law montrait la richesse dans le commerce, le commerce dépendant de la monnaie et la monnaie multipliant les échanges. Le particulier émettant du papier, garanti par sa signature, produit de la richesse et accroît la richesse de l'Etat qui favorise ces émissions privées pour la même raison qu'il protège ses nationaux dont il devient dépositaire de toute la fortune et commanditaire de tous les travaux. L’exemple de la Hollande et de l’Angleterre enrichies par l’industrie, traçait à la France la voie à suivre : Je commerce. Cependant Law trouvait à reprendre dans la banque d’Angleterre comme dans celle d’Amsterdam, il rêvait une banque royale absorbant tout le négoce, toutes les richesses de la France devenue la garantie des engagements de l’État. Cette banque royale, dépositaire de l’argent des particuliers, donnait l’impulsion aux affaires, pressait ou bien modérait la circulation des richesses, empêchait la disette et remédiait à la pléthore du numéraire[9]. Cette banque ne devait être, suivant l’expression de Law, qu’« un crédit général qui produit des commodités et des avantages à toutes les parties de l’État[10] ». Dans l’espace de sept années, celte banque devait porter les revenus de royaume a trois milliards, les revenus particuliers du Roi à trois cents millions et faire tomber l’intérêt de l’argent à trois pourcent[11].

 

et le crédit

Le crédit, disait Law, vaut une augmentation de numéraire. Voyez l'Angleterre recourant au crédit pendant la guerre pour racheter le déficit produit par l'exportation de l'argent et soutenir ses manufactures. Qu'est-il arrivé ? L'intérêt a descendu de huit et de dix à cinq pour cent. Qu'attend la France pour suivre cet exemple aujourd'hui que ses négociants sont traités à l'étranger comme des banqueroutiers ou qu'on les voit renoncer d'eux-mêmes au commerce afin d'échapper à la ruine. Law avait réponse aux objections qu'on lui adressait. Le crédit, disait-on, est à l'abri des lois dans un pays libre ; en France, il est à la merci du ministre ou du favori qui puise à pleines mains dans la caisse de la banque. — Existera-t-il jamais prince assez fou, répondait Law, pour tarir lui-même la source de sa richesse en discréditant les billets. — Mais ces billets, répliquait-on, personne n'en voudra. — Tout le monde, reprenait Law, car le crédit naît avec la banque. Et si la France se révèle si récalcitrante, eh bien ! le prince « obligera les peuples à recevoir ses billets, même dans leurs paiements particuliers, si cela est nécessaire pour introduire ce crédit dans le commerce[12]. » Alors, sans doute, les résistances céderaient, mais ne serait-il pas trop tard ? La France, plus puissante, domina longtemps l'Angleterre et ses alliés, mais du jour où sa rivale vit son crédit s'étendre par la fondation de la Banque, du jour ou ses grandes richesses le lui permirent elle s'en servit pour marcher à la domination. L'Angleterre est seule capable de faire le commerce de toute l'Europe et non moins attentive à tirer parti des négligences de ses voisins pour réaliser ce grand dessein[13].

 

La compagnie coloniale

En prestidigitateur consommé, Law promettait une surprise finale, un éblouissant bouquet. « La banque, disait-il, n'est pas la seule ni la plus grande de mes idées ; je produirai un travail qui surprendra l'Europe par les changements qu'il portera en faveur de la France, changements plus forts que ceux qui ont été produits par la découverte des Indes et par l'introduction du crédit[14]. » Il s'agissait d'une compagnie de commerce modelée sur la compagnie des Indes d'Angleterre[15]. La banque produit le crédit que la compagnie exploite et ces deux institutions deviennent réciproquement indispensables et inséparables. La nation entière sera un corps de négociants à qui la banque sert de caisse. L'État fait le commerce et les particuliers aussi. Point de banqueroute, point de juridictions exceptionnelles, point de remèdes timides ; ce n'est ni le désordre ni les dettes qui perdent la France, mais cette léthargie qui la détourne du travail dont la rémunération suffirait à tous les besoins, remédierait à tous les maux. Que la banque soutienne la compagnie et la compagnie alimentera la banque.

 

Le Régent est acquis à la banque

La merveille consistait moins à imaginer ces rêveries qu'à en faire écouter le récit jusqu'au bout, mais la mode était tournée alors vers les constructions imaginaires et irréalisables à force d'être gigantesques ; à tout prendre, la banque et la compagnie ne présentaient rien de plus désordonné que le plan d'une commission des grands trésoriers du commerce imaginé par Boulainvilliers ou le système du nouveau gouvernement élaboré par La Jonchère[16]. Le Régent fut ébloui, séduit ; son imagination s'élança vers cette perspective infinie où, a la placé des économies sordides imaginées par le duc de Noailles et réparties sur un exercice d’onze années, s'offraient à lui une éblouissante accumulation de trafics, de richesses et d'entreprises qu'allait mettre en branle la baguette magique de l'homme qui rentrait à Paris nanti d’un fortune de un million cinq cent mille livres[17]. Law était accompagné de sa femme, ou qui passait pour telle, et de ses deux enfants, un fils et une fille ; il se montrait au Palais-Royal et entretenait de sa banque quiconque pouvait répéter les formules qu’infatigablement il ressassait.

 

Mise en discussion

Six semaines après la mort du roi, on ne parle que du projet de banque nouvelle. « Le bruit courut alors, rapporte Buvat, qu’on allait répandre dans le public des billets de banque dont les moindres vaudraient dix livres chacun[18]. » Dangeau, toujours aux écoutes et bien informé, apprend le 13 octobre que « la banque sera examinée après-demain chez le duc de Noailles où M. le duc d’Orléans fera venir encore d’autres gens que ceux qui sont du Conseil de finances. Cette banque n’est point pour acquitter, le Roi de quelques dettes, comme on l’avait dit d’abord ; ce n’est que pour la sûreté et facilité du commerce, ce qui sera d’une grande utilité pour le royaume quand la confiance sera établie, ce qu’on croit qui sera bientôt pour les Français et pour les étrangers par les attentions qu’on y apporte. On n’obligera personne d’y porter son argent ni d’y prendre des billets, mais ces billets-là seront reçus à toutes les recettes du Roi dans le royaume comme de l’argent comptant[19]. » Voilà, pourrait-on dire, le prospectus présenté au public. Le 15, la conférence est tenue à l’heure dite et le Régent fait introduire le prévôt des marchands Bignon, ainsi que d’Argenson, Amelot, Saint-Contest et Le Blanc[20]. Le 17, nouvelle conférence chez Amelot qui a convoqué les maîtres et gardes des six corps des marchands et plusieurs banquiers[21]. Tous se retrouvent, le 18, chez d’Argenson, sauf Samuel Bernard dont Law réclame l’exclusion[22]. Nouveau conseil le dont le procès-verbal, heureusement conservé dans les papiers du duc de Noailles, ne saurait être omis ni résumé[23].

 

Procès-verbal de la séance du 24 octobre

« L’idée de cette banque, expose M. Fagon, est de faire porter séance du tous les revenus du Roy à la banque, de donner aux receveurs généraux et fermiers des billets de 10, 100 et 1.000 écus, poids et titres de ce jour, qui seront nommez billets de banque ; lesquels billets seront portez ensuite par les dits receveurs et fermiers au trésor royal qui leur expédiera des quittances comptables. Tous ceux à qui il est dû par le Roy ne recevront au Trésor royal que des billets de banque dont ils pourront aller sur le champ recevoir la valeur à la banque sans que personne ne soit tenu ni de les garder ni de les recevoir dans le commerce. Mais le sieur Law prétend que l’utilité en sera telle que tout le monde sera charmé d’avoir des billets de banque plutôt que de l’argent, par la facilité qu’on aura à faire les payements en papier, et par l’assurance d’en recevoir le payement toutes les fois que l’on voudra. Il ajoute qu’il sera impossible qu’il puisse jamais y avoir plus d’argent que de billets, parce qu’on ne fera des billets qu’au prorata de l'argent, et que par ce moyen on évitera les frais de remise le danger des voitures, la multiplicité des commis, etc.

« S. A. R. a jugé à propos d’entendre sur ce sujet des négociants et des banquiers qu’elle a fait entrer pour avoir leurs avis. Ces négociants étant entrés au nombre de treize avec le sieur Lass, ils se sont expliqués et ont proposé trois avis : — Le premier, que l’établissement de la banque était utile dès à présent : Fénelon, Tourton, Guygner et Pion. — Le second, que cet établissement pouvait être utile dans un autre temps que celui-ci, mais qu’il serait nuisible dans la conjoncture présente : Anisson. — Le troisième, que cela devait être entièrement rejeté : [Samuel] Bernard, Heusch, Moras, le Couteux et quatre autres.

« Ces négociants retirés, S. A. R. a prix les voix.

« Le Pelletier [de La Houssaye] a été d’avis d’établir la banque en donnant quelque profit sur les billets pour les accréditer : mais il a ajouté que la conjoncture n’était pas propre et qu’il fallait attendre.

« Dodun croit la banque bonne sans donner un profit aux billets, parce que cela chargerait l’État, mais qu’il faut attendre que la confiance dans le gouvernement soit rétablie.

