HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME PREMIER

 

CHAPITRE XVII. — Le Tsar Pierre Ier et le Régent (13 janvier - 15 août 1717).

 

 

Ambition de Dubois. — Il s’appuie sur l’Angleterre. — Projets suédo-jacobites. — Incident de la lettre de Gyllenborg. — Dubois organise sa diplomatie. — Ambitions de l’Angleterre vers la Baltique. — Desseins de Charles XII. — Voyage de Pierre Ier en Occident. — Hésitations sur l’alliance. — Avances faites à M. de Châteauneuf. — L’intérêt national. — Les vues de Pierre Ier servies par la Prusse et contrecarrées par Dubois. — Rumeurs du voyage du Tsar à Paris. — Voyage de Dunkerque à Paris. — Entrée du Tsar à Paris. — Entrevues officielles. — Les occupations du Tsar à Paris. — Inquiétudes que donne son séjour aux Cours étrangères. — Il insiste pour nouer l’alliance, — Ses considérations. — Instructions données au maréchal de Tessé. — Intervention de lord Stair. — Dubois livre le secret de la négociation à l’Angleterre. — Le Régent s’efforce de dissoudre la ligue du Nord. — Fin du séjour et départ du Tsar. — Le traité de commerce.

 

Ambition de Dubois

Au moment où l’abbé-Dubois entrait au Conseil des Affaires Etrangères, son plan consistait à affermir par l'éclat de sa politique extérieure le pouvoir personnel du Régent et de s’ouvrir à lui-même l’accès de la plus haute carrière. La tribu des Noailles, qui avait exercé depuis la Régence un pouvoir multiforme[1], s’y était révélée insuffisante. Le duc n’avait su restaurer les finances ni détruire les abus ; le cardinal avait envenimé la querelle religieuse ; à la marine d’Estrées, un beau-frère ; à la guerre, Guiche, autre beau-frère ; au Conseil du dedans, d’Antin, livré à sa belle-fille « qui était fort Noailles », tous avaient échoué dans l’entreprise ardue de créer une politique et de constituer un véritable gouvernement. De bonne foi, au lendemain d’un succès diplomatique, l’abbé pouvait se croire en mesure de faire plus et mieux que ces grands seigneurs qu’il aspirait à remplacer.

 

Il s’appuie sur l’Angleterre

Après être venu à bout de conclure cette alliance franco-anglaise qui « ne comptait guère d’autres partisans bien décidés que les diplomates qui la négociaient[2] », Dubois et Stanhope visaient plus loin. Stanhope espérait « faire perdre aux Anglais l’habitude de regarder les Français comme leurs ennemis naturels[3] », Dubois se flattait de leur faire gagner le goût de nos grands crûs et de notre argent. « Je supplie Votre Altesse Royale, écrivait-il au Régent, de faire choisir par quelque connaisseur fidèle, d’une part, trente pièces de vin de Champagne du plus fort, et de celui qui aura le plus de qualité, toi que le bon vin de Sillery, et d’autre part quinze pièces de vin de Champagne de la même qualité, dix pièces de Bourgogne et du plus fort aussi, et cinq pièces de vin de Volnay. Les trente pièces de vin de Champagne seront pour le Roi, et les trente autres seront pour M. Stanhope[4]. » D’autres ont des goûts différents. Le beau-père de lord Stanhope, un membre de la Chambre des Communes appelé Pitt, dirigeait l’opposition et l’ameutait contre l’alliance franco-anglaise. Des transactions commerciales avaient mis aux mains de Pitt un diamant énorme du poids de six cents grains dont il ne savait comment se défaire. Il le fit proposer au Régent à qui l’état du trésor ne permettait pas cette onéreuse acquisition. Alors Pitt attaqua la triple alliance, menaçant ainsi la politique et la carrière de Dubois qui décida le Régent à acheter le joyau, moyennant deux millions cinq cent mille livres en or, et que le sieur Rondet, escorté de sept grenadiers à cheval, armés jusqu’aux dents, alla chercher à Londres[5], d’où il rapporta le diamant.

Projets suédo-jacobites

L’alliance soutenue et affermie à l’aide de ces moyens devait, dans l’esprit de Dubois ; « déterminer le système de l’Europe pour longtemps » ; elle fixa, en effet, le système fédératif de l’Europe pendant un quart de siècle environ. Pour l’obtenir, Dubois n’hésita pas à soutenir la dynastie protestante qui pouvait seule assurer la succession française à la maison d’Orléans ; il prit cette décision en politique avisé et le résultat « changea totalement la face des affaires générales, et fit succéder un calme parfait aux alarmes que les ennemis de la paix avaient jusqu’alors entretenues[6]. » Georges Ier délivré du souci des complaisances françaises pour le Prétendant n’était pas cependant à l’abri des menées jacobites. Tandis que Charles XII, de Suède, défendait Stralsund en désespéré, le baron de Spaar, son ambassadeur à Paris combinait avec le maréchal de Berwick un projet de transport de huit mille Suédois de Gottembourg sur le Cattégat jusqu’en Écosse, ce n’était pas d’ailleurs la première fois qu’on rêvait d’unir la démence de Charles XII à la folie des jacobites[7]. Ceux-ci offraient deux cent mille livres sterling pour l’expédition, et l’aubaine tenta trois aigrefins de haut parage : Spaar à Paris, Gœrtz à la Haye et Gyllenborg à Londres, tous trois ambassadeurs du roi de Suède[8].

Ces trois personnages projetaient la réconciliation de Charles XII et du tsar Pierre dont les armées réunies renversaient le Régent et débarquaient douze mille hommes en Écosse pendant que l’argent du roi d’Espagne soulèverait l'Angleterre. Tout cela était inepte et on ne pouvait mettre en doute que Gœrtz ne cherchât qu’à tirer de l’argent de toutes mains. « Il passe depuis longtemps pour un fripon, disait-on de lui ; il mérite à présent le titre d’étourdi, sa négociation est celle d’un filou[9] ». Dès son retour à Londres, Georges Ier averti de l’activité insolite des jacobites et conseillé par Stanhope fit arrêter Gyllenborg et saisir ses papiers (9 février 1717) qu’il fit imprimer et distribuer aux représentants diplomatiques à Londres et à l’étranger[10]. En même temps, à la requête des Anglais, la Hollande fit arrêter Gœrtz fugitif. Afin de justifier des procédés si nouveaux, le roi d’Angleterre manifesta une grande indignation et voulut tirer vengeance de la Suède, affamée par une disette, en interdisant l’exportation des céréales non seulement d’Angleterre, mais de Hollande et, même, de France. Les Hollandais qui voyaient là une occasion de se substituer en Suède aux Anglais dans le commerce des grains, du sel, etc., firent la sourde oreille et le Régent semblait n’avoir pas d’autre conduite à tenir.

 

Incident de la lettre de Gyllenborg

Cependant, le ministère anglais, en faisant imprimer les papiers de Gyllenborg, avait laissé paraître une lettre outrageante pour le duc d’Orléans. Gyllenborg y faisait allusion au péril que l’ambition du Régent faisait courir à la vie de Louis XV et à la possibilité du rappel de Philippe V. Était-ce inadvertance ou préméditation de la part de Stanhope ? on ne savait que croire, surtout en voyant le secrétaire de l’ambassade britannique à Paris présenter à Dubois un exemplaire du volume qui renfermait ces injures[11]. Le scandale fut grand. Dubois étourdi de ce coup, trépigna de fureur, protesta — c’était une clause de style chez lui — qu’il eut préféré donner la moitié de son sang plutôt que de voir paraître cette lettre[12]. Après avoir beaucoup crié, l’abbé se calma, n’ayant rien de mieux et surtout rien d’autre à faire[13]. Rien plus, le Régent consentit à ce que refusaient les Hollandais ; il interdit l’exportation des grains et des céréales des ports de France à destination de la Suède. Dubois alla plus loin, car il atteignait d’instinct à la platitude. Il se rendit chez le chargé d’affaires anglais et l’assura qu’il était allié de sa personne chez le maréchal d’Estrées et avait demandé à voir les ordres envoyés aux ports, il pouvait s’enquérir si ce n’était pas vrai. De la publication intempestive il n’était plus question, Dubois ne savait point garder rancune aux Anglais, même il s’intéressait tant à l’Angleterre, disait-il, qu’il était persuadé qu’on le croyait aux gages du roi de la Grande-Bretagne[14]. Pour sortir de cette affaire délicate, on imagina d’attribuer au duc d’Orléans le rôle de médiateur entre les rois d’Angleterre et de Suède. Tout s’arrangea, les ambassadeurs furent relâchés[15] et il n’en eut plus été question si, en Angleterre, ce complot n’avait amené la rupture du parti whig et le remaniement du ministère ; mais l’alliance s’en trouva affermie, lord Stanhope devenait Premier lord de la trésorerie et le chef réel de la politique Etrangère et du gouvernement[16].

