HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME PREMIER

 

CHAPITRE X. — Esquisse d’une alliance anglaise (Septembre 1715-février 1716).

 

 

Le Régent forcé de se tourner vers l’Angleterre. — Sympathies jacobites en France. — Situation de Georges Ier. — Triomphe du parti tory. — Défiance et haine persistantes à l’égard de la France. — Violente réaction en Angleterre. — Lord Stair. — Projets de descente du Prétendant. — Moyens dont il dispose. — Hésitations du Régent. — Avertissement de Stanhope. — Exigences de Stair auxquelles s’associe l’ambassadeur des Provinces-Unies. — Proposition d’une garantie réciproque. — Les affidés de lord Stair. — Insistance pour la conclusion du traité. — Mécontentement de Stanhope. — Le Régent veut ménager tout le monde. — Fuite du Prétendant. —Stair place sur sa route le colonel Douglas. — Le guet-apens de Nonancourt. — Arrivée du Prétendant. — Il échappe aux assassins. — Stair réclame ses complices. —L’opinion publique l’accuse. — Désastre des jacobites. — Dépit du cabinet, anglais. — Fin de l’équipée du Prétendant. — Revanche de lord Stair. — Le projet d’alliance se soutient. — Projet de démembrement de lord Stair.

 

Le Régent forcé de se tourner vers l’Angleterre

A toutes les avances du Régent, l’Espagne, impatiente de s’allier à l’Angleterre, avait oppose les procédés les plus désobligeants ; ils pouvaient non seulement rompre l’accord des deux nations, mais encore la paix de l’Europe, à laquelle était attaché le salut de la France, incapable de soutenir la lutte contre une nouvelle coalition. La situation générale de l’Europe et la situation particulière du royaume ne laissaient au Régent d’autre politique à suivre qu’une négociation avec l’Angleterre.

 

Sympathies jacobites en France

Personnellement, le duc d’Orléans était sympathique à une nation et à un gouvernement aussi différents que possible de la nation française et du gouvernement despotique. Il lui fallait cependant compter avec l’opinion publique en France, disons mieux, avec le sentiment national hostile à l’Angleterre et passionnément attaché au descendant des Stuarts. On reporta sur cet adolescent l’intérêt affectueux que son père avait lassé par sa sottise et par ses ridicules, en sorte que Jacques III, — le Prétendant — jouissait en France d’une popularité réelle et générale. La paix d’Utrecht ayant imposé à Louis XIV l’obligation de fermer son royaume à « la personne qui avait pris le titre de roi de la Grande-Bretagne », Jacques s’était retiré sur les terres du duc de Lorraine. Cependant un espoir survivait. La Reine Anne détestait l’héritier d’occasion que lui destinait une loi successorale rédigée dans le but de rassurer les protestants ; elle avait résolu de ne rien oublier pour écarter l’électeur de Hanovre et assurer le trône à son jeune frère. De Châlons-sur-Marne ce prince s’était transporté à Bar-le-Duc où les whigs le jugeaient trop à portée d’intervenir en Angleterre, néanmoins il y demeurait sachant qu’on travaillait pour lui. Dans son exil il affectait de faire accueil aux protestants, de les admettre à son service, de les autoriser à pratiquer leur culte, ce qui devait, espérait-il, faire tomber les préventions confessionnelles. Bolingbroke et ses collègues du ministère étaient divisés entre eux par des haines trop violentes pour avancer beaucoup une affaire si difficile à conduire ; lorsque le 12 août 1714 la reine Anne mourut, après quelques jours à peine de maladie, la dynastie hanovrienne fut saluée en Angleterre d’une acclamation unanime. « La joie déborde ici, écrit un témoin oculaire. Les fonds montent prodigieusement. Les marchands se promettent de grandes affaires ; les soldats beaucoup d’occupation ; les gens hors de place, tous les emplois qui sont aux mains des autres[1]. » Ces circonstances ignorées du Prétendant lui eussent fait comprendre l’inutilité de sa course de Bar à Versailles, d’où Torcy l’envoya prendre les eaux à Plombières, Là, il lança, le 29 août, un manifeste affirmant ses droits à la couronne et assumant le titre royal. La prudence de Torcy était d’autant plus louable que notre envoyé à Londres, M. d’Iberville, impressionné par les incidents journaliers de la session parlementaire et quelques émeutes survenues dans divers comtés, écrivait que le parti du Prétendant était si considérable qu’on touchait à une révolution totale. A Paris, on pariait pour la victoire de Jacques III, vers qui montaient tous les vœux[2].

 

Situation de Georges Ier

A Londres, l’alliance avec la France était aussi impopulaire que pouvait l’être, en France, l’alliance anglaise. Les Anglais n’ignoraient pas l’affection des Français pour le chevalier de Saint-Georges et s’en offensaient comme d’une provocation et d’une menace à leur indépendance. Loin en arrière des deux grands partis, whig et tory, le parti jacobite était faible par le nombre, plus faible encore par l’influence, mais il pouvait offrir un appoint appréciable aux tories et provoquer ainsi de graves embarras ou même de sérieux dangers à un gouvernement identifié avec les whigs. Georges Ier s’appuyait sur eux et entendait faire triompher leur politique à laquelle il associait étroitement la sienne. Prince allemand possédant en Allemagne des intérêts territoriaux, d’une exceptionnelle importance, George venait d’acquérir du roi de Danemark, moyennant argent, les duchés de Brème et de Verden (17 mai 1715), arrachés à Charles XII. Pour se maintenir en possession de ces nouveaux états, Georges avait besoin de la sanction de l’empereur Charles VI qu’il ménageait de son mieux, tâche difficile, car l’Empereur n’était pas moins hostile à l’électeur de Hanovre, trop avide d’agrandissements, qu’au roi d’Angleterre responsable[3] de la paix d’Utrecht si funeste à l’Empire.

 

Triomphe du parti tory

Cette paix glorieuse et utile à la France n’était pas moins avantageuse à l’Angleterre de qui elle atteignait le but politique poursuivi pendant toute la guerre de Succession. Votée, applaudie avec enthousiasme, elle avait obtenu l’approbation du pays et de la Cité de Londres et valu aux tories quatre années de suprématie électorale. Mais les whigs se taisaient, ils ne désarmaient pas ; leur colère impuissante attendait l’heure de se manifester. James Stanhope, Charles Townshend, Robert Walpole attaquaient la paix sans parvenir à ébranler la majorité qui la défendait. Stanhope avait d’autres soucis, il voyait la succession hanovrienne compromise et formait une association armée pour la défense des droits de Georges à qui le baron Schutz, envoyé de Hanovre, faisait savoir que si le Prétendant se montrait le premier dans un port d’Angleterre, neuf personnes sur dix l’acclameraient[4].

 

Défiance et haine persistantes à l’égard de la France

Proclamé et acclamé, Georges Ier s’achemina sans trop de hâte vers son royaume, débarqua à Greenwich le 18 septembre 1714 et prodigua aussitôt aux tories toutes les avanies d’une disgrâce éclatante. Le règne des whigs commençait. Les élections leur donnèrent une majorité irrésistible que l’attitude prise par la Cour rendait certaine d’avance[5], ils se conduisirent comme des conquérants en pays ennemi, annoncèrent la répression des partisans du Prétendant et le châtiment des négociateurs de la paix d’Utrecht. La crainte du Prétendant ne se faisait si bruyante que parce qu’elle servait à manifester l’aversion persistante envers son protecteur, Louis XIV. L’esprit de haine insufflé par Guillaume III survivait au spectacle des désastres et des humiliations infligés à son vieil adversaire. La France de Ramillies et de Malplaquet, de la Haye et de Gertruydenberg était un spectacle si nouveau, si incroyable que ceux-là même qui s’en repaissaient n’en étaient pas convaincus et se croyaient les jouets d’une illusion. La France, arbitre des nations à Nimègue et à Ratisbonne, les offusquait encore après trente années. Son endurance nu sein d'inénarrables douleurs, sa fermeté devant les revers, son génie réveillé à Denain, révélaient tant de vitalité que l’imagination troublée de ses ennemis la voyait telle qu’autrefois : triomphante et menaçante. Ceux d’entre eux qui savaient se souvenir du rôle de leur pays, lorsque Charles II y régnait sous le protectorat du roi de France, n’étaient pas éloignés de voir dans Georges Ier une manière de défenseur providentiel.