« M. de Saint-Contest ne croit pas que la banque puisse jamais avoir de solidité dans le royaume, parce que l’autorité y règne toujours et que le besoin y est souvent : ainsi il n’y aurait jamais de sûreté ni de solidité.

« M. Gilbert [de Voisins] est persuadé que rétablissement d’une banque est avantageux en soi par la circulation et la multiplication des espèces, mais il ne pense pas qu’on puisse présentement l’établir sans de grands inconvénients, et il ajoute que l’incertitude du succès va à décréditer le gouvernement et qu’il serait fâcheux présentement de hasarder un projet qui pourrait ne pas réussir.

« M. de Gaumont, qu’on ne doit pas risquer cet établissement dans le temps présent et que cela influerait sur le gouvernement.

« M. [Tachereau de] Baudry croit cet établissement bon, mais ne croit pas que dans les circonstances présentes le public puisse y donner sa confiance ; que c’est cependant ce qui doit l’accréditer, sans quoi la banque tomberait d’elle-même. Ainsi il juge qu’il faut attendre pour ne pas donner comme un remède ce qui serait visiblement un mal.

« M. d’Argenson ne regarde la banque que comme la caisse des revenus du Roy, ne trouve aucun inconvénient à l’établir, en supposant que la fidélité en sera toujours exacte, et croit qu’on doit tenter cette voie innocente pour rattraper la confiance.

« M. d’Effiat en croit l’établissement utile, mais non pas à présent, et-que cela ferait présentement resserrer l’argent encore plus qu’il ne l’est.

« M. le duc de Noailles est persuadé de l’utilité d’une banque, mais que les tems ne conviennent pas ; la défiance étant générale ; que, de plus, l’opposition des négociants dont la confiance est essentielle pour l’accréditement de la banque la ferait échouer, qu’il faut la leur faire désirer avant que de l’établir, et commencer par supprimer toutes les dépenses inutiles pour payer les dettes de l’Etat, que rien ne sera plus propre à regagner la confiance par l’attention qu’on verra à S. A. R. pour le bien public dont on est déjà très persuadé par les premiers arrangements qu’elle a faits, et, afin que l’on ne soit pas plus longtemps dans l’incertitude, qu’on doit déclarer dès aujourd’hui que la banque n’aura pas lieu.

« M. Fagon de même ainsi ajoute que le papier répandu dans le public est ce qui cause le discrédit et qu’en arrangeant le papier on regagnera la confiance.

« M. d’Aguesseau, que pour rétablir la confiance ; S. A. R. n’a qu’à continuer à travailler comme elle le fait pour le bien public, et de l’avis de M. de Noailles en tout.

« M. le procureur général, Deux questions : La banque est-elle utile en soi ? Prouve que non. — L’est-elle dans le tems présent ? Tout le monde est persuadé du contraire. — De l’avis de M. de Noailles en tout.

« M. Le Blanc de l’avis de M. de Noailles en tout.

« M. Rouillé, que l’on doit prendre l’avis du public sur ce quile concerne, et que le public y est opposé, qu’il n’y a qu’à persévérer dans le bien pour faire revenir la confiance.

« M. d’Ormesson, tout comme M. de Noailles.

« M. Amelot, que le public a parlé par la bouche des banquiers. De l’avis de M. de Noailles.

« M. [Lepelletier] Des forts fronde les propositions de M. le duc de Noailles en elles-mêmes. En tout de l’avis de M. de Noailles.

« M. le maréchal de Villeroy, qu’on n’en pourrait tirer présentement aucun profit, et que l’arrangement des rentes et des troupes suivi de l’arrangement des billets ramènera la confiance. Au reste de l’avis entier de M. le duc de Noailles. »

S. A. R., nous dit Dangeau, « s’est rendue à l’avis le plus fort, ce qu’elle fait toujours avec beaucoup d’honnêteté et de sagesse[24] », elle « dit qu’elle était entrée persuadée que la banque devait avoir lieu, mais qu’après ce qu’elle venait d’entendre, elle était de l’avis entier de M. le duc de Noailles, et qu’il fallait annoncer à tout le monde dès aujourd’hui que la banque était manquée. » Et en effet, nous lisons dans une correspondance : « La banque de M. de Lasse, qui a tant fait de bruit, fut refusée hier[25]. »

 

Opinion motivée de Saint-Simon

Le duc de Noailles, non content de ce succès, attaqua la banque chaque fois qu’elle fit mine de reparaître. Le 22 novembre il fit de nouveau écarter par tout le Conseil de finance un vague projet de banque[26]. Mais le Régent ne se montra pas moins opiniâtre et moyennant une réduction du projet de banque publique en banque privée, il revint à la charge, « prit la peine d’instruire en particulier chaque membre du Conseil de Régence et de lui faire doucement entendre qu’il désirait que la banque ne trouvât pas d’opposition. Il m’en parla à fond, rapporte Saint-Simon ; alors il fallut bien répondre. Je lui dis que je ne cachais point mon ignorance ni mon dégoût de toute cette affaire de finance ; que néanmoins ce qu’il venait de m’expliquer me paraissait bon en soi, en ce que, sans levée, sans frais, et sans faire de tort ni embarras à personne, l’argent se doublait tout d’un coup parles billets de cette banque et devenait portatif avec la plus grande facilité ; mais qu’à cet avantage je trouvais deux inconvénients : le premier, de gouverner la banque avec assez de prévoyance et de sagesse pour ne pas faire plus de billets qu’il ne fallait, afin d’être toujours au-dessus de ses forces, et de pouvoir faire hardiment face à tout et payer tous ceux qui voudraient demander l’argent des billets dont ils seraient porteurs ; l’autre, que ce qui était excellent dans une république ou dans une monarchie où la finance est entièrement populaire, comme est l’Angleterre, était d’un pernicieux usage dans une monarchie absolue, telle que la France où la nécessité d’une guerre mal entreprise et mal soutenue, l’avidité d’un premier ministre, d’un favori, d’une maîtresse, le luxe, les folles dépenses, la prodigalité d’un Roi ont bientôt épuisé une banque et ruiné tous les porteurs de billets, c’est-à-dire culbuté le royaume[27]. »

 

La banque est approuvée

Tout, dans ces considérations, n’était pas à dédaigner, le Régent le comprit et fit le siège des membres du Conseil : « on parla à la plupart un peu français à l’oreille », et le 1er mai 1716, au matin, le prince se rendit au Conseil de finance. Law y vint exposer et soutenir ses doctrines. Il ne sollicitait que l’autorisation de hasarder sa fortune particulière et ne voulait travailler qu’avec l’approbation et sous la surveillance du ministre qui lui abandonnerait la conduite de l’affaire[28]. Noailles céda, et on ne manqua pas de dire que la nouvelle banque serait « fort commode pour le commerce[29] ». Le lendemain, l’affaire fut soumise au Conseil de régence, Saint-Simon opina, s’il faut l’en croire, comme dans le cabinet du prince, fut seul de son avis et la banque fut approuvée.

 

Lettres patentes du 2 mai 1716

Le 2 mai des lettres patentes autorisèrent la création de la banque, établissement privé qui soulageait l’État sans le compromettre et dont le privilège s’étendait à vingt années. L’établissement tiendrait ses livres et stipulerait en écus de banque « du titre et poids de ce jour », ce qui devait « augmenter la circulation de l’argent, faire cesser l’usure, suppléer aux voitures des espèces entre Paris et les provinces, donner aux étrangers le moyen de faire des fonds avec sûreté et faciliter aux peuples le débit de leurs denrées et le paiement de leurs impositions[30]. » Le capital social s’élevait à six millions répartis entre douze cents actions de 5.000 livres, payables un quart en espèces et trois quarts en billets d’État[31]. Celui-ci tirait un premier profit du retrait de la circulation de 4.500.000 livres de papiers décriés ; ainsi la banque raffermissait le crédit avant que d’avoir engagé ses opérations. Elle faisait mieux encore, elle recevait des dépôts, faisait l’escompte, se chargeait des paiements des particuliers moyennant une retenue de cinq sols par mille écus, émettait des billets exprimés en écus de banque, c’est-à-dire payables toujours au même poids et au même titre. Point d’échéances, point de paiements à terme, remboursement à vue des valeurs présentées à la caisse. Tout commerce, tout prêt aventureux étaient interdits à la banque qui pouvait toutefois avancer des fonds aux commerçants et escompter leurs lettres de change[32]. Après de si fréquentes et si graves variations monétaires, la disposition qui exigeait la mention en écus de banque sur les livres, contrats et billets, eut, à elle seule, suffit à attirer la faveur ; l’aveu néanmoins méritait d’être retenu puisque Law reconnaissait ainsi que les métaux précieux ont une aptitude spéciale et exclusive au monnayage[33]. Enfin, la banque était affranchie de toute taxe, de toute imposition ; les sommes déposées dans sa caisse par les étrangers s’y trouvaient à l’abri du droit d’aubaine, de la confiscation et des lettres de représailles, même en cas de guerre.