 

Dubois organise sa diplomatie

Stanhope faisait de la faveur, de l’élévation et de la puissance de Dubois les échelons du succès de leur politique commune et Dubois le cajolait comme son bienfaiteur et, un peu aussi, sa dupe, l’entretenait de ses desseins et de l’empressement qu’il allait mettre à « soigner leur grand projet[17] ». Pendant ce temps, l’abbé ne cessait d’étendre ses relations et multiplier ses complaisances. Il avait, non sans peine, désarmé les préventions du huguenot Robethon, secrétaire de Georges Ier, et procuré à cet austère les grâces du Régent en échange de confidences précieuses[18] ; en Hollande, il rendait des services ingénieux ou imprévus aux belles amies qui faisaient de lui « de douces et respectueuses commémorations[19] », il entretenait une correspondance secrète avec Duywenworden au sujet du personnel diplomatique de la Haye[20], il mettait à contribution l’érudit Basnage, qui n’y perdait rien[21]. Par ces correspondances et par les procédés flatteurs qu’il savait prodiguer, Dubois, dernier introduit au Conseil des affaires Etrangères, s’emparait de tous les fils de la politique extérieure, avec l’aisance et l’autorité d’un premier ministre, prêt a donner de sa personne et à engager son maître. « Je suis, écrit-il à Stanhope, à la disposition de Votre Excellence, prêt à tout ce qu’elle voudra de moi, même à me rendre à Londres quand elle le désirera[22]. Il nous faut rester dans l’ombre pour que votre maître paroisse seul. Je vous supplie néanmoins, si nous devons être de quelque secours, de ne pas nous épargner ; car quelque proposition que Votre Excellence fasse à Vienne et à Madrid, suivant le plan qu’elle a formé, je suis persuade que Mgr. le Régent y donnera les mains[23]. »

A une époque où la guerre paraissait tellement certaine qu’on ne se demandait autre chose sinon où et quand elle éclaterait, Dubois ne pouvait grandir et même subsister que dans la paix et par la paix. Comme en d’autres temps certains se sont employés à déchaîner la guerre, lui imaginait sans cesse des moyens de la retarder et de l’empêcher. Avant toute chose il fallait rétablir l’entente entre le roi d’Espagne et l’Empereur ; ensuite ramener l’accord entre les puissances du nord de l’Europe.

 

Ambitions de l’Angleterre vers la Baltique

Le roi Suède et le tsar de Russie inquiétaient tous leurs voisins à peu près comme un frénétique et un monstre jetteraient l’alarme autour d’eux. Charles XII par égarement d’esprit, Pierre Ier par immensité de moyens laissaient craindre à tout moment une entreprise nouvelle, formidable, désastreuse. Redoutant le second pour son Hanovre chéri et le premier pour son trône d’Angleterre, le roi Georges avait, on s’en souvient, conclu la triple alliance afin d’écarter le péril moscovite de ses états allemands. Le procédé auquel il venait d’avoir recours à l’égard des deux représentants de Charles XII montre qu’il ne laissait pas que de le redouter. Gœrtz, en effet, était un diplomate entreprenant qui pouvait inspirer à son maître des vues embarrassantes pour l'Angleterre s’il parvenait à la mettre aux prises avec la Russie. Le Danemark et le Hanovre se trouvaient réduits au rang de provinces anglaises de terre ferme, la Pologne réduite à l’impuissance, la Prusse s'interdisant une politique active, il se trouvait que les premiers rôles appartenaient à la Russie et à l’Angleterre[24]. Celle-ci par sa flotte et son commerce, pénétrait dans la Baltique d’où elle évinçait les Hollandais pour y rencontrer les Moscovites, et sa presse, avide autant que bruyante, dénonçait avec une apparente conviction le péril russe et la formidable puissance du Tsar. « Le commerce de la Baltique, écrivait Walpole, crie vengeance de se voir réduit à la discrétion du Tsar[25] » et « nous nous demandons encore si nous serons whigs ou tories[26] ».

 

Desseins de Charles XII

Pendant que les Anglais tremblaient de crainte et de colère à la pensée de la proie commerciale qui pouvait leur échapper, Gœrtz comprit que la Baltique, devenue le champ clos de ces puissants adversaires, échappait pour toujours aux convoitises de la Suède qui brisant l’étreinte prête à l’étouffer, se détournait vers l’Ouest et s’ouvrait du côté de la Norvège l’accès à la mer libre[27]. Le ministre persuada le souverain qui se crut vengé du tsar, son vainqueur, en le mettant aux prises avec le souverain du Hanovre et de l’Angleterre. Dès la fin de 1716 le plan de Gœrtz était arrêté et « jamais homme, dit Voltaire, ne fut si audacieux, à la fois, si plein de ressources dans les disgrâces, si vaste dans ses desseins ou si actif dans ses démarches. Il prodiguait les dons, les promesses, les serments, la vérité et le mensonge[28]. » Un agent de cette trempe pouvait devenir redoutable et l’Angleterre avait espéré le discréditer à jamais en révélant son rôle dans la conspiration de Spaar et Gyllenborg ; si Charles XII se refusait à désavouer Gœrtz, on retiendrait ce grief pour lui déclarer la guerre et le but serait atteint. Le Parlement faillit tomber dans le piège que lui tendait Stanhope, il manifesta une excessive irritation, envisagea un instant la possibilité d’une déclaration de guerre dont il ne se détourna qu’après avoir aperçu l’intrigue de la Cour pour engager le pays dans une aventure tout hanovrienne[29]. La mèche ainsi éventée on se rappela que « ce ne serait pas la première fois qu’une conjuration révélée au Parlement au commencement de ses séances aurait produit des effets merveilleux pour les volontés de la Cour[30] ». Cependant l’Angleterre ne souhaitait pas un conflit avec la Suède, aussi longtemps du moins quelle ne serait pas entièrement rassurée sur les intentions de Pierre Ier.

 

Voyage de Pierre en Occident

Celui-ci n’était rien moins que rassurant pour l’électeur de Hanovre. Ses troupes occupaient et ruinaient le Mecklembourg pendant que, de sa personne, le Tsar arrivait à Amsterdam (17 décembre 1716) où le ministre de l’Empereur vint lui enjoindre d’évacuer tout territoire de l’Empire. Pierre n’en tint aucun compte et menaça de n’évacuer le Mecklembourg que pour occuper le Hanovre en punition des mauvais offices que ne cessait de lui rendre l’Électeur[31]. Cette rodomontade ne détournait pas le Tsar d’un profond calcul politique. Il se sentait obligé d’avoir, contre l’Autriche et le Hanovre, un point d’appui en Occident et ce point d’appui ne se trouverait qu’en France. Dès qu'on sut l’intention de ce prince de visiter les Pays-Bas, nos deux représentants à la Haye reçurent à ce sujet une instruction détaillée. Dubois et Châteauneuf avaient ordre de « lui rendre les devoirs que tous les autres ministres lui rendraient... de relever ses vertus et ses actions aussi bien que sa persévérance dans l’exécution de ses grands projets », en sorte que Son Altesse Royale verra toujours avec plaisir tout ce qui pourra contribuer à former des liaisons entre elle et lui... mais vous éviterez quant à présent de faire nulle ouverture au prince et vous écouterez ce qu’il voudra vous confier de ses vues pour en rendre compte au Roi[32]. »

 

Hésitations sur l’alliance

Peu après, Châteauneuf recevait des instructions qui lui semblaient faire présager un projet d’alliance. Je connais, faisait-on dire à Louis XV, le peu d’avantages que l’on doit attendre de l’alliance d’un prince dont les états sont aussi éloignés que ceux du Tsar, et je sais que son fils, n’a pas les qualités nécessaires pour soutenir la réputation qu’il s’est acquise, ni les établissements qu’il a faits..., mais d’autres raisons supérieures me font passer sur ces considérations quelque fortes qu’elles soient, et mon intention est que vous profitiez du séjour de ce prince en Hollande pour lui faire connaître que je vous ai prescrit de l’assurer... que j’ai regardé son voyage en Hollande comme une conjoncture favorable pour convenir des moyens d’établir entre mes sujets et les siens une correspondance directe et réciproquement utile pour leur commerce... Vous pouvez encore laisser entendre aux ministres du Tsar que je ne m’éloignerais pas d’admettre dans les liaisons que je prendrais avec lui ceux de ses alliés qu’il voudrait y faire entrer... Il est bon enfin que vos démarches confirment ces assurances[33]. »

En même temps que cette dépêche, Châteauneuf en recevait une autre du maréchal d’Huxelles, datée du même jour, 5 janvier 1717, qui lui recommandait une extrême circonspection : « Ayez principalement en vue de ne rien engager sans de nouveaux ordres, mais d’entretenir les espérances du Tsar autant que vous le jugerez nécessaire pour empêcher que ce prince ne prenne d’ailleurs des engagements contraires aux vues et aux intentions du Roi, avant que Sa Majesté puisse prendre les mesures qu’elle jugera convenables à l’un et à l’autre[34]. Le motif de cet appel a la prudence était la susceptibilité de l’Angleterre qui trouverait sans doute mauvais un accord entre la France et Pierre Ier à l’heure même où venait de se conclure la Triple Alliance.

