LES TROIS COUPS D'ÉTAT DE LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE

STRASBOURG ET BOULOGNE

 

CHAPITRE VII. — L'AFFAIRE DE BOULOGNE.

 

 

Derniers préparatifs. — Les conjurés partent séparément. — Edimburgh-Castle. — Louis-Napoléon à Ramsgate ou à Gravesend. La traversée. — L'arrivée à Wimereux. — Les douaniers. — Place d'Alton. — À la caserne. — Maussion, Col-Puygélier, — Louis-Napoléon tire un coup de pistolet. — La retraite sur la ville haute, puis à la colonne de la Grande-Armée. — Désespoir du prince. Scènes sur la plage. — La fusillade. — Mort de Hunin ; blessures de Voisin ; mort de Faure. — Louis-Napoléon est emmené à Clam, puis à Paris. — Son calme à la Conciergerie. — Lettre du comte de Saint-Leu. — Les débats devant la Cour des pairs. — Discours du prince. — Belle tenue des accusés. — Un traître ? — Le général Magnan, Mésonan et Me Delacour. — Persigny. — Plaidoyer de Berryer. — Le verdict.

 

Par l'intermédiaire d'un nommé Rupello, italien d'origine et naturalisé anglais, Louis-Napoléon avait fait louer pour un mois un bateau à vapeur, l'Edimburgh-Castle[1] ; il était convenu que les voyageurs seraient maîtres à bord et se rendraient où bon leur semblerait ; ils n'avaient aucune indication à fournir à ce sujet ; ils devaient simplement prévenir de leur départ deux jours auparavant afin que tout fût préparé. Le prix était de 100 livres sterling (2.500 fr.) par semaine, à partir du 6 juillet jusqu'au 6 août. Dans le cas où la partie de plaisir serait différée, 100 livres sterling devaient être versées comme indemnité[2].

Au dernier moment, le prince paraît avoir hésité par suite, sans doute, des observations de ses amis[3]. Les bagages ne furent chargés que le 3 août[4] ; ils comprenaient, en plus des colis ordinaires, deux voitures, neuf chevaux, des malles d'uniformes et une certaine quantité de caisses de vins et de liqueurs[5]. Il y avait aussi un aigle dans une cage que Parquin, dit-on, avait acheté sur le quai au moment du départ, ce qui dut plaire à Louis-Napoléon, superstitieux de son naturel, et ce qui tendrait à prouver, d'autre part, que Parquin était dans la confidence plus qu'il ne l'avoua devant la Chambre des pairs[6] ; mais il est plus probable que cet aigle était un souvenir de Suisse[7]. Quant aux hommes de seconde main, ils furent divisés par petits pelotons et embarqués en des lieux divers[8].

Un dernier conseil se tint à Carlton-House le 3 août[9]. On décida que les conjurés ne quitteraient pas Londres ensemble afin de ne pas éveiller les soupçons[10]. Une partie devait le soir même se rendre à Greenwich, une autre à Margate, et d'autres encore dans divers lieux situés sur les bords de la Tamise[11] où ils attendraient le passage de l'Edimburgh-Castle. On discuta s'il ne convenait pas mieux de descendre à Dunkerque où l'on devait rencontrer et embaucher un corps de troupes assez considérable[12]. Les conjurés connaissaient admirablement la, côte française et tous les ports qui s'y échelonnent ; ils étaient minutieusement renseignés sur chaque garnison. Wimereux fut choisi en définitive parce qu'on se croyait sûr d'y être rejoint par cinq cents hommes au moins[13]. Puis on se sépara, et quelques-uns allèrent veiller au chargement du navire.

L'Edimburgh-Castle avait pour capitaine un nommé Crowe qui commandait auparavant le Calpe, un des bateaux de la compagnie faisant le voyage de Londres à Dieppe[14]. Après avoir déjà reçu plusieurs passagers de distinction[15], il quitta Londres à neuf heures du matin[16]. Le capitaine Crowe pensait qu'on se rendait à Hambourg[17]. A mesure qu'on descendait la Tamise, sur l'ordre des passagers, on prit plusieurs personnes à terre[18]. À Gravesend, ou, plus probablement, à Ramsgate[19], Louis-Napoléon, qui avait quitté Londres le matin très tranquillement, monta à bord en même temps qu'un pilote français[20]. On dit à Crowe qu'il devait obéissance à ce dernier et que les voyageurs comptaient visiter les côtes de France[21]. C'est ce pilote qui, depuis lors, eut la direction du navire[22]. On arriva dans la soirée à Margate et on n'en repartit que le lendemain matin, à quatre heures, après avoir embarqué le général Montholon, le colonel Voisin, le colonel Laborde et Orsi[23]. On espérait n'avoir pas attiré l'attention des autorités anglaises, et il n'y a pas lieu de croire qu'elles aient su quelque chose, bien qu'un journal britannique ait annoncé que les côtes françaises recevraient bientôt la visite de Louis-Napoléon[24]. Au sujet de l'arrivée du prince à Ramsgate ou à Gravesend, on racontait : Le maître de l'hôtel dans lequel il est descendu avec ses partisans n'a rien soupçonné ; il a seulement remarqué que ses nouveaux hôtes parais-raient inquiets de ne pas voir paraître le paquebot qui devait les prendre et dont l'arrivée avait été retardée parce qu'il avait été obligé de s'arrêter dans deux ou trois endroits pour y prendre des personnes de sa suite[25]. Dans le journal le Globe, du 7 août, sous la rubrique d'une correspondance particulière datée de Margate, on lit encore : Lundi dernier, le paquebot à vapeur le Kent, venant de Ramsgate, a débarqué dans ce port trois officiers français qui étaient accompagnés de trois domestiques étrangers. Ils sont descendus à l'hôtel d'York. L'un d'eux a déclaré connaître l'anglais et se nommer le comte de Lee. Mardi, après avoir dîné de bonne heure, ils ont demandé à M. Wright, propriétaire de l'hôtel, de leur procurer une embarcation avec son équipage pour les transporter avec leurs bagages et leurs domestiques à bord d'un bateau à vapeur qui devait les prendre dans l'après-midi. Le maitre de l'hôtel leur ayant procuré une barque et aucun navire ne paraissant, M. Wright examina la liste des bateaux à vapeur et vit qu'aucun n'était parti de Londres avant le mercredi matin ; il ne pouvait en passer aucun à moins que ce ne fut un vapeur nolisé expressément pour eux. Ayant fait part de cette remarque au comte de Lee, celui-ci dit qu'il s'agissait d'un paquebot particulier appartenant à ses amis qui devait venir les prendre et qui n'y manquerait pas. Vers onze heures, une chaise de poste dans laquelle se trouvait un étranger arriva à l'hôtel d'York. Cet étranger se transporta dans l'appartement où se trouvaient déjà les autres et ils parurent vouloir tenir ensemble une conférence secrète. Le comte donna des ordres pour ne pas être dérangé ; mais le patron du bateau qui surveillait l'arrivée du paquebot à. vapeur devait venir le prévenir aussitôt qu'il l'apercevrait. Vers trois heures du matin, le patron vint avertir M. Wright qu'un navire à vapeur s'avançait avec une lanterne sur l'avant qui lui servait de signal. En s'approchant du navire, le bateau fut hélé et on lui dit de se rendre à terre. Quelques minutes après les étrangers étaient dans le bateau et le navire à vapeur mouilla derrière la jetée. Deux personnes qui étaient venues à bord du navire à vapeur descendirent à terre, disant qu'elles avaient des dépêches à porter. Aussitôt qu'elles eurent débarqué, l'une d'elles partit pour Douvres et l'autre pour Londres[26]. — Le comte de Lee en question serait le général Montholon qui avait choisi comme sa résidence une maison appelée Petersham-Lodge, près de Richmond, conservant là, comme dans l'hôtel de Hyde-Park où il logeait quand il venait à Londres, le plus strict incognito. Il avait pris le titre de comte de Lee. Il quitta Petersham-Lodge le 3 août, à six heures et demie du matin, sans être accompagné d'aucun domestique et n'ayant avec lui que le prince Napoléon-Louis. Toute la maison croyait qu'il se rendait sur le continent et que son absence ne serait que de huit à dix jours[27]. — Il est impossible de contrôler l'exactitude de ces faits d'ailleurs spéciaux et n'intéressant pas la partie importante du récit.

La mer était très mauvaise[28]. Plusieurs conjurés furent assez vite malades[29] et, pour se remettre, burent du champagne ; ils en burent même à plusieurs reprises[30]. Cela ne présente rien d'extraordinaire. Il y avait du monde sur l'Edimburgh-Castle et ce monde fit, selon toute vraisemblance, quatre repas pendant les quarante-huit heures que dura la traversée ; la chaleur était, de plus, excessive. L'accusation ne manqua pas d'utiliser cette consommation à son profit et de déclarer les passagers ivres[31]. Or, d'après le capitaine du vapeur, seize douzaines de bouteilles auraient été embarquées[32], et comme les passagers étaient environ soixante, cela ne fait pas quatre bouteilles par tête[33]. Il n'y a rien là d'exagéré ; si l'on réfléchit en outre que toute une partie des gens embauchés était d'un ordre assez commun auquel la boisson, mieux que toute autre chose, pouvait donner au dernier moment le courage nécessaire, on ne s'étonne plus. Enfin, il est possible que tout soit inventé. Le colonel Montauban écrivit au National, en novembre 1848, qu'il n'y avait même pas de vin embarqué sur le paquebot et que le fait allégué d'une énorme consommation de liquide était un conte de matelot[34]. Il est vrai que cette protestation doit être mise en doute étant donné celui qui la fit. Il demeure donc probable que des caisses de vin furent embarquées, en quantité moindre qu'on ne le dit, et que le prince et ses lieutenants en burent, selon leur droit, mais en firent surtout profiter le corps expéditionnaire ; et il n'y a rien là de ridicule ni de déshonorant. Il fallait même que l'affaire fût assez propre à intéresser pour qu'on en ait été réduit à de pareils moyens afin de la combattre dans l'esprit public.

La direction du navire demeura d'abord incertaine[35]. Par excès de prudence, le prince voulait, avant tout, s'éloigner des côtes anglaises[36] ; il craignait également de devancer l'heure fixée pour l'arrivée[37]. Peut-être y eut-il chez lui une dernière hésitation, mais, Aladenize et quelques autres étant prévenus, il est difficile de croire que ce fut seulement à bord qu'il se décida pour Boulogne. — L'Edimburgh-Castle courut, quoi qu'il en soit, d'assez longues bordées[38].

Le 5 août[39], Louis-Napoléon réunit son monde sur le pont, monta sur une chaise[40] et tint ce petit discours : Mes amis, j'ai conçu un projet que je ne pouvais vous confier à tous, car, dans les grandes entreprises, le secret seul peut amener le succès. Compagnons de ma destinée, c'est en France que nous allons. Là nous trouverons des amis puissants et dévoués. Le seul obstacle à vaincre est à Boulogne ; une fois ce point enlevé, notre succès est certain ; de nombreux auxiliaires nous seconderont et, si je suis aidé, comme on me l'a fait espérer, aussi vrai que le soleil nous éclaire, dans quelques jours nous serons à Paris, et, l'histoire dira que c'est avec une poignée de braves tels que vous que j'ai accompli cette grande et glorieuse entreprise[41]. On ne sait pas l'effet immédiat produit par cette harangue ; on sait par le résultat que les conjurés ne reculèrent point et jouèrent leur rôle jusqu'au bout, probablement même de bon cœur ; sans cela, les uns se seraient cachés à fond de cale, les autres, une fois débarqués, se seraient enfuis peu à peu, sans le paraître. Dans l'idée du prince, son état-major et ses amis exceptés, ils étaient destinés à faire nombre jusqu'à ce que les troupes attendues fussent arrivées pour grossir celles acquises déjà. Or, sauf deux ou trois, tous marchèrent sous les uniformes qu'ils avaient consenti de leur plein chef à revêtir ; ils ne se sauvèrent qu'une fois l'entreprise définitivement manquée. Ils pouvaient sur le bateau même refuser leur concours en promettant de rester neutres, sachant qu'ils ne leur serait fait aucun mal. Qu'ils aient été séduits avant tout par les cent francs offerts à chacun d'eux, cela est dans l'ordre logique, mais il convient de remarquer que ces cent francs ne leur furent donnés qu'après leur acceptation, par Bure, un peu avant l'heure de débarquer[42] ; aussi près de la terre, ils avaient toute possibilité de rétracter leur premier engagement. — Louis-Napoléon, quant à lui, emportait une somme de quatre cent mille francs en billets de la banque d'Angleterre, en or et en argent. Beau joueur toujours, en dehors de sa vie, il risquait l'héritage maternel pour sa cause et ses idées[43].

La traversée devenait de plus en plus rude et le navire avançait lentement[44]. Le soir du 5, la côte française émergeait de l'horizon, mince ligne sombre au ras du ciel crépusculaire[45]. — La nuit s'était passée dans l'attente[46]. Le prince, selon toute probabilité, continuait de croire à sa réussite ; l'angoisse fatale d'une pareille aventure possédait son cœur, mais moins fortement qu'on le pourrait croire. En récapitulant les hasards et les chances, il les estimait à son avantage. Il pensait que la France était de plus en plus saisie par l'idée napoléonienne. L'achèvement de l'Arc de l'Etoile, le retour des cendres impériales, le projet de loi qui venait d'être -voté en mai, ordonnant qu'un tombeau fût érigé au maitre incomparable dans la chapelle des Invalides, ces petits faits particuliers prenaient à ses yeux des proportions importantes et lui apparaissaient des gages mystérieux de réussite. Il se sentait l'âme et l'aboutissant du culte où se plaisait l'époque. Il allait s'en révéler la raison encore hésitante. Il est douteux que l'idée de sa mort soit venue interrompre l'optimisme de ses rêves ou les teinter d'ombre ; peut-être l'effleurai-elle, mais rien n'est moins sûr et cela ne dura qu'une seconde ; personne n'a possédé autant que cet homme le sentiment qu'il accomplirait sa tâche. Dans les rares instants d'inquiétude qui survenaient, il s'en remettait aux événements pour dénouer ce qu'il avait entrepris ; quels qu'ils puissent être, il les accepterait sans colère comme le résultat d'un effort et son destin ; il était inadmissible d'ailleurs qu'ils fussent jusqu'au bout défavorables.

Le 6 août, un peu après minuit[47] — entre quatre et cinq heures, dit-on également[48] — l'Edimburgh-Castle vint mouiller à un quart de lieue de la côte, en face de Wimereux, petit port à quatre kilomètres environ au nord de Boulogne[49]. Les passagers furent débarqués en canot de deux à trois heures[50] et le canot fit quatre voyages successifs pour amener à terre tout le personnel de l'expédition[51]. En mettant le pied sur la plage, le prince fut reçu par Aladenize, Forestier et Bataille[52] ; Aladenize était arrivé quelques heures auparavant de Saint-Orner[53]. Bientôt devaient les rejoindre quatre ou cinq personnes arrivant de Boulogne à un signal convenu[54]. Mais le canot avait été aperçu par un douanier, Audinet[55], qui le héla. Quelqu'un qui était à bord — on ne sait qui — répondit avec beaucoup d'à-propos : Nous sommes des hommes du 40e de ligne et nous allons de Dunkerque à Cherbourg ; une roue de notre paquebot s'est brisée, voilà pourquoi nous débarquons[56]. Audinet courut prévenir son brigadier, un nommé Guilbert[57] ; le brigadier avisa son lieutenant, Bally, et tous, suivis de quelques autres accourus à leur appel, abordèrent la petite troupe bonapartiste, alors débarquée tout entière[58]. Le lieutenant demanda des explications. Ne vous opposez pas au débarquement, lui aurait-il été répondu, ou vous serez traités comme des Bédouins[59]. Une autre voix se lit entendre : Ne leur faisons pas de mal, c'est de la douane[60]. Il n'y avait pas lieu de parlementer ; le temps pressait. Il fut signifié aux douaniers qu'ils devaient, de gré ou de force, marcher avec la colonne expéditionnaire et même lui servir d'éclaireurs[61]. Montauban, s'approchant du brigadier Guilbert, lui dit : Savez-vous qui vous escortez ?... C'est le prince Napoléon ![62] Guilbert répliqua tristement qu'il serait révoqué[63]. On ne révoque pas des gens qui sont entraînés par force, répondit le colonel. Soyez sans inquiétude. La famille du prince est riche ; elle ne vous abandonnera pas[64]. Et le général Montholon lui offrit de l'argent qu'il refusa[65]. Le prince trouva au douanier un air si bouleversé que, pris de pitié, il lui permit de s'en aller à condition de promettre son silence[66]. Le douanier jura de se taire[67]. — On avait dit d'autre part au lieutenant : Le prince Napoléon est à notre tête... Boulogne est à nous et, dans peu de jours, le prince sera proclamé empereur par la nation qui le désire et par le ministère français qui l'attend[68]. Le lieutenant ne sachant que dire, n'avait trouvé qu'à déclarer qu'il était trop fatigué pour aller jusqu'à Boulogne[69]. Mésonan, que la farce commençait à lasser, s'écria : Il n'y a pas de fatigue qui tienne, il faut marcher ![70] Parquin mit à la main son sabre en lui ordonnant d'avancer[71]. — Encore une fois le prince intervint : Je veux bien, dit-il au douanier, que vous retourniez à \Vimereux, niais sous condition que vous irez directement et sans dire un mot de ce qui vient de se passer[72]. Vainement Louis-Napoléon lui a proposé une pension de 1.200 francs s'il venait à perdre son emploi, vainement Montholon lui a offert une somme immédiate[73]. — La troupe se met en marche dans l'aube déjà claire.

Le plan était, comme nous l'avons vu, bien simple : il consistait à s'emparer de la caserne et à entraîner les troupes pour enlever le château qui servait d'arsenal ; les monuments publics étaient occupés et les portes gardées militairement ; les renforts attendus une fois arrivés, on allait en avant. — La petite armée pénètre dans la ville vers cinq heures du matin[74]. Il fait jour. Un assez grand drapeau de soie s'élève au-dessus d'elle, chargé du nom de célèbres victoires impériales, frangé d'or et surmonté d'une aigle de cuivre[75]. Elle arrive place d'Alton où un poste est installé, composé de quatre soldats et d'un sergent[76]. Un homme s'y tient en faction, le voltigeur Jean-Baptiste Croisy[77]. Il voit Aladenize qui marche en tête de la colonne, puis Lombard portant le drapeau, puis un brillant état-major, puis les hommes. Il les prend pour des militaires constitutionnels et, se conformant au règlement, crie : Aux armes ! afin que le poste vienne rendre les honneurs[78]. Le poste sort, s'aligne et présente les armes. Le commandant de Mésonan et le lieutenant Aladenize se détachent pour les exhorter à se joindre au mouvement, le premier menaçant et pariant haut, le second sollicitant et prenant chaque soldat en particulier[79]. — Voilà le prince, dit-il en montrant Louis-Napoléon, venez avec nous ![80] On lui répond qu'il faut pour cela un ordre du commandant de place[81]. Je suis envoyé par votre colonel, dit alors Aladenize, vous pouvez me suivre ; le gouvernement est changé[82]. Le sergent Morange ne sait que penser. Il a remarqué que le drapeau est surmonté d'une aigle et demeure perplexe[83]. Il réplique finalement qu'il ne connaît que sa consigne, donne l'ordre à ses hommes de mettre l'arme au bras et refuse de bouger[84]. Vous vous en repentirez[85], dit Parquin. Tu seras puni demain[86] affirme un des conjurés. —Morane et ses hommes persistent dans leur refus. Aladenize prend par le bras le dernier soldat de la file, un nommé Perret, et lui dit : Viens, tu seras récompensé et tu n'auras pas de regrets[87]. Perret résiste[88].