Cette hantise de la puissance française est clairement exprimée dans une dépêche de Horace Walpole, représentant de la Grande-Bretagne à la Haye : « La dernière paix, y est-il dit, fut faite tellement à l’avantage de la France, avec un si grand dérangement des mesures des alliés ; et les desseins d’un certain ministre [Bolingbroke] étaient si pernicieux, qu'on ne pouvait que s’attendre aux conséquences les plus fatales, si la Providence ne se fût interposée en plaçant Sa Majesté [Georges Ier] sur le trône de la Grande-Bretagne. Cet heureux événement donna un nouveau tour aux affaires, et les rétablit jusqu’à ce point que de faire espérer au public que le roi de France serait fort content, dans un si grand âge, de finir ses jours en repos. Mais nous avons vu depuis que, jusqu'au dernier moment de sa vie, il a gardé ses vieilles maximes de bigoterie et d’ambition, et qu’H avait concerté le projet de soutenir le Prétendant dans le dessein qu’il avait formé d’envahir les États de Sa Majesté, directement contraire au traité de paix qu’il avait si fraîchement signé. Mais la Providence a bien voulu, par la mort de ce monarque, arrivée si à propos, détourner encore ce coup qui menaçait la religion protestante et la liberté de l'Europe[6]. » La conclusion tendait au raffermissement de l’alliance entre l’Angleterre, l'Empire et les Provinces-Unies, car « l’expérience de deux guerres longues et d'une grande dépense a fait voir que la France est une puissance égale aux forces unies du Roi, de l'Empereur et des États. Et, la paix présente étant si avantageuse à la France, il s’ensuit qu’aucune de ces trois puissances n’est en état ni n’oserait entreprendre d’attaquer la France sans la concurrence des deux autres ; et on peut fort raisonnablement supposer que tout unies qu’elles puissent être, elles ne renouvelleront point la guerre sans y être forcées. »

 

Violente réaction en Angleterre

Si Georges Ier et ses ministres Townshend et Stanhope n’avaient que faire des conseils de Walpole, ils accueillaient avec bienveillance cette manifestation d’hostilité à l’égard du Prétendant et du traité d’Utrecht qui leur étaient également odieux. Dès le mois d’avril 1715, la Chambre des communes procédait à l’examen des actes du ministère tory ; en juin, Bolingbroke, Je comte d’Oxford, le duc d’Ormond, le comte de Strafford furent mis en accusation. Strafford n’était coupable que d’avoir été l’un des deux plénipotentiaires britanniques à Utrecht ; le poète Mathieu Prior, ambassadeur de la reine Anne à Versailles était rappelé et ceux qui lui avaient prédit « que la potence serait la récompense de ses travaux » commençaient à craindre d’avoir dit trop vrai[7].

 

Lord Stair

Lord Stair, qui remplaçait Prior, réglait sa conduite d’après d’autres maximes. Quelques semaines à peine lui avaient suffi pour se rendre à charge à Louis XIV, se brouiller avec Torcy, intriguer avec le duc d’Orléans, cabaler avec l’abbé de Thésut ou l’abbé Dubois, insupportable et redoutable par ses façons communes, son langage violent, sa manie querelleuse, son besoin d’espionnage. Ce n’était là qu’un aspect du personnage ; l’autre aspect était très différent. Homme de plaisir, joueur et viveur, il s’arrêtait au seuil de la débauche sans le franchir, poussant ses hôtes à le dépasser afin d’en tirer des indiscrétions utiles à son maître. Poli, empressé, galant, il savait perdre son argent pour provoquer une confidence, mais il n’en savait pas gagner[8] et sa probité fut inattaquable. Somme toute un de ces hommes qu'on ne peut ni évincer, ni acheter, ni mépriser, qu’on peut haïr mais qu’on ne saurait dédaigner.

 

Projets de descente du Prétendant

L’état de demi-rupture créé depuis le 11 juillet 1715 par l’interdiction faite à lord Stair de reparaître chez M. de Torcy ne déplaisait ni à Versailles ni à Londres où on profitait de cette situation indécise pour soulever des embarras à l’adversaire. Le 28 juillet, le duc d’Orléans donnait des gages de son bon vouloir à l’Angleterre en informant lord Stair d’une entreprise imminente du Prétendant ; Dubois devait aller l’espionner à Bar-le-Duc[9]. Trois jours plus tard Stair acquérait la certitude que Louis XIV ne donnerait aucun appui effectif à Jacques Stuart, tout au plus quelques secours dissimulés. La Cour de France, disait Samuel Bernard, n’étant pas en état de donner un sol[10], mais Louis XIV avait écrit à Philippe V d’avancer quelque argent. Obsédés par le fantôme d’un soulèvement et d’une guerre civile, Stanhope et Stair ne prenaient patience qu’à la vue des progrès de la maladie de Louis XIV, n’ayant d’espoir que dans le duc d’Orléans qui laissait entendre qu’un mariage pourrait se conclure entre une de ses filles et le prétendu Jacques III, à qui Bolingbroke écrivait : « Il est extrêmement délicat et difficile de donner suite à cette affaire, parce que des engagements particuliers de cette sorte pourraient nuire ici et en Angleterre, préjudicier à vos affaires dans le présent et vous embarrasser dans l’avenir. Et néanmoins l’avantage de gagner un homme de cette ambition, de tant de talent, et tenant de si près au pouvoir, mérite grande considération[11]. »

 

Moyens dont il dispose

Tandis que le duc d’Orléans oscillait, suivant son caractère, entre des séductions inégalement attrayantes, Torcy faisait amener au Havre des navires chargés d’armes et de munitions, préparait une chaise de poste qui amènerait le chevalier de Saint-Georges de Bar au port d’embarquement choisi, où un vaisseau l’attendait. Le mystère dont on entourait ces préparatifs était percé à» jour, on en parlait sans contrainte et lord Stair avait toute facilité d’en suivre le progrès et d’en transmettre le détail. Notre ministre à Londres était allé se concerter en cachette avec les mécontents d’Angleterre et d’Écosse ; la brutale réaction des whigs et le rôle de Georges Ier, rabaissé au niveau de celui d’un chef de parti, faisait concevoir des espérances assez solides pour que Marlborough eut risqué dans l’aventure quatre mille livres sterling[12] ; Philippe V avait fait payer par Cellamare cent quatre-vingt-dix mille piastres et Louis XIV, par Crozat, trois cent mille livres. Tels étaient les moyens rassemblés et, après bien des conférences, il fut arrêté qu’une descente aurait lieu le 15 septembre dans une petite île voisine de Newcastle[13]. Louis XIV mourant le Ier septembre, la situation était renversée et Bolingbroke écrivait au comte de Marr : « Au lieu d’avoir un vaisseau fourni par la France pour transporter le Roi, ainsi que nous l’avions obtenu... toute la côte depuis le Jutland jusqu’à l’Espagne est contre nous ; et, à moins que le Roi ne s’échappe furtivement, sans être reconnu, chose qui me semble presque impossible, à cause de la grande étendue du pays à traverser et de la vigilance exercée partout en France, il sera arrêté ou trahi. On nous refuse les troupes que nous espérions de la Suède ; les ordres donnés pour leur embarquement ont été contremandés. L’argent que nous attendions d’Espagne est, je crois, toujours dans les nuages ; et fut-il réellement entre nos mains, nous ne saurions comment le mettre à bord. Au lieu d’avoir les armes promises par le feu Roi, nous ne savons pas si nous pourrons expédier celles qui sont notre propriété... En un mot, toutes les ressources nous ont manqué ; tous les accidents que nous pouvions appréhender sont arrivés[14]. »

 

Hésitations du Régent

Le Régent était insaisissable. Stair grondait, Bolingbroke suppliait, faisait venir d’Angleterre une jeune fille idéalement belle destinée à arracher dans l’alcôve ce que les diplomates ne pouvaient obtenir dans le cabinet[15]. Thesut et Dubois ne se montraient pas moins fuyants que leur maître, toujours tardifs à promettre et prompts à se dérober. Le maréchal d’Huxelles et le marquis d’Effiat étaient moins décevants. Huxelles supportait à peine l’arrogance de Stair et donnait des ordres pour que ses prétentions fussent éludées. Ces bons procédés rendaient l’espoir à Bolingbroke. « Ils flottent Etrangement dans leurs mesures, écrivait-il au Prétendant ; leurs inclinations sont avec nous, leurs craintes travaillent pour les whigs. Un bon petit succès leur fixerait le droit chemin... Je me suis ouvert une nouvelle porte d’accès près du Régent. [Nous la connaissons cette porte !] Il a toujours le mariage en tête ; et une bonne petite faveur de la fortune le tirerait à nous par cet appât[16]. »

