HISTOIRE DE FRANCE CONTEMPORAINE

 

LIVRE II. — LES OPÉRATIONS MILITAIRES.

CHAPITRE II. — LA BATAILLE DES FRONTIÈRES.

 

 

I. — OFFENSIVE DES 1re ET 2e ARMÉES.

LA 1re armée et la 2e avaient commencé leur mouvement le 14 août. Elles avancèrent sans rencontrer de bien vive résistance. Le 20, à huit heures quarante-cinq du matin, le commandant en chef, exposant la situation au ministre de la Guerre, signalait que la i" armée avait atteint la région de Sarrebourg et se trouvait en face d'une position organisée autour de Phalsbourg. La 2e armée, dans la région des Étangs, n'avait pu déboucher du canal des Salines ; mais elle avait occupé Dieuze et les hauteurs immédiatement au nord. Les avant-gardes avaient atteint Mohrange et Delme.

En réalité, les VIe et VIIe armées allemandes s'étaient repliées sur une position préparée, d'où elles partirent le 20 pour la contre-attaque. A la 1re armée, le général Dubail, chargé de l'opération principale, sentait depuis le 16 l'orage se former sur sa droite. Il avait en ligne, à partir de la gauche, les 8e, 13e, 21e et 14e corps. Il décida de refuser sa droite menacée, et il attaqua par sa gauche qu'il renforça, et qui se liait à l'armée Castelnau. Mais la division d'extrême gauche, qui devait ouvrir le chemin, prise sous les feux d'une puissante artillerie lourde, dont le tir était préparé ou réglé par avions ou par espions, fut contre-attaquée et ramenée. Les Allemands attaquent alors vigoureusement sur toute la ligne. A la droite française, le 21e corps, aidé par la division de droite du 13e, les repousse victorieusement. Ainsi, refoulés à gauche, les Français étaient vainqueurs à droite, et la journée était indécise, quand, à quinze heures, le général Dubail apprit que l'armée Castelnau était refoulée, et que le corps de droite de cette armée avait cédé sur une profondeur de 18 kilomètres, découvrant la gauche de la 1re armée.

Le général Castelnau marchait avec trois corps, qui étaient, de gauche à droite, le 20e, le 15e et le 10e. Le 20 au matin, l'armée avait devant elle une ligne de crêtes fortifiées, de Fenestrange à Mohrange, hautes de 280 mètres, et armées d'une artillerie qui prit aussitôt la supériorité du feu. L'intention du général de Castelnau était de manœuvrer par son centre et sa droite. Mais, au lieu d'attaquer, il fut attaqué. Le 16e corps à droite, assailli à Zommange et à Rohrbach, fut rejeté. Au centre, le 15e corps, pris de front et en flanc, reflua sur Dieuze. Enfin, à gauche, le 20e corps, qui, dans la pensée du général de Castelnau, devait faire pivot, fut pris à partie par deux corps allemands, et dut reculer sur Château-Salins. A quatre heures de l'après-midi, le général de Castelnau donna l'ordre de la retraite. L'armée se reporta sur le Grand-Couronné, et plus au sud sur la position Saffais-Belchamp. La 1re armée, contrainte également de se replier, pivota sur sa droite, qui resta accrochée au col du Bonhomme, et retira sa gauche derrière la Vezouse.

Leur offensive en Lorraine ayant échoué, quelle allait are maintenant la mission des armées de droite ? Cette mission fut définie le 22 par l'instruction particulière n° 18.

Il importe actuellement, dans cette partie du théâtre d'opérations, non seulement de durer, mais de maintenir l'ennemi et d'être en état de reprendre ultérieurement l'offensive.