Les conjurés passent outre et gagnent la Grande-Rue[89]. Ils y croisent un officier de la garnison, le sous-lieutenant de Maussion. Quelqu'un va vers lui et lui demande s'il ne connaît pas le prince. Tout à fait interloqué, le sous-lieutenant avoue qu'il ne le connaît pas. Venez, je vais vous présenter[90]. M. de Maussion désire savoir qui est ce prince et s'excuse de ne pas être dans une tenue convenable[91]. On l'entraîne. La présentation a lieu. Le sous-lieutenant, qu'il l'ait voulu ou non, suit la petite troupe et Louis-Napoléon lui dit, tout en marchant : J'espère que vous serez des nôtres... Je suis venu ici pour rendre à la France humiliée le rang qui lui convient[92]. Cette conversation et cette confiance fournissent au sous-lieutenant le temps de se raviser, et il trouve un prétexte pour quitter ses nouveaux amis[93]. Louis-Napoléon, toujours trop généreux, a le grand tort de le laisser partir. Maussion court chez son capitaine, Col-Puygélier, et lui annonce l'événement[94]. Le lieutenant Ragon, de son côté, arrive presque en même temps à la caserne[95]. Sorti de grand matin, il était revenu se mettre en uniforme après avoir rencontré un soldat qui lui avait affirmé la présence d'un détachement du 40e dans la ville[96]. — Si le poste de la place d'Alton et Maussion avaient été garrotés en lieu sûr ainsi que les douaniers, à cette heure, personne n'aurait pu donner l'éveil et les conjurés se seraient rendus assez tranquillement maîtres de la caserne. Ils n'avaient alors qu'à marcher sur le château. Au lieu de cela, peu de temps après leur apparition devant les troupes, ils étaient déjà battus sur le premier terrain de leur aventure.

En arrivant devant la caserne, Aladenize s'adresse au soldat de faction avec lequel une entente préalable paraît avoir été établie : Factionnaire, criez : aux armes ! Voilà le prince ![97] Le factionnaire obéit[98]. Le poste sort, exécute la manœuvre. Louis-Napoléon et sa suite pénètrent dans la caserne sans aucune difficulté[99]. Deux hommes sont placés à la porte avec la consigne de ne laisser entrer aucun officier et de ne permettre à personne de sortir[100]. La foule commençant à se rassembler au dehors, un des conjurés vient lui jeter de l'argent, sous forme même de pièces de cent sous, en lui disant de crier Vive l'empereur ! Et la foule crie autant qu'on veut[101]. Dans la caserne, les premiers sentiments des soldats sont l'étonnement et l'incertitude[102]. Mais Aladenize montre le prince aux hommes qui commencent à se laisser ébranler ; chacun semble prêt à le suivre[103]. Louis-Napoléon met son chapeau au bout de son épée et l'enthousiasme redouble[104]. Partout, au dedans et au dehors, les acclamations le saluent : Vive le prince Napoléon ![105]

Ce bruit attire à la fenêtre deux sergents, Ruiek et Chapolard[106]. Ils descendent dans la cour. Aladenize les prend par la main et les conduit à son chef. Voila, dit-il, en présentant le plus âgé, un ancien militaire auquel il faut une paire d'épaulettes[107]. — Je vous fais capitaine de grenadiers, décrète le prince[108]. Il donne aussi la main à l'autre et lui dit : Bonjour, mon brave, je te nomme officier[109]. Il faut croire que les deux sergents acceptèrent ces grades rapides car ils ne contrarièrent en rien les commandements d'Aladenize. — Celui-ci réunit tous les hommes des deux compagnies, les range en carré, ordonne de présenter les armes et de battre au drapeau. Ceci une fois effectué, Louis-Napoléon prend place au milieu des soldats et leur adresse quelques paroles vives et chaleureuses[110]. Les soldats crient avec conviction et presque tous : Vive l'empereur ![111] Aladenize désigne au prince le sergent-major Clément, qui s'avance. Je vous nomme capitaine, dit Louis-Napoléon, et je vous donne la croix que j'ai portée moi-même[112]. Mais il ne parvient pas à la détacher de son uniforme et l'un des siens lui faisant observer qu'il va se déchirer[113], il dit au sergent : Vous n'en êtes pas moins chevalier de la Légion d'honneur[114]. — Il faut le reconnaître, cet épisode présente un aspect puéril et les paroles du prince révèlent une grande nervosité. Il est regrettable d'ignorer le discours qu'il adressa aux troupes et qui les entraîna. Peut-être récita-t-il la proclamation rédigée à Londres.

Le sous-lieutenant de Maussion arrive sur ces entrefaites[115]. Aladenize va vers lui et les deux hommes causent assez longuement. Que se dirent-ils ? L'instruction ne l'a pas révélé. Sur la fin de leur entretien, Criez vive l'empereur[116] aurait ordonné — ou prié — Aladenize. Non, jamais, vive le roi toujours[117], aurait répondu le sous-lieutenant. Col-Puygélier survient. A la porte de la caserne, il est abordé par un officier de Louis-Napoléon : Capitaine, soyez des nôtres ; le prince Louis est ici ; votre fortune est faite[118]. Puygélier met la main à son sabre et s'écrie : Où est ma troupe ? Je veux la voire ![119] On s'empare de lui et on cherche à lui arracher son arme. Mais au lieu de le bâillonner fortement et de l'emporter, on le laisse se débattre, de telle sorte qu'il trouve encore facilement le moyen de se faire entendre : Vous briserez mon sabre ou je m'en servirai, car j'ai bon poignet[120]. L'indécision de ses adversaires est telle qu'il parvient à se dégager et rejoint ses soldats[121]. Persigny, qui sent la faute, court à lui pour le tuer[122]. Aladenize l'en empêche[123]. Col-Puygélier harangue la troupe : Vous êtes des hommes d'honneur, n'est-ce pas ? Eh bien, ce qu'on vous demande, c'est une trahison[124]. Louis-Napoléon s'approche. Capitaine, je suis le prince Louis ; soyez des nôtres et vous aurez tout ce que vous voudrez[125]. — Prince Louis ou non, réplique l'officier, je ne vous connais pas. Je ne vois en vous qu'un usurpateur ; vous venez ici comme un traître et je vous engage à vous retirer. Napoléon, votre prédécesseur, a abattu la légitimité et c'est en vain que vous viendrez la réclamer[126]. Cependant, beaucoup de soldats continuent de crier Vive l'empereur !

Il semble qu'ici les conjurés aient à peu près perdu la tête. S'attendant à un tout autre accueil[127], ils ne surent pas agir énergiquement ; leur indécision et leur mollesse les livrèrent. Au lieu de faire taire à n'importe quel prix le capitaine, sauf en l'exécutant devant la troupe, ils lui permirent de haranguer ses hommes. La faute avait été commise d'abord à l'entrée de la caserne ; ils l'aggravèrent en en laissant les conséquences se développer. Désormais, il était trop tard : la chance avait tourné.

Soldats, on vous trompe ! crie Col-Puygélier. A moi ! Vive le roi ![128] Une dernière occasion se présente. Le capitaine, entouré par les conjurés, est à leur merci. Il le sent bien lui-même. Assassinez-moi, dit cet homme énergique, mais je veux accomplir mon devoir[129]. Aladenize, au lieu de lui passer son épée au travers du cops, le défend toujours contre ses amis ; il le couvre même de ses bras et s'écrie : Respectez le capitaine, ne tirez-pas ! Je réponds de ses jours...[130] ; il fait observer également à Col-Puygélier qu'il va être la cause d'une boucherie[131]. Tant pis, réplique-t-il, nous en ferons une s'il le faut ![132] — Juste à ce moment accourent le capitaine Laroche et le sous-lieutenant Ration, sabres nus, avec des sous-officiers et deux compagnies du 42e[133]. Ils appellent les soldats et crient Vive le roi ! Une mêlée se produit, et Col-Puygélier est dégagé[134]. Les conjurés reculent un peu[135]. Louis-Napoléon se met à leur tête et les lance en avant[136]. Le capitaine se porte à la rencontre du prince, lui signifie de se retirer et ajoute qu'il va employer la force, lorsque par un de ces mouvements rapides et presque involontaires qui éclatent dans les moments désespérés, le prince Louis, levant un pistolet, le tira devant lui sans ajuster. La balle alla frapper un grenadier à la figure[137], — Comment le prince a-t-il tiré ce coup de pistolet ? Devant la Cour, où il n'a aucune raison de dire la vérité, il soutiendra que le coup est parti, en réalité, tout seul — et c'est possible. Je crois plutôt qu'il se rendit enfin compte de sa faute, que tout le mal venait du capitaine et qu'il fallait se résoudre à le tuer, puisqu'au moment de tirer, l'émotion aidant, espérant — sans grande conviction que ce coup de pistolet ferait peut-être céder son adversaire, il appuya sur la détente sans bien viser, remettant au hasard — ou au destin — (ils se confondent souvent) le soin de décider de sa balle. Il espérait, en même temps, être appuyé par ses amis. Mais il y avait chez les conjurés si peu la pensée d'engager une lutte violente, que ce coup de feu devint le signal de leur départ[138]. Ainsi, ce fameux coup de pistolet auquel il ne s'est pas décidé à Strasbourg, il s'y résout ici, par désespoir, maladroitement et une fois l'instant opportun passé[139].

A peu près sûr de ses hommes maintenant qu'il paraissait le plus fort, Puygélier refoule les derniers conjurés et fait fermer sur eux les portes de la caserne. Il ordonne une distribution de cartouches, envoie deux tambours avec quatre grenadiers battre la générale, dépêche le sous-lieutenant de Maussion avec vingt hommes pour s'emparer du port, assure la garde de la caserne et, bientôt, se dirige avec le sous-lieutenant Ragon vers la ville haute afin de défendre l'arsenal et le château[140].

Les conjurés se retirent en bon ordre ; tous, dont Louis-Napoléon, n'ont, pas perdu espoir[141]. Quelques-uns, cependant — les principaux complices du prince[142] — ont supplié leur maître de renoncer à une entreprise qui ne comporte plus aucune chance de réussite et de se hâter vers le bateau à vapeur qui attend en rade ; rien ne peut encore les empêcher de le rejoindre et de gagner au plus vite la haute mer[143]. Ce conseil est sage, mais Louis-Napoléon refuse de le suivre[144]. Il compte absolument sur des renforts qui lui permettront de s'avancer contre la capitale, même en laissant derrière lui la garnison boulonnaise, et il lui répugne, cela étant, de reculer devant le premier obstacle. Il marche donc vers la haute ville. Les siens distribuent en route de l'argent, des proclamations et, par de bonnes paroles, cherchent à entraîner le peuple. Celui-ci est plus étonné qu'ému. Toutefois, les pièces de cent sous aidant, beaucoup de gens crient : Vive l'empereur ![145]

Le sous-préfet, averti de ce qui se passe, accourt, seul, devant la sous-préfecture et somme les conjurés de se séparer ; au nom du roi, il leur enjoint d'abattre leur drapeau. Louis-Napoléon donne l'ordre de passer outre[146]. La petite troupe ne s'arrête pas. Le zélé fonctionnaire, faisant mine de vouloir lui barrer le chemin, reçoit dans la poitrine un coup de l'aigle qui achève la hampe[147]. Cet aigle, étant en cuivre bosselé, ne dut pas lui faire grand mal. Il se défend vaguement et est un peu égratigné aux mains[148]. Après avoir fait battre le rappel, il court chez les gardes nationaux leur dire de se préparer et leur indique comme lieu de rendez-vous la place d'Alton — où il parvient à en réunir deux cents sous les ordres du colonel Sansot[149]. De son côté, le maire prescrit au capitaine du port de monter sur le vapeur et d'en arrêter l'équipage[150].

Arrivant aux portes de la haute ville, les conjurés les trouvent fermées[151]. Ils essayent vainement d'en briser une, celle dite de Calais, à coups de hache[152]. Échouant encore dans cette tentative, ils supplient de nouveau le prince de regagner le bâtiment ; il s'y refuse avec la même opiniâtreté, soit qu'il conservât quelque espoir, soit qu'il voulût ennoblir une entreprise désespérée par le sacrifice de sa vie[153]. Il indique comme lieu de ralliement la colonne de la Grande-Armée, à un kilomètre environ de la ville, et, dès qu'il y arrive, y fait flotter son drapeau[154]. C'est Lombard qui monte l'attacher, après s'être fait livrer la clef de l'escalier par le soldat qui gardait la colonne en lui montrant un pistolet[155]. — Louis-Napoléon joue ici son dernier atout[156]. Il semble évident que ce drapeau hissé au haut de la tour soit un appel et que le prince compte être rejoint, peu de temps après que son signal aura été vu, par les secours promis. Salis cet espoir, il aurait de suite, — ignorant le sort du paquebot — gagné la mer. Le drapeau sur la colonne de la Grande-Armée et l'attente n'ont pas de sens sans cela. Les conjurés attendent si réellement un renfort qu'ils prennent des dispositions de défense[157]. Mais bientôt ils voient accourir de toutes parts la force armée, grenadiers du 42e, gardes nationaux et citoyens[158]. Le colonel Sansot et le sous-préfet les conduisent, accompagnés par quelques gendarmes à cheval[159]. Il y a aussi beaucoup de peuple qui témoigne au prince la plus vive sympathie[160]. Quant à ses partisans, à part quelques fidèles, ils montrent celte fois moins de courage et que leurs supplications n'avaient d'autre but que leur propre salut. Ils se sauvent dans toutes les directions[161]. Désespéré, se rendant compte qu'on l'a trompé et jugeant que son aventure tourne au ridicule, Louis-Napoléon est résolu formellement à se faire tuer[162]. C'est ici que je dois mourir, dit-il, c'est ici que j'attendrai la mort[163]. D'après une autre version : Je suis un exilé, s'écriait-il, et je veux mourir sur la terre de France ! Je veux rester à la Colonne et je m'y ferai clouer par les baïonnettes françaises[164]. Victime d'une cause incomparable, il lui paraît qu'il rachètera ainsi la dérision dont on ne manquera pas de la couvrir et la sauvera devant l'opinion publique. Les cris de Vive l'empereur ! Vive la liberté ! prononcés au pied de la Colonne. les pleurs de quelques vieux soldats ; le désespoir d'un jeune prince se cramponnant aux grilles de la Colonne pour s'y faire tuer et se refusant à toutes les supplications, à toutes les offres de salut de ses amis et de quelques hommes du peuple, donneront à cette malheureuse et imprudente tentative une couleur lugubre, mais touchante et terrible[165].

Ses amis l'entraînent de force[166]. Seul, Lombard, ne voulant point quitter le drapeau confié à sa garde, demeure dans la Colonne où il est pris[167]. Les conjurés se dispersent à travers champs vers la mer, poursuivis par la garde nationale qui, les voyant armés, de peur de représailles, n'ose pas encore faire usage de ses fusils ; elle se réserve[168]. Certains, tout en fuyant, abandonnent d'ailleurs leurs armes et leurs uniformes[169] dans les blés et dans les garennes, croyant sans doute pouvoir échapper de cette manière aux troupes envoyées contre eux[170]. Un noyau de fidèles reste auprès du prince. Ceux qui l'abandonnent sont saisis les premiers. La troupe s'empare d'Aladenize, de Montauban et de cinq autres[171]. On empoigne Desjardin au moment où il monte sur le cheval d'un paysan[172]. Ornano est découvert dans une cabane où il a réussi momentanément à se cacher[173]. Montholon et Parquin sont arrêtés sur le port par le capitaine de la garde nationale Chauveau-Soubitez et le commissaire de police Bergeret[174].

Arrivés sur la plage, à quelques centaines de pas de l'établissement de bains[175], les conjurés voient le paquebot qui tourne la jetée pour entrer dans le port[176]. Ne sachant pas ce qu'il en est et pensant que le capitaine vient à leur secours, ils le hèlent pour qu'il leur envoie une barque et gagne la haute mer[177]. N'obtenant point de réponse, serrés de près par la garde nationale, ils se jettent à l'eau vers un canot qui se trouvait là, canot de sauvetage de la Société humaine[178]. Ils s'en emparent tandis que, sur la plage, se rendent ceux de leurs camarades qui ne les ont pas suivis[179]. À ce moment, autour du prince, il y a Persigny, Conneau, Mésonan, Galvani, Voisin, Vienjiki, Faure et Hunin[180]. — Ce canot leur est inutile. Ils n'auraient jamais pu gagner le large[181], parce que l'embarcation était fort difficile à gouverner et que d'un autre côté, le canot du paquebot monté par le capitaine Pollet et quelques marins, s'avançait pour leur couper la retraite[182]. — Il ne leur reste aucun moyen d'échapper, — surtout que leur embarcation chavire sous l'effort que font certains pour monter dedans[183]. C'est ce moment que choisit avec prudence la garde nationale, sûre de ne plus courir aucun danger, afin de fusiller à son aise et à bout portant des malheureux sans défense[184]. Le prince, plongé dans l'eau jusqu'au cou, reçoit trois balles, dont deux dans son uniforme, pendant qu'il s'en débarrasse tant bien que mal[185]. — Suivant quelques-uns, la garde nationale tira[186] au moment où le canot parut prendre le large. Son action n'en demeure pas moins atroce, car la barque était à cinq mètres environ de la terre[187]. Dans ce cas, elle aurait chaviré de la manière suivante : Les fugitifs s'étaient emparés du bateau de sauvetage qui se trouvait sur la plage devant la jetée des bains ; et, jetant les armes, ils se précipitèrent dans ce frôle esquif qui ne pouvait les sauver... Les gardes nationaux, les voyant désarmés, s'avancèrent. L'un d'eux se trouva bientôt tout près d'un des aides de camp de Louis Bonaparte qui avait déjà un pied dans la barque et ce garde national, se reculant de deux pas, ajusta le malheureux qu'il tua à bout portant[188]. C'était Faure, sous-intendant militaire[189]. Le poids du corps, en tombant, fit chavirer la nacelle, déjà trop chargée, et ceux qu'elle contenait tombèrent à la mer[190]. Il y a mieux. Selon le Journal de Calais, Faure fut bien tué ainsi à bout portant, niais au moment même où il présentait son épée pour se rendre[191]. — il n'y a rien de plus cruel qu'un homme lâche sûr de l'impunité. Celui-ci, dans la vie ordinaire, faisait des chaussures[192]. L'histoire n'a pas enregistré son nom.