 

Hésitation de l’esprit public

Le 3 mai, les lettres patentes furent expédiées au Parlement avec une invitation impérative de procéder à l'enregistrement immédiat[34]. On obéit, mais en rechignant et les registres en gardent la trace ; en effet, les lettres-patentes ne sont pas insérées à leur date, mais rejetées tout à la fin du volume parmi les omissions[35]. Cependant l’enregistrement eut lieu et on se contenta d’ajouter « que le Roy sera très humblement supplié d’ordonner que ledit Law ne pourra tenir ladite banque qu’après avoir préalablement obtenu lettres de naturalité, s’il plaît audit seigneur lui accorder[36]. » Ces lettres furent accordées et envoyées au Parlement trois jours après qu’il eut enregistré le règlement de la banque[37]. Quelques jours de plus s’écoulèrent avant que Law put obtenir une presse pour imprimer ses billets[38], de sorte que la banque ne commença ses opérations qu’au début du mois de juin. L’opinion hésitait sur son compte. « Les partisans de la banque de Law, dit la Gazette, veulent qu’elle se développera, qu’elle prendra faveur et quelle pourrait bien ouvrir un débouché dans le commerce aux billets de l’État, en escomptant en argent ou en lettres et billets d’échange sur les bonnes places, d’autant que cet aventurier, écossais et grand jacobite, a pour croupiers quatre ou cinq des meilleures bourses de Paris et d’ailleurs par le moyen du duc de Noailles, la protection du Régent qui le considère, et mettra, dit-on, dans la caisse quinze à vingt millions[39]. » Et quatre jours plus tard : « La banque nouvelle et une vision, c’est la même chose. L’on ne fait qu’en rire, mais on ne croit pas qu’elle ait lieu[40]. » Enfin, le 15 juin, se tient la première assemblée et « presque personne, dit encore la Gazette, ne sait le véritable objet de cet établissement ni comment il se créera[41]. » Un mois de plus et le « sieur Law et sa compagnie ont fait afficher que ceux qui voudraient remettre de place en place n’avoient qu’à s’adresser à leurs bureaux, qu’on leur donnerait des lettres sans prendre bénéfice ni intérêts » ; et la Gazette ajoute : « sa banque ne réussira pas[42] ». Quant à Buvat il l’ignore et Dangeau, circonspect à l’ordinaire, estime « qu’on ne saurait bien juger du succès de cette banque[43] ».

Cependant le vieux courtisan enregistre volontiers les nouvelles favorables à la banque à laquelle, dit-il, beaucoup de courtisans se sont intéressés, si bien que le capital social étant rempli force a été de refuser les prêteurs[44] ; mais tandis qu’il écrit le 28 juillet que la banque « commence à se mettre en grand crédit[45] », la Gazette soutient, le 31 juillet qu’« on ne parle de la banque qu’en railleries et presque tout le monde s’en moque[46] ». Cependant « elle fait tout ce qu’elle peut pour se mettre en crédit » et paie comptant à première vue des billets de 30.000 livres[47] ; on y porte beaucoup d’argent[48], et le Régent y fait envoyer ostensiblement de la Monnaie une somme d’un million. Tout ceci donne à réfléchir ; les adversaires commencent à dire : « On croit qu’elle se soutiendra parce que les deniers royaux y entreront[49]. » Et voici que commence à poindre une deuxième banque, dite banque de Nicolas[50] ; alors après une dernière boutade[51], il faut se rendre. « La banque de M. Law augmente de crédit et il n’y a guère de journée où il n’y passe plus d’un million[52]. » Un historien, qu’on ne peut soupçonner de partialité, nous fait connaître cette période critique.

 

Premières opérations de la banque

La banque s'ouvrit avec une encaisse de 375.000 livres seulement, car elle n’avait exigé que le quart dû sur les douze cents actions. Un chiffre tellement minime parut de fâcheux augure ; les billets acceptés avec défiance ne s’attardaient pas dans le portefeuille de leur possesseur et cette défiance même contribuait à rendre plus rapide, partant, plus générale leur circulation. Chaque soir, la balance constatait plus d’entrées de numéraire que de sorties ; le capital augmentait, la banque escomptait à un demi pour cent par mois les lettres de change qui perdaient deux et demi ; et l’intérêt de ces prêts, fixé d’abord à six pour cent descendait bientôt à quatre. Chaque jour la banque voyait grossir ses bénéfices et Pâris-Duverney, son adversaire acharné, se voyait obligé de reconnaître qu’elle avait des commencements « favorables[53] ». Presque instantanément la confiance se rétablit. « Lorsque les étrangers purent compter sur la nature du payement qu’ils avoient à faire, ils consommèrent nos denrées valeur en banque ; le change remonta à notre avantage, et s’y soutint par les habiles opérations du directeur. Les négociants recommencèrent leurs spéculations ; les manufactures travaillèrent ; les consommations reprirent leurs cours ; ceux qui apportaient de l’argent dans le commerce furent obligés de suivre le taux de l’intérêt dont la banque se contentait ; l’usure cessa, il se trouva plus de profit à apporter des denrées dans le commerce[54]. »

 

Engouement et impatience du Régent

Le duc de Noailles, dont les accointances avec Law semblaient mystérieuses[55], proclamait qu’« on ne pouvait rien faire de plus utile que l’établissement de la banque générale[56] ». Son engouement  était tel que, dès le mois d’octobre, tous les officiers de finances recevaient l’ordre de faire leurs remises sur Paris en billets de la banque générale et d’acquitter à vue ces mêmes billets des qu’ils leur seraient présentés[57]. La banque n’était pas encore organisée de manière à fournir à toutes les recettes du royaume. De nombreuses difficultés surgirent et contraignirent le Régent à revenir sur sa décision. Le duc de Noailles dut écrire de nouveau aux Intendants que, jusqu’à l’établissement complet du crédit, les receveurs pouvaient, comme par le passé, se servir de lettres de change[58]. Cependant l’opinion, à Paris, devenait bienveillante. Installé dans l’hôtel d’Avaux, rue Sainte-Avoie Law s’apprêtait à subir l’épreuve du bilan de fin d’année, ou, pour mieux dire, de demi-année. Le soir du 20 décembre, on apprit avec stupéfaction que l’assemblée des administrateurs s'était tenue le jour même à midi et que les prêteurs toucheraient huit pour cent sur leurs avances[59] ; alors les récalcitrants se turent. « On a meilleure opinion que jamais [de la banque], écrit le gazetier qui n’y découvrait trois mois auparavant qu’« une nouvelle source de malheurs[60]. »

 

Arrêt du l’avril 1717

Le fameux arrêt du 10 avril 1717 ne fut que la sanction d’un ordre de choses déjà établi. Cet arrêt consacra l’étroite union entre l’État et la banque générale. Il ordonnait aux receveurs des tailles e autres, de recevoir en payement des droits dus au Roi les billets de la banque générale qui leur seraient présentés, et d’acquitter ceux qui seraient tirés sur eux, des premiers deniers de leur caisse, a première vue s’ils avaient des fonds, ou d’en faire venir pour la somme nécessaire[61]. De plus tous ces receveurs des droits du Roi pouvaient faire en billets leurs remises au Trésor royal. Cette mesure transformait tous les bureaux de finances de l'État on succursales de la banque, à laquelle il ne manquait plus que de dépouiller son titre de « générale » pour se parer de celui de « royale ». Dès le 11 avril, le duc de Noailles envoyait aux Intendants des exemplaires dont « les dispositions, disait-il, si avantageuses pour le commerce et si importantes pour assurer et accélérer la remise des deniers provenant, des impositions et droits de Sa Majesté à leur destination, qu'on ne saurait donner trop de soin à les faire exécuter dans toute leur étendue[62] ». Au mois de mai, un nouvel édit rappela et renouvela d’anciens règlements en vue d’interdire aux négociants toute émission d’effets au porteur sous la garantie de leur signature ; cette disposition consacrait le monopole de la banque[63] dont les opérations prirent, dès ce moment, un accroissement immense. L’argent resta dans les provinces et, de toutes parts, les billets circulèrent en deux ans il en fut créé pour la valeur de cinquante millions[64].

