HISTOIRE DE FRANCE CONTEMPORAINE

 

LIVRE II. — LES OPÉRATIONS MILITAIRES.

CHAPITRE XVI. — LA VICTOIRE.

 

 

I. — LA BATAILLE DU 8 AOÛT 1918.

DÉSORMAIS le changement de signe est accompli ; la victoire est dans le camp des Alliés ; les événements vont se précipiter. D'après los renseignements que l'état major français possède à ce moment, voici comment il se représente, au ter août, l'étal de l'adversaire. La loi militaire, en Allemagne, a touché, au 1er juillet 1918, 13.800.000 hommes. Le déchet, inaptes, tués, prisonniers, réformés, etc., est de 8.027.000 hommes. Ce qui reste en état de servir comprend, aux armées et dans les services de l'intérieur, 5.484.500 hommes ; dans les dépôts, 288.000 hommes.

Des cinq millions et demi d'hommes aux armées, la plus grande partie, 3 796900, est sur le front occidental. Pendant toute la guerre, la plus grande partie de l'armée allemande, près des deux tiers et souvent davantage, a été sur le front français : 94 divisions sur 120 au début, 105 sur 138 en novembre 1914, 103 sur 172 en 1915, 125 sur 172 en 1916, 133 sur 222 au 16 avril 1917, 190 sur 242 au 21 mars 1918, et enfin 206 sur 218 au 27 mai.

Dans le courant de juillet, les dépôts allemands ont reçu 473.000 hommes (dont 100.000 de la classe 1920), ajoutés aux 283.000 qui s'y trouvaient déjà. Mais, d'autre part, ces mômes dépôts ont  fourni aux armées 218.000 hommes, dont 50.000 de la classe 1919. Il reste donc au total dans les dépôts, au 1er août, 543.840 hommes.

Mais, sur ces 543.840 hommes, 300.000 sont de jeunes conscrits de la classe 1920, qui ne seront pas disponibles avant le mois de septembre. En fait, dans ces semaines tragiques, on voit l'Allemagne hésiter à envoyer au feu ces enfants, suprême ressource du pays ; elle en fait des régiments spéciaux, numérotés à partir de 600, et qui servent de réservoirs ; de là elle les envoie par paquets au front, et finalement elle les en retire ; on assiste à l'angoisse du commandement, devant ce sacrifice.

En retranchant les 300.000 conscrits de la classe 1920, il reste donc dans les dépôts allemands 245.000 hommes seulement pour boucher les pertes de l'armée allemande. Or, il va falloir relever immédiatement 29 divisions qui sont engagées dans la bataille, et qui en sortiront avec une perte qu'on peut évaluer à 87.000 hommes. Ce trou une fois bouché, resteront disponibles 160.000 hommes environ, soit moins de 100.000 fusils.

L'Allemagne avait donc les plus graves soucis en ce qui concerne l'alimentation de la bataille ; quant à ce qui concerne les divisions en ligne, leur état n'était pas moins inquiétant. D'après un tableau établi le 18 juillet par le grand quartier britannique, il y avait sur le front français à cette date 204 divisions allemandes, dont 61 excellentes, 120 moyennes, 21 très médiocres, et 2 non identifiées. De ces 204 divisions, 177, c'est-à-dire la presque totalité de celles qui étaient capables de tenir leur place dans une offensive de grand style, avaient été engagées depuis le 21 mars ; mais, comme beaucoup avaient repassé deux, trois, quatre et même cinq fois au feu[1], le nombre des engagements de divisions était très supérieur au nombre des divisions engagées, et atteignait, le 22 juillet, 291. Ces engagements se décomposaient ainsi. A la bataille du 21 mars, dite bataille de la Somme par les Anglais et bataille de Saint-Quentin par les Allemands, les Allemands avaient engagé 112 divisions fraîches ; à la bataille de la Lys, 51 divisions, dont 41 fraîches, et 10 déjà engagées à la bataille de la Somme. Ainsi, en six semaines, 153 divisions ont passé au feu, avec 163 engagements ; ce sont ces mêmes divisions qui vont pour la plupart fournir l'effort des batailles suivantes. La bataille du 27 mai consommera 44 divisions, dont Il nouvelles et 33 déjà employées ; la bataille du 9 juin sur Compiègne engagera 19 divisions, dont 3 nouvelles ; la bataille de Champagne du 15 juillet est menée par 32 divisions, dont 4 nouvelles.

Il est impossible de n'être pas frappé de la décroissance de l'effort allemand : dans le coup décisif du 21 mars, monté à loisir et qui doit donner la victoire, ils ont mis 112 divisions ; l'affaire de la Lys, improvisée le 9 avril, engage encore 31 divisions ; mais le caractère de diversion des batailles suivantes apparaît clairement ; la bataille du 27 mai, malgré son succès et son extension inespérée, n'a employé que 44 divisions ; la tentative de réunion des deux saillants, le 9 juin, 19. L'attaque de Champagne du 15 juillet s'annonçait pour plus importante ; quoique arrêtée aussitôt, elle a engagé 32 divisions. Enfin la riposte française, le 18, a rendu nécessaire eu cinq jours, du 18 au 22, la mise en ligne de 27 divisions.

L'armée allemande est donc arrivée, à la tin de juillet, à un état d'usure extrême. Elle n'a plus dans ses dépôts que de très faibles ressources pour alimenter la bataille ; les attelages font défaut et leur absence va paralyser l'artillerie île campagne. Ludendorff, qui tait ces misères, parle longuement de l'indiscipline. La thèse allemande est en effet que l'armée allemande a été minée par le mauvais esprit ; en réalité, elle a été usée par le feu, et battue militairement.

Le 24 juillet, les commandants en chef étaient réunis chez le général Foch, au château de Bombon. Foch leur communiqua un mémoire, où le plan des Opérations ultérieures était exposé. Ces opérations se décomposaient en deux séries : une série d'attaques immédiates devait dégager les voies de rocade ; ce premier résultat obtenu, si la saison n'était pas trop avancée, il y avait lieu de prévoir dès maintenant, pour la fin de l'été ou de l'automne, une offensive d'importance, de nature à augmenter nos avantages et à ne pas laisser de répit à l'ennemi.

Les opérations immédiates étaient au nombre de cinq :

1° dégagement de la voie ferrée Paris-Avricourt dans la région de la Marne : il devait être obtenu par l'offensive que les généraux Mangin et Degoutte poursuivaient depuis le 18 juillet ;

2° dégagement de la voie ferrée Paris-Amiens ; il sera poursuivi par une offensive conjuguée anglo-française ;

3° dégagement de la voie ferrée Paris-Avricourt dans la région de Commercy, par la réduction du saillant de Saint-Mihiel ; il sera confié à l'armée américaine ;

4° dégagement des mines de Béthune et de Bruay par une offensive britannique sur le front Festubert-Robecq ;

5° dégagement de Calais et d'Ypres par la reprise du Kemmel.

Le dégagement de la voie Paris-Avricourt dans la région de la Marne fut rapidement accompli : le 30 juillet, le général Mangin reprenait l'offensive, et, le 1er août, à l'aile droite, la crête Grand Rozoy-Cramaille était enlevée. A l'aile gauche, une reconnaissance de la 69° division, commandée par le lieutenant Rivain, entrait à Soissons. A droite de la 10e armée, la G' avait repris l'offensive le 29, et, en quatre jours de combats violents, enlevé Sergy, Cierges, le Bois Meunière et Goussancourt. Dans la nuit du 1er au 2, les Allemands se mettaient en retraite précipitamment ; le 4, ils évacuaient la rive gauche de la Vesle, et, le 5, l'opération était terminée. Le 7, le général Foch était nommé maréchal de France ; le décret résumait les résultats de la bataille qui se poursuivait depuis le 18 juillet : Paris dégagé, Soissons et Château-Thierry reconquis de haute lutte, plus de 200 villages délivrés, 35.000 prisonniers, 700 canons capturés, les espoirs hautement proclamés par l'ennemi avant son attaque écroulés, les glorieuses armées alliées jetées d'un seul élan victorieux des bords de la Marne aux rives de l'Aisne, tels sont les résultats d'une manœuvre aussi admirablement conçue par le haut commandement que superbement exécutée par des chefs incomparables.

Le second des objectifs préliminaires fixés par le maréchal Foch le 24 juillet était le dégagement de la voie ferrée Paris-Amiens. Le G. !.8 juillet, le général Weygand remettait à sir Douglas Haig les directives du généralissime. L'armée Debeney était mise pour cette opération sous les ordres de sir Douglas Haig. Le 8 août, l'offensive était déclenchée par la 1er armée française (Debeney) et la 4e britannique (Rawlinson).

Les Allemands avaient en ligne, entre Arras et Soissons, quatre armées, qui étaient, du nord au sud : 1° la XVIIe (Otto von Below), de la crête de Vimy à Albert ; 10 divisions en ligne, et 4 en réserve ; 2° la IIe (von der Marwitz), à cheval sur la Somme, d'Aveluy à Moreuil ; 10 divisions en ligne et 7 en réserve ; 3° la XVIIIe armée (von Hutier), du nord de l'Avre à l'est de l'Oise ; 11 divisions, et en réserve 3 divisions fraîches et 1 fatiguée ; 4° la IXe (von Eben), intercalée en juillet entre la XVIIIe et la VIIe, entre l'Oise et l'Aisne, qu'elle coupe à Fontenoy.

Devant von Below se trouvait la 3e armée britannique (Byng) ; devant von der Marwitz, la 4e (Rawlinson) ; devant von Hutier, les 1re et 3e armées françaises (Debeney et Humbert) ; devant von Eben, l'aile gauche de la 10e (Mangin).

Le plan de l'opération était le suivant : Rawlinson, attaquant von der Marwitz face à l'est, enlèverait d'abord la ligne des défenses extérieures d'Amiens (Le Quesnel-Morcourt), puis pousserait jusqu'à la ligne Chaulnes-Roye, ce qui le mettrait sur les communications de von Hutier.

Debeney, en liaison avec Rawlinson, attaquerait von Hutier avec sa gauche au nord de Montdidier, puis avec sa droite au sud-est de cette ville. Attaqué de front et à gauche par Debeney, à droite par Rawlinson, von Hutier, qui a derrière lui la Somme et le canal Crozat, peut se trouver dans une situation très critique.

Pour que l'armée Rawlinson pût attaquer von der Marwitz en forces, il fallait masser, dans l'angle étroit des routes Amiens-Albert et Amiens-Roye, trois corps d'armée, sans que l'ennemi s'en aperçût. C'étaient le 3e à gauche, le corps australien au centre et le corps canadien à droite. Les bois favorisaient ces mouvements. Les Australiens appuyèrent à droite pour faire place au 3e corps. Quant aux Canadiens, pour dissimuler leur présence en Picardie, on les fit voir en Flandre devant le Kemmel. D'une façon générale, on lit croire aux Allemands qu'ils seraient attaqués eu Flandre. Pendant ce temps, les derniers préparatifs s'achevaient sur la Somme. Les Canadiens venaient très secrètement prendre place derrière les Australiens, en attendant d'entrer en ligne à leur droite. Les tanks et la cavalerie ne furent rassemblés qu'au dernier moment.