 

Avances faites à Châteauneuf

Déjà le bruit courait que le Tsar viendrait passer l’hiver à Paris[35], et Dubois s’inquiétait de ce voyage et de ses conséquences, cherchait à alarmer le Régent. Si vous ne restez pas uni au roi d’Angleterre, lui écrivait-il, « vous tombez du grenier à la cave : je vous conjure, au nom de Dieu, jusqu’à ce que j’aie eu l’honneur de vous entretenir, quelque occasion qui se présente, de ne rien risquer qui puisse refroidir cette liaison et réveiller le moindre soupçon[36]. » Châteauneuf, qu’aucun intérêt personnel n’enchaînait à l’alliance anglaise, approuvait l’idée d’une alliance russe[37]. Il ne s’en cachait pas trop à Dubois qui écrivait des lettres éplorées au Régent[38], faisait appel à la sagesse (!) du maréchal d’Huxelles[39], qui le rassurait[40]. Mais au plus fort de cette correspondance, le 13 janvier, l’un des ministres que le Tsar avait amenés avec lui, le prince Kourakin, alla trouver M. de Châteauneuf. « Je ne vous parle pas, lui dit-il, comme à un ambassadeur, mais comme à un ami à qui je révèle le secret que m’a confié mon maître. » Il ajouta que « le Tsar, d’accord avec le roi de Prusse, avait reconnu l’utilité de former des liaisons avec la France, qu’il y était entièrement disposé, qu’il souhaitait avec empressement la conclusion d’un traité et tenait à ce que l’affaire se négociât immédiatement sous ses yeux ». Huit jours après cette démarche destinée à préparer le terrain, Kourakin renouvela officiellement, au nom de son souverain la même communication. Châteauneuf se hâte d’informer sa Cour. Le Tsar proposait la garantie des traités d’Utrecht et de Bade, se bornant à réclamer les bons offices de la France pour la paix du Nord sans partialité en faveur de la Suède. Mais la France cesserait de payer des subsides à cette puissance et lui accorderait à lui-même un subside mensuel[41]. Cette dernière condition semblait aisée à obtenir puisque, dans sa dépêche du 5 janvier, d’Huxelles manifestait le dessein de retrancher le subside à la Suède à laquelle il n’offrait plus que « ses offices pour parvenir à la paix du Nord[42] ». C’était le prélude d’une évolution générale des alliances de la France dans le Nord ; elle conduirait à de grands et solides résultats et rappellerait certaines vues de Louis XIV. Sans abandonner là Suède notre ancienne alliée, épuisée d’hommes et d’argent par la folie de son roi, la France se tournait vers la Russie en vue de favoriser son développement et d’y introduire notre commerce.

 

L’intérêt national

A cette politique nationale s’opposait l’intérêt de Philippe d’Orléans dont Dubois restait l’interprète avisé et vigilant. Étendre l’influence française, élargir son commerce, accroître sa puissance c’était nuire au souverain de l’Angleterre et du Hanovre qui ne le pardonnerait jamais, c’était compromettre les chances à la couronne pour le Régent et l’espoir du chapeau pour son confident. « Si en établissant le Tsar, vous chassez les Hollandais et les Anglais de la mer Baltique, vous serez éternellement odieux à ces deux nations. Si la Triple Alliance peut vous suffire, examinez si le reste vous est nécessaire[43]. » Celui qui parlait ainsi au maître de la France était le même qui faisait savoir au maître de l’Angleterre que notre gouvernement « ne ferait rien que ce qui conviendrait au roi de la Grande-Bretagne[44] ». Il fallait tout l’aveuglement d’une ambition insatiable, d’une avidité sans bornes et d’une intelligence sans grandeur pour méconnaître la signification de l’alliance qui s’offrait à nous en Russie, jeune et vigoureuse héritière des trois États que la France opposait a l'ambition de l’Empire. La Turquie dépérissait, la Pologne et la Suède n’évoquaient plus que des souvenirs, au moment où une puissance nouvelle marquait son rang en Europe et s’offrait à remplir dans nos combinaisons politiques la place que l’effacement de nos anciens alliés laissait vacante[45].

 

Les vues de Pierre Ier

Pierre Ier s’offrait « à nous tenir lieu de Suède » et à valoir mieux qu’elle. Versez, disait-il, dans mes mains l’or que vous perdez dans les siennes ; je tiendrai ses engagement, et je vous apporte de plus l’alliance de la Prusse et de la Pologne[46]. Cette politique franchement mercenaire, semblait cynique à ceux qui n’avaient rien appris ou rien compris de l’effort gigantesque tenté et poursuivi sur les bords de la Neva par le maître hautain et familier, impitoyable et accessible, commandant son armée, ses ouvriers, son clergé, créant une Hotte, une capitale, un empire imposant des lois, des réformes, des administrations et fondant un État moderne doté de tous ses organes indispensables au moment où l’épuisement de la Suède, l’anarchie de la Pologne et la décrépitude de la Turquie faisaient de lui l’arbitre du Nord. Après maintes prouesses et d’amers déboires, en 1716, Pierre était vainqueur des Suédois et des Polonais, il regardait avidement l’Europe, non pour y agrandir son immense empire, mais pour consolider par un système d’alliances l’État qu’il avait créé. Dans ce concert diplomatique où il voulait prendre place, il n’entendait pas figurer une force lointaine et excentrique, mais il voulait faire sentir son action au centre même.

Il lui fallait pour cela un introducteur, un répondant, un parrain, service qu’il ne pouvait attendre de la Prusse chétive, de l’Autriche hostile, de l’Angleterre hargneuse, de l’Espagne lointaine ; il s’adressait donc à la France.

 

Servies par la Prusse et contrecarrées par Dubois

Dès 1716, un agent russe, Zotof, était venu sonder la Cour de France, mais Pierre Ier ne voulait d’autre négociateur que lui-même. Il laissa voir au roi de Prusse, — le « gros Guillaume » — son penchant pour la France et le madré prussien conçut aussitôt le projet de servir de trait d’union entre la France et la Russie ; de travailler à leur alliance et de s’y associer afin de l’exploiter contre l’Autriche. Il chargea l’un de ses ministres, le comte de Kniphausen de faire escorte au Tsar en Hollande et jusqu’en France où lui-même viendrait peut-être le retrouver, disait-il[47]. Ainsi présenté et épaulé, le Tsar pouvait attendre un heureux résultat des ouvertures du prince Kourakin, si Dubois ne s’était mis en travers. Dubois n’avait ni les vues lointaines ni le jugement supérieur d’un homme d’État ; il n’interrogeait que les circonstances présentes et ne calculait que l’intérêt personnel, le sien et celui du Régent en fonction du sien. L’alliance russe lui parut de nature à froisser l’Angleterre et à compromettre ce qu’il attendait d’elle. Sa lettre secrète du 12 janvier[48] fut remise au Régent avant les dépêches de Châteauneuf des 14 et 21, rendant compte des propositions du Tsar qui, en toute autre circonstance, eussent été accueillies avec joie.

Quand ces propositions arrivèrent à Paris, le Régent avait, une fois de plus, sacrifié l’avantage du royaume à l’intérêt de la maison d’Orléans et obligé le maréchal d’Huxelles à décliner les avances du Tsar ; il s’excusait même auprès de Dubois en le rassurant[49], sans pouvoir se retenir d’ajouter : « Lorsqu’on connaît l’instabilité de la nation anglaise, il y aurait de la témérité à mettre toute sa confiance dans ce seul appui, et de ne pas ménager les moyens d’entretenir une bonne intelligence avec les puissances de l’Empire et du Nord[50]. » Nous étions donc enchaînés à l’Angleterre qui nous imposait ses alliances et s’opposait à celles qui s’offraient à nous. Georges Ier avait vraiment raison de se dire « roi de France et d’Angleterre », il l’était réellement avec Philippe d’Orléans et Dubois pour le servir.

 

Rumeurs de voyage du Tsar à Paris

Pierre tenait assez à l’alliance pour s’arranger des refus qu’on lui opposait : d’abord alliance défensive entre les deux couronnes qui se fussent garanti réciproquement leurs États, y compris les nouvelles provinces arrachées à la Suède par la Russie. La France refusa, le Tsar n’insista pas et se rabattit sur un subside de 25.000 écus par mois aussi longtemps que durerait la guerre du Nord. Le jour même où il faisait cette concession il se mettait secrètement en route pour Paris, et il eut souhaité entourer son voyage d’une sorte de mystère. « Le vœu de mon maître, disait Kourakin à Châteauneuf, est que l’on parle de lui en France le moins possible avant qu’il soit arrivé[51]. » Mais depuis plus d’un mois il était attendu et annoncé[52]. « Le Tsar vient ici et le Roy deffraye depuis l’entrée du royaume », écrit le baron de Breteuil, le 7 avril[53], et vingt jours plus tard il annonce l’arrivée du roi de Prusse[54]. Buvat apprend que M. de Saint-Olon ira sur les frontières de Flandre, avec quelques gardes du corps pour recevoir le Tsar et sa femme[55] et que le Régent a envoyé ordre dans tous les lieux de leur passage de les bien régaler[56] », on compte que la table seule du prince et de sa suite coûtera quinze cents livres par jour[57] et il est attendu pour le 26 avril[58], un maréchal de France ira le recevoir à dix lieues et un prince du sang à deux[59]. Le Régent se propose de divertir le Moscovite autant qu’il se pourra[60]. Déjà son appartement est préparé au vieux Louvre, meublé magnifiquement, quand il fait savoir qu’il ne l’occupera pas ; alors on lui prépare l’hôtel de Lesdiguières[61].

 

Voyage de Dunkerque à Paris

Le Tsar débarqua à Dunkerque le 30 avril[62] ; M. du Libois l’y attendait « avec des carrosses, des chevaux et des officiers de la maison du Roi pour lui faire trouver ses commodités partout et pour les voitures et pour sa subsistance[63] » ; on s’attendait bien à quelques innovations de la part d’un monarque si impétueux, aussi devait-on se conformer à toutes ses fantaisies en matière de cérémonial[64]. Le maréchal de Tessé, vieux courtisan, n’était plus homme à s’étonner de rien, il laisserait faire et laisserait dire le fantasque souverain à la rencontre duquel il se rendit jusqu’à Beaumont pour l’amener à Paris[65]. Le marquis de Nesle poussa jusqu’à Calais et dut s’accommoder du cortège le plus Etrange. Également incommodé par les carrosses du Roi, dans lesquels il étouffait, et par les chaises à deux roues, dont l’état de sa santé lui rendait les cahots pénibles, Pierre imagina de se fabriquer lui-même une voiture. Ayant rencontré sous une remise la caisse vermoulue d’une espèce de phaéton, il la fit lier avec des cordes sur deux longues solives, et en chargea des chevaux en forme de litière. Il se plaça lui-même sur ce siège élevé et totalement découvert. Les Français de son cortège lui représentèrent en vain que cet appareil était aussi peu convenable à son rang que dangereux pour sa sûreté ; car les chevaux qui n’avaient pas l'habitude de porter de tels fardeaux et de régler leur pas comme l’exige le transport des litières, l’exposaient à chaque instant aux chutes les plus funestes. Mais le Tsar, accoutumé à voir tout plier sous sa volonté, rejeta les observations avec impétuosité, et l’on fut plus effrayé de sa colère que de ses dangers. Des hommes soutinrent les chevaux et les brancards, et le souverain traversa deux de nos provinces, étalé avec indifférence sur cette grotesque et périlleuse machine[66].