 

Avertissement de Stanhope

Stair était moins rassuré. Il venait de voir entrer au Conseil des affaires Etrangères Huxelles et ses collaborateurs, tous « vieille Cour » ; Torcy, dont le duc d’Orléans lui avait fait espérer la disgrâce, gardait sinon sa charge du moins son influence et ses moyens d’action. Le Régent lui accordait quelques chétives satisfactions[17], en même temps, Stanhope avivait tous ses soupçons sur les accointances du Régent avec les jacobites. Le Roi, lui écrivait-il, « ne peut pas s’imaginer qu’après les assurances réitérées d’amitié données par le duc d’Orléans, les bruits que répandent les jacobites avec tant d’assurance aient le moindre fondement. Les offres de Sa Majesté et les déclarations d’amitié qu’Elle fit au duc dans un temps où il était très probable qu’il aurait besoin d’amis, méritent certainement de sa part un sincère retour. Les dispositions du Roi sont toujours les mêmes, et ainsi que je l’ai dit précédemment et souvent à Votre Seigneurie, vous pouvez hardiment renouveler l’assurance de la cordiale amitié du Roi, sans crainte d’être désavoué. Mais si, pendant que de teilles avances viendraient de notre part, vous ne parveniez pas à obtenir des déclarations claires et franches des intentions du Régent de manière à imposer silence à nos jacobites et aux rebelles, il est de la dernière conséquence que Sa Majesté en soit informée le plus tôt possible, afin de prendre les mesures qu’exigeront la sécurité et le repos de ses royaumes. Je suis persuadé, milord, que vous ne négligerez aucun effort pour dissiper nos craintes et notre confiance et que vous saurez démontrer au Régent qu’il a un intérêt majeur à vivre avec le Roi en parfaite amitié et confiance. Vous saurez lui faire comprendre que ni amitié ni confiance ne seront possibles s’il ne désavoue par parole et par action toute intention d’aider le Prétendant et ses adhérents. »

 

Exigences de Stair

A cette mise en demeure, Stanhope ajouta une menace. Instruit de la présence au Havre de vaisseaux chargés d’armes pour les jacobites, le ministre anglais exigeait une « apologie » et « un refus ou même un retard... à se justifier de favoriser une telle chose, devra être et sera considéré comme une déclaration en faveur du Prétendant[18] ». Enfin, poussant au comble l’insolence, Stanhope envoya l’amiral sir Georges Byng avec une escadre devant le Havre réclamer la livraison des navires suspects. Le Régent fit décharger les armes et les déposer à l’arsenal, promit de ne recevoir ni Bolingbroke ni le duc d’Ormond mais reçut froidement lord Stair et abrégea l’entretien[19]. Ces procédés n’étaient pas faits pour rendre sympathique la dynastie de Hanovre. Madame elle-même, mère du Régent, très portée pour ses parents[20] n’est pas surprise, dit-elle, « si le Prétendant a le désir de remonter sur un trône qui lui appartient par tous les droits de la naissance et d’où sa religion seule l’éloigne[21] ; mais ses partisans doivent recourir aux armes et non à l’assassinat[22] » ; c’est tout ce qu’elle consent à accorder à Stair. La personne du Prétendant offrait un ensemble de qualités puériles et de touchante niaiserie. « Je ne sais, disait encore Madame, comment les Anglais peuvent le haïr ; c’est un des meilleurs et des plus honnêtes personnages que notre Seigneur Dieu ait créés[23], le meilleur homme qu’il y ait au monde[24], ayant su charmer tous ceux qui le voyaient en Lorraine[25]. » Cette réputation le précédait et stimulait l’impatience qu’éprouvaient ses partisans de le voir parmi eux.

La descente fixée au 15 septembre, puis au 15 octobre, parut si longue à attendre que le comte de Marr s’échappant de Londres courut soulever les Highlands dans les derniers jours du mois de septembre. Le branle une fois donné, il fallut le suivre. Le duc d’Ormond obtint du Régent une audience de nuit et en tira la promesse d’armes et de munitions en quantité ; l’intendant de Dunkerque, Le Blanc, serait chargé de leur transport. Ormond, radieux, consentit à la condition imposée par le Régent de garder ce secours secret même pour Bolingbroke, principal ministre du Prétendant[26], et il s’embarqua en Normandie pour l’Angleterre (18 octobre).

 

Auxquelles s’associe l'ambassadeur des Provinces-Unies

Lord Stair, toujours aux aguets, était instruit de certaines allées et venues, notamment du rassemblement d’officiers irlandais à Dieppe et à Boulogne. Suivant sa méthode, il en menait grand bruit, adressait un mémoire au Régent pour le prier de s’opposer à tout ce qui pourrait porter préjudice à Georges Ier, d’interdire à tout officier ou soldat du service de France de suivre le Prétendant, de prescrire au Havre et à Gravelines l’interdiction d’embarquer aucun officier à destination de l’Angleterre s’il n’était pourvu d’un passeport délivré par le gouvernement français ou par le ministre de la Grande-Bretagne[27]. Il réclama en outre, de vive voix, des mesures contre le Prétendant et ses agents ; toutes ces demandes furent appuyées par Buys, l’ambassadeur des Provinces-Unies à Paris. Le Régent répondit qu’il donnerait des ordres pour que le Prétendant ne pût pénétrer en France, qu’il jugeait que l’embarquement de Bolingbroke et d’Ormond souffrirait de graves difficultés, mais la lettre du traité d’Utrecht ne lui permettait pas de s’y opposer, encore moins lui permettait-elle de leur interdire le séjour à Paris et de leur assigner un lieu d'exil. Enfin, dit-il, puisqu’« on lui faisait tant de demandes au delà des traités, comme une marque d’amitié, il était raisonnable qu’il fut assuré réciproquement d’autres choses pour l’entretien de l’amitié[28]. »

 

Proposition d’une garantie réciproque

Les mêmes observations avaient été faites à Stair dont le gouvernement pensa avoir trouvé enfin l’occasion de faire admettre l’offre de garantie réciproque déjà insinuée avant la mort du feu Roi. Georges Ier renouvela au Régent ses assurances d’amitié[29], nomma lord Stair ambassadeur extraordinaire avec « pleins pouvoirs pour contracter et conclure un traité tel que celui que vous avez proposé..., le nombre de troupes a fournir par chaque couronne à l’autre, étant fixé à huit mille hommes ». Les déboursés et les remboursements étaient abandonnés au savoir-faire du diplomate à qui on recommandait de se hâter et de promettre au Régent que, ce traité conclu, il ne serait pris d’engagement à son préjudice avec aucune puissance, quelle qu’elle fut. Bien plus on lui faciliterait une régence paisible et une succession certaine si le jeune Louis XV venait à mourir. Ainsi, de part et d'autre, on écartait toute question étrangère à la succession dynastique, « sans cela, précisait Stanhope, vous comprenez que nous aurions inséré un article sur Mardyck. Vous savez que le Roi l’a tellement à cœur, qu’il n’y aura jamais une confiance réelle entre les deux cours, tant que cette matière n’aura pas été réglée selon le véritable esprit du traité d’Utrecht. » On n’avait pas le loisir d’attendre les événements, il fallait les prévenir et redoubler de surveillance à l’égard des jacobites dont le péril ne s’éloignerait qu’à partir du moment où le traité serait signé et public[30]. Mais lord Stair ne se dissimulait pas que le Régent provoquerait des délais et ne s’engagerait à rien avant que le sort des armes eut décidé entre Georges Ier et Jacques III, l’issue n’étant pas douteuse selon lui. « Nous ne le presserons pas, écrit Stair dans son Journal, et prendrons notre parti de finir nos affaires ; et nous pouvons avoir confiance[31]. »

 