Un des gardes nationaux, se pensant spirituel, déclare amusante cette chasse aux canards[193]. La marée monte. Louis-Napoléon fait des efforts infructueux pour s'éloigner du bord[194]. Hunin appelle au secours et se noie[195]. Le colonel Voisin ne peut plus nager, frappé de deux balles dans le dos, dont l'une dans les reins[196]. Il se retourne alors, découvre sa poitrine et s'écrie : Ce n'est pas ainsi que meurt un soldat ! Un garde national ne se fait aucun scrupule de tirer sur lui de nouveau et l'atteint en pleine poitrine[197]. Viengiki est blessé grièvement à l'épaule[198]. Galvani, d'abord disparu dans les flots, réussit à regagner le rivage[199]. Le lieutenant du port, Pollet, arrive sur ces entrefaites avec cinq hommes et deux gendarmes au secours du prince[200]. Il recueille, malgré la fusillade qui continue, Louis-Napoléon et trois des siens[201] ; un autre canot, conduit par le notaire Dutertre, capitaine de la garde nationale, arrive bientôt et sauve un cinquième conjuré[202]. Les deux barques accostent au quai et les fugitifs sont conduits au bureau des douanes[203]. Louis-Napoléon grelotte de froid[204]. Un nommé Lejeune, entrepreneur de bâtiments, ôte son habit et le lui donne[205]. Une voiture vient prendre le prince ; il est conduit au château sous la garde du maire et du sous-préfet[206]. Selon le National, le prétendant et un autre personnage, couverts de manteaux, montèrent avec le préfet et le maire dans une gondole destinée au transport des baigneurs et on les conduisit au château[207]. Une autre voiture y emmenait Persigny, Voisin, Conneau, Mésonan et Viengiki[208]. — Arrivé au château, Louis-Napoléon se met au lit tout tranquillement[209]. Il est à peine huit heures[210]. Tous les conjurés sont pris : Quarante-sept prisonniers se trouvaient, en ce moment, au pouvoir de l'autorité. Tous, au moment de leur arrestation, paraissaient plus fatigués que découragés. Cette fatigue s'explique facilement quand on se rappelle que ces hommes ont passé quatorze heures sur mer dans un état de surexcitation probable et que, la traversée les avait presque tous rendus malades[211]. Un des conjurés qui avait passé inaperçu, ne sachant plus que faire dans les rues de Boulogne où chacun le regardait comme un objet de curiosité, entra son sac à la main dans un corps de garde se constituer lui-même prisonnier[212]. — L'affaire avait duré trois heures environ, et le lendemain, 7 août, le Moniteur publia une circulaire du ministre de la Guerre dont voici un échantillon : Général, le territoire français a été violé par une bande d'aventuriers... Repoussés dans les flots qui venaient de les vomir, Louis Bonaparte et tous ses adhérents ont été pris, tués ou noyés, etc. Signé : Le pair de France, etc. Cubières[213].

La presse fut unanime dans son blâme ironique et méprisant. Le Journal des Débats donnait le ton : Tout Paris a appris aujourd'hui avec une indignation mêlée de pitié qu'une tentative plus folle encore et plus coupable que l'échauffourée de 1836 venait d'être faite sur la ville de Boulogne par l'amnistié de Strasbourg, M. Louis Bonaparte. Nous n'avons pas besoin de dire que cette entreprise a misérablement échoué. Les aigles, les proclamations emphatiques, les prétentions impériales de M. Louis Bonaparte n'ont réussi qu'à le couvrir une seconde fois d'odieux et de ridicule... En vérité, l'excès de folie que dénote une pareille entreprise confond... Ceci passe la comédie ; on ne tue pas les fous, soit, mais on les enferme. Le Constitutionnel fait chorus : Sa monnaie de prétendant faisait hausser les épaules ; elle indignera aujourd'hui tous les cœurs honnêtes. Il se croit héroïque, il n'est que tristement ridicule... Revenant à la charge le jour suivant, le même journal dira : Dans cette misérable affaire, l'odieux le dispute au ridicule... La parodie se mêle au meurtre et, tout couvert qu'il est de sang, Louis Bonaparte aura la honte de n'être qu'un criminel grotesque... On rirait de mépris au récit de ces actes de démence si le sang n'avait coulé[214]. — On peut noter en passant que, huit ans après, le même Constitutionnel n'avait pas de mots assez louangeurs pour le prince — de même que la Presse, qui disait, pour le quart d'heure : M. Louis Bonaparte s'est placé dans une position telle que nul en France ne peut honorablement aujourd'hui éprouver pour sa personne la moindre sympathie ni la moindre pitié. Le ridicule est moins dans l'avortement si misérable de ses projets, dans cette fuite précipitée d'es le premier signe de résistance, dans cette subite métamorphose de farouches conspirateurs en tritons effrayés et transis. Seul, le National parle différemment : Ce jeune homme porte un nom magique, un nom qui apparait au pays comme un symbole de puissance, un gage de nationalité ; les souvenirs les plus brillants l'entourent et le protègent. Dans les feuilles anglaises on ne pardonnait pas à celui qui n'avait pas su réussir. Le correspondant du Times apprend ainsi à ses lecteurs qu'il vient de voir Louis-Napoléon : Le pauvre diable est dans un triste état. Il a manqué se noyer et les balles l'ont serré de près. S'il en avait reçu une, c'eût été, après tout, la meilleure fin d'un aussi mystificateur imbécile[215]. Le Morning-Post imprime : ... Le maniaque Louis-Napoléon dont le nom vient encore de se produire d'une manière si ridicule... Et le Sun le traite de fou : Il serait de la dignité et de l'intérêt du gouvernement français de l'enfermer dans un hospice d'aliénés. — Les caricatures furent nombreuses. L'opinion publique répétait naturellement la presse[216]. Et Metternich consacrait la façon de voir générale : Je ne vous parle pas de l'échauffourée de M. Louis Bonaparte, écrit-il à M. Apponyi ; je n'ai pas le temps de m'occuper de toutes les folies de ce bas monde[217]...

Le 7 août, vers minuit, on fit monter le prince dans une berline[218]. Il semblait très abattu[219]. Il portait le gilet et le pantalon d'uniforme et un pardessus blanchâtre[220]. — Avant de quitter le château, en descendant l'escalier qui menait à la cour, il tourna ses regards vers les fenêtres où se trouvaient les autres conjurés et s'écria : Adieu, mes amis, je proteste contre mon enlèvement[221]. L'un d'eux, Persigny, lui aurait répondu : Adieu, prince ; l'ombre de l'empereur vous protègera[222]. — Les ordres donnés à l'égard de Louis-Napoléon étaient sévères[223]. Le gouvernement craignait que Boulogne ne fût que le premier acte du drame. Quand le prince monta en berline, un colonel de la garde municipale chargé de l'accompagner lui dit eu s'asseyant à côté de lui qu'au premier mouvement qu'il ferait, il lui brûlerait la cervelle[224]. La berline était suivie de deux autres, précédées de gardes municipaux et toutes trois, sur la fin du trajet, furent entourées de dragons[225]. Enfin des sentinelles étaient postées le long de la route, tant on redoutait un coup de main[226]. Un historien du temps[227] raconte les précautions prises : Dès 3 heures du matin, deux compagnies d'infanterie du régiment en garnison à Amiens étaient parties pour aller faire le service de la prison d'Etat. Trois heures après, une centaine de dragons, sortis de la même ville, s'échelonnaient le long de la route, aux relais de poste, par piquet de douze hommes et deux officiers. On rencontrait, en outre, de distance en distance, des groupes de soldats de ligne formant sur la route autant de petits postes. Les gendarmes des bourgs et villes environnants avaient depuis vingt-quatre heures exploré tous les sentiers qui aboutissaient au chemin que devait suivre le prisonnier et s'étaient, en dernier lieu, postés dans les bois voisins du passage pour prévenir une tentative d'enlèvement. Un courrier précédait de loin la voiture où se trouvait, le prince et faisait arrêter les relais. Un quart d'heure après, le prisonnier arrivait. Sa suite se composait de trois voitures, dont la première et la troisième étaient remplies de gardes municipaux. Il était dans celle du milieu occupant la place du fond à droite, avant à sa gauche un officier supérieur de la garde municipale et, sur le devant, deux soldats du même corps. Dans le dernier parcours, les voitures étaient escortées par un détachement de dragons venu d'Amiens. — Louis-Napoléon arriva le 9 août à Hani, vers deux heures et demie du matin[228].

Le même jour, la juridiction de l'attentat de Boulogne était déférée à la Chambre des pairs, ce qui parut, assez justement, un passe-droit[229]. La chose ne s'était d'ailleurs pas faite facilement. M. Pasquier avait commencé par dire qu'il s'y opposait de toutes ses forces. Il se souciait peu de diriger encore une fois un de ces jugements politiques qui engagent l'avenir d'un homme. Puis il craignait des oppositions ouvertes ou cachées ; il assurait hautement qu'il ne pouvait répondre du vote de la majorité et il redoutait les scandales d'un acquittement. En conséquence, il proposait d'en agir avec le prince Louis comme on avait fait pour la duchesse de Berry. Une détention perpétuelle sans jugement lui paraissait présenter beaucoup moins d'inconvénients qu'un jugement incertain. Même en cas de condamnation, il n'aimait guère voir la responsabilité de la noble Chambre compromise une fois de plus dans un procès politique[230]. Le ministère, n'ayant aucun intérêt à ménager les consciences de la pairie, passa outre ; tous ceux qui le constituaient pensaient de même la dessus ; ils voyaient un argument en faveur des autres accusés dans l'illégalité conseillée par le chancelier, et ils le condamnèrent à juger. C'était l'avis de M. Guizot accouru à Eu où il se rencontrait avec M. Thiers. M. de Rémusat, parti pour Boulogne, ne voulait pas davantage ménager le principal accusé. M. Cousin, chargé spécialement d'en conférer avec M. Pasquier, se prononça fortement pour l'égalité de tous les accusés devant la loi[231].

Cette fois, les journaux protestèrent ; un seul applaudit, les Débats. Quant aux feuilles bonapartistes, elles avaient beau jeu. Le Capitole ne manqua pas de faire observer que pour un gouvernement qui se réclamait des immortels et intangibles principes de 1789, celui-ci en prenait un peu trop à son aise ; et. il ajoutait : La pairie peut-elle être à l'égard de son justiciable dans les conditions d'indépendance et d'impartialité requises par la loi ? Généraux, préfets, conseillers d'État, ambassadeurs, pensionnaires de tous les régimes, fonctionnaires révocables et dépendants, leur conscience de juge n'est point réellement protégée par l'inamovibilité qui assure la bonne administration de la justice... Conçoit-on le neveu de l'empereur, assis sur la sellette, en présence de deux cents créatures de l'Empire à chacune desquelles il peut rappeler dix à douze serments prêtés à sa dynastie et autant de bienfaits reçus de la munificence napoléonienne ?... Se figure-t-on, par exemple, le plus grand dignitaire de la pairie, M. Pasquier, rappelant l'illustre accusé à la foi du serment et aux droits de la reconnaissance ?

Louis-Napoléon quitta Ham le 12 aoùt et fut remis en voiture sous l'escorte de la gendarmerie départementale et de la garde municipale[232]. Il arrivait à la Conciergerie de Paris à minuit vingt' et y était incarcéré dans la chambre occupée cinq ans auparavant par Fieschi[233]. Il dut y subir trois surveillants perpétuels et n'obtint pas la permission de garder son valet de chambre[234]. — Les autres conjurés furent écroués les jours suivants[235].

L'émotion avait été grande dans la famille royale, plus empreinte d'angoisse qu'au moment de Strasbourg[236]. Encore une fois, il n'y a pas lieu de tenir compte de ce qu'elle affecta ; malgré son attitude, elle ne put, de suite, masquer son sentiment, qui fut celui de la stupeur[237]. Cela mène à penser que le gouvernement découvrit dans le complot une préparation très étendue[238]. Doutant des régiments de ligne, le roi tint à manifester sa reconnaissance à la garde nationale ; il vint à Boulogne la passer en revue en se faisant accompagner de toute sa famille, et la constella de décorations[239]. Il était un peu ridicule de voir honorer tant de gens qui avaient eu, somme toute, un rôle assez odieux, mais Louis-Philippe était tenu d'agir ainsi. Le capitaine Col-Puygélier qui méritait bien, quant à lui, une récompense, fut promu major ; le colonel Sansot reçut la cravate de commandeur[240]. L'histoire ne dit pas si le cordonnier qui tua Faure accepta une médaille ; c'est probable. Les conversations des gardes nationaux, le soir, dans leurs familles, à la suite de ce beau jour, durent être divertissantes... Le gouvernement félicita aussi avec chaleur le 42e d'infanterie. On doit croire cependant qu'il en pensait un peu moins qu'il n'en disait, car, quatre mois après, le 3 décembre 1840, le ministre de l'Intérieur signalait à son collègue de la guerre le mauvais esprit dont semblaient animés beaucoup d'officiers du 42e et concluait, d'accord avec le préfet de police, qu'il fallait éloigner ce régiment du Pas-de-Calais[241].

Le 26 août, une lettre parut dans les journaux, comme émanant du comte de Saint-Leu, et qui venait peut-être de lui. Elle était ainsi conçue : Florence, 24 août 1840. — Monsieur, permettez que je vous prie de recevoir la déclaration suivante : Je sais que c'est un singulier moyen et peu convenable que celui de recourir à la publicité ; mais, quand un père affligé, vieux, malade, légalement expatrié, ne peut venir autrement au secours de son fils malheureux, un semblable moyen ne peut qu'être approuvé par tous ceux qui portent un cœur de père. Convaincu que mon fils, le seul qui me reste, est victime d'une infâme intrigue et séduit par de vils flatteurs, de faux amis et peut-être par des conseils insidieux, je ne saurais garder le silence sans manquer à mon devoir et m'exposer aux plus amers reproches. — Je déclare donc que mon fils Napoléon-Louis est tombé pour la troisième fois dans un piège épouvantable, un effroyable guet-apens, puisqu'il est impossible qu'un homme qui n'est pas dépourvu de moyens et de bon sens, se soit jeté de gaieté de cœur dans un tel précipice. S'il est coupable, les plus coupables et les véritables sont ceux qui l'ont séduit et, égaré. Je déclare surtout avec une sainte horreur que l'injure qu'on a faite à mon fils en l'enfermant dans la chambre d'un infâme assassin est une cruauté monstrueuse, antifrançaise, un outrage aussi vil qu'insidieux. Comme profondément affligé, comme bon Français éprouvé par trente années d'exil, comme frère et, si j'ose le dire, élève de celui dont on redresse les statues, je recommande mon fils égaré et séduit à ses juges et à tous ceux qui portent un cœur de Français et de père. — Louis de Saint-Leu[242]. Le ministère répliqua aussitôt en faisant insérer dans les feuilles gouvernementales le paragraphe suivant : Des journaux contiennent dans leur numéro de ce jour une lettre du comte de Saint-Leu, l'ex-roi de Hollande, père de Louis Bonaparte, qui déclare regarder comme une injure d'avoir donné à son fils pour prison la chambre qui a été occupée par Fieschi. — La pièce où est détenu à la maison de justice Louis Bonaparte a, en effet, servi à Fieschi ; mais on doit faire remarquer que c'est à tort qu'on cherche dans ce rapprochement un reproche à adresser à l'autorité. La chambre dont il s'agit a subi il y a quelques mois une transformation complète, ayant été donnée comme logement particulier à l'inspectrice du quartier des femmes qui a été obligée de la quitter à l'arrivée de Louis Bonaparte[243].

La lettre est-elle réellement de l'ancien roi ? On peut en douter ; on a le droit de la tenir pour apocryphe. La vérité est que la lettre de Louis de Saint-Leu était une lettre apocryphe. Le fait nous a été affirmé par des intimes de Napoléon III[244]. Ce n'est pas suffisant et les autres preuves invoquées ne prouvent pas davantage[245]. Il était assez dans les sentiments de l'ancien roi d'écrire ainsi et de blâmer son fils ; on peut se demander également comment il se fait que le comte de Saint-Leu n'ait pas renié cette lettre, si elle n'était pas de lui, et cela publiquement ; la lettre avant paru partout, il est inadmissible qu'elle ne vint pas à sa connaissance. — Elle ne servit d'ailleurs à rien.

* * *

Jusqu'au 4 septembre, Louis-Napoléon et les accusés furent soumis à un secret rigoureux[246]. Dès qu'il put communiquer avec le dehors, le prince écrivit à Berryer pour lui demander s'il voulait se charger de sa défense. Le célèbre avocat légitimiste y consentit en réservant toute l'indépendance de son opinion. Le lendemain, M. Marie, sur la demande du prince, voulut bien s'associer à lui[247]. — Louis-Napoléon reçut quelques visites, notamment celle de Mme Récamier[248]. il se montrait fort calme. Pour occuper son temps, il commença de traduire les poésies de Schiller[249].

Les conjurés furent interrogés le 19 août, de midi à cinq heures, à la Conciergerie, par une commission d'instruction nommée par la Chambre des pairs et composée du chancelier Pasquier, du duc Decazes, du comte Portalis, du baron Girod, du maréchal Gérard et de M. Peuil. Le procureur général Franck-Carré, les substituts Boully, Glandaz et Nouguier s'y joignirent ainsi que les juges d'instruction Zangiacomi et Bouloche[250]. Le 15 septembre, le rapporteur, M. Persil, soumettait son travail à la Chambre des pairs et les conclusions en furent adoptées[251]. Le 16 enfin fut rendu un arrêt de mise en accusation pour crime d'attentat contre la sûreté de l'État qui visait vingt et un accusés : Napoléon-Louis Bonaparte, Montholon, Voisin, Mésonan, Parquin, Bouffet-Montauban, Laborde, Lombard, Conneau, Fialin, dit de Persigny, d'Almbert, Orsi, Alexandre Prosper, dit Desjardins, Galvani, Ornano, Forestier, Bataille, Aladenize, Bure, de Quérelles (absent) et Vourlat (absent)[252].

Les débats commencèrent le 28 septembre[253]. Il y avait peu de monde aux abords du Luxembourg et il ne semble pas que cette cause ait ému beaucoup l'opinion publique ; celle-ci, mal renseignée à dessein par les journaux, ignorant tout de l'affaire, ne put se rendre compte ; elle était, de plus, naturellement indifférente[254]. — Le vieux chancelier Pasquier présidait. Le procureur général, M. Franck-Carré, occupait le siège du ministère public[255]. Les avocats étaient pour le prince, Berryer, Marie et Ferdinand Barrot, Me Delacour pour Mésonan, Me Barillon pour Persigny, Conneau, Lombard et Montauban, Me Dueluraux pour Forestier, Me Fabvre pour Aladenize, Me Nogent-Saint-Laurens pour Laborde, Me Liguier pour Ornano, Galvani, d'Almbert, Orsi ; Me Ferdinand Barrot défendait encore Voisin, Parquin, Bataille et Desjardins et Berryer le général Montholon. — Le couloir qui régnait autour de la salle était occupé longtemps avant l'audience par un assez grand nombre de députés au milieu desquels papillonnait gravement M. de Salvandy et par des membres du Conseil d'État[256]. Dans le couloir de droite, les garçons de salle déposèrent les pièces de conviction, parmi lesquelles nous remarquons un drapeau tricolore surmonté d'une aigle, un grand nombre d'épées, de sabres et enfin des équipements militaires[257]. La nouvelle salle du Luxembourg où avaient lieu les débats était inachevée. Elle est ainsi décrite dans les journaux relatant le procès : Autour de l'enceinte, le mur inférieur a été recouvert d'une boiserie sculptée en encadrements, destinés à recevoir divers sujets sculptés sur bois. Au-dessus, et jusqu'à la corniche qui supporte la coupole, les murs sont en marbre rouge clair. La nudité précédente de la voûte se trouve également dissimulée sous un nombre assez considérable de rubans de boiserie sculptée, formant des cartouches de diverses formes et de diverses grandeurs qui recevront des sculptés sur bois ; les interstices ménagés entre les cartouches et les rosaces qui bordent l'hémicycle supérieur seront peints en blanc et or. Les colonnes qui supportent le plafond des tribunes et qui étaient précédemment en bois sont en stuc imitant le granit oriental. Le bureau du président et celui du parquet occupent toujours les mêmes emplacements, c'est-à-dire le premier à l'extrême droite et le second à l'extrême gauche[258].