La suite du Tsar se composait de quelques personnages aux noms rocailleux, tous asservis au despote et modelés d’après lui : chancelier, conseillers, chambellans, bouffon, aumônier, tous ivrognes, cupides et malpropres. L’aumônier buvait jusqu’à l’ivresse et revendait les cierges de sa chapelle dont il exigeait une abondante provision. Du Libois amusé écrivait de Calais :

« Il n’est pas possible de faire entendre raison à personne de cette Cour pour aujourd’hui : c’est le jour de leurs Pâques et, pour célébrer le mystère avec plus de dignité, ils se sont tous enivrés, hors Sa Majesté Czarienne qui, dit-on, ne boit jamais jusqu’à perdre la raison. Quand ils auront dormi, si je puis en tirer  quelque chose de positif, j’aurai l’honneur de vous le faire savoir. » A Amiens, l’intendant de Picardie, M. du Bernage, le marquis de Nesle et M. du Libois attendaient le Tsar à l’évêché, au milieu de toute la noblesse provinciale, quand ils apprirent que le « Cosaque » avait pris des chevaux de courrier, traversé la ville à fond de train et courait sur la route de Beauvais. Déçus mais amusés, les invités mangèrent le souper du Tsar et dansèrent chez l’évêque. A Beauvais, un concert, une illumination, un feu d’artifice et un dîner attendaient le voyageur qui mangea un morceau à la Poste aux chevaux et remonta en carrosse, brûlant le pavé.

 

Entrée du Tsar à Paris

A mesure qu’il approchait de Paris, Pierre devait rencontrer les personnages envoyés vers lui : Tessé d’abord, puis le comte de Toulouse, ensuite le duc de Bourbon et le prince de Conti, à Saint-Denis ; le Régent à la porte Saint-Denis, le Roi enfin au bas de l’escalier du Louvre[67]. Mais on avait sagement agi en réservant l’imprévu. Le Tsar arriva vendredi 7 mai à Paris sur les neuf heures et demie du soir, courant depuis Beauvais qu’il avait quitté le matin et n’ayant pris que le temps de dîner à Nointel, près de Clermont en Beauvaisis. Il avait rompu avec affectation toutes les mesures pour lui rendre les honneurs, s’était opposé au cérémonial projeté, avait déconcerté les princes dont pas un ne se trouva l’attendre lorsque, haletant et poussiéreux, il arriva au Louvre avec une escorte de trois cents grenadiers à cheval lestement vêtus. Il était près de dix heures. Louis XV dormait, le Régent soupait, on mena donc le Tsar dans l’appartement de la reine-mère, qui était meublé et éclairé magnifiquement. Il le trouva trop éclairé et trop magnifique et n’en voulut pas. On lui avait préparé deux tables de vingt-cinq couverts chacune, il refusa de souper, but deux coups de bière sans presque goûter à rien et décida de se rendre sur le champ à l’hôtel de Lesdiguières où il arriva passé onze heures. Il y témoigna dès l’entrée son mécontentement de trouver encore l’appartement trop beau pour lui, il fit choix d’un autre et fit tendre son lit dans une garde-robe[68]. Dès le lendemain ces incidents défrayèrent la gaieté des Parisiens à qui on promettait que la comédie durerait cent jours de suite[69].

 

Entrevues officielles

Le samedi matin le Régent alla, sur les dix heures, visiter le Tsar à l’hôtel de Lesdiguières ; les deux princes s’embrassèrent plusieurs fois et après un entretien d’un quart d’heure en public s’enfermèrent dans un cabinet, avec le prince Kourakin qui leur servait d’interprète, ils s’v entretinrent une heure et demie[70], et parurent fort contents l’un de l’autre, mais sans intimité[71]. Après cette visite, le Tsar ne voulut pas sortir de l’hôtel de Lesdiguières, quelque curiosité qu’il eût, ni donner aucun signe de vie, qu’il n’y eut reçu la visite du Roi. Elle fut faite le lundi 10, sur les quatre heures. Louis XV accompagné du duc du Maine et du maréchal de Villeroy, escorté par ses gardes, se rendit à l’hôtel de Lesdiguières où les gardes entrèrent dans la cour, l’épée à la main, comme à l’ordinaire. Le Tsar s’avança jusqu’à la portière du carrosse, embrassa l’enfant, le descendit lui-même et lui donnant la droite, le soutenant le long de l’escalier, le mena dans l’appartement en haut, marchant de front jusqu’à la chambre où ils trouvèrent deux fauteuils égaux. Le Roi s’assit dans celui de droite, le Tsar à côté de lui. On avait appris à l’enfant un joli petit compliment qu’il répéta à merveille, le Tsar en fut charmé, se leva, prit le petit garçon sous les deux bras, le haussa à son niveau, l’embrassa ainsi en l’air sans lui causer frayeur ni embarras. Pierre loua fort le Roi, joua avec ses belles boucles, blondes, l'admira tandis qu’on le fit promener dans la galerie pour le mieux faire voir, ne pouvant se lasser de l’embrasser. M. du Maine, le maréchal de Villeroy, et ce qui se trouva là de distingué fournirent la conversation. Après un petit quart d’heure, le Tsar ramena le Roi à son carrosse. En descendant le degré, le Tsar le tenait par la main, le maréchal de Villeroy dit : « Nous le laissons sous votre conduite[72]. »

 

Les occupations du Tsar à Paris

Ensuite se déroula le programme officiel avec visites écourtées, compliments ravalés et présents acceptés et emballés. Défilé du Corps de Ville en robes de velours offrant douze douzaines de flambeaux de cire blanche et douze douzaines de boëtes de confitures sèches[73]. Promenades matinales à la place Royale, à la place des Victoires et à la place Vendôme, aux Gobelins, au Jardin du Roi, à l’Observatoire[74], à la manufacture des glaces du faubourg Saint-Antoine[75], tout cela entremêlé de purgations, de visites aux ouvriers en réputation[76]. On avait pensé intéresser le Tsar en lui montrant les plans des places de guerre, mais il était surtout curieux des places maritimes[77]. La construction du Pont-Tournant le retint longtemps[78], l’Opéra l’ennuya[79], l’hôtel des Invalides l’enthousiasma. Là il voulut examiner et voir tout, jusqu’à goûter la soupe des vieux soldats et boire à leur santé, en les appelant « camarades » et en leur frappant sur l’épaule en signe d’amitié. Il fut très content de la manière dont les officiers étaient nourris et entretenus, visita l’église qu’il trouva superbe ; il fut aussi charmé de la lingerie, de l’apothicairerie et de l’infirmerie où il vit un vieux soldat qu’on croyait perdu, lui tâta le pouls, soutint que le malade vivrait, et celui-ci lui donna raison[80].

Chaque jour amenait une visite, une promenade, une fête ; le grand monde qui ne voyait dans tout cela qu’une occasion de parader et de se dissiper trouvait le Tsar fort à son goût[81], le peuple observait et remarquait la ladrerie de ce grand monarque qu’on défrayait de tout et qui lésinait à propos de tout et sur tout. Après sa visite aux Gobelins il donna un écu de cent sols aux ouvriers pour boire à sa santé[82] ; paya un écu quatre tasses de chocolat chez la Fresnaye[83] ; marchanda un manchon son à son jusqu’à ce qu’on le lui abandonnât pour onze francs[84]. Le  chroniqueur Buvat, à qui l'existence avait appris la valeur d’un écu et même d’un sol, s’étonne et prend soin de noter qu’à la Ménagerie le Tsar donna un pourboire de vingt-cinq sols[85], aux Gobelins il ne donna rien aux ouvriers qui lui apportèrent six pièces de tapisserie d’une beauté parfaite[86], à Trianon, rien aux musiciens qui le divertirent pendant quatre jours[87]. On savait que cet hôte coûtait à la France six cents écus par jour ; — une obole pour de grands seigneurs, une fortune pour les gens du peuple[88].