Les affidés de lord Stair

Stair connaissait parfaitement le terrain sur lequel il marchait : « J’ai des raisons, disait-il, de me persuader que les intentions du Régent sont parfaitement bonnes ; mais il reste toujours des gens du vieux régime et cela ne produit pas bon effet, car le Prétendant et ses adhérents en tirent des motifs de se flatter et des apparences pour soutenir l’ardeur de leur parti[32]. » Huxelles, Saint-Simon, Torcy, Effiat, et surtout l’abbé de Thésut plaidaient la cause du Stuart, et lord Stair contrecarrait à grand peine leur influence. Il avait ramassé « une de ces espèces qui ne peuvent guère être caractérisées sous un autre nom[33]. » C’était un petit homme nommé Rémond, qui « à force de grec et de latin, de belles-lettres et de bel esprit, s’était fourré où il avait pu ; il était galant, faisait des vers, il était aussi philosophe, fort épicurien, grossier de fait, sublime et épuré de discours, admirateur des savants anglais. Il avait fait grande connaissance avec l’abbé Dubois et par lui s’était produit à Mme d’Argenton et à M. le duc d’Orléans, dont peu à peu il avait tiré un bouge au Palais-Royal, et un autre à Saint-Cloud, où de fois à autre il allait faire le philosophe solitaire et n’y manquait pas M. le duc d’Orléans. Stair l’écuma, et lui courtisa Stair et, peu à peu, se livra entièrement à lui. Rien ne convenait davantage à l’abbé Dubois qui, déjà éloigné par le duc d’Orléans pour avoir voulu trop se mêler, ne savait par où se reprendre, et qui regarda sa liaison avec Stair, et par lui avec l’Angleterre comme une ressource dont il se promit de grands avantages. Rémond lia donc bien aisément ces deux hommes dont l'intérêt de chacun le demandait également. Dubois l’était déjà avec Canillac et le duc de Noailles ; il l’était aussi avec Nocé. Il leur persuada qu’il n’y avait de salut pour M. le duc d’Orléans que par l’Angleterre. »

 

Insistance pour la conclusion du traité

Ce groupe infime n’était pas encore en mesure de faire prévaloir son manège sur la politique de l’ancien règne. Le Régent n’osait pas se dégager complètement des influences et ne savait comment rétorquer les assertions des hommes de la vieille Cour. Ceux-ci vinrent à bout de le persuader que le roi Georges se jouait de sa confiance ; alors le Régent devint pointilleux, proposa d’ajouter à la garantie réciproque des deux couronnes une alliance défensive avec la Hollande, ce qui entraînait de longs retards. Il repoussa l’offre de Stair de signer le traité de garantie en le tenant secret, jusqu’à la conclusion d’une alliance défensive. Ces atermoiements stimulaient l’impatience du cabinet anglais et décidaient Stanhope à accepter un article par lequel les deux parties s’obligeaient à informer immédiatement les Hollandais de l’accord, en les invitant à y entrer. A ce coup, les Hollandais devenaient garants de la succession en France et des droits de Philippe d’Orléans, comme ils étaient garants des droits de la dynastie hanovrienne en Angleterre. Ces concessions paraissaient devoir entraîner le Palais-Royal. « S’il y a quelque sincérité dans cette Cour, écrivait Stanhope, je pense que cela devra les satisfaire pleinement ; sans aucun doute, il est tout à fait à l’avantage de la France, aussi bien que du Régent, d’avoir une telle sécurité contre le roi d’Espagne, qui a beaucoup d’amis en France, dont la plupart sont également les amis du Prétendant. Notre traité sur ce pied peut être fini en peu de jours. Il n’y a aucune raison de douter que les Hollandais n’y entrent volontiers, surtout dès que le Roi promet d’employer ses bons offices pour les y engager. » D’ailleurs Georges Ier ne voulait souffrir aucun retard. Les nouvelles d’Écosse étaient bonnes et, sous peu, la situation serait telle que toutes les puissances d’Europe rechercheraient son amitié, « le duc d’Orléans, concluait-il, a maintenant une occasion de se l’assurer pour toujours[34] ».

 

Mécontentement de Stanhope

La situation était loin d’être telle que Stair avait commission de dire. Des bruits sinistres circulaient. On n’était pas éloigné en France de croire au triomphe prochain des jacobites qui s'étaient rendus maîtres de Perth, Dundée, Inverness et Aberdeen et menaçaient Edimbourg[35]. A Londres il était question d’un grand complot et de nombreuses arrestations[36], et le gouvernement réclamait aux Provinces-Unies l’envoi d’un corps de six mille hommes promis par les traités à la dynastie protestante[37].

Tout ceci était trop peu réconfortant pour que le cabinet anglais demeurât impassible. Pendant qu’à Paris couraient des nouvelles douteuses, qu’on y parlait d’une victoire du comte de Marr et de la prise de Bristol[38], Stair paraissait en public « embarrassé et affligé[39] » et Stanhope lui écrivait : « Nous ne savons rien de l’ex-duc d’Ormond[40]. Pour ma part, je suis loin de penser qu’il serait contraire aux affaires du Roi que lui et son nouveau maître [le Prétendant] vinssent à débarquer. Mais le Roi prend cette conduite de la Cour de France comme il doit ; et il ne sera pas inutile à Sa Majesté d’avoir appris de si bonne heure quel fond il peut faire sur le Régent... Les jacobites n’ont pas de chance... En somme, plus on y pense, plus on est stupéfait de la folie et de la perversité des fauteurs du Prétendant, et je peux ajouter de la faiblesse du Régent qui se laisse détourner par la frénésie de ces insensés du soin d’avancer ses propres intérêts[41]. »

 

Le Régent veut ménager tout le monde

Cette méchante humeur s’explique par la gravité de la situation. A Paris, dès les premiers jours du mois de novembre il n’était bruit que de l’embarquement à Cherbourg du duc d’Ormond avec 7 à 8.000 mousquets[42]. Peu de jours après, on sut que « le roi d’Angleterre était parti » et nul ne douta que « s’il arrive en Écosse, la plus grande partie de l’Angleterre ne se joigne à lui[43] ». Le Régent, « qui, avec adresse, nageait entre deux eaux[44] » permettait au Prétendant de traverser la France « pourvu que ce fût sous le dernier secret », en même temps donnait des ordres pour lui interdire l’embarquement en Normandie ou en Picardie et avertissait le maréchal de Berwick que, sur tout le reste du littoral, le prince ne rencontrerait point d’obstacle[45]. Même pour les armes et les munitions, le Régent autorisa leur embarquement moyennant caution qu’on ne les dirigerait ni vers l’Écosse ni vers l’Angleterre ; puis il se ravisa[46]. Cependant Stair marchait sur des charbons, chaque jour, chaque heure ajoutait un degré de plus à ses alarmes ; la politesse imperturbable et les retards perpétuels du Régent l’avaient mis hors de lui au point qu’il s’oublia jusqu’à dire à ce prince que s’il regardait les troubles d’Écosse avec indifférence, l’Angleterre traiterait de même les troubles qu’elle pourrait voir naître en France[47]. L’entretien en était à ce diapason quand Stair apprit que le Prétendant avait disparu de Bar-le-Duc.

 

Fuite du Prétendant

Le prince de Vaudemont avait arrangé une grande partie de chasse à Commercy ; après la chasse, la curée et le souper qui se prolongea bien après minuit, Jacques Stuart rentra dans sa chambre et, simulant une extrême fatigue, ordonna qu’on le laissât dormir jusqu’à ce qu’il appelât. Dès qu’il fut seul, il se leva, prit un vêtement qui le déguisait, sortit par un escalier dérobé et partit avec un ou deux compagnons. A deux heures de l’après-midi, comme le prince n’avait pas donné signe de vie, ses gens eurent peur, entrèrent dans son appartement et, voyant le lit vide, coururent porter cette nouvelle au prince de Vaudemont qui joua la surprise, feignit d’ordonner des recherches, fit lever les ponts-levis, afin doter aux espions la connaissance de son départ et annonça alors la fuite du prince (3-4 novembre). Pendant ce temps, le fugitif montait dans une chaise de poste préparée par les soins de Torcy et gagnait « Chaillot où Lauzun avait une ancienne petite maison où il n’allait jamais et qu’il gardait par fantaisie ». Ce fut où le Prétendant coucha, et où il vit la reine sa mère ; de là il partit par la route d’Alençon pour s’embarquer en Bretagne[48].