 

Opposition dans certaines provinces

La plupart des provinces se montraient rebelles à la nouvelle institution. A Bordeaux, la situation économique était lamentable. Successivement les meilleures firmes disparaissaient et les négociants décrétés de prise de corps par le lieutenant criminel, n’avaient d’autre conduite à tenir que de prendre la fuite pour se soustraire à la rigueur impitoyable du Parlement[65]. L’avènement de la Régence n’amena aucune détente. En février 1716, le bruit courut que « le receveur des fermes du Roy est à même de faire voiturer à Paris tout l’argent qu’il a en caisse[66] ». Or voiturer les espèces apportait un désastre, une gêne immense dans les transactions, car la voiture épuisait promptement le réservoir où puisait le négoce et le numéraire fugitif ne revenait plus dans la province. Aussitôt donc les principaux négociants, supplient l’intendant M. de Courson, d’arrêter ladite voiture ou du moins une partie ; leur requête est entendue[67]. La banque générale ne parut pas inquiéter tout de suite les négociants bordelais ; jusqu’à la lettre circulaire de Noailles du 7 décembre 1716, certains indices montrent l’indifférence méfiante à l’égard des idées de Law. La chambre de Guyenne garde le silence jusqu’au 24 décembre[68]. L’Intendant, — dressé à bonne école, il était le fils de Basville — fit nommer des commissaires qui approuvèrent la banque ; alors les banquiers s’assemblèrent et publièrent un mémoire contre la nouvelle institution, les receveurs applaudirent et la ville refusa les billets de la banque. Le duc île Nouilles n’y voulut voir qu’une cabale et s’engagea dans une longue démonstration destinée à convaincre les intéressés des avantages de la banque[69]. Il appartenait, selon lui, à l'Intendant, renforce du maréchal de Berwick, commandant de la Guyenne, de soutenir de leur autorité « un établissement aussi utile et aussi nécessaire pour le bien général du royaume[70] ». Ces bruyants bordelais prétendaient, sous prétexte de liberté, refuser à Bordeaux les billets de la banque[71] et le ministre ne put ni les convaincre ni les soumettre. L’échec était sensible, on l’imputa au receveur des fermes, Fériol, qui fut destitué parce que sous divers prétextes « il refusait les billets, mais encore il interdisait aux receveurs particuliers du département d’en recevoir[72] ». Le receveur général des fermes à Lyon fut de même frappé, au moment où Noailles ordonnait aux receveurs de Montauban et d’Auch de remettre leurs deniers à Bordeaux. Le mécanisme fonctionnait à faux. Le 23 août 1717, la Chambre de Commerce de Guyenne écrivait à son député « nous ne pouvons ni ne devons vous celer les plaintes de nos négociants au sujet des billets dont la place est remplie et qui ne s’acquittent plus. Il y en a pour plus de cent mil écus[73].

 

Pressentiments

A son tour le Parlement allait intervenir. L incroyable confiance du Régent provoquait l’inquiétude[74]. On chansonnait mais on ne riait pas ; la duchesse du Maine lançait ce couplet qu’on répétait avec un premier frisson[75] :

« Votre Law est un filou »

Disait au Régent Noailles

Et l’autre, par représailles :

« Votre duc n'est qu'un fou »

C'est ainsi qu'à toute outrance

Ils se font la guerre entre eux ;

Mais le malheur de la France,

C'est qu'ils disent vrai tous deux.

En 1717, malgré l’apparente activité du numéraire et l’illusoire prospérité, la situation des finances était si grave que le duc de Noailles, qui avait repoussé l’idée d’une convocation des États-Généraux, y était revenu et Saint-Simon qui, en 1715, les demandait, deux ans plus tard n’en voulait plus.

 

Périls d’une convocation des États-Généraux

Le mémoire qu’il adressa au Régent sur cette question renferme des aperçus vraiment remarquables[76]. Apres avoir rappelé la demande d’une convocation des États-Généraux formulée par lui sous le feu Roi et immédiatement après la mort de Louis XIV, il croyait que les circonstances survenues depuis s’opposaient ou du moins exigeaient un sursis à cette convocation. Celle-ci tendait beaucoup moins au règlement de l’affaire des bâtards qu’à celui des embarras financiers. Or ces embarras tenaient à ce qu’on avait promis de supprimer la capitation et les dixièmes à la paix bien qu’en réalité on ne put le faire à raison de la dette énorme du royaume. C’est au Régent et à son conseil qu’appartient de découvrir le remède, ce que les Etats-Généraux ne sauraient faire. Du fond des provinces arriveraient des députés plus soucieux de la défense des intérêts locaux que du salut des intérêts de l’État. On ne s’entendrait jamais sur la question de la réduction des rentes. Le clergé, en général riche en terres et en bénéfices, serait plus désintéressé et se prononcerait pour réduction des rentes. Le Tiers-État s’y opposerait avec autant d’énergie car les magistrats, hommes de loi, avocats, procureurs, bourgeois, commerçants, sont bien nantis de créances sur la noblesse et possèdent presque toutes les rentes. Cette situation favoriserait l'anarchie, l’engendrerait peut-être et l’entente ne s’établirait entre les partis qu’aux dépens du pouvoir royal. Réunis ces députés ne se contenteraient plus du droit de remontrances, ils s'empareraient d'une partie de l'autorité royale ; revanche de n'avoir pas été convoqués depuis un siècle. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler le frémissement populaire provoqué peu d'années auparavant lorsqu'à l'occasion de la paix d'Utrecht la rumeur circula d'une convocation des États : et à l'heure présente il était aisé de remarquer la même agitation pour les mêmes motifs. Ces États-Généraux se permettraient toutes sortes d’empiétements car, à vrai dire, ils sont placés dans une situation fausse. Ils ont le droit de délibérer et n’ont pas celui de voter, mais ils ne se résoudront plus à un rôle purement consultatif et voudront gouverner. Là-dessus, les trois Ordres s’entendront pour usurper, sur tout le reste ils disputeront : le clergé soulèvera des querelles religieuses ; la noblesse se divisera sur la question des légitimés ; le tiers disputera sur la question du vote par Ordre, attaquera la banque de Law et, à la place du malaise, on aura l’anarchie.

 

Les projets de Noailles et « le Comité »

Le Régent renonça dès lors, d’une manière définitive aux de Noailles Etats-Généraux sur lesquels il s’exprimait de la façon d’un homme qui n’en a guère envie[77]. Quoi qu’il en pensât, au mois de juin 1717 les billets d’État perdaient entre 58 et 68 livres pour cent[78] ; il fallait aviser. Dès le 19, le duc de Noailles commença la lecture devant le Conseil de Régence d’un interminable mémoire[79] qui aboutit à la nomination de neuf pu dix commissaires presque tous incapables d’entendre les éléments de la finance[80]. Ce n’était même pas un expédient ; et après avoir réuni et présidé « le Comité », dont il ne tira rien d’utile[81], le Régent eut un moment d’anxiété qui se manifesta sous la forme de mauvaise humeur[82]. C’était ordinairement par des brusqueries qu’il portait remède aux embarras de l’État. Le public s’impatiente de ne voir rien sortir « de la boîte de Pandore. On nous promet tous les jours de l’argent, dit-il, et rien ne vient[83]. » Le duc de Noailles a beau dire : « Les grands, le Tiers et le peuple auront lieu d’être contents. » On lui réplique qu’il appelle peut-être contents ceux qui ne le seront pas du tout et que personne ne sera content aussi longtemps qu’on n’ôtera pas la capitation et le dixième et qu’on ne réduira pas certains impôts onéreux[84]. Le dixième paraît, en effet, condamné à disparaître et on retirera les billets d’État[85]. En outre, « l’on fait une Compagnie du Mississipi, composée de MM. de Noailles, d'Estrées, Crozat et M. Law. Ceux qui voudront avoir une action leur porteront pour quinze cents livres de billets d'État, ils rendront tous les ans un compte fort exact des profite qui seront partagés à proportion des actions que chacun aura. Autre : on vendra tous les buissons du Roi séparés des forêts et on recevra le paiement en billets d'État. Autre : on fera une loterie tous les mois dont les billets seront de vingt-cinq sols, et on tirera chaque mois la somme qui se trouvera. » Tous les billets seraient payes en argent, mais sous la condition que les gagnants rapporteraient une somme égale à l'intérêt des billets ainsi remboursés. Cette combinaison ingénieuse « qui préparait la nation, à l'ivresse du Système » eut un succès complet[86]. Quelques retranchements sur les pensions, plus ostentatoires qu'effectifs, complétaient ces mesures[87].

 

L’édit porté au Parlement ; 28 août

Il restait maintenant à affronter le Parlement, où on craignait quelques délibérations dont on ne serait pas content[88] ». En effet, il prit « des résolutions qui parurent un peu trop fortes[89] ». L’édit qu'on lui présentait supprimait l'impôt du dixième en établissant la taxe sur les maisons pour le nettoiement des rues et l'entretien des lanternes, taxe que le gouvernement renouvelait après que les propriétaires s'en fussent rachetés en 1704 à prix élevé. En même temps, l'édit réglait plusieurs questions relatives à l’administration des finances. Le préambule de l'édit constate que le Roi a fait tout ce qui dépendait de lui pour diminuer les dépenses de l'État et augmenter ses ressources ; il a retranché plus de quarante millions sur ses dépenses ; plusieurs fermes particulières ont été augmentées ; les paiements effectifs ont été repris au trésor royal et à l'Hôtel de Ville et se sont élevés, en deux ans, à plus de deux cent quarante millions. Les quatre sous pour livre sur les droits des fermes et plusieurs autres impôts ont été supprimés ou tout au moins diminués, les pensions ont subi d'importants retranchements ; on a aboli tous les privilèges des droits de gabelle et des aides. Le Roi veut maintenant charger l'État de l'entretien des lanternes et des rues de Paris en mettant ces dépenses sur le compte des propriétaires : il veut retirer de la circulation, tout au moins en partie, les billets d’État, en obligeant leurs porteurs à les convertir en rentes viagères ou à les placer en loteries, ou à les employer à l’achat de certains biens du domaine ou encore en souscriptions d’actions de compagnies de commerce. Quant aux billets des receveurs généraux, ils seront éteints de la même manière et, de plus, au lieu de rapporter 7,5 pour cent, ils seront soumis au taux ordinaire de l’intérêt des billets d’État[90].