Il eut la curiosité de voir Meudon, Saint-Cloud, Versailles, Trianon, Sceaux, Fontainebleau, Petit-Bourg, Marly, etc. Cette agitation était illustrée d’incidents graveleux[89], d’ivresses suivies d’épisodes ignobles[90], d’amusements érotiques terminés par une avarie[91], et entrecoupée d’une visite à Saint-Cyr où Mme de Maintenon ne put éviter ses hommages[92]. « Le Tsar, raconte-t-elle ensuite à Mme de Caylus, est arrivé à sept heures du soir ; il s’est assis au chevet de mon lit, il m’a demandé si j’étais malade ; j’ai répondu que oui ; il s’est informé de la cause de mon mal, je lui dis : une grande vieillesse. Il ne savait qu’ajouter et son interprète ne paraissait pas m’entendre. La visite a été fort courte, il a ouvert les rideaux de mon lit pour me voir : vous croyez qu’il aura été satisfait. » Après cela c’est la procession de la Fête-Dieu, des chasses, des singularités et partout « de grandes marques de mesquinerie, causant souvent des dépenses aux particuliers qui n’en sont pas remboursés... ce qui fait murmurer[93]. Dangeau prend le parti de n’en plus parler, mais Buvat et le Gazetier ne l’épargnent guère : « Ce prince est fatiguant sur bien des choses, pour courir comme un basque sans songer si ceux qui l’accompagnent peuvent le suivre. Le maréchal de Tessé est sur les dents, le duc d’Antin a déserté la Cour ; il fatigue, il rebute, il honore de sa couche quelques fillettes qu’il paie mal » et qui lui imposent le recours aux chirurgiens. A Versailles, il habite dans le Château avec une fille de seize ans, sa suite festoie dans les cabarets sans rien paver, vole le linge des chambres  où elle couche[94], et son aumônier ne boit pas moins de quinze bouteilles de Champagne à chaque repas[95]. Et le même Gazetier toujours bien instruit ajoute : « Il est certain que le Tsar travaille à se nouer étroitement avec le Régent[96]. »

 

Inquiétudes que donne son séjour aux Cours étrangères

S’il faut en croire Saint-Simon ce serait lui qui suggéra au Régent le choix du maréchal de Tessé pour mettre auprès du tsar pendant son séjour, « comme un homme qui n’avait rien à faire, qui avait fort l’usage et le langage du monde, fort, accoutumé aux étrangers par ses voyages de guerre et de négociations en Espagne, à Turin, à Rome, en d’autres Cours d’Italie, qui avait de la douceur et de la politesse, et qui sûrement y ferait fort bien[97]. » Outre sa mission d’apparat, Tessé en eut une d’un caractère moins éclatant et qui lui fut moins honorable. Le voyage du Tsar en France attirait l’attention de toute l’Europe et la jalousie de l’Angleterre. On savait que le roi de Prusse avait eu dessein de le rejoindre à Paris et les sentiments de Pierre et de Frédéric-Guillaume à l’égard de l’Empereur Charles VI et du roi Georges Ier ne permettaient pas de douter qu’ils n’eussent en vue de conclure, par l’intermédiaire de la France, une paix avantageuse avec la Suède. Le roi de Prusse y poussait avec toute l’impétuosité de son caractère, demandait qu’on mit à profit les occupations que la guerre avec les Turcs donnait à l’Empereur pour se hâter, et signalait les agissements du roi d’Angleterre qui, en sa qualité de gendre, il souhaitait tout le mal possible. Le Prussien fit dire au Moscovite de se hâter de conclure une bonne alliance avec la France, il savait de source sûre que l’Empereur ne reculait pas devant l’idée de chasser à main armée les troupes russes du Mecklembourg. Le Tsar touché, ou feignant de l’être, répondit qu’il pensait sérieusement à un traité avec la France, qu’il tiendrait Frédéric-Guillaume au courant de tout et ne conclurait rien sans lui. Les autres Cours n’étaient pas moins préoccupées du voyage et du séjour du Tsar. Qu’a venait-il faire en France ? Le ministre Kniphausen espionnait pour le compte de son maître ; le roi de Pologne paya un ministre chargé de l’instruire des moindres démarches de Pierre Ier ; le roi de Danemark, quoique assez mal en point, ne recula pas devant la même dépense et l’Autriche entretint sous les noms d’agents plusieurs espions, insinuants comme des parasites et indiscrets  comme eux. Pierre Romanov dédaignait cette clique, allait son train et marchait à son but.

 

Il insiste pour nouer l’alliance

Immédiatement après son entrevue avec Louis XV, le Tsar réitéra formellement ses ouvertures de la Haye, et le Régent, mis en demeure, n’osa se dérober ; il désigna le maréchal de Tessé pour s’aboucher avec les trois ministres moscovites : Chafirof, Tolstoï et Dolgorouki. Ceux-ci avaient le mérite de s’exprimer sans détours. Voici leurs propositions, le 19 mai[98] : « Une amitié réciproque entre les nations, et une alliance. Il sera fait un traité de défensive, par lequel le Tsar et le roi de Prusse garantiront à la France les traités de Rade et d’Utrecht, et la France, de son coté garantira les conquêtes que le Tsar a faites sur la Suède, laquelle Suède ne sera point assistée d’argent ni de troupes directement ou indirectement. » Tessé ne promettait autre chose que de ne pas renouveler le traité existant avec la Suède et refusait toute garantie de conquêtes récentes et incertaines[99]. A cela les ministres, ou plutôt le Tsar lui-même, répondait dans son langage saccadé :

 

Ses considérations

« En effet, vous ne pouvez pas garantir les conquêtes que le Tsar a faites sur la Suède ? Eh bien ! laissez le Tsar agir comme il l’entendra sur la Suède, sans garantir ses conquêtes, mais mettez le Tsar au lieu et place de la Suède. Le système de l’Europe a changé, la base de tous vos traités c’est celui de Westphalie ; pourquoi la France s’est-elle unie à la Suède ? c’est que le roi de Suède avait alors des États en Allemagne, et qu’au moyen de la puissance de la Suède et des alliés que vous saviez en Allemagne, cette alliance balançait la puissance de l’Empereur. Cette situation de l’Europe a changé, la France a perdu ses alliés en Allemagne ; la Suède, quasi-anéantie, ne peut plus vous être d’aucun secours, la puissance de l’Empereur s’est infiniment augmentée, et moi, Tsar, je viens m’offrir à la France pour lui tenir lieu de la Suède ; je lui offre non seulement mon alliance, mais ma puissance, et en même temps celle de la Prusse, sans laquelle je ne pouvais pas agir ; la Pologne ne demandera pas mieux que d’y entrer, et quand la France, la Prusse, la Pologne et moi, Tsar, serons unis, non seulement par moi, Tsar, la balance que l’alliance de Suède vous devait faire sera rétablie, mais le grain que j’y mets remporte ; et bien que vous ayez fait un traité très à propos avec l’Angleterre et la Hollande, ce que moi, Tsar, vous propose n'y est point contraire ; la Hollande y trouvera son compte ; c’est son intérêt que l’Empereur ne soit pas si puissant et l’Angleterre est une puissance entr’elle si déchirée et si variable dans ses projets, que si à l’avenir elle vous manquait, lorsque vous aurez mis dans votre alliance le Tsar au lieu et place de la Suède, ledit Tsar vous tiendra lieu de tout ce que vous pouviez espérer de la Suède et de l’Angleterre ; de sorte que puisque vous ne pouvez ni ne voulez garantir les conquêtes que le Tsar a faites sur la Suède, il consent que vous ne les garantissiez pas : mais il vous demande d’entrer avec vous au lieu et place de la Suède, et vous demande par conséquent le même traitement que vous faites à la Suède, puisque je vous tiendrai lieu non seulement de la Suède, mais que je vous amène la Prusse[100]. »

Tessé transmettait à D’Huxelles cette vive et curieuse objurgation, se gardant de donner son avis et demandant la conduite à tenir. D’Huxelles répondait le même jour et lui adressait une instruction confidentielle « servant d’instruction pour la négociation entamée[101] » et dont D’Huxelles abandonnait la conduite au Régent[102] dont l’entourage n’avait pas assez de mépris pour ce Tsar qu’ils traitaient d’« extravagant, né pour être contremaître d’un vaisseau hollandais[103] ».

 

Instructions données au Maréchal de Tessé

Les instructions données au maréchal n’avaient d’autre but que de lui prescrire d’amuser le Tsar par un feinte négociation pour l’empêcher de se jeter dans les bras de l’Autriche ; on lui suggérait des réponses dilatoires, embarrassées, entortillées qu’en sa qualité de Manceau Tessé eut facilement trouvées dans son propre fonds. Le Roi était lié à la Suède par un traité signé à Versailles le 3 avril 1715, à la Pologne par un traité conclu à Rizzina le 10 août 1714, à la Prusse par un traité passé à Berlin le 14 décembre 1716 ; enfin à l’Angleterre et à la Hollande par le traité du 4 janvier précédent. Hanté par ce dernier engagement, le Régent, qui avait inspiré l’instruction donnée à Tessé, se montre uniquement dominé par la peur de l’Angleterre. « On croit devoir répéter surtout que S.A.R. ne veut s'écarter en quoi que ce puisse être des engagements pris par le traité de la Haye, ni donner le moindre sujet d’ombrage au roi de la Grande-Bretagne ...et comme elle croit ne pas devoir porter les liaisons avec le Tsar au-delà de simples termes d’amitié et de correspondance, fortifiés d’un traité de commerce, [le maréchal] ne peut trop peser ses expressions dans la conférence en sorte que les ministres du Tsar se portent par eux-mêmes, s’il est possible, à ne rien exiger de plus. »

 