Le 3 août, à quatre heures trente du malin, dans le grand silence, on entendit un, deux, trois coups de canon ; puis toute l'artillerie britannique ouvrit le feu. Les batteries allemandes furent aussitôt dominées, quelques-unes sans avoir pu entrer en action. En même temps, les tanks et l'infanterie se portèrent à l'assaut. Un brouillard épais favorisait l'attaque. L'ennemi fut complètement surpris. La ligne des premiers objectifs, passant par Demuin et Cerisy, fut rapidement enlevée ; après une halte de deux heures, infanterie, cavalerie et tanks légers, coopérant avec précision, continuèrent l'avance. Au sud de la Somme, cette avance variait en tin de journée de 10 à 12 kilomètres. La ligne des défenses extérieures d'Amiens, le Quesnel-Morcourt, était enlevée sur toute sa longueur. Seul, à l'extrême droite, le village du Quesnel résistait encore et fut emporté dans la nuit. Au nord de la Somme, le 3e corps avait eu une plus rude journée. Les Allemands, qui étaient sur leurs gardes dans ce secteur, avaient réussi A se maintenir dans une position très forte, une sorte de cuve entourée de crêtes et de bois, où se trouve le village de Chipilly. Malgré cette résistance à la gauche, la journée était une éclatante victoire. L'ennemi laissait aux mains des Britanniques 13.000 prisonniers et 3 à 400 canons.

Le 9, l'armée Rawlinson exploite son succès. La cavalerie britannique travaillait maintenant en avant de l'infanterie. Le 12 au soir, le front de combat était reporté, à la droite britannique, sur les vieilles lignes allemandes de la première bataille de la Somme, en 1916. L'arrivée sur les anciennes lignes fortifiées marquait une nouvelle phase du combat. L'exploitation du succès initial était finie. L'ennemi trouvait là des points d'appui très forts, sur lesquels les attaques britanniques échouaient le 13. Cependant les résultats des cinq premiers jours étaient magnifiques. Treize divisions d'infanterie britannique, avec un régiment américain, 3 divisions de cavalerie et 400 tanks avaient battu 20 divisions allemandes et leur avaient enlevé 400 canons et 22.000 prisonniers. L'ennemi, culbuté, avait cédé une profondeur de terrain de 20 kilomètres.

Le 8 août, à l'heure même où les Canadiens attaquaient, l'artillerie française commençait la préparation. Elle dura trois quarts d'heure. A cinq heures cinq, l'infanterie du 31e corps donnait l'assaut.

L'armée Debeney comprenait, de gauche à droite, le 31e corps, le 9e, le 10e et le 35e. Le 31e corps, dont la zone d'opérations s'étendait de la Luce jusqu'à Moreuil, possédait sur la rive droite de l'Ardre une tête de pont, d'un front de 4 kilomètres ; il s'agissait d'élargir cette tête de pont et de la rendre praticable pour une armée. Les deux divisions en ligne, 42e et 37e, attaquèrent face au sud-est, et débordèrent Moreuil, qui fut nettoyé par la 66e.

A droite du 31e corps se trouvait le 9e ; à la faveur du progrès de son voisin, ce corps se porta en avant à neuf heures du matin, passa l'Ardre, et enleva le bois de Genouville et la Neuville-Sire-Bernard.

Le 10e corps, primitivement à la droite du 9e, au lieu de chercher comme lui à forcer le passage de front, appuya à gauche, et une de ses divisions passa le 9 au matin dans la tête de pont élargie la veille par le 9e corps. Elle se substitua à ce corps, qui se retira de la ligne de bataille, laissant ainsi le 10e corps en contact avec le 31e. Quand  la division de gauche du 10e corps eut effectué ce mouvement, la division de droite, étayée par le progrès de sa voisine, enleva de front, à la hauteur de Gratibus, le passage du ruisseau des Doms, mais sans pouvoir le dépasser.

Pendant ce temps, à gauche, au 3P corps, les deux divisions qui étaient restées en réserve la veille, exécutant un passage de lignes, dépassèrent les deux divisions qui avaient combattu. En fin de journée le corps avait atteint la ligne Arvillers-sud d'Hangest.

Dès onze heures du matin, au moment où le 31e corps avait enlevé le village d'Hangest, Montdidier s'était trouvé débordé par le nord. Le général Debeney avait jugé le moment venu de faire donner sa droite, c'est-à-dire le 35e corps, au sud de cette ville. Pour appuyer cette attaque, il transporta rapidement toute sa masse d'artillerie qui était derrière sa gauche, et la ramena à l'aile opposée. L'ordre d'attaque fut donné à midi, et exécuté à seize heures. En fin de journée, le front Faverolles-Piennes était atteins, la route de Montdidier à 'baye coupée. Le 31e corps à gauche, le 35e à droite marchaient à la rencontre l'un de l'autre, menaçant d'envelopper toute l'armée von Hutier.

La résistance que le centre de cette armée avait opposée au 10e corps la sauva. Dans la nuit du 9 au 10, elle évacua la poche dangereuse qu'elle formait entre Arvillers, Gralibus et Faverolles. Le 10, l'armée Debeney se retrouva en ligne face à l'est, et se poila en avant. Un nouveau passage de lignes permit à des divisions fraîches de remplacer celles qui ont combattu le 9, et amena l'armée sur le front Guyencourt-Cessier, où elle retrouva l'obstacle des vieilles tranchées élevées pendant les années de la guerre de position.

Telle est cette manœuvre où l'armée Debeney mettait en jeu les ressources les plus délicates de la guerre de mouvement. Le 10, à quatre heures vingt du matin, la 3e armée Humbert était à son tour entrée en action à droite de la 1re. Elle avait, à l'ouest de l'Oise, deux corps, le 31e et le 15e. Le premier enleva le massif de Boulogne-la-Grasse, tandis que le second se moulait sur le massif de Lassigny, où il pénétra les jours suivants. De toutes parts, les Allemands étaient ramenés, de la Somme à l'Oise, aux anciennes positions de la guerre de tranchées. Sur cette zone difficile, von Hutier, qui venait de se tirer avec beaucoup d'énergie du mauvais pas de Montdidier, commença une résistance acharnée, et la bataille piétina jusqu'au 18.

Le 18, la 10e armée Mangin entre à son tour en action à droite de la 3e. Cette nouvelle extension du front d'attaque était prévue par les Allemands, et ils avaient pris leurs mesures. Ils avaient renforcé de deux divisions les quatre divisions en secteur entre l'Oise et l'Aisne. Ils avaient augmenté la densité de leur artillerie, et reculé leurs batteries de défense de 2 kilomètres. ils avaient échelonné leurs forces en profondeur, ne laissant sur les avant-lignes (Vorfeldzone) que des éléments légers et retirant les gros sur la ligne de résistance (Grosskampfzone). En un mot, ils avaient pris des mesures analogues à celles que le général Gouraud avait prises pour recevoir l'attaque du 15 juillet. Toute la question était donc de savoir comment le général Mangin s'y prendrait pour venir à bout de cette tactique défensive.

Il s'en tira en subdivisant son attaque. Le 17 et le 18, il enlèvera la Vorfeldzone dans des actions préliminaires ; et, après un jour d'intervalle, qui sera le 19, il arrivera frais le 20 au combat décisif sur la ligne de résistance principale.

L'armée avait en ligne, de gauche à droite, le 18e corps, le 7e, le 30e et le 1er. Le 11 août, une note du groupe d'aimées assignait comme objectif à l'opération de porter la gauche de l'armée dans le coude de l'Oise. Le 15, un ordre de l'armée élargit singulièrement, les objectifs : le 18e corps devait atteindre le confluent de l'Ailette, le 7e l'Ailette, le 30e la ligne Crécy-Juvigny, le 4e le rebord nord du ravin de Juvigny. Il ne s'agissait plus seulement de porter la gauche dans le coude de l'Oise, mais d'avancer tout le front entre l'Oise et l'Aisne, en portant le centre sur l'Ailette et la droite jusqu'à la route de Coucy à Soissons.

Le 17, à cinq heures, le 7e et le 30e corps, attaquant par surprise, portèrent leur ligne sur le plateau au nord d'Autrèches. A huit heures du matin, les objectifs étaient atteints. Sur 5 kilomètres le front avait été avancé de 1.500 mètres.

Le 18, tous les corps attaquèrent à six heures du soir, avec les divisions en secteur. Sur un front de '15 kilomètres, l'armée avança de 1.500 à 2.000 mètres. Elle était maintenant au contact de la ligne de résistance principale. La journée du 19 fut consacrée à monter l'attaque. Elle eut lieu le 20, à sept heures dix. L'ennemi dut céder le terrain sur une profondeur de 5 kilomètres, en laissant 8.000 prisonniers et 100 canons.

L'exploitation de la victoire commença le 21. Dès ce jour-là, le 18e corps bordait l'Oise jusqu'à l'Ailette. Dans la nuit du 21 au 22, une division du 7e corps arrivait en coin sur l'Ailette, entre Quincy-Basse et l'Aveloire. Ce coin est immédiatement élargi ; à gauche l'ennemi est rejeté sur l'Ailette, à droite sur les plateaux entre l'Ailette et Soissons.

L'armée von Eben ainsi rejetée, l'armée von Hutier se trouve découverte sur son flanc gauche. La situation devient intenable, et le 21 elle décolle devant l'armée Humbert, abandonne le massif de Lassigny et se retire derrière la Divette.

Dans cette même journée du 21, le front d'attaque s'élargissait une fois de plus, cette fois à l'extrême gauche. La 3e armée britannique entrait en action au nord de la 4e, au delà de l'Ancre. Elle avait en ligne, de gauche à droite, les 4e, 6e et 5e corps. Comme l'avait fait le général Mangin du 18 au 20, le général Byng décompose l'action. Le 21, le 4e et le 6e corps enlevèrent la zone de couverture. Le 22 fut consacré à la préparation de l'attaque décisive, tandis que la 4e armée Rawlinson portait sa gauche en avant entre l'Ancre et la Somme et enlevait Albert. Enfin, le 23, les deux armées donnèrent l'assaut sur un front de 53 kilomètres. Le 6e corps enleva Gommécourt ; mais le succès décisif fut, remporté plus au nord par le 4e corps, qui non seulement creva les défenses ennemies, mais prit, bien au delà, Bertincourt, Ervillers, Boyelles, Boiry-Becquerelle et ramena 5.000 prisonniers.

A une heure du matin, dans la nuit du 23 au 24, l'exploitation commença. Elle dura cinq jours, refoulant d'abord largement les Allemands, puis trouvant une résistance de plus en plus forte. Le 23, le 4e et le 6e corps arrivaient sur la position Hindenburg, puissant obstacle qui les contraignait de s'arrêter, devant une ligne Heudecourt-Bullecourt. Plus au sud, Bapaume était pris, et le 3e corps formant l'aile gauche de Rawlinson enlevait Combles.

Le centre et la gauche de la XVIIe armée allemande, ainsi enfoncés, découvraient la IIe et la XVIIIe, qui, plus au sud, tenaient, depuis le 13, les anciennes lignes de 1916. Le 26, ces deux armées, qui formaient un saillant devenu dangereux, commencèrent un large repli. Sur les talons de la XVIIIe armée, la 1re armée française (Debeney) entra dans Hoye. Le 28, elle reprit Nesle. Le 29, les armées alliées bordaient la Somme de Péronne à Nesle. Les Allemands avaient vraisemblablement l'intention de tenir sur cette coupure : mais la 2e division australienne, par un brillant exploit, enleva. le 31, le Mont Saint-Quentin qui commande Péronne.

Tandis que le centre de la XVIIe armée allemande était, depuis le 21, bousculé par Byng, la droite de l'armée (Ier corps bavarois de réserve) n'était pas atteinte par la bataille et restait immobile dans ses positions à l'est d'Arras, à cheval sur la Scarpe. Le 26, elle fut attaquée à son tour par la 1re armée britannique du général Horne, qui, après la 4e et la 3e, entrait dans la bataille.

L'aile droite de Farinée Horne était formée par le corps canadien. Ce corps attaqua le 26, à trois heures du matin, avec trois divisions. sur un front de 9 kilomètres. L'attaque réussit brillamment. Au sud de la route Arras-Cambrai les villages de Waneourt et de Gué-'nappe, au nord de la route le redoutable piton de Monchy-le-Preux étaient pris à midi ; au delà de la Scarpe, le 51e division avait pris Rceux et la colline entre Rœux et Gavrelle.