Le premier accusé introduit est un homme de petite taille, blond et paraissant avoir trente ans, ou même moins. Des moustaches retombent sur des joues un peu fortes. Il est vêtu avec une élégante simplicité. Il porte un col noir militaire, un gilet blanc croisé et un habit noir boutonné sur le côté gauche duquel brille le large crachat du grand aigle de la Légion d'honneur[259]. Son regard voilé, sa pilleur. son calme. son pas lent, tout, dans sa façon d'être, lui donne l'apparence, l'aspect du rêve. On a reconnu Louis-Napoléon. Le général comte de Montholon est placé auprès de lui ; le colonel Voisin a le bras en écharpe et est séparé par un gendarme de M. Montholon. Les autres accusés, dont la mise est également recherchée et qui portent tous des gants blancs, se placent les uns à côté des autres'[260].

cette heure, l'héritier de l'Empire a perdu la partie. Il est dans la main de Louis-Philippe. Un mur grandit entre lui et le public français, et le temps semble vouloir l'épaissir. Tout l'élan acquis s'est éparpillé sans résultat. L'aventure napoléonienne, fortifiée par Strasbourg, revivifiée par l'affaire Laity et l'affaire Suisse, apparaît finie. Son vol, tombé net, achève de mourir ici dans l'enceinte définitive. Toute la réalité sage, niais mesquine, instaurée par le régime de Juillet, triomphe ; la justification ne se montre guère possible. — Cependant, par un simple petit discours, le prince va tout sauver. Il ne redonnera pas de suite à sa cause une nouvelle propension, mais il lui vaudra de s'arrêter dans sa chute, de vivre, de se revendiquer et d'attendre au même point que précédemment. D'un coup, pour le rare lecteur qui sait lire, il abat le fantôme grotesque qu'on a voulu dresser de lui, comme étant sa réalité ; dans un pays tel que la France au XIXe siècle où la parole fait tout, par elle il se rétablit — peut-être plus grand encore pour les finies sensibles — le prétendant. Dès que le chancelier Pasquier l'interroge, il dit : Avant de répondre aux questions de M. le président, je désirerais présenter quelques observations. — Vous avez la parole, répond l'ancien préfet de police impérial. Et Louis-Napoléon, sortant une feuille de papier de sa poche[261], lit gravement et tranquillement, de sa voix gutturale où l'accent allemand n'a pas encore disparu :

Pour la première fois de ma vie, il m'est enfin permis d'élever la voix en France et de parler librement à des Français.

Malgré les gardes qui m'entourent, malgré les accusations que je viens d'entendre, plein des souvenirs de ma première enfance, je ne peux croire que j'aie besoin ici de me justifier ni que vous puissiez être mes juges. Une occasion solennelle m'est offerte d'expliquer à mes concitoyens ma conduite, mes intentions, mes projets, ce que je pense, ce que je veux. (Attention.)

Sans orgueil comme sans faiblesse, si je rappelle les droits déposés par la nation dans les mains de ma famille, c'est uniquement pour expliquer les devoirs que ces droits nous ont imposés à tous.

Depuis cinquante ans que le principe de la souveraineté du peuple a été consacré en France par la plus puissante révolution qui se soit faite dans le monde, jamais la volonté nationale n'a été proclamée aussi solennellement, n'a été constatée par des suffrages aussi nombreux et aussi libres que pour l'adoption des constitutions de l'Empire.

La nation n'a jamais révoqué ce grand acte de sa souveraineté et l'empereur l'a dit : Tout ce qui a été fait sans elle est illégitime.

Aussi, gardez-vous de croire que, me laissant aller aux mouvements d'une ambition personnelle, j'aie voulu tenter en France, malgré le pays, une restauration impériale. J'ai été formé par de plus hautes leçons et j'ai vécu sous de plus nobles exemples. Je suis né d'un père qui descendit du trône sans regret le jour où il ne jugea plus possible de concilier avec les intérêts de la France les intérêts du peuple qu'il avait été appelé à gouverner.

L'empereur, mon oncle, aima mieux abdiquer l'Empire que d'accepter par des traités les frontières restreintes qui devaient exposer la France a subir les dédains et les menaces que l'étranger se permet aujourd'hui. Je n'ai pas respiré un jour dans l'oubli de tels enseignements. La proscription immédiate et cruelle qui, pendant vingt-cinq ans, a traîné ma vie des marches du trône sur lequel je suis né jusqu'à la prison d'où je sors en ce moment, a été impuissante à irriter comme à fatiguer mon cœur ; elle n'a pu me rendre étranger un seul jour à la dignité, à la gloire, aux droits, aux intérêts de la France. Elle m’a conduite, mes convictions s'expliquent.

Lorsqu'en 1830 le peuple a reconquis sa souveraineté, j'avais cru que le lendemain de la conquête serait loyal comme la conquête elle-même et que les destinées de la France étaient à jamais fixées ; mais le pays a fait la triste expérience des dix dernières années. J'ai pensé que le vote de quatre millions de citoyens qui avaient élevé ma famille nous imposait au moins le devoir de faire appel à la nation et d'interroger sa volonté ; j'ai pensé même que si, au sein du congrès national que je voulais convoquer, quelques prétentions pouvaient se faire entendre, j'aurais le droit d'y réveiller les souvenirs éclatants de l'Empire, et d'y parler du frère aîné de l'empereur, de cet homme vertueux qui, avant moi, en est le digne héritier et de placer en face de la 'France, aujourd'hui affaiblie, passée sous silence dans le congrès des rois, la France d'alors, si forte au dedans, au dehors si puissante et si respectée. La nation eût répondu : République ou monarchie, empire ou royauté. De sa libre décision dépend la fin de nos maux, le terme de nos discussions.

Quant à mon entreprise, je le répète, je n'ai point eu de complices. Seul, j'ai tout résolu, personne n'a connu à l'avance. mes projets, ni mes ressources, ni mes espérances. Si je suis coup able envers quelqu'un, c'est envers mes amis seuls. Toutefois, qu'ils ne m'accusent pas d'avoir abusé légèrement de courages et de dévouements comme les leurs. Ils comprendront les motifs d'honneur et de prudence qui ne me permettent pas de révéler à eux-mêmes combien étaient étendues et puissantes mes raisons d'espérer un succès. Un dernier mot, messieurs. Je représente devant vous un principe, une cause, une défaite. Le principe, c'est la souveraineté du peuple ; la cause, celle de l'Empire ; la défaite, Waterloo. Le principe, vous l'avez reconnu ; la cause, vous l'avez servie : la défaite, vous voulez la venger. Non, il n'y a pas désaccord entre vous et moi et je ne veux pas croire que je puisse être dévoué à porter la peine des défections d'autrui. Représentant d'une cause politique, je ne puis accepter comme juge de mes volontés et de mes actes une juridiction politique. Vos formes n'abusent personne. Dans la lutte qui s'ouvre, il n'y a qu'un vainqueur et un vaincu. Si vous êtes les hommes du vainqueur, je n'ai pas de justice à attendre de vous et je ne veux pas de votre générosité. (Vive et longue agitation.)[262]

 

Ce n'était pas un plaidoyer, mais un réquisitoire contre ceux-là mêmes qui l'accusaient ; ce n'était ni une défense, ni une justification de ses actes, c'était mieux et plus grand, c'était un manifeste entraînant une nouvelle bataille où le vainqueur devenait nécessairement odieux. Chaque phrase, comme une flèche frémissante, frappait la cible orléaniste. Dans un style simple et parfait, le prince maniait, du haut de lui-même, à sa guise, l'ironie, le mépris, l'outrage froid, et se distribuait l'absolution en se mettant au-dessus d'une justice qu'il déclarait avec raison n'en être pas une. C'était un résumé suprême, presque de victoire malgré la défaite, d'autant plus terrible qu'il s'élevait bravement dans la Cour des pairs, devant tous ces hommes auxquels il faisait honte de leurs serments violés, de leur ingratitude et de leur néant. Et celui qui jetait ce défi figurait le plus illustre accusé. Sûr de son droit et de sa cause, il refusait à l'avance tout pardon ; il exigeait même du gouvernement qu'il fùt logique en le châtiant afin qu'un nouveau côté de son despotisme inutile s'étalât à tous les yeux. Il possédait enfin une telle certitude de triompher quand même dans l'avenir, en dominant à son tour ceux qu'on avait faussement institués ses juges, qu'il paraissait établir que cette condamnation ne ferait qu'ajouter à sa gloire. — La pairie se montrait très agitée. Elle savait la difficulté peu agréable de sa situation, mais elle ne comptait pas qu'elle lui serait rappelée de la sorte. Sur le banc des avocats, quelqu'un s'avouait aussi courroucé, M. Marie[263]. Oubliant son rôle et sa parole donnée de coopérer à la défense de son client, il fut choqué d'entendre parler de légitimité impériale. Voici ce qui avait eu lieu : Ayant choisi ses avocats parmi les hommes politiques, le prince était tenu de ne prononcer publiquement aucune parole qui pût blesser leurs opinions personnelles. La solidarité, plus ou moins étroite, qui, dans un procès de cette nature, s'établit entre l'accusé et ses défenseurs, lui commandait une grande réserve. Il parut ainsi le comprendre. Trois jours avant l'audience, il dit à M. Marie : J'ai écrit un projet de discours. J'ai prié M. Berryer d'en composer un de son côté ; prenez ces deux pièces et faites-en le discours définitif que je prononcerai. Vous avez toute liberté pour ajouter ou retrancher, de manière à en faire une œuvre que nous puissions avouer tous trois  malgré la différence des points de vue. M. Marie, sur cette invitation, prit les deux discours préparés, et, de ces éléments divers, composa une œuvre commune ayant soin d'effacer tout ce qui avait trait à la légitimité impériale, à l'héritage de Napoléon, aux droits d'un prétendant. Le lendemain, le discours fut lu au prince en présence de M. Berryer, approuvé pantin et l'autre, et définitivement arrêté entre eux fel qu'il devait être prononcé à l'audience...[264] M. Marie, entendant des phrases supprimées, indigné, voulut se retirer de suite et même désavouer publiquement toute participation à la défense. Berryer, après de longues prières, parvint à l'en empêcher et M. Marie demeura, niais il refusa de prendre la parole[265].

A toutes les demandes qui lui sont posées, le prince déclare s'en tenir aux réponses qu'il a déjà faites dans sa prison[266]. Il est extrêmement calme[267]. Dans son attitude et dans sa voix, il y a une sorte de mépris aimable. Très à son aise, il s'assied, les jambes croisées, son chapeau haut de forme à la main, contre sa cuisse. Accusé, lui dit le président, je vous prie de vous tenir debout ![268] Et comme il le questionne encore je ne compte pas, dit-il, répondre à toutes ces questions[269]. Le président insistant, il se résigne et répond simplement oui ou non, ou : je n'ai rien à répondre, ou encore : je ne puis répondre à cette question. Il ne montre d'insistance que sur un point, quand il déclare que pas un de ses co-accusés n'était, avant l'embarquement, instruit de ses plans[270].

Aux côtés du prince, tous se montrent — comme les accusés de Strasbourg — enthousiastes et dévoués. Tous déclarent qu'ils n'ont eu connaissance de la décision qu'une fois à bord[271]. La Cour ne le croit que difficilement. Je ne puis m'empêcher de vous faire remarquer, dit le président au colonel Voisin, comme je l'ai fait tout à l'heure pour celui de vos co-accusés que j'ai interrogé avant vous, à quel point il est invraisemblable que Louis Bonaparte ait disposé à votre insu, et en quelque sorte malgré vous, de votre nom et de votre personne pour vous associer à ses projets ; ce qui peut à peine se concevoir pour des agents subalternes, pour des domestiques, ne se comprend pas du tout quand il s'agit de l'un des hommes dont le concours devait être le plus utile au succès de la conspiration, et qui, à ce titre sans doute, avait été recueilli par le prince dans sa propre maison où vous viviez dans son intimité, ainsi que vous l'avez déclaré vous-même[272]. Voisin répond : Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable, niais il n'en est pas moins vrai que le prince nous a tout caché, et s'il a cru pouvoir influencer des gens d'une classe telle que celle des domestiques, il a dû croire qu'il aurait beaucoup plus d'influence sur nous qui avions de l'affection pour lui[273]. Et le président s'étonnant de la présence, à bord, d'un uniforme pour le prévenu, l'uniforme que j'avais, explique Voisin, a été fait à Londres d'après l'indication du prince pour aller au bal d'Almate. C'est un bal où se réunit la plus haute société , et où l'on n'est admis qu'en habit habillé. Il a paru au prince et à moi plus économique de faire faire un uniforme ; je J'ai laissé à Londres ; je l'ai retrouvé à bord[274]. — Lorsque les accusés sont interrogés sur les raisons de leur entreprise, tous se disent entièrement solidaires de Louis-Napoléon. D'abord, le prince Louis n'est pas un simple individu pour moi, proteste le colonel Voisin, mais un prince français ; ensuite, je lui suis attaché et, quand le prince me pria de marcher, de le suivre, je lui répondis : Je ne vous fausserai pas compagnie, je vous accompagnerai, je vous suivrai partout[275]. C'est mon dévouement pour le prince qui m'a déterminé à agir, déclare Mésonan ; l'attachement que je lui portais était justifié par les préférences dont il m'honorait[276]. — Je suis ami du prince, répète Parquin ; je suis son aide de camp ; j'avais donné ma démission. On ne me payait pas même nia Légion d'honneur ; j'étais délié de tous mes devoirs militaires[277]. Comme on rappelle à Montauban qu'il a dit à Louis-Napoléon : Vous savez que je suis à vous à la vie, à la mort[278], sans doute, certifie-t-il, son Altesse Impériale était parente du prince Eugène qui avait été mon bienfaiteur, je lui devais de la reconnaissance[279]. — Le prince m'avait confié l'aigle, raconte Lombard, et donné l'ordre de ne pas la quitter pendant toute l'expédition ; j'ai rempli cet ordre[280]. Interpellé au sujet de ses actes, il leur donne comme motifs, son dévouement à la personne du prince et la conviction intime que lui seul peut faire le bien du pays[281]. — Je vous apporte ma tête, observe laconiquement Persigny ; je n'ai rien à ajouter à mes déclarations[282]. — Bataille s'explique ainsi : J'ai eu l'occasion de voir le, prince Napoléon plusieurs fois à Londres. Les motifs qui m'ont attaché à sa personne sont d'abord le grand nom qu'il portait et ensuite le respect et le dévouement qu'il a su m'inspirer par son caractère. Mais je dois déclarer que si je n'avais eu que des motifs d'attachement à sa personne pour me joindre à lui, je ne l'aurais pas fait. Je ne détachais pas sa cause de la cause nationale[283]. — C'eût été une lâcheté, remarque Laborde, que de ne pas partager la fortune du prince[284]. — Le prince m'avait donné des ordres, s'écrie Conneau, j'étais fier de les exécuter[285]. — Les raisons d'Ornano sont l'attachement qu'il porte à la personne du prince et ses opinions politiques[286]. — Les déclarations de l'Italien Orsi sont curieuses : C'est en 1827 que j'eus l'honneur de connaître personnellement le prince Louis-Napoléon. Le courage dont il a fait preuve dans les rangs des patriotes italiens avec son frère mort pour la liberté italienne, m'inspira une vive reconnaissance et me fit un devoir de le suivre. Quand le prince me dit : J'ai besoin de vous, je marchai[287]. — Et Bure, après avoir invoqué aussi son dévouement, rappelle qu'il est le frère de lait de l'accusé. — Un coup d'État était décidément possible à cette époque heureuse ; l'homme qui voulait agir n'était pas condamné, comme de nos jours, à devenir un intrigant de bas étage ou à une irrémédiable solitude.

Il y avait cependant un traître, paraît-il, parmi les conjurés, — ce qui ajoute une raison à celles de l'insuccès, — et, comme toujours, les soupçons se portaient sur celui qui était le plus incapable de les justifier, sur Persigny[288]. Tous les accusés étaient persuadés qu'ils avaient été trahis et beaucoup d'entre eux faisaient tomber leurs soupçons sur M. Fialin de Persigny. Durant les débats, leur attitude, leurs regards témoignaient leurs méfiances ; ils ne communiquaient pas avec lui ; et dans les suspensions d'audience, pendant que tous ensemble se livraient à leurs épanchements, ils se tenaient à l'écart de lui et affectaient de le laisser dans l'isolement. M. Marie fut tellement frappé de ces démonstrations qu'il crut devoir demander quelques explications au prince. Celui-ci répondit qu'il jugeait les soupçons mal fondés. Nous devons ajouter que parmi les accusés un autre nom méritait plus sûrement d'être signalé comme celui d'un traître. Le jour n'est pas venu d'en faire justice[289]. Le jour serait venu maintenant, mais E. Regnault a gardé le silence. Quand on envisage l'attitude des accusés, il est bien difficile de découvrir celui qui doit être désigné. L'un d'eux, à la rigueur, serait peut-être suspect, Montholon, mais rien n'est moins certain, et tout son passé interdit une accusation pareille. On remarque qu'à Boulogne il évita de prendre part à la conspiration ; il était arrêté de son propre aveu une demi-heure après le débarquement. Il est préférable de s'abstenir, néanmoins. En dehors de lui, on ne voit guère que Laborde qui pourrait être accusé, — et le même doute subsiste à son endroit. Ses dépositions sont rapides, un peu singulières, et excitent les rumeurs de la pairie ; mais ce fait ne peut rien entraîner d'absolument significatif. — Pour ce qui est de mon opinion, je ne distingue personne de vraiment suspect parmi les conjurés[290].