Intervention de lord Stair

Tessé ne s’illusionnait pas sur le rôle qu’on lui demandait de tenir. « Le gouvernement, a-t-il écrit, n’avait d’autre intention que de voltiger et amuser le Tsar jusqu’au temps de son départ, sans rien conclure avec lui[104] ». Pour cela il fallait « ne pas laisser tomber la négociation » mais n’accepter « qu’une convention de bonne amitié et de commerce » sauf à « éluder tout autre engagement plus précis et plus fort », de nature à compromettre la Triple Alliance. « Tout, disait-on, doit être subordonné à cette vue. » Georges Ier était bien servi. Dubois assurait Crawford qu’il regardait comme inséparable de l’intérêt de la France, celui de l’Angleterre et de la Hollande, aussi, par rapport au Tsar, ne ferait-on rien sans communication préalable au roi d’Angleterre et sans son assentiment[105]. Ces protestations ne suffisant pas à lord Stair, celui-ci, au retour d’un voyage à Londres, se rendit chez Dubois qui réitéra ses serments de fidélité (29 mai). Le lendemain, Stair était au Palais Royal où le Régent lui « marqua dans les termes les plus forts son attachement inviolable pour les intérêts du Roy » et il en donnait les preuves en se dérobant à toutes les avances du Tsar aussi longtemps que celui-ci ne serait pas en bons rapports avec l’électeur de Hanovre. Et comme Pierre Ier répondait qu’il désirait vivre en amitié avec Georges Ier, Philippe d’Orléans poussait la complaisance jusqu’à lui dire qu’il fallait au préalable retirer les Moscovites du Mecklembourg, et le Tsar répondit que telle était son intention. Se fiant peu aux bons offices d’autrui, Stair employa la première moitié du mois de juin à préparer un rapprochement entre l’Angleterre et la Russie sur la base d’un traité de commerce et de l’évacuation du Mecklembourg. Ces ouvertures ne furent pas mal accueillies[106], mais Pierre Ier voulait obtenir de prime abord le concours de l’escadre anglaise contre la Suède et Georges Ier exigeait au préalable l’évacuation. Le Tsar se borna à envoyer de Paris à ses troupes l’ordre de se tenir prêtes à marcher[107]. Rien, dans ces conditions, ne pouvait aboutir entre la Russie et l’Angleterre, ni entre la Russie et la France qui eût souhaité « pour plaire à l’Angleterre » l’engagement ferme de retirer les troupes d’occupation du Mecklembourg[108]. Comment consentir un subside qui servira peut-être à leur entretien. Le roi Georges ne l’eût pas pardonné ; ce fut ainsi que a l’Angleterre nous rendit sourd aux invitations du Tsar[109] » ; l’asservissement était complet.

 

Dubois livre le secret à l'Angleterre

Le Régent ne manqua pas seulement de fierté, il manqua de droiture. Au lieu de convenir avec franchise que la France, en vertu d’engagements antérieurs devait payer des subsides à la Suède pendant dix mois encore, le maréchal de Tessé eut ordre de fabriquer un faux traité franco-suédois qu’il montrerait aux Russes comme étant l’original[110]. Et voici qui est pis encore ; malgré le secret solennellement promis, la Cour d’Angleterre fut tenue au courant de toute la marche de la négociation. Le nom du Tsar fut compromis, sa politique livrée, sa confiance bafouée ; quand il apprit cette trahison, Pierre s’indigna, réclama le châtiment de l’indiscret. Dubois attendit huit mois pour répondre et avoua finalement que la faute avait eu lieu à Paris[111] ; il ne s’en reconnut pas l’auteur, l’aveu lui sembla superflu.

 

Le Régent s’efforce de dissoudre la ligue du nord

Toute cette aventure diplomatique était son œuvre, car plus que jamais le Régent s’abandonnait aux inspirations de l’abbé. A son instigation il fit plus que de repousser les offres de Pierre Ier, il travailla à affaiblir le Tsar dans le nord de l’Europe. Par ses ordres, ses agents s’employèrent à dissoudre la ligue de la Prusse, de la Pologne et de la Russie parce qu’elle était suspecte à l’Angleterre[112]. Cette fois la servilité allait jusqu’à l’écœurement. Après  avoir fait mine d’accueillir les propositions de Gœrtz, on le désavoua durement : « La France, écrivait Dubois, ne s’intéresse pas à Gœrtz[113]. » Et afin d’arracher tout espoir à la Suède et toute force à la Russie, l’abbé entreprit de détacher la Prusse de cette ligue en lui faisant entrevoir la possibilité d’acquérir Stettin. Il chargea M. de Rottembourg de faire miroiter devant l’avide Frédéric-Guillaume ce gage magnifique d’un rapprochement et acheta trente mille écus le ministre prussien Ilgen pour le gagner à ces vues[114]. Il engagea La Marck à déterminer le roi de Suède à se rapprocher de la Prusse isolément[115] et Dubois suppliait les ministres anglais d’admettre le roi de Prusse dans la Triple alliance « pour le guérir de la peur du Tsar[116] ». Lorsque le ministre de Prusse, Kniphausen arriva à Paris, le maréchal de Tessé fut chargé de lui représenter les avantages « d’avoir des alliés plus solides que la puissance russe éloignée de ses États, incapable de la défendre contre l’Empereur et peut-être éphémère[117] ». Tandis que Châteauneuf négociait avec les Russes à Amsterdam, on songeait à former contre eux une coalition dans laquelle les troupes suédoises, danoises et prussiennes, appuyées par la Hotte anglaise, reprendraient tout ou partie des conquêtes de Pierre Ier. La politique et l’intérêt de la France étaient méconnus, la Suède remise en péril, l’alliance russe refusée, mais l’Angleterre, à ce prix, voyait se dissoudre une coalition, s’éloigner un péril, s’affermir son influence dans la Baltique, et l’Électeur de Hanovre gardait ses conquêtes sur la Suède sans avoir à redouter celles de la Russie[118].

 

Fin du séjour

Aheurté à de pareilles dispositions, le Tsar ne pouvait rien obtenir et son séjour se prolongeait sans résultat. L’attention bienveillante des premiers moments se lassait et faisait place à la fatigue. « Nous espérons qu’il partira bientôt » commençait-on à chuchoter et on le regardait, on le dévisageait sans surprise comme sans sympathie. Lorsqu’il vint visiter la Bibliothèque du Roi, le copiste Jean Buvat nous le montre « vêtu simplement d’un surtout de bouracan gris, assez grossier, tout uni, avec veste d’étoffe de laine grise dont les boulons étaient de diamant, sans cravate et sans manchettes ni dentelles aux poignets de sa chemise, ayant une perruque brune à l’espagnole, dont il avait fait couper le derrière pour lui avoir paru trop longue et sans être poudrée. Il avait un petit collet à son surtout, comme celui d’un voyageur. Il avait un ceinturon garni d’argent, par dessus son surtout, auquel pendait un coutelas à la manière des Orientaux. Ce prince était de haute taille, assez menu, plus maigre que gras, ayant le teint un peu pâle, sans aucun vermillon ; la vue un peu effarée et clignant fort souvent les yeux[119]. » Dans sa visite chez le duc d’Antin, il finit par remarquer l’insistante curiosité d’un tout petit homme, c’était Saint-Simon[120], qui le décrit tel à peu près que le copiste Buvat et qui, lui aussi, a remarqué « le regard majestueux et gracieux quand il y prenait garde, sinon sévère et farouche, avec un tic qui ne revenait pas souvent, mais qui lui démontait les yeux et toute la physionomie, et qui donnait de la frayeur. Cela durait un moment avec un regard égaré et terrible, et se remettait aussitôt[121] ». « Quelque simplement vêtu qu’il fût, quelque mal accompagné et voituré qu’il pût être ou qu’il parût, c’était en roi et en maître qui ne se pouvait méconnaître dans ses manières et jusque dans sa personne. L’envie de voir à son aise, l’importunité d’être en spectacle, l’habitude d’une liberté au-dessus de tout, lui fit souvent préférer les carrosses de louage, les fiacres, le premier carrosse qu’il trouvait sous sa main de gens qui étaient chez lui et qu’il ne connaissait pas, pour aller par la ville et souvent dehors ; après quoi c’était au maréchal de Tessé et sa suite de courir après, qui souvent ne le pouvaient joindre[122] », et se lamentaient : « Avec tous ces dérangements, il n’y a tête d’homme à qui la tête ne tournât[123]. » Pierre Ier s'avisait-il pas de visiter les docteurs de Sorbonne qui l’entretinrent de l’union des Églises et de la facilité à l’établir. Le Tsar vit dans quel guêpier il s’était jeté et répondit que cette affaire était trop grave et qu’il était impossible de l’arranger à bref délai ; qu’en outre il s’occupait davantage des affaires militaires » et il leur conseilla d’en écrire aux évêques russes qui leur feraient  réponse[124]. La Sorbonne rédigea un mémoire de ton modéré qui horrifia la Cour romaine et le Saint-Synode par l’énoncé des prétentions gallicanes et des superstitions catholiques. Pendant ce temps, quelques jésuites infiltrés à Pétersbourg s’alarmaient à l’idée de voir leur Tsar rapporter le jansénisme en Russie[125].

 

Départ du Tsar

Il n’y rapporta que des Gobelins et un titre d’académicien[126]. Avant son départ, il souhaitait passer l’inspection de la maison du Roi, des régiments des gardes suisses et françaises sous les armes ; on y ajouta deux compagnies de mousquetaires et du guet, des gendarmes et des chevau-légers, dans la plaine des Sablons. Il s’y rendit à cheval, passa la revue avec le Régent et tout ce que la France comptait d’illustrations militaires, Villars et Je comte de Toulouse, jeta un coup d’œil, tourna bride et partit au galop, ce qui fit dire qu’il avait été saisi d’une colique[127]. Suivi du Régent il entra dans le jardin des Tuileries par le pont-tournant pour saluer Louis XV qui s’amusait aux jeux de son âge, ensuite il attira le Régent dans une loge de suisse et ils restèrent enfermés une demi-heure avec l’interprète[128]. Le 20 juin, le Tsar quitta Paris se dirigeant vers Spa[129], attendri au départ sur cette France « que son luxe ne pouvait manquer de perdre et bientôt[130] ».