L'exploitation continua les jours suivants, et amena les Canadiens jusque devant une ligne fortifiée que les Allemands avaient tendue en 1917 devant Douai. On l'appelait la ligne Wotan, et elle s'embranchait à Quéant sur la ligne Hindenburg. Le 2 septembre, elle fut attaquée par le corps canadien et par le 17e corps, celui-ci formant la gauche de la 3e armée et n'ayant pas encore donné. Le corps canadien creva la ligne Wotan, pendant que le 17e corps en faisait sauter la charnière. Les deux corps avaient gagné 5 kilomètres de terrain dans une région puissamment fortifiée, et fait 8.000 prisonniers.

Mais le résultat de la journée fut plus considérable encore. Tourné sur son extrême droite, l'ennemi commençait dans la nuit du 2 au 3 une nouvelle retraite générale. La XVIIe armée, avec son aile écrasée, allait prendre position derrière le canai du Nord. Le lendemain, la II e armée décollait de la Somme au sud de Péronne, et se retirait sur la ligne Havrincourt-Vermand. Puis le mouvement de recul s'étendait à la XVIIIe armée, qui se repliait devant les Français ; ceux-ci rentraient le 6 septembre dans Ham et dans Chauny, et arrivaient le 8 sur le canal Crozat. La retraite dura jusqu'au 18, et fut désastreuse pour les Allemands. Rien que sur le front britannique, ils durent engager 20 divisions contre 13 et perdirent 12.000 prisonniers.

Telle est cette grande bataille, l'une des plus importantes et des plus décisives de toute la guerre. Les Allemands se trouvaient ramenés à peu près sur les lignes qu'ils occupaient avant le 21 mars, c'est-à-dire, dans l'ensemble, sur la position Hindenburg. Leur front passait par Marquion, Havrincourt, Vermand, couvrait Saint-Quentin à 7 kilomètres, coupait l'Oise en aval de la Fère, et, comme l'hiver précédent, se moulait sur la forêt de Saint-Gobain et la haute forêt de Coucy par Barisis et Quincy-Basse. Ils étaient ramenés à leur lancer. Mais dans quel état ! Depuis le 21 mars, 182 divisions allemandes avaient été engagées, beaucoup deux fois et plus, de sorte qu'elles avaient fourni 398 engagements. Elles revenaient fourbues, ayant fait des pertes énormes en hommes et en matériel.

Le 8 août, écrit Ludendorff, est le jour de deuil de l'armée allemande dans l'histoire de cette guerre.... Le 8 août marqua le déclin de notre force militaire et m'enleva l'espoir, étant donnée notre situation au point de vue des réserves, de trouver des expédients stratégiques qui eussent pu consolider la situation en notre faveur.... La conduite de la guerre prenait donc, selon l'expression que j'employai alors, le caractère d'un jeu de hasard injustifiable, que j'ai toujours tenu pour néfaste. La destinée du peuple allemand était un enjeu trop haut pour le hasard ; il fallait terminer la guerre.

Le 13, un entretien réunit dans le bureau de Hindenburg le chancelier, le secrétaire d'État von Hintze et Ludendorff. Celui-ci exposa la situation. Il déclara que l'on ne pouvait plus amener l'ennemi à faire la paix ni par l'offensive, ni par la défensive, et qu'il fallait finir la guerre par la voie diplomatique. Une nouvelle conférence eut lieu et, comme conclusion, von Hintze télégraphia au ministre des Affaires étrangères que Sa Majesté et le haut commandement étaient d'accord en ce qui concernait une démarche immédiate près de la reine de Hollande.

La troisième opération préliminaire prévue par le maréchal Foch était le dégagement de la voie ferrée Paris-Avricourt par la réduction du saillant de Saint-Mihiel. Dès le 4 août, dans une conférence tenue à Bombon, le général Pétain avait été invité à préparer cette offensive avant la fin du mois. Le général Pershing devra hâter la constitution dans ce secteur de l'armée américaine, dont ce sera la première action d'ensemble.

Le groupe d'armées Gallwitz, qui tenait le front entre la Meuse et la Moselle, comprenait, avec la Ve armée, les anciens groupements Falkenhausen, Garde et Strantz, qui s'appelaient depuis 1916 les groupements A, B, C. Le groupement C, formé du Ve corps actif et du XIIe de réserve, occupait le saillant que les armées allemandes faisaient depuis 1914 entre la Meuse et la Moselle, et dont la pointe était à Saint-Mihiel. Une ligne de repli avait été tracée en arrière et s'appelait la position Michel. Le 8 septembre, le commandement allemand ordonna l'évacuation du saillant et le repli sur la position Michel. Il était trop tard, et les travaux d'évacuation n'étaient pas encore très avancés, écrit Ludendorff, quand le 12 les Alliés attaquèrent sur les deux faces du saillant.

L'opération avait été confiée à la ire armée américaine. Pour la première fois, les troupes du général Pershing allaient exécuter par elles-mêmes une grande opération. Elles comprenaient, de la droite à la gauche, le lie corps américain Liggett, le 3e Dickmann, le ne corps colonial français Blondlat, le ;le corps américain Cameron. L'attaque eut lieu le 12, à cinq heures, après une préparation d'artillerie de quatre heures, sous la protection de puissantes forces aériennes.

Sur la face sud du saillant, l'attaque progressa rapidement. Le corps Liggett enleva Thiaucourt ; le corps Dickmann, marchant au nord-ouest, atteignit Nonsard. A la charnière, le corps Blondlat attaquait dans la région de Saint-Mihiel, et enlevait, malgré une vive résistance, Apremont au sud-est et la cote 331 au nord. Sur la face nord, le corps Cameron enlevait Combres, Saint-Remy et Dammartin. On avait fait le premier jour plus de 6.000 prisonniers.

Les Allemands s'évadèrent pendant la nuit, et le lendemain les Alliés ne trouvèrent plus de résistance. Le corps Cameron marchant au sud-est par les Hauts-de-Meuse et le corps Dickmann venant du sud-est par la Woëvre allaient à la rencontre l'un de l'autre dans la direction de Vigneulles. La jonction se fit le 13 au matin. Tandis que les deux corps américains fermaient ainsi à l'est le sac de Saint-Mihiel, le corps français, arrivant rapidement de l'ouest et du sud, pressait pour ainsi dire le fond du sac, et nettoyait le secteur. Un compte rendu du 13 au soir écrit : Les troupes françaises ont nettoyé le triangle entre Heudicourt, Chaillon et Vigneulles. Les Alliés avaient fait 16.000 prisonniers et pris 440 canons.

 

II. — LA BATAILLE DU 26 SEPTEMBRE.

AINSI, au milieu de septembre, les opérations préliminaires ordonnées le 24 juillet par le maréchal Foch étaient terminées. Les voies de rocade Paris-Amiens et Paris-Avricourt étaient largement dégagées. Quant au saillant de la Lys, les Allemands l'avaient évacué d'eux-mêmes. Les succès remportés dépassaient d'ailleurs de beaucoup le programme fixé. On pouvait maintenant passer à l'attaque décisive.

L'armée allemande était alors articulée en cinq groupes d'armées de la mer à la Scarpe, le groupe Rupprecht (de Bavière) ; de la Scarpe à l'Oise, le groupe Bœhn ; de l'Oise à l'Argonne, le groupe du Kronprinz ; de l'Argonne à la Moselle, le groupe Gallwitz ; de la Moselle à la Suisse, le groupe Albrecht (de Wurtemberg). Elle était d'une manière générale établie sur de puissantes lignes fortifiées, position Wotan devant Douai, position Siegfried (ligne Hindenburg des Alliés) de l'ouest de Cambrai au sud de Laon, position Michel entre Meuse et Moselle.— D'autre part, on construisait en arrière de ces lignes de nouvelles lignes de repli, auxquelles on travaillait avec acharnement : ligne Hermann derrière les groupes Rupprecht et fœhn, lignes Hunding et Brunnhild derrière le groupe du Kronprinz, et, plus en arrière encore, ligne Hagen.

L'idée de manœuvre du maréchal Foch apparaît à la fin d'août. Elle est inspirée par ce lait que les positions allemandes en France peuvent être comparées à une vaste poche dont toutes les communications passent obligatoirement à travers la Meuse. Les lignes d'opérations de près de deux cents divisions allemandes se pressent, sur ce fleuve et les franchissent toutes entre la frontière hollandaise et Verdun. sur une largeur de moins de 250 kilomètres. Il est évident qu'un rétrécissement de cette zone de passage pourrait devenir fatal à l'ennemi. C'est sur la Meuse qu'est la victoire, et l'opération décidée par le maréchal Foch est une vaste attaque concentrique en direction générale de Mézières.

Une directive aux commandants en chef, le 3 septembre, définit ces actions d'ensemble que les Alliés doivent exécuter dans des directions convergentes. Les armées britanniques, appuyées par la gauche des armées françaises, viseront à rompre la ligne Hindenburg entre Cambrai et Saint-Quentin. Le centre des armées françaises s'efforcera de rejeter l'ennemi au delà de l'Ailette et de l'Aisne. Enfin, l'armée américaine exécutera, vers le 20 ou le 25, une offensive le long de la Meuse, en direction de Mézières, couverte à droite par ce fleuve et appuyée à gauche par la 4e armée.

Le 8, une nouvelle directive élargit encore ce plan vers le nord. Une grande offensive aura lieu en Flandre, en direction de Bruges et de Gand, pour libérer la côte belge. L'ensemble de l'armée belge y prendra part, ainsi que la 2e armée britannique, trois divisions d'infanterie et un corps de cavalerie française, le tout sous les ordres du roi des Belges. Le 9, le principe de cette offensive est accepté par le roi ; le plan des opérations est décidé à Cassel, où la 2e armée britannique avait son quartier général. Le général Degoutte sera adjoint au roi des Belges comme chef d'état-major général, et il amènera avec lui son état-major d'armée.

C'est de là qu'est sortie la grande bataille, dont le déclenchement devait se faire en quatre jours : le 26 septembre, à l'aile droite, attaque franco-américaine sur la Meuse ; le 27, au centre gauche, attaque des 1re et 3e armées britanniques en direction de Cambrai ; le 28, à l'aile gauche, offensive des Flandres ; le 29, au centre droit, attaque de la 4e armée britannique et de la 1er armée française sur Busigny.

Dans la pensée du maréchal Foch, l'attaque décisive était celle qui allait être faite le long de la Meuse par l'armée américaine, appuyée à gauche par l'armée Gouraud. Chaque progrès sur la Meuse rétrécissait en effet l'ouverture du sac on il s'agissait de prendre les Allemands.

L'armée américaine avait en ligne, à l'ouest de la Meuse, le 3e corps, entre ce fleuve et Malancourt, puis, en poursuivant vers la gauche, le 5e entre Malancourt et Vauquois, et enfin le 1er entre Vauquois et Vienne-le-Château, c'est-à-dire dans toute l'épaisseur de l'Argonne. Les Américains avaient devant eux la Ve armée allemande, formant la droite du groupe Gallwitz.

Le 26, la droite américaine, crevant les défenses allemandes, arriva d'un élan magnifique à la ligne Montfaucon-Septsarges-Bois du Juré ; le 27, elle enleva ce redoutable piton de Montfaucon, haute vigie qu'avaient vue au nord tous les combattants de Verdun ; le long de la Meuse, les Américains arrivèrent le 27 au soir jusqu'à Dannevoux, à 7 kilomètres en avant des lignes les plus avancées de 1916. C'était un splendide succès, que 10.000 prisonniers confirmaient. Malheureusement l'inexpérience des états-majors, la lourdeur des unités, l'état du terrain amenèrent dans les arrières de cette armée victorieuse un embouteillage sans exemple, qui la paralysa. 1-lien n'arrivait plus aux premières lignes, et le succès ne put être exploité à fond. Cependant, malgré ces difficultés, malgré la résistance acharnée des Allemands qui sentaient là le point vital du champ de bataille, la droite américaine atteignit le 28 la ligne Nantillois-Brieulles. Au contraire, la gauche, enlisée dans l'Argonne, piétinait, et son retard découvrait la droite. Le 29, le front resta fixé ; l'opération était manquée. Elle fut arrêtée le 30.