 

Remontrances ; elles obtiennent satisfaction

Toutes Chambres assemblées en la grande chancellerie, le Parlement examina l’édit. Le président de Novion et le président de Landron représentèrent fortement les conséquences que portaient plusieurs articles et réunirent à leur sentiment plus de cent voix contre quarante. Ce qu’ils reprochaient à ledit c’était sous le nom de conversion des billets d’État l’introduction d’une banqueroute déguisée. Ils résolurent de nommer douze députés appartenant à toutes les chambres pour aller faire là-dessus des remontrances au Roi et demander au Régent un état des revenus du Roi, des dettes de l’État et de ce qui en avait été acquitté depuis le 1er septembre 1715[91]. « C’est, disait-on, dans Paris, la démarche la plus hardie qu’ait encore fait le Parlement », et qui faisait craindre « quelque trouble dans l’État[92] ». Admis devant le Régent, les députés exposèrent leurs difficultés à l’enregistrement de l’édit. « Je vous donne vingt jours pour chercher les moyens de les aplanir, dit le prince, et, en ce cas, on tâchera de se conformer aux avis du Parlement[93] ». Mais quand les députés demandèrent qu’on leur rendit compte des deniers de l’État, le duc d’Orléans les interrompit et dit : « Tant que je serai dépositaire de l’autorité royale, je ne souffrirai pas qu’elle soit avilie, jusqu’au point de rendre de pareils comptes[94]. » Il était pâle et tremblant :

« Je ne me possédais plus, tant j’étais en colère a-t-il avoué[95]. » Dans la soirée, le Premier Président fit convoquer le lendemain dimanche à 9 heures du matin au Palais-Royal les quatorze magistrats commissaires. A 11 heures le duc de Noailles reprit devant eux en présence du Régent l’exposé de ses plans appuyé de preuves ; il consentit à répondre aux objections et vers 2 heures on se sépara « à peu près content les uns des autres ». Pendant ce temps, le Régent qui se promenait dans la chambre dit que le public devait être content de la grâce que le Roi faisait de supprimer le dixième. Sur quoi le bonhomme Le Nain, doyen, dit avec fermeté : « Ce n’est point une grâce, monseigneur, c est une justice que le Roi nous fait et nous espérons qu’il nous la rendra de même sur la capitation[96]. Le Parlement donna à ses remontrances un tour énergique. Après divers échanges de vues, il enregistra, le 4 septembre, la plupart des articles de l'édit[97], réserva quelques autres[98] ainsi que trois autres édits qui seront enregistrés le 6. Le 9 septembre, les gens du Roi apportèrent une déclaration interprétative portant surséance à l'exécution de l'article 6 de l'édit, concernant les fonds nécessaires à l'entretien et au nettoiement des lanternes et des rues ; elle ordonnait que les intérêts des billets de l'État non employés conformément à l'édit seraient payés même après le premier janvier, et elle laissait aux porteurs de inscriptions et des billets de receveurs généraux la liberté de les conserver avec intérêts également à quatre pour cent l'an, ou de les convertir en billets de caisse commune des receveurs généraux[99].

Le Parlement avait eu gain de cause et le Premier Président, après avoir félicité la Compagnie du sucées de ses démarches annonça que Messieurs pouvaient vaquer dorénavant à leurs affaires particulières et s'aller reposer aux champs, s'ils le jugeaient à propos[100]. Pour fléchir les magistrats, Noailles avait imaginé d'introduire Law dans le Conseil où quatorze d'entre eux discutaient les remontrances, afin de les éblouir par l'exposé « des avantages qui reviendraient de la compagnie du Mississipi[101] », on ne sait ce qu'ils en pensèrent, peut-être simplement qu'il était temps de s'enhardir et de résister avec plus d'opiniâtreté a l'aventurier. Pour le moment la paix était faite. « Le Parlement est content, écrit Dangeau, et on est content du Parlement[102] » ; le public s’étonnait et soupçonnait à cet accord si brusque des motifs peu honorables, le bruit courut avec persistance que le président de Novion ne s’était si fort adouci que devant la promesse d’une pension de 2.000 écus[103].

 

La banque résiste

Quant à Law, il sortait de cet épisode plus discuté que jamais. Le duc d’Orléans affectait de lui témoigner de la confiance[104], s'entremettait pour le raccommoder avec le duc de Noailles[105], quoique leur brouille parut arrangée pour berner le public[106] qui n’était pas sans inquiétude à l’idée de voir l’affaire du Mississipi livrée aux mains de cet étranger[107], joueur de profession et dont l’existence désordonnée autorisait tous les soupçons[108]. Cependant la banque était exacte à payer[109] et résistait à tous les assauts, les gens intéressés à la faire tomber, après avoir tiré sur elle beaucoup de lettres de change en fort peu de jours et croyant avoir par ce moyen épuisé tous ses fonds, y envoyèrent un matin deux hommes qui demandèrent à parler à M. Law. Après avoir longtemps attendu, ils furent introduits auprès du banquier à qui l’un présenta pour 2 millions de ses billets et l’autre pour 2.800.000 livres. Un peu ému, Law demanda un répit de vingt-quatre heures, à quoi on lui répondit : « Vous n’y songez pas, les billets doivent être payés à vue, c’est décrier la banque que de demander du temps pour payer si peu de chose. » Cependant on accorda les vingt-quatre heures, mais « pas six minutes de plus » ; Law ne demandait pas autre chose, courut implorer Noailles « qui, ayant autant d’intérêt que lui que la banque ne fût pas décriée, alla au grand magasin, d’où la somme fut tirée et payée aux porteurs de billets[110] ».

 

L'affaire du Mississipi

Faute de pouvoir ruiner la banque on se rejette sur l’affaire du Mississipi, car il n’est pas donné, dit-on, à un particulier avec des fonds si médiocres de former et de soutenir un semblable établissement[111]. Law n’a cure des prophètes de malheur et il obtient pour assurance de l’intérêt de cent millions une somme de quatre millions sur la ferme du tabac et le contrôle des actes des notaires[112]. Au début de janvier 1718, l’auteur anonyme de la Gazette reconnaît, bien à contrecœur, que « la Compagnie du Mississipi va son train et augmente en crédit et en actions, nonobstant ce qu’on avait cru d’abord qu’elle tomberait dès sa naissance ; quantité de gens se préparent à faire le voyage[113] ».

 

Les Compagnies de Commerce et la Louisiane

Le commerce maritime et colonial était alors concédé dans presque tous les grands États d’Europe à des associations privilégiées nanties d’un monopole[114]. En France, les compagnies de commerce établies par Richelieu et par Colbert ne connurent jamais la prospérité : compagnies des Indes Occidentales, du Sénégal, de Guinée, d’Acadie, du Canada, de la baie d’Hudson, de Saint-Domingue, de la Chine, toutes avaient périclité. A ces débuts de la Régence, la marine française paraissait anéantie ; le port de Dunkerque comblé, Mardyck démoli, quelques chantiers abandonnés rappelaient seuls notre grandeur évanouie. Six compagnies de commerce, mais des compagnies-fantômes[115], ne pouvaient soutenir la concurrence accablante et souvent déloyale des Anglais et des Hollandais. Placé en face d’une situation à ce point compromise, Law ne renonça pas au système des compagnies de commerce. Son coup d’œil hardi fut attiré vers une riche province de l’Amérique du Nord, jadis découverte par deux Français qui descendirent pendant trois cents lieues le cours d’un fleuve magnifique bordé de régions fertiles et dénommé par les indigènes Mississipi. Un troisième Français survint et imposa a cette contrée le nom de Louisiane. Les guerres de Hollande, d’Allemagne et de la succession d’Espagne avaient détourné l’attention publique de cette colonie merveilleuse[116].

Le gouvernement ne l’avait pas oubliée ; faute de fonds à consacrer à la Louisiane, il avait envisagé son échange contre la partie espagnole de Saint-Domingue, mais considérait comme la meilleure solution de « mettre ce pays pendant un certain nombre d’années entre les mains d’une compagnie ou d’une personne » se chargeant de la faire valoir. Un financier se présenta. Antoine Crozat. On l’aboucha avec le nouveau gouverneur. La Mothe-Cadillac qui « l’engoua des richesses immenses de la Louisiane, de ses mines d’or et d’argent, de ses perles fines et du commerce espagnol » tellement que le financier consentit à risquer sept à huit cent mille livres dans l’affaire. Des lettres patentes du 12 septembre 1712 lui abandonnèrent le monopole du commerce pendant quinze années, la propriété perpétuelle des mines ouvertes, des manufactures établies et des terres mises en valeur durant cette période, à condition d’envoyer chaque année au Mississipi deux vaisseaux porteurs de vingt colons, garçons ou filles à son choix. En même temps, le gouvernement réorganisait l’administration, confiée à deux hommes impropres à cette besogne, et à un conseil dit supérieur et d’une incompétence notoire. A leur arrivée, la Louisiane paraissait au moment d’être abandonnée par quelques familles ruinées et réduites par doux mauvaises récoltes « a un besoin extrême des choses les plus nécessaires «1 la vie ». Une garnison de soixante-sept soldats vivait de rapines. Le monopole Crozat allait pousser à bout cette situation. Désormais plus de commerce de planches avec la Martinique et avec Saint-Domingue, plus de commerce de volailles avec Pensacola, plus de commerce de pelleteries et un renchérissement inouï des farines, vins et eaux-de-vie devenus inabordables. Les habitants ne pensaient plus qu’à se retirer, plusieurs vendaient déjà à perte leurs maisons et leurs esclaves, les autres n’osaient pas même faire travailler, « dans l’incertitude où tout le monde était de la réussite de l’entreprise ».

