LES TROIS COUPS D'ÉTAT DE LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE

STRASBOURG ET BOULOGNE

 

CHAPITRE III. — L'INSURRECTION DE STRASBOURG.

 

 

Le départ d'Arenenberg ; itinéraire et arrivée. — La nuit suprême.  — Vaudrey et Louis-Napoléon à la caserne d'Austerlitz. — L'enthousiasme des soldats. — Arrestation manquée de Vairol. — M. Choppin d'Arnouville. — L'échec à la Finckmatt. — Tallandier et Parquin. — Le peuple. — Vaudrey trompé. — Attitudes du prince et des conjurés. — Laity. — Persigny, Mme Gordon et les gendarmes. — Fuite de Persigny. — Impression causée aux Tuileries. — Les journaux. — Le prince en prison, à la préfecture, à Lorient puis à bord de l'Andromède. — La Cour d'Assises du Bas-Rhin. — L'acquittement. — Enthousiasme des Strasbourgeois. — Arrivée du prince à New-York. — La maladie de la reine Hortense. — Retour à Arenenberg. — Mort de la reine. — Nouveaux voyages à Bade. — Une scène théâtrale et romantique.

 

Le 24 octobre 1836, le prince annonça tranquillement à sa mère qu'il quitterait Arenenberg le lendemain matin pour chasser pendant quelques jours sur la principauté d'Echingen[1]. Hortense, au moment du départ, sans savoir au juste pourquoi, ou se doutant tout à coup de ce qu'il en était — car il ne semble pas qu'elle eût été mise au courant — mais silencieuse afin de ne pas ajouter son inquiétude à celle de son fils[2], lui passa au doigt l'anneau de mariage de l'empereur et de l'impératrice Joséphine, et lui dit : Si tu cours un danger, ce sera ton talisman[3]. A quatre lieues de Fribourg, il descendit à l'Auberge de l’Étoile[4], puis, dans la nuit du 25, parvint à Fribourg même, à l’Hôtel de l'Homme-Sauvage[5]. A peine arrivé, il y demanda un verre d'eau sucrée et commanda une voiture à trois chevaux de poste pour le lendemain[6]. Il était suivi d'un seul domestique[7]. Vaudrey et Mme Gordon le rejoignirent sous le nom de M. et Mme de Cessay[8]. Le 26, ou le 27, il dut rester à Lahr pour faire réparer l'essieu de sa calèche qui s'était brisé[9]. Il est probable qu'il ait attendu quelqu'un[10], sans doute le général Contréglise[11], peut-être aussi plusieurs officiers[12] que de Bruc s'était chargé de lui amener[13]. Personne ne se présentant, le 28, il traversa Neufbrisach et Colmar[14] ; le même soir, un peu avant onze heures, les portes de la ville fermant à cette heure-là, il entra dans Strasbourg[15]. Il envoya sa voiture à l'Hôtel de la Fleur, y alla lui-même et y but une goutte d'eau-de-vie[16] ; il logea chez Persigny qui avait loué depuis septembre un appartement en ville, 17[17], rue de la Fontaine, sous le nom de M. Manuel[18]. C'est le lendemain soir que l'entrevue avec Vaudrey eut lieu sur le quai Neuf et que le colonel se décida définitivement, — en admettant qu'il ne l'ait pas encore complètement fait — entraîné par la volonté de Louis-Napoléon et la confiance froide qu'il montrait[19]. Quittant Vaudrey, le prince ne retourna pas cette fois chez Persigny auquel il dit en chemin que la nuit était d'un bon augure[20], mais dans un autre appartement que de Quérelles était venu louer le 27 octobre et qui se trouvait 4, rue des Orphelins[21]. — Ce même soir, Quérelles et Gricourt, après avoir dîné ensemble à la Maison Rouge[22], étaient rentrés vite pour enlever le contrepoids des portes[23] afin que leur propriétaire, un nommé Brawn, n'entendît rien du mouvement qui allait marquer cette nuit suprême[24]. C'est là aussi que, fort tard, le prince dîna sommairement avec une aile de poulet[25]. Les conjurés une fois venus, on acheva de régler l'entreprise dans tous ses détails et elle fut fixée pour quatre heures du matin. Discutèrent-ils encore les dernières dispositions à prendre ? C'est possible[26] ; plusieurs plans avaient été proposés dont deux, assez longtemps, avaient prévalu. Celui auquel on s'était arrêté en définitive — et que nous allons voir s'exécuter — n'était peut-être pas le meilleur ; on peut même croire — d'autant qu'il n'a pas été essayé et que l'autre n'a pas réussi — que le second valait mieux. Il consistait à se contenter d'abord du 3' d'artillerie qui seul avait à portée ses chevaux et son parc ; le 4e s'y serait joint naturellement, à cause de son capitaine, et les pontonniers, grâce aux intelligences établies avec eux, auraient suivi. Cela suffisait bien. Vaudrey possédant les clefs de l'arsenal, il n'y avait plus qu'à braquer les canons sur la place d'armes. L'infanterie se trouvait, de ce fait, paralysée, incapable d'aucune action efficace, et la ville entière, terrifiée, obéissait[27]. Il est vrai que l'insurrection ainsi conçue n'eût été qu'un soulèvement de soldats. Mais, quand on essaie d'un complot militaire, il ne faut pas l'exécuter à demi. Puisqu'on mettait en mouvement des hommes d'épée, l'essentiel était de conquérir le pouvoir et on eût toujours été à temps de rassurer le peuple sur l'usage qu'on en voulait faire. Mais Louis Bonaparte aurait voulu donner au mouvement une couleur démocratique et il lui répugnait de prendre au début même de l'entreprise une attitude de nature à porter ombrage à la liberté[28]. Une affaire de cette sorte une fois décidée, toute considération morale n'avant pas comme but exclusif d'augmenter les chances immédiates du succès sont insipides et ne devraient pas entrer en ligne de compte. Aussi reconnaît-on le côté singulier que présente le caractère composé du prince il est probable, en effet, que Vaudrey et tout l'élément militaire du complot, Laity excepté et Persigny en plus, dut préférer ce dernier plan ; seul, Louis-Napoléon pensa différemment parce que l'autre combinaison plaisait davantage à son cœur et à ses longs raisonnements dans lesquels le sentiment entrait toujours pour une si grande part ; il pensait préférable, étant donné l'esprit du temps, d'appuyer son coup d'état sur une base avant tout démocratique. le côté militaire n'agissant que dans l'intérêt de celle-ci ; il le souhaitait aussi parce que cette entente des faits répondait à sa générosité. Une certaine adresse autorisait, à la rigueur, cette façon de voir ; son défaut était de viser trop loin ; elle admettait l'événement comme certain à l'avance et accompli — alors que l'indispensable était avant tout, par n'importe quel procédé, de le faire réussir.

Il vint beaucoup d'officiers à ce dernier conciliabule ; mais nous en ignorons le plus grand nombre[29] ; en dehors des conjurés qui formaient l'âme du complot, quelques noms seuls nous sont parvenus — les noms de ceux qu'il n'y eut pas moyen de ne pas arrêter : Gros, Poggi, Couard, Pétry, Dupenhoat et de Schaller. Devant eux, Louis-Napoléon passa en revue tous les griefs de la nation contre la monarchie de Juillet et démontra que la légitimité comme l'orléanisme ne respectaient en définitive que les intérêts d'une seule classe de la société française. Puis il lut ses différentes proclamations ; il y en avait trois, l'une au peuple[30], l'autre à l'armée[31], la troisième aux habitants de Strasbourg[32].

Les conjurés se donnèrent rendez-vous pour le matin. Persigny, Gricourt, Querelles, t'amolli, Lombard, ancien chirurgien, restèrent auprès du prince ainsi que son valet de chambre, le fidèle Thélin[33]. Louis-Napoléon, après avoir écrit deux lettres à la reine Hortense, l'une pour lui dire que tout allait bien et l'autre pour le cas contraire[34], dormit mal et à peine, deux heures peut-être en tout[35]. Nous comptions les heures, les minutes, les secondes, dit-il lui-même ; six heures du matin était le moment indiqué. Qu'il est difficile d'exprimer ce qu'on éprouve dans de semblables circonstances ! Dans une seconde, on vit plus de dix années ; car vivre c'est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes qui nous donnent le sentiment de notre existence ; et, dans ces moments critiques, nos facultés, nos organes, nos sens, exaltés au plus haut degré, sont concentrés sur un seul point[36]. Ils s'étaient efforcés de faire le moins de bruit possible afin de ne pas donner l'éveil, cependant les propriétaires du premier étage s'inquiétèrent. Les jeunes gens les entendirent se lever, puis ouvrir les fenêtres. Il était à ce moment cinq heures. Ils les entendirent également presque aussitôt se recoucher[37]. Enfin six heures sonnèrent[38]. Jamais les sons d'une horloge n'avaient si violemment retenti dans le cœur de Louis-Napoléon[39]. Un instant après, la trompette du quartier d'Austerlitz vint en accélérer les battements. — Voici l'heure définitive.

Un tumulte assez fort monte de la rue ; des soldats y passent en criant, mêlés à des cavaliers lancés au galop. Le prince envoie un des siens s'informer de la raison du bruit et apprend qu'il est causé par une partie des artilleurs qui vont sur l'ordre de leur colonel chercher leurs chevaux, dont les écuries se trouvent hors du quartier[40]. Le temps est triste[41]. La neige tombe et couvre les toits en capuchon de la vieille ville alsacienne.

Tandis que le prince attend que tout soit prêt pour paraître, Vaudrey, après une dernière nuit passée avec Mme Gordon qui lui dit au moment de son départ : Dieu vous bénisse ![42] est entré au quartier de la caserne d'Austerlitz à cinq heures du matin et a fait appeler l'adjudant Jacquet par le maréchal des logis de garde[43]. Il va l'attendre à la salle des rapports. Cinq minutes après, Jacquet se présentant, son colonel lui donne l'ordre de faire sonner aux maréchaux des logis chefs, ainsi que l'assemblée du régiment ; Vaudrey oubliant de lui dire en quelle tenue doit descendre la troupe, l'adjudant ne commande que la première sonnerie ; mais il se renseigne sur le second point et présente le régiment en armes et en petite tenue. Vaudrey ordonne ensuite de faire monter à cheval dix hommes et un maréchal des logis dans chaque batterie à cheval, ainsi qu'un autre adjudant du nom de Gall. Le régiment une fois réuni presque au complet, Jacquet demande au colonel s'il doit envoyer prévenir les officiers de se rendre à leurs batteries : Non, répond-il, mais formez les escadrons. Cependant, de son plein chef, Jacquet a pris soin d'avertir l'adjudant-major de semaine et c'est lui qui vient former les escadrons. Vaudrey donne de nouveau l'ordre de faire sonner aux maréchaux des logis chefs et remet à chacun deux faces de vingt francs pour être distribuées de suite aux canonniers de leurs batteries ; il donne également, mais vingt francs seulement, aux maréchaux des logis chefs de la batterie de dépôt. Il demande à Jacquet combien il y a d'escadrons formés et si les hommes armés de mousquetons sont ensemble ainsi que ceux armés de sabres. Jacquet s'informe et lui rend compte de ce qu'il en est : trente-cinq hommes sont à cheval à la porte de la caserne ; quatre escadrons, deux pelotons et cinq files sont rangés en bataille clans la cour du quartier. Vaudrey ordonne d'aller chercher l'adjudant chargé des munitions et de délivrer dix cartouches par tête ; il fait écrire à la 9e batterie, casernée au quartier Saverne, de prendre les armes et de rester ainsi sous ses murs jusqu'à nouvel ordre. Comme je ne sais pas, ajoute-t-il, à quelle heure le régiment rentrera à la caserne, vous ferez boire les chevaux et leur ferez donner de l'avoine. L'adjudant lui demande, pour la seconde fois, s'il doit faire prévenir les officiers. Non, répond-il simplement[44]. A ce moment, Vaudrey, qui est en tenue de dimanche[45], dépose son manteau dans la salle des rapports et revient dans la cour. Le prince y arrive[46]. Tout était — on le voit — merveilleusement réglé.

Louis-Napoléon, vêtu de l'uniforme de l'artillerie, habit bleu, collet, revers et passepoils rouges avec les épaulettes de colonel et le sabre droit de la grosse cavalerie[47], coiffé d'un chapeau de général arrangé de façon à rappeler un peu celui de son oncle[48], le grand aigle de la légion d'honneur sur la poitrine, se présente à la grille du quartier à la tête de son état-major. Avant de quitter l'appartement de la rue des Orphelins, il a dit simplement à ses hommes : Messieurs, le moment est arrivé ! Nous allons voir si la France se souvient encore de vingt années de gloire. — Oui ! Oui ! ont répondu les conjurés, la France vous suit[49]. Et la petite troupe s'était mise en marche. Devant le prince marchaient Gricourt en officier d'état-major, et de Quérelles en chef d'escadrons, portant un drapeau surmonté d'une aigle : celui même de Labédoyère, du 7e de ligne[50]. Le trajet, fort court, avait été vite effectué[51]. La neige cessait peu à peu de tomber.

Ses troupes derrière lui, le colonel Vaudrey se tient seul au milieu de la cour. Aussitôt qu'il voit le prince, il s'avance vers lui jusqu'à la grille et l'amène au centre du carré. Il tire son sabre et s'écrie[52] : Soldats, une grande révolution s'accomplit en ce moment. Vous voyez ici devant vous le neveu de l'empereur. Il vient se mettre à votre tête. Il arrive sur le sol français pour reconquérir les droits du peuple : le peuple et l'armée peuvent compter sur lui, il leur rendra la gloire et la liberté. — Soldats ! sentirez-vous comme votre chef toute la grandeur de l'entreprise que vous allez tenter, toute la sainteté de la cause que vous allez défendre. Soldats ! le neveu de Napoléon peut-il compter sur vous ?[53] Un immense cri s'élève alors, unanime[54] et spontané : Vive l'empereur ! Et la musique, placée en tête du régiment, joue un ban[55]. — Profondément ému, Louis-Napoléon fait signe qu'il veut parler à son tour[56] : Résolu à vaincre ou à mourir pour la cause du peuple français, c'est à vous les premiers que j'ai voulu me présenter parce qu'entre vous et moi il existe de grands souvenirs ; c'est dans votre régiment que l'empereur Napoléon, mon oncle, servit comme capitaine ; c'est avec vous qu'il s'est illustré au siège de Toulon, et c'est encore votre brave régiment qui lui ouvrit les portes de Grenoble au retour de l'île d'Elbe. Soldats ! de nouvelles destinées vous sont réservées. A vous la gloire de commencer une grande entreprise ; à vous l'honneur de saluer les premiers l'aigle d'Austerlitz et de Wagram[57]. Prenant l'aigle des mains de Quérelles et la brandissant au-dessus de sa tête[58], il s'écrie encore, avec cet accent allemand et nasal qui, ailleurs qu'à Strasbourg, aurait produit, sans doute, mauvais effet, bien que dans des circonstances semblables, l'émotion aidant, ce que l'on dit n'ait guère d'importance : Soldats ! Voici le symbole de la gloire française, destiné à devenir l'emblème de la liberté ! Pendant quinze ans il a conduit vos pères à la victoire ; il a brillé sur tous les champs de bataille, il a traversé toutes les capitales de l'Europe. Soldats ! ne vous rallierez-vous pas à ce noble étendard que je confie à votre honneur et à votre courage ? Ne marcherez-vous pas avec moi contre les traîtres et les oppresseurs de la patrie au cri de : Vive la France ! Vive la liberté ![59] Il remet l'aigle à Vaudrey : Je la confie au brave colonel Vaudrey qui, comme moi, saura la défendre[60]. L'enthousiasme s'accentue[61]. Louis-Napoléon s'approche d'un officier qui se trouve près de lui et l'embrasse presque convulsivement[62]. Il prend le commandement et commande par quatre files à droite, musique en tête[63]. Le régiment suit la rue des Orphelins[64]. Sur le pont Saint-Guillaumin, rencontrant un artilleur, le prince lui prend la main et lui dit : Nous comptons sur vous, brave canonnier. Le canonnier, du nom de Gaudouin, ne sait trop ce qu'il doit faire et crie : Vive le Roi ! de toutes ses forces. Vaudrey s'approche aussitôt de lui : F..... ! Ce n'est pas ça, crie Vive l'empereur ! Gaudouin crie Vive l'empereur[65]. Le prince est rayonnant[66]. Il se tourne vers Quérelles et lui dit : J'ai donc le bonheur de commander à des soldats français[67]. — La joie et l'espérance brillaient dans tous les visages. Le plan était de courir chez le général, de lui mettre, non le pistolet sous la gorge, mais l'aigle devant les yeux pour l'entraîner. Il fallait, pour se rendre chez lui, traverser toute la ville[68].

Cinq détachements sont formés. Le premier, sous les ordres des lieutenants Couard et Poggi, est chargé de soulever le 3e d'artillerie ; le second, conduit par le lieutenant Schaller, doit garder le colonel Leboul, commandant ce régiment, et le général de brigade Lalande ; le troisième, dirigé par Lombard, porte les proclamations à l'imprimerie Silhermann et les y fait exécuter au plus vite ; le quatrième avec Laity, Pétry, Gros et Dupenhoat gagne la caserne des Pêcheurs afin d'y entraîner six compagnies du même corps qui demeurent dans le quartier des Juifs ; le cinquième, ayant à sa tête Persigny, est chargé d'arrêter le préfet, M. Choppin d'Arnouville[69].

Louis-Napoléon se hâte vers la demeure de Voirol. La ville est encore endormie. Pourtant, quelques portes s'ouvrent. Des passants étonnés regardent sans un mot ; d'autres devinant ce qui se passe, enthousiasmés à la vue de l'aigle, crient Vive l'empereur ! ; quelques-uns même se joignent au cortège[70]. Au quartier général, le poste présente les armes au cri de Vive l'empereur ![71] — Voirol, averti par les acclamations qui retentissent sur plus d'un point dans la ville, puis par son cocher[72], a eu le temps d'envoyer le fils de son concierge[73] au général Lalande pour le prévenir qu'il se trouvait sans appui. Il est encore en caleçon quand le prince et Vaudrez- pénètrent dans sa chambre[74]. Général, dit Louis-Napoléon, je viens vers vous en ami ; je serais désolé de relever notre vieux drapeau tricolore sans un brave militaire comme vous. La garnison est pour nous ; décidez-vous et suivez-moi. — Non ! Non ! aurait répondu le général, vous vous trompez ; la garnison n'est pas pour vous, elle saura bientôt reconnaître son erreur[75]. Au fond, Louis-Napoléon, sans être absolument certain de Voirol, comptait, au dernier moment, l'entraîner ; il était fort déçu devant cette attitude[76]. Il insiste : Venez, brave général, que je vous embrasse et reconnaissez en moi Napoléon II[77]. Le général le repoussant encore, Louis-Napoléon semble atterré[78]. Parquin intervient aussitôt : Retirez-vous, dit-il à Voirol, vous ne commandez plus ; vous n'avez plus rien à faire ici[79]. Voirol, qui est parvenu, pendant ce temps, à endosser son uniforme, ordonne aux canonniers d'arrêter Parquin[80]. Ils répliquent à cette injonction par un grand cri de Vive l'empereur ![81] Il fallait aussitôt s'assurer du général qui adressait des discours moraux, assez pénibles, à Vaudrey, et le porter en lieu sûr ; il se serait laissé faire et aurait ensuite reconnu le mouvement s'il avait réussi. Au lieu de cela, après lui avoir déjà donné le temps de s'habiller, on lui laisse encore celui de tirer son épée et on se contente, en fin de compte, de le pousser dans un cabinet voisin[82]. Voirol réussit à s'échapper par une autre porte et gagne un escalier où il rencontre fort heureusement pour lui quelques officiers venus à son secours Parquin le poursuit trop tard et ordonne aux artilleurs de s'en saisir[83]. Temps perdu. Une lutte corps à corps s'engage[84], qui doit être assez molle de part et d'autre, le général ayant reçu un nouveau renfort en la personne de sa femme et de sa belle-mère[85]. Cependant Voirol désigne Parquin au capitaine Chausson et lui crie : C'est un traître ! C'est un misérable ! Tuez-le ![86] Enfin les sabres sortent du fourreau, lorsque, tout à coup, dix canonniers, jugeant que ça marche mal, abandonnent Vaudrey et Parquin[87]. Voirol, qui a décidément toutes les chances, parvient à se dégager, abandonne la place au plus vite et gagne la caserne du 16e de ligne sur la fidélité duquel il compte, car ce régiment a fait partie du camp de Compiègne où ont servi les fils du roi[88]. Il y est acclamé[89]. Il l'entraîne à la préfecture[90]. Cela est d'autant plus déplorable pour le complot que le premier et le quatrième détachement chargés de soulever, l'un le 3e d'artillerie, l'autre les pontonniers, ont échoué dans leurs tentatives. Le cinquième avait commencé par ne pouvoir entrer à la préfecture, le concierge refusant absolument d'ouvrir[91]. Persigny, sabre au clair, ayant passé quand même avec ses hommes, trouva le préfet au lit. Je vous arrête, lui dit-il, au nom de l'empereur Napoléon[92]. M. Choppin d'Arnouville se leva et s'habilla. On voulut sans doute lui faire signer son ralliement au gouvernement nouveau ou quelque autre ordre, car le portier déclara l'avoir entendu dire : Vous ferez de moi ce que vous voudrez, mais je ne signerai rien[93]. On l'emmena. Deux artilleurs le tenaient par le bras et, comme il ne marchait pas assez vite, quatre autres le poussaient par derrière[94]. Il était à ce moment six heures du matin[95]. A la caserne du le d'artillerie où on avait conduit ce malheureux et pacifique fonctionnaire, Persigny donna l'ordre à l'adjudant Jacquet de le mettre dans le cachot servant pour la salle de police[96]. Cependant, M. Choppin d'Arnouville faisant observer que, dans son état de santé, un lieu humide et malsain risquait de lui devenir funeste, l'adjudant prit sur lui de l'enfermer dans une chambre du premier étage, sous la garde d'un canonnier et d'un maréchal des logis[97]. — Le second et le troisième détachement, quant à eux, s'étaient assurés du colonel Leboul et faisaient imprimer les proclamations[98].