La 4e armée Gouraud avait été chargée d'appuyer à gauche les Américains. Le 8 septembre, elle reçut les instructions du général en chef. Une immense activité, dit un récit, fut aussitôt déployée à tous les échelons pour mettre en œuvre les moyens accordés par le G. O. G. Du 8 au 15 septembre, vaste travail d'état-major pour arrêter en tous détails le plan d'opérations ; du 16 au 25 septembre, exécution matérielle des mouvements qui devaient amener les unités de renfort de leurs cantonnements de repos à leur emplacement d'assaut. Les divisions nouvelles mises à la disposition de l'armée se trouvaient dans les régions les plus diverses : certaines étaient jusque dans les Vosges. Il fallut, pour ne pas éveiller l'attention de l'ennemi, les amener peu à peu à pied d'œuvre par des marches ou des transports de nuit. Toute cette préparation s'exécuta en moins de dix jours, sans à-coups, avec un ordre parfait....

La préparation d'artillerie commença le 25 à onze heures du soir. Ce spectacle, écrit un témoin, était à la fois effroyable et magnifique.... Face au nord, les éclatements éclairaient d'une lueur fulgurante les tranchées ennemies, produisant une impression diabolique. On se contenta d'ouvrir des brèches dans la position ennemie ; les troupes reçurent pour achever le passage 1.000 cisailles par division ; elles s'engagèrent dans les brèches en formations d'approche, le 26, à cinq heures vingt-cinq du matin, entre la Suippe et l'Argonne.

L'armée comprenait, de gauche à droite, le 4e corps, placé au sud des Monts, de la ferme des Marquises à Auberive, et qui, par des feux d'artillerie et une démonstration de 5 bataillons d'infanterie sur 12 kilomètres, fit croire à l'ennemi qu'il allait attaquer les Monts, mais qui en réalité se trouvait hors de l'attaque ; — puis le fie corps, le 11e, le 21e, le 2e, le 9e, et le 38e. Elle avait devant elle 8 divisions de la IIIe armée allemande ; 2 autres divisions furent ramenées en toute hâte de Laon, et engagées le 27.

Dès le premier jour, l'armée Gouraud enleva, de la ferme de Navarin à Cernay-en-Dormois, cette célèbre ligne des Buttes, qui formait en 1915 la seconde position allemande, et qui n'avait pu alors être réduite. La réaction de l'artillerie allemande avait été très faible. Les principaux obstacles avaient été l'enchevêtrement des organisations ennemies, les innombrables réseaux et le tir des mitrailleuses.

Le 27, la résistance de l'ennemi s'accentua, quoique son artillerie, reportée très loin en arrière, intervint peu. Les nids de mitrailleuses, bien organisés, tinrent énergiquement ; les contre-attaques furent plus fortes et plus nombreuses. Les corps du centre réussissent cependant à avancer de 2 à 3 kilomètres. Le 28, la résistance des Allemands se poursuit avec une extrême âpreté ; l'action de leur artillerie devient plus violente. Le seul progrès sérieux est au corps, qui enlève le village de Somme-Py. — Le 29, le 11e corps fait un bond de 4 kilomètres, qui, par Ardeuil et Séchault, le porte jusqu'au bord de l'Alin. — Enfin, le 30, l'ennemi, tout en tenant énergiquement devant la gauche, cède devant le centre et la droite : le 11 e corps prend pied au nord de la Py ; le 21e enlève les fonds difficiles du ravin d'Aure ; le 2e corps dépasse l'Alin, le 9e dépasse Mar-aux et arrive à un kilomètre de Monthois ; le 38e corps suit en échelon à droite et borde le bois de la Malmaison ; à droite de l'Aisne, la 1re division de cavalerie à pied prend Condé-les-Autry et borde le chemin Autry-Binarville.

Après cinq jours, la 4e armée a avancé de douze kilomètres, dans le terrain le plus formidablement organisé, sur l'ancien champ de bataille de 1915, on l'ennemi a encore accumulé depuis trois ans toutes les ressources de la fortification. Les Allemands ont perdu 13.000 prisonniers, plus de 300 canons, des milliers de mitrailleuses, un matériel énorme.

Le recul de la IIIe armée allemande mettait dans une situation difficile la Ire armée à sa droite. Celle-ci se trouvait devant la 5e armée française, qui l'attaqua le 30 septembre à cinq heures trente du matin. Les prisonniers rapportèrent que l'ordre avait été donné de se replier sur l'Aisne en cas d'attaque. En effet, les Allemands se mirent en retraite dans la nuit sur tout le front entre l'Aisne et Reims. Le 1er octobre, la 5e armée couronnait les hauteurs qui, au nord-ouest de Reims, commandent la dépression du canal, sa gauche vers Concevreux, sa droite à la Neuvilette. Le 2, la lutte était reportée sur ce canal de l'Aisne à la Marne qui avait marqué le front pendant trois ans. Cependant, dès le 4, on remarque des incendies en arrière du front allemand dans la région de Beine, et le 5 au matin dans celle de Brimont. Ce sont les préparatifs de l'évacuation. Le 5, la Ire armée allemande se met en retraite vers la Suippe. Le E au soir, les Français bordaient la rivière par leur droite et leur centre, de Bazancourt au confluent avec l'Aisne ; mais les Allemands interdisaient énergiquement à la gauche le passage de l'Aisne.

Le lendemain du jour où l'attaque franco-américaine se déclenchait à l'aile droite, une attaque franco-britannique se déclenchait au centre, où l'ennemi, depuis le milieu de septembre, s'était retiré, comme on l'a vu, sur la position Hindenburg.

L'ordre du maréchal Haig, du 22 septembre, portait que l'attaque aurait lieu sur tout le front entre Cambrai et Saint-Quentin. La droite de la 1re armée Horne attaquerait en direction de Cambrai ; plus au sud, la 3e armée Byng, franchissant l'Escaut, marcherait sur Solesmes et le Cateau : quarante-huit heures après la 3e armée, la 4e armée Rawlinson, après avoir rompu les défenses ennemies entre l'Escaut et l'Oise, marcherait en direction Busigny-Bohain ; enfin, à l'extrême droite, la 1re armée française attaquerait Saint-Quentin, qu'elle envelopperait par le nord et par le sud.

La 1re et la 3e armée britanniques partirent à l'assaut le 27 au matin. L'attaque s'étendait, au sud jusqu'à Gouzaucourt, au nord jusqu'à Marquion. La 3e armée mettait en ligne, de droite à gauche, les 4e, 6e et 7e corps, la Ire armée mettait en ligne le corps canadien. La gauche de l'attaque avait immédiatement devant elle le formidable obstacle du canal du Nord. Le canal fui à la fois enlevé de vive force et tourné par le sud. Le gain de la journée était dix villages, 10.000 prisonniers et 200 canons. Le canal du Nord franchi, restait, pour atteindre Cambrai, l'obstacle de l'Escaut. Il fut abordé et franchi à Marcoing le 28. Toute la rive gauche de l'Escaut, de Marcoing à Vendhuile, était nettoyée le 29.

L'avance de la 3e armée permettait à la 4e de se porter en avant à son tour avec son flanc gauche couvert. Le général Rawlinson attaqua donc le 29 de Vendhuile à Holnon, avec les 9e et 3e corps britanniques, et le 2e corps américain. A gauche, les Britanniques enlevaient les hauteurs de Vendhuile ; au centre, les Américains emportaient Bony, Bellicourt et, Naurov ; plus au sud, les Britanniques, franchissant avec un rare élan le canal à Bellenglise, enlevaient Thorigny, Magny-la-Fosse, et atteignaient par leur extrême droite les abords du Tronquoy. Les profondes défenses de la position Hindenburg étaient partout emportées de vive force.

Au sud de l'armée Rawlinson, l'armée Debeney avait pareillement attaqué le 21. L'ordre du 25 portait que le 15e corps, à gauche, déboucherait quand la droite de Rawlinson aurait franchi le canal, et tournerait Saint-Quentin par le nord, tandis que le 31e attaquerait au sud de la ville le plateau d'Ervillers, couvert à droite par le Se corps. Entre le 15e et le 31e, le 36e était directement face à la ville qu'il avait mission de nettoyer quand elle aurait été débordée des deux côtés. Toute l'armée se porterait alors face à l'est, en direction générale de Guise.

La Victoire.

Ce plan ne put être exécuté ; Saint-Quentin fut bien occupé le 2, mais les corps de droite de l'armée furent arrêtés par une énergique défense sur la position Hindenburg, qu'ils ne purent forcer. A gauche seulement, le 15e corps, se liant à la droite de Rawlinson, prenait Morcourt le 4 et Remaucourt le 6. Pendant ce temps, en effet, l'armée Rawlinson achevait de passer la position Hindenburg. Le 5, de Cambrai à Saint-Quentin, cette position était complètement dépassée.

En Flandre, un groupe d'armées comprenant l'armée belge, la 2e armée britannique (Plumer) et la 6e armée française, secrètement transportée de la Vesle, avait été formé le 19 septembre. Le 21, un ordre du maréchal Foch exposait la mission du groupe, qui était de chasser l'ennemi de la région au nord de la Lys.

Le 28, l'assaut est donné du sud de Dixmude au sud d'Ypres, sur un front de 20 kilomètres. La IVe armée allemande, dont le centre est ainsi assailli, est complètement surprise. La première position est prise, la seconde est entamée. Le 29, cette seconde position est à son tour enlevée ; c'était cette ceinture de collines qui s'étend de Dixmude à la Lys, en enveloppant Ypres, et où les efforts des Alliés s'étaient brisés pendant quatre ans. Au nord, Dixmude était pris ; à l'est, Roulers était presque atteint. Au sud d'Ypres, l'armée Plumer reprenait le plateau de Messines. Les Allemands laissaient 9.000 prisonniers et plus de 200 canons.

Le succès s'arrêta là, sauf à l'extrême droite, où l'armée Plumer continuait à gagner du terrain. L'opération fut suspendue. La IVe armée allemande tenait encore par ses deux ailes sur ses anciennes positions, la droite sur l'Yser en aval de Dixmude, la gauche à Armentières. Mais le centre, rejeté des collines d'Ypres, avait dû s'incurver profondément jusqu'à Roulers et à Menin, et toute l'armée se trouvait dans une situation très tendue.

 

III. — LA POURSUITE.

L'OFFENSIVE concentrique des 26-29 septembre n'avait pas donné tous les résultats espérés. Aux deux ailes, en Flandre et sur la Meuse, les Allemands, s'ils avaient perdu du terrain, avaient tenu bon. Au centre seulement, ils avaient subi une grave défaite, qu'ils avaient bien pu limiter devant Cambrai et à l'est de Saint-Quentin, mais qui entre ces deux villes n'était pas encore enrayée.

 Vers le 6 octobre, la situation générale est la suivante. Toute l'armée allemande, ou peu s'en faut, est engagée dans la suprême partie sur le front occidental. Cette armée compte 226 divisions, dont 38 seulement sur le théâtre russe, et 188 (plus 2 divisions austro-hongroises) sur le théâtre franco-belge. Les 226 divisions allemandes se décomposent en 52 actives, qui sont toutes, sauf une, sur le théâtre occidental ; 44 de réserve, qui sont toutes sur le front occidental ; 46 de formation ultérieure, dont 39 sur le front occidental ; 35 d'ersatz, dont 32 sur le front occidental. La proportion se renverse pour les médiocres divisions de landwehr ; il n'y en a que 18 sur le front occidental, et 27 sur le front oriental.