A cet effet :

a) la 2e armée s'efforcera de se maintenir et de se reconstituer sur le Grand-Couronné de Nancy et entre la Meurthe et Moselle....

b) la Ire armée s'efforcera de se maintenir dans la région des Vosges, de manière à se trouver dans le flanc des attaques qui pourraient être menées dans le flanc de la 2e armée et à permettre le passage ultérieur à l'offensive....

c) la mission de l'Armée d'Alsace est de permettre à la 1re armée de se maintenir dans les Vosges, en couvrant son flanc droit et en prenant dès que possible les opérations à son compte jusque dans la région du col du Bonhomme (inclus).

Tout en maintenant une couverture dans la plaine de Haute-Alsace, cette armée remontera donc par les deux versants des Vosges de manière à atteindre le plus tôt possible la ligne : région de la Schlucht, Bonhomme, Trois-Épis, en se couvrant par l'occupation de la région de Colmar.

Le 24 août, l'ennemi attaqua de nouveau. Mais, le 23, la 1re et la 2e armée, s'engageant à fond, l'obligèrent le soir même à la retraite. Il s'établit alors une sorte de position d'équilibre, chacune des deux parties se retranchant et exécutant de violentes attaques, où certains points d'appui furent pris et repris. Cette situation d'équilibre dura jusqu'au 5 septembre.

 

II. — OFFENSIVE DES 3e ET 4e ARMÉES.

TANDIS que l'aile droite se fixait ainsi, le centre français (3e et 4e armées) attaquait le 21 août. Cette attaque, comme celle de Lorraine, échoua.

L'opération principale était confiée à la 4e armée (Langle de Cary), qui, avec six corps, devait tomber par surprise dans le flanc des Allemands en marche à travers le Luxembourg belge. A sa droite, la 3e armée (Ruffey), avec trois corps, seconderait l'opération en marchant sur Arlon.

La 4e armée avait en ligne, de gauche à droite, les 11e, 17e, 12e corps, le corps colonial et le 2e corps. De plus, le 9e corps, renvoyé de Lorraine, débarquait à son extrême gauche. Les passages de la Semoy étaient tenus par des avant-gardes, les gros étant massés en arrière, au nord de la Meuse et du Chiers. L'armée se trouvait ainsi échelonnée, la gauche en avant, sur un front de 60 kilomètres. Les plus grandes précautions avaient été prises pour surprendre l'ennemi. Le 21 au soir, le général de Langle donna l'ordre d'attaque pour le 22, et toute l'armée se porta en avant, sur une ligne, sans idée de manœuvre. Le terrain, dit le général Palat, a été découpé en zones de huit à dix kilomètres de largeur, et on lance un corps d'armée dans chacune. Deux corps d'armée, le 17e et le corps colonial, subirent de graves échecs. Le 23 au matin, cet échec semblait provisoire. Vingt-quatre heures plus tard, il était considéré comme définitif.

Pendant que la 4e armée attaquait face au nord, la 3e armée Ruffey avait pour mission, d'une part de la couvrir à droite, d'autre part de faire face à tout ce qui déboucherait du nord et de l'est. Elle porta donc son corps de gauche, le 4e, à l'ouest d'Arlon, pour couvrir la droite de Langle de Cary, taudis que son corps de droite, le 6e, déboucherait dans le nord-est de la place de Longwy, qui était attaquée depuis le 20. Au centre, le corps aiderait ses deux voisins, l'un à refouler ce qui sortirait d'Arlon, l'autre à dégager Longwy. On ne signalait devant l'armée que des mouvements sans importance dans le sud du Luxembourg et quelques bivouacs et cantonnements à l'ouest d'Arlon.

Or, en réalité, la 3e armée française avait devant elle la Ve armée allemande, celle du Kronprinz. Dans le grand mouvement de rabattement commencé le 18 août, la Ve armée formait le pivot. Tandis que sa gauche demeurait appuyée à Thionville, sa droite, formée par le Ve corps, marchait d'Arlon sur Etalle. Plus au sud, le XIIIe corps marchait sur Chatillon. Ayant atteint ces objectifs le 20 août, ces deux corps se trouvaient donc en l'ace de l'armée Buffey. A leur droite, un détachement de toutes armes, sous les ordres du général de génie Kaempfer, avait. été formé pour assiéger Longwy. Et, au sud de Longwy, face aux divisions de réserve Maunoury, se trouvaient sur la frontière le VIe corps de réserve et le XVIe corps ; le Ve corps de réserve était encore en arrière vers Bettembourg.