La nouvelle de la fuite de Bar éclata à Paris le 8 novembre, Stair courut au Palais-Royal[49], cria, tonna, réclama l’arrestation du Prétendant et obtint du Régent l’envoi d’un officier de confiance à Château-Thierry avec mission d’arrêter le prince et de l’obliger à regagner Bar. M. de Contades, maréchal de camp et major des gardes françaises, après une longue conférence avec le Régent, partit en poste avec deux officiers, courut à Château-Thierry, bien résolu et instruit à manquer celui qu’il cherchait, mit le maître de poste en prison et se tint tranquille[50].

 

Stair place sur sa route le col. Douglas

Stair se gardait, comme il le dit, de « prendre pour argent comptant » cette affectation à entraver le voyage du Prétendant[51] dont il sut découvrir l’itinéraire[52] et résolut alors de délivrer son parti de ce reste unique des Stuarts. Il dépêcha sourdement des gens sur différentes routes, surtout sur celle de Paris à Alençon. Il chargea particulièrement de cette dernière un colonel Douglas, réformé du service de France, ainsi que beaucoup d’officiers par mesure d’économie. Douglas, à l’abri de son nom et par son esprit, son entregent et son intrigue, s’était insinué dans beaucoup de bonnes sociétés à Paris depuis la Régence, et s’était mis sur un pied de familiarité distinguée avec le Régent.

Réputé pour sa bravoure, sa politesse, sa pauvreté[53], il était mieux vu en France que dans son pays où on lui imputait la mort de quatre jeunes filles[54], ce qui n’était guère pour un homme qui conseillait au Prétendant de s’acquérir la confiance des Anglais par le moyen suivant : « Embarquez-vous, prenez douze jésuites avec vous, et, aussitôt que vous serez arrivé, faites-les pendre publiquement ; rien ne saurait être plus agréable aux Anglais[55]. » Un pareil homme ne pouvait connaître les scrupules lorsqu'il y allait de sa fortune.

 

Le guet-apens de Nonancourt

Douglas se mit dans une chaise de poste, flanquée de deux hommes à cheval, tous trois fort armés et courut en poste, mais lentement sur la route d’Alençon. Le dimanche 10 novembre, entre dix heures et midi, tous trois arrivèrent à Nonancourt, qui est une espèce de petite villette, à peu près à mi-chemin entre Dreux et Verneuil-au-Perche. Le particulier se dit Anglais, voyageant avec ses domestiques, demanda un coup à boire et entra en conversation avec la femme du maître de poste, lequel était absent[56]. Il s’informa s’il n’était pas passé la veille un Anglais, long et mince, le visage maigre et picoté de petite vérole, portant une perruque blonde. « Je n’ai point pris garde de quelle manière était le dernier courrier qui a passé ; autant qu’il m’en peut souvenir, c’était une personne de taille moyenne, mais je ne sais point s’il est Anglais ou non. » Là dessus, le voyageur demanda à parler au postillon qui l’avait mené ; mais le postillon ne savait rien sinon que l’homme ne parlait point comme nous. Dépité, Douglas descendit à la cuisine de la poste, se mit auprès du feu avec le maître de poste et sa femme et tira de sa poche une carte routière qu’il tenait, dit-il, du marquis de Torcy. La maîtresse de poste, très intriguée, fit tout ce qu’elle put pour tirer quelque éclaircissement, sans y réussir ; elle se confondit en protestations, en promesses, tant et tant que le particulier monta dans sa chaise, y fit monter un de ses prétendus domestiques et ne demanda que trois chevaux au lieu de quatre qu’il avait en arrivant. La maîtresse voulut savoir pourquoi, on lui dit que le deuxième domestique resterait, se trouvant incommodé de la route et courant depuis vingt-deux jours.

Dès que la chaise fut partie, la maîtresse demanda à l’homme s’il resterait longtemps. — « Je ne sais pas, répondit-il, peut-être trois ou quatre jours. » Elle lui demanda encore : « Et votre maître revient-il bientôt. » — « Moi, dit-il, je n’ai point de maître, je suis maître moi-même. » Après avoir nommé Douglas, « gentilhomme de bien d’Angleterre », l’homme s’en alla dans l’écurie dire à son postillon : « Je vous prie, mon ami, s’il vient un courrier en chaise, éveillez-moi cette nuit si c’est un Anglais. » Il se coucha après souper.

 

Arrivée du Prétendant

Le lendemain matin sur les six à sept heures du matin, des courriers passèrent dont la maîtresse monta l’avertir. L’homme se leva sur le champ, vit que ces courriers étaient à cheval et répéta qu’il n’en voulait qu’à une chaise de poste. Un moment après une chaise arriva, dans laquelle se trouvait un Anglais, seul, sans domestique, et, du bas de l’escalier, la femme L’Hôpital appela son hôte qui, dans sa précipitation, ne prit pas le temps d’attacher ses bas, descendit et courut dévisager l’Anglais, revint dans la maison, monta dans sa chambre, sans perdre le temps déchargea dans la cuisine une espèce de mousqueton brisé qu’il rechargea sur le champ après l’avoir amorcé. Pendant ce temps le voyageur quitta sa chaise, entra dans la salle et demanda une demi-bouteille de vin. « Voilà la personne » dit le maître de poste à sa femme. C’était un jeune homme de cinq pieds cinq pouces et demi, portant une perruque blonde à la cavalière, visage long picoté de petite vérole avec, au menton, un poireau couvert de poil ; il était habillé d’un surtout gris-noisette, doublé de serge de même couleur et au-dessous habit et veste noirs, camisole d’écarlate, culotte noire, bas de botte recouvrant des bas noirs. Pendant" qu’il buvait sa demi-bouteille, l’homme arrivé de la veille l’examinait depuis les pieds jusqu’à la tête, rechargeait son mousqueton et demandait un cheval pour suivre la chaise de l’Anglais.

 

Il échappe aux assassins

Tout ceci était si louche que le maître de poste dit à sa femme qu’on ne pouvait laisser l’Anglais se remettre en route sans l’avertir du danger qu’il allait courir. Celle-ci chargea un ami d’aller prévenir le voyageur déjà remonté dans sa chaise, la maîtresse de poste y courut aussi en se dissimulant et dit à l’inconnu qu’un Anglais arrivé la veille le cherchait, qu’un autre dans la maison l’observait et l’allait suivre. Le voyageur répondit qu’on lui sauvait la vie, que ces gens-là le voulaient tuer et que son affaire était de la politique dont le Régent et M. de Torcy étaient instruits, dont il exécutait les ordres. L’homme au mousqueton attendait dans la cour, la maîtresse de poste fit venir un de ses parents et emmena l’Anglais chez le vicomte de Nonancourt à qui le voyageur se fit connaître en particulier, après un moment d’entretien, on décida de travestir Jacques Stuart en ecclésiastique. Aussitôt il revêt soutane, rabat, perruque, fourre sa valise dans un sac de toile, saute à cheval et, escorté d’un garde-française rencontré à Nonancourt et vêtu d’un habit pinchina[57] bordé d’argent, détale et court encore.

 

Stair réclame ses complices

La maîtresse de poste rentrée chez elle : trouve l’homme au mousqueton au coin du feu, lui explique que l’Anglais a rencontré un de ses amis qui l’a mené visiter la duchesse de Vendôme à Anet, son absence pouvant durer quatre à cinq jours. L’homme décide d’attendre, mais on l’arrête le surlendemain avec un tout jeune homme qui vient se jeter étourdiment dans les bras de la police. Sur tous les deux on trouve une manière de passeport signé par lord Stair et ainsi conçu :« Nous, ambassadeur du roi de la Grande-Bretagne, prions et exhortons tous ceux qu’il appartiendrait de laisser passer librement et partout le présent porteur qui voyage pour des affaires qui regardent Sa Majesté Royale. » Nonobstant cette pièce, dont l’intendant n’était pas en mesure de vérifier l’authenticité, on remet les deux hommes au grand-prévôt de Normandie qui commence l’information lorsque lui arrive l’ordre de relâcher les prisonniers et d’abandonner l’instruction de l’affaire. Lord Stair réclamait les assassins comme ses domestiques et le Régent, de peur d’un éclat, renonçait à la procédure.