Sur le front des Flandres, l'offensive du groupe d'armées du nord était arrêtée depuis le 3 par la résistance de la IVe armée allemande, qui, arcboutée sur les ailes et le centre replié, défendait la ligne Roulers-Menin.

Au sud de la Lys, la VIe armée allemande, quoique non attaquée, s'est mise en retraite pour ne pas former un saillant trop dangereux. Le 2 octobre. elle abandonne la ligue Armentières-Lens pour une ligne Frelinghien-Vimy. A l'aile nord, les Alliés ne sont plus qu'à 9 kilomètres de Lille ; à l'aile sud, ils réoccupent le bassin de Lens.

Ces deux armées constituent le groupe d'armées du prince Rupprecht ; on peut résumer la situation eu disant que ce prince résiste par sa droite (IVe armée), et replie méthodiquement sa gauche (VIe armée).

Au sud de la Scarpe commence le groupe d'armées Bœhn. A la droite du groupe, la XVIIe armée contient Byng dans de durs combats aux abords de Cambrai. Mais, plus au sud, la lie armée von der Marwitz, chassée de la position Hindenburg, est dans la pire situation ; le vrai vainqueur de ces journées est Rawlinson. Le maréchal Haig compte profiter du succès pour commencer le 8 une nouvelle offensive. Au sud de von der Marwitz, von Hutier a réussi à maintenir à l'est de Saint-Quentin l'armée Debency, qui ne peut plus avancer. Autrement dit, le groupe Bœhn tient par les deux ailes, quoiqu'elles aient subi l'une et l'autre de graves échecs, mais le centre est complètement battu.

A l'est de l'Oise commence le groupe du Kronprinz, qui s'étend jusqu'à l'Argonne. Le recul de von Hutier d'une part, le choc subi par sa gauche d'autre part, ont contraint le Kronprinz à reculer ses armées de droite, IXe, VIIe et Ire. Elles ont été énergiquement suivies par Mangin et Berthelot. Un nouveau recul est ordonné et commencé le 5.

Quant à l'armée de gauche du Kronprinz, la Ille, elle a eu à supporter depuis le Di le chue de l'armée Gouraud. Celle-ci, arrêtée par l'arrêt de l'armée américaine à sa droite, est repartie à l'assaut le 3 octobre. Nous l'avons laissée la droite en avant. Elle progresse maintenant par le centre. La 2e division américaine enlève les hauteurs difficiles du Blanc-Mont. Plus à l'ouest, le 11e et le 21e corps font tomber le plateau de Notre-Dame-des-Champs. Le 4 au soir, la ligne va de Saint-Martin-l'Heureux au nord d'Orfeuil, pour redescendre à droite au sud du Monthois.

L'avance du centre de Gouraud déborde par l'est la région des Monts, que les Allemands évacuent le 5. Le corps qui les poursuit franchit la crête dans la matinée. L'armée atteint la ligne de l'Armes, prolongeant la droite de la 50 armée qui est sur la Suippe et sur l'Aisne. Mais, derrière ces coupures, les Allemands opposent une violente résistance.

En résumé, le Kronprinz replie son aile droite pour l'aligner, tandis que sa gauche, martelée par l'armée Gouraud, recule pas à pas, du 26 septembre au 5 octobre, de l'ancien champ de bataille de 1915 jusque sur l'Aines, où elle se maintient.

A l'Argonne commence le groupe Gallwitz avec la Ve armée ; on a vu comment cette armée, enfoncée le 26 septembre par les Américains entre l'Argonne et la Meuse, s'était maintenue par sa droite, tandis que sa gauche se repliait au nord de Nantillois. Le 4, l'attaque avait recommencé, et, le soir, le front Exermont-bois du Fays avait été atteint.

Cet état des fronts ne donne pas l'idée de la détresse profonde où l'armée allemande était tombée. Les effectifs des bataillons, écrit Ludendorff, étaient réduits à 240 hommes, et l'on ne pouvait maintenir ce chiffre qu'en dissolvant 22 divisions, c'est-à-dire 66 régiments.

D'autre part, un grave événement s'était produit dans les Balkans. Le 15 septembre, l'armée d'Orient, a pris l'offensive sous le commandement du général Franchet d'Esperey. Le 27 septembre, les Bulgares ont demandé un armistice. On peut prévoir que l'Autriche va s'effondrer à son tour.

Le 28 septembre, à Spa, Ludendorff descendit chez Hindenburg, dont le bureau était à l'étage au-dessous. Il lui exposa ses idées sur un armistice : le devoir était de le proposer, et d'agir avec clarté et promptitude. Le général feld-maréchal m'écouta avec émotion. Il répondit qu'il avait voulu me dire le soir même précisément la même chose, qu'il avait constamment pensé à la situation, et qu'il tenait cette démarche pour indispensable. Dans la pensée des deux chefs, l'armistice comprendrait à l'ouest l'évacuation des territoires occupés, et permettrait de reprendre la lutte sur la frontière allemande. Nous nous séparâmes, le général feld-maréchal et moi, avec une poignée de main ferme, comme des hommes qui viennent d'accompagner au tombeau des êtres chers.

Le lendemain 29, ils exposèrent leurs vues au secrétaire d'Etat von Hintze. Celui-ci fut d'avis de s'adresser an Président Wilson. L'empereur, qu'ils virent ensuite, approuva cette démarche. Dans l'après-midi du même jour, un rescrit impérial établissait le régime parlementaire en Allemagne. Le chancelier Hertling se retira, et fut remplacé par la prince Max de Bade.

Le haut commandement avait, dès le 29 au soir, envoyé à Berlin le commandant von Bussch, pour éclairer le Reichstag, Le 2 octobre, celui-ci fut mis en présence des chefs de parti. Il leur exposa la situation et conclut que la guerre ne pouvait plus être gagnée. L'armée allemande est encore assez forte pour contenir l'ennemi pendant des mois, obtenir des succès locaux et exiger de l'Entente de nouveaux sacrifices. Mais chaque jour rapproche l'ennemi de son but, et le rendra moins disposé à conclure avec nous une paix que nous puissions supporter. Aussi il n'y a pas de temps à perdre. Chaque jour la situation peut empirer, et donner à l'adversaire l'occasion d'apercevoir plus clairement notre faiblesse actuelle. Cette déclaration atterra les députés ; elle fut aussitôt répandue dans le public, qu'elle acheva de démoraliser.

Cependant le maréchal Hindenburg avait accompagné le 30 l'empereur à Berlin. Le 3, eut lieu un conseil de Cabinet où le maréchal assista. Il consigna son avis dans une note écrite : Le commandement suprême s'en tient à la demande, qu'il a faite le lundi 29 septembre, d'expédier immédiatement à nos ennemis une offre de paix. Par suite de l'écroulement du front de Macédoine, de l'affaiblissement consécutif de nos réserves sur le front occidental et de l'impossibilité de compenser les pertes considérables que nous avons faites dans les batailles des jours derniers, il n'va plus d'espoir, autant que l'homme peut en juger d'imposer la paix l'ennemi.... — Le maréchal revint à Spa le 4, et la note à Wilson fût envoyée le 5.

Tandis que les négociations commençaient, la bataille se poursuivait. Le 5, le maréchal Haig ordonne, pour le 8, une attaque de sa droite (3e et 4e armées) en direction de Bohain-Busigny, en liaison avec les Français. Le même jour, en effet, le général Pétain prescrit à l'armée Debeney, arrêtée, comme on a vu, à l'est de Saint-Quentin, de pousser sur Guise.

Le 8, les troupes britanniques crèvent les lignes allemandes entre Cambrai et Senellart, et avancent de 5 kilomètres. Dans la nuit, la IIe armée allemande, battue une fois de plus et n'ayant pas de réserves, reçoit l'ordre de se mettre en retraite pour gagner la position Hermann, c'est-à-dire la ligne de la Selle à la hauteur du Cateau. A gauche, la XVIIIe armée se retire en même temps derrière l'Oise, qu'elle occupe de la Fère à Bernot. — A droite, la XVIIe armée replie son centre et sa gauche pour se relier à la Ile, à mi-chemin entre Cambrai et Valenciennes, tandis que sa droite se rapproche de Douai. Ainsi, du 8 au 10, tout le groupe Bœhn s'est replié une fois de plus.

En même temps, le groupe du Kronprinz avait commencé une retraite générale vers sa deuxième position de repli, appelée position Hunding-Brunnhild-Kriemhild. Cette position suivait la Serre au nord de Laon (Hunding), puis, par les marais de Sissonne, atteignait l'Aisne qu'elle suivait de Rethel à Vouziers (Brunnhild), et enfin barrait la Meuse au sud de Dun (Kriemhild). Pour empêcher le rétablissement du Kronprinz sur ces lignes, le général Pétain a donc ordonné le 5 à l'armée Gouraud de pousser sa gauche sur Rethel et de devancer ainsi les Allemands sur l'Aisne.

C'est sur ces données que le maréchal Foch construit sa directive du 10 octobre. Son plan d'action est maintenant complètement renversé. Des trois offensives commencées à la fin de septembre, une seule, celle du centre, a donné des résultats décisifs. Le généralissime allié va mettre à profit cette situation. Le 3 septembre, il avait prévu la manœuvre par la droite, sur la Meuse. Cette manœuvre a échoué. Il va maintenant manœuvrer par son centre, qui attaquera avec le plus de forces possible. Combinée avec l'offensive des Flandres, celte poussée du centre fera tomber Lille, qui se trouvera débordée par le sud en même temps que par le nord. Combinée avec l'attaque de Gouraud et des Américains, elle fera tomber la ligne Hunding-Brunnhild-Kriemhild, qui sera débordée par l'ouest en même temps que par lest.

Le 11, le maréchal Haig donne à la 3e et la 4e armées britanniques l'ordre de s'établir, l'une au nord du Cateau, sur la Selle, l'autre au sud, entre le Cateau et Wassigny. Mais, avant de reprendre l'attaque, il doit remettre de l'ordre dans ses communications. A sa gauche, le général Degoutte prépare la reprise d'offensive en Flandre pour le 14. A sa droite, le général Pétain monte l'attaque débordante sur les deux extrémités de la ligne de la Serre et de l'Aisne, à l'ouest par la ire armée Debeney, à l'est par la 4e armée Gouraud et les Américains.

L'attaque en Flandre eut lieu le 14. Le premier jour, Roulers était pris et le front atteignait Cortemark et Iseghem. Le 15, à l'aile droite, l'armée Plumer enlevait Menin et Courtrai. Le 16, l'assaut était donné sur un front de 50 kilomètres, et l'ennemi était refoulé de 6 kilomètres.

La IVe armée allemande s'était bien battue, mais elle était à bout. Le haut commandement décida de la retirer sur la ligne Hermann, c'est-à-dire sur le canal d'Eccloo et sur lai Lys inférieure. C'était un dur sacrifice, car c'était l'abandon de la côte des Flandres et des principales bases de la guerre sous-marine. De plus, le repli de la IVe armée entraînait le repli de sa voisine du sud, la VIe. Celle-ci abandonna Lille dans la nuit du 17 au 18. La XVIIe armée suivit à son tour le mouvement de la VIe. Ce repli général sur la ligne Hermann entraîna la dissolution du groupe Bodin. La IIe année fut rattachée au groupe du prince Rupprecht, la XXIIIe au groupe du Kronprinz. Dans ce dernier groupe, la IXe armée fut supprimée.

Avant que le repli frit commencé, le 17, le maréchal Haig avait attaqué par sa droite, avec l'armée Rawlinson, l'armée Byng et la droite de l'armée Horne. L'armée Debeney prolongeait au sud l'armée Rawlinson et attaquait pareillement. Les armées allemandes prises à partie étaient la Ire et la XVIIIe, qui depuis une semaine s'étaient repliées, l'une sur la Selle, l'autre sur l'Oise, c'est-ii-dire sur les avancées des lignes Hunding et Hermann. Elles firent cette fois une très vive résistance ; le résultat de la bataille, qui dura jusqu'au 20, l'ut de les rejeter sur les ligues elles-mêmes.