Celui vers qui les pairs ne surent pas retenir une répulsion mal dissimulée[291], ce fut le général Magnan. Sa déposition le marque. Il est difficile de le croire. L'avocat de Mésonan, Me Delacour, indiqua tout l'équivoque que comportait la conduite du général, et sa plaidoirie fit une impression profonde. Juges et accusés accueillirent Magnan avec une commune méfiance[292]. Il y avait de quoi. Son récit était une défense ; en l'écoutant, on éprouvait le sentiment que le général manquait au banc des prévenus. Magnan déclarait sur un ton trop pathétique : Je jure devant Dieu et devant les hommes, je jure sur la tête de mes cinq enfants qu'il n'y eut pas un mot de plus ni un mot de moins ; ce que j'énonce est l'exacte vérité, toute. la vérité[293]. On est rarement sincère, même quand on croit le plus l'être ; le témoin, quant à lui, savait bien qu'il ne l'était pas ; tout son effort tendait à le paraître, coûte que coûte. Il jouait là sinon sa tête, du moins son grade ; mais il n'était pas assez fort pour l'art du mensonge ; les explications sur le silence qu'il avait gardé d'abord vis-à-vis du gouvernement, et qu'il espérait faire passer pour un acte généreux, demeuraient confuses. Il s'en rendait compte tout le premier et, sur la fin, perdant pied tout à fait, il répète : Voilà, Messieurs, mes dépositions entières, mes dépositions vraies[294]. Cependant, quand il affirme ne s'être jamais plaint à Mésonan de la royauté constitutionnelle, Mésonan répond : Je me renferme dans les dénégations les plus formelles. Je laisse à mon défenseur le soin de prouver la fausseté des allégations[295]. Me Delacour y réussit si bien que et le général comprit qu'il n'y avait plus moyen, cette fois. de faire la sourde oreille et pensa se laver de tout par un duel. Il demanda raison de ses paroles à l'avocat. MM. Marie et Jules Favre intervinrent ; de longs pourparlers eurent lieu entre eux et les amis du général. Celui-ci voulait absolument un duel. Enfin on parvint à lui faire comprendre que ce serait un nouveau scandale[296]. La plaidoirie de Me Delacour était terrible. Après avoir évoqué le passé de son client, tout de gloire, il disait : ... M. de Mésonan n'a rien nié ; ç'eût été indigne de son caractère... Il a dû seulement, dans l'intérêt de la vérité de sa cause, démentir hautement d'étranges allégations : vous comprenez, Messieurs, qu'il s'agit de la déposition du général Magnan. Constatons d'abord ce qu'il y a d'invraisemblable dans cette offre toute crue d'argent, faite de la part d'un prince qui avait le plus grand intérêt sans doute à connaître le personnel de l'armée, à un général dont le nom devait repousser une pareille insulte. Ces offres-là ne se font d'ordinaire qu'à ceux qui ont été amenés à cet état de déconsidération où tout est permis vis-à-vis d'eux. Et M. de Mésonan n'avait aucune raison de penser qu'il pût en agir d'une façon aussi cavalière avec M. le général Magnan. C'était là l'injure la plus cruelle qu'un honnête homme pût recevoir. Quel devait donc être le premier mouvement du général après une proposition de cette nature ? N'était-ce pas de chasser indignement de chez lui celui qui venait de s'oublier en sa présence, au point de lui faire un pareil affront ? Le général Magnan l'avait si bien senti qu'il avait déclaré d'abord, devant M. le chancelier, que, l'indignation le gagnant, il avait jeté M. de Mésonan à la porte. C'est là, en effet, le premier mouvement de l'homme d'honneur que rien ne peut maîtriser et vaincre au moment où l'honneur vient de se trouver offensé dans ce qu'il a de plus délicat, et l'on comprend assez que les choses ont dû se passer de la sorte si, en effet, M. de Mésonan a poussé l'oubli des convenances jusqu'à venir ainsi, dans le cabinet d'un général, offrir une prime de trahison. — Eh bien, messieurs les pairs, les choses ne se sont pas passées ainsi et vous avez entendu hier la seconde version donnée par le général Magnan. Il ne s'agit plus, comme dans la première déclaration, de cette indignation qui le gagne et qui le fait s'emporter à des actes de violence à notre égard. Nous ne sommes plus jetés à la porte et la susceptibilité si vive de M. le général Magnan s'est convertie tout à coup en une douceur remarquable. Il nous prend affectueusement les mains, il nous presse, il nous conjure de renoncer à nos coupables projets ; il ne veut pas nous perdre, il veut nous convertir et celui que nous venions ainsi d'insulter, selon lui, de la manière la plus grave, cherche à faire couler dans notre cœur le miel de la persuasion... A la suite de preuves indiscutables sur le manque de mémoire du général, ou, du moins, l'art avec lequel il changeait les dates, l'avocat disait encore : M. le général Magnan a fait longuement l'éloge, dans la séance d'hier, de son dévouement aux institutions de son pays. C'est un éloge sur lequel il s'est arrêté avec complaisance. Vous me permettrez, messieurs les pairs, de faire à ce sujet un rapprochement qui m'inspire un sentiment pénible. C'est M. le général Magnan qui, notoirement, a été mis en non-activité en 1831 pour la conduite ambiguë qu'il a tenue dans les événements de Lyon qui se trouve aujourd'hui notre accusateur, nous qui dans cette ville et trois ans plus tard avons versé modestement le reste de notre vieux sang pour la cause de l'ordre[297]...

Beaucoup, parmi les conjurés, avaient dans leur passé des états de service remarquables, que leurs avocats ne manquaient pas de rappeler. Mésonan avait été nommé capitaine séance tenante par son général, au siège de Flessingue, pour avoir pénétré le premier dans un fort et en être demeuré maitre. Voisin, entré dans l'armée comme simple canonnier, reçut à Austerlitz le grade de lieutenant et, comme on le marquait en même temps pour la croix, il la refusa, disant qu'il ne pouvait accepter les deux choses ensemble. C'était, dit M Ferdinand Barrot, une des nobles abnégations de ce temps-là[298]. Plus tard, en 1813, étant lieutenant-colonel, à la tête de douze dragons qui y restèrent tous, Voisin chargea cinq cents Anglais, eut son cheval tué et reçut une blessure à la tête. — En cette même année 1813, l'empereur, passant une revue, remarqua sur le front de bane.re d'un régiment d'infanterie un jeune lieutenant de chasseurs à cheval et le fixa trois fois, l'interrogeant du regard comme il savait interroger[299]. Le lieutenant s'enhardit alors jusqu'à lui dire : Sire, j'ai vingt-cinq ans d’âge, onze années de service, onze campagnes, douze blessures ; cela vaut bien la croix ; je la demande, on me la doit. L'empereur répondit : Assurément, et je ne veux pas qu'on me fasse crédit plus longtemps[300]. Et il attacha de sa main la Légion d'honneur sur la poitrine de Charles Parquin. Ce n'est pas tout. Il enleva de nombreux drapeaux à l'ennemi, sauva la vie en Portugal au duc de Raguse ; devant Leipzig enfin, un de nos maréchaux, dit l'avocat, était engagé dans un gros d'ennemis ; sa vie était menacée ; le capitaine Parquin se précipite à la tête de quelques soldats et délivre le maréchal de France. Il est assis parmi nos juges[301]... Et le vieux maréchal de Reggio se lève pour dire : Le fait est vrai[302]. — Le capitaine Desjardins, parti également simple soldat, a de nombreuses campagnes à son actif et huit blessures. — Montholon déclare : J'ai reçu le dernier soupir de l'empereur. Je lui ai fermé les yeux. C'est assez expliquer ma conduite. Je me vois sans regret accusé aujourd'hui pour avoir pris une résolution dont la bonne opinion que j'ai des hommes me persuade que chacun de vous, messieurs les pairs, eût été capable[303]. — Montauban avait servi comme aide de camp du prince Eugène et été blessé pendant la campagne de Russie ; au retour de l'île d'Elbe, il avait, un des premiers, fait partie du bataillon sacré. — Laborde était un ancien officier de l'île d'Elbe ; pendant la campagne .de France, avec six cents hommes, il mit en déroute douze cents Autrichiens. — Même les plus humbles gardaient aussi leur part de la gloire prodigieuse ; ainsi Galvani était à Naples près du roi Murat en 1815 ; il monta près de lui dans la petite embarcation qui devait le sauver momentanément ; il l'accompagna dans la fatale expédition de Calabre ; ils furent tous deux prisonniers et Galvani se tenait encore près de son maître quand il fut condamné, puis fusillé.. Quant à Persigny, toujours le même, il ne songe pas à se défendre. Vainement le président lui fait observer qu'il s'accuse au contraire, il continue son manifeste napoléonien ; vainement, revenant à la charge, le président le supplie de prendre garde à ses paroles et de ne plus en prononcer qui aggravent son cas, il persévère : Il y a sept ans que des études approfondies sur la grande époque consulaire et impériale, opposée dans mon esprit à l'époque actuelle, me vouèrent au culte des idées napoléoniennes. Ce culte vous explique mon dévouement à l'illustre race qui personnifie ces idées et au noble prince qui en est ici le représentant. Pour assurer le triomphe de ces idées qui promettaient dans ma pensée la gloire, la grandeur et les libertés de mon pays, je n'ai pas hésité à me faire le soldat d'un homme, d'une famille. A une époque où il n'y a en France ni véritable autorité, ni véritable liberté, où les pouvoirs sont également impuissants, faute d'une personnification vivante des grands intérêts du pays[304]... Et, prié de se taire, il reprend : A une époque où tout le monde veut commander et personne obéir, je suis fier d'avoir compris l'obéissance et engagé ma liberté dans le but d'assurer et d'agrandir les libertés de mon pays. Je suis fier d'avoir pris la devise de ce généreux roi de Bohème qui vint mourir à Crécy pour la cause de la France, cette devise modeste, mais qui a aussi sa grandeur : Je sers[305]. Et il rappelait l'idée napoléonienne dans des termes qui devaient émouvoir d'une façon spéciale les pairs de Louis-Philippe : L'idée napoléonienne, qui fut l'expression la plus sublime de la Révolution française, qui rattache les siècles passés au nouveau siècle, qui, du sein de la démocratie la plus agitée, fit surgir l'autorité la plus gigantesque, qui remplace une aristocratie de huit siècles par une hiérarchie démocratique accessible à tous les mérites, à toutes les vertus, à tous les talents, la plus grande organisation sociale que les hommes aient conçue, l'idée napoléonienne qui, prodigue d'égalité, veut aussi assurer aux peuples les plus grandes libertés, mais ne leur en accorde la jouissance complète qu'après les avoir étayées de solides institutions, associant ainsi les doctrines de liberté aux doctrines d'autorité ; l'idée napoléonienne qui marche à la tête des voies industrielles que sa glorieuse épée débarrasse de toutes entraves et appelle l'Europe à une vaste confédération politique ; l'idée napoléonienne enfin, cette grande école du XIXe siècle légitimée par le génie, illustrée par la victoire, sanctifiée par le martyre ; l'idée napoléonienne, vous la connaissez, messieurs les pairs, car vous avez servi ses triomphes, vous qui fûtes les compagnons de gloire de l'empereur !... Sénateurs de l'Empire, dites-nous, quelle n'aurait pas été la grandeur de la France sans les désastres de 1814 et 1815 ? Que ne seriez-vous pas vous-mêmes aujourd'hui ! Rappelez-vous le rôle qui vous était assigné par les constitutions impériales ; songez à celui qu'elles vous réservaient[306]... Et il leur dit encore : Mais pourquoi se laisser aller à la pensée de tant de grandeurs quand on songe à cette loi impénétrable de la destinée qui traduit devant vous comme un criminel un prince du même sang impérial, lui qui devrait siéger aujourd'hui le premier parmi vous pour prendre conscience de votre sagesse ou marcher à la tête de nos armées à quelque grand dessein de la patrie !... Messieurs les pairs, s'il est un sentiment commun et parmi les juges et parmi les accusés, c'est ce sentiment pénible qu'inspire à tous les cœurs le triste spectacle de nos agitations depuis dix ans. Comment des divisions funestes, des partis infatigables détruisent-ils sans cesse les germes de notre prospérité ? Comment la voix de la. France, cette voix puissante qui jadis faisait trembler, est-elle étouffée par les cris de la place publique ?[307] Et le président interrompant bientôt encore l'accusé, celui-ci lui répond fièrement : C'est ma défense ![308] Arrêté une dernière fois et sommé de prendre des conclusions : Je n'en prends pas, s'écrie-t-il. Je proteste ; voilà tout ce que je puis faire[309].

Le coup de grâce fut porté à la pairie par Berryer. Quand ou défend une cause perdue d'avance, on peut tout dire. Et il dit tout. Son discours, admirable, vaut d'être cité en entier. Il dresse — par delà l'actuel débat qu'il domine — le malentendu de l'époque, que devait trancher l'accusé même au milieu du siècle. Il en condense l'erreur ; il en définit les fautes. Il l'impose à la méditation des pairs :

Tout à l'heure, M. le procureur général s'est écrié : Voilà un triste et déplorable procès ! Et moi aussi je n'ai pu assister à ce grave débat sans qu'il s'élevât de douloureuses réflexions dans mon cœur. Quel n'est pas le malheur d'un pays où, dans un si petit nombre d'années, tant de révolutions successives, violentes, renversant tour à tour les droits proclamés, établis, jurés, ont jeté une si profonde et. si affligeante incertitude dans les esprits et dans les cœurs, sur le sentiment et la constance des devoirs. Eh quoi ! dans une seule vie d'homme, nous avons été soumis à la république, à l'empire, à la restauration, à la royauté du 7 août. Cette acceptation de gouvernements si rapidement brisés les uns sur les autres ne s'est-elle pas faite au grand détriment de l'énergie des consciences, de la dignité de l'homme et, je dirai même, de la majesté des lois ? (Vive sensation.)

Pardonnez-moi cette réflexion qui me saisit : chez un peuple où de tels événements se sont succédé, serait-ce donc vrai que les hommes qui ont le plus d'énergie, un sentiment plus élevé des devoirs, un respect plus profond pour la foi jurée, un sentiment plus religieux des engagements pris, une fidélité plus invincible aux obligations contractées, soient précisément les hommes les plus exposés à être considérés comme des factieux et de mauvais citoyens, et que l'on compte au nombre des citoyens les plus purs et les plus vertueux ceux qui, dans les révolutions diverses, se sentent assez de faiblesse dans l'esprit et dans le cœur pour ne pas avoir une foi et un principe ? Et pour la dignité de la justice, quelle atteinte messieurs, quand elle se trouve appelée à condamner comme un crime ce que naguères il lui était enjoint d'imposer comme une loi, de protéger comme un devoir !

Dans une telle situation sociale, les hommes d'État et les moralistes se peuvent affliger, ils se doivent alarmer ; mais les hommes de justice, juges et avocats, quand ils se trouvent jetés dans l'un de ces procès politiques, de ces accusations criminelles où la vie des hommes est en jeu, se doivent armer de vérité et de courage, protester énergiquement et, avant d'accorder 'a la société ou au pouvoir les satisfactions, les vengeances qu'ils demandent, ils doivent se rappeler la part qu'ils ont eue dans les actions, les entreprises, les révolutions dont ils viennent de requérir le châtiment. (Vive adhésion.)

Le devoir qui m'est imposé aujourd'hui, je l'ai rempli loyalement au début de nia carrière. En 1815, des ministres méconnaissant la véritable force de la royauté légitime, infidèles à son caractère auguste, poursuivirent devant les tribunaux les hommes débarqués en France avec Napoléon et échappés au désastre de Waterloo. J'avais adopté les principes politiques que j'ai gardés et défendus toute ma vie. J'étais ardent et sincère dans les convictions que le spectacle offert à mes yeux fortifie de jour en jour. Royaliste, j'ai défendu les hommes restés fidèles à l'empereur. Pour sauver leur vie, j'ai fait la part des événements, des lois, des traités, des actes, des fautes mêmes du gouvernement et les juges du roi ont acquitté Cambronne. Aujourd'hui l'accusé qui a fait à mon indépendance et à ma bonne foi l'honneur de venir me chercher pour sa défense dans un parti si différent du sien, ne me verra pas faiblir à sa confiance...

Le 6 août dernier, le prince Louis Bonaparte est parti de Londres sans communiquer ses projets, ses résolutions. Accompagné de quelques hommes sur le dévouement desquels il devait compter, il s'est embarqué et, à l'approche des côtes de France, il les a fait armer ; il est descendu en France ; il a jeté sur le territoire ses proclamations et un décret proclamant que la maison d'Orléans a cessé de régner, que les Chambres sont dissoutes, qu'un congrès national sera convoqué, que le président actuel du ministère sera le chef du gouvernement provisoire. Tous ces faits sont avoués ; vous êtes appelés à les juger ; mais je vous le demande, dans la position personnelle du prince Napoléon, après les grands événements qui se sont accomplis en France et qui sont votre propre ouvrage, en présence des principes que vous avez proclamés et dont vous avez fait les lois du pays, les actes, l'entreprise du prince Napoléon, sa résolution, présentent-ils un caractère de crimin4ité qu'il vous soit possible de déclarer et de punir judiciairement ? S'agit-il donc, en effet, d'appliquer à un sujet rebelle et convaincu de rébellion des dispositions du Code pénal ? Le prince a fait autre chose : il a fait plus que de venir attaquer le territoire, que de se rendre coupable de la violation du sol français, il est venu contester la souveraineté à la maison d'Orléans ; il est venu en France réclamer pour sa propre famille les droits à la souveraineté ; il l'a fait au même titre et en vertu du même principe politique que celui sur lequel vous avez posé la royauté d'aujourd'hui. Dans cet état, il ne s'agit pas pour vous de vous prononcer entre les deux principes dont la lutte a si profondément agité et déchiré notre pays depuis cinquante années. Il ne saurait être question pour la défense du principe qui domine tous les pouvoirs en France, d'appliquer les lois existantes contre un principe contraire ; c'est votre principe même qui est invoqué. — Deux mots d'explication.

Tant que les princes de la branche aînée de Bourbon ont été assis sur le trône, la souveraineté en France résidait dans la personne royale ; la transmission était réglée dans un ordre certain, invariable, connu de tous, maintenu au-dessus de toutes les prétentions rivales par des lois fondamentales contre lesquelles rien ne pouvait se faire qui ne fût nul de soi. Ainsi consacré par le temps, par les lois, par la religion, le droit souverain était à la fois le titre et la garantie de tous les droits des citoyens dans l'État ; c'était le patrimoine du passé promis en héritage à l'avenir. La légitimité, elle n'est point en cause dans ce débat ; mais en 1830, le peuple a proclamé sa souveraineté, il a déclaré qu'elle résidait dans les droits et dans la volonté de la majorité des citoyens ; vous l'avez reconnue ainsi, et c'est ainsi que vous l'avez consacrée en tête de la nouvelle loi fondamentale.

On nous disait tout à l'heure : depuis vingt-cinq ans la France poursuit sa carrière ; elle veut le règne des lois, la défense et le maintien de ses institutions.

Messieurs, n'est-ce rien que ce qui s'est passé en 1830, ou ne veut-on plus le savoir ? N'est-ce rien que de changer tout le système des droits publics d'un pays ? N'est-ce rien que de renverser le principe des lois fondamentales et d'en substituer un autre ? N'est-ce rien que de proclamer à la face d'un peuple intelligent et hardi des principes qui lui apportent l'exercice des droits de tous ? N'est-ce rien, messieurs ? Qu'a dit le prince Napoléon ? : La souveraineté nationale est déclarée en France, et cette souveraineté de la nation, comment peut-elle se transmettre ? Comment cette délégation peut-elle être constatée, si ce n'est par une manifestation certaine, incontestable, de la volonté nationale. En votre présence, il dit : Cette manifestation incontestable est la volonté des citoyens. Je ne la vois pas dans la résolution des 219 députés et d'une partie de la Chambre des pairs en 1830. (Sensation prolongée.)

Le principe qui vous gouverne aujourd'hui, que vous avez placé au-dessus de tous les pouvoirs de l'État, c'est le principe de 91, c'est le principe qui régnait en l'an VIII, c'est le principe en vertu duquel j'ai fait appel à la nation pour qu'elle se prononçât régulièrement. Par les votes constatés sur l'adoption des constitutions de l'Empire, quatre millions de vote en 1804 ont déclaré que la France voulait l'hérédité dans la descendance de Napoléon ou dans la descendance de son frère Joseph, ou, à défaut, dans la descendance de son frère Louis. Voilà mon titre.

Le Sénat, en 1814, a aboli cette hérédité, mais que s'est-il passé en 1815 ? Qu'a fait la Chambre des représentants ? Qu'a-t-on fait au Champ de Mai ? Combien de votes recueillis sur l'acceptation de l'acte additionnel tendaient à renouveler encore la manifestation de la volonté du pars ? Et depuis, messieurs, soyez de bonne foi, quand un système contraire, quand une souveraineté autrement basée a régné pendant quinze ans sur le pays, parmi ceux qui vont siéger, combien y en a-t-il qui, pendant ces quinze années, ont travaillé et se sont efforcés de rétablir le principe que le retour de la maison de Bourbon avait effacé de nos lois ! Combien qui sont descendus jusque dans les engagements et la fièvre des partis, dans les ardeurs individuelles les plus passionnées, pour rétablir ce dogme de la souveraineté populaire, pour remettre en vigueur cette protestation de la Chambre des représentants dont, je n'hésite pas à le dire, j'ai entendu souvent beaucoup de ceux qui m'écoutent réclamer la consécration, comme le testament, en quelque sorte, de la nation française, comme l'acte auquel il fallait rendre la vie.