 

Le traité d’Amsterdam

Après le départ du Tsar, la négociation reprit avec plus d’activité, mais elle se déplaça et revint à son lieu d’origine, à Amsterdam. Le roi de Prusse y était représenté par Kniphausen chargé d’introduire une clause réservant ses obligations de prince de l’Empire, ce dont le Régent ne voulut pas entendre parler. Le Prussien n’insista pas et le traité d’amitié et d’alliance entre le roi de France, le Tsar de Russie et le roi de Prusse fut signé à Amsterdam le 15 août 1717, pour le maintien des traitée d’Utrecht et de Rade et de ceux qui seraient conclus pour la paix du Nord.  On convenait de concerter un traité de commerce sur le pied des nations les plus favorisées. On prévoyait aussi le cas où, l’une des trois puissances contractantes, venant à être attaquée, on réglerait par une convention particulière les secours à fournir par les deux autres. Le Tsar et le roi de Prusse admettaient le principe de la médiation française pour la paix avec la Suède.

A la suite du traité d’Amsterdam, M. de Campredon fut envoyé en Russie en qualité de ministre plénipotentiaire, et M. Villardeau comme consul ; ils furent nos premiers agents diplomatiques dans ce pays.

 

 

 



[1] British Museum, ms. n. 8756, Mémoires de Cellamare, fol. 72 : Nel primi tempi della Regenza a tutte altre privalse la casa di Noailles.

[2] Ch. Aubertin, L'Esprit public en France au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1873, p. 78.

[3] Ch. Aubertin, op. cit., p. 73-74.

[4] Ch. Aubertin, op. cit., p. 77.

[5] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 103. 8 juin 1717 ; Buvat, Journal, t. I, p. 281-282 ; 20 juin ; Lémontey, Histoire de la Régence, in-8°, Paris, 1832, t. I, p. 107-108 ; Ch. Aubertin, op. cit., p. 112 ; Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIV, p. 417 ; L. Wiesener, op. cit., t. II, p. 36.

[6] Arch. des Affaires Etrangères, Espagne, Mémoires, et Documents, t. 140, fol. 78.

[7] M. d’Iberville à M. de Torcy, la Haye, 10 février 1715, dans Lémontey, op. cit., t. II, p. 385 ; Brit. Mus., Addit. mss. 20292. Papiers du cardinal Gualterio, fol. 186-190.

[8] Sur le personnage et les projets de Gœrtz, voir G. Syveton, L’erreur de Gœrtz, dans Revue d’histoire diplomatique, 1895-1896.

[9] M. de Châteauneuf au maréchal d’Huxelles, la Haye, 12 et 19 mars 1717, dans Lémontey, op. cit., t. II, p. 386.

[10] Letters which passed between Count Gyllenborg the barons Gœrtz, Spaar and other relating to the design of raising a rebellion in his Majesty’s dominions to be supported by a force from Sweden. Published by authority, 1717, (franç. et angl.), il existe une édition française in-4° ; Dublin, 1717 ; Chance, George I and his relations with the Sweden et The Swedish Plot of 1716 ; dans English historial review, 1902, 1903.

[11] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. IX : Crawford à lord Stair, Paris, 9 mars 1717.

[12] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. IX : Crawford à lord Stair, Paris, 10 mars 1717 ; Public Record Office, France, vol. 350 : Crawford à Methuen, Paris, 10, 17 mars 1717.

[13] Public Record Office, France, vol. 350 : Th. Crawford à Methuen, Paris, 27 mars 1717.

[14] Public Record Office, France, vol. 350 : Crawford à Methuen, Paris, 17 avril 1717.

[15] Lémontey, Histoire de la Régence, 1832, t. I, p. 129-130 ; t. II, p. 383-387.

[16] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 10 : lord Stanhope à Dubois, 5 avril 1717.

[17] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 23 : Dubois à lord Stanhope, 16 avril 1717.

[18] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 48 : Robethon à Dubois, 12 avril ; ibid., fol. 20 mai ; fol. 263 et 320 ; Dubois à Robethon, 9 juin et 17 juillet 1717.

[19] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 95 : Beretti Landi à Dubois, 2 mai 1717.

[20] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 64 : Duywenworden à Dubois, 30 avril 1717 ; ibid., fol. 96 : Dubois à Duywenworden, 13 mai 1717.

[21] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 43, 69, 285, 351, 379 : Dubois à Basnage, 23, 30 avril, 18 juin, 19 juillet, 8 août 1717 ; ibid., 300, fol. 70 : Dubois à La Sarraz (gendre de Basnage), 30 avril 1717.

[22] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 27 : Dubois à Stanhope, 16 avril 1717.

[23] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 73 : Dubois à Stanhope, 1er mai 1717.

[24] Mémoires remis par le comte de Gœrtz au Cabinet de Versailles, mars 1717, dans Instructions données aux ambassadeurs et ministres de France depuis les traités de Westphalie. Geffroy, Suède, in-8°, Paris, 1885, p. 485 ; Instructions du Comte de la Marck, mars 1717, ibid., p. 285.

[25] The interests of Great Britain steadily pursued, 1715 ; W. Coxe, Memoirs of Walpole, t. I, p. 87.

[26] La crise du Nord et Mémoire d'une personne intéressée et sensible au commerce de la Baltique, décembre 1716, dans Lamberty, Mémoires pour servir à l’histoire du XVIIIe siècle, in-4°, Amsterdam, 1734-1735, t. IX, p. 663 ; Chance, The Baltic expedition ; the Northern question in 1716, dans English historical review, 1903, 1904.

[27] Mémoire remis par le comte de Gœrtz au Cabinet de Versailles, mars 1717, op. cit., p. 485.

[28] Voltaire, Histoire de Charles XII, édit. Waddington, p. 264.

[29] Bonnet au roi de Prusse, 16 mars 1717, dans J.-G. Droysen, Geschichte der preussischen Politik, in-8°, Leipzig, 1869, Part IV, sect. II, t. I, p. 203, note 2.

[30] Bibl. nat., ms. franç. 10670-10672, Torcy, Mémoires inédits, t. I, p. 116 ; Saint-Simon, Mémoires, t. XIII, p. 320.

[31] Public Record Office, Holland, vol. 379 : Leathes à lord Stanhope, la Haye, 2 avril 1717.

[32] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 301, fol. 124 : Instructions à Dubois et à Châteauneuf.

[33] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 303, fol, 279, suivantes. : Louis XV à Châteauneuf, 5 janvier 1717.

[34] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 303, fol. 300 : D’Huxelles à Châteauneuf, 5 janvier 1717.

[35] Dangeau, Journal, t. XVI, 22 novembre et 23 décembre 1716.

[36] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 312, fol. 156 : Dubois au Régent, 10 décembre 1716.

[37] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 86 : Châteauneuf à d’Huxelles, 12 janvier 1717.

[38] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 318, fol. 63, suivantes : Dubois au Régent, 12 janvier 1717 ; Bliard, Dubois, t. I, p. 261-263.

[39] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 97 : Dubois à d’Huxelles, 12 janvier 1717.

[40] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 102 : d’Huxelles à Dubois, 19 janvier 1717.

[41] Arch. Aff. Etrang., Dépêches de Châteauneuf, 14 et 21 janvier 1717, dans Vandal, Louis XV et Elisabeth de Russie. Etude sur les relations de la France et de la Russie au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1882, p. 24, Châteauneuf avait ordre d’écouter ces ouvertures : Instructions données aux ambassadeurs et ministres de France depuis les traités de Westphalie, Rambaud, Russie, 1590, t. I, p. 138, Rottembourg à Berlin avait ménagé cette entrevue, Bruckner, Peter des Grosse, p. 435.

[42] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 303, fol. 300 : D’Huxelles à Châteauneuf, 3 janvier 1717 ; Rambaud, op. cit., p. 139.

[43] Arch. Aff. Etrang., Hollande, Châteauneuf à d’Huxelles et du Roi, 14 janvier 1717 ; Vandal, op. cit., p. 24.

[44] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 92 ; Dubois à Robethon, 12 mai 1717 ; Annals of Stair, t. II, p. 15.

[45] A. Vandal, op. cit., Introd. p. VI.

[46] Lémontey, Histoire de la Régence, in-8°, Paris 1832, t. I, p. 116 ; P. Roux, Politique extérieure de Pierre le Grand, dans Revue d'histoire diplomatique, 1903, t. XVII, p. 182-215.

[47] Bibl. nat., ms. fr. 10670, Torcy, Mémoires inédits, t. II, fol. 353, 359 ; Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIV, p. 30, 59 ; De Guichen, Pierre le Grand et le premier traité franco-russe, 1682-1717, in-12, Paris, 1908, p. 23-71 ; Les relations franco-russes depuis l’avènement de Pierre le Grand jusqu’à la fin de 1716.

[48] Dubois au Régent, la Haye, 12 janvier 1717, dans Ch. Filon, L’alliance anglaise au XVIIIe siècle, depuis la paix d’Utrecht jusqu’à la guerre de la succession d’Autriche, in-12, Orléans 1860.

[49] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 170 : D’Huxelles à Dubois, 19 janvier 1717, Rambaud, Instructions... (de) Russie, p. 150.

[50] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 197 : D’Huxelles à Châteauneuf, 14 janvier ; Rambaud, op. cit., p. 149.

[51] Arch. Aff. Etrang., Hollande, Dépêche de Châteauneuf, 30 mars 1717, dans A. Vandal, op. cit., p. 30.

[52] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 53 ; 27 mars : « le bruit commence à se répandre que le tsar veut venir en France ; on dit même qu’il y amènera sa femme. »

[53] M. de Breteuil à Mme de Balleroy, 7 avril 1717, dans Les correspondants de la Marquise de Balleroy, t. I, p. 145.

[54] M. de Breteuil à Mme de Balleroy, 27 avril 1717, dans op. cit., t. I, p. 159 ; Gazette de la Régence, p. 167 ; 9 mai ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 72 ; 24 avril 1717.