Aussitôt après leur échec, Voirol, Louis-Napoléon et Vaudrey se sont portés sur la caserne Finckmatt[99]. Dès la grille d'entrée, apercevant un vieux sergent, le prince l'accoste : Tu sers depuis longtemps, mon brave ?Oui, répond celui-ci, du nom de Regulus Debarre, depuis vingt-cinq ans et avec honneur. — Je suis le fils de l'empereur !Le fils est mort et je ne connais que le roi[100]. Cependant le prince a passé la grille et les artilleurs de Vaudrey qui l'ont suivi envahissent la cour aux cris de : Vive l'empereur ![101] Le sous-lieutenant Pleignier demande à Vaudrey ce que cela signifie ; Vaudrey lui répond en lui donnant l'ordre de faire descendre le régiment en armes. Pleignier refuse[102]. De Quérelles s'adresse au lieutenant Homet : Embrassez l'aigle et vous serez commandant demain[103]. Il refuse à son tour. Cet officier méconnaît sa position[104], s'écrie le prince. Vaudrey ordonne de l'arrêter[105]. Quérelles se tourne vers un sergent et présente encore l'aigle : Voici votre patrie, s'écrie-t-il, voici votre sauveur ! Vous êtes un vieux brave, camarade, Vive l'empereur ![106] Une sorte d'indécision se fait sentir chez les hommes de la Finckmatt[107]. Quelques-uns se rallient, certains manifestent le plus vif enthousiasme ; et un vieux sergent, après avoir rappelé qu'il a servi dans la garde impériale, s'incline pour saisir les mains du prince qu'il embrasse en pleurant[108]. Il semble que tout va se passer bien et que la défection de Voirol pourra être parée, quand, tout à coup, ces paroles — jetées par un intelligent officier pour lequel le gouvernement de Louis-Philippe n'aurait jamais dû posséder assez de croix — arrêtent l'élan : Soldats, on vous trompe ! Celui qu'on vous présente comme le fils de l'empereur n'est qu'un mannequin déguisé... C'est le neveu du colonel Vaudrey ![109] Ce mensonge propice vole de bouche en bouche, paralyse les plus convaincus et engage à la résistance[110]. Vaudrey insiste en vain et crie d'une voix éclatante, eu s'adressant au major Salleix du 46e : Nous proclamons l'empereur Napoléon II ! Joignez-vous à nous et criez Vive l'empereur ![111] Le lieutenant-colonel Tallandier intervient, rassemble les soldats et les officiers, et les lance en avant. Pleignier se précipite vers le prince pour l'arrêter[112]. Tout va être perdu.

Les conjurés reculent jusqu'au mur de la caserne[113]. Les artilleurs dégainent pour défendre leur colonel et Louis-Napoléon[114]. La mêlée menace de devenir générale. Pleignier, trop détaché des siens, est saisi par les artilleurs et solidement tenu[115]. La situation était décisive. Pour en conjurer le péril, un coup de pistolet suffisait peut-être : Louis Bonaparte ne put se résoudre à le tirer[116]. Il fit même relâcher le lieutenant qui, en revenant à la charge, provoquait une lutte nouvelle[117]. — Les artilleurs demeurés dehors se sont précipités au secours de leurs camarades et refoulent l'infanterie[118]. Reprenant ensuite de l'élan, celle-ci repousse à son tour les artilleurs[119]. Le capitaine Morin, du 46e de ligne, se jette sur Parquin en cherchant à s'en emparer. Quoi, lui dit Laity indigné, vous n'êtes pas des nôtres ? Vous qui portez une croix que vous a peut-être donnée l'empereur !Moi, aurait répondu l'officier, je le chéris ! je le vénère ! J'étais à-Waterloo et j'ai versé mon sang pour lui, mais ce jeune homme-là n'est pas l'empereur[120]. Parquin se débat, ce que sa taille athlétique lui permet assez bien ; il pare les coups de baïonnette avec son sabre[121] ; mais voici que le major Kern se glisse jusqu'à lui et l'empoigne également[122]. Morin et ce dernier finissent par l'amener immobilisé auprès du lieutenant-colonel Tallandier qui lui arrache peu généreusement ses épaulettes[123]. La ligne crie Vive le roi ![124] Tallandier, satisfait de la facilité de sou héroïsme vis-à-vis de Parquin, se porte maintenant contre Vaudrey et le somme de se rendre[125]. Il se contente de répondre : Sauvez le prince[126], et le désigne contre le mur derrière les chevaux des artilleurs qui lui faisaient un rempart de leurs corps[127]. Tallandier envoie chercher des cartouches[128]. Vaudrey et le prince se tiennent l'un à côte de l'autre[129]. On les attaque. Louis-Napoléon se défend sans blesser personne[130], Vaudrey de même[131] ; Pleignier reçoit dans sa capote le coup de sabre de l'un d'eux[132]. Pendant ce temps, le peuple, massé sur le haut des remparts d'où il assiste à la lutte fort à son aise, a pris parti pour le neveu de l'empereur et ne cesse de lancer des pierres sur la ligne[133]. Les munitions une fois arrivées, Tallandier fait, tirer sur la foule qui s'écarte, à l'exception d'un seul individu qui reste debout à la même place et continue de harceler l'infanterie[134]. Le colonel Paillot survient avec de nouveaux officiers[135]. Vaudrey s'écrie : Canonniers, défendez-moi[136]. Le prince appelle aux armes[137]. Tallandier, tout contre Vaudrey cette fois, veut lui mettre la main au collet en criant : Rendez-vous, ou vous êtes mort. — Non, je ne me rends pas, répond Vaudrey, mes canonniers ne le permettront pas[138]. — Non ! Non ! assurent le canonniers qui abaissent leurs mousquetons[139]. Tallandier démontre à Vaudrey que la résistance est inutile et recule[140]. A ce moment, la ligne a croisé la baïonnette sur les artilleurs et ceux-ci, sans faire usage de leurs mousquetons, frappent à coups de sabre sur les fusils[141]. Tout annonce que le sang va couler[142]. Tallandier s'écrie alors : Silence au commandant de place ; je veux parler au colonel[143]. Et s'approchant de Vaudrey, il lui dit : Je ne puis vous laisser échapper ; on croit dans la ville que ce mouvement est en faveur de Charles X, vous ne seriez pas à vingt pas de la caserne que vous seriez assassiné[144]. — Ce n'est pas possible ![145] répond Vaudrey qui perd tout espoir. Cependant tous ses canonniers sont prêts à le défendre[146] ; quelques-uns de ses soldats et de ses sous-officiers lui proposent de prendre leur uniforme afin qu'il puisse fuir[147]. Il n'accepte pas[148], et reconnaissant qu'il n'y a rien à faire, il se rend[149]. Tourné vers ses artilleurs, il leur commande : Canonniers ! Je suis touché de votre dévouement, mais retournez à vos quartiers. C'est votre colonel qui vous parle, obéissez aux lois ![150] Il est emmené[151].

Gricourt propose à Louis-Napoléon de lui frayer un passage avec l'aide des artilleurs dont, les armes sont chargées[152] ; le prince refuse, ne voulant pas qu'il y ait de sang versé[153]. Il est arrêté et conduit au corps de garde[154]. Parquin y est déjà enfermé : Prince, dit-il, nous serons fusillés, mais nous mourrons bien[155]. Louis-Napoléon répond simplement : Oui, nous avons échoué dans une belle et noble entreprise[156]. Le général Voirol, qui s'est abstenu de prendre part à la mêlée, s'approche de son prisonnier et lui dit : Prince, vous n'avez trouvé qu'un traître dans l'armée française. — Dites plutôt, général, que j'y avais trouvé un Labédoyère ![157] — Gricourt, arrêté par Pleignier, et Quérelles sont enfermés dans une cuisine[158]. Quérelles semble très insoucieux de son sort : Hier j'étais lieutenant, ce matin commandant et dans deux jours j'aurais pu être général, maintenant, je ne suis plus rien[159]. De Gricourt déclare n'avoir aucun repentir et aimerait à recommencer : Ce ne sera fini que si nous sommes fusillés[160]. — Ces jeunes gens font songer à ceux de Balzac. Les audacieux de l'hypothèse seraient presque en droit de se demander si le prodigieux romancier n'est pas, au bout du compte, le père inconscient du second empire ; ceux qui ne vont pas si loin remarqueront comme tout se touche dans une époque, se ressemble, se coordonne et comme ce qui, quelquefois, paraît le plus extraordinaire citez certains de ses écrivains y est, cependant, naturel et l'expression d'un aspect futur[161].

Les prisonniers sont conduits à la prison quelques heures après. En arrivant au greffe, Louis-Napoléon tend la main à Vaudrey et lui demande : Colonel, me pardonnez-vous ?Oui, répond l'officier en poussant un profond soupir[162]. Louis-Napoléon dit encore : Au moins, je ne mourrai pas en exil[163]. Un court interrogatoire lui est posé : Qu'est-ce qui vous a poussé à agir comme vous l'avez fait ? — Mes opinions politiques et le désir de revoir ma patrie dont l'invasion étrangère m'avait privé. En 1830 j'ai demandé à être traité en simple citoyen, on m'a traité en prétendant ; eh bien ! je me conduis en prétendant. — Vous vouliez établir un gouvernement militaire ? — Je voulais établir un gouvernement fondé sur l'élection populaire. — Qu'auriez-vous fait, vainqueur ? J'aurais assemblé un Congrès national[164]. Il déclare que lui seul a tout fait et entraîné les autres ; il demande à assumer sur sa tête toutes les responsabilités[165]. — Reconduit dans sa prison, il s'y endort[166]. Le repos, écrira-t-il à sa mère, ne fuit pas le malheur, il n'y a que le remords qui n'en laisse pas[167].

Laity, au moment où ses pontonniers se débandèrent, aurait pu s'enfuir, mais il avait préféré partager l'infortune de ses camarades[168]. Persigny, quant à lui, avait réussi à se porter vite à son domicile où on avait convenu que se tiendrait, durant l'affaire, Mme Gordon. Elle savait que tout avait mal tourné et, quand son ami se présenta, elle était occupée à brûler des portraits et des biographies du prince. Ce fut d'ailleurs grâce à sa présence d'esprit que Persigny put s'échapper. — Tous deux achevaient de détruire les papiers compromettants lorsque parurent quatre gendarmes. Mme Gordon les vit la première, mais quand ils furent trop près d'elle pour qu'elle pût prévenir Fialin assez tôt. Alors elle feignit une grande émotion et, se trouvant mal, réclama son flacon de sels. Persigny s'approcha pour lui porter secours et se pencha sur son visage ; elle en profita pour lui faire observer, sans être entendue ni remarquée, que les gendarmes gardaient une seule porte. Mais là encore, il était trop tard. Deux hommes se saisissaient de Persigny et l'un s'emparait en même temps du sac de la cantatrice. Aussitôt elle s'élança en s'écriant d'un air à la fois furieux et inquiet : Rendez-moi ce sac !... Il m'appartient ! Il contient mon argent et mes papiers. La ruse réussit à merveille. Les agents de la loi, persuadés que la capture de ce sac était de la plus haute importance, Mme Gordon ayant réussi à s'en ressaisir, lâchèrent Persigny pour se jeter sur la jeune femme[169]. Fialin qui n'avait pas manqué de comprendre le manège, se sauva et se cacha dans une maison voisine où il loua une chambre[170], — sans doute avec la complicité des habitants, mais il peut se faire également que ces gens ne se soient doutés de rien. Le soir, il se rendit, au risque d'être arrêté de nouveau, à l'hôtel de la Fleur[171] où il trouva son valet de chambre et Thélin, celui de Louis-Napoléon. Il voulait se constituer prisonnier et donna l'ordre à Thélin d'aller avertir son maître de cette intention[172]. Thélin revint lui dire que le prince lui défendait de se livrer[173]. Persigny se grima le visage[174], mit de vieux effets et passa le pont de Kelh[175]. La police badoise le poursuivit sans succès. La fuite n'était cependant pas facile, son signalement étant donné dans toutes les directions, ainsi que celui de son domestique qui n'avait pas voulu le quitter. Arrivé de nuit à Offenhourg, cédant à la fatigue, il s'était couché lorsque la gendarmerie se présenta. Il n'eut que le temps de fuir à pied. Son valet de chambre fut pris en même temps que les chevaux. Persigny erra à l'aventure, cherchant à gagner la Forêt-Noire. Enfin, après avoir été de tous côtés sans oser entrer dans un village pour trouver un peu de nourriture, il parvint à Bade et y fut abrité dans une maison amie[176]. Il y resta jusqu'à ce qu'il sût à quoi s'en tenir sur le sort du prince et gagna la Suisse[177]. Il séjourna un mois à Arenenberg, puis partit pour Londres.

* * *

A huit heures du matin, toute l'affaire de Strasbourg était terminée. Elle avait duré à peine trois heures[178]. — Dès huit heures et demie, Voirol avait envoyé à Paris une dépêche par le télégraphe aérien, mais elle ne parvint à destination que dans la soirée du 31, trente heures donc après l'attentat ; de plus, elle fut tronquée par suite du brouillard ; on ne put en lire que ceci : Strasbourg, 30 octobre 1836. — Ce matin, vers 6 heures, Louis-Napoléon, fils de la duchesse de Saint-Leu qui avait dans sa confidence le colonel d'artillerie Vaudrey, a parcouru les rues de Strasbourg avec une partie de...[179]. Le gouvernement s'abstint de rien faire paraître au Moniteur. Louis-Philippe ne sut à quoi s'en tenir que dans la matinée du 1er, quand arriva le commandant de Franqueville[180]. Le Journal officiel publia la dépêche complétée : ... de son régiment aux cris de Vive Napoléon ! Ils se sont présentés à la caserne occupée par le 46e de ligne pour le soulever. Moi-même, j'étais bloqué chez moi par un piquet d'artillerie ; mais grâce à la fidélité et au dévouement sincère de mes troupes, ce jeune imprudent (sic) a été arrêté, ainsi que ses complices. Le 3e d'artillerie mérite des éloges, ainsi que tous les régiments d'infanterie et plusieurs officiers du 4e d'artillerie[181]. C'était laconique et plutôt arrangé.

L'impression produite sur la cour fut considérable[182]. On peut s'en faire une idée par la lettre suivante qu'écrivait le duc d'Orléans au duc de Nemours le 1er novembre, à cinq heures du soir : Je pense avec bonheur que tu apprendras tout à la fois et que, loin de nous, tu n'auras pas à subir les affreuses incertitudes que nous avons éprouvées. Toute la nuit dernière s'est passée à veiller sans nouvelles, et, lorsque M. de Franqueville est arrivé, j'étais décidé à partir pour Strasbourg 2[183]. Le roi réunit d'urgence un conseil des ministres qui éleva le général Voirol à la dignité de pair de France[184]. L'alerte finie, tout le monde affecta de sourire et de hausser les épaules. La presse fut unanime à ridiculiser le prince et à l'accabler[185]. De nombreuses caricatures s'efforcèrent de le faire passer pour un imbécile. — L'événement eût réussi que la presse eût chanté ses louanges, car son opinion se règle avant tout sur le succès ; elle n'a d'ailleurs pas d'opinion, elle enregistre celle qui a cours sur le moment ; éphémère comme cette opinion même, elle ne compte pas ; son pouvoir, tout de convention, n'existe que par l'indifférence et la paresse inouïes où sont tombées les masses ; quand celles-ci se réveilleront, elle ne continuera de vivre que sous le format d'une ou plusieurs feuilles paraissant toutes les quatre heures et ne publiant rien que des nouvelles, sans commentaires. Le succès de la presse vient de ce qu'elle évite de penser en offrant chaque matin à ses fervents la tartine nécessaire ; cette tartine est rouge, blanche ou verte, etc., au choix ; toute la différence réside dans la couleur. Au fond, elle est une, également anonyme et misérable. Il y a eu deux grands journalistes, Armand Carrel et Girardin. Un destin ironique a fait, tuer le plus sincère par le plus rusé, le dernier représentant du journalisme considéré comme une sorte d'apostolat par celui qui allait le réduire à une spéculation. Et en jetant bas son adversaire, blessé lui-même au genou, celui qu'on a surnommé le Napoléon de la presse ne se doutait guère qu'il supprimait le dernier soldat de la cause, sa gloire et son excuse[186]. Ces deux hommes, par-dessus leur querelle personnelle, représentaient ainsi deux ordres de choses, un passé admirable et glorieux, un avenir brillant et nécessairement un peu vil. — Les Débats, comme beaucoup d'autres feuilles, disaient : La France s'étonnera qu'un jeune homme porteur d'un nom illustre se soit montré... assez ignorant de notre état politique, assez infatué de son importance personnelle pour entreprendre la guerre avec son nom seul... Oui, c'est là un degré de folie fait pour déconcerter ceux mêmes qui ont le plus longtemps vécu au milieu des révolutions politiques. Le Journal de Francfort déclare sourire de pitié. Le Standard traite l'insurrection de ridicule tentative. Le Times parle de même : ... Insurrection aussi ridicule qu'imprudente. — Le grand Metternich écrit à M. de Saint-Aulaire[187] : Strasbourg a présenté une échauffourée ridicule jusqu'à l'absurde... Ce qui ressort de l'événement, quelque plat qu'il :soit, c'est que les factieux travaillent les corps militaires... Cette dernière remarque était juste. Singulière coïncidence bien faite pour alarmer encore la monarchie de Juillet, le même jour où le prince essayait de restaurer la fortune impériale, un soulèvement de hussards éclatait à Vendôme afin de proclamer la république[188]. Le complot fut étouffé ; mais les deux faits simultanés n'en constituaient pas moins un sérieux avertissement et révélaient d'une façon formelle l'insuffisance de la police gouvernementale. — Tout fut mis en œuvre pour ne pas laisser apparaître la gravité de ces événements[189] et que personne rie put prendre au sérieux le héros de Strasbourg.