L’occupation de la vallée du Mississipi par une soixantaine de soldats et une centaine d’individus dont quarante enfants imposait l’envoi d’émigrants au nombre de quatre à cinq cents, sous peine de voir la Louisiane « envahie par les Anglais à la première rupture ». Ceux-ci, en effet, ne négligeaient rien pour s’y installer, établissaient des magasins, s’introduisaient dans les villages et n’épargnaient rien « pour mettre tous les sauvages dans leur parti ». Un ensemble de faits montrait le dessein britannique de mener contre nos établissements un large mouvement d’offensive depuis les grands lacs jusqu’à la mer, lorsque le 15 avril 1710, une révolté éclatait contre les Anglais devenus odieux par leur brutalité, bouleversait leurs établissements dans la Caroline et sauvait la Louisiane d’une conquête anglaise. Crozat voulait qu’on profitât de cette circonstance pour affaiblir nos rivaux. Précisément, au mois d’août 1715, deux compagnies de renfort arrivaient à la Louisiane et les ordres du Roi prescrivaient la fondation de cinq postes. Les principales voies d’accès devaient être désormais fermées aux Anglais.

Toutefois la Louisiane ne semblait guère se prêter à ce qu’on attendait d’elle. « Point de chaloupes ou de pirogues et point de matelots pour les monter ; l’effectif déjà si faible des quatre compagnies réduit tous les jours encore par des désertions nombreuses, un chiffre d’habitants dérisoire — cinquante en 1716, dont presque la moitié étaient des officiers ou des employés — ; et pour couronner le tout, l’état moral de la colonie peut-être pire que sa détresse matérielle. « Les chefs s’ignoraient entre eux, les officiers ignoraient le gouverneur et tenaient « des discours si séditieux que jamais chef de révolte n’en avait tenu de semblable », quant aux soldats ils battaient impunément leurs officiers. La colonie étaient plongée « dans un désordre horrible » ; et dès le début de 1716, Crozat sollicitait le rappel du gouverneur La Mothe-Cadillac et de l’ordonnateur Duclos ; le gouvernement accéda à sa demande.

Le Conseil de Marine, inspiré par le comte de Toulouse et dirigé par le maréchal d’Estrées, ne pouvait méconnaître l’importance de la Louisiane, il priait donc le Conseil de Régence « non seulement de soutenir l’établissement, mais de le fortifier et de l’augmenter autant et le plus diligemment qu’il sera possible », non à cause de ses richesses mais à raison d’un avantage » peut être plus important que l’or et l’argent ». Par sa situation, la Louisiane constitue « une espèce de garde avancée sur les colonies anglaises » quelle est « en état de brider et de contenir quand il en sera besoin ». Sa possession nous permet de défendre le Canada contre les intrigues anglaises qui projettent « de nous chasser de tout le continent de l’Amérique », en même temps qu’elle barre le chemin du Nouveau-Mexique aux Anglais qui mettaient tout en usage « pour avancer jusque sur la rivière du Mississipi ». Le Conseil de Marine proposait l’envoi de nouvelles troupes et, annuellement, l’envoi de cent faux-sauniers et de cent filles élevées dans les hôpitaux dès leur enfance[117] ».

En mars 1716, Cadillac et Duclos furent rappelés et remplacés par Lespinay et Hubert[118]. En même temps, le Ludlow et le Paon étaient armés à Rochefort pour porter à la Louisiane avec des vivres, des munitions et des marchandises, quatre nouvelles compagnies d’infanterie et de nombreux colons[119]. A leur arrivée (mai 1717) Lespinay et Hubert trouvaient la colonie dans « une confusion et un désordre inexprimables[120] et ils envoyaient en France des appels désespérés de secours[121].Crozat n’était plus en mesure d’y suffire. Taxé par la Chambre de Justice à la somme de 6.600.000 livres[122], il se retirait de l’entreprise coloniale, et en janvier 1717 remettait tous ses droits au Roi[123] ». Pour la Louisiane elle-même il n’en était que temps. En poursuivant surtout la découverte de mines et l’établissement de rapports avec le Mexique, Crozat avait achevé de ruiner le domaine qu’il se flattait de laisser « en état de devenir un très grand objet[124] ». Les colons, réduits à la dernière misère ne songeaient qu’à l’abandonner[125] et les sauvages, laissés sans marchandises de traite, étaient « sur le point de nous échapper » au risque « de notre destruction totale[126] ». On comprend donc que le Conseil de Marine n’ait pas insisté auprès de Crozat pour lui faire garder la Louisiane. Persuadé qu’il était « très avantageux au bien de l’État de soutenir cet établissement par beaucoup de raisons essentielles connues de tout le monde », mais aussi que pareille tache était trop considérable pour... un seul particulier », il proposait en janvier 1717 de « choisir une compagnie assez forte pour soutenir cette entreprise[127] ».

Il ne manquait pas d’esprits clairvoyants dès lors pour remarquer que « toutes les compagnies étaient tombées » et que les colonies avaient prospéré à partir du jour on elles avaient vécu hors de la tutelle des compagnies[128]. Mais celles-ci avaient toujours eu le défaut d’être trop limitées, on pouvait remédier au mal en fondant une compagnie dans laquelle entrerait « pour ainsi dite tout le royaume[129] ». Law guettait cette proie qui lui sembla à la mesure de son appétit ; ne voulait-il pas que la nation entière devint « un corps de négociants dont la banque serait la caisse » et, à cet effet, la banque produirait le crédit en multipliant le numéraire, pendant que la compagnie soutiendrait ce crédit en utilisant l’argent de li banque. Il lui fallait mettre la main sur une contrée assez riche pour alimenter le commerce du royaume, et la Louisiane s’offrit à lui. Il entrevit l’avenir d’une position stratégique de cette importance dans la conquête économique de l’univers. Outre les richesses presque inépuisables du sous-sol, la fertilité inestimable d’un sol vierge, l’exploitation de forêts immenses, la Louisiane mettait en communication avec le Canada, au sud elle formait un prodigieux estuaire où chaque fleuve conduisait vers un centre destiné à former un des entrepôts de l’univers.

 

La Compagnie d’Occident

Tout y était à créer, mais on abandonnait dès maintenant à la compagnie concessionnaire, la traite des castors au Canada, celle des nègres Sur la côte de Guinée, vacantes en ce moment ; enfin, pour dissimuler le véritable objet on adopta le nom de Compagnie d'Occident. Elle fut instituée par lettres patentes (fin août 1717) lui accordant pour vingt-cinq ans le monopole du commerce à la Louisiane et de la traite des castors au Canada ; à perpétuité la propriété de « toutes les terres, côtes, ports, havres et îles » composant « la province » et de toutes les mines ouvertes durant son privilège[130]. Investie de tous les droits de la souveraineté, elle réglait à sa fantaisie ses rapports avec les indigènes, élevait des forts et places de guerre, nommait les officiers et les juges, édictait statuts et règlements. La Compagnie faisait le négoce sans déroger et recevait un blason[131]. Sur son territoire les habitants seraient exempts d’impôts, comme les denrées et marchandises étaient exonérées de droit d’entrée et de sortie. Les produits du cru n’acquitteraient pendant dix ans dans les ports du royaume que la moitié des taxes frappant ceux des îles d’Amérique. Enfin le Roi lui faisait don de tous les forts, magasins et bâtiments appartenant au Domaine, comme des vaisseaux et effets laissés par Crozat à charge pour elle d’y transporter au moins six mille blancs et trois mille noirs.

Ces lettres patentes furent bientôt complétées par un arrêt du Conseil, accordant à la Compagnie une nouvelle faveur. A sa demande, le pays de l’Illinois, détaché du Canada, fut incorporé à la Louisiane[132]. Il paraissait de la dernière conséquence pour l’État d’attribuer à la Compagnie les mines d’or et d’argent des Illinois « dont on avait des raisons solides de croire qu’elles étaient aussi abondantes que celles du Mexique[133]. Ces mines, disait-on, sont « l’objet principal de l’établissement et le plus capable d’augmenter la colonie... la France court risque de manquer sa fortune, si elle tarde plus longtemps à user du riche présent de la nature, que sa négligence ferait passer aux Anglais. » Et la réussite paraissait d’autant plus certaine qu’on allait disposer de ressources immenses.