 

L’opinion publique l’accuse

En France l’opinion fut indignée. Dangeau, Saint-Simon, Caumartin, Buvat, tous ceux qui alors tenaient une plume ont noté ou commenté ce guet-apens organisé par l’ambassadeur d’Angleterre dont la culpabilité ne fit doute pour personne. On l’en a déchargé depuis sans réussir à expliquer la mission de Douglas et de ses estafiers, qui ne cherchaient pas le Prétendant pour lui rendre hommage. S’ils voulaient se défaire de lui, Stair, en les réclamant, se reconnaissait solidaire de leur projet et si on manque de preuves pour l’accuser, on manque de raisons pour le disculper. Après avoir fait grand bruit, traité l’arrestation de ses complices « d’attentat contre le droit des gens », Stair obtint une audience du Régent et baissa le ton, Villars l’ayant rencontré lui dit en public : « Sauf le respect que je dois à M. le duc d’Orléans, ici présent, vous êtes un fourbe. » Douglas essaya de se montrer à Paris, il se heurta à des portes fermées ; ayant osé paraître aux Tuileries, le maréchal de Villeroy l’en fit chasser ; il ne reparut plus[58].

 

Désastre des jacobites

Cependant, partis de Nonancourt, le Prétendant et son garde traversèrent Verneuil, l’Aigle, Argentan et Falaise, d’où le prince gagna seul Saint-Malo où des obstacles inattendus s’opposèrent à son embarquement. Il se rejeta dans l’intérieur, gagna Dunkerque à cheval[59], d’où il écrivit au Régent : « Les paroles me manquent pour vous témoigner combien je suis vivement pénétré de toutes les marques que vous m’avez données en cette occasion de votre amitié pour moi. Je touche au moment de mon départ et j’espère que je ne suis pas éloigné de celui auquel je me verrai en état de vous marquer par des effets la vivacité de ma reconnaissance[60]. » (20 décembre.) Au moment où il se livrait à ces illusions, le Prétendant aurait dû comprendre que sa cause était perdue depuis le 13 novembre. Ce jour-là, les jacobites du nord de l’Angleterre, réunis à des bandes écossaises, capitulèrent à Preston, et d’autre part, les clans des Highlands commandés par le comte de Marr furent vaincus et mis en déroute, à Sheriffmuir, non loin de Stirling[61].

 

Dépit du cabinet anglais

Cette issue victorieuse d’une campagne bien conduite contre une insurrection mal concertée rendit au cabinet anglais tout son orgueil. « Le Roi, écrivit Stanhope à Stair, regarde comme inutile, vu la disposition où semble être le Régent, de lui demander dorénavant aucune faveur. Le bon succès des affaires de S. M. par ici, sur lequel nous avons toute raison de compter, donnera à S. A. plus de lumière que tous les arguments auxquels nous pourrions recourir[62]. » A la nouvelle des succès de Preston et de Sheriffmuir, Stair reparut, provoquant, au Palais-Royal où le Régent éludait ses visites ; cependant la rumeur se répandait, d’abord favorable puis alarmante[63]. Stair répandait à tous vents les nouvelles du désastre jacobite[64], « mais les nouvelles qu’il débite sont suspectes » disait-on[65]. De son côté, Stair notait malignement dans son Journal, le 2 décembre : « Il y a deux jours [le Prétendant] était le roi d’Angleterre partout et tout le monde avait levé le masque. Il n’y avait plus un seul français, quasi personne de la Cour, qui mettait le pied chez moi[66]. » Et le 15 décembre : « La conduite de cette Cour, dans ces derniers temps, a été très singulière. Quand ils crurent les affaires en bonne voie, ils jetèrent le masque et montrèrent tout à fait à découvert leur penchant. Le Régent, ce me semble, inclinait de notre côté plus qu’aucun de ses conseillers. En somme, leur manière d’agir leur permet tout juste de prétendre qu’ils n’ont pas enfreint le traité. Il est certain que le Prétendant a été un mois en France, sans qu’on fît rien pour empêcher son passage à travers le royaume, ou pour découvrir l’endroit où il était ; et de là le ramener à Bar... Aujourd’hui on commence à s’apercevoir qu’on a eu tort[67]. »

 

Fin de l’équipée du Prétendant

La petite Cour de Saint-Germain faisait de son mieux pour conjurer l’aveu et les effets de la débâcle. Elle débitait que Prétendant Stanhope s’était rendu chez M. d’Iberville, notre représentant à Londres, et, lui montrant le poing, lui aurait dit : « Si vous voulez la guerre, vous en aurez bientôt une, la plus sanglante que la France ait jamais eue[68]. » Quelques jours plus tard, on annonçait que Jacques III avait débarqué à Peter-Head, le 2 janvier « en très bonne santé et qu’il avait trouvé ses affaires encore en meilleur état qu’il ne pensait[69] ». De Peter-Head, il écrivait au Régent : Suscitez en ma personne un appui solide à la France ; unissez-vous à nous comme ami utile, et mettez-moi en droit de faire paraître sans contrainte les sentiments que j’ai pour vous[70]. » Si les nouvelles se faisaient rares on se rassurait en disant que « la mer gelée sur nos côtes plus d’une lieue en avant » ne permettait pas aux bateaux d’aborder[71] ; cependant tout allait bien, Jacques se faisait couronner tantôt à Perth[72], tantôt à Sconen[73], gagnait des victoires, pardonnait à ses ennemis[74], jusqu’au moment où il fallut convenir qu’il manquait de tout et, battu, fugitif, débarquait à Gravelines d’où il regagnait Commercy (9 mars)[75]. Sa destinée d’aventures était terminée, son parti écrasé, son serviteur le plus illustre, Bolingbroke, disgracié[76]. Le Prétendant aux abois se glissa furtivement vers Avignon et se ménagea un entretien avec le prince de Cellamare, auquel il demanda l’aumône, c’est l’expression même dont il ne craignit pas de se servir[77]. De son excursion il ne rapportait pas une égratignure car il n’avait pas combattu, mais il garda le souvenir de s’être fait servir à table par des nobles à genoux.

 

Revanche de lord Stair

Lord Stair prit sa revanche. « Milord Stairs est infatigable et très fatiguant auprès du Régent, lit-on dans la Gazette : il s’efforce sans relâche de l’entraîner ; quelque réservé que soit ce prince, il en arrache toujours quelque chose : il est au moins de deux jours l’un au Palais-Royal, il observe tout, il a sept ou huit hommes qui courent les provinces maritimes de France[78]. » La politesse inaltérable et souriante du Régent se trouve mise parfois à une si rude épreuve qu'il lui arrive un jour de répondre aux plaintes de l’ambassadeur au sujet des secours envoyés de France pour l’entreprise d’Écosse : « Comptez, monsieur, que si je m’en étais mêlé, les choses auraient tourné bien autrement[79]. » Stair laissait dire, se sentant en fonds d’impertinences et négligeant de répondre afin d’avancer ses affaires. Un premier Mémoire au Régent, daté du 5 novembre, n’avait rien produit[80] ; un deuxième mémoire « très fort[81] » du 14 décembre 1715, rappelait l'amitié réciproque du duc d’Orléans et du roi Georges et faisait entrevoir la possibilité d’établir une entière amitié. Sous le feu Roi, était-il dit, la protection maintenue au Prétendant, la construction du port de Mardyck substitué à celui de Dunkerque retardaient la confiance entre les deux nations. Ces causes d’aigreur ne subsistaient plus ; le Régent préférerait sans doute l’amour et le respect de son peuple à la domination sur ses voisins. Les Anglais s’y attendaient parce qu’ils l’estimaient fort et l’aimaient personnellement. Ces sentiments ne demandaient pour s’affirmer qu'une conduite franche : éloignement du Prétendant au-delà des Alpes, ce qui rendrait possible la garantie réciproque de l’ordre de succession établi à Utrecht. L’affaire de Mardyck s’accommoderait facilement et un traité de commerce équitable arrangerait tout le reste[82].