Dans sa prison, le prince montra la plus grande fermeté[190]. Dès le lendemain de son échec, il écrivait à sa mère une lettre où il parait effectivement calme. Nous reconnaissons en lui cette volonté réfléchie et persévérante, cette simplicité dans la confiance et l'espoir, enfin cet assemblage d'audace et de résignation que l'on a appelé le fatalisme de l'empereur. Ma chère mère, vous avez du être bien inquiète de ne pas recevoir de mes nouvelles, vous qui me croyiez chez ma cousine ; mais votre inquiétude redoublera lorsque vous apprendrez que j'ai tenté à Strasbourg un mouvement qui a échoué. Je suis en prison ainsi que d'autres officiers. C'est pour eux seuls que je suis en peine, car moi, en commençant une pareille entreprise, j'étais préparé à tout. Ne pleurez pas, ma mère ; je suis victime d'une belle cause, d'une cause toute française ; plus tard on me rendra justice et on me plaindra. — Hier dimanche, à 6 heures, je me suis présenté devant le 4e d'artillerie qui m'a reçu aux cris de Vive l'empereur ! Nous avons détaché du inonde. Le 46e a résisté. Nous nous sommes trouvés pris dans la cour de la caserne. Heureusement il n'y a pas eu de sang français répandu, c'est une consolation dans mon malheur. Courage, ma mère ; je saurai soutenir jusqu'au bout l'honneur du nom que je porte. — M. Parquin est aussi arrêté. Faites copier cette lettre pour mon père et contribuez à calmer son inquiétude. Charles (Parquin) a demandé à partager ma captivité, on le lui a accordé. Adieu, ma chère mère, ne vous attendrissez pas inutilement sur mon sort. La vie est peu de chose ; l'honneur et la France sont tout pour moi[191]. Dans une seconde lettre il dit encore à la reine[192] : Fort de ma conviction qui me fait envisager la cause napoléonienne comme la cause nationale en France, comme la seule cause civilisatrice en Europe, fier de la noblesse et de la pureté de mes intentions, j'étais bien décidé à relever l'aigle impériale ou à tomber victime de ma foi politique... Une voix secrète m'entraînait... et pour rien au monde je n'aurais voulu remettre à une autre époque une tentative qui me semblait présenter tant de chances de succès... Que m'importent les cris du vulgaire qui m'appellera insensé parce que je n'aurai pas réussi et qui aurait exagéré mon mérite si j'avais triomphé. Le général Voirol vint voir le captif et se montra très affectueux : Prince, quand j'étais votre prisonnier, je n'ai trouvé que des paroles dures à vous dire ; maintenant que vous êtes le mien, je n'ai plus que des paroles de consolation à vous adresser[193]. Louis-Napoléon et ses amis avaient été conduits à la citadelle, mais, le pouvoir civil les réclamant, ils revinrent à leur première prison[194]. On y fut bienveillant envers le neveu de l'empereur jusqu'à l'arrivée d'un certain Lebel, envoyé de Paris, qui lui fit subir plusieurs vexations. Il m'empêcha d'ouvrir mes fenêtres pour respirer l'air ; il me retira ma montre qu'il ne me rendit qu'à mon départ ; il avait même commandé des abat-jour pour intercepter la lumière[195]. Le 9 novembre, Voirol se rendit de nouveau à la maison d'arrêt et emmena le fils de la reine Hortense. Celui-ci obéit sans rien demander ni faire la plus petite observation ; dès qu'il eut compris qu'il devait quitter les siens, il laissa voir un mécontentement réel. Conduit à la préfecture, il y fut confié à deux gendarmes, le chef d'escadrons Cugnat, venu de Paris comme Lebel, et le lieutenant Thiboutot[196]. Ils le firent monter dans une chaise de poste. Une autre suivit avec quatre officiers[197]. — Le gouvernement avait décidé qu'il ne subirait aucun jugement, sans doute afin d'empêcher qu'au débat public où il aurait dû paraître Louis-Napoléon ne fit grandir sa cause en se montrant bien différent du portrait grotesque qu'on essayait, d'imposer à l'opinion et qu'elle acceptait, comme toujours, avec complaisance, les yeux fermés et convaincus. Si le prince avait été condamné, l'opposition n'aurait pas manqué d'en faire un héros et de s'en servir ; si c'était l'acquittement, le pouvoir serait bafoué ; de la sorte, au contraire, on enlevait le prétendant au public avant qu'il n'ait eu le temps de prendre de l'importance ni de s'imposer à lui d'une façon ou d'une autre ; on paraissait le considérer comme un enfant sans conséquence ; on pouvait d'autant mieux ajouter à sa caricature ; il était confisqué. — Il y avait à cette habileté une autre raison. Quand on parla de juger Louis-Bonaparte, plusieurs pairs se récusèrent d'avance, et le jury, d'autre part, paraissait à des hommes qui s'essayaient à la .monarchie une magistrature trop subalterne pour prononcer sur le sort d'un prince aussi dangereux. Le dogme d'égalité devant la loi avait cependant été inscrit dans la Charte, mais le conseil des ministres fut d'avis qu'il était d'un mauvais exemple de traiter comme un simple citoyen un neveu d'empereur. Innocent, on l'avait condamné à un exil éternel ; coupable, on le plaçait au-dessus des lois. Privilège monstrueux donné pour corollaire à une monstrueuse iniquité[198]. Que de grands mots devant une chose si naturelle ! La transaction adoptée par le pouvoir était la n'effleure pour lui, simplement.

Louis-Napoléon arriva le lendemain soir à la préfecture de police où le reçut le préfet, M. Delessert, qui le fit entrer dans la salle à. manger avec beaucoup de politesse[199]. Chaque matin, les enfants de Delessert jouaient dans cette pièce, qui était vaste, en compagnie de deux petites filles espagnoles dont l'une fut l'impératrice Eugénie et l'autre la duchesse d'Albe[200]. — Le préfet apprit au prince qu'il allait connaître l'Amérique. Louis-Napoléon dit à nouveau son désespoir de ne pas partager le sort de ses compagnons[201] ; il était sincère et doublement, car son regret contenait du dépit ; avec son caractère aventureux, il avait compté sur l'audience pour regagner la partie ou, du moins, en sauver l'ensemble. Il protesta donc contre son enlèvement. Il écrivit même au roi pour lui faire entendre tout son chagrin d'être traité d'une manière exceptionnelle et la reconnaissance qu'il éprouverait du pardon accordé à de vieux soldats entraînés par lui et séduits par d'anciens souvenirs[202]. Sa lettre était fort digne, comme sa conduite qui frappa tout le monde[203] ; cependant, la teneur de cette lettre fut dénaturée par les courtisans qui prétendirent qu'elle contenait la promesse de rester exilé en Amérique pendant dix ans[204]. Le prince, dès qu'il en eut connaissance, démentit de la façon la plus formelle et la moins réfutable une aussi fausse insinuation[205]. — Ayant appris que sa mère était venue à Paris solliciter la clémence royale[206], il en fut choqué et écrivit sur-le-champ à la reine sous les veux du préfet. Hortense n'eut la lettre que le 18. Ma chère mère, y disait-il, je reconnais à votre démarche toute votre tendresse pour moi ; vous avez pensé au danger que je courais, mais vous n'avez pas pensé à mon honneur qui m'obligeait à partager le sort de mes compagnons d'infortune. J'éprouve une douleur bien vive en me voyant séparé des hommes que j'ai entraînés à leur perte, lorsque ma présence et mes dépositions auraient pu influencer le jury en leur faveur. J'écris au roi pour qu'il jette sur eux un regard de bonté. C'est la seule grince qui puisse nie toucher... Je pars pour l'Amérique, mais, ma chère mère, si vous ne voulez pas augmenter ma douleur, je vous en conjure, ne me suivez pas. L'idée de faire partager à ma mère mon exil de l'Europe serait aux yeux du monde une tache indélébile ; pour moi et pour mon cœur, ce serait un chagrin cuisant. Je vais en Amérique faire comme Achille Murat, me créer moi-même mon existence ; il rue faut un intérêt nouveau pour pouvoir m'y plaire. — Je vous prie, ma chère maman, de veiller à ce qu'il ne manque rien aux prisonniers de Strasbourg. Prenez soin des deux fils du colonel Vaudrey qui sont à Paris avec leur mère. Je prendrais bien facilement mon parti si je savais que nies autres compagnons d'infortune auront la vie sauve ; mais avoir sur la conscience la mort de braves soldats, c'est une douleur amère qui ne peut jamais s'effacer[207]... Il écrivit également une longue lettre à Odilon Barrot auquel il explique les raisons de son entreprise ; il le prie de défendre le colonel Vaudrey et cherche encore à revendiquer toute la responsabilité de l'affaire : ... Moi seul ai tout combiné, moi seul ai fait les préparatifs nécessaires... Certes, nous sommes tous coupables aux yeux du gouvernement établi d'avoir pris les armes contre lui ; mais le plus coupable, c'est moi, c'est celui qui, méditant depuis longtemps une révolution, est venu tout à coup arracher ces hommes à une position honorable pour les livrer à tous les hasards d'une révolution populaire[208]. Il expliquait que la faiblesse du gouvernement venait aussi de la faiblesse de tous les partis dont il était composé et que ces deux faiblesses elles-mêmes dérivaient de la séparation de toutes les différentes classes de la société, incapables de fusionner étant données les conditions sociales où elles se trouvaient l'une vis-à-vis de l'autre, les unes s'appuyant sur la noblesse et le clergé, les autres sur l'aristocratie bourgeoise, d'autres sur les prolétaires. Un seul drapeau se présente, à ses yeux, capable de faire fusionner tous ces partis, celui de l'Empire. Le système napoléonien consiste à faire marcher la civilisation sans discorde et sans excès, à donner l'élan aux idées tout en développant les intérêts matériels, à raffermir le pouvoir en le rendant respectable, à discipliner les masses d'après leurs facultés intellectuelles, enfin à réunir autour de l'autel de la patrie les Français de tous les partis en leur proposant pour mobiles l'honneur et la gloire[209].

Le lendemain de son arrivée, insistant auprès de Delessert pour faire des dépositions en faveur de ses compagnons d'infortune, il apprit qu'il n'en avait plus le temps ; A Lorient où vous allez être conduit, lui dit le préfet, vous pourrez faire par écrit toutes les dépositions que vous jugerez convenables[210]. Et Louis-Napoléon fut emmené aussitôt. Delessert ignorait-il que le commandant Cugnat avait l'ordre exprès, dira plus tard le prince, de ne pas me laisser écrire un mot jusqu'à mon embarquement ? Ordre tellement strict qu'ayant écrit à Mme Laity par l'intermédiaire du préfet de Lorient pour lui donner des nouvelles de son fils, le gouvernement fit dire par télégraphe à M. Cugnat d'exécuter ponctuellement les ordres qu'il avait reçus. Mon sort était irrévocablement fixé[211]. C'est peu probable.

A quatre heures du matin, Louis-Napoléon quitta Paris pour Lorient où il arriva le 15 novembre au soir[212]. Il fut aussitôt enfermé à la citadelle de Port-Louis[213]. Il parvint à y tromper la surveillance du commandant Cugnat ou, du moins, à fléchir la sévérité de celle-ci, car il écrivit à un ami pour réclamer à nouveau contre la volonté royale qui le séparait des conjurés ; il renversait en même temps les allégations du gouvernement[214]. — Après une certaine attente, causée par les vents contraires, Louis-Napoléon fut embarqué, au milieu d'un grand appareil de surveillance, sur la frégate à voiles l'Andromède[215]. En montant à bord, il dit au sous-préfet, M. Villemain : Je ne pourrai revenir en France que lorsque le lion de Waterloo ne sera plus debout sur la frontière[216]. On ne sait pas ce que M. Villemain jugea bon de répondre à ces paroles ; mais il lui demanda s'il trouverait des ressources en Amérique. Aucune, dit Louis-Napoléon. — Eh bien, mon prince, le roi m'a chargé de vous remettre quinze mille francs qui sont en or dans cette petite cassette[217]. Le prince accepta[218]. — Louis-Philippe, naturellement bienveillant, le traitait en écolier ; ce jeu paternel et discrètement gouailleur convenait, il faut le reconnaître, à ce monarque du bon sens ; gagnant ici la partie, il voulait encore y garder le beau rôle. — Pour le prince, il continua de se montrer le même. Pas une fois il ne se départit de son calme ; il le conserva malgré le gros temps et les dangers que courut le navire dès son départ. Le capitaine de l'Andromède lui ayant prêté une partie de sa garde-robe, le prisonnier lui aurait dit doucement, sans parade ni exagération, comme une chose naturelle : Je suis bien pauvre et bien malheureux, mais souvenez-vous que celui que vous obligez sera un jour empereur des Français[219]. — Louis-Napoléon a-t-il tenu réellement de pareils propos ? En tout cas, le 2 mars 1851, en souvenir de sa croisière forcée, il faisait donner à M. de Villeneuve la cravate de commandeur de la Légion d'honneur. On retrouve encore ici son fatalisme, ainsi que dans une lettre à sa mère écrite au cours du voyage : Lorsque nous quittâmes la caserne d'Austerlitz, un tourbillon de neige vint fondre sur nous ; le colonel Vaudrey, auquel je le fis remarquer, me dit : Malgré cette bourrasque ; ce sera un beau jour[220]. Une autre fois, il lui fait souvenir qu'une somnambule avait prédit qu'un membre de la famille impériale renverserait Louis-Philippe. Au sujet du mariage projeté entre lui et sa cousine, il raconte : Lorsque je revenais il y a quelques mois de reconduire Mathilde, en rentrant dans le parc, j'ai trouvé un arbre rompu par l'orage et je me suis dit à moi-même : notre mariage sera rompu par le sort... Ce que je supposais vaguement s'est réalisé. Ai-je donc épuisé en 1836 toute la part de bonheur qui m'était échue ?[221] Il se plaint toujours de n'être pas avec ses amis, mais le gouvernement avait même pris soin de prolonger sa captivité jusqu'à l'issue du procès. Des instructions cachetées avaient été remises au commandant de Villeneuve par le ministre de la marine avec ordre de ne les ouvrir qu'à la hauteur du 32e degré de latitude[222]. Ces instructions enjoignaient à l'Andromède de se rendre à Rio de Janeiro et de ne quitter les eaux du Brésil qu'après une relâche de quelques semaines ; le prisonnier devait être ensuite débarqué à New-York[223]. La frégate fit escale à Rio de Janeiro sans que le prince, étroitement surveillé, pût communiquer avec qui que ce fût. En France, quatre mois s'écoulèrent sans qu'on eût de nouvelles de l'Andromède ; et, comme la tempête avait assailli ce navire, un bruit sinistre s'était répandu[224]. — Louis-Napoléon débarqua sain et sauf à New-York dans le courant de janvier[225]. Au sujet de ce voyage, en 1837, après qu'il eut de nouveau occupé l'attention, les journaux écrivaient : Le destin du prince Napoléon-Louis semble commencer comme celui de son oncle a fini. Sans prétendre chercher des similitudes imaginaires, ce n'est pas néanmoins un rapprochement sans quelque intérêt de se souvenir, en regardant l'Andromède partir d'un port de France, du Northumberland, lorsqu'il s'éloigna d'une rade d'Angleterre : le vaisseau traversant la mer Pacifique, la frégate, l'océan Atlantique pour aller, par des routes opposées, déposer deux hommes du nom de Napoléon aux deux extrémités de la terre, et de remarquer comme un de ces jeux du hasard qu'on pourrait à la rigueur prendre pour des enseignements, que le neveu de l'empereur avait choisi pour franchir les frontières de France le même mois qui avait vu son oncle poser le pied sur la terre de Sainte-Hélène[226].

* * *

La Cour d'assise qui devait juger les conjurés tint sa première audience le 6 janvier 1837 dans le palais de justice de Strasbourg, sous la présidence de M. Gloxin[227]. Sept accusés seulement parurent devant elle, Vaudrey, Laity, Parquin, de Gricourt, de Quérelles, de Bruc et Mme Gordon[228].