Vous l'avez fait en 1830 ; et, pour un moment, messieurs, détournons la pensée du caractère des circonstances et des préparatifs de l'entreprise, nous verrons plus tard à quel moment et dans quels sentiments le prince Napoléon s'est élancé témérairement d'Angleterre sur les côtes de France. Ne pensons ici qu'au droit de juger, qu'au droit de régler par un arrêt des contestations de la nature de celle qui est portée devant vous ; qu'à la possibilité, qu'en présence de vos principes de droit national, au nom du pouvoir établi, vous jugiez le débat entre ce pouvoir et celui qui se prétend de droit qui, après tout, n'est pas un rêve. (Sensation.)

Est-ce donc un fantôme, messieurs, est-ce donc une illusion que l'établissement de la dynastie impériale ? Ce qu'elle a fait retentit assez dans le monde et parle assez haut, non seulement en France, mais chez tous les peuples de l'Europe. Non, ce ne fut pas un rêve que l'établissement de l'Empire.

L'empereur est mort, et tout a fini avec lui. Qu'est-ce à dire ? Cette dynastie fondée, établie, jurée au nom de la souveraineté nationale, est-ec à dire qu'elle ne promette de durée au pays que celle de la vie d'un homme ? C'est ainsi qu'il vous faut attaquer les garanties mêmes du pouvoir que vous venez de défendre pour repousser celui qui avait été fondé par la consécration de la volonté nationale, consécration unanime, plus éclatante que celle de 1830, par la nation appelée tout entière à émettre son vote.

Au moment où a succombé le dogme politique sur lequel l'Empire était fondé, qu'avez-vous fait ? Vous avez relevé ce dogme, vous avez restitué cette souveraineté populaire qui a fait l'hérédité de la famille impériale. L'héritier est devant vous, et vous allez le juger, dans un pays où tous les pouvoirs de l'État sont sous le principe de la souveraineté nationale, vous allez le juger, sans interroger le pays ? Ce n'est pas une de ces questions qu'on vide par un arrêt. Un arrêt, des condamnations, la mort, les têtes qui tomberaient ! Mais vous n'aurez rien fait.

Tant qu'un reste de sang se transmettra dans cette famille, la prétention d'hérédité appuyée sur le principe politique de la France se transmettra également. Vous aurez des supplices affreux, injustes, vous serez usurpateurs dans l'exercice de la qualité de juges, et tout cela aura été complètement inutile.

Voyons, messieurs ;le véritable état de la question. Est-ce ici la matière d'un jugement ? N'est-ce pas lit une de ces situations uniques dans le monde et où il ne peut y avoir du jugement, mais un acte politique ? Il faut défendre les pouvoirs, il faut maintenir l'ordre public, il faut préserver l'État de commotions nouvelles, de désordres nouveaux, je le reconnais, c'est gouverner. Mais juger dans des questions de cet ordre, prononcer un arrèt, c'est impossible ! On aura beau dire, ce ne sont pas là des phrases qui viennent au secours de tous les factieux. Non, messieurs, dans le débat actuel, le droit d'hérédité a été établi, consacré par vous dans un principe que vous avez posé. Ce droit d'hérédité est réclamé par un héritier incontestable, vous ne pouvez pas le juger. Il y a entre vous et lui une cause victorieuse et une cause vaincue, il y a le possesseur de la couronne et la famille dépossédée. Mais, encore une fois, je le répéterai toujours, il n'y a pas de juges, parce qu'il n'y a pas de justiciables. (Vives agitations sur les bancs de la pairie.)

Juger, messieurs ! Mais il faudrait nier l'unité de la justice, sa majesté. Au milieu des révolutions qui ont tant fatigué notre pays, laissons quelque chose d'inaltéré qui conserve sa sainteté dans la pensée des peuples. Le véritable caractère de la justice, messieurs, c'est l'impartialité. Vous venez ici pour juger. Mais y a-t-il un de vous qui se soit dit en entrant dans cette enceinte : je serai impartial, je pèserai les droits de chacun, je mettrai dans la balance la royauté de Juillet et la souveraineté transmise par la constitution de l'Empire ; je serai impartial. Mais vous n'avez pas le droit de l'être, vous êtes aujourd'hui un pouvoir du gouvernement, une révolution ne peut s'opérer qu'en vous brisant. Par ce fait, la Chambre des pairs et la Chambre des députés sont dissoutes. (Agitation.)

Vous venez défendre le gouvernement dans la latitude de vos pouvoirs ; si vous ne pouvez être impartiaux sous l'empire d'un droit politique consacré, que voulez-vous être juges ? Que restera-t-il de l'unité sainte de la justice, si vous couvrez les besoins du gouvernement du manteau de la justice ? Songez-y quand tant de choses saintes et précieuses ont péri, laissez au moins la justice au peuple afin qu'il ne confonde pas un arrêt avec un acte du gouvernement.

Vous venez juger, et pourquoi ? Pour protéger le gouvernement, pour le défendre, pour venger un affront, une attaque qui le menace, qu'il a reçu. Des actes récents qui se sont exercés sur le premier des accusés, sur le prince lui-même, ne manifestent-ils pas quelle inconséquence il y a de la part du gouvernement à vous appeler aujourd'hui à juger ? On a parlé de reconnaissance, j'y répondrai ; niais en attendant je vous dis : En 183G, on a appliqué au prince Napoléon les maximes professées par nos ministres : En pareille matière, il n'y a que la politique et pas de jugement. Et dans un autre instant, un ministre disait encore : Les formes judiciaires ne sont qu'une comédie solennelle. N'y a-t-il pas aujourd'hui une flagrante inconséquence à venir poser des principes contraires ?

Vous parlez de reconnaissance ! N'a-t-il pas été interdit au prince de mettre le pied sur le territoire français ? N'y a-t-il pas une loi qui le défend ? Et pourquoi cela ? Parce qu'il est en dehors du droit commun, parce qu'il ne peut être traité comme les autres. En 1830, à deux reprises différentes j'ai demandé que cette loi fùt abolie pour rendre hommage à ce grand dogme politique de la souveraineté nationale ; vous avez fait une loi tout opposée à ce principe pour mettre le prince hors du droit commun. Et, d'ailleurs, encore, n'était-il pas mis hors de ce droit quand vous exigiez d'un État voisin qu'il chassât le prince, alors auprès de sa mère mourante. (Vive sensation.)

Vous direz donc : oui, nous n'avons pas de droits, point de patrie, de liberté pour lui, mais nous avons des lois pour qu'il reçoive la mort. Voilà ce qui révolte la raison, le bon sens, la logique, la justice, en un mot, toutes les idées du droit. Que si les principes que vous avez consacrés, que si les actes les plus solennels de votre gouvernement mettent en dehors de la juridiction de la Chambre des pairs le prince Louis-Napoléon, que si vous voulez être juges, au moins, jugez humainement les choses humaines. Rendons-nous compte des circonstances au milieu desquelles a éclaté l'entreprise de l3oulogne. Je ne fais ici ni de la politique, ni de l'hostilité, je prends des faits incontestés.

Le pouvoir en France est aujourd'hui confié à un ministère dont l'origine est récente. Ce ministère a lutté avant de se constituer pendant plusieurs années dans une ardente et vive polémique.

Il a gémi profondément sur la politique qui avait été suivie au nom du gouvernement de la France à l'égard de l'étranger ; il a vu de la timidité, je ne veux pas me servir d'un autre mot, dans toutes nos relations avec les États de l'Europe ; il a gémi de ce délaissement de la Belgique jusque dans la section du Luxembourg ; il a gémi, le ministère qui gouverne aujourd'hui, de l'abandon d'Ancône sans condition ; il a accusé l'exigence funeste qui nous avait aliéné la Suisse et le sentiment d'attachement qu'elle avait depuis tant de siècles pour la France ; il a accusé cette politique désolante qui, renfermant toute la pensée de la France dans les intérêts matériels, dans les calculs des besoins privés, frémissait à l'idée de guerre et laissait effacer la grande influence de la France sur les Espagnes devant l'influence ennemie de l'Angleterre. (Très bien.)

Qu'est-il arrivé` ? A peine ce ministère a-t-il touché le pouvoir qu'il a senti l'état politique de l'Europe, qu'il a vu se préparer et s'ourdir des plans injurieux pour sa dignité, menaçants peut-être pour ses intérêts ; il a vu se préparer quelque chose comme la réunion de presque tous les États de l'Europe contre la France isolée et. rejetée du congrès et des transactions des rois. Il s'est alarmé d'une pareille situation. Il a senti qu'il fallait affranchir cette France dévouée à l'égoïsme, à l'individualisme, du joug matériel qui éloignait toute pensée de sacrifice, qu'il fallait d'autres sentiments dans cette fière et glorieuse patrie. Il a voulu réveiller des souvenirs et il est allé invoquer la mémoire de celui qui avait promené la grande épée de la France depuis l'extrémité du Portugal jusqu'à l'extrémité de la Baltique. Il a voulu qu'elle fût montrée à la France, cette grande épée, qui avait presque courbé les Pyramides et qui avait presque entièrement séparé l'Angleterre du continent européen. Toutes les sympathies impériales, tous les sentiments bonapartistes ont été profondément remués pour réveiller en France cet esprit guerrier. La tombe du héros, on est allé l'ouvrir, on est allé remuer ses cendres pour le transporter dans Paris et déposer glorieusement 'ses armes sur un cercueil.

Vous allez juger, messieurs ; est-ce que vous ne comprenez pas ce que de telles manifestations ont dû produire sur le jeune prince ? Est-ce dans cette enceinte, où je vois tant d'hommes décorés de titres qu'ils n'ont pas reçus avec la vie, qu'il me sera interdit de dire ce que cette grande provocation au souvenir de l'empereur a dû remuer dans le cœur de l'héritier d'un nom héroïque ?

Soyons hommes, messieurs, et, comme hommes, jugeons les actions humaines, faisons la part de toutes choses. Jusqu'où a-t-on été ? Sous un prince qui, dans d'autres temps, avait demandé à porter les armes contre les armées impériales, et à combattre celui qu'il appelait l'usurpateur corse, on a senti un tel besoin de réveiller l'orgueil de ce nom en France et les sentiments qui sont liés aux souvenirs de l'Empire que le ministre a dit : Il fut le légitime souverain de notre pays. (Mouvement d'assentiment.)

C'est alors que le jeune prince a vu se réaliser ce qui n'était encore que dans les pressentiments des hommes qui gouvernent. Il a vu signer le traité de Londres ; il s'est trouvé au milieu des hommes qui ourdissaient ce plan combiné contre la France, et vous ne voulez pas que ce jeune homme téméraire, aveugle, présomptueux tant que vous voudrez, mais avec un cœur dans lequel il y a du sang et à qui une haine a été transmise, sans consulter ses ressources se soit dit : Ce nom qu'on fait retentir, c'est à moi qu'il appartient ! C'est à moi de le porter vivant sur les frontières ! Il réveillera la foi dans la victoire. Ces armes, qui les déposera sur son tombeau ? Pouvez-vous disputer à l'héritier du soldat ses armes ? Non, et voilà pourquoi, sans préméditation, sans calcul, sans combinaison, mais jeune, ardent, sentant son nom, sa destinée, sa gloire, il s'est dit : J'irai et je poserai les armes sur sa tombe, et je dirai à la France : Me voici... Voulez-vous de moi ? (Vive sensation.)

Soyons courageux ! Disons tout avant de juger. S'il y a eu un crime, c'est vous qui l'avez provoqué par les principes que vous avez posés, par les actes solennels du gouvernement ; c'est vous qui l'avez inspiré par les sentiments dont vous avez animé les Français et, entre tout ce qui est français, l'héritier de Napoléon lui-même.

Vous voulez le juger, et pour déterminer vos résolutions, pour que plus aisément, vous puissiez vous constituer juges, on vous parle de projets insensés, de folle présomption... Eh ! messieurs, le succès serait-il donc devenu la base des lois morales, la base du droit ? Quelles que soient la faiblesse, l'illusion, la témérité de l'entreprise, ce n'est pas par le nombre des armes et des soldats qu'il faut compter, c'est le droit, ce sont les principes au nom desquels on a agi. Ce droit, ces principes, vous ne pouvez pas en juger. (Vive adhésion.)

Et ici je ne crois pas que le droit au nom duquel était tenté le projet puisse tomber dans le dédain des paroles de M. le procureur général. Vous faites allusion à la faiblesse des moyens, à la pauvreté de l'entreprise, au ridicule de l'espérance du succès ; ou bien, si le succès fait tout, vous qui êtes des hommes, qui êtes même des premiers de l'État, qui êtes les membres d'un grand corps politique, je vous dirai : il y a un arbitre inévitable, éternel, entre tout juge et tout accusé ; avant de juger devant cet arbitre et à la face du pays qui entendra vos arrêts, dites-vous, sans avoir égard à la faiblesse des moyens, le droit, les lois, la constitution devant les veux : La main sur la conscience devant Dieu et devant mon pays, s'il eût réussi, s'il eût triomphé, ce droit, je l'aurais nié, j'aurais refusé toute participation à ce pouvoir, je l'aurais méconnu, je l'aurais repoussé. Moi, j'accepte cet arbitrage suprême, et quiconque devant Dieu, devant le pays me dira : S'il eût réussi, je l'aurais nié, ce droit ! celui-là, je l'accepte pour juge. (Mouvement.)

Parlerai-je de la peine que vous pourriez prononcer ? Il n'y en a qu'une, si vous vous constituez tribunal, si vous appliquez le Code pénal : c'est la mort. Eh bien ! malgré vous, en vous disant et en vous constituant juges, vous voudrez faire un acte politique ; vous ne voudrez pas froisser, blesser dans le pays, toutes les passions, toutes les sympathies, tous les sentiments que vous vous efforcez d'exalter ; vous ne voudrez pas le même jour attacher le même nom, celui de Napoléon, sur un tombeau de gloire et sur un échafaud. Non, vous ne prononcerez par la mort ! (Bravo ! Bravo !)

Vous ferez donc un acte politique, vous entrerez dans les considérations politiques, vous mettrez la loi de côté. Ce n'est plus ici une question d'indulgence, c'est la raison politique qui déterminera le corps politique... Pourrez-vous prononcer selon vos lois la détention perpétuelle ? Une peine infamante ! Messieurs, j'abandonne tout ce que j'ai dit. Je laisse de côté l'autorité du principe politique ; je ne parle plus de l'impossibilité de prononcer sans que le peuple soit convoqué et ait prononcé contre le droit constitué par vous et le droit consacré par les constitutions de l'Empire et renouvelé dans les Cent-Jours. Je laisse de côté les considérations prises de ce qu'a fait votre gouvernement, je ne parle plus des sentiments si naturels, si vrais qui repoussent la condamnation ; et je inc borne à dire que vous ne jetterez pas une peine infamante sur ce nom. Cela n'est pas possible à la face du pays ; cela n'est pas possible en ces jours et en ces temps.

Une peine infamante sur le nom de Napoléon, serait-ce là le premier gage de paix que vous auriez à offrir à l'Europe ? (Vive sensation.)

Sortez des considérations générales du devoir et du législateur et redevenez hommes, et croyez que la France attache encore un prix immense, un honneur immense, aux sentiments naturels de l'homme.

On veut vous faire juges, on veut vous faire prononcer une peine contre le neveu de l'empereur, mais qui êtes-vous donc ? Comtes, barons, vous qui fûtes ministres, généraux, sénateurs, maréchaux, à qui devez-vous vos titres, vos honneurs ?

A votre capacité reconnue, sans doute, mais ce n'est pas moins aux munificences même de l'Empire que vous devez aujourd'hui de siéger et d'être juges... Croyez-moi, il y a quelque chose de grave dans les considérations que je fais valoir... Une condamnation à une peine infamante n'est pas possible. En présence des bienfaits de l'Empire, ce serait une immoralité.

En présence des engagements qui vous sont imposés par les souvenirs de votre vie, des causes que vous avez servies, de vos serments, des bienfaits que vous avez reçus, je dis qu'une condamnation serait immorale ! Et il faut y penser sérieusement ; il y a une logique inévitable et terrible dans l'intelligence et les instincts des peuples, et quiconque, dans le gouvernement des choses humaines, a violé une seule loi morale, doit attendre le jour où le peuple les brisera toutes sur lui-même[310].

 

L'avocat résumait les raisons de l'aventure napoléonienne et la légitimait. Il donnait une terrible leçon de probité politique aux anciens favoris de l'Empire et au roi-citoyen. Il faisait une critique violente et juste des dix dernières années. Il démontrait la force du bonapartisme en dénonçant le bonapartisme même du ministère. Que de souvenirs évoqués devant les pairs ! C'était toute leur jeunesse réapparue et dont l'accusé principal proclamait toujours vivant l'enseignement incomparable. En ne sachant pas l'absoudre, il aurait dû leur paraître qu'ils se reniaient ou, du moins, méconnaissaient la fougue qui les avaient eux-mêmes, autrefois, animés. Tableau étrange et qui montre bien le poids de l'heure qu'on est en train de vivre, celui de ces anciens maréchaux prêts à mettre en prison l'homme qui venait réclamer les principes auxquels ils devaient le plus pur de leur gloire et de leurs honneurs. Leçon singulière, celle de ce prince qui personnifiait, poussée à bout, la politique par laquelle ces vieillards cherchaient à métamorphoser la lâcheté ambiante. Les paroles de l'avocat bourbonien étaient cruellement véridiques. De leurs mains déjà presque froides, effrayés devant le résultat des transactions consenties, ils espéraient retrouver les cendres du foyer qu'ils avaient entretenu dans leur jeunesse, éteint peu à peu dans leur âge mûr et dont, tout à coup, ils étaient forcés de ranimer à nouveau l'ardeur ; et cette même politique, les conduisant par des routes contraires, leur ordonnait de condamner celui qui, dans ce demi-réveil au petit drapeau timide, avait voulu la résurrection entière, sous les trois couleurs déployées à l'infini dans le vent. — J'imagine que plus d'un, malgré la fatigue, l'ingratitude ou la peur, ou malgré les trois ensemble, dut se sentir blessé par l'obligation où le mettait de punir un monarque au pouvoir injustifié dont le père avait eu sa part de responsabilité dans la mort du vrai roi. C'est qu'à la voix des accusés et de leurs défenseurs, l'aigle était revenue planer sur le vieux Luxembourg.

* * *

Le réquisitoire de M. Franck-Carré, procureur général, avait petite allure après cela. Tout y était nécessairement antipathique, et ce magistrat trouva le moyen d'outrer son rôle ; il fut à la fois éloquent, médiocre et maladroit[311]. Quand il eut fini, Berryer se leva, désireux de lui répondre. Louis-Napoléon le pria de n'en rien faire et dit : M. le procureur général vient de prononcer un discours très éloquent, mais il était inutile. En priant M. Berryer de vouloir expliquer ici mes intentions dénaturées et mes droits, j'ai voulu par là faire valoir ma naissance et ma famille.. M. Berryer a admirablement bien rempli mon attente. Maintenant qu'il ne s'agit que de mon sort, je veux partager le sort des hommes qui ne m'ont pas abandonné au jour du danger ; je prie donc M. Berryer de ne pas continuer ces débats[312].