On a vu que le Kronprinz avait replié déjà son aile droite le 2 octobre, et qu'il s'était laissé prendre alors en flagrant délit de retraite par Mangin et Berthelot. qui l'avaient secoué ; le 5, il avait replié son centre devant Reims, et l'avait ramené derrière la Suippe. Depuis lors, il tenait la ligne Arnes-Suippe-Aisne, devant la 4e et la 5e armées françaises. Dans la nuit du au Iii, il continua son repli, pour gagner cette fois la position Hunding-Brunnhild. Le 13, le mouvement était achevé, et les VIIe, Ire et IIIe armées allemandes étaient établies sur la Serre et l'Aisne moyenne. L'armée Mangin vint s'y heurter le 15.

Le dessein du commandement allié était de déborder cette ligne des deux côtés, à l'ouest avec l'armée Debeney, à l'est avec l'armée Gouraud et les Américains. Mais, entre l'armée Gouraud et la 1er armée américaine, s'élevait la masse de l'Argonne ; pour établir la liaison, il l'allait enlever le défilé de Grandpré, qui traverse l'Argonne. Le 14, le défilé l'ut attaqué de l'ouest par le 38e corps français, de l'est par le 1er corps américain. Le soir, la liaison était établie. — D'autre part, le général Pershing a formé le 12, sur la rive droite de la Meuse, une seconde armée américaine, à la droite de la 1re. Cette 2e armée doit attaquer le plateau de Damvillers, qui est la charnière orientale de la position Kriemhild.

En somme, vers le 20 octobre, toutes les armées allemandes, de la mer à la Meuse, se sont retirées sur leur second système de défense : ligne Hermann de la mer à l'Oise, ligne Hunding-Brunnhild-Kriemhild de l'Oise à la Meuse. Elles sont résolues à y tenir coûte que coûte.

Or, le 19, le maréchal Foch a ordonné l'assaut final. La directive du 19 est la dernière qu'il donnera. L'action des différentes armées alliées y est ainsi définie. Le groupe d'armées des Flandres marchera en direction générale de Bruxelles, sa droite de Pecq sur Hal. — Au sud de cette ligne, les armées britanniques rejetteront l'ennemi sur le massif impénétrable des Ardennes ; leur droite marchera par Philippeville sur Agimont (au nord de Givet). — La 1re armée française marchera par la Capelle sur Givet, appuyant à gauche le mouvement des armées britanniques, et tournant par sa droite la ligne de la Serre et la position Hunding. — La 5e armée française attaquera la ligne de l'Aisne (position Brunnhild) par l'ouest, en direction de Chaumont-Porcien. la 4e armée française et la 1re armée américaine l'attaqueront par l'est, en direction du Chesne. L'objectif commun de ces trois armées est Mézières.

Toutes ces actions ont pour objectif de rejeter les Allemands sur la Meuse. Mais, pour faire tomber leur résistance sur ce fleuve, le maréchal Foch pense à une autre manœuvre, à une offensive qui réédite plus à l'est, et avec plus de bonheur, celle du 26 septembre, autrement dit, une offensive par la Lorraine sur les voies de communication de l'ennemi. Le 20 octobre, il écrit au général Pétain : Il y a lieu de préparer des attaques de part et d'autre de la Moselle, en direction de Longwy-Luxembourg d'une part, en direction générale de la Sarre d'autre part. Aussitôt le général Pétain relève de la ligne la 10e armée Mangin ; c'est elle qui, avec la 8e (Gérard), sous le commandement du général de Castelnau, exécutera l'opération à l'est de la Moselle. Un premier projet est envoyé par Pétain à Foch le 23.

L'opération des Flandres commença dans la nuit du 21 au 22. Mais les Allemands résistèrent énergiquement, et elle ne réussit pas. Le 26, le général Degoutte commença à monter une autre opération pour le 31. Les armées britanniques, de leur côté, ayant atteint le 25 les réseaux de la position Hermann, s'arrêtèrent. De même, à l'aile droite, les 5e et 4e armées françaises et l'armée américaine marquèrent le pas devant une résistance acharnée. Seule, dans cette dernière semaine du mois d'octobre, l'armée Debeney remporta un vrai succès entre l'Oise et la Serre, pénétrant le 27 jusqu'aux faubourgs de Guise, et obligeant l'ennemi é abandonner la Serre de devant l'aile gauche de la lue armée. Ce jour-là même, la 10e armée était relevée et remplacée par la 3e.

Sur ces entrefaites, la réponse du Président Wilson arriva ; elle exigeait des conditions telles que l'Allemagne ne pût reprendre les armes. Or, le commandement allemand ne voulait d'armistice que pour se refaire et reprendre la lutte sur les frontières de l'empire. Le 24 au soir, Hindenburg adressa une proclamation aux troupes : La réponse de Wilson exige la capitulation militaire. Par là même, elle est inacceptable pour nous soldats.... La réponse de Wilson ne peut donc être, pour nous autres soldats, qu'une invitation à continuer la résistance jusqu'à l'extrême limite de nos forces. Mais déjà le gouvernement était d'un autre avis ; le résultat de cet ordre du jour fut la disgrâce de Ludendorff, qui fut relevé de ses fonctions le 26.

Cependant, le 23, l'armée italienne avait repris l'offensive, d'une part entre la Brenta et la conque d'Asiago, d'autre part sur la Piave. Partout les Autrichiens furent chassés de leurs positions. Le coin-mandement ordonna la retraite le 29. Il était trop tard. Ce fut, écrit le colonel Immanuel, un désastre comme l'histoire de la guerre n'en a pas connu. Un armistice entra en vigueur le 4 novembre. Les Italiens ramassèrent jusqu'au milieu de novembre 7.000 canons et 450.000 prisonniers.

Sur le front occidental, la bataille reprit en Flandre le 31 octobre, et, sur le reste du front, le 1er novembre.

Le 31 octobre, le groupe d'armées du Nord donne l'assaut. L'armée belge, à gauche, bordait depuis le 20 le canal, de la frontière hollandaise jusqu'à Deynze. Elle tenta vainement de le franchir. Au centre, la 6e armée française, qui était commandée depuis le 14 par le général de Boissoudy, avait en ligne trois corps, 34e, 30e et 7°. Elle conquit la crête des hauteurs qui séparent la Lys de l'Escaut, sans pouvoir la franchir. Au sud, la 2e' armée Plumer attaquait face à l'est. avec 2 corps, 2° et 10e', sous un barrage roulant, d'une puissance formidable. Les objectifs atteints, Farinée, pivotant sur sa gauche, se redressa l'ace au nord-est, en avançant sa droite le long de l'Escaut. La 1V' armée allemande, enfoncée et courant ]e risque d'elle débordée sur l'Escaut, commença le 1er un large repli, suivie par les trois armées alliées, leur cavalerie en tète. Le 3 novembre, celles-ci formaient un front nord-sud, de la frontière hollandaise à l'ouest de Gand, puis se repliaient au sud-ouest, en bordant approximativement l'Escaut, puis son canal jusqu'à Valenciennes, en laissant à l'ennemi Tournai et Condé. Le vaste saillant formé par ces deux villes, et qui était demeuré passif pendant Le combat recommençait à la hauteur de Valenciennes, c'est-à-dire à l'aile droite de la 1re armée britannique. La ville, attaquée le 1er, fut conquise le 2 par une manœuvre très hardie : les troupes qui attaquaient au sud de la ville, face à l'est, exécutèrent un à gauche, face au nord, de telle sorte qu'à un moment les canons britanniques furent entre leur infanterie et l'ennemi. Mais tel était l'état de l'armée allemande que de pareilles manœuvres pouvaient être exécutées.

Valenciennes pris et dépassé, la bataille s'engagea le 4 entre l'Escaut au nord et la Sambre au sud. Elle était menée à gauche par la droite de la 1re armée (22e corps et corps canadien), et plus au sud par la 3e armée (6e et 18e corps à gauche, 4e au centre, 14e corps à droite). Le 4e corps emporta le Quesnoy, et le 14e traversa la forêt de Mormal, débordant Landrecies par le nord. Pendant ce temps, cette ville était attaquée et prise par la 4e armée Rawlinson, qui achevait à droite l'ordre de bataille britannique. Le 5 au matin, les Britanniques victorieux avaient fait 20.000 prisonniers et pris 450 canons. La Sambre était franchie de Landrecies à Oisy. et les armées allemandes commençaient un large mouvement de repli.

A la droite de Rawlinson, Debeney avait attaqué le 3 la XVIIIe armée entre la Sambre au nord et l'Oise au sud, en direction générale de la Capelle. On se rappelle que le dessein de cette attaque était de tourner l'extrémité ouest de la position Hunding sur la Serre et d'arriver derrière elle. Ce dessein serait réalisé par la prise de Guise. L'armée, franchissant le canal qui relie la Sambre et l'Oise, arriva à Lesquielles-Saint-Germain. Guise était débordé par le nord et à la merci d'une nouvelle attaque.

A l'autre extrémité de la position Hunding, la 4e armée Gouraud et la Ire armée américaine avaient attaqué le 1er novembre entre l'Aisne et la Meuse. Les deux armées étaient en potence l'une sur l'autre, l'armée Gouraud bordant, l'Aisne face à l'est, avec une tête de pont sur la rive droite à Vouziers, l'armée américaine s'étendant face au nord, entre l'Aisne et la Meuse, la liaison entre les deux armées se faisant par Grandpré, dans l'Argonne. Les deux attaques convergeaient donc à angle droit, celle du général Gouraud ayant pour objectif le Chesne, celle du général Liggett ayant pour objectif Buzancy.

Le général Gouraud avait en ligne, à gauche, le 11e corps, qui devait, en liaison avec la 5e armée, exécuter des attaques locales à l'ouest de Rethel, puis, en allant vers la droite, le 14e corps, le 9e et le 38e. Le 1er novembre, tandis que le 9e corps tenait la tête de pont de Vouziers, le corps l'élargissait au nord en prenant Voneq, et le 38e corps l'élargissait au sud en prenant Falaise. De la base de départ, ainsi constituée, l'armée se portait en avant le 2, poursuivant les Allemands qui se repliaient et atteignant le front Semut-Longwé.

De leur côté, les Américains, attaquant le 1er novembre entre l'Argonne et la Meuse, rompirent la ligne allemande entre Champigneulles et Brieulles. Le 5e corps, qui était au centre, avança en pointe de 12 kilomètres jusque dans l'est de Buzaney. Le lendemain, le 1er corps, qui était à gauche, attaquait à son tour. Toute la ligne se portait en avant avec une impétuosité accrue par la victoire. En fin de journée, les 5e, 1er et 3e corps taisaient le front Longwé-Buzancy-Villers.

Le 3, les deux armées Gouraud et Liggett, dépassant l'Argonne au nord et désormais bien liées, avançaient sur un large Iront, en gagnant une profondeur de 5 à 10 kilomètres. Le 4, toute la ligne américaine se porte en avant, enlevant la forêt de Dieulet, tandis qu'à Gouraud, le corps de droite passe le canal des Ardennes ; le corps de gauche (14e) ne réussit pas à la franchir. En quatre jours, l'armée Gouraud a avancé de 20 kilomètres vers Sedan.

C'en est fait de la seconde position de repli des Allemands. Entre l'Escaut et l'Oise, la position Hermann est rompue. De l'Oise à la Meuse, la position Hunding-Brunnhild-Kriemhild est tournée à l'ouest par Debeney, rompue à l'est par Gouraud et Liggett. Il faut se replier sur la troisième position, cette ligne Hagen, inachevée, qui se moule sur le massif des Ardennes, de Hirson à Sedan. Le 5, puis le 6, les IIe, XVIIIe, VIIe, Ire, IIIe et Ve armées allemandes se mettent en retraite sur un front de plus de 200 kilomètres, en s'appuyant à gauche à la Meuse, à droite au moyen Escaut.