L'ouverture de l'audience avait été fixée à neuf heures. Dès sept heures du matin, malgré le froid, très vif, une foule considérable, au milieu de laquelle se trouvent quelques dames[229], se presse rue de la Nuée-Bleue oit était alors situé le palais de justice[230]. Un piquet de gendarmerie et un autre d'infanterie occupent la cour extérieure du palais. Un grand nombre d'avocats en robe sont confondus dans le monde qui se presse à la porte. — A sept heures, on fait sortir les accusés de la prison qui est attenante aux bâtiments du tribunal. Ils traversent la cour intérieure escortés de huit gendarmes et sont conduits dans une salle d'attente. Au même instant, on ouvre les portes de la salle d'audience au public réservé[231]. —A neuf heures et quart, un huissier annonce la cour. M. le président Gloxin entre en séance. Il est suivi de M. Kintzinger, président du tribunal de première instance à Strasbourg et de M. Moutier, juge ; de M. Rossée, procureur général près la cour royale de Colmar, Devaux, avocat général, Gérard, procureur du roi et Karl, substitut. Le président fait ouvrir les portes de l'audience au public ordinaire et donne l'ordre d'introduire les accusés. Tous les regards se portent avidement sur eux[232]. Ils entrent escortés de six gendarmes, d'un lieutenant et d'un commandant de gendarmerie. Leur tenue est calme. Ils se placent dans l'ordre suivant : le premier, du côté de la cour, Vaudrey, puis Laity, Parquin, de Querelles, de Gricourt, Mme Eléonore Brault, veuve Gordon, et le comte de Bruc[233]. Vaudrey est superbe dans son grand uniforme, la figure mâle et sévère[234]. Parquin porte une redingote bleue avec sa rosette d'officier. C'est un colosse. Dès la sortie du collège il s'était fait soldat ; tous ses grades avaient été conquis sur le champ de bataille ; à vingt-sept ans, il avait déjà onze ans de service, onze campagnes et onze blessures, dont cinq coups de feu. Laity, petit et blond, est en uniforme ; ses traits sont graves et réguliers ; l'ensemble de sa figure respire tout à la fois un profond caractère de douceur et de décision[235]. Gricourt est d'une grande élégance ; il a un habit bleu à boutons dorés et ciselés, un gilet noir à larges fleurs bleues et un jabot plissé ; il changera de vêtements pour les audiences suivantes ; c'est ainsi que le 7 il endossera un habit marron, un gilet blanc et une cravate bleu clair[236]. Ce petit jeune homme, d'aspect assez frète et dont la figure garde une physionomie enfantine malgré ses longues moustaches blondes retroussées, avait déjà connu les joies orgueilleuses de l'arrestation en 1832, à Quimper, pour avoir excité la garnison à la révolte[237]. Quérelles est un lieutenant d'infanterie légère ; grand et blond, il porte moustaches sous un nez aquili[238]. De Bruc, sanglé dans un habit bleu boutonné jusqu'au cou et orné d'un ruban rouge, porte également moustaches comme les cinq autres accusés. Ses cheveux sont châtains, lissés avec soin, et une raie les sépare sur le côté de la tête. Ses traits sont réguliers et graves ; on y reconnaît aisément l'empreinte de la souffrance[239]. C'est un ancien chef d'escadron. Lui aussi a servi sous l'Homme. A Montereau, où il n'avait que dix-sept ans, il s'élança sur les hulans, eut le plaisir de tuer leur colonel de sa main, s'empara de son cheval et le ramena ; il fut décoré sur le champ de bataille même. A Breslau, il reçut deux coups de lance. A Hanau il eut le corps traversé par une halle. Il était arrêté pour avoir pris part à la préparation du complot, car il ne vint à Strasbourg que le lendemain de l'échauffourée, quand tout fut fini. Enfin Mule Gordon qui, à son entrée dans la salle, parait légèrement émue, a bientôt recouvré un calme parfait[240]. Très élégante, elle arbore un chapeau de satin blanc, une robe de soie noire, un collet de dentelles à grandes broderies. Elle a le teint clair et rosé. On s'aperçoit que, dans le premier moment, elle cherche, en baissant la tête, à éviter les regards qui, de toutes parts, sont dirigés sur elle ; mais, peu à peu, elle s'enhardit et quelques mouvements de tête qui pourraient paraître empreints d'un peu de coquetterie, permettent à l'auditoire de voir son visage. Ses traits sont réguliers, ses yeux noirs et vifs : deux bandeaux de cheveux noirs soigneusement lissés se dessinent sur un front élevé et bien fait : l'ensemble de ses traits est agréable, mais sa physionomie a quelque chose de dur et de trop prononcé[241]. Tous se montrent, au long des débats, fervents du prince. Tous se soutiennent et, sauf de Bruc[242], revendiquent hautement leur part de responsabilité. Pas un fie cherche à diminuer son rôle ou à inspirer l'intérêt par des remords. Leur conviction apparaît ardente et profonde aux yeux dix peuple de Strasbourg. Quand le président demande à Vaudrey ce que lui avait promis le prince : Rien, répond le colonel, je ne suis pas de ceux qui se vendent[243]. Cette phrase, qui ne prouve d'ailleurs pas grand'chose, produit une sensation profonde[244]. Le public se dit sans doute qu'en cas de succès le colonel eût été, comme de juste, fortement récompensé, mais, pour le moment, le colonel est malheureux, peut-être perdu ; aussi ne sait-il qu'applaudir. Ce côté-là de l'instinct populaire est admirable ; malheureusement il se montre peu, en général, et de moins en moins ; ses expressions les plus fréquentes sont, de nos jours, l'indifférence ou la férocité. Lorsque le président, croyant confondre Laity, lui dira : Vous aviez cependant juré fidélité à la patrie. — A la patrie, oui, réplique-t-il, mais pas au prince qui la sert mal[245]. Et l'Observateur des tribunaux note un mouvement prolongé dans la salle. Parquin — le beau Parquin — raconte : Je vis le prince qui me reçut par ces mots : Parquin, j'ai rompu mon banc, je vais arborer l'aigle impériale ; j'apporte ici ma tête ; je vais marcher devant la garnison ; me suivrez-vous ? Je lui répondis : Prince, partout où vous courrez des dangers, je serai près de vous. La nuit, le prince nous dicta ses proclamations. Si elles sont ici vous pouvez les lire, oui, elles sont admirables, ses proclamations. Il y a là-dedans le style de l'autre[246]. Vainement, le président l'interrompt pour lui objecter ses serments. Il y a trente-trois ans, s'écrie Parquin[247], comme citoyen et comme soldat j'ai prêté serment à Napoléon et à sa dynastie. Je ne suis pas comme ce grand diplomate qui en a prêté treize. Le jour où le neveu de l'empereur vint me rappeler celui que j'avais fait à son oncle, je me crus lié et je me dévouai à lui corps et âme. Les serments que j'ai pu prêter depuis, je ne les ai considérés que comme des serments de forme et, le jour où l'un des héritiers de la dynastie à laquelle j'avais juré fidélité est venu me le rappeler, je ne me suis plus souvenu que de mon serinent de 1804. Parquin dit encore : Après que le prince eut parlé, ce furent des cris dans le régiment de Vive l'empereur comme, ma foi, je n'en ai pas entendu dans la garde impériale, quand j'en faisais partie[248]. Et le scrupuleux Observateur note : Vive sensation. L'accusé parait dans un grand état d'exaltation. L'accusé, repartant de plus belle, affirme : Oh ! c'est que ça allait bien ; oui, ils criaient Vive l'empereur ! comme je n'ai jamais entendu crier dans nos plus beaux jours[249]. Le président, ayant la malencontreuse idée de demander à Gricourt s'il aimait le prince : Oui, répond le jeune homme (il a vingt-trois ans), le prince n'avait pas d'ambition ; l'amour de son pays était le seul sentiment qui le dominât, et quand, je le chérissais, je ne faisais que lui rendre justice, comme l'auraient fait tous ceux qui auraient pu le connaître[250]. — Vous convenez d'avoir marché avec le prince ? demande encore le président. — Oui, Monsieur, j'ai toujours marché à ses côtés. — Et d'avoir tenu l'aigle impériale ?Oui, Monsieur, certainement[251]. Et Quérelles, qu'on prie de raconter ce que lui dit le prince, répond simplement : Il me fit l'honneur de m'embrasser[252]. Certaines paroles lui étant attribuées, il réplique : Je ne me rappelle pas ce que j'ai dit ; dans ces moments-là, voyez-vous, on ne va pas chercher ses mots, et ce qu'on dit, on l'oublie bien vite. Il n'y a que le fond qui reste ; mais j'ai fait tout ce que j'ai pu afin d'entraîner le plus de monde possible[253].Pour Mme Gordon, le compte rendu remarque : Cette accusée a soutenu son interrogatoire avec beaucoup de présence d'esprit[254]. L'accusation, au cours des débats, décrétant que la population de Strasbourg aimait avant tout le travail, il m'a semblé, dit de Quérelles en souriant, qu'elle aimait aussi l'aigle impériale[255]. Les témoins appelés contre les accusés, font, en passant, des dépositions qui ne sont pas agréables pour le gouvernement. Quand M. Gloxin demande au lieutenant Bocave s'il a cru à la révolution : Oui, Monsieur, répondit-il ; et s'il n'a pas empêché ses artilleurs d'arrêter le préfet, c'est qu'il n'y avait pas moyen : Je n'aurais pu réussir, mes hommes ne m'auraient pas écouté[256]. Quant à la déposition du préfet lui-même, elle excite l'hilarité générale ; le public se montre ravi de railler l'autorité. M. Choppin d'Arnouville prête à rire, en effet, par son trouble et son émotion, ainsi que par son assurance avant le complot à déclarer que rien n'était à redouter de la part du prince[257]. Le général Voirol dont le rôle ne semble pas être facile, ainsi à ciel ouvert, ne manque pas d'utiliser son collègue civil pour se décharger de toute responsabilité sur lui : M. le préfet m'a dit : Je suis parfaitement tranquille, j'ai un agent auprès du prince[258]. Et il déclare s'en être reposé sur le préfet. Vaudrey, de son côté, a bien soin de dire, une fois le général à la barre : Je prie M. le président de demander à M. Voirol si le prince n'a point paru vivement ému et fort étonné de la réception qui lui fut faite[259]. Le nouveau pair de France n'oppose rien d'autre à cette question que ceci : C'est vrai ; mais je dois déclarer ici que je n'ai jamais eu aucun rapport avec le prince ; une seule lettre de lui m'a été remise. Quand je la reçus je m'écriai violemment : Tout ce que je puis faire pour lui c'est de lui donner un quart d'heure pour regagner le Rhin[260]. — L'audience du 1er janvier présente une discussion entre Vaudrey et Tallandier, dans laquelle intervient Parquin, et qui n'est pas à l'avantag6 de l'officier monarchique. Tallandier avant raconté qu'il avait saisi Vaudrey, le colonel rectifie[261] : Quand M. Tallandier m'a abordé, il ne m'a pas fait de menaces, il s'est approché de moi, un petit cercle s'est formé autour de nous et alors je me suis rendu. Il ne m'a pas saisi. Personne ne m'a saisi. Le colloque suivant s'engage : Tallandier : Je vous ai saisi ; la preuve c'est que je vous tenais d'une main, tandis que de l'autre je tenais mon épée et l'épaulette de M. Parquin. Les vôtres m'ont saisi mon épée qui ne fut rendue que brisée. — Vaudrey : Je nie, colonel. — Tallandier : Colonel, je dis la vérité. — Vaudrey : Nullement. — Tallandier : Je persiste dans ce que j'ai dit. — Vaudrey : Le témoin m’a pris la main d'une manière amicale, mais ce n'est pas à ses menaces que j'ai cédé ; j'étais entouré d'hommes armés comme lui et je pouvais nie défendre... — Tallandier : J'affirme que, lors de la seconde lutte, j'ai saisi M. Vaudrey. — Vaudrey : J'affirme qu'aucune main ne se porta sur ma poitrine. — Tallandier : J’ai été moi-même tenu par quatre ou cinq canonniers. — Vaudrey : Je n'ai pas été saisi au collet. M. Tallandier est le seul qui dise cela. Il ne m'eût pas saisi impunément. — Parquin : Lorsque je me suis rendu, j'ai été conduit au quartier. Il est très vrai qu'il m'a arraché mes épaulettes ; il a pu le faire impunément, j'étais son prisonnier. — Tallandier : Je ne puis répondre à cette provocation. — Me Thierret : Ce n'est pas une provocation. — Me Parquin : C'est l'expression d'un sentiment naturel, vrai et légitime. (Vive agitation[262].)

Ce procès est intéressant ; il révèle l'état d'esprit de l'époque par rapport à l'Alsace — et sans doute aussi par rapport à plusieurs parties de la France. A chaque audience, le inonde augmente. Les abords du palais de justice étaient encombrés dès les premières heures de la matinée par une foule d'ouvriers, de bourgeois, de femmes surtout ; et de cette masse compacte qui refluait dans les rues voisines aux alentours de la prison contiguë au palais, s'élevaient fréquemment des cris en faveur des accusés, de bruyants témoignages de sympathie. Dans les réunions publiques, cette cause extraordinaire faisait le sujet de toutes les conversations. On s'arrachait le compte rendu des séances ; on répétait, on applaudissait quelques-unes des paroles des prévenus qui, presque tous, montraient une singulière fermeté et une hardiesse dont les annales de la justice offraient peu d'exemples.... Toutes les préoccupations étrangères au procès s'étaient éteintes dans Strasbourg, et la grande ville semblait n'avoir plus qu'une pensée. On s'abordait sur les places publiques pour se demander des nouvelles du procès, pour se raconter quelque particularité relative aux prévenus, pour s'inquiéter des dispositions de tel ou tel juré. C'est que tous les genres de séduction se trouvaient réunis dans cette cause. Le nom le plus retentissant des temps modernes la dominait. Puis on s'enthousiasmait d'Éléonore Gordon ; l'on s'étonnait de trouver dans une femme le courage civil, des convictions désintéressées, un dévouement sans bornes, un caractère, enfin, à une époque où tous les angles s'usaient au frottement des intérêts matériels, où la politique, comme le reste, était devenu un objet de spéculation, où le froid égoïsme passait son niveau sur toutes les âmes[263]. Et ceux qui avaient la joie de réussir à pénétrer dans la salle d'audience ne se lassaient pas de regarder les accusés et les objets sauvés de la bagarre[264]. Entre le banc des accusés et la cour, deux tables sont occupées par les pièces à conviction ; ce sont deux uniformes de lieutenant général, plusieurs paires d'épaulettes, dont deux paires à graine d'épinard ; cinq chapeaux à trois cornes, entre autres un petit chapeau semblable à celui que portait l'empereur et orné de riches galons d'or, une épée à poignée d'or, plusieurs sabres de cavalerie, une aigle impériale dorée, des ceinturons, des hausse-cols, etc. La plaque de la Légion d'honneur qui y figure attire surtout plus vivement l'attention ; c'est la plaque du prince Eugène. L'épée, c'est celle que l'Empereur portait à la bataille d'Austerlitz ; la grand'croix de l'ordre qui l'accompagne, il s'en décorait dans les cérémonies d'apparat. L'épée brisée du colonel Tallandier, l'aigle du 7e de ligne dont Labédoyère fut colonel sont tour à tour l'objet d'un examen[265]. Dans les couloirs du palais les curieux qui n'avaient pu pénétrer faisaient entendre des plaintes bruyantes[266]. Au dehors, l'émotion allait croissant. La ville retentissait des vœux formés eu chœur pour l'acquittement des accusés. On entendit crier clans les rues : Vivent les opinions du lieutenant Laity ! Un procès gagné en quelque sorte par l'ombre de Napoléon était aux yeux des bonapartistes une merveilleuse victoire. — Les républicains brûlaient de voir l'autorité morale du roi affaiblie[267]. Tout le monde à Strasbourg désirait l'acquittement et le proclamait bien haut[268]. Les plaidoiries de Me Ferdinand Barrot qui défendit Vaudrey, de Me Parquin qui soutint son frère, de Me Thierret pour Laity furent accueillies par le public avec une faveur marquée. La foule pleurait d'émotion quand Me Parquin, dans une péroraison un peu trop sentimentale, mais qu'il eut raison de risquer puisqu'elle porta, réclama le condamné pour sa vieille mère : Je t'entends s'écria-t-il, je te vois ! Tu m'appelles ! Parquin ! Qu'as-tu fait de ton frère ?... Ah ! ma bonne mère, ma vénérée mère, sèche tes pleurs... ton fils, un jury d'Alsace te le rendra ![269]

Le 18 janvier, jour définitif, lorsque les jurés se levèrent pour se rendre dans la salle des délibérations, des cris nombreux partent de la tribune publique : Acquittez ! Acquittez !!![270] Les avocats protestent contre ces clameurs en les déclarant indécentes[271]. — Après vingt-deux minutes de délibération, un huissier annonce la rentrée du jury. Puis, après les formules d'usage, le chef des jurés, un M. Vaiss, se lève et dit d'une voix émue[272] : Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, la déclaration du jury est, sur toutes les questions : Non, les accusé, ne sont pas coupables. A ces mots, un vif mouvement se manifeste dans l’auditoire ; des bravos éclatent, mais sont bientôt comprimés par le respect dû à la gravité de l'audience[273]. On introduit les accusés. Mme Gordon est tellement émotionnée qu'elle peut à peine se soutenir. Le greffier donne la lecture de la déclaration du jury et les accusés se jettent dans les bras de leurs défenseurs[274]. Ils sont mis immédiatement en liberté. Tout le monde s'élance vers eux[275]. Dans la cour extérieure du Palais les mêmes transports se répètent. Le peuple suit les conjurés dans les rues et les acclame[276]. On s'empresse également autour du jury pour le féliciter[277]. Pendant tout l'après-midi la ville a un air de fête, et la garnison elle-même semble radieuse[278]. — D'abord, raconte un contemporain[279], l'auditoire ne témoigna ses sentiments que par un long murmure d'approbation ; mais, lorsqu'on ramena les accusés, lorsque ceux-ci, apprenant l'issue inespérée du procès, tombèrent dans les bras de leurs défenseurs. lorsqu'on vit la belle Mme Gordon chanceler et près de s'évanouir, tant elle était émue, un immense cri retentit : Vive le jury ! Vive le jury d'Alsace ! Au dehors, les mêmes transports eurent lieu. Une partie de la foule se dissémina aussitôt dans la ville pour répandre au loin l'heureuse nouvelle, d'autres attendirent les jurés : on les entourait, on les pressait, on les embrassait. C'était une de ces joies comme le peuple sait les improviser. Plusieurs milliers de citoyens se précipitèrent vers la rue du Fil sur laquelle donnait la porte principale de la prison. Ils suivirent les accusés à leur sortie et les accompagnèrent chacun jusqu'à son domicile, en les saluant des acclamations les plus vives. Pour compléter ce magnifique scandale oit l'autorité, une fois de plus, était publiquement souffletée, les patriotes strasbourgeois donnèrent le soir même de leur acquittement des sérénades et un banquet splendide à ces mêmes hommes que les parquets de Louis-Philippe avaient voués au mépris des honnêtes gens et à la vindicte des lois. — A la nouvelle de cet acquittement inouï, le ministère Molé demeura frappé de stupeur. Il y avait de quoi. — Pour ce qui est de Louis-Philippe, personnellement, je pense qu'il fut moins étonné que ses ministres[280] ; mieux qu'eux, il savait comprendre l'état d'esprit de son royaume. Ce qu'il aurait voulu, c'était une condamnation pour montrer sa clémence en faisant grâce, car il n'aurait pas admis que la condamnation fût maintenue ; au fond, après un dépit rapide, il ne fut pas autrement mécontent ; la chose qui l'indisposait le plus dans l'affaire et qu'il se promettait bien de ne pas oublier, c'était l'attitude de la population strasbourgeoise. La condamnation des conjurés ne pouvait comporter que la détention, la peine de mort ou l'exil ; dans les trois cas, c'était créer — plus ou moins — des martyrs, et, dans le premier, plus particulière-tuent, les mettre à la disposition de l'émeute en même temps que fournir à celle-ci un élément propice — au moins pendant huit jours ; au contraire, faire grâce ou, à défaut, ratifier la décision du jury, c'était peut-être se valoir le bénéfice de la générosité et s'attirer la sympathie populaire. Mauvais calcul cependant. Le peuple n'est satisfait que si on le force à l'être par le sentiment de respect qu'il a toujours, doublé même d'admiration secrète, en face d'un pouvoir solide ; le peuple, de plus, était travaillé par trop de factions, trop de journaux, trop de sociétés[281]. Il ne savait à quoi s'en tenir et, dans cette indécision, étant donnée sa peur naturelle d'être dupe, l'opposition au régime lui semblait nécessaire ; c'était, dans son idée, la meilleure attitude, d'autant qu'elle répondait à son instinct. Le vieux Metternich ne partageait pas les illusions royales ; le 26 janvier, il écrivait à M. Apponyi[282] : L'acquittement des conjurés de Strasbourg est un événement déplorable... Que ressort-il du fait, si ce n'est une preuve nouvelle que l'institution du jury est anti-sociale ? Et cette vérité, pour nie frapper, n'a pas besoin de cette démonstration nouvelle. Cette institution peut-elle être abolie là où elle s'est une fois établie ? Non certes ; il en est du jury comme de la liberté de la presse. Mais qu'en adviendra-t-il ? La dissolution des États, l'impossibilité que la monarchie se soutienne, un désordre sans fin et, à la suite du désordre, le despotisme, soit celui des masses, soit celui de quelques individualités.

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Le soir de son arrivée à New-York, le prince reçut une invitation à dîner du général Webb. Il fut admirablement accueilli par la société américaine[283] et noua sur le nouveau continent des amitiés. Il se lia notamment avec un prêtre, le Rév. C. Stewart, qui a écrit un livre sur ses relations avec le prince[284]. Si j'avais noté, dit-il, chacune des paroles de Louis-Napoléon et si je les reproduisais, aujourd'hui que ses visions se sont réalisées, on verrait que la plupart d'entre elles furent aussi prophétiques que celles prêtées au prisonnier de Sainte-Hélène. Il connut l'historien Washington Irving. Quand je vis pour la première fois Napoléon III en 1837, dit le général James Grant Wilson, il me fut désigné par mon père au moment où je traversais Broadway en compagnie de son ami le poète Pitz-Green Hallek... Je me souviens d'avoir entendu dire à Hallek qu'il allait avec lui chez le chancelier Kent et qu'ils venaient de faire une visite à Washington Irving[285]. Étant donné que ce livre est écrit en France et pour des Français, il n'est peut-être pas inutile de fixer que la venue en Amérique de Louis-Napoléon est racontée dans la Vie et lettres de Washington Irving par Pierre Irving comme un fait important. — Le prince avait également retrouvé d'anciens bonapartistes, tels que le lieutenant Lacoste qui avait suivi le roi Joseph en 1815, les frères Peuplier, jadis compromis dans la conspiration de Belfort, ses cousins Achille et Lucien Murat[286].