C'est dans la nuit du 21 au 22 que les Allemands connurent les projets d'attaque des Français. Le Kronprinz comprit aussitôt le danger. Son armée était coupée en deux par Longwy. Les Français pouvaient tomber avec des forces supérieures au nord de cette ville sur ses deux corps de droite, et les séparer à la fois des corps de gauche et de l'armée voisine. Pour conjurer au moins ce dernier péril, le Kronprinz demanda la coopération du corps d'aile de la IVe armée, qui était le VIe corps. Cette coopération fut aussitôt accordée, et le 22, le VIe corps allemand surprenait le corps colonial français.

L'armée Ruffey se heurta le 22 à l'armée du Kronprinz. La division de gauche du 4e corps, appuyée par le 2e corps (de l'armée de Langle), réussit à rejeter les Allemands dans les bois au nord de Virton ; mais la division de droite dut battre en retraite. Au centre, le 5e corps fut refoulé jusque devant Longuyon. A droite, le 6e corps, pris à partie par deux corps allemands, se retira, la gauche sur Arrancy, la droite derrière l'Othain.

Les causes de ces premières défaites sont de divers ordres. Il n'est pas douteux que le quartier général français a sous-estimé la force de l'ennemi, en ne tenant pas compte des corps de réserve. Encore le 23 à huit heures et demie, le général Joffre téléphone au commandant de la 4e armée : L'ensemble des renseignements reçus ne montre devant votre front que trois corps ennemis environ. Par suite, il vous faut reprendre l'offensive le plus tôt possible. D'autre part, la supériorité de l'ennemi en artillerie lourde a été manifeste et écrasante. Son aviation a été active et efficace. De notre côté, la liaison latérale entre les corps a presque toujours manqué. La bataille s'est décomposée en combats partiels et décousus, de telle sorte que les succès locaux n'ont pas eu d'influence sur l'ensemble. Certaines unités ont été mal engagées. A la 3e armée, deux divisions des 4e et 3e corps ont été surprises, et ont compromis le 6e corps, découvert en même temps sur sa droite par l'inaction de la 7e division de cavalerie. A la 4e armée, une division du 17e corps, la 33e, se laissa surprendre. La retraite rapide de ce corps et celle du corps colonial arrêtèrent la progression des autres corps, et entraînèrent leur recul. Les unités n'avaient alors, ni du côté français, ni du côté allemand, la solidité qu'elles acquirent plus tard, et le 15e corps a eu une défaillance en Lorraine. Enfin et surtout, l'instruction de l'armée française laissait beaucoup à désirer. Le 24, à neuf heures trente-cinq du matin, le général Joffre écrivait au ministre : Les craintes que les journées précédentes m'avaient inspirées sur l'aptitude offensive de nos troupes en rase campagne ont été confirmées par la journée d'hier, qui a définitivement enrayé en Belgique notre offensive générale. Dans un rapport ultérieur, le commandant en chef écrivait : La mise en œuvre brutale et rapide de leurs moyens d'action, surtout par le déploiement de leur artillerie, l'engagement progressif et économique de leur infanterie pour assurer le mouvement en avant de leurs tirailleurs, les précautions à prendre pour n'exposer à aucun moment des formations denses devant un adversaire maitre encore de ses feux, paraissent avoir été souvent perdus de vue, au cours des premières attaques, par des chefs qui n'avaient pas une habitude suffisante du maniement de leur unité.

 

III. — LA 5e ARMÉE SUR LA SAMBRE.

PENDANT que le centre était battu, que se passait-il à l'aile gauche ?