 

Le projet d'alliance se soutient

Le dépit manifesté par Stanhope devant la politique tortueuse et les sympathies jacobites du Régent ne résistait pas au calcul des avantages escomptés d’une alliance avec la France. Philippe répugne à l’expulsion du Prétendant dont Georges Ier fait la condition préalable à l’alliance ; en même temps le Régent, pour n’être pas à l’entière discrétion de l’Angleterre, recherche le moyen d’introduire la Hollande dans cet accord tandis que le roi d’Angleterre préfère garder celle-ci à l’écart afin de se la réserver pour lui seul. De là une concurrence pour séduire et entraîner la république des Provinces-Unies devenue la pierre angulaire du système politique continental. Mais lord Stair ignore ces fins calculs et non content de s’être conduit ainsi qu’on l’a vu dans l’affaire du Prétendant, il imagine mieux encore et, d’accord avec l’ambassadeur de Victor-Amédée, il combine un plan de coalition contre la France, dont l’immanquable défaite sera suivie du démembrement[83].

 

Projet de démembrement de Stair

En 1703, Victor-Amédée, alors duc de Savoie, avait renoncé au parti de la France afin de grossir les rangs de la coalition et, pour prix de sa défection, le transfuge avait reçu de l’Empereur de vastes territoires en Italie, le Montferrat, une partie du Milanais et le royaume de Sicile. En 1712, le même prince avait faussé compagnie à l’Empereur, conclu sa paix avec le roi de France et conservé tout ce qui, jadis avait récompensé sa défection. Charles VI était homme à ne le pardonner jamais et à travailler toujours à récupérer les états détachés de sa couronne. Lord Stair qui savait cette animosité doublée de rancune s’aboucha, en décembre 1715, avec M. de Pendtenriedter et chercha à le convaincre qu’il importait de ménager une réconciliation entre les deux princes afin de fermer à la France tout espoir de s’étendre du côté de l’Italie. C’était l’heure où le Régent fermait volontairement les yeux sur les démarches du Prétendant, en revanche l’Angleterre songeait à nous jeter dans quelque guêpier, par exemple à nouer une coalition contre la France. Mais sous aucun prétexte l’Empereur ne voulait être détourné de ses projets en Orient et ce n’est pas quand on se bat contre les Turcs qu’on peut se faire bien redoutable sur le Rhin. Pour le détourner d’attaquer les Turcs et l’attirer contre nous, à 32 tête d’une coalition où entreraient la Hollande et l’Angleterre, lord Stair faisait appel aux instincts connus de l’Allemand : on se jetterait sur la France à l’improviste et on lui arracherait les territoires nécessaires à la future sécurité de l’Europe (zur künftigen Sicherheit).

Charles VI ne pouvant être entraîné qu'après la restitution des provinces jadis livrées au Savoyard, restait à découvrir un troc avantageux. Victor-Amédée, qui sentait la menace toujours dirigée contre lui, consentait à restituer « le bien mal acquis » si on lui donnait en échange un royaume taillé dans la France. Son représentant à Paris ne pouvait faire à Pendtenriedter des avances suspectes, mais lord Stair se chargeait d’amorcer la négociation. C’est assurément un spectacle qui vaut la peine d’être signalé que celui de cet ambassadeur qui organise la défaite et le dépècement de l’État auprès duquel il est accrédité ; si un pareil exemple était nécessaire, celui-ci ferait voir la valeur morale d’un tel personnage.

Le 6 février 1716, Stair, poussé par le baron de Perone, soumit à Pendtenriedter des offres positives : « Le duc de Savoie, lui dit-il, est prêt à céder à l’Empereur toutes ses acquisitions de la dernière guerre, la Sicile, le Montferrat et les places du Milanais. Mais il demande naturellement un dédommagement. Pour le lui fournir, on pourra entamer une guerre générale contre la France. On enlèvera à celle-ci la Provence et le Dauphiné et on donnera ces deux provinces à Victor-Amédée lui constituant ainsi une sorte de royaume de Bourgogne transjurane dont le Rhône formera la frontière. Tout le monde se trouvera ainsi satisfait : l’Empereur qui recouvrera la Sicile et les cessions de 1703, le duc de Savoie qui ne perdra des possessions éphémères et dangereuses que pour devenir un roi puissant ; les deux puissances maritimes (Angleterre et Hollande) qui verront affaiblir leur éternelle rivale par la perte de ses deux grands ports de Marseille et de Toulon et de son riche commerce du Levant. De plus, et afin de mettre, la France complètement hors d’état de nuire, il sera nécessaire de dégarnir ses frontières du nord et de l’est ; le canal de Bergues sera comblé ; Dunkerque, Lille, Condé, Maubeuge enlevées au roide France ; Sarrelouis sera rasé ; Landau et Kaiserslautern seront rasés et donnés à l’électeur palatin, les places de Marsal et de Phalsbourg seront rendues au duc de Lorraine dans l’état ou elles sont pour le tirer de l’esclavage ; Strasbourg, le Fort-Louis, Neuf-Brisach, Huningue, Schlestadt seront donnés à l’Empereur[84]. »

Stair promettait d’en référer à son gouvernement qui pensait-il, ne le désavouerait pas. Pendtenriedter, pris de court, d’abord très réservé, se laissa gagner et Stair, plein de confiance dans le succès, se montra de plus en plus rogue avec le Régent. Vers le milieu de mars l’autrichien, tout à fait conquis, prônait l’affaire à son maître[85] qui lui signifiait huit jours plus tard de n’y plus songer[86]. L’incident ne devait pas être passé sous silence, il montre à quels périls la France était alors exposée.

 

 

 



[1] W.-E. Lecky, A History of England in the eighteenth Century, in-8.London, 1878, t. I, p. 166.

[2] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. III, B ; lord Stair à lord Stanhope, 9 et 18 juillet 1716.

[3] Responsable parce que héritier de la reine Anne qui avait imposé cette paix, à laquelle Georges était personnellement hostile.

[4] W.-E. Lecky, A History of England in the eighteenth Century, in-8°, London, 1878, t. I, p. 140, 155.

[5] P. de Rapin-Thoyras, Dissertation sur les Whigs et les Torys, p. 71.

[6] Public Record Office, Holland. vol. 373, fol. 46-49. Réflexions sur la situation politique, décembre 1715.

[7] Torcy à M. d'Iberville, 8 juillet 1715, dans Lémontey, Histoire de la Régence, t, I, p. 79, note 1 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 258, au 8 octobre 1714 : « Il y a de furieux changements en Angleterre ».

[8] Le Système de Law lui rapporta cependant trois millions.

[9] Hardwicke Papers, Stair’s Journal, t. II, 27 et 28 juillet 1715.

[10] Ibid., 31 juillet 1715.

[11] Lord Mahon, History of England from the peace of Utrecht to the peace of Versailles, 1713-1783, in-8°, Leipzig, 1853, t. I, p. 398-399 : Bolingbroke au Prétendant, Paris, 15 août 1715 ; Ch. de Rémusat, L'Angleterre au XVIIIe siècle, I, Bolingbroke, in-8°, Paris 1875.

[12] Berwick à Torcy, août 1715, dans Lémontey, op. cit., t. I, p. 88, note 1.

[13] Lémontey, op. cit., t. I, p. 88.

[14] Bolingbroke au comte de Marr, 20 septembre 1715, dans Mahon, op. cit., t. I, Append. p. 402-405.

[15] Mémoires secrets de Bolingbroke, dans Lémontey, op. cit., t. I, p. 90 ; L. Wiesener, Le Régent, l'abbé Dubois et les Anglais, 1891, t. I, p. 113.

[16] Bolingbroke au Prétendant, Paris, 9 novembre 1716, dans Mahon, op. cit., t. I, p. 419.

[17] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. III, B : lord Stair à lord Stanhope, 14 septembre 1715.

[18] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. II : lord Stanhope à lord Stair, Whitehall, 7 = 18 septembre 1715. Cette double date est celle du calendrier julien qui ne fut abandonné en Angleterre pour le calendrier grégorien qu’en 1752. Le vieux style était en retard de onze jours. En Angleterre les dépêches étaient datées d’après le vieux style, mais sur le continent les diplomates anglais adoptaient le nouveau style.

[19] Hardwicke Papers, Stair’s Journal, 3 octobre 1715.

[20] Madame, Correspondance, édit. G. Brunet, 1904, t. I, p. 168, 172, 183, 199.

[21] Madame à la raugrave Louise, Marly, 8 août 1715, op. cit., t. I, p. 176.

[22] Madame à la raugrave Louise, Paris, 15 octobre 1715, op. cit., t. I, p.195.

[23] Madame à la raugrave Louise, Marly, 8 août 1715, op.cit., t. I, p. 176.