Il n'est nullement découragé. Loin de considérer sa cause comme finie, il lui paraît qu'elle commence de s'affirmer aux yeux du monde et, que sa récente aventure était un premier coup de clairon. Une fois qu'il sut l'acquittement, rien ne vint plus troubler ses espérances. Sa conviction s'ancrait, chaque jour, plus profondément en lui-même. Tout, d'ailleurs, prouvait bien qu'il fallait avoir confiance. — ne Londres, Persigny publiait sa brochure sur l'insurrection où il expliquait le but de son ami ; il rétablissait les faits et tirait la moralité de l'événement[287]. En somme, il n'y avait pas défaite. Les acteurs du drame se trouvaient libres de le recommencer et comptaient bien, pour la plupart, tenter de nouveau la fortune[288]. Pas de lassitude chez ces convaincus auxquels l'avenir devait donner raison. Leur essai n'avait-il pas été logique ? En avril, Louis-Napoléon écrivait à M. Vieillard : ... Je faisais, par un coup de main, en un jour, l'ouvrage de dix années peut-être ; réussissant, j'épargnais à la France les luttes, les troubles, les désordres d'un bouleversement qui arrivera, je crois, tôt ou tard... Ma position était nette, partant facile. Faisant une révolution avec quinze personnes, si j'arrivais à Paris, je ne devais ma réussite qu'au peuple, et non à un parti ; arrivant en vainqueur, je déposais, de plein gré, sans y être forcé, mon épée sur l'autel de la patrie ; on pouvait alors avoir foi en moi car ce n'était plus seulement mon nom, c'était ma personne qui devenait une garantie[289]. Persigny, en plus de sa brochure, adressait une lettre au journal anglais le Sun, et y expliquait : Fidèle à la mémoire de l'empereur Napoléon, son oncle et son aïeul par adoption, prenant comme lui pour devise : Tout pour le peuple français, le prince avait compris que son nom appartenait à la France et lui donnait mission de réintégrer le peuple français dans ses droits légitimes. Toutes ses proclamations reposent sur cette idée. Il s'agissait de faire un appel au peuple, de l'inviter à reprendre sa souveraineté et à déterminer dans une assemblée nationale la forme de son gouvernement. C'est sous le titre de prince Napoléon-Louis Bonaparte qu'il a été reconnu par le 4e régiment d'artillerie, et, lorsque le colonel Vaudrey, en le présentant à son régiment, demanda aux soldats s'ils voulaient commencer une grande et glorieuse révolution avec le neveu de l'empereur, s'ils voulaient vivre ou mourir pour la cause du peuple, les cris de Vive la liberté ! Vive Napoléon ! Vive l'empereur ! ne furent que l'expression d'un enthousiasme réveillé par les souvenirs des deux grandes époques de l'histoire du pays. Saisit-on la nuance ? Voit-on comme ici le parti républicain est habilement amené à ne pas refuser son accolade. On a crié : Vive l'empereur ! oui, mais qu'est-ce que cela veut dire, sinon : Vive la liberté ! ou encore : Vive la république ! — Le nier est montrer presque de la mauvaise foi. Tout ce qui a été publié jusqu'à ce moment, affirme ce parfait complice, sur cet événement est faux. Ainsi, il n'est pas vrai que le prince ait pris le costume de l'empereur, il portait l'uniforme d'officier d'artillerie, un habit bleu comme celui des élèves de polytechnique, et un frac vert ; de même que les officiers de sa suite, il avait le chapeau d'officier d'état-major[290]. Et terminant avec certitude : Le prince se soumettra à son sort avec ce calme, cette dignité qui caractérisaient son oncle, car sou esprit était préparé aux revers comme aux succès, et quand l'impression du moment aura disparu et que tous les faits seront connus, le monde s'intéressera à un prince qui a montré un si noble courage et ne refusera pas ses sympathies à des qualités qu'il ne peut apprécier en ce moment[291].

Il ne manquait plus au prince que d'avoir un prétexte pour revenir. Le destin lui en fournit un, le moins réfutable — l'équivalent de celui qui, plus tard, justifiera sa fuite de Ham : sa mère, qui se sentait perdue, allait se soumettre à une douloureuse opération et le lui apprenait elle-même[292]. — Il s'embarqua aussitôt qu'il le put, le 27 juin 1837, à New-York, sur le paquebot George-Washington qui appareillait pour l'Angleterre[293]. Dès son arrivée à Londres[294] où il avait la consolation de retrouver Persigny, il s'occupa d'obtenir un passeport pour la Suisse. Il écrivit aussi au roi de Hollande, espérant que dans les circonstances actuelles il lui tiendrait moins rigueur de l'affaire de Strasbourg qu'il n'avait pas manqué — naturellement — de blâmer, moins cependant que les autres membres de la famille impériale[295] : ... Si vous saviez mon cher père, comme je suis triste, seul au milieu de ce tumulte de Londres et au milieu de parents qui me fuient ou d'ennemis qui me redoutent. Ma mère est mourante et je ne puis aller lui porter les consolations d'un fils ; mon père est malade et je ne puis espérer d'aller le retrouver. Qu'ai-je clone fait pour être ainsi le paria de l'Europe et de ma famille ? j'ai promené un moment dans une ville française le drapeau d'Austerlitz... Ah ! oui, que vous blâmiez ma conduite, cela peut être, mais ne me refusez jamais votre tendresse[296]... Le comte de Saint-Leu, sans lui refuser peut-être sa tendresse, ne pouvait que comprendre de moins en moins son enfant[297]. Un homme de son âge, malade comme il l'était, demeurait incapable de saisir tout ce qu'il y avait eu de glorieux, de jeune et de beau, dans l'affaire de Strasbourg. Son fils aurait même réussi qu'il eût rejeté la raison de ce succès sur la médiocrité de l'époque et le désordre des esprits. Il était presque heureux pour le prince qu'il ne vît pas un père dont il se montrait si différent. Auprès de l'ancien roi, malgré son énergie, qui sait s'il n'eût pas perdu peu à peu le courage d'oser — ce courage plus rare qu'on ne le pense et sans lequel il ne peut cependant rien exister de grand ici-bas ? Livré à lui-même, il se renouvelait sans contrainte superflue, inconsciemment ; seul maître de ses actes, il risquait d'être entraîné par ceux-ci, — mais à une époque repliée sur elle-même où l'action semble devenue impossible, agir, même en n'avant pas suffisamment calculé, même en se trompant, devient et reste une vertu.

Le général Sébastiani, ambassadeur de France, refusa au prince le passeport qu'il avait demandé[298]. Louis-Napoléon, s'adressa, cela étant, à l'ambassadeur d'Autriche puis à la légation de Prusse ; — toutes deux se récusèrent[299]. Il résolut alors de risquer l'arrestation et se servit d'un passeport délivré en Amérique à un nommé Robinson[300]. Après l'avoir fait viser par le consul de Suisse — qui se douta sans doute du coup, mais ne pouvait qu'être ravi de jouer un tour au gouvernement royal — il quitta Londres le 30 juillet, vaguement déguisé, réussissant à dépister la police[301]. Débarqué à Rotterdam, il remonta le Rhin en bateau à vapeur jusqu'à Mannhein. Il se dirigea ensuite par Hechingen vers Sigmaringen et y arriva le 4 août. Le soir du même jour, il était à Arenenberg[302].

Il v avait autour de sa mère M. et Mme Vieillard, Tarquin, Arèse, de Quérelles, de Gricourt et le fidèle Conneau[303]. Le 5 octobre, vers quatre heures du matin, la reine fit appeler tout le monde et embrassa son fils pour la dernière fois. Elle dit au docteur Conneau : Promettez-moi de ne jamais quitter Louis-Napoléon. Et elle s'éteignit[304].

* * *

Entre son arrivée à Arenenberg et la mort de la reine, Louis-Napoléon avait été plusieurs fois à Bade[305]. Il semble qu'à peine revenu, il se soit occupé de sa cause ; car rien, jamais, n'arrête cet homme dont on a voulu faire un irrésolu. Dans la ville d'eaux où il connaissait beaucoup de monde, il est recherché. Il se lie avec M. Coulmann, député républicain de Strasbourg[306]. Une jeune fille, Mlle de Béthune, cherche à l'épouser[307]. Il fréquente chez une Mme de Walsch qui en donne le portrait suivant : Grande instruction, volonté ferme, entament ou ténacité dans ses projets, audace et ambition effrénées. Son caractère et sa pensée sont éminemment despotiques et, porté au pouvoir violent du sabre, il ne dissimule pas que tout ce qu'il dit au peuple sur la liberté dont il jouirait sous son gouvernement, s'il parvenait jamais au pouvoir, n'est qu'une amorce dont il rit avec ses adeptes et dont il ne tiendrait aucun compte. — Le prince Louis Bonaparte écrit parfaitement. Il exprime ses idées par écrit avec précision, clarté et éloquence, mais il manque de présence d'esprit en parlant. Il est courageux jusqu'à la témérité ; j'ajouterai qu'on peut lui appliquer réellement les paroles remarquables de Napoléon : Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas, et ce pas il l'a fait à Strasbourg. Il est menteur comme tous les membres de la famille Bonaparte. Napoléon mentait avec facilité ; son fils, le jeune et intéressant duc de Reichstadt, mentait aussi, dans son enfance au moins[308]... Ce portrait est-il exact ? Oui et non. Il reflète à merveille l'opinion du monde sur le prince, opinion toute primesautière, sans grande consistance et faite d'après un seul point de vue, celui du monde même ; et qu'est-ce que le monde au XIXe siècle, — au moins dans sa seconde moitié sinon la partie la plus factice de la société ? Le prince a certainement l'intention d'établit. l'ordre — mais il est trop intelligent pour nier la démocratie et ne pas reconnaître ses droits ; on ne peut pas nier la démocratie quand on est un politique du luxe siècle et qu'on prend conscience de ce qui existe ; il désire simplement tourner le fait indiqué par ce nom au plus grand profit de sa cause personnelle et de ce fait même, car il y a eu chez Napoléon III — on le reconnaîtra un jour — un amour sincère du peuple, une grande loyauté à son égard ; seulement, il était de ces médecins qui soignent énergiquement leurs protégés et risquent une opération pour les sauver du mal dont ils les voient mourir. Quant à sa faculté de mensonge, il n'y a qu'à lui en faire gloire ; le mensonge est tellement indispensable qu'un des torts du prince sera de ne pas mentir assez. Ce jugement, trop mondain, se trahit encore dans l'appréciation sur Strasbourg-. Du peuple qui sincèrement y a applaudi, la comtesse ne peut tenir compte ; pour elle, c'est une quantité négligeable ; mais le jugement de son milieu, qui ne sait rien de l'affaire que par rapport à la façon de penser de vingt ou trente salons, ignore volontairement les appétits, les instincts de l'âme générale et décrète le ridicule. Cependant, elle se met à l'abri du mot de Napoléon qu'elle eût traité également avec dédain au temps du Directoire ou du Consulat, même de l'Empire, et qu'elle admet parce qu'il est devenu indiscutable. Ainsi, déjà, nous possédons les deux points de vue à l'égard du prince, celui du inonde et celui du peuple — et il est intéressant de noter que ce dernier fut le meilleur juge. Un troisième reste à inscrire, celui de ses partisans, — et il nous est fourni par un singulier tableau : Le prince Louis Bonaparte est ici. Il joue à la couronne impériale. Il est entouré de jeunes intrigants écervelés parmi lesquels notre ami, le jeune Richard de Quérelles, se distingue par un enthousiasme romanesque. Ces jeunes fous ont imaginé de donner une fête à leur héros et, après force toasts, chants et discours, ils ont illuminé les contours des ruines sans en avoir prévenu l'autorité ; cette étrange illumination, sortant du milieu de la forêt, a excité un étonnement général ; elle n'a pas eu d'autre effet, car les pans des murailles séparés, irréguliers, sans harmonie, n'ont présenté rien d'agréable ni d'imposant. — Ils avaient invité M. Berryer qui a refusé. Richard de Quérelles a juré fidélité à son empereur en mettant son genou en terre au milieu d'une sombre et épaisse forêt. Roman ![309] — Il y a des romans que l'avenir, avec l'aide de ceux qui les vivent, se charge de réaliser. Et comprend-on, une fois de plus, comme tout coïncide dans une époque ? Je retrouvé ici de quoi fortifier l'observation précédemment faite. Ces pans de murs en ruine, ces feux nocturnes au-dessus de ces jeunes gens assemblés, celui-ci, fervent, qui, plie le genou devant son seigneur, cette forêt enfin, épaisse et sombre, nie rappellent un décor connu. J’y entends, au loin, la cloche de la chapelle qui faisait rêver René, j'aperçois, entre deux arbres, le fantôme d'Obermann, je distingue, entre les branches, un petit lac, je me demande — bien que nous soyons en Allemagne si je ne vais pas y écouter le cor d'un brigand espagnol et je suis sûr que de Gricourt abrite momentanément dans sa poitrine, malgré son masque doux, le cœur d'un Antony. Tout le romantisme, décidément, plane sur ces jeunes têtes[310]. Et Louis-Napoléon est le résultat même de ce romantisme en politique, d'abord dans ses premières tentatives pour conquérir le pouvoir, puis dans une certaine partie des affaires extérieures.

 

 

 



[1] Toutes les biographies du prince. — Consulter aussi sur l'affaire : James Fazy. De la tentative de Napoléon-Louis, Genève, 1836.

[2] Il semble en effet que la reine ne se soit doutée de rien, mais la supposition contraire est également possible ; elle est même fortifiée par ce qui suit. Sans étre exactement au courant des projets de son fils, Hortense qui lui avait inspiré une foi profonde en son destin. del ait savoir une partie de ses menées ; elle avait pu remarquer bien des allées et revues.

[3] Gallix et Guy, Histoire de Louis-Napoléon Bonaparte, t. I.

[4] Insurrection de Strasbourg, etc.

[5] Le sommelier Shinkler dépose au procès qu'un monsieur qu'il ne connait pas arriva à Fribourg suivi d'un domestique et se fit préparer de l'eau sucrée. Il commanda une voiture pour le lendemain matin et trois chevaux de poste. Le lendemain il partit.

[6] Insurrection de Strasbourg, etc.

[7] Insurrection de Strasbourg, etc.

[8] Ceci n'est pas absolument sûr, mais semble cependant bien ressortir du procès.

[9] Insurrection de Strasbourg, etc.

[10] Insurrection de Strasbourg, etc., p. 108. — Louis Blanc dit qu'il avait rendez-vous dans le duché de Bade avec plusieurs conjurés qui ne vinrent pas et qu'il les attendit trois jours. — Ce que dit Blanc mérite d'être pris en considération particulière. Je tiens de M. Solder que tout ce que l'historien écrivit sur l'affaire de Strasbourg lui avait été conté en effet par M Gordon.

[11] Insurrection de Strasbourg, etc.

[12] Insurrection de Strasbourg, etc.

[13] Insurrection de Strasbourg, etc.

[14] Œuvres de Napoléon III, éd. Plon, t. II. — Lettre à sa mère. On me demandera, dit-il, ce qui me forçait d'abandonner une existence heureuse pour courir tous les risques d'une existence hasardeuse. Je répondrai qu'une voix secrète m'entraînait et glue pour rien au monde je n'aurais voulu remettre à une autre époque une tentative qui me semblait présenter tant de chances de succès.

[15] Insurrection de Strasbourg, etc.

[16] Isaac Durr, maitre de l’auberge La Fleur, dépose : Le 28 au matin, une voiture s'est arrêtée à ma porte : des voyageurs en sont descendus ; ils ont pris une tasse de lait. Avant que de repartir, ils ont pris une goutte d'eau-de-vie. J'ai su depuis que c'étaient le prince et ses partisans. Strasbourg, etc., déjà cité.

[17] Dans l'Histoire, etc., de Gallix et Guy, on indique le n° 24 ; nous préférons suivre ici les indications du procès même.

[18] Insurrection de Strasbourg, etc. — Voir précédemment.

[19] Insurrection de Strasbourg, etc. — Voir précédemment.

[20] Le 29, à 11 heures du soir, un de mes amis vint nie chercher, rue de la Fontaine, pour me conduire au rendez-vous général. Nous traversâmes ensemble toute la ville ; un beau clair de lune éclairait les rues ; je prenais ce beau temps pour un favorable augure pour le lendemain ; je regardais avec attention les endroits par on je passais ; le silence qui y régnait faisait impression sur moi ; par quoi ce calme sera-t-il remplacé demain ? Cependant, dis-je à mon compagnon, il n'y aura pas de désordre si je réussis, car c'est surtout pour empêcher les troubles qui accompagnent souvent les mouvements populaires, que j'ai voulu faire la révolution par l'armée. Mais, ajoutai-je, quelle confiance, quelle profonde conviction il faut avoir de la noblesse d'une cause, pour affronter, non les dangers que nous allons courir, mais l'opinion publique qui nous déchirera, qui nous accablera de reproches si nous ne réussissons pas ? Et cependant je prends Dieu à témoin que ce n'est pas jour satisfaire à une ambition personnelle, mais parce que je crois avoir une mission à remplir, que je risque ce qui m'est plus cher que la vie, l'estime de mes concitoyens. Lettre à la reine Hortense, Œuvres de Napoléon III, déjà cit.

[21] Insurrection de Strasbourg, etc. — Gricourt avait été découvert par Persigny. Il détestait le gouvernement de Louis-Philippe et se disait légitimiste. Comprenant que la légitimité n'avait aucune chance et commençant à s'ennuyer de l'existence simplement élégante qu'il menait, il écouta Persigny avec plaisir et se laissa vite convaincre. À son tour, il amena de Quérelles, légitimiste également, et possesseur de nombreux créanciers. A Morel, Napoléon III, etc. A. Le Chevalier, 1870. — J. Delaroa, Le duc de Persigny et les doctrines de l'Empire, Plon, 1865.

[22] Insurrection de Strasbourg, etc.

[23] Insurrection de Strasbourg, etc.

[24] Insurrection de Strasbourg, etc.

[25] Déposition de Gricourt : Le 29 au soir, le prince n'avait rien pris de la journée ; vers 9 heures, je nie rappelai que j'avais oublié d'envoyer à dîner au prince : nous avions tant de choses à faire ; nous lui fîmes porter une aile de poulet et une bouteille de vin. Voilà le fameux souper dont parle si souvent l'accusation.

[26] C'est l'avis de Louis Blanc, Histoire de Dix Ans, t. V, p. 122. D'après M. Ensile Ollivier ils auraient même discuté la date : La date avait été fixée au 31. La précipitation confiante de Persigny l'avança d'un jour. On croyait inutile — ce qui contribua grandement à l'échec — d'attendre de Bruc et ses auxiliaires sérieux. Ed. déjà citée. p. 50.

[27] Il n'y avait, en effet, plus à se défendre.

[28] Histoire de Dix ans, p. 223.

[29] Nous avons vu précédemment pourquoi.

[30] AU PEUPLE FRANÇAIS

Français,

On vous trahit ! Vos intérêts politiques, vos intérêts commerciaux, votre honneur, votre gloire, sont vendus à l'étranger. Et par qui ? Par les hommes qui ont profilé de votre belle Révolution et qui en violent tous les principes. Est-ce donc pour un gouvernement sans parole, sans honneur, sans générosité, des institutions sans force, des lois sans liberté, une paix sans prospérité et sans calme, pour un présent sans avenir, enfin, que nous avons combattu depuis quarante ans ? En 1830, on imposa à la France un gouvernement, sans consulter ni le peuple de Paris, ni la nationalité des provinces, ni la forte voix de l'armée. Français, tout ce qui a été fait l'a été sans vous et, par cela seul, est-il légitime ?

Un congrès national, élu par tous les citoyens, peut seul avoir le droit de choisir ce qui convient le mieux à la France.

Fier de mon origine populaire, fort de quatre millions de vote qui me destinaient au trône, je m'avance devant vous comme représentant de la souveraineté du peuple.

Il est temps qu'au milieu du chaos des partis une voix nationale se fasse entendre ; il est temps qu'alla cris de la liberté trahie vous renversiez le joug honteux qui pèse sur notre belle France. Ne voyez-vous pas que les hommes qui règlent nos destinées sont encore les traîtres de 1814 et 1815, les bourreaux du maréchal Ney ?

Pouvez-vous avoir confiance en eux ?

Ils font tout pour complaire à la Sainte-Alliance ; pour lui obéir, ils ont abandonné les peuples nos alliés ; pour se soutenir, ils ont armé le frère contre le frère ; ils ont ensanglanté nos villes, ils ont foulé aux pieds nos sympathies, nos droits. Les ingrats : ils ne se souviennent des barricades que pour préparer des forts détachés : méconnaissant la grande nation, ils rampent devant les rois et les faibles. Votre vieux drapeau tricolore s'indigne d'être dans leurs mains.

Français, que le souvenir du grand homme qui fit tant pour la gloire et la prospérité de la patrie vous ranime ! Confiant dans la sainteté de ma cause, je nie présente à vous, le testament de l'empereur Napoléon d'une main, l'épée d'Austerlitz de l'autre. Lorsqu'à Rome le peuple vit les dépouilles ensanglantées de César, il renversa ses hypocrites oppresseurs. Français, Napoléon fut plus grand que César, il est l'emblème de la civilisation au XIXe siècle.