Le capital était de cent millions, réparti entre deux cent mille actions de cinq cents livres, payables en billet d’État, fournis pour la plupart par la banque et non en argent ; or les billets perdaient alors près de 75 pour cent. Le paiement des actions en billets d’État était avantageux au Trésor et avait été imposé à la Compagnie, mais il mettait celle-ci dès son début dans une situation difficile. La colonisation de la Louisiane exigeait un apport considérable de capitaux, or la Compagnie ne pouvait employer que les quatre premiers millions qui Miseraient payés, le revenu des autres années devant faire partie du dividende et être invariablement partagé entre les actionnaires. On put donc dire que Law engageait l’affaire sans capital — les quatre millions seraient plus tard réduits à trois — car, une fois déduits les frais de premier établissement, que restait-il pour subvenir à ceux de la culture, de l’industrie, du commerce jusqu’au jour où viendraient les bénéfices. De plus, sur les deux cent mille actions, il s’en trouvait douze cents de cinq mille livres qui se prêtaient difficilement  au commerce des valeurs ; mais les actions de cinq cents livres avaient été déclarées « marchandises que chacun peut vendre, acheter, commercer à son gré », ce qui ouvrait un champ très large au trafic du papier. La banque devint aussi un des plus gros actionnaires de la Compagnie. Profitant de la disposition qui permettait aux sociétés déjà formées « de prendre intérêt » dans celle d’Occident, elle s’empressa de convertir les billets d’État formant les trois quarts de son fonds social (4.500.000 livres) en neuf mille actions de la Compagnie d‘Occident. Leur association offrait une coordination si exacte qu’elle éveillait l’idée d’un engrenage ; le public en fit la remarque et donna à l’ensemble, imaginé et organisé par le financier écossais, le nom de Système de Law.

 

 

 



[1] Gazette de la Régence, édit. E. de Barthélémy, in-12, Paris 1887, p. 203 ; 6 septembre 1717.

[2] M. Marion, Histoire financière de la France depuis 1715-1709, in-8°, Paris 1914, t. I, p. 90.

[3] A. Vuitry, Le désordre des finances et les excès de la spéculation à la fin du règne de Louis XIV et au commencement du règne de Louis XV, in-12, Paris, 1885, p. XVII.

[4] Money and Trade considered with a proposal for supplying the Nation with Money, in-4°, Glasgow, 1695 et 1705 ; Considérations sur le numéraire et le commerce, dans J. Law, Œuvres, édit. Senovert, in-8°, Paris, 1790, p. 1-74 ; Examen du projet remis au Parlement par le docteur H. C. dans Œuvres, p. 112, suivantes.

[5] Cl. Dupin, Œconomiques, in-4°, Carlsruhe, 1745, t. I, p. 157.

[6] C'était la forme Law's, comme on disait : lord Stair's ; Ad. Beljame, La prononciation du nom de Jean Law, in-8°, Paris, 1891.

[7] B. Duhautchamp, Histoire du système des finances sous la minorité de Louis XV pendant les années 1719 et 1720, in-12, La Haye, 1739, t, I, p. 1-2 ; E. Levasseur, Recherchez historiques sur le système de Law, in-8°, Paris 1854, p. 17.

[8] Law n'attendît pas la mort de Louis XIV pour reparaître, au moins discrètement, à Paris. On lit dans le Journal de lord Stair qu'à son arrivée à Paris, le 23 janvier 1715, au soir, il ne vit personne autre, avant de se coucher que M. Law. L. Wiesener, Le Régent, Dubois et les Anglais d'après les sources britanniques, in-8°, Paris, 1899, t. III, p. 139, note I.

[9] J. Law, Mémoires justificatifs, dans Œuvres, édit. de Sénovert, 1790, p. 649.

[10] J. Law, Second mémoire sur les banques, adressé au Régent, dans Œuvres, p. 578.

[11] J. Law, Lettre VIIIe au duc d'Orléans, dans Œuvres, p. 630.

[12] J. Law, Lettre VIIIe au duc d'Orléans, dans Œuvres, p. 630.

[13] J. Law, Œuvres, p. 334, 335.

[14] J. Law, Lettre Ière au duc d’Orléans, Œuvres, p. 621.

[15] J. Law, Premier mémoire sur les banques, dans Œuvres, p. 560.

[16] M. Marion, op. cit., t. I, p. 92 ; L. de Lavergne, Un émule de Law, dans Comptes rendus de l’Acad. des sciences morales, 1863, 4e série, t. XIII, p. 5.

[17] J. Law, Mémoires justificatifs, p. 649.

[18] Buvat, Journal, t. I, p. 104.

[19] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 209 ; 13 octobre 1715.

[20] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 211 ; 16 octobre 1715.

[21] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 211 ; 16 octobre 1715 ; Buvat, Journal, t. I, p. 104.

[22] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 212 ; 18 octobre 1715.

[23] Bibl. nat., ms. franç., 2232, t. XXIII ; E. Levasseur, op. cit., p. 39-43.

[24] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 220 ; 24 octobre 1715.

[25] M. Caumartin de Saint-Ange à Mme de Balleroy, 26 octobre 1715, dans op. cit., t. I, p. 53.

[26] Bibl. nat., ms. franç. supplém. 2232, t. XXIII ; E. Levasseur, op. cit., p. 43, note 1.

[27] Saint-Simon, Mémoires, 1905, t. VIII, p. 394.

[28] J. Law, Mémoire sur les banques, dans Œuvres, p. 568.

[29] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 372 ; 1er mai 1716.

[30] Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. XXI, p. 102, 106 ; 2 et 20 mai 1716.

[31] F. Véron du Verger de Forbonnais, Recherches et considérations sur les Finances en France, depuis 1595 jusqu'en 1721, in-12, Paris 1758, t. V, p. 336.

[32] Forbonnais, op. cit., t. V, p. 335.

[33] A. Vuitry, Le désordre des finances et les excès de la spéculation, in-12, Paris, 1885, p. 229.

[34] Bibl. nat., ms.. suppl. franç. 2232, t. XXVII : le duc de Noailles au Premier Président, 3 mai 1716 ; le même au procureur général, 3 mai 1716 ; E. Levasseur, op. cit., p. 47, note 2.

[35] Arch. nat., série X, Parlement de Paris, Registres du Conseil secret, 8421.

[36] Arch. nat., série X, Registres du Conseil secret, 8421.

[37] Bibl. nat., ms. suppl. franç. 2232, t. XXVIII : le duc de Noailles au Premier Président, 22 mai 1716.

[38] Bibl. nat., ms. suppl. franç. 2232, t. XXVIII : le duc de Noailles au marquis de la Vrillière, 14 mai 1716.

[39] Gazette de la Régence, p. 78-79 ; 18 mai 1716.

[40] Gazette de la Régence, p. 81 ; 22 mai 1716.

[41] Gazette de la Régence, p. 88 ; 19 juin 1716.

[42] Gazette de la Régence, p. 93 ; 19 juillet 1716.

[43] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 375 ; 6 mai 1716.

[44] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 397, 401 ; 16 et 21 juin 1716.

[45] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 421 ; 28 juillet 1716.

[46] Gazette de la Régence, p. 99 ; 31 juillet 1716.

[47] Gazette de la Régence, p. 104-105 ; 21 août 1716.

[48] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 421 ; 28 juillet 1716.

[49] Gazette de la Régence, p. 106 ; 24 août 1716.

[50] Gazette de la Régence, p. 75-76, 79, 110 ; 4, 18 mai, 7 septembre 1716.

[51] Gazette de la Régence, p. 116 ; 18 septembre 1716.

[52] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 488 ; 13 novembre 1716.

[53] Pâris-Duverney, Examen du livre intitulé : Réflexion politiques sur les finances et le commerce (par Du Tot), in-12, La Haye, 1740, t. II, p. 206.

[54] Forbonnais, Recherches et considérations, t. V, p. 336, 387.

[55] M. d'Argenson à Mme de Balleroy, Paris, 25 novembre 1716, dans Les correspondants de Mme de Balleroy, t. I, p. 94.

[56] Lettre du duc de Noailles, 7 décembre, dans E. Levasseur, op. cit., p. 48, note 6.

[57] Bibl. nat., ms. suppl. franc. 2232, t. XXXI : le duc de Noailles aux Intendants, 7 octobre 1716.

[58] Bibl. nat., ms. suppl. franc. 2232, t. XXXII : le duc de Noailles aux Intendants, 26 décembre 1716.

[59] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 509, 510 ; 20, 23 décembre 1716.

[60] Gazette de la Régence, p.141-142.

[61] Buvat, Journal, t. I, p. 263.

[62] Bibl. nat., ms. franç. suppl., 2232, t. XXXIII : le duc de Noailles aux Intendants, 11 avril 1717.

[63] Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. XXI, p. 115 ; mai 1717.

[64] Forbonnais, Recherches et considérations, t. VI, p. 281, dit qu’au 22 avril 1718 on avait déjà fabrique pour cent dix millions de billets.

[65] J. Benzacar, Enquête sur la banque royale de Law dans l’élection de Bordeaux, dans Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques. Section des sciences économiques et sociales, 1907, t. XXV, p. 21-23.

[66] Arch. départem. de la Gironde, série G. 4252 : Délibérations de la Chambre de Commerce de Guyenne, 28 février 1716.