[24] Madame à la raugrave Louise, Paris, 14 novembre 1715, op. cit., t. I, p. 199.

[25] Dangeau, Journal, t. XV, p. 24, 11 novembre 1713.

[26] Thornton, The Stuart Dynasty : short studies of its rise, course and early exile, in-8°, London 1890, p. 401 : Ormond au Prétendant, 21 octobre 1715.

[27] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. III, B ; John Murray Graham, The Stair Annals, in-8°, Edinburgh, 1875, t. I, p. 388.

[28] Public Record Office, Holland, vol. 370 : Buys à l'État (à la Haye), Paris, 14 octobre 1715.

[29] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. II, lord Stanhope à lord Stair, Whitehall, 3 = 14 octobre 1715.

[30] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. II, lord Stanhope à lord Stair, Whitehall, 5 = 16 octobre 1715 ; Saint-Simon, Mémoires (1906), t. VIII, p. 307.

[31] Hardwicke Papers, Stair’s Journal, du octobre 1715.

[32] British Museum, mss. Egerton, vol. 2170 : lord Stair à Bubb [Dodington], Paris, 27 octobre 1715.

[33] Saint-Simon. Mémoires (1906), t. VIII, p. 303, comparer avec l'Addition au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 337-338.

[34] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. II, lord Stanhope à lord Stair, Whitehall, 20 = 31 octobre 1715.

[35] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 210 ; 14 octobre 1715.

[36] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 211 ; 16 octobre ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 304.

[37] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 215, 227 ; Saint-Simon, op. cit., t. VIII, p. 305 ; Public Record Office, Holland, vol. 372, fol. 369 : lord Cadogan à lord Townshend. Anvers, octobre 1715.

[38] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 223-224, 226 : « Le bruit court ici que le duc d’Ormond est parti ».

[39] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 226 ; 1er novembre.

[40] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 224 ; à Paris on le croyait arrivé en Angleterre.

[41] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. II : lord Stanhope à lord Stair, Whitehall, 31 octobre (= 11 novembre) 1715.

[42] M. de Caumartin à Mme de Balleroy, Paris, 9 novembre, dans Les correspondants de la marquise de Balleroy, t. I, p. 62, 65 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 230.

[43] M. de Caumartin à Mme de Balleroy, dans op. cit., t. I, p. 62 ; Madame à la raugrave Louise, Paris, 14 novembre, dans Correspondance, t. I, p. 198.

[44] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 307.

[45] P.-M. Thornton, The Stuart dynasty, p. 409 : le maréchal de Berwick au Prétendant, 3 novembre 1715.

[46] P.-M. Thornton, op. cit., p. 428 ; le général George Hamilton au Prétendant, s. d.

[47] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 307.

[48] Buvat, Journal, t. I, p. 107-108 ; Madame, Correspondance, t. I, p. 198 ; Gazette de la Régence, p. 20.

[49] Il remit au Régent un Mémoire du 5 novembre, conservé à Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. III B ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 307.

[50] Huxelles à d'Iberville, Paris, 9 décembre, dans Lémontey, Histoire de la Régence, t. II, p. 371 ; Public Record Office, France, vol. 349. M. de Contades à lord Stair, Paris, 9 novembre 1715 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 307 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 231 ; Caumartin à Mme de Balleroy, 19 novembre, op. cit., t. I, p. 65.

[51] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. II : lord Stair à lord Stanhope, 12 novembre 1715.

[52] Le Prétendant n’avait été accompagné que d’un valet de chambre au début, à Nonancourt il ne l’avait plus. Lémontey, op. cit., t. II, p. 372.

[53] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 237-241, et Mémoires, t. VIII, p. 307-310.

[54] Lettre de M. d’Iberville, 9 décembre 1715, dans Lémontey, op. cit., t. II, p. 381.

[55] Madame à M. de Harling, 3 décembre 1715, dans Madame, Correspondance, édit. G. Brunet, 1904, t. I, p. 210.

[56] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 308.

[57] Buvat, Journal, t. I, p. 108 : le pinchina était une étoffe de laine non croisée.

[58] P. E. Lémontey, Histoire de la Régence, 1832, t. I, p. 93-96 ; t. II, p. 371-383 a publié le commencement d’enquête et les quelques extraits de lettres qui nous ont fourni les éléments de ce récit, assez différent de celui de Saint-Simon. Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 237-241, et Mémoires, t. VIII, p. 307-310 ; Buvat, Journal, t. I, p. 108-110 est incomplètement renseigné ; Dangeau, op. cit., t. XVI, p. 241, 19 novembre ; Caumartin à Mme de Balleroy, dans op. cit., t. I, p. 66, 68 ; Gazette de la Régence, p. 18-19, 20-21, 22-25, 27-28, 32-33 ; Madame à la raugrave Louise, 14 novembre, op. cit., t. I, p. 199 ; pas un mot dans Ch. S. Terry, op. infra cit., p. 235.

[59] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 287 ; 1er janvier 1716.

[60] Le Prétendant au Régent, Dunkerque, 26 décembre 1715, dans Lémontey, op. cit., t. I, p. 94,note 1 ; Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 274, fol.421.

[61] Ch. S. Terry, The Chevalier de Saint-George and The Jacobite Movements in his Favour 1701-1720, in-12, London 1915, p. 125-311.

[62] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. II : lord Stanhope à lord Stair, Whitehall, 9-20 novembre 1715.

[63] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 251, 256, 257, 262, 266 ; 27 novembre, 3, 5, 13, 19 décembre 1715.

[64] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 269 ; 23 décembre 1715.

[65] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 270 ; 26 décembre 1715.

[66] Hardwicke Papers, Stair’s Journal, 1er et 2 décembre 1715.

[67] British Museum, mss Egerton, vol. 2170 : lord Stair à Bubb [Dodington], Paris, 11 décembre 1715.

[68] Gazette de la Régence, p. 38 ; 20 décembre 1715.

[69] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 296 ; 10 janvier 1715.

[70] Jacques III au Régent, Peter-Head, 2 janvier 1716, dans Lémontey, op. cit., t. I, p. 96.

[71] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 304 ; 20 janvier 1716.

[72] Buvat, Journal, t. I, p. 118.

[73] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 316, 6 février 1716.

[74] Buvat, Journal, t. I, p. 120.

[75] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 337 ; 13 mars 1716 ; Buvat, Journal, t. I, p. 124.

[76] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 351 ; 27 mars 1716.

[77] Cellamare à Alberoni, cité par Lémontey, op. cit., t. I, p. 97.

[78] Gazette, p. 60-61 ; 24 janvier 1716.

[79] Buvat, Journal, t. I, p. 135, avril 1716.

[80] Oxenfoord Castle, Stair Papers vol. III B ; Mémoire au Régent, 5 novembre 1715.

[81] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 373.

[82] Public Record Office, France, vol. 349 : Mémoire au Régent, 14 décembre 1715.

[83] G. Syveton, Un projet de démembrement de la France en 1716, dans Revue d’histoire diplomatique, 1892, p. 497-517, Voir Filon, Vaillance anglaise au XVIIe siècle depuis la paix d’Utrecht jusqu’à la guerre de succession d’Autriche, dans Comptes rendus de l’Académie des sciences morales et politiques, 1860, 4e série, t. II, p. 121, 385 ; J. Br. Perkins, France under the Regency with à Review of the administration of Louis XIV, in-8°, London 1892 ; P. Bliard, Dubois et l’alliance de 1717, dans Revue des Questions historiques, 1900, t. LXVII, p. 132-207.

[84] Wiener Staatsarchiv ; Correspondance de France : Relation de Pendtenriedter à Charles VI, février 1716.

[85] Ibid., Relation de Pendtenriedter à Charles VI, mars 1716.

[86] Ibid., Charles VI à Pendtenriedter, 21 mars 1716. Il est curieux de rapprocher ce passage d’une lettre de M. Caumartin de Saint-Ange à Mme de Balleroy, du 9 novembre 1715, op. cit., t. I, p. 64 : « Les grands armements de l’Empereur ont suspendu la réforme [des régiments français]. Le prince Eugène veut qu’on aille contre les Turcs ; les autres ministres que l’on viennecontre la France. Si on nous déclarait la guerre, il n’y aura qu’à leur [aban]donner ce qu’ils nous demanderont. »