Fidèle aux maximes de l'empereur, je ne connais d'intérêts que les vôtres, d'autre gloire que celle d'être utile à la France et à l'humanité. Sans haines, sans rancunes, exempt d'esprit de parti, j'appelle sous l'aigle de l'Empire tous ceux qui sentent un cœur français battre dans leur poitrine.

J'ai voué mon existence à l'accomplissement d'une grande mission. Du rocher de Sainte-Hélène, un regard du soleil mourant a passé sur mon âme : je saurai garder ce feu sacré ; je salirai vaincre ou mourir pour la cause.des peuples.

Hommes de 1789, hommes du 20 mars 1815, hommes de 1830, levez-vous ! Voyez qui vous gouverne : voyez l'aigle emblème de gloire, symbole de liberté, et choisissez !

NAPOLÉON.

[31] À L'ARMÉE

Soldats,

Le moment est venu de recouvrer votre ancienne splendeur : Faits-pour la gloire. sous pouvez moins que d'autres supporter plus longtemps le rôle honteux qu'on vous fait jouer. Le gon, ernement qui trahit nos intéréts voudrait aussi ternir votre gloire. L'insensé ! croit-il que la race du héros d'Arcole, d'Austerlitz, de Wagram, soit éteinte ?

Voyez le lion de Waterloo encore debout sur nos frontières voyez Huningue privé de ses défenses, voyez les grades de 1315 méconnus. voyez la Légion d'honneur prodiguée aux intrigants et refusée aux braves ; voyez notre drapeau : il ne flotte nulle part où nos armes ont triomphé ; voyez encore partout trahison. lâcheté, influence étrangère, et écriez-vous avec moi Chassons les barbares du Capitole :

Soldats, reprenez les aigles que vous aviez dans nos grandes journées ; les ennemis de la France ne peuvent en soutenir les regards ; ceux qui nous gouvernent ont déjà fui devant elles' Délivrez la patrie des traitres et des oppresseurs, protégez les droits du peuple ; défendez la France et ses alliés contre l'invasion, soin la route où l'honneur vous appelle ; voilà quelle est votre sublime mission.

Soldats français, quels que soient vos antécédents, venez vous vous ranger sous le drapeau tricolore régénéré ; il est l'emblème de vos intérêts et de notre La patrie divisée, la liberté trahie, l'humanité souffrante, la gloire en deuil comptent sur vous : vous serez à la hauteur des destinées qui vous attendent.

Soldats de la République, soldats de l'Empire, que mon nom réveille en vous votre ancienne ardeur : et vous, jeunes soldats, qui êtes nés comme moi au bruit du canon de Wagram, souvenez-vous que vous Mes les enfants de la Grande Armée. Le soleil de cent victoires a éclairé notre berceau ; que nos hauts faits ou notre trépas soient dignes de notre naissance. Du haut du ciel, la grande ombre de Napoléon guidera nos bras, et, contente de nos efforts, elle s'écriera : Ils étaient dignes de leurs pères ! Vive la France Vive la liberté !

NAPOLÉON.

[32] AUX HABITANTS DE STRASBOURG

Alsaciens,

A vous l'honneur d'avoir les premiers renversé une autorité qui, esclave de la Sainte-Alliance, compromettait chaque jour davantage notre avenir de peuple civilisé Le gouvernement de Louis-Philippe vous détestait particulièrement, braves Strasbourgeois, parce qu'il déteste tout ce qui est grand, généreux, national. Il a blessé votre honneur en cassant vos légions ; il a froissé vos intérêts en conservant les droits d'entrée et en permettant l'établissement de douanes étrangères qui paralysent votre commerce.

Strasbourgeois, vous avez mis les mains sur vos blessures et vous m'avez appelé au milieu de vous pour qu'ensemble nous vainquions ou mourions pour la cause de peuple. Aidé par vous et par les soldats, je touche enfin, après un long exil, le sol sacré de la patrie. Grâces vous en soient rendues Alsaciens, mou nom est un drapeau qui doit vous rappeler de grands souvenirs, et ce drapeau, vous le savez, inflexible devant les partis et l'étranger, ne s'incline que devant la majesté du peuple.

Honneur, patrie, liberté, voilà notre mobile et notre but. Paris. eu 1830, nous a montré comment on renverse un gouvernement impie, montrons-lui à notre tour comment on consolide les libertés d'un grand peuple.

Strasbourgeois, demain nous marchons sur Paris pour délivrer la capitale des traitres et des oppresseurs. Reformez vos bataillons nationaux qui effrayaient la royauté impopulaire, gardez pendant notre absence votre ville, ce boulevard de l'indépendance de la France, aujourd'hui son berceau régénérateur. Que l'ordre et la liberté règnent dans vos murs et que le génie de la France veille avec vous sur vos remparts alsaciens.

Avec un grand peuple, on fait de grandes choses : foi une foi entière dans le peuple français.

NAPOLÉON.

[33] Œuvres de Napoléon III, déjà cité.

[34] Œuvres de Napoléon III, déjà cité.

[35] Œuvres de Napoléon III, déjà cité.

[36] Œuvres de Napoléon III, déjà cité.

[37] Œuvres de Napoléon III, éd. déjà citée t. II. — Insurrection de Strasbourg, etc.

[38] Œuvres de Napoléon III, éd. déjà citée t. II. — Insurrection de Strasbourg, etc.

[39] Œuvres de Napoléon III, t. II. Insurrection, etc.

[40] Œuvres de Napoléon III, t. II. Insurrection, etc.

[41] Insurrection de Strasbourg, etc., ouv. déjà cité. Louis Blanc, Histoire de Dix Ans, déjà citée. A. Maurin, Histoire de la chute des Bourbons, t. VI.

[42] Insurrection de Strasbourg, etc., ouv. déjà cité. Louis Blanc, Histoire de Dix Ans, déjà citée. A. Maurin, Histoire de la chute des Bourbons, t. VI.

[43] Insurrection de Strasbourg, etc., ouv. déjà cité. Louis Blanc, Histoire de Dix Ans, déjà citée. A. Maurin, Histoire de la chute des Bourbons, t. VI.

[44] Déposition de Jacquet.

[45] Déposition de Jacquet.

[46] Déposition de Jacquet.

[47] Plus tard, Louis-Napoléon affirma qu'il n'avait nullement une tenue rappelant celle de son oncle. Dans sa brochure, Persigny dit : Il était vêtu de son uniforme d'artillerie, habit bleu ; il nie qu'il ait porté le petit chapeau. Cependant, à l'audience du 2, le canonnier Marcot déclare avoir vu arriver un jeune homme qui avait le petit chapeau ; et le sous-lieutenant Pleignier à l'audience du 12, dépose qu'il a vu s'avancer un jeune homme revêtu de l'uniforme de Napoléon. Il est très possible qu'il y ait eu confusion de la part des témoins. Il est douteux que Louis-Napoléon ait porté exactement le costume de l'empereur. Il ne faut pas oublier que le gouvernement de Juillet avait un intérêt considérable à tourner le prince en ridicule. Il est plus probable qu'il ait endossé l'uniforme de l'artillerie ; et l'accusation établissant qu'il portait un chapeau orné de riches galons d'or, il est indéniable que ce chapeau-là n'était pas celui de l'empereur. L'accusation au sujet du costume n'est même pas catégorique ; un costume, dit-elle, rappelant celui de l'empereur. Ajoutons que le chapeau d'état-major de l'époque avait une vague ressemblance avec celui de Napoléon. Il avait... un chapeau d'état-major du modèle admis dans l'armée. Ratiez, déjà cité, p. 315, t. II.

[48] Insurrection, etc.

[49] Laity, ouv. déjà cité.

[50] Œuvres de Napoléon III, déjà cité.

[51] Œuvres de Napoléon III. — Insurrection, etc.

[52] Insurrection de Strasbourg, etc.

[53] Il aurait encore été dit : Louis-Philippe n'est plus sur le trône ; Napoléon II, empereur des Français, vient prendre les rênes du gouvernement ; criez : Vive l'empereur ! Déposition de Jacquet qui dit que Vaudrey lut sa proclamation. Vaudrey nia ensuite, devant le tribunal, avoir prononcé le nom du roi. Laity, dans sa brochure, le nie également.

[54] Tous les témoignages s'accordent à ce sujet. Déposition de Jacquet : Le cri fut unanime à peu près. — Déposition du canonnier Marcot : On a crié vive l'empereur ! Vive Napoléon ! J'ai demandé quel empereur ? Quel Napoléon' ? Les uns ont répondu que c'était le fils, d'autres le neveu, d'autres que c'était l'empereur lui-même. — Déposition de Bocave : Les hommes étaient dans l'enthousiasme. — Déposition du capitaine Desmarest : Je criai vive le roi ! Et ce cri fut couvert par celui de vive l'empereur ! — Déposition du capitaine Apporta : D. Ne pouvait-on arrêter le régiment ? — R. Non, car dans le moment l'enthousiasme était si grand que si l'on avait pris alors un certain nombre d'hommes dans la colonne on en aurait fait ce qu'on aurait voulu. Etc., etc. Procès. — A ces mots, un indescriptible transport s'empare des soldats. Vive l'empereur ! crie chacun d'eux ; et ils agitent leurs armes, et une clameur immense, prolongée, monte vers le ciel. Louis Blanc, Histoire de Dix Ans, t. V.

[55] Insurrection de Strasbourg, etc.

[56] Avant cela, à la suite des acclamations militaires, le prince se serait jeté dans les bras du colonel Vaudrey. — Persigny, Relation de l'entreprise du prince Napoléon-Louis, déjà cité.

[57] Œuvres de Napoléon III, déjà cité. — Persigny, Relation, etc. — Insurrection de Strasbourg, etc.

[58] Œuvres de Napoléon III, déjà cité. — Persigny, Relation, etc. — Insurrection de Strasbourg, etc.

[59] Œuvres de Napoléon III, déjà cité. — Persigny, Relation, etc. — Insurrection de Strasbourg, etc.

[60] Œuvres de Napoléon III, déjà cité. — Persigny, Relation, etc. — Insurrection de Strasbourg, etc. Laity, déjà cité. Gallix et Guy, Louis Blanc : Les acclamations redoublèrent. T. V, p. 125.

[61] Insurrection, etc.

[62] Déposition du lieutenant Bocave.

[63] Insurrection de Strasbourg, etc.

[64] Insurrection de Strasbourg, etc

[65] Insurrection de Strasbourg, etc. Déposition de Gaudouin.

[66] Insurrection de Strasbourg, etc. Interrogatoire de Quérelles.

[67] Insurrection de Strasbourg, etc. Interrogatoire de Quérelles.

[68] Œuvres de Napoléon III.

[69] Œuvres de Napoléon III. Laity, Persigny. ouvr. déjà cité, Insurrection, etc.

[70] Quoiqu'il fût trop matin pour rencontrer beaucoup de monde, cependant les habitants, attirés par le bruit, se réunirent en foule au cortège et mêlèrent leurs acclamations à celles des soldats. Vive Napoléon III ! Vive le Président de la République ! Vive le Premier Consul ! Vive Napoléon ! Vive la liberté ! étaient les cris qui se faisaient entendre. C'est le neveu de l'empereur, disaient les soldats en montrant le prince ; c'est aussi le neveu du prince Eugène et le petit-fils de l'impératrice Joséphine, répétait le peuple, et il l'entourait, se pressait autour de lui et le séparait de la troupe... Persigny, Relation, etc. Laity raconte que les démonstrations étaient tellement enthousiastes que le colonel devait faire ouvrir la marche par des canonniers à cheval. Des hommes du peuple venaient embrasser l'aigle portée par de Quérelles. Des portes s'ouvraient de loin en loin, montrant sur le seuil des maisons quelques habitants au visage étonné ; et si, parmi les rares passants qu'on rencontrait, il y en avait qui, enflammés par la vue de l'aigle, se joignaient impérieusement au cortège, d'autres le suivaient d'un mouvement machinal ou s'arrêtaient, interdits, pour le voir passer. Louis Blanc, Histoire de Dix Ans. — Voir aussi : Œuvres de Napoléon III : Quoi qu'on en ait dit, sur toute la route que j'ai parcourue. je reçus des témoignages les moins équivoques de la sympathie de la population ; je n'avais qu'à me débattre coutre la véhémence des marques d'intérêt qui m'étaient prodiguées. — Attirés par le bruit, des ouvriers, des bourgeois, des citoyens de toutes les classes accouraient et se joignaient au cortège... Il y en avait qui criaient : Vive Napoléon III ; d'autres : Vive le premier consul ! Ceux-ci : Vive le président de la République ! Ceux-là : Vive l'empereur. Un homme du peuple s'approcha de Louis Bonaparte : Quel gouvernement aurons-nous ? — Celui que la nation voudra. Maurin, Histoire de la chute des Bourbons, t. VI, p. 64.

[71] Insurrection de Strasbourg, etc.

[72] Insurrection de Strasbourg, etc.

[73] Insurrection de Strasbourg, etc.

[74] Insurrection de Strasbourg, etc.

[75] Insurrection de Strasbourg, etc.

[76] Déposition de Voirol : Je repoussai avec indignation, du geste et de la voix, une proposition qui, si je l'eusse acceptée, m'eût déshonoré et eût peut-être jeté le pays dans l'anarchie et la guerre civile. J'adressai au colonel Vaudrey des paroles sévères ; je lui reprochai sa conduite et l'abus qu'il faisait de son autorité je le rendis responsable sur sa tête de la discipline de ses soldats. Il me dit que toute la garnison était à eux. Je lui répondis qu'il était dans l'erreur et que bientôt il aurait la certitude que tous les corps resteraient fidèles à leur serment et qu'aucun d'eux ne suivrait le coupable exemple qu'il leur avait donné. Ils restèrent comme stigmatisés de mes paroles, et je ne crois pas qu'ils y répondirent un seul mot. Devant la Cour, Vaudrey ne peut pas accuser Voirol ; il ne le veut pas non plus car, dans le plan des conjurés, on avait déjà sans doute l'intention de le ménager pour une autre fois ; la façon dont Persigny en parle dans sa brochure le prouve. Néanmoins Vaudrey met à néant la belle attitude indignée du général quand il dit : Je prierai M. le Président de demander au lieutenant général si, lorsqu'il a repoussé le prince, celui-ci n'a pas paru tout étonné, comme s'il se fût attendu à un autre accueil... (Voir le récit du procès plus loin.) Ce qui démontre bien que Louis-Napoléon s'attendait à un autre accueil ; c'est qu'il n'aurait pas été chez le général sans cela. Louis Blanc qui, nous l'avons noté, mérite particulièrement d'être cru dans la circonstance, écrit : Quelques-uns ont pensé que le général Voirol tenait au chef des conjurés par des sympathies très vives, quoique secrètes, et que, s'il ne consentit pas à s'associer activement au complot, il se laissa du moins volontiers réduire à l’impuissance de le combattre. Mais cette hypothèse est démentie par l'ensemble des faits, etc. Elle est démentie surtout par le rôle de Voirol au dernier moment. Le général ne trahit pas, mais il avait hésité précédemment quant à ce qu'il devait faire et l'aventure eût tourné eu faveur du prince qu'il l'eût certainement suivie. A en juger par la conduite du général Voirol après cette malheureuse affaire, par les visites qu'il a faites au prince dans sa prison, par les larmes qu'il a versées sur le sort du neveu de l'empereur, dit Persigny, il dut se passer un pénible combat dans son Mue. Sans la reconnaissance qu'il devait avoir pour des bienfaits personnels, est-il bien mir que le sentiment seul de ses engagements politiques eût pu comprimer ses secrètes sympathies ? Dans sa déposition, Voirol insiste d'une façon gênante sur la véhémence avec laquelle il repousse Vaudrey et Parquin ; il prend même soin de dire qu'il fut grossier avec ce dernier. — Mme Gordon le croyait du complot, sans cela elle l'aurait tué ; nous l'avons vu.

[77] Déposition de Voirol.

[78] Déposition de Voirol.

[79] Déposition de Voirol qui ajoute en parlant de Parquin : Je le traitai comme il méritait de l'être ; mais j'épargnerai à la Cour les expressions énergiques de mon colloque avec lui.

[80] Insurrection de Strasbourg, etc. Déposition de Voirol. — L'échec chez Voirol n'avait pas une importance capitale ; si le mouvement réussissait partout. il ne comptait même pas. Ainsi Strasbourg était aux mains des conjurés ; rien ne semblait pouvoir arrêter la marche des événements. Trois régiments sur sis venaient de se ranger sans hésitation autour du prétendant ; les principales autorités étaient prisonnières ; la population paraissait bien disposée. Dans sa puissante rotation, ce tourbillon devait tout emporter... Tout jusque-là s'était passé avec un ensemble admirable ; aucun détail do programme n'axait été omis ; aucune faute n'avait été commise ; jamais conspiration n'avait suivi si fidèlement son ordre du jour. La charge en douze temps avait été appliquée à la théorie révolutionnaire. Maurin, ouv. déjà cité p. 64-65. — L'auteur ne fait dépendre l'échec que du mauvais chemin pris pour atteindre la Finckmatt (voir note 3, p. 155) et de la suspicion jetée sur Vaudrey.

[81] Insurrection de Strasbourg, etc. Déposition de Voirol.

[82] Insurrection de Strasbourg, etc. Déposition de Voirol.

[83] Insurrection de Strasbourg, etc. Déposition de Voirol.

[84] Insurrection de Strasbourg, etc. Déposition de Voirol.

[85] Insurrection de Strasbourg, etc. Déposition de Voirol.

[86] Déposition du capitaine Chausson.

[87] Déposition de Voirol.

[88] Rapport de Voirol.

[89] Déposition de Voirol.

[90] Déposition de Voirol.

[91] Déposition de Chrétien-Aloise Votz, portier de la préfecture. — Déposition de Anti de Cointel, valet de chambre du préfet : Des canonniers se présentèrent à moi et me demandèrent les clefs de l'appartement ; je les donnai. Ils entrèrent et forcèrent M. le Préfet de s'habiller, ce que celui-ci fit très lentement.

[92] Déposition de M. Choppin d'Arnouville.

[93] Déposition de Votz.

[94] Déposition de M. Choppin d'Arnouville.

[95] Insurrection de Strasbourg, etc.

[96] Déposition de Jacquet. — Déposition de M. Choppin d'Arnouville ; Un sous-officier resta près de moi. Je protestais toujours ; je lui demandai par les ordres de qui j'étais traité d'une manière si inouïe. C'est par les ordres du colonel Vaudrey et du général Voirol, répondit-il. — Du général Voirol ? répliquai-je ; vous ajoutez le mensonge au crime.

[97] Déposition de M. Choppin d'Arnouville. Ils me firent entrer d'abord dans la salle de discipline. C'était un lieu infect ; je réclamai vivement.

[98] Persigny, Relation, etc. Insurrection de .Strasbourg, etc.

[99] Cependant on se mit en marche pour se rendre à la caserne Finckmatt ; mais par une fatalité inconcevable, dont il est impossible de bien se rendre compte, la colonne prit la direction du faubourg de Pierre et le prince, persuadé qu'on le conduisait au chemin du rempart, suivit l'impulsion si malheureusement donnée. Il parait qu'au milieu des cris d'enthousiasme des soldats et de la foule qui commençait à grossir, dans ce moment de tumulte inséparable d'un pareil événement, aucun officier ne pensa à expliquer à la tête de la colonne la direction qu'il fallait suivre... La colonne, sans guide, sans direction, continua sa marche et alla se masser dans le faubourg de Pierre. De là encore on pouvait se rendre sur le rempart en tournant le quartier Finckmatt mais un bandeau couvrait tous les peut. Le prince fut conduit dans la cour de la caserne avec un petit groupe d'officiers. Où suis-je donc ? s'écria-t-il en arrivant dans cette cour ; et il comprit tout de suite la faute qui venait d'être faite. Mais il n'était plus temps de reculer. Persigny, Relation, etc. Louis-Napoléon devait arriver sur le rempart en face de la caserne, de façon à se présenter à l'infanterie musique en tête, escorté par tout le régiment de Vaudrey. Du rempart au bâtiment d n'y avait que vingt à vingt-cinq pas, d'où le prince pouvait haranguer les troupes. Si l'affaire manquait, si l'infanterie ne se laissait pas entrainer, si même elle voulait arrêter le mouvement, rien ne pouvait empêcher Louis-Napoléon de se retirer par le rempart. Un piquet de soixante chevaux suffisait pour empêcher pendant le temps nécessaire l'infanterie de déboucher par la grille. et le prince, en longeant le rempart, arriverait par la ligne la plus courte aux parcs et aux régiments qui l'attendaient. Au lieu de cela, le prince fut pris dans la Finckmatt comme dans une souricière. Selon toute vraisemblance, il y eut ici une erreur ; on peut se demander toutefois, avec réserve, s'il n'y eut pas trahison.