Aussitôt informées de ce repli, les armées alliées se mettent à la poursuite, Le 6, Gouraud, franchissant le canal des Ardennes, pousse au nord, et arrive à 10 kilomètres de Sedan, à 20 kilomètres de Mézières. A sa gauche, Guillaumat et Humbert, devant qui les Allemands se retirent, occupent sans combat la position Hunding et avancent à grande allure. Le 6 au soir, ils font le front Vervins, sud de Novion-Porcien. A la gauche d'Humbert, Debeney, poussant à lest, borde le 6 au soir la route Vervins-Avesnes. Rawlinson arrive à 6 kilomètres d'Avesnes. Byng marche sur Maubeuge et Horne sur Mons ; mais ces deux généraux sont à la charnière du repli ennemi. Il serait très grave pour les Allemands de s'y laisser enfoncer ; aussi font-ils une défense désespérée : Byng est arrêté à l'est de la forêt de Mormal ; Horne est arrêté sur le Honnelle, qu'il franchit pourtant le 6.

Sous le ciel bas de novembre, par la pluie et le vent, les colonnes de l'infanterie allemande refluent, perdant les prisonniers par milliers. Les avions allemands ont disparu du ciel. Les aviateurs alliés, volant à petite hauteur, rapportent tous les mouvements de l'ennemi, le bombardent et le mitraillent. Derrière les avions, l'infanterie alliée, harassée, mais victorieuse, suit malgré la résistance des derniers mitrailleurs, et les malheureux habitants, délivrés de quatre ans d'esclavage, l'acclament éperdument.

Le 8, la 4e armée Gouraud arrive sur la Meuse, et occupe les hauteurs de la rive sud, de Sedan à Mézières. Guillaume, débouchant du Porcien, atteint après un vif combat la ligne Mézières-Aubenton ; Humbert rencontre également une vive résistance sur la ligne du Thon et de l'Aube, qu'il ne réussit pas à franchir, sauf au sud d'Hirson, où il établit une tête de pont. Devant Debeney aussi la résistance s'accentue le 8. Après les fortes avances du 6 eL du 7, il ne fait plus ce jour que 3 kilomètres, en se battant, entre Hirson et Avesnes. Rawlinson, dans la région d'Avesnes, ne put lui aussi avancer le 8 que de 2 kilomètres. Les armées allemandes étaient arrivées à bout de repli. Elles pouvaient donc maintenant abandonner le vaste saillant Audenarde-Tournai-Condé, qui avait servi de support, au mouvement, et replier leur aile droite. Dans la nuit du 7 au 8, des explosions se faisaient entendre devant la Ire et la

armées britanniques : l'ennemi abandonnait les deux têtes de pont de Condé et de Tournai, et, le 9 et le 10, il évacuait toute la boucle de l'Escaut. Plus au nord, il se repliait le 8 devant le groupe d'armées des Flanches, et, décollant pareillement de l'Escaut, il allait s'établir la droite à Gand et la gauche sur les collines de Renaix. Il était main-riant partout sur sa troisième position défensive : en Belgique sur la ligne Gand-Renaix ; en France sur la ceinture du massif des Ardennes, d'Hirson à Sedan. Mais il était à bout. La discipline n'existait plus ; les troupes étaient désorganisées, les routes embouteillées. D'autre part, l'offensive de Lorraine était prête. Elle devait se déclencher le 13. Enfin, la révolution avait éclaté à Berlin ; l'empereur, ayant abdiqué, s'était retiré le 8 au soir en Hollande.

Le 7 novembre, à minuit trente, le maréchal Foch avait reçu du commandement allemand le radio suivant :

Le gouvernement allemand, ayant été informé par les soins du Président des États-Unis que le maréchal Foch a reçu le pouvoir de recevoir ses représentants accrédités et de leur communiquer les conditions de l'armistice, fait connaître les noms de ses plénipotentiaires et demande l'endroit où ils pourront pénétrer dans les lignes françaises. Il demande aussi une suspension d'armes dans l'intérêt de l'humanité.

A une heure vingt-cinq, le maréchal répondit que les plénipotentiaires allemands devraient se présenter aux avant-postes sur la route de Maubeuge la Capelle. De là ils furent menés à Rethondes, dans la forêt de l'Aigue, entre Compiègne et Soissons. A 700 mètres de la gare, une voie de garage formait un épi. Le train du maréchal Foch fut placé sur une des voies, celui des plénipotentiaires sur l'autre.

L'entrevue eut lieu le 8, à neuf heures du matin. Les délégués allemands étaient M. Erzberger, président ; le comte Oberndorff, le général von Winterfeld, le capitaine de vaisseau Vanselow, les capitaines Geyer et Helldorf. A neuf heures, ils descendent de leur train, et, par un chemin de caillebotis posé sur le sol boueux, gagnent le train du maréchal. Ils sont recrus dans le wagon-bureau par le général Weygand et l'amiral Hope. Puis le général Weygand va chercher le maréchal Foch, qui entre suivi de l'amiral Wemyss.

Foch s'arrête sur le seuil, l'ait le salut militaire, puis s'approche de la table, ôte son képi et dit : A qui ai-je l'honneur de m'adresser ? Erzberger répond en allemand : Les plénipotentiaires envoyés par le gouvernement germanique. Il tend les lettres de crédit au maréchal, qui les prend et dit : Je vais les examiner. Et il sort avec l'amiral Wemvss. Tout le monde attend, debout. Il revient, et le dialogue suivant s'engage.

FOCH (debout). — Quel est l'objet de votre visite ?

ERZBERGER. — Nous venons recevoir les propositions des Puissances alliées pour arriver à un armistice sur terre, sur mer et dans les airs (l'interprète Laperche traduit sa réponse).

FOCH. — Je n'ai pas de proposition à faire.

OBERNDORFF. — Si monsieur le Maréchal préfère, nous pourrons dire que nous venons demander les conditions auxquelles les Alliés consentiraient un armistice.

FOCH. — Je n'ai pas de conditions.

ERZBERGER tire de sa poche et lit la note du Président Wilson disant que le maréchal Foch est autorisé à faire connaitre les conditions de l'armistice.

FOCH. — Demandez-vous l'armistice ? Si vous le demandez, je puis vous faire connaitre à quelles conditions il pourra être obtenu.

ERZBERGER et OBERNDORFF déclarent qu'ils demandent l'armistice.

FOCH. — Je vais donc vous faire donner lecture des conditions aminées par les gouvernements alliés.

Le maréchal, puis tous les plénipotentiaires s'assoient ; un texte des conditions est remis à Erzberger, tandis que le général Weygand les lit à haute voix. Ces conditions avaient été arrêtées le 4 entre les gouvernements alliés. Elles comprenaient l'évacuation dans le délai de quinze jours des territoires occupés, y compris l'Alsace-Lorraine ; la livraison de 5.000 canons, 30.000 mitrailleuses, 3.000 minenverfer, 2.000 avions ; l'évacuation dans le délai de trente jours de la rive gauche du Rhin, qui restera administrée par les autorités locales sous la surveillance des armées alliées, augmentée de trois têtes de pont de 30 kilomètres de rayon sur la rive droite, à Cologne, Coblentz, Mayence, l'entretien des garnisons étant aux frais de l'Allemagne ; la neutralisation d'une zone de 10 kilomètres à l'est du fleuve et des têtes de pont ; la livraison de tous les approvisionnements militaires laissés après les délais d'évacuation ; la livraison de 5.000 locomotives, 150.000 wagons, 5.000 camions ; la livraison de 160 sous-marins dans le délai de quinze jours ; l'internement, dans le délai de sept jours, de 6 croiseurs de bataille, de 10 cuirassés d'escadre, de 8 croiseurs légers et de 50 destroyers ; la libération des prisonniers faits par l'Allemagne. sans réciprocité ; l'évacuation immédiate de l'Autriche-Hongrie, de la Roumanie, de la Turquie et, au moment fixé par l'Entente, de la Russie ; l'annulation des traités de Brest-Litovsk et de Bucarest, l'évacuation de tous les ports de la mer Noire : la restitution des navires de guerre russes et de tous les bateaux de commerce ; l'évacuation de l'Afrique orientale ; la réparation des dommages de guerre.

La durée de l'armistice était de trente-cinq jours, et pouvait être prolongée. Le délai accordé pour accepter ou refuser ces conditions était de soixante-douze heures. Le terme du délai fut donc fixé au lundi II novembre, à onze heures du matin. Le maréchal Foch refusa une suspension d'armes. Bien au contraire, le 9, à quatorze heures trente, il télégraphiait aux commandants en chef : L'ennemi, désorganisé par nos attaques répétées, cède sur tout le front. Il importe d'entretenir et de précipiter nos actions. Je fais appel à l'énergie et à l'initiative des commandants en chef et de leurs armées, pour rendre décisifs les résultats obtenus.

Le 9 au soir, la situation était la suivante. La 1re armée américaine, avant poussé sa droite à l'est de la Meuse, faisait le front Ornes-Mouzon. L'armée Gouraud avait occupé Mohon et Mézières, et une de ses divisions avait jeté 2 bataillons sur la rive droite de la Meuse. L'armée Guillaumat était sur la Sormonne, c'est-à-dire juste aux abords de la grande forêt des Ardennes. L'armée Humbert, passant le Thon et l'Aube, était pareillement venue se mouler sur l'Ardenne, en faisant la ligne la Neuville aux Joutes-Signy-le-Petit.

Cependant l'offensive de Lorraine est prête. L'armée Mangin comprend 14 divisions, l'armée Gérard, à sa droite, 6. A gauche, la 2e armée américaine doit attaquer à l'ouest de Metz. Quant aux chances de l'opération, on peut, les résumer ainsi. Le maréchal Foch dispose de 205 divisions : 102 françaises, 60 britanniques, 12 belges, 29 américaines, 2 italiennes. Sur le total, il a 103 divisions en réserve. Les armées allemandes n'ont plus sur le front occidental que 187 divisions, dont 17 seulement en réserve ; leur grande ligne de rocade Hirson-Sedan est perdue ; les renforts sont incapables de se porter à temps sur le champ de bataille. L'année allemande est bien perdue.

Le 10, à sept heures du soir, le général Desticker téléphone au maréchal Foch que nos postes ont intercepté le radio du gouvernement allemand aux plénipotentiaires : Les plénipotentiaires sont autorisés à signer. A minuit et demie, ils reviennent dans le wagon-bureau du train du maréchal ; la discussion dure tonte la nuit. Enfin, à cinq heures, les signatures sont échangées. L'armistice entra en vigueur six heures plus tard, c'est-à-dire à onze heures.

Le 10 au soir, le groupe d'armées tics Flandres avait encore réussi une longue avance par son centre et sa droite. La 6e armée française avait par son aile sud progressé de 15 kilomètres jusqu'à Segelshem, prolongée au sud par l'armée Plumer à Nederbrehelles. Le Il au matin, les armées britanniques jalonnaient la ligne Nederbrehelles-Mons. Elles se liaient par Eppes-Sauvage à l'armée Debeney, qui avait avancé le 10 de 8 kilomètres. La 3e armée, qui avait en cinq jours gagné 60 kilomètres, occupait Rocroi le 11 à l'aube. La 5e armée, suivant pas à pas l'ennemi sur les hauteurs de l'Ardenne, avait atteint le 10, à seize heures, le front Bel-AirItenwez. La 4e armée, après de durs combats, le 10, pour le passage de la Meuse, avait réussi à jeter six bataillons sur la rive droite, entre Vrigne et Lumes. Le compte rendu du 11 au matin ajoutait : Hier soir, à partir de dix-huit heures, l'ennemi a bombardé Mézières avec des obus incendiaires, mettant le feu à l'hôpital qui a dû être évacué par les malades et les blessés qui l'occupaient. Depuis ce matin, les Allemands exécutent sur la ville, où se trouvent plus de 20.000 habitants, des tirs par toxiques et mitrailleuses. L'armée américaine avança le Il au matin jusqu'au jalonnement. Stenay-Dieppe.