[67] Arch. départem. de la Gironde, série G. 4252 ; ibid., 27 février 1716.

[68] Arch. départem. de la Gironde, série G. 4261 ; Mémoires du député du commerce de Bordeaux.

[69] Bibl. nat., ms. franc, suppl. 2232, t. XXXII : le duc de Noailles a M. de Courson, 7 décembre 1716, dans E. Levasseur, op. cit., p. 377-379.

[70] Bibl. nat., ms. franç. suppl. 2232, t. XXXII : le duc de Noailles au maréchal de Berwick, 8 décembre 1716, ibid., p. 380.

[71] Bibl. nat., ms. franç. suppl. 2232, t. XXXII : le duc de Noailles à M. de Courson, 24 janvier 1717, ibid., p. 380.

[72] Bibl. nat., ms. franç. suppl. 2232, t. XXXII : le duc de Noailles au maréchal de Berwick, 3 juin 1717, ibid., p.381.

[73] Arch. départem. de la Gironde, série C 2261 : Correspondance active et passive de la Chambre de Commerce de Guyenne, 28 août 1717.

[74] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, dans Les correspondants de la marquise de Balleroy, in-8°, Paris, 1883, t. I, p. 186-187.

[75] Lettres de la marquise du Deffand à Horace Walpole (1766-1780), édit. Toynbec, in-8°, 1912 ; lettre du 13 avril 1777.

[76] Saint-Simon, Mémoires, t. XIII, p. 474 suivantes.

[77] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 97 ; 27 mai 1717.

[78] Buvat, Journal, t. I, p. 276 ; Gazette de la Régence, p.186 ; 4 juin 1717.

[79] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 112 ; 19 juin 1717.

[80] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 117 ; 26 juin 1717.

[81] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 132, 134, 139, 143, 146, 147, 149, 150 ; 21 juillet au 20 août 1717.

[82] Gazette de la Régence, p. 196 ; 30 juillet 1717.

[83] Caumartin de Saint-Ange à Mme de Balleroy, 6 août, dans op. cit., t. I, p. 194 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 149 ; 17 août 1717.

[84] Gazette de la Régence, p. 198-199 ; 19 août 1717 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 149 ; 18 août 1717.

[85] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 149 ; 18 août 1717 ; M. de Balleroy à sa femme, 23 août, dans op. cit., t. I, p. 200.

[86] Forbonnais, Recherches et considérations, t. II, p. 429 ; A. Bailly, Histoire financière de la France depuis l’origine de la monarchie jusqu'à la fin de 1786, in-8°, Paris, 1830, t. II, p. 61 suivantes ; Buvat, Journal, t. I, p. 304.

[87] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 151 ; 22 août 1717 ; Gazette de la Régence, p. 200 ; 27 août : M. de Balleroy à sa femme, 23 août dans op. cit., t. I, p.201 ; Buvat, Journal, t. I, p. 295.

[88] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 153 ; 26 août 1717.

[89] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 154 ; 28 août 1717.

[90] Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. XXI, p. 150.

[91] Buvat, Journal, t. I, p. 208 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 154 ; 28 août 1717 ; Arch. du Parlement, Registres du Conseil, X, 8422.

[92] M. de Balleroy à sa femme, 30 août 1717, dans op. cit., t. I, n. 205-206

[93] Buvat, Journal, t. I, p. 302.

[94] Buvat, Journal, t. I, p. 303 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 155 ; 3 août 1717 ; Gazette de la Régence, p. 201, 203 ; 2 septembre 1717 ; M. de Balleroy à sa femme, dans op. cit., t. I, p. 207.

[95] Gazette de la Régence, p. 203 ; 6 septembre 1717.

[96] Gazette de la Régence, p. 204 ; 10 septembre 1717 ; M. de Balleroy à sa femme, 7 septembre, dans op. cit., t. I, p. 211.

[97] N° 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 17, 18.

[98] N° 6, 11, 12, 13, 14, 15, 16.

[99] T. Flammermont, Remontrances du Parlement de Paris au XVIIIe siècle, t. I, p. 50, n° 5 ; 9 septembre 1717 (Arch. nat., X1a 8718, fol. 319).

[100] Arch. nat., Xa, 8433, fol. 428 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 156-159 ; Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIV, p. 114-115.

[101] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 157 ; 5 septembre 1717.

[102] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 160 ; 10 septembre 1717.

[103] M. de Balleroy à sa femme, 4 et 7 septembre, dans op. cit., t. I, p. 209, 212.

[104] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 169 ; 4 octobre 1717.

[105] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 172 ; 12 octobre 1717.

[106] M. de Balleroy à sa femme, 20 octobre, dans op. cit., t. I, p. 214 ; Gazette de la Régence, p. 208 ; 22 octobre 1717.

[107] M. de Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 21 octobre, dans op cit., t. I, p. 187.

[108] Gazette de la Régence, p. 207 ; 15 octobre 1717.

[109] Gazette de la Régence, p. 208 ; 22 octobre 1717.

[110] M. de Balleroy à sa femme, 30 octobre 1717, dans op. cit., t. I, p. 220-221.

[111] Gazette de la Régence, p. 208 ; 22 octobre 1717.

[112] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 204 ; 2 décembre 1717.

[113] Gazette de la Régence, p. 215 ; 9 janvier 1718.

[114] P. Bonnassieux, Les grandes Compagnies de commerce. Etude pour servir à l’histoire de la colonisation, in-8°, Paris, 1892.

[115] Ces six compagnies étaient : 1° Indes Orientales ; 2° Chine ; 3° Sénégal ; 4° Saint-Domingue ; 5° Canada ; 6° Afrique et États barbaresques.

[116] Sur ce sujet que nous résumons en trois lignes, voir H. Gravier, L'Œuvre de d’Iberville à la Louisiane, 1698-1707, mémoire, présenté à la Faculté des Lettres de l’Université de Paris pour l’obtention du diplôme d’études supérieures d’Histoire et de Géographie en 1899 ; P. Heinrich, La Louisiane sous la Compagnie des Indes 1717-1731 ; in-8°, Paris, s. d. [1908], p. XXIII-LXXX. Toutes les citations faites dans notre texte sont empruntées à ce dernier ouvrage, p. LVIII suivantes.

[117] Arch. des Colonies, C13 Louisiane ; Correspondance générale, t. IV, p. 54-64, 72-73.

[118] Arch. des Colonies, série B, t. XXXVIII, fol. 88, 326 : le Conseil de Marine à Lespinay et à La Mothe Cadillac, 3 mars et 28 octobre 1728.

[119] Arch. des Colonies, série R, t. XXXVIII, fol. 85, 86, 102, 133, 298-299 ; G13, corresp. générale, t. IV, p.863-864.

[120] Arch. des Colonies, C13 Louisiane, Correspondance générale, t. I, p. 47-48 : Mémoire sur la situation de la Louisiane à l’arrivée de M. de Lespinay [par Hubert ?].

[121] Arch. des Colonies, C13 Louisiane, Correspondance générale, t. V, p. 27-28 : Lespinay et Hubert au Conseil de Marine.

[122] J. Buvat, Journal de la Régence, t. I, p.196.

[123] Arch. des Colonies, Amérique du Nord, Postes de la Louisiane, fol. 144 : Mémoires de Crozat au Conseil de Marine, janvier 1717.

[124] Arch. des Aff. Etrang., Amérique, Mémoires et Documents, t. I, fol. 289 ; Mémoire de Crozat servant à l’intelligence du compte de ce qu’il cédait au Roi à la Louisiane.

[125] Arch. des Colonies, C13 Louisiane, Correspondance générale, t. IV, p. 391-392, 395-396 : Duclos au Conseil de Marine, 3 juin 1716.

[126] Bibl. nat., ms. franc. 12105, p. 19-20 : Mémoire du missionnaire de Maire au Conseil de Marine, 1er mars 1717.

[127] Arch. de la Marine, B1 Délibération du Conseil de Marine, t. XIX, fol. 46 ; 13 janvier 1717.

[128] Arch. des Colonies, C13 Louisiane, Correspondance générale, t. I, p. 672.

[129] Arch. des Aff. Etrang., Amérique, Mémoires et Documents, t. I, p. 320-323 : Parallèle entre la Compagnie du Sud d’Angleterre, et la Compagnie d’Occident, 1717.

[130] Dernis, Recueil ou collection des titres, édits, déclarations, arrêts, règlements et autres pièces concernant la Compagnie des Indes Orientales, in-4°, Paris, 1745-1746, t. III, p. 103-122.

[131] Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. XXI, p. 147 ; Forbonnais, op. cit., t. VI, p. 51, 274 ; E. Daire, Notice historique sur Jean Law, ses écrits et les opérations du système, en tête des Œuvres, 1843, p. 446.

[132] Arch. des Colonies, D2 Troupes des Colonies, registre LI, fol 19 et série B, t. XXXIX, fol. 459 : requête de la Compagnie et arrêt du 27 septembre 1717.

[133] Arch. des Aff. Etrang., Amérique, Mémoires et Documents, fol. 228, 284 mémoire, avril 1717 ; fol. 305-306, 11 : Rapport du duc de Noailles.