[100] Insurrection de Strasbourg, etc. Dépositions des accusés et des témoins.

[101] Insurrection, etc.

[102] Insurrection, etc.

[103] Insurrection, etc.

[104] Insurrection, etc.

[105] Insurrection, etc.

[106] Insurrection, etc.

[107] Insurrection, etc.

[108] Louis Blanc, Histoire de Dix ans, t. V.

[109] Insurrection de Strasbourg, etc. Ce fut probablement Tallandier qui parla ainsi. — Cependant on ne peut l'affirmer : Il n'en faut pas davantage pour semer la défiance dans l'esprit du Une lutte s'engage ; quelques fantassins prennent le parti de leur chef ; la scène, en quelques minutes, change complètement. A la voie du colonel Tallandier qui survient, et leur jure qu'ils sont les dupes d'une indigne supercherie, les soldats se retournent contre celui qu'ils acclamaient naguère et menacent le 4e. Le tumulte, le désordre sont à leur comble. Dans un espace étroit. entouré de hautes murailles, les deux régiments entassés, confondus, roulent comme les vagues sous la tempête. Les sabres, les baïonnettes étincellent ; les mousquetons sont chargés. Amis et ennemis, personne ne se reconnaissait, car tous ont le même uniforme... Les conspirations sont comme les réseaux, une maille brisée emporte l'ouvrage tout entier. Maurin, Hist. de la chute des Bourbons, déjà cité t. VI, p. 16.

[110] Quelle horrible position a été la mienne au milieu du 46e de ligne, dit Louis-Napoléon. J'étais venu consulter un sentiment national et je pouvais voir la force de ce sentiment dans la fureur même des soldats dont les baïonnettes étincelaient sur ma poitrine, déchiraient mes habits... car, exaspérés par la croyance qne je n'étais pas le neveu de l'empereur, ils me reprochaient dans les termes les plus violents d'avoir usurpé le grand nom de Napoléon. Persigny, Lettres de Londres, Paris, Levavasseur, 1840.

[111] Déposition de Salleix.

[112] Déposition de Pleignier.

[113] Ibid. Et les dépositions des autres témoins.

[114] Déposition de Gricourt, etc.

[115] Déposition de Pleignier. de Parquin, de Homet, etc.

[116] Un coup de feu, une parole engageait le combat. Au moment suprême qui décide de la victoire ou de la défaite, la résolution du prince faillit : faut-il attribuer son trouble à l'inexpérience ou au remords de soir tant de braves gens sur le point de s'entre-tuer pour l'ambition d'un seul ?... Quoi qu'il en soit, il refusa de donner le signal : dés lors toute chance de succès était perdue. D'Alton-Shée, Mémoires, p. 113, t. I.

[117] Louis Blanc, Histoire de Dix ans. 

[118] Dépositions de tous les témoins.

[119] Dépositions de tous les témoins.

[120] Déposition du capitaine Morin.

[121] Déposition du sergent Debarre : Le commandant Parquin faisait voltiger son sabre de tierce et de quarte, tous les tremblements, quoi ! — Déposition de Parquin.

[122] Déposition du sergent Kubler ; déposition du lieutenant-colonel Tallandier.

[123] Déposition de Parquin.

[124] Déposition des témoins.

[125] Déposition de Tallandier.

[126] Déposition de Tallandier.

[127] Déposition de Tallandier.

[128] Déposition de Tallandier.

[129] Déposition de Kubler.

[130] Déposition des témoins.

[131] Le témoin : Oui, il y a même eu un coup de sabre dirigé sur ma poitrine par le prince ou le colonel. J'étais tué sans la présence d'esprit des sergents-majors Richard et Meynard, qui m'ont précipitamment arraché. — Le colonel Vaudrez explique que ce ne peut pas être lui qui a porté ce coup.

[132] Note précédente, déposition de Pleignier.

[133] Déposition de Tallandier.

[134] Déposition de Tallandier.

[135] Déposition de Tallandier.

[136] Déposition du sergent Kubler.

[137] Déposition du fusilier Jean Morvan. Le Président : Est-ce le colonel Vaudrey qui a crié aux armes ? — Le témoin : Non, c'était l’empe.... s'entend, le petit jeune homme.

[138] Déposition de Tallandier.

[139] Déposition de Tallandier.

[140] Déposition de Tallandier.

[141] Déposition de Tallandier et des autres témoins.

[142] Ce fut un spectacle, ce fut un moment terrible. Ici les fantassins abaissant leurs baïonnettes ; là, les artilleurs penchés sur leurs mousquetons et prêts à faire feu ; au-dessus, et le long des remparts, le peuple se répandant en vœux pour le prince et accablant l'infanterie d'une grêle de pierres au milieu de clameurs confuses, du roulement des tambours, du cliquetis des armes et du piétinement des chevaux. Mais tout cela fut de courte durée. C'est être vaincu, dans une insurrection, que de tarder à vaincre. L. Blanc, Histoire de Dix ans.

[143] Déposition de Tallandier.

[144] Déposition de Tallandier.

[145] Déposition de Tallandier.

[146] Interrogatoire de Vaudrey.

[147] Interrogatoire de Vaudrey et déposition des autres témoins.

[148] Déposition de Vaudrey.

[149] Déposition de Tallandier, dép. de Petit-Grand. A propos de la résistance que Tallandier déclarait impossible et de l'histoire de Charles X, le témoin dit en parlant de Vaudrey : Qu'il le crut ou ne le crut pas.

[150] Déposition de Tallandier.

[151] Déposition de Tallandier.

[152] Déposition de Gricourt.

[153] Déposition de Gricourt. Lettre à la reine Hortense.

[154] Insurrection de Strasbourg, etc.

[155] Œuvres de Napoléon III.

[156] Œuvres de Napoléon III.

[157] Œuvres de Napoléon III.

[158] Insurrection de Strasbourg, etc.

[159] Rapport du général Voirol.

[160] Déposition du sergent Loget. — A l'audience, Gricourt nie ces propos, mais il est évident qu'il les tint. D'Alton-Shée, dans ses Mémoires, a justement comparé Gricourt à un Français de la Fronde aimable, galant et brave ; en 1835 il avait été présenté au Jockey-Club par du Hallay ; celui-ci, prenant d'office envers son jeune ami le rôle de tuteur, lui avait ménagé avec le marquis de Jumillac un premier duel, bientôt suivi de plusieurs autres. Après peu d'années de la vie de plaisirs, Gricourt était entré, à Baden, en relation avec Louis-Bonaparte. Sa hardiesse, sa gaieté donnaient au complot quelques traits de ressemblance avec les conspirations sous Louis XIII..., p. 188, 85, t. I. — Quérelles avait noté l'action de trois cents gueulards. Quérelles et Gricourt représentaient l'élément élégant de la conspiration.

[161] Un auteur célèbre, doué d'une faculté créatrice si puissante qu'aucun ne l'a peut-être égalée, mécontent de la vertueuse société politique de son temps, imagina d’en créer une à son goût, sinon à son image. Avec un relief, une réalité, une vie prodigieuses, il a peint un monde fantastique, rempli de gens de toute sorte qui ne pensent qu'à se donner la plus grande somme de plaisir, d'amours et d'argent et qui emploient à cela toutes les ressources et toutes les facilités du pouvoir... Ces romans étaient si attachants, le talent de l'auteur, réaliste en tout sauf dans sa conception générale, était si supérieur, l'esprit public si perverti, qu'il se trouva des gens, non seulement pour s'amuser, comme d'une féerie, du spectacle de cette société imaginaire, mais pour la prendre comme modèle. La littérature n'était plus la peinture de la société, mais la société se modelait sur les fictions do la littérature. Paul de Rémusat, A Thiers, Hachette, 1889.

[162] Déposition de Lespiaux, chirurgien des pontonniers.

[163] Quérelles, de son côté, dit à haute voix au prince : Malgré notre défaite, je suis encore fier de ce que j'ai fait.

[164] Œuvres de Napoléon III.

[165] Insurrection de Strasbourg, etc.

[166] Œuvres de Napoléon III, déjà cité.

[167] Œuvres de Napoléon III.

[168] Insurrection de Strasbourg, etc. — Dans toutes les aventures auxquelles il prend part. Persigny se révèle l'homme d'action par excellence. On peut dire que l'action lui était nécessaire, même physiquement. Je tiens de son ancien secrétaire intime, le comte d'Espagny, qui publia ses Mémoires (Plion, 1896), qu'il se montrait amena au point de ne pouvoir poser devant un appareil photographique ; malgré lui, sa figure se contractait. Cette nervosité ne gênait pas son intelligence ; seulement celle-ci se voulait vite réalisée. Ses décisions, comme sa volonté, s'exprimaient aussitôt et dans n'importe quelles circonstances ; elles étaient rime et l'autre implacables, mais cédaient si Louis-Napoléon ordonnait d'une façon différente. Ainsi Fialin avait été d'avis d'attendre encore avant Strasbourg, afin de préparer l'opinion, et même d'agir d'une autre manière, mais l'action une fois décidée, il en fut l'ouvrier le plus actif. Selon lui, le prince, devait se rendre incognito à Paris, écrire aux Chambres pour les supplier de mettre fin à un exil que sa qualité de Français rendait insupportable, leur demander un grade de sous-lieutenant dans l'armée et leur déclarer qu'il était d'ailleurs à Paris et qu'on pouvait s'emparer de lui. La presse entière, ajoutait M. de Persigny, reproduira votre lettre ; on s'emparera de votre personne et l'on vous reconduira à la frontière. Mais vous aurez laissé à la France une carte de visite dont elle se souviendra... H. Castille, Le comte de Persigny, Sartorius, 1857. — Persigny, dit le même auteur, a, selon nous, une physionomie parfaitement distincte de tout ce qui l'entoure ; je ne sais si je me trompe, mais j'imagine que, si le vaisseau de l'État venait à couler, plutôt que de quitter sou capitaine, M. de Persigny se laisserait couler avec le bâtiment, p. 6.

[169] Insurrection de Strasbourg, etc. de Barins. ouv. déjà cité.

[170] Insurrection de Strasbourg, etc. de Barins. ouv. déjà cité.

[171] Insurrection de Strasbourg, etc. de Barins. ouv. déjà cité.

[172] Insurrection de Strasbourg, etc. de Barins. ouv. déjà cité.

[173] Insurrection de Strasbourg, etc. de Barins. ouv. déjà cité.

[174] Insurrection de Strasbourg, etc. de Barins. ouv. déjà cité.

[175] Insurrection de Strasbourg, etc. de Barins. ouv. déjà cité.

[176] Insurrection de Strasbourg, etc. de Barins. ouv. déjà cité.

[177] Insurrection de Strasbourg, etc.

[178] Insurrection de Strasbourg, etc.

[179] Les mots soulignés laissent des doutes, le brumaire survenu sur la ligne ne permet ni de recevoir la fin de la dépêche, ni d'éclaircir le passage douteux. Rapport de M. Foy, directeur-administrateur des télégraphes.

[180] Insurrection de Strasbourg, etc.

[181] Insurrection de Strasbourg, etc.

[182] Le château fut consterné. Dans une si longue série de conspirations, d'émeutes, de secousses, l'impuissance du gouvernement éclatait d'une manière sinistre. Pour couvrir la gravité des événements, tout fut mis en œuvre. Les feuilles ministérielles n'insistèrent que sur la puérilité de l'entreprise, qu'elles appelèrent une échauffourée ; les agents du pouvoir reçurent ordre de fermer les yeux sur un grand nombre de coupables ; on n'eut pas honte d'affirmer, dans des relations officielles, que le 4e régiment d'artillerie avait seul pris part au mouvement, et l'on se contenta de destituer sans bruit doua officiers du 3e. Louis Blanc, Histoire de Dix ans, t. V. — A la nouvelle du complot de Strasbourg que le ministre cherchait vainement à amoindrir sous le nom d'échauffourée, la surprise du pays légal fut extrême. D'Alton-Shée, Mémoires, p. 180, t. I.

[183] Mémoires de Véron, t. IV.

[184] En réponse aux soupçons dont quelques esprits défiants poursuivaient le général Voirol, on l'éleva à la dignité de pair de France, et des remerciements furent adressés à la garnison de Strasbourg pour sa fidélité à la dynastie d'Orléans. L. Blanc, Histoire de Dix ans, t. V.

[185] Voir un peu plus loin les citations du texte.

[186] Girardin ne prévoyait d'ailleurs pas où conduirait le principe d'industrialisme dont il fut un des plus ardents pionniers. A son époque, l'industrie était une lumière nouvelle, faisant même reculer les autres. On y voyait un gage de liberté ; l'intelligence paraissait devenir un capital au rapport sûr. — Il n'y a pas d'hommes, y compris les rédacteurs du Journal des Economistes, il n'y a point de publicistes qui aient industrialisé les intelligences françaises autant que l'a fait M. de Girardin. Il est le héraut d'armes de l'industrie. N'était la crainte de porter trop loin l'esprit de symbolisme, je me plairais à voir dans le mortel coup de pistolet dont il frappa M. Carrel, la démocratie de l'avenir écrasant la république formiste de l'antiquité.... H. Castille, Les hommes et les mœurs en France sous le règne de Louis-Philippe. Delahays, 1S56. — Castille ne vécut pas assez longtemps non plus pour voir où menait l'industrialisme exclusif et que, hors de sou domaine propre, appliqué à la pensée humaine dans sa forme littéraire, il était déplorable parce qu'il enchainait fatalement la réussite de celle-ci à ce qu'il v a de moins vrai et de moins intéressant, de plus factice et de plus vulgaire ; l'opinion générale momentanée. — II faut espérer que l'industrialisme, à sou tour, atteindra la limite de son développement et qu'alors il sera classé ; mais, au point où nous en sommes, il est difficile de prévoir cette borne protectrice si nécessaire. L'intelligence, en dépendant d'autre chose que d'elle-même et de son libre exercice, diminue ou stationne. Pensant plus à se faire reconnaître qu'à se développer, elle se répète et recule. Hors du terrain matériel, elle est niée ou ignorée. L'intelligence a besoin de loisirs et l'industrie les tient en méfiance ; l'intelligence ne peut se passer de rentes aujourd'hui, et l’industrie les discute ; l'intelligence a un premier but, absolument désintéressé : elle-même, et l'industrie n'admet que l'utile. Enfin industrialiser l'intelligence est une expression juste, mais monstrueuse. Si j'avais du goût pour la déclamation, je dirais qu'elle est la honte d'une époque aussi admirative d'elle-même que la nôtre ; je préfère simplement en souligner le ridicule.

[187] Mémoires de Metternich.

[188] Ce soulèvement avait été conçu par un homme d'un grand courage et d'une trempe rare, Bruyant, brigadier. Arrêté, il se débarrassa de ses gardes, déchargea sou pistolet sur un sous-officier qui lui barrait le chemin et traversa la Loire à la nage. Il réussit à dépister tout le monde et aurait pu sauver sa vie ; mais, ses camarades ayant été pris, il voulut partager leur sort et revint se constituer prisonnier.

[189] L. Blanc, Histoire de Dix ans, déjà cité.

[190] Insurrection de Strasbourg, etc. Laity déjà cité etc.

[191] Œuvres de Napoléon III, éd. déjà citée.

[192] Œuvres de Napoléon III.

[193] Œuvres de Napoléon III.

[194] Insurrection de Strasbourg, etc.

[195] Œuvres de Napoléon III, éd. déjà citée.

[196] Œuvres de Napoléon III.

[197] Œuvres de Napoléon III.

[198] Louis Blanc, Histoire de Dix ans.

[199] Œuvres de Napoléon III.

[200] De Ballehache, Prétendants, déjà cité. — Saint Amand, Louis Napoléon et Mlle de Montijo, déjà cité.

[201] Œuvres de Napoléon III. Insurrection de Strasbourg, etc.

[202] Insurrection de Strasbourg, etc.

[203] Insurrection de Strasbourg, etc.

[204] Il n'avait pas prévu que, familiarisés avec le mensonge, les courtisans dénatureraient cette démarche d'une manière odieuse et la transformeraient ennuie solennelle promesse faite par lui de rester en Amérique pendant dix ans. L. Blanc, Histoire de Dix Ans.

[205] Les protestations ne servent jamais à rien ; il fut obligé de renouveler celle-ci par la suite. Voir vers la fin du volume la lettre à Capefigue.

[206] A la première nouvelle de l'arrestation de son fils, la reine, accompagnée de Mme de Salvage, et sous le couvert d'un passeport, s'était mise en roule. Elle s'arrêta au château de Viry, chez la duchesse de Raguse, envoyant Mme de Salvage à Paris. Celle-ci informa aussitôt de son arrivée le président du Conseil. M. Molé donna l'assurance que le prince ne serait pas mis en jugement et qu'aussitôt nus-traction terminée, on l'enverrait sur un bâtiment de guerre en Amérique. Il ajouta que la duchesse de Saint-Leu recevrait l'ordre de l'y rejoindre dans le plus bref délai : il donnait à entendre que le sol helvétique ne serait pas même une garantie pour la reine dans le cas où elle se refuserait à l'invitation qui lui était faite de quitter le continent. Il conseilla finalement à Mme de Salvage de fuir Paris le jour même. — On sait qu'il ne fut pas donné suite à ces menaces. — La reine Hortense accourut à Paris sous un nom supposé, s'arrêta à Viry, près de Paris, chez la duchesse de Raguse et. de là, s'adressa à M. Molé et au roi. Mémoires de Guizot, L IV.

[207] Œuvres de Napoléon III.

[208] Œuvres de Napoléon III.

[209] Œuvres de Napoléon III.

[210] Insurrection de Strasbourg, etc. Nous nous sommes servis également pour toute la partie du récit qui commence à l'arrivée de Lebel d'une lettre de l'empereur à un journaliste de Boston. (Collection A. L.)

[211] Œuvres de Napoléon III.

[212] Œuvres de Napoléon III.

[213] Laity, ouv. déjà cité.

[214] Laity, ouv. déjà cité.

[215] Insurrection de Strasbourg, etc.

[216] Laity, ouv. déjà cité.

[217] Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps ; déjà cité. — C'était, en réalité, une restitution partielle sur les 200 000 francs saisis sur lui au moment de son arrestation. — E. Ollivier, Louis-Napoléon et le coup d'État, déjà cité, p. 32.

[218] Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps ; déjà cité.

[219] Gazette de France du 4 mars 1831.

[220] Œuvres de Napoléon III. — Le roi Jérôme était scandalisé par l'entreprise de Strasbourg. Il dit à un de ses amis : Je préférerais donner ma fille à un paysan qu'à un homme assez ambitieux et égoïste pour aller jouer la destinée d'une pauvre enfant qu'on allait lui confier. ; à un autre, il déclare que Louis-Napoléon, dût-il être empereur, il ne lui donnerait jamais sa fille. La reine Hortense, cette fois, ne put retenir un cri de colère : — Plus je pense à la conduite de ta famille et plus elle me confond. J'ai entendu souvent l'empereur s'écrier : Je voudrais être bâtard ! (Giraudeau, Napoléon III intime, déjà dit). — On connait la réponse de Napoléon III au prince Napoléon lui criant un jour : Vous n'avez rien de l'empereurJ'ai du moins sa famille, répondit le souverain.