[55] Buvat, Journal, t. I, p. 261 ; A. Gachard, Voyages de Pierre le Grand dans les Pays-Bas autrichiens, in-8°, Bruxelles, 1878.

[56] Buvat, Journal, t. I, p. 263.

[57] Buvat, Journal, t. I, p. 264.

[58] Gazette de la Régence, p. 164 ; 23 avril 1717.

[59] Gazette de la Régence, p. 165 ; 26 avril 1717 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 63 ; 12 avril 1717.

[60] Gazette de la Régence, p. 166 ; 26 avril 1717.

[61] Gazette de la Régence, p. 167 ; 30 avril 1717 ; Buvat, Journal, t. I, p. 261 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 63 ; 12 avril 1717 ; p. 71 ; 23 avril.

[62] E. Bouchet, Origine des relations franco-russes. Pierre le Grand à Dunkerque, 21-25 avril 1717, dans Mémoires de la Société dunkerquoise pour l’encouragement des sciences, des lettres et des arts, 1901, t. XXXV, p. 93-204 ; J. du Teil, Le Czar à Dunkerque, 1717, dans Union Faulconnier, Société historique de Dunkerque et de la Flandre maritime, 1902, t. V, p. 113-190.

[63] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 58 ; 4 avril 1717. Les instructions données à M. du Dubois sont aux Arch. Aff. Etrang., Russie, VII, fol. 23, dans Rambaud, op. cit., p. 158 suivantes.

[64] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 63, 74 ; 12 et 28 avril 1717.

[65] Gazette de la Régence, p. 167 ; [3] mai ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 71 ; 23 avril 1717 ; sur Tessé, voir Revue histor. et archéol. du Maine, 1905, p. 31.

[66] Lémontey, Histoire de la Régence, t. I, p. 111-113 ; les lettres de M. du Libois dans Recueil de la Société impériale d’Histoire de Russie, t. XXXIV. De Guichen, op. cit., p. 175-176.

[67] Gazette de la Régence, p. 169.

[68] Buvat, Journal, t. I, p. 265 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 80 ; 7 mai 1717 ; Gazette de la Régence, p. 171-172 ; 8 mai ; M. Caumartin de Saint-Ange à Mme de Balleroy, 10 mai, dans op. cit., t. I, p. 162-163 ; De Grouchy, Pierre le Grand à Paris en 1717 (récit de P. Furcy) dans Bulletins de la Société d'histoire de Paris et de l’Ile-de-France, t. XVIII, 1891, p. 15.

[69] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 58 ; 4 avril 1717.

[70] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 82 ; 8 mai ; Gazette de la Régence, p. 172 ; M. de Caumartin à Mme de Balleroy, 10 mai, dans op. cit., t. I, p. 163.

[71] Saint-Simon, Mémoires, (1905), t. IX, p. 230-231.

[72] Buvat, Journal, t. I, p. 265-266 ; Gazette de la Régence, p. 173, 14 mai ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 83-84 ; 10 mai 1717 ; Saint-Simon, loc. cit.

[73] Arch. nat., H 1847, fol. 147, De Guichen, op. cit., p. 195-199 ; Gazette de la Régence, p. 174. Hub. Le Blanc, Le Czar Pierre Ier en France, 2 vol. in-8°, Amsterdam, 1741.

[74] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 84, 85 ; 11-12 mai 1717 ; Gazette, p. 174, 176.

[75] Buvat, Journal, t. I, p. 266.

[76] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 85, 87 ; 13, 15 mai, Gazette, de la Régence, p. 176.

[77] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 86 ; 14 mai ; Gazette, p. 176.

[78] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 86 ; 14 mai 1717.

[79] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 86 ; 15 mai 1717 ; M. de Caumartin à Mme de Balleroy, 19 mai, dans op. cit., t. I, p. 163 ; Saint-Simon, Mémoires (1905), t. IX, p. 231.

[80] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 90 ; 16 mai ; Caumartin, loc. cit., p. 164 ; Lémontey, op. cit., t. I, p. 113.

[81] M. de Caumartin à Mme de Balleroy, 19 mai, dans op. cit., t. I, p. 163.

[82] Buvat, Journal, t. I, p. 266.

[83] Gazette de la Régence, p. 176.

[84] Gazette de la Régence, p. 176 ; Buvat, Journal, t. I, p. 266-267.

[85] Buvat, Journal, t. I, p. 267-268.

[86] Buvat, Journal, t. I, p. 269.

[87] Buvat, Journal, t. I, p. 275 ; Gazette de la Régence, p. 182-183.

[88] Gazette de la Régence, p. 186, 188 ; Saint-Simon, Mémoires (1905), t. IX, p. 233.

[89] Buvat, Journal, t. I, p. 268.

[90] Buvat, Journal, t. I, p. 271-272.

[91] Buvat, Journal, t. I, p. 275-276.

[92] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 101, 104 ; 4, 10 janvier 1717.

[93] Gazette de la Régence, p. 182-183, 184.

[94] Gazette de la Régence, p. 184, 186, 187-188 : « Nous espérons qu’il partira le 15 ou le 16. »

[95] Gazette de la Régence, p. 186.

[96] Gazette de la Régence, p. 183.

[97] Saint-Simon, Mémoires (1905), t, IX, p. 227.

[98] Mémoires et lettres du maréchal de Tessé, contenant des anecdotes et des faits historiques inconnus, sur une partie des règnes de Louis XIV et de Louis XV, édit. Grimoard, in-8°, Paris, 1806, t. II, p. 313 : Mémoire du maréchal de Tessé au maréchal d’Huxelles, le 19 mai 1717. Propositions des ministres du Tsar.

[99] Ibid., t. II, p. 314 : Réponse du maréchal de Tessé.

[100] Ibid., t. II, p. 314-316 : Réplique des ministres du Tsar.

[101] Ibid., t. II, p. 321 : Mémoire secret pour M. le maréchal de Tessé, servant d’instruction pour la négociation entamée ; Arch. Aff. Etrang., Russie, VII, fol. 126 ; Rambaud, Russie, p. 170, suivantes.

[102] Ibid., t. II, p. 320 : Réponse du maréchal d’Huxelles au maréchal de Tessé, 19 mai 1717.

[103] Voltaire à M. de Chauvelin, 30 octobre 1760, dans Lémontey, op. cit., t. I, p. 111, note 1.

[104] Tessé, Mémoires, t. II, p. 314 : Rambaud, Instructions... (Russie), p. 178.

[105] Public Record Office, France, vol. 350 : Crawford à Addison, Paris, 24 mai 1717.

[106] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. XI : Instructions de l’amiral Morris, Londres, 25 juin (= 6 juillet), 1717.

[107] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. XI : Robethon à lord Stair, Saint-James 8 (= 19) juillet 1717.

[108] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 263 : Dubois à Robethon, 9 juin 1717 ; Rambaud, op. cit., p. 186-187 ; D’Huxelles à Tessé, dans Mémoires de la Société impér. d’histoire de Russie, t. XXXIV.

[109] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIV, p. 33-36.

[110] Tessé, Mémoires, t. II, p. 347.

[111] Arch. Aff. Etrang., Russie, ann. 1721-1722 ; les plaintes du Tsar sont du 21 décembre 1721, la réponse de Dubois du 14 octobre 1722.

[112] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 287 : Dubois à Heinsius, juin 1717 ; ibid., Angleterre, t. 300, fol. 262 : Dubois à Robethon, 9 juin 1717.

[113] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 203, Dubois à Robethon, 9 juin 1717.

[114] Arch. Aff. Etrang., France, t. 56, fol. 109-118 : Rottembourg au Régent, 27 février (= 9 mars) 1717.

[115] Arch. Aff. Etrang., Prusse, t. 56, fol. 129 : D'Huxelles à Rottembourg, 24 mars 1717.

[116] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 263 : Dubois à Robethon, 9 juin 1717 ; ibid., fol. 345 : Dubois à lord Stanhope, 17 juillet 1717.

[117] E. Bourgeois, Le secret du Régent et la politique de l’abbé Dubois, p. 214 ; A. Rambaud, Instructions... (Russie), p. 180-181.

[118] E. Bourgeois, op. cit., p. 213-214.

[119] Buvat, Journal, t. I, p. 270 ; Lémontey, op. cit., t. I, p. 111, note 1 ; Saint-Simon, Mémoires (1905), t. IX, p. 229-230.

[120] Saint-Simon, Mémoires, (1905), t. IX, p. 235.

[121] Saint-Simon, Mémoires, (1905), t. IX, p. 229.

[122] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 80-81 ; Gazette de la Régence, p. 176.

[123] Mémoires de la Société impériale de Russie, 1881, t. XXXIV, p. 206, et départ du Tsar.

[124] De Guichen, op. cit., p. 225.

[125] P. E. Lémontey, op. cit., t. I, p. 115, note 1.

[126] Procès-verbaux des séances de l’Académie des sciences, du mercredi 22 décembre 1717.

[127] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 108 ; Buvat, Journal, t. I, p. 276 ; le 16 (non pas le 17) juin 1717 ; Paul d’Estrée. Le « Pot Pourry » de Menin, Documents inédits dans Souvenirs et mémoires, 1900, t. IV, p. 148.

[128] Buvat, Journal, t. I, p. 277.

[129] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 114 ; 20 juin 1717, J. Bourguignon, Un empereur de Russie dans les Ardennes. Le passage de Pierre-le-Grand à son départ de France en 1717, dans Revue d’Ardenne et d'Argonne (Sedan), 1901-1902, t ; IX, p. 1, 65, 181 ; Le même, Nouvelles notes sur le passage de Pierre-le-Grand en 1717, dans même revue, 1903-1904, t. XI, p. 81-92.

[130] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 81.