C'était habile. Berryer ne pouvait guère atteindre une seconde fois aussi haut qu'il avait été. C'était, de plus, attacher l'avocat à la cause plaidée, car le procureur général, à différentes reprises de son réquisitoire, avait visé Berryer lui-même[313]. Aussi, à peine le prince se fut-il tu, que son défenseur prit une dernière fois la parole afin de s'affirmer devant tous plus solidaire encore de son client : Les nobles sentiments que le prince Napoléon vient d'exprimer, rendent plus précieux pour moi l'honneur qu'il m'a fait de me choisir pour son avocat, et je suis plus heureux d'avoir apporté tout le zèle, toute la franchise, toute l'énergie de mes convictions à sa défense. Je lui obéirai. Qu'aurai-je à faire, en effet, pour répondre au réquisitoire que vous venez d'entendre ? Discuter une autre cause, défendre mes opinions, mes convictions personnelles et répondre, en quelque sorte, à ma propre accusation : pour de tels débats, une autre arène m'est ouverte[314].

La Chambre rendit son arrêt le G octobre. Elle acquittait Desjardins, Galvani, d'Almbert et Bure attendu qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes qu'ils se soient rendus coupables de l'attentat commis à Boulogne-sur-Mer le 6 août dernier[315]. — Elle condamnait :

Charles-Louis-Napoléon Bonaparte à l'emprisonnement perpétuel dans une forteresse située sur le territoire continental du royaume.

Jean-Baptiste-Charles Aladenize à la peine de la déportation.

Charles-Tristan de Montholon, Denis-Charles Parquin, Jules-Barthélemy Lombard, Jean-Gilbert-Victor Fialin, dit de Persigny, chacun à vingt années de détention.

Séverin-Louis Le Duff de Mésonan à quinze années de détention.

Jean-Baptiste-Théodore Forestier, Jean-Baptiste Voisin, Napoléon Ornano, à dix années de détention chacun.

Hippolyte-François-Athale-Sébastien Bouffet-Montauban, Martial-Eugène Bataille, Joseph Orsi à cinq années de détention chacun.

Henri Conneau à cinq années d'emprisonnement. Etienne Laborde à deux années d'emprisonnement[316].

On raconte que le prince, au moment où il s'entendit condamner à l'emprisonnement perpétuel, se tourna vers le greffier et lui dit : Monsieur, on disait autrefois que le mot impossible n'était pas français ; aujourd'hui, on peut en dire autant du mot perpétuel[317].

Il écrivit, aussitôt après l'arrêt, trois lettres à ses avocats, Berryer, Ferdinand Barrot, et même à Marie qui n'avait pas parlé[318]. A quelques heures de là, il partit pour Ham sous la surveillance du colonel Lardenois, au milieu des males mesures de précautions que lors de sa venue à Paris. Il revit la forteresse le lendemain 7 octobre, à midi. Il y fut incarcéré en compagnie du général Montholon et du docteur Conneau[319]. — Voisin et Laborde furent écroués à Chaillot, dans une maison de santé, les autres à Doullens, dans la citadelle[320]. Parquin y mourut[321]. Persigny, transporté ensuite à l'hôpital militaire de Versailles, fut laissé en liberté dans cette ville après avoir fait serment qu'il ne s'en éloignerait pas[322].

* * *

La Chambre des pairs se composait de 312 membres dont 306 pairs et 6 princes du sang. Il n'en siégea que 167 ; 152 seulement rendirent l'arrêt[323]. — Parmi les noms de ceux-ci, on relève les suivants : le duc de Reggio, le comte Claparède, le duc Decazes, le comte Reille, le comte Davillier, le comte Pajol, le comte Exelmans, le comte Daru, le comte de Cambacérès, etc.[324]

En somme, le gouvernement royal enfermait pour toute la durée de sa vie un homme dont il affectait de sourire et qu'il affirmait ne pas redouter[325].

 

 

 



[1] Ou Castle-Of-Edimburgh, ou City-Of-Edimburgh. Dans la déposition du capitaine, James Crow, le bateau est appelé Edimburgh-Castle.

[2] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[3] Voir précédemment.

[4] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[5] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[6] Voir précédemment.

[7] On dit aussi que le prince avait cet aigle à Londres depuis longtemps ; il aurait été pris dans les environs d'Arenenberg. — L'accusation qui rapporte que le prince débarqua avec son aigle est entièrement fausse. Le rapport du préfet du Pas-de-Calais, Gauja, dit simplement : On a trouvé un aigle vivant à bord de l'Edimburgh-Castle. Il appartenait à Louis Bonaparte. Et il est à remarquer que dans le cours du procès même il n'en fut pas parlé. Cet aigle fut déposé à l'abattoir de la ville. Il s'échappa et ou le retrouva dans un champ, près de Croizelles. Il devint la propriété d'un restaurateur d'Arras, M. Delory ; puis un marchand de charbon de la même ville s'en rendit acquéreur. La Presse du 21 novembre 1849. — Le prince tenait ce côté superstitieux de famille. L'impératrice Joséphine croyait aux présages et consultait Mlle Lenormand ; la reine Hortense partageait les superstitions de sa mère ; et l'on sait que l'empereur lui-même n'était pas sans ajouter foi à certains avertissements du destin. Voir les Mémoires de Mme de Rémusat, les Mémoires de Constant, du baron Meneval, les après-diners de Cambacérès. On connaît la scène avec le général Rapp, en 1806, au retour du siège de Dantzig et la réponse de Napoléon au cardinal Fesch en 1811 ; Voyez-vous cette étoile, là-haut ? dit l'empereur en conduisant Fesch près d'une fenêtre ouverte. — Non, sire. — Regardez bien ! — Sire, je ne la vois toujours pas. — Eh bien ! moi, je la vois. Napoléon se serait bien gardé de livrer bataille un vendredi, etc. — Napoléon III et l'impératrice Eugénie eurent un astrologue presque attitré. Il a publié un livre sur les Mystères de l'horoscope sous le pseudonyme d'Ely Star. Huysmans l'a dépeint à sa manière dans son roman de Là-bas.

[8] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[9] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[10] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[11] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[12] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[13] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[14] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte. — Les uns sont partis de Londres. les antres de Gravesend où se trouva un pilote français destiné à diriger le bâtiment lorsqu'il approcherait des côtes. Ce pilote a disparu. Les derniers embarqués furent pris à Margate, c'est de là que l'expédition se dirigea sur Wimereus. — Ibid. Ce pilote aurait été M. Flandin-Vourlat, rentier de Boulogne, où il demeurait 46, rue des Pivots. Les recherches faites pour découvrir quel était le pilote n'avaient d'abord produit aucun résultat ; des renseignements ultérieurs donnent lieu de croire que l'individu qui a exercé les fonctions de pilote à bord du paquebot et qui a présidé au débarquement de Louis Bonaparte et de sa suite est le nommé Flandin, ayant navigué autrefois comme corsaire et qui s'est dérobé par la suite au mandat décerné contre lui. Procès du prince Napoléon-Louis Bonaparte, Bobaire, 1840, déjà cité.

[15] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[16] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[17] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[18] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[19] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[20] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[21] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[22] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[23] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[24] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[25] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[26] Le prince aurait été accompagné jusqu'à l'embarquement par Miss Howard. La dévouée miss Howard accompagna son ami jusque sur le pont du bateau, lui remit un tendre souvenir et lui souhaita le succès... De Beaumont-Vassy, Mémoires secrets du XIXe siècle, Sertorius, 1874.

[27] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[28] Procès de Louis-Napoléon Bonaparte.

[29] Déposition de Crowe : Ils ont bu énormément et je n'ai jamais vu plus boire qu'ils ne l’ont fait, et de toutes espèces de vin.

[30] Procès, etc.

[31] Procès, etc.

[32] Procès, etc.

[33] Cela fait exactement trois bouteilles deux dixièmes.

[34] Aucune pièce de l'affaire, aucune déposition de ceux qui arrêtèrent les conjurés, ne dit que ceux-ci furent arrêtés en état d'ébriété. — Quant à Montauban, il semble aller loin dans son zèle en décrétant qu'il n'y avait même pas de vin à bord du bateau ; c'est peu vraisemblable.

[35] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[36] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[37] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[38] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[39] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[40] Déposition des témoins.

[41] Le prince dit encore autre chose. On lit dans la déposition de Duflos, notamment, qu'il recommanda de ne pas verser de sang.

[42] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — On avait confié à quelques hommes des rouleaux d'or destinés à âtre distribués.

[43] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[44] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[45] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[46] Histoire de Huit ans, déjà cité.

[47] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[48] Histoire de Huit ans.

[49] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[50] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[51] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Histoire de Huit ans.

[52] Histoire de Huit ans.

[53] Histoire de Huit ans.

[54] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[55] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[56] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[57] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[58] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[59] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[60] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[61] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[62] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[63] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[64] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[65] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[66] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[67] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[68] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[69] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[70] Histoire de Huit ans.

[71] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[72] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[73] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[74] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[75] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Histoire de Huit ans, déjà cité. — Ce drapeau est conservé aux Archives nationales.

[76] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[77] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[78] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[79] Histoire de Huit ans.

[80] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[81] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[82] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[83] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[84] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[85] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[86] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[87] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[88] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[89] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[90] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[91] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[92] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[93] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[94] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[95] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[96] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[97] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[98] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[99] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[100] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[101] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[102] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[103] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[104] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[105] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[106] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[107] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[108] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[109] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[110] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[111] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[112] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[113] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[114] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[115] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[116] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[117] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Dépositions des témoins.

[118] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[119] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[120] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[121] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[122] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[123] Un moment plus tard, le capitaine des grenadiers du 42e est arrivé, et un nouveau conflit est survenu. Dans ce conflit, déterminé par les mémos considérations, j'aurais infailliblement tué le capitaine, si M. Aladenize ne s'était de nouveau jeté entre le capitaine et moi et ne m'avait arrêté de la manière la plus énergique. Il nie déclara alors avec toute la chaleur de son âge que si je touchais au capitaine, il se tournerait sur-le-champ contre nous. Premières déclarations de Persigny. Cette partie du récit fait naitre de graves réflexions. Sous les phrases prudemment combinées du magistrat, il est aisé de voir qu'à l'appel d'Aladenize les deux compagnies s'étaient rangées aux ordres du prince ; ce n'était là qu'un petit succès partiel, mais, par un élan généreux d'humanité, Aladenize l'arrêta... D'Alton-Shée, Mémoires, t. 2, p. 62.

[124] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[125] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. Ceci est une nouvelle preuve de la maladresse du prince h offrir des récompenses. Maintenant, l'accusation cite-t-elle ses véritables paroles ?

[126] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[127] Il est à remarquer que sans l'énergique intervention de Col-Puygélier, cet accueil eût été tout autre. — Col-Puygélier mourut simple commandant en 1869.

[128] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[129] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[130] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[131] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[132] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[133] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[134] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[135] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[136] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[137] Histoire de Huit Ans. — Tous les officiers du détachement se trouvaient auprès de moi et pendant que j'ordonnais ma troupe, le groupe a voulu rentrer et parlementer ; mais alors je leur ai signifié de se retirer ou que j'allais employer la force. Comme je m'adressais particulièrement au prince Louis, il m'a tiré un coup de pistolet dont la balle a atteint un grenadier à la bouche. Rapport de Col-Puygélier. — La blessure du grenadier fut légère.

[138] Histoire de Huit ans. — Nous avons vu que le prince avait recommandé d'éviter l'effusion de sang.

[139] Il y a des moments où on ne peut pas se rendre compte de ses intentions. Lorsque j'ai vu le tumulte commencer, j'ai pris mon pistolet ; il est parti sans que j'aie voulu le diriger contre qui que ce soit. Déposition du prince devant la Cour.

[140] Pourquoi donc Col-Puygélier ne s'est-il pas de suite emparé du prince, comme il le pouvait, eu réalité ? Ceci tendrait à prouver qu'il croyait la troupe du prétendant beaucoup plus considérable et qu'il craignit d'autre part l'arrivée de renforts bonapartistes. J'ai entendu dire que les conjurés avaient cru pouvoir compter sur l'aide éventuelle de Col-Puygélier ; mais rien, dans ce qu'on tonnait de sa conduite, n'autorise une pareille accusation, bien au contraire.

[141] Ils attendaient les renforts promis. On comptait être rejoint par cinq cents hommes. Histoire de Huit ans. En réalité, le prince espérait des forces bien plus grandes.

[142] Histoire de Huit Ans. — Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[143] Histoire de Huit Ans. — Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[144] Histoire de Huit Ans. — Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[145] Histoire de Huit Ans. — Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[146] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[147] Ce fonctionnaire, qui répondait au nom de Launay-Leprevost, raconta ainsi le fait dans le mémoire qu'il adressa aux autorités : ... Ils se sont dirigés vers la haute ville, et c'est au moment où ils allaient arriver à la sous-préfecture qu'averti depuis quelques instants et déjà revêtu de mon uniforme, je nie suis avancé seul à leur rencontre et je les ai sommés, au nom du roi, de se séparer et d'abattre leur drapeau, en m'adressant d'ailleurs à ceux que je croyais des militaires égarés : un instant ils se sont arrêtés, mais Louis-Bonaparte a crié de nie repousser et j'ai été atteint à la poitrine d'un coup de pied du drapeau (sic)...

[148] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[149] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[150] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[151] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[152] Histoire de Huit ans.

[153] Histoire de Huit ans.

[154] Le drapeau était attaché au moyen d'un mouchoir rouge en bas et d'un foulard bleu au haut de la hampe. s Déposition d'un maçon. Procès, etc.

[155] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[156] S'il n'attendait pas un renfort, pourquoi s'arrêter ici ? Si Napoléon-Louis, plus tard. dans sa retraite, s'arrêta près de la colonne et y fit arborer son drapeau, c'est qu'il croyait encore à l'arrivée des secours annoncés et qu'il y crut jusqu'au dernier moment. Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[157] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[158] Histoire de Huit ans.

[159] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[160] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. Il y avait alors autour du prétendant den' ou trois cents personnes qui, suivant le récit d'un journal démocratique du Pas-de-Calais, ne cessaient de lui témoigner la plus vive sympathie.

[161] Procès, etc.

[162] Tous les témoignages s'accordent pour le prouver. Il eut un moment de terrible d&espoir et le sentiment que l'aventure bonapartiste allait être perdue à tout jamais par le ridicule qu'on ne manquerait pas de verser sur cette dernière tentative.

[163] Histoire de Huit ans.

[164] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[165] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[166] Les journaux démocratiques prétendent que ce fut le peuple. Ce sont des hommes du peuple qui l'ont emporté de force vers la plage.

[167] Histoire de Huit ans.

[168] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[169] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[170] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[171] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[172] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[173] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[174] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[175] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[176] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[177] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[178] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[179] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[180] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[181] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[182] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[183] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[184] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[185] Le prince Napoléon-Louis lui-même fut atteint de trois balles, dont deux, heureusement, n'atteignirent que ses habits ; la troisième lui fit une contusion au bras. Procès du prince Napoléon-Louis Bonaparte, etc., Bobaire, 1840. A en croire quelques journaux du Pas-de-Calais, les amis du prince cherchèrent à le protéger : y On ne pouvait s'empêcher, dans ce triste moment, d'admirer le dévouement de ces malheureux qui, à chaque coup de feu, se jetaient sur leur chef pour le couvrir de leurs corps.

[186] Histoire de huit ans. Le National.

[187] Le lieutenant Ragon, devant la Cour des pairs, déclare que ce fut. à cent cinquante pas. Cette façon d'évaluer ta distance est tout officielle et commandée. Le National dit à quinze pas ; le Journal de Calais et la Colonne de Boulogne affirment que ce fut à bout portant. La façon dont fut tué Faure tend à le prouver puisque instinctivement, d'après le National, celui qui le visa se recula de deux pas pour pouvoir le coucher en joue.

[188] Le National.

[189] Le National.

[190] Le National.

[191] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[192] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[193] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[194] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[195] Le prince aurait essayé de sauver d'Hunin, mais sans y réussir. De Barins, Histoire populaire de Napoléon III, déjà citée.

[196] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[197] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[198] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[199] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[200] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[201] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[202] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[203] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[204] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[205] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[206] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[207] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[208] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[209] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[210] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[211] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[212] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[213] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. Que dire de cette étrange lettre ? s'écriait un journal républicain. Faut-il laisser mourir sous le ridicule l'homme qui a pu signer ce pathos où l'on outrage en phrases burlesques et en si mauvais français des hommes placés sous la main de la justice ? Et voilà l'homme qui figure aujourd'hui à la tête de l'armée ! Voilà le général que M. Thiers a choisi pour suffire à la situation présente !

[214] Ces grossières insultes accumulées dans un journal qui passait pour recevoir les inspirations de M. Thiers révoltèrent tous les esprits généreux et même les cœurs indifférents. Jamais le Va riais n'avait semblé de plus mauvais goût. Histoire de huit ans. Le Constitutionnel disait en parlant du prince : Ce prétendant est à jamais tombé sous les sifflets du pays.

[215] Mischievous blockhead.

[216] J'ai suivi le procès, écrit M, de Falloux, de plus en plus convaincu, d'audience eu audience, de l'inanité des espérances napoléoniennes. n Le spirituel Jourdan appelait le prince e le nigaud impérial. — La Presse — dans un article qu'on attribua à Grenier de Cassagnac — protestait que personne, en France, ne pouvait honorablement éprouver la moindre sympathie ni même la moindre pitié pour ce jeune homme qui paraissait n'avoir pas plus d'esprit que de cœur. E. Ollivier, Louis-Napoléon et le Coup d'État, déjà cité, p. 65.

[217] Mémoires de Metternich, déjà cité.

[218] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[219] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[220] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[221] Histoire de Huit ans.

[222] Histoire de Huit ans.

[223] Histoire de Huit ans.

[224] Gallix et Guy, déjà cité. — Le général Montholon avait été confié à M. Rébillot, colonel de la gendarmerie de la Seine. — A la moindre velléité d'évasion du prisonnier, ses gardiens devaient employer leurs armes contre lui plutôt que de le laisser sortir vivant de leurs mains. — Archives du dépôt de la Guerre, cité par Giraudeau, Napoléon III intime.

[225] Histoire de Huit ans.

[226] Histoire de Huit ans.

[227] Histoire de Huit ans.

[228] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[229] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[230] Histoire de Huit ans.

[231] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[232] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[233] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[234] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[235] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[236] Le duc d'Orléans écrivant au prince de Joinville sur l'affaire de Boulogne désigne la citadelle de Ham connue la meilleure prison et indique les mesures à prendre : Il faut faire ici de la politique, il faut faire mousser la conduite de la garde nationale, la bien récompenser, peut-être lui donner un drapeau d'honneur ; bien traiter également tous ceux qui ont fait preuve de dévouement dans cette échauffourée, puis nous débarrasser de Louis-Bonaparte. Non par la mort, certes, mais par un bon jugeaient qui l'emprisonne. Pour cela, il n'y a que la Chambre des pairs. Il faut faire juger promptement, lui et tous les siens. Intermédiaire des chercheurs et des curieux du 20 avril 1905.

[237] Chose singulière, malgré l'opinion des journaux, malgré le sentiment général, l'émotion avait été profonde à la cour. Thirria, Napoléon III avant l'Empire.

[238] Toute l'attitude du pouvoir le prouve. La tactique fut la même qu'à Strasbourg : on s'efforça de tout cacher et de discréditer le prince en le couvrant de ridicule.

[239] Il y avait avec le roi la reine, le duc et la duchesse de Nemours, le duc d'Aulnaie, le duc de Montpensier, la princesse Clémentine, Mme Adélaïde, deux ministres et le général Magnan. Louis-Philippe fit  un petit discours qui commençait ainsi : Mes chers camarades de la garde nationale de Boulogne, du 4e régi-meut de ligne et des douanes, j'ai voulu seoir dans votre ville afin d'are envers vous l'organe de la reconnaissance de la France... J'ai voulu consacrer par cette solennité la gloire que la ville de Boulogne s'est acquise dans cette circonstance...