A onze heures du matin, le feu s'arrêta partout, après deux cent trente-deux jours de bataille ininterrompue. Les soldats étaient comme stupéfaits de pouvoir se montrer sans risquer une balle ou un obus. À quatre heures de l'après-midi, toutes les cloches des églises de France sonnèrent. Paris, qui avait pendant quatre ans et trois mois supporté stoïquement l'inquiétude, le bombardement et la victoire même, laissa enfin éclater sa joie. La foule parcourait les boulevards en chantant : Fallait pas, fallait pas qu'y aille. On acclamait les soldats, on fraternisait. On promenait en triomphe les canons ennemis, dont M. Clemenceau avait fait une allée triomphale de l'Étoile à la Concorde. Le maréchal Foch adressa le 12 aux troupes alliées une proclamation qui disait : Vous avez gagné la plus grande bataille de l'histoire et sauvé la cause la plus sacrée : la Liberté du monde. Soyez fiers ! D'une gloire immortelle vous avez paré vos drapeaux. La postérité vous garde sa reconnaissance[2].

Pour cette lutte, la France avait mobilisé 8.410.000 hommes. Le chiffre total des morts fut de 1.383.000 ; celui des blessés, 2.800.000. L'empire britannique comptait 984.000 morts, l'Italie 512.000, la Belgique 51.000. Les pertes des Allemands ont été de 1.822.545 morts.

 

 

 



[1] La 4e division de la garde avait été engagée trois fois sur la Somme et une fois dans la bataille du 9 juin ; la 5e division de la garde, 2 fois dans la Somme et 2 fois sur l'Aisne ; la 19e division, 4 fois sur la Somme et une fois dans la bataille du 9 juin, etc.

[2] En dehors du front français, les troupes françaises se sont battues aux Dardanelles, en Macédoine, en Palestine, en Italie et aux colonies.

I. Le 18 mars 1915, l'escadre alliée, sous les ordres de l'amiral Robecq, avait en vain tenté de forcer le passage des Dardanelles. Le 25 avril, un corps expéditionnaire allié, comprenant une division française, débarqua à l'extrémité de la péninsule de Gallipoli. Pour faciliter l'opération, un détachement français (175e régiment d'infanterie et régiment mixte colonial) fat débarqué sur la mite d'Asie, et rembarqué le lendemain, pour être transporté dans la péninsule. Les Français y prirent la droite des troupes britanniques. Ils furent arrêtés par le ravin de Kereves-Déré, qu'ils ne purent franchir, mais où ils se maintinrent malgré les contre-attaques turques. Le 28 avril, à six heures du soir, le Iront était fixé pour tout le reste de la campagne.

Du 25 avril au 4 juin, aucune grande opération ne fut tentée par les Alliés. Le général d'Amade, qui commandait le corps expéditionnaire français, fut remplacé par le général Gouraud, qui arriva le 14 mai. A la fin de mai, les forces françaises étaient de u divisions. Le 4 juin, une nouvelle attaque fut exécutée par les Alliés, et ne réussit pas. Les Français, qui avaient engagé une division et demie, prirent, an delà de Kereves-Déré, la hauteur de Haricot, et la reperdirent. Le 29 juin, ils la prirent une seconde fois, et définitivement dans une opération de détail. Le 30 juin, le général Gouraud fut grièvement blessé. Le général Sarrail, nommé à sa place le 22 juillet, exigea que le corps expéditionnaire devint l'armée d'Orient. Il fut nommé commandant de cette armée le 5 août.

De nouveaux renforts britanniques et français débarquèrent à la fin de juin, ce qui porta à 10 divisions les troupes commandées par sir Jan Hamilton. On fit pendant tout le mois de juillet des opérations de détail, sanglantes et sans résultat. Enfin, le 6 août, le général anglais exécuta sans succès une grande attaque, purement britannique, à la fois au cap Hellès, à Gaba-Tepe et à Sovla. Les troupes françaises n'y prirent point de part active.

Cependant, le 4 octobre, les ministres de France, de Russie et d'Angleterre à Sofia avaient reçu leurs passeports. Les Bulgares attaquaient la Serbie par l'est, tandis que les Austro-allemands l'attaquaient par le nord.

La 156e division du général Bailloud avait déjà été rembarquée au cap Hellès, et arriva à Lemnos le 29 septembre, d'où elle fut dirigée sur Salonique, où elle débarqua le 5 octobre. La division qui restait devant les Dardanelles et les éléments d'armée furent commandés par le général Bridant. Le 16 octobre. hi général Hamilton fut remplacé, pur le général Monro. Au milieu de novembre, lord Kitchener vint inspecter les fronts, et canant à l'évacuation. L'embarquement commença à la fin de l'année. Il fut terminé le soir du 7 janvier.

II. La 156e division française et la 10e division britannique, venant des Dardanelles et débarquées à Salonique le 5 octobre, 1915, formèrent le premier noyau de l'armée d'Orient, dont le commandement était donné au général Sarrail, qui arriva le 12 octobre. La 57e division débarqua au milieu d'octobre, et une de ses brigades fut aussitôt jetée en flèche vers la région de Krivolak, pour donner la main aux Serbes tandis que la 156e tenait le Vardar en aval vers Strumitsa.

Une troisième division, la 122e, arriva le 1er novembre. Le général Sarrail attaqua le 3 novembre avec la 156e division, en direction de Rosterino, taudis qu'à gauche la 57e saisissait le 30 octobre les ponts de la Cerna et se portail, le 5 novembre, sur les arrières des Bulgares qui attaquaient Prilep. Elle fut elle-même violemment attaquée par les Bulgares du 6 au 15 novembre. Sa résistance minuit à l'armée serbe de s'écouler sur l'Albanie. Sa tache remplie, l'armée d'Orient commença à se replier sur Salonique, le 2 décembre, par échelons de divisions. Elle atteignit, le 12, la frontière grecque. que les Bulgares ne franchirent pas.

Un camp retranché fut établi à Salonique. Rejointe en avril et mai 1916 par l'armée serbe, renforcée de contingents italiens, grecs, russes et britanniques, l'armée d'Orient atteignait 300.000 hommes. En août, les Bulgares attaquèrent par les deux ailes. Cette attaque arrêtée, l'armée d'Orient passa elle-même à l'offensive le 12 septembre et avançant par sa gauche, occupa Monastie le 19 novembre.

Le front resta ainsi fixe pendant deux ans. Le 4 juin 1918, le général Fauchet d'Esperey arrivait à Salonique, et, le 15 septembre, il commençait l'offensive. Il disposait de 39 divisions, dont 8 françaises. Dès le premier jour, le première position bulgare fut enlevée en plein centre de la ligne, sur 15 kilomètres, par les 122e et 17e divisions françaises, et par la division serbe de la Chommadia. Le 18, le front bulgare était emporté sur 25 kilomètres du front et 15 de profondeur, et la poursuite commençait le 19 avec rabattement à gauche et à droite. Le 22, les ailes bulgares se repliaient à leur tour. En dix jours, l'avance au centre atteignait 100 kilomètres. La XIe armée allemande composée de troupes bulgares, encerclée, capitulait le 29, livrant 77.000 hommes, 1.600 officiers, 300 canons. Le même jour, la Bulgarie signait un armistice à Salonique.

III. En Italie, les Austo-allemands ayant battu, le 14 octobre 1917, la 2e armée italienne à Caporetto, ce qui entraînait le repli de toute la ligne, la 10e armée Duchêne, forte de 6 divisions, débarqua dans la région de Véronne du 31 octobre au 3 novembre. Le commandement supérieur des forces françaises futexercé successivement par le général Foch, arrivé le 28 octobre, puis, à partir du 28 novembre, par le général Fayolle.

La 10e armée entra en ligne le 3 décembre, de Rivasecca à l'osteria de Monfenera, avec deux divisions en ligne. La 47e division française enleva la crête Mont-Tomba-Monfenera, le 30 décembre. Après l'offensive allemande de mars 1918 en France, quatre divisions françaises furent rappelées. Il ne resta en Italie, sous les ordres du général Graziani, que le 12e corps, à deux divisons, entré en secteur du 18 au 22 mars sur le plateau des Sette-Communi ; le 15 juin, les Autrichiens ayant prononcé une attaque générale, le 12e corps maintint brillamment ses positions et porta secours au 13e corps italien, situé à sa droite. — En septembre, une grande offensive est décidée sur la Piave ; le général Graziani reçoit le commandement de la 12e armée, où entre la 33e division française, la 34e restant en secteur avec la 6e armée italienne, sur les Sette-Communi, où elle exécute le 11 octobre un coup de main sur le Sisemoi. — Cependant l'offensive dur la Piave commence le 26 octobre. Les ponts sont plusieurs fois coupés et réparés. Enfin, le 29 au soir, toute l'infanterie de la 33e division a passé la rive gauche. Dans la nuit du 360 au 31, les Autrichiens se mettent en retraite. Le 1er novembre, le commandement italien ordonne l'offensive sur tout le front, et le 3, les Autrichiens signent l'armistice. La 33e division, sur la Piave, avait fait 3.000 prisonniers, la 24e, sur le plateau d'Asiago, 1.174.

IV. Enfin des troupes françaises ont pris une partie importante à la conquête du Togo et à celle du Cameroun. Le Togo fut attaqué, le 7 août 1914, par une colonne anglaise forte de trois compagnies, venue de la Côte d'Or, et par une colonne française, forte de quatre compagnies, venue du Dahomey ; au total, 1.200 hommes, ces colonnes réunies marchèrent sur Kamina. Un combat eut lieu à Ghra, le 24 août ; le 26, les Alliés étaient en vue de Kamina. Le lendemain, les Allemands se rendaient.

Le Cameroun fut attaqué par sept colonnes marchant concentriquement. Au nord, une colonne française partant un Tchad et une colonne anglaise partant de la Nigeria devaient converger sur Garoua. Dans l'est, deux colonnes françaises partant, l'une de l'Oubangui, l'antre du Congo, marchaient sur Yaoundé, qui est le centre du pays. Du littoral, une colonne anglo-française devait occuper Douala, la côte et l'interland. Dans le sud, deux colonnes françaises partaient du Gabon. — À la fin de 1915, les diverses colonnes encerclaient le réduit central formé par le plateau de Yaoundé. Ce fut la colonne partie du littoral qui y entra le 1er janvier 1916, précédant de quelques jours les colonnes du nord et de l'est. Au milieu de février, la conquête du pays était achevée.

V. Tandis que la direction des opérations navales appartenait à la Grande-Bretagne dans la mer du Nord, la Manche et l'Atlantique, elle était laissée à la France dans la Méditerranée, — La marine française n'a pris part qu'à une seule grande action, la tentative de forcement des Dardanelles, le 18 mars 1915. La division de l'amiral Guépratte marchait en tête de la flotte alliée. Elle comprenait le Suffren, le Bouvet, le Charlemagne et le Gaulois. Elle entama le combat à midi avec les ouvrages turcs, et fut relevée à quatorze heures par division britannique. Dans les évolutions du retour, le Gaulois heurta une mine dérivante et dut s'échouer. Le Bouvet, pareillement heurté par une mine, s'englouti en trois minutes, tout l'équipage sur le pont et acclamant la France. Le Suffren dut s'échouer comme le Gaulois.

Faute de grandes batailles, la marine française fit bravement l'obscur, fatigant et périlleux travail de la surveillance, du transport du ravitaillement, de la lutte contre les sous-marins et des expéditions de bombardement.