[221] Œuvres de Napoléon III.

[222] Lettre de Napoléon III à un journaliste de Boston. La frégate n'ayant rien à faire au Brésil, ce détour a donc été ordonné pour m'empêcher de communiquer avec les accusés de Strasbourg avant la fin du procès.

[223] Lettres de Napoléon, etc.

[224] Insurrection de Strasbourg, etc.

[225] Tout le long de la traversée, il avait été entouré de la sympathie de l'équipage. Officiers et matelots cherchaient à lui rendre moins triste l'Andromède qu'il appelait une patrie flottante. — En voyant le prince au milieu de nous, disait depuis l'un d'eux, ou l'eût plutôt pris pour un amiral à son bord que pour un déporté. F. Giraudeau, Napoléon III intime, p. 66.

[226] L'Observateur des tribunaux.

[227] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques. Strasbourg, par A. Fermé, A. Le Chevalier, 1468, etc. Le procureur général résumait fort bien l’aventure napoléonienne, de manière à ce que le pays ne pût douter qu'un prétendant véritable existait. Dès le mois de mai 1832, il (Louis-Napoléon) cherche à nouveau à s'emparer de la scène. Le jeune soldat dont l’épée venait d'être brisée en Italie se saisit de la plume : aux tentatives du guerrier succèdent celles du législateur... Des lames de sabre saisies à Strasbourg avant l'événement du 30 octobre et sur lesquelles se trouvent et les mots Garde impériale, prouvent que Louis Bonaparte n'a point cessé de songer sérieusement à l'accomplissement de la disposition finale du pacte qu'il voulait octroyer. Il est à remarquer qu'a l'époque de la publication des Rêveries politiques, le jeune duc de Reichstadt vivait encore ; mais on ne saurait oublier en même temps qu'il était atteint d'une maladie mortelle et qui laissait sans doute à ses héritiers moins qu'à tout autres l'espoir d'une guérison : tout donne lieu de croire que sous le voile de l'esprit de famille, Louis Bonaparte cherchait à faire valoir un intérêt plus intime encore et qui lui était entièrement personnel. Les faits qui ont suivi viennent entièrement à l'appui de ces assertions. Depuis 1832, tous les efforts de Louis Bonaparte tendent à appeler sur lui l'attention. Il publie de nouvelles brochures... Plus tard, une main amie trace son histoire dans la Biographie des hommes du jour : on eu tire de nombreux exemplaires. D'un autre côté, il cherche à avoir des liaisons avec les mécontents... il recrute des adhérents dans toutes les classes de la société...

[228] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[229] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[230] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[231] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[232] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[233] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[234] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[235] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[236] Insurrection de Strasbourg. — Les grands procès politiques, Strasbourg.

[237] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[238] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[239] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[240] Les grands procès politiques, Strasbourg. — Mme. Gordon sembla une fois encore embarrasser, à la lecture de l'acte d'accusation. quand on parla d'elle ; elle baissa les yeux.

[241] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[242] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[243] Pour achever de décider Vaudrey, le prince lui montra un papier par lequel il faisait une rente à ses deux enfants au cas qu'il serait tué. Vaudrey déchira le papier en disant : Je ne vends pas mon sang, je le donne. Il n'y avait donc pas que de l'ostentation dans la phrase du colonel.

[244] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[245] Insurrection de Strasbourg, etc.

[246] Les grands procès politiques, Strasbourg. — Parquin fit une grande impression sur le public. — Parlant de la veillée d'armes, il dit : Les heures nous semblaient lentes, bien lentes : — L'horloge était de plomb... Oui ! mille francs ! mille francs ! Nous les aurions payées mille francs !

[247] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[248] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[249] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[250] Les grands procès politiques, Strasbourg. — Gricourt, pour son âge, se défendit extrêmement bien et avec une sûreté de parole peu commune.

[251] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[252] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[253] Les grands procès politiques, Strasbourg. — Le président. Vous étiez très liée avec le colonel Vaudrez, — R. Non, monsieur. (Chuchotements.) — Le président. Prenez garde... A Bade, vous avez logé avec le colonel Vaudrey. — R. Je l'ai vu à Bade, mais j'avais pris un logement pour moi seulement et ma femme de chambre. — D. A Dijon, vous logiez au Chapeau rouge. Vous avez reçu du colonel une lettre qui vous a causé une vive émotion. — R. Non, monsieur. — D. En revenant à Strasbourg, vous êtes-vous arrêtée en route ? — R. Oui, à Colmar. J'étais indisposée et j'ai été obligée de m'arrêter, bien que j'aime aller vite en voyage. -- D. Vous êtes cependant allée ailleurs selon le colonel Vaudrey. — R. Oui, monsieur, nous sommes allés à Neuf-Brisach ou Vieux-Brisach, je ne sais pas bien. — D. Vous êtes allés aussi à Fribourg,. Or. dans une pareille saison et indisposés tous deux, ou ne comprend pas un voyage d'agrément. Vous prétendez que vos relations avec le colonel Vaudrey n'étaient point intimes ; cependant il est constant que vous avez logé dans son appartement. (Une assez vive rougeur colore les joues de la dame Gordon.) — R. Par suite d'un accident de voyage, je m'étais démis l'épaule ; je souffrais beaucoup. Deux chirurgiens étaient presque constamment près de moi pour nie soigner. Il me semble que ce sont là des circonstances qui me justifient suffisamment contre les apparences.

[254] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[255] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[256] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[257] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[258] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[259] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[260] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[261] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[262] Les grands procès politiques, Strasbourg.

[263] A Maurin, Histoire de la chute des Bourbons, déjà cité t. VI. — L'affaire de Strasbourg amena au prince la sympathie de beaucoup de républicains. Ce fut le 21 novembre, dit Louis Blanc, que le neveu de Napoléon s'éloigna de cette terre sacrée de France où l'avait poussé tout ce qui peut éveiller les puissances de l'âme : orgueil du nom, pensées de gloire, ressentiment légitime, amour de la patrie, mêlé a l'ardeur des désirs ambitieux. Vaincu, il laissait derrière lui le dénigrement et le sarcasme. Mais les républicains qui l'auraient poursuivi et abattu peut-être au sein de la victoire protégèrent noblement sa défaite et demandèrent respect pour son malheur. Ceux de cette époque n'avaient en effet aucun rapport avec ceux d'aujourd'hui qui n'ont de républicain que l'étiquette, Ils étaient les serviteurs de ce qu'ils pensaient être l'autorité logique ; et ils aimaient l'autorité. On se rend compte de leur façon de penser en lisant la curieuse introduction qu'Hippolyte Castille mit à son Histoire de la Seconde République française (Lecou, 1881). Les lignes suivantes, d'Armand Carrel, à propos de Cromwell, sont également typiques : Il fut heureux pour l'Angleterre qu'un tel homme prit sur lui la responsabilité d'une violence inévitable, parce que l'ordre vint de l'usurpation au lieu de l'anarchie, et que l'ordre est nécessaire. Partout et dans tous les temps, ce sont les besoins qui ont fait les conventions appelées principes et toujours les principes se sont tus devant les besoins. Il fallait ici de la sécurité, du repos, une grandeur qui imposât aux ennemis extérieurs de la Révolution et aux intérêts commerciaux ennemis de ceux de l'Angleterre. Il fallait une administration qui comprit tons les partis et n'appartint à aucune, qui fut instruite de toutes les idées de ce temps et n'en professât exclusivement aucun, qui se servit de l'armée et ne se mil point à sa suite. Cromwell eut raison contre les royalistes, parce qu'ils étaient ennemis du pays, contre les presbytériens, parce qu'ils étaient intolérants et ne comprenaient pas la révolution, contre les niveleurs, parce qu'ils demandaient l'impossible : enfin, contre les républicains exaltés parce qu'ils ne comprenaient pas l'opinion générale. Histoire de la contre-révolution en Angleterre. Sautelet, 1897.— Cette école républicaine intelligente savait comprendre qu'il n'y eût qu'un parti logique avec lui même, réellement mené, pendant la Révolution française, celui de la Montagne ; elle amnistiait Robespierre au nom du principe d'autorité que seul, au milieu de la débâcle rouge, il avait osé revendiquer et maintenir ; elle tournait le dos aux enthousiastes mais absurdes Girondins, expression poétique du parlementarisme infécond, Louis-Napoléon avait avec elle, par la pensée et sa façon de concevoir la politique, des attaches plus profondes qu'il ne le pensait lui-même. En créant l'Empire, il menait jusqu'au bout la théorie républicaine d'autorité.

[264] Insurrection de Strasbourg, etc.

[265] Insurrection de Strasbourg, etc.

[266] Insurrection de Strasbourg, etc.

[267] Insurrection de Strasbourg, etc.

[268] Insurrection de Strasbourg, etc. — Le Courrier du Bas-Rhin avait fait faire les portraits des accusés eu lithographie et le préfet eu avait interdit la vente. Tout le monde s'en indignait. Quelques personnes se communiquaient un écrit autographié qui contenait un projet de défense préparé par le prince. Strasbourg, etc.

[269] Le Moniteur des 20 et 2t janvier dit : Tout l'auditoire est en larmes... C’est d'une voix émue que le président lui-même ordonne la traduction de cette réplique.

[270] Insurrection de Strasbourg, etc.

[271] Insurrection de Strasbourg, etc.

[272] Insurrection de Strasbourg, etc. Voir les journaux du temps, notamment le Courrier du Bas-Rhin et le Siècle : La ville de Strasbourg prit un air de fête on offrit aux accusés un banquet somptueux et les émotions furent prolongées par un duel entre le colonel Tallandier et le commandant Parquin, duel où celui-ci reçut une assez grave blessure, après avoir mis lui-même son adversaire en danger. L. Blanc, Histoire de Dix ans, t. V.

[273] Insurrection de Strasbourg, etc. — Cet enthousiasme frappa d'autant plus péniblement le roi et les hommes qui composaient son gouvernement que personne ne pensait que la France en fût encore capable. Pour un peu, sur le premier moment de la nouvelle, on aurait refusé d'y croire. La France, en effet, semblait à jamais endormie. Il n'y avait même plus de jeunesse française, ni dans les écoles, ni ailleurs ; la religion des intérêts matériels, prêchée S outrance, avait déjà tout vieilli, tout corrompu. Quant à l'armée, eu réalité, on n'avait plus de griefs ; elle pouvait quelquefois murmurer... tuais les officiers étaient les fils ou les frères des bourgeois dont le règne avait commencé et les sous-officiers et soldats, dans l'attente de leurs congés, subissaient sans trop de regrets le néant où les plongeait l’obéissance passive. Sous le drapeau, il n'y avait plus de poésie... L'incertitude était au fend du cœur. B. Renault, Histoire du prince Louis-Napoléon, déjà cité, 1852.

[274] Insurrection de Strasbourg, etc.

[275] Insurrection de Strasbourg, etc.

[276] Insurrection de Strasbourg, etc.

[277] Insurrection de Strasbourg, etc.

[278] Insurrection de Strasbourg, etc.

[279] A. Maurin, ouv. déjà cité.

[280] Il est probable que le Morning-Chronicle se moquait néanmoins doucement du pouvoir, ou cherchait au contraire à abonder dans ses vues officielles, lorsqu'il publiait les lignes suivantes ; Les prévenus de Strasbourg ont été acquittés. Cela devait être. Dès l'instant où l'on avait laissé partir le principal coupable, ses dupes n'aurait jamais dû être mises en jugement. Ce doit être une consolation pour le gouvernement miséricordieux de la France de voir un jury d'Alsace interpréter si bien sa pensée et imiter son exemple...

[281] Il est impossible de juger le peuple d'alors d'après celui d'aujourd'hui ; ces deux échantillons n'ont entre eux presque aucune ressemblance. Conspirer n'était rien pour lui ; mieux que cela, c'était presque une partie de plaisir. L'élan des Cent-Jours ne s'était pas tout â fait perdu. On peut se rendre compte de ce qu'il en était par la façon dont répondit au tribunal un conjuré en 1816. Cet homme était un simple ouvrier ciseleur et tint au juge ce langage parfaitement net : Monsieur, j'ai trente ans. Je suis presque né dans la révolution, et, dès mon bas-âge, dans ma famille et dans les écoles, on n'a cessé de m'inspirer de la haine pour le gouvernement actuel. J'aurais été bien aise de voir humiliés à leur tour ceux qui m'avaient humilié. J’ai cru qu'il ne s'agissait que de renverser le gouvernement. J'ai cru que cela se passerait comme au 20 mars : un gouvernement s'en va, un autre le remplace. Capefigue, Histoire de la Restauration, t. I. Charpentier, 1842. — A l'époque dont nous nous occupons, on osait moins, mais on pensait de même ; 1830 n'était pas une date bien éloignée ; le peuple était retenu un peu par l'idée que le gouvernement de Louis-Philippe était le sien, dans une certaine mesure, qu'il avait, du moins, contribué à l'établir. L'équivoque dissipé — grâce à l'opposition parlementaire — ce fut la révolution de 48.

[282] Mémoires, t. VI, Plon 1883.

[283] Vie et lettres de Washington Irving. Gallix et Guy, etc.

[284] Vindication.

[285] Vie et lettres de Washington Irving.

[286] Gallix et Guy, de Barins, etc., etc.

[287] Ouv. déjà cité. — Le passage suivant, notamment, était fort juste : Le parti républicain et le parti légitimiste lui paraissaient avoir de l'importance, mais seulement comme moyens de renversement ; il ne les croyait pas capables de reconstituer un ordre politique stable. Ses arguments tendaient à prouver que la France était antipathique à la légitimité et à la république, parce que. si elle craignait avec l'une les rancunes des prêtres et des nobles, elle avait à redouter avec l'autre les divisions intestines et les guerres d'invasion.. Puis l'auteur passait à l'examen d'un nouveau parti, dont il faisait l'historique. Il expliquait comment ce parti, que l'Europe croyait mort il y a peu d'années, était venu fixer de nouveau l'attention publique. Il pensait qu'une série d'événements, la tentative de Strasbourg, le verdict du jury d'Alsace, le procès Lally à la Cour des pairs, l'affaire suisse, etc., avaient, en attirant les regards sur un membre de la famille de l'empereur, ranimé des souvenirs populaires mal éteints ; il indiquait hypothétiquement les causes qui  pourraient faire prendre plus de consistance à ce parti et lui donner des chances dans l’avenir. Il ne craignait même pas d'avancer que, dans le cas où l'on ne réussirait pas à éviter une nouvelle catastrophe, une combinaison napoléonienne devait, selon toutes probabilités, l'emporter sur les autres, parce qu'elle pourrait tout, à la fois exercer une grande action sur les classes inférieures par le prestige de la gloire de Napoléon, présenter des garanties d'ordre public aux classes moyennes et plaire enfin aux hautes classes par le grandiose attaché aux souvenirs de l'empire....

[288] Insurrection de Strasbourg, etc.

[289] Lettre citée dans toutes les biographies du prince.

[290] Voir les notes précédentes à ce sujet.

[291] Relation de l'entreprise du prince Napoléon-Louis, déjà citée.

[292] Mon cher fils, on doit me faire une opération douloureuse ; si elle ne réussissait pas, je t'envoie par cette lettre ma bénédiction. Nous nous retrouverons, n'est-ce pas ? dans un meilleur monde où tu ne viendras me rejoindre que le plus tard possible ; et tu penseras qu'en quittant celui-ci je ne regrette que toi, que ta bonne tendresse qui seule m'y fait trouver quelques charmes. Cela sera une consolation. mon cher enfant., de penser que par tes soins tu as rendu ta mère heureuse autant qu'elle pouvait l'être... Bien sûr, ou se retrouve... Crois à cette douce idée : elle est trop nécessaire pour ne pas être vraie... Giraudeau, éd. déjà citée.

[293] Le gouvernement français se montra immédiatement inquiet. Le comte Molé écrivait au général Sébastiani : ... Je vous prie de ne rien négliger pour être exactement informé des démarches de ce jeune homme et de ses projets de voyage. Dans le cas où il quitterait l'Angleterre, vous voudriez bien m'avertir à l'instant par courrier et par le télégraphe de la direction qu'il aurait prise. I. de Saint-Amand, Louis-Napoléon et Mlle de Montijo.

[294] Gallix et Guy, etc.

[295] A Joseph qui lui adressait par trop de remontrances, il répondit : Que me reprochez-vous ? D'avoir rendu difficile votre séjour en Italie ou en Suisse ? Quand on craint d'être compromis, on abandonne toute idée politique. D'avoir tenté de prendre votre place et celle de mou père ? Nulle part je ne me suis posé en prétendant ; j’ai voulu mettre la nation en état de parler, reconnaissant que si elle rétablissait l'empire, c'est à vous qu'il appartiendrait. Les malédictions dont vous me foudroyez ne me troublent pas. Si L'empereur me voit du haut du ciel, il sera content de moi. Mon entreprise a avorté, mais elle a annoncé à la France que la famille de l'empereur n'était pas encore morte ; qu'elle comptait encore des amis dévorés ; que ses prétentions ne se bornaient pas à réclamer quelques deniers, mais à rétablir en faveur du peuple ce que les étrangers et les Bourbons avaient détruit. Voilà ce que j'ai fait ; est-ce à vous de m'en vouloir ? E. Ollivier, ouv. déjà cité, p. 14. — Il se réconcilia ensuite avec Joseph, grâce aux Idées napoléoniennes.

[296] Giraudeau, Napoléon III intime. G. Duval, Napoléon III, déjà cité.

[297] Cependant, à la nouvelle de l'insurrection de Strasbourg, le premier moment de colère passé, il pensa surtout aux dangers courus par son fils et lui envoya quand lierne sa bénédiction.

[298] Barins, déjà cité, Insurrection de Strasbourg, etc. H. Thirria, déjà cité, etc. Voir dans G. Duval, Napoléon III, la lettre de prince à son père.

[299] A. Morel, déjà cité.

[300] A. Morel, déjà cité.

[301] A. Morel, déjà cité. M. Bourgueney écrit à M. Molé : Londres, 31 juillet, 7 heures du soir. Sir F. Roc, chef de la police de Londres, vient m'annoncer qu'on a perdu les traces de Louis-Bonaparte : ou le croit parti pour le continent. Samedi 29, il a quitté l'hôtel qu'il habitait. Ses bagages ont été transportés chez un sellier dont il avait acheté récemment une voiture. Des chevaux de poste ont été demandés par le domestique qui accompagnait les bagages, et la voiture chargée est partie de Londres. Pendant cette espèce de déménagement simulé, Louis-Napoléon annonçait son départ pour Richmond et y a passé la nuit à l'auberge. Hier dimanche, il est revenu de Richmond en chaise de poste. Mais il s'est arrêté à la première barrière de Londres. Là, il est monté dans un omnibus. Depuis, on ne sait pas ce qu'il est devenu... La police anglaise n'a pu me donner aucun renseignement sur le port qu'il a choisi pour s'embarquer. I. de Saint-Amand, ouv. déjà cité.

[302] Giraudeau, Napoléon III intime.

[303] Giraudeau, Napoléon III intime.

[304] Il tint sa promesse. Trente-six ans plus tard il fermait à Chislehurst les yeux de Napoléon III. — C'est près du lit de mort de sa mère que Louis-Napoléon apprit ce que lui était Morny. Salvage, l'exécuteur testamentaire, lui communiqua un papier destiné à Morny. Ainsi il apprit l'existence de ce fils de sa mère. E. Ollivier, déjà cité p. 56.

[305] Insurrection de Strasbourg, etc.

[306] Souvenirs de la baronne du Montel. — Elle dit encore de lui : Ni sa figure, ni sa tournure n'ont rien de distingué ; il est recherché dans la société... on l'appelle Monseigneur..., p. 306.

[307] Souvenirs de la baronne du Montel.

[308] Souvenirs de la baronne du Montel.

[309] Souvenirs de la baronne du Montel.

[310] L'un des auteurs favoris de la reine Hortense était lord Byron. Elle en avait placé le buste dans son salon d'Arenenberg. — I. de Saint-Amand, Louis-Napoléon et Mlle de Montijo.