[240] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[241] Giraudeau, Napoléon III intime, déjà cité.

[242] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — On a attribué également cette lettre à Jérôme Bonaparte. Mais la chose me parait fort douteuse. Il semble qu'elle doive are l'œuvre d'un autre des frères de Napoléon, peut-être de Jérôme, alors en instance pour obtenir une pension du gouvernement royal... Jérôme avait intérêt représenter son neveu comme un téméraire, un insensé, que des amis coupables venaient de conduire pour la troisième fois à sa ruine. Tout eu le dégageant avec une certaine habileté, on mettait hors de cause le reste des parents. A. Moral, env. déjà cité p. 221.

[243] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[244] Duval, Napoléon III.

[245] Duval, Napoléon III. Voir p. 251.

[246] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[247] Histoire de Huit ans.

[248] Souvenirs de Mme Récamier, t. II.

[249] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Il traduisit effectivement dans sa prison une pièce célèbre, l'Idéal. On recourait le côté sentimental du prince. Le conspirateur écrivait : Les astres brillants qui éclairaient mon entrée dans la vie ont perdu leur éclat ; l'idéal, qui gonflait mon cœur ivre d'espérance, s'est enfui. Elle est anéantie, cette douce croyance en des êtres créés par mon imagination ; ces rêves jadis si beaux, si divins, ils sont tombés en proie à la triste réalité ! — De même qu'un jour Pygmalion étreignait la pierre de ses ardents transports, jusqu'à ce que le sentiment ait coulé brûlant dans la fibre glacée du marbre, de même j'enlaçais la nature de mes bras amoureux avec une ardeur juvénile jusqu'à ce qu'elle eût commencé à respirer et à se réchauffer sur mon cœur de poète. Et, partageant mes brûlants transports, elle s'animait à ma voix, me rendait le baiser d'amour et comprenait les battements de mon cœur. La fleur, l'arbre, tout vivait pour moi ; le murmure du ruisseau chantait à mon oreille ; même les objets inanimés paraissaient sensibles au retentissement de ma vie. — Mon étroite poitrine se dilatait par un effort tout-puissant dans un cercle immense, et je voulais entrer dans la vie en paroles et en actions' ; par les illusions comme par le bruit. Comme il était grand, ce monde, tant qu'il ne fut pas éclos à mes yeux ! Mais comme j'ai vu peu de chose s'épanouir, et ce peu comme il était petit et mesquin ! — Avec quelle audace il s'élançait dans la vie, transporté par une noble ardeur, le jeune homme que le délire de ses rives rendait heureux et dont aucun souci n'avait encore arrêté la fougue ! Le vol altier des projets l'emportait jusqu'au sommet du firmament rien n'était trop loin, pour que, dans son ivresse, il ne crût pouvoir l'atteindre. — Avec quelle facilité il y était transporté ! Qu'y avait-il de trop difficile à son bonheur ! Comme sur le chemin fleuri de la vie il était joyeusement accompagné ! L'amour avec son doux retour, la fortune avec son brillant diadème, la gloire avec sa couronne étincelante, la vérité avec l'éclat du soleil !... J'ai vu la couronne sacrée de la gloire flétrie sur des fronts vulgaires. Hélas ! Le temps heureux de l'amour n'a eu qu'un trop court printemps, et ma route devint bientôt de plus en plus déserte. Le silence s'accrut, et c'est à peine si l'espoir jette encore une faible lueur sur mon obscur sentier... On imagine Louis-Napoléon à la Conciergerie découvrant ces vers de Schiller dans le recueil du poète et l'émotion avec laquelle il y retrouvait l'histoire et l'aventure de son propre cœur. On sent de nouveau tout son romantisme. Et l'on s'étonne un peu de cette sensibilité chez un prétendant.

[250] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Lors de ces interrogatoires faits à buis-clos, Louis-Napoléon aurait répondu à M. Pasquier qui lui demandait quels étaient ses complices : Les pairs eux-mêmes, si j'avais réussi. Il s'inspirait peut-être de la réponse du général Mallet en 1812. — Pasquier lui demandant encore de quel droit il avait porté la plaque de la Légion d'honneur : Je l'ai trouvée dans mon berceau, dit-il. A l'audience, interpellé sur sa profession, il répliqua : Prince français en exil. — C'était sans doute la première fois qu'un homme avait allégué une telle profession ; le mot ayant passé, tout était dit. L'aventurier devenait le représentant officiel d'une cause proscrite, niais semblable à la plus légitime et la plus authentiquement régulière. A. Morel, déjà cité. p. 223. — Le mot était beau.

[251] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Procès du prince Napoléon-Louis, etc., etc.

[252] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Procès du prince Napoléon Louis.

[253] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Procès du prince Napoléon Louis.

[254] Cependant, les plus grandes précautions avaient été prises, aussi bien dans l'intérieur du palais qu'aux alentours, La cour de la caserne des gardes municipaux, située en haut de la rue de Tournon, était remplie de gardes en grande tenue. Dans le jardin, on avait établi une forte cloison en poutrelles depuis l'orangerie jusqu'au bâtiment neuf, et le nombre des factionnaires était considérable de ce mité. Ces précautions excessives avaient éloigné les curieux peu amateurs des formes extrêmement sommaires de la police. Un ne voyait â toutes les issues que des uniformes de troupes la plupart en grande tenue, parmi lesquels se dessinaient les habits bleus des sergents de ville. Procès du prince Napoléon-Louis Bonaparte.

[255] Par la suite, Napoléon III se donna le plaisir de montrer qu'il ignorait la rancune et savait humilier avec un mépris généreux en faisant de M. Franck-Carré le premier président de la Cour impériale de Rouen.

[256] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[257] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[258] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[259] C'est à midi et demi que les accusés ont été introduits. L’arrivée du prince a produit une sensation difficile à décrire et plus d’un de ceux qu'il refuse pour juges n'a pu se défendre d'une certaine émotion en voyant là, captif et sous une menace de mort, celui qu'adopta l'homme qui les avait comblée de richesses, etc. Procès de Napoléon-Louis Bonaparte, etc. Louis-Napoléon est introduit le premier ; il est suivi de Berryer, son avocat. Le neveu de Napoléon parait avoir vingt-cinq à vingt-six ans, bien qu'il en ait trente-deux ; rien en lui ne dénote cette ressemblance avec l'empereur que ses partisans s'obstinent à trouver malgré les contrastes frappants, et, sauf l'énorme moustache châtain foncé qui ombrage sa lèvre, la physionomie n'a rien, quoi qu’on dise, du type militaire. Son signalement est ainsi couru dans le procès : Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, né a Paris, demeurant à Londres ; taille 1m,68, cheveux et sourcils châtain-blonds, front ordinaire, yeux gris, nez fort, bouche moyenne, meulon rond, visage ovale. Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. Le prince avait le regard déjà terne, la physionomie d'un rêveur éveillé ; avec sa petite taille, son frac noir et malgré le crachat dont il s'était décoré, quelque chose de mesquin et d'étriqué. Rien en lui ne faisait présager la majesté que développe immanquablement le rang suprême. D'Alton-Shée, Mémoires, t. II, p. 66.

[260] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[261] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — D'après le récit de d'Alton-Skiée, le prince commença par réciter son discours et cela au milieu d'une attention plutôt bienveillante, niais s'arrêta et, seulement alors, tira un papier de sa poche. D'après le même, le texte du discours était de Berryer : Ce n'était qu'à l'aide d'un long travail et à force de coupures, de corrections et de substitutions que Berner était parvenu à réduire les douze pages primitivement rédigées par sou client a douze lignes simples et politiques... Je ne sais ce que l'auteur entend par ligne, mais si j'en reste au sens strict du mot, ce que lut Louis-Napoléon devant la Cour des pairs a plus de douze lignes. De plus nous savons — voir plus loin — que Berryer et Marie n'eurent pas entièrement gain de cause dans leurs corrections, puisque ce dernier se Bicha en entendant des passages qu'il pensait supprimés. — Le pair de France qui raconte ici est partial. Seul de toute la pairie, il vota la mort et s'en vante. Il est' le type du grand seigneur riche jouant à la liberté farouche : rien de pire. Ses mémoires, curieux par les gens dont ils parlent et sur lesquels ils racontent souvent des faits personnels, révèlent un homme prétentieux et dogmatique, un individu qui se veut imposant. Aucun élan ; aucun naturel.

[262] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[263] L'empereur oublia également cette susceptibilité exagérée de M. Marie et le récompensa dans la suite comme il savait récompenser. Il lui remit, déjà, à cette époque, connue paiement de son silence, quatre mille francs.

[264] Histoire de Huit ans.

[265] Histoire de Huit ans.

[266] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[267] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[268] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[269] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[270] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[271] Voir précédemment.

[272] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[273] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[274] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[275] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[276] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[277] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[278] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[279] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[280] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[281] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[282] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — D. Vous portez le nom de Persigny, mais ce n'est pas le vôtre ? R. C'est le nom de mou grand-père. — D. Paternel ou maternel ? (L'accusé ne répond pas.) Votre grand-père était-il vicomte ? — R. Mon arrière-grand-père était comte. (On rit.)

[283] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[284] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[285] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[286] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[287] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[288] L'explication de ces soupçons est donnée par ce passage très judicieux : Le parti bonapartiste, à Paris, qui aurait volontiers profité de la victoire, n'approuvait pas l'expédition, après qu'elle eut échoué. Je l'ai déjà dit, il adorait le passé plus qu'il ne croyait à l'avenir. Il se livrait à des récriminations amères jusqu'à l'injustice, surtout depuis que les débats judiciaires avaient révélé la coopération de ce jeune homme qu'il avait si froidement accueilli. M. de Persigny jouissait de toute la confiance du prince ; de plus, on le savait capable d'essayer indéfiniment, jusqu'à concurrence de sa vie, tous les moyens qui pourraient faire triompher la cause impériale. On s'entendit donc tout naturellement pour le perdre dans l'esprit de Louis-Napoléon. Des recherches furent faites dans sa famille ; son nom fut contesté, son caractère abaissé, son désintéressement traité de calcul, son ambition mise au niveau de celle d'un intrigant. Un représentant du parti fut délégué auprès du prince pour lui exposer, en ce qui concernait M. de Persigny, le résultat de toutes les investigations auxquelles s'était livré le zèle exagéré des bonapartistes. Le prince écouta tranquillement ce singulier réquisitoire. On ne me croit donc pas capable, répondit-il, d'apprécier un homme ! Comme le député insistait, eu faisant observer qu'il serait, tout au moins, prudent de se tenir sur la réserve vis-à-vis de M. de Persigny, et de soumettre son dévouement à une sorte de quarantaine, le prince ajouta simplement : Mon cher, on n'éprouve pas ses amis ! M. de Persigny, ayant eu connaissance de cette mission extraordinaire, versa des larmes. Le prince, lui prenant la main en souriant, la mit dans celle de l'envoyé bonapartiste. J. Delaroa, Le duc de Persigny, etc., déjà cité. — Persigny était tout d'une pièce et homme d'action. Ces deux vertus — surtout dans un siècle assagi — suffisent à semer la haine.

[289] Histoire de Huit ans. — D'après d'Alton-Shée, il y eut trahison : J'omets à dessein, dit-il, le récit des doubles trahisons, la disparition motivée de certains accusés, les forfanteries d'honneur de certains témoins complices. Mémoires, t. II. p. 66.

[290] Il faut retenir pourtant la déclaration de Parquin tandis qu'on le conduisait au château à Boulogne, et qu'on s'étonnait de sa conduite : Que voulez-vous ? nous avons consacré notre existence au prince, et nous lui avons fait le sacrifice de notre vie... Et puis, on nous a trompés.

[291] Histoire de Huit ans.

[292] Histoire de Huit ans.

[293] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[294] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[295] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[296] Histoire de Huit ans.

[297] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[298] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[299] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[300] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte. — Parquin n'était pas seulement un héros, il savait avoir de l'esprit. et dans des circonstances où la plupart s'en seraient dispensés. Après Ciudad-Rodrigo où un coup de feu au visage lui avait enlevé sic dents, sou commandant s'informant de lui, il écrivit, ne pouvant parler : Ma blessure ne sera rien. J'avais une dent contre les Anglais, ils ont voulu me l'arracher. Mais ils auraient bien pu se dispenser d'en enlever cinq autres avec.

[301] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[302] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[303] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[304] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[305] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[306] Persigny fit paraître tout son discours dans le Capitole du 4 octobre. Il est reproduit dans Procès du prince Napoléon-Louis, etc., déjà cité.

[307] Discours de Persigny paru dans le Capitole du 4 octobre. Procès du prince Napoléon-Louis, etc., déjà cité.

[308] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[309] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[310] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[311] Niaisement, le procureur général insistait dès le début de sa réplique sur la grandeur de la cause en jeu et sur l'essor que lui avait donné la parole du maitre avocat. Messieurs les pairs, commençait-il, tous les faits sur lesquels reposent l'accusation ont été acceptés par la défense, et la tâche du ministère public serait accomplie si le premier orateur que vous avez entendu s'était, comme il lavait annoncé lui-même, renfermé dans son rôle judiciaire, mais ses préoccupations politiques l'ont enlevé à ce rôle malgré lui, et ses paroles nous ont fait sortir pour un instant de cette enceint. Ce n'est pas seulement l'avocat, c'est aussi l'homme politique qui est devenu notre contradicteur. Dédaignant les faits de la cause, il n'a cherché ni à enlever au crime que vous êtes appelés à juger le caractère de l'attentat, ni à le dépouiller des circonstances graves qui l'ont accompagné. Il ne trouvait pas sans doute ce procès assez élevé ; on s'est efforcé de l'agrandir et comme s'il y avait nous ne savons quel intérêt d'avenir derrière l'intérêt actuel engagé dans ce débat, on a déclamé devant vous, au nom d'un principe dont on exagérait à dessein les conséquences, le privilège d'une inviolabilité judiciaire eu faveur de ces prétentions ambitieuses qui se traduisent en attentat. — En lisant le discours de M. Franck-Carré, on se rend compte qu'il ne savait que répondre à Berryer, que dire au prince et aux pairs et que, même dans l'énuméré des griefs, il mettait une sorte de timidité.

[312] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[313] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[314] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[315] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[316] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[317] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[318] Voici ces lettres :

Mon cher Monsieur Berryer,

Je ne veux pas quitter ma prison de Paris sans vous renouveler tous mes remerciements pour les nobles services que vous m'avez rendus pendant mon procès. Dès que j'ai su que je serais traduit devant la Cour des pairs, j'ai eu l'idée de vous demander de me défendre, parce que je savais que l'indépendance de votre caractère vous mettait au-dessus des petites susceptibilités de parti et que votre cœur était ouvert à toutes les infortunes comme votre esprit était apte à comprendre toutes les grandes pensées, tous les nobles sentiments. Je vous ai donc pris par estime, maintenant je vous quitte avec reconnaissance et amitié. — J'ignore ce que le sort me réserve, j'ignore si jamais je serai dans le cas de vous prouver ma reconnaissance, j'ignore si jamais vous voudrez en accepter les preuves, mais quelles que soient nos positions réciproques en dehors de la politique et de ses désolantes obligations, nous pouvons toujours avoir de l'estime et de l'amitié Fun pour l'autre, et je vous assure que si mon procès ne devait avoir eu d'autre résultat que de m'attirer votre amitié, je croirais encore avoir immensément gagné et je ne me plaindrais pas du sort. — Adieu, mon cher monsieur Berner ; recevez l'assurance de mes sentiments d'estime et de reconnaissance.

Napoléon-Louis BONAPARTE.

 

A M. MARIE

Monsieur,

Avant de partir, je viens vous remercier des bons conseils que vous m'avez donnés pendant mon procès et du plaisir que vous m'avez fait eu m'assistant de votre présence pendant les débats de la Chambre des pairs. La pensée que j'ai exprimée dans la première phase de mon discours est bien vraie ; quoique je vienne d'apprendre que je suis condamné à une réclusion perpétuelle, je n'emporte du procès qu'une idée agréable et douce. Je me suis trouvé pour la première fois de ma vie en communication journalière avec mes compatriotes qui m'ont montré de la sympathie ; mes gardiens étaient fâchés de nie garder ; mes juges étaient fâchés de me juger ; mes avocats semblaient heureux de me défendre. De quoi ai-je à me plaindre ? Croyez donc, monsieur, que j'emporte un souvenir agréable et plein de reconnaissance des moments que nous avons passés ensemble, et je vous prie d'en accepter ici la sincère expression.

Napoléon-Louis.

 

Mon cher monsieur Ferdinand Barrot,

Je veux encore avant de partir, vous dire combien j'ai été heureux de faire votre connaissance. Je pars avec la consolante idée d'avoir acquis votre amitié, et permettez-moi de us assurer de la mienne. Je n'oublierai jamais la peine que vous vous êtes doué pour me venger de tous les outrages auxquels j'ai été en butte ; et puisque vous m'avez dit vous-même que les liens qui se forment dans le malheur sont plus durables que les autres, permettez-moi de croire que notre amitié survivra longtemps à la clôture du procès, etc.

Napoléon-Louis.

[319] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[320] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[321] Le 19 décembre 1845. — C'est là qu'il écrivit ses mémoires.

[322] Les archives de l’hôpital militaire — fort restreintes — ne nous ont rien appris. Persigny dit simplement : A la suite d'une grave maladie, ayant obtenu de M. le comte Duchâtel mon transfèrement dans une maison de santé à Versailles... De la destination et de l'utilité des Pyramides, etc., par M. Fialin de Persigny. Pantin, 1845. -- Cette maison de santé était celle du docteur Battaille. Interné d'abord à Doullens, Persigny aurait été transféré ensuite à la Conciergerie. — Renseignements fournis par M. d'Espagny.

[323] Procès de Napoléon-Louis Bonaparte.

[324] Le passé de ceux-là est bien connu, mais combien d'autres encore à citer : Molé, comte et ministre de l'Empire, pair des Cent-Jours qui reconnut Napoléon II ; Monnier, baron de l'Empire, secrétaire du cabinet de l'empereur, auditeur au Conseil d'État ; Pontécoulant, comte de l'Empire, sénateur, célèbre par ces paroles à la Chambre des pairs : Napoléon est mon bienfaiteur, je lui dois tout. Dubreton, lieutenant général de l'Empire ; Pauge, comte de l'Empire et chambellan ; Praslin, chambellan de l'Empereur, pair des Cent-Jours qui reconnut Napoléon II ; Molitor comte de l'Empire, lieutenant général, pair des Cent-Jours qui reconnut Napoléon II ; Cholet, sénateur et comte de l'Empire ; Bondy, comte de l'Empire, conseiller d'Etat, préfet et chambellan ; Gilbert Desvoisins, comte de l'Empire, maitre des requêtes au Conseil d'État, premier président de la Cour de Paris, pair des Cent-Jours, qui reconnut Napoléon II ; d'Anthouard, comte de l'Empire, lieutenant général ; Roguet, comte de l'Empire, lieutenant général dans la garde impériale ; La Grange, comte de l'Empire et lieutenant général ; Rambuteau, comte de l'Empire, chambellan et préfet, etc., etc.

[325] Ces échauffourées, écrivit Saint-Marc Girardin en parlant de Strasbourg et de Boulogne, cachèrent le prince Louis aux classes supérieures et le n'outrèrent au peuple.