Les trois armées allemandes qui opéraient en Belgique s'étaient mises en mouvement le 18, leur concentration à peine terminée. L'importance du mouvement allemand paraît avoir échappé au commandement français pendant trois jours. En effet, le 20 août, à quinze heures, le commandant en chef téléphonait au général de Langle de Cary, à Stenay : Les mouvements signalés par aviateurs ne permettent pas de conclure que l'ennemi a déclenché son offensive. Les renseignements reçus d'autre part ne signalent pas de mouvements importants dans la région Givet-Ciney-Huy. Sur les ponts de la Meuse en aval de Namur, il ne paraît pas qu'il soit passé ce matin autre chose que les convois des corps allemands qui marchent contre l'armée belge.

Le 21 août, à sept heures du matin, le général Joffre adressait au général Lanrezac, commandant notre armée d'aile gauche, l'ordre particulier n° 15. Il l'avertissait de l'offensive commencée le matin par nos armées du centre, et il ajoutait : La 5e armée, s'appuyant à la Meuse et à la place de Namur, prendra pour objectif le groupement ennemi du nord. Le commandant en chef des forces anglaises est prié de coopérer à cette action en se tenant à la gauche de la 5e armée et en portant tout d'abord le gros de ses forces dans la direction générale de Soignies. — A dix-neuf heures trente, le général Joffre téléphonait au général Lanrezac : Je vous laisse absolument juge du moment où il conviendra de commencer votre mouvement offensif.

La 5e armée était alors en pleine période de réunion. Le 20 août, deux de ses corps, le 3e et le 10e, étaient en ligne sur la Sambre ; mais le le' était occupé a droite à garder les passages de la Meuse, attendant d'être relevé par la division de réserve Bouttegourd, tandis qu'à gauche, le 18e corps achevait ses débarquements et marchait sur Thuin, qu'il atteignit le 21 à midi. En arrière, 2 divisions de réserve, la 53e et la 69e, étaient concentrées dans la région Vervins-Hirson. En avant, le corps de cavalerie Sordet tenait le canal de Charleroi à Bruxelles, et couvrait la réunion de l'armée Lanrezac et de l'armée britannique. Celle-ci, qui comprenait 2 corps et une division de cavalerie, sous les ordres de sir John French, terminait sa concentration vers Cambrai et le Cateau, dans la journée du 21 ; le 22, sir John French la portait en avant, pour prendre position à la gauche de Lanrezac, entre Condé et Binche, sur un front d'une quarantaine de kilomètres. La 5e brigade de cavalerie britannique avait poussé jusqu'à Soignies ; le reste de la division de cavalerie était en réserve derrière l'aile gauche.

Cependant les deux armées d'aile droite allemandes, la Ire von Kluck, et la IIe von Bülow, débouchaient du front Bruxelles-Namur, et, conversant vers le sud, arrivaient à la rencontre, celle-là de l'armée britannique, celle-ci de l'armée Lanrezac.

Le général Lanrezac comptait attaquer le 23, quand le 18e corps aurait rejoint, quand l'armée britannique serait en ligne à sa gauche, et quand l'armée Langle de Cary aurait eu le temps de progresser à sa droite. Il comptait alors manœuvrer par sa droite avec le 1er et le 10e corps renforcés, tandis que son centre et sa gauche fixeraient l'ennemi. Le 21 au matin, il donna donc l'ordre à l'armée de prendre, en attendant, une position défensive à cinq ou six kilomètres au sud de la Sambre, sur la ligne Fosse-Naisines. Par une singulière coïncidence, le général von Bülow comptait aussi attaquer le 23.

Mais, dès le 21, les avant-gardes de von Bülow prennent contact sur la Sambre, vers treize heures avec le 1.0e corps, entre quatorze et quinze heures avec le 3e corps. De Charleroi à Namur, écrit le général Lanrezac, c'est un dédale d'habitations et de verdure, où il n'existe que de rares emplacements découverts, d'ailleurs de faible étendue. Une troupe qui doit se battre dans ce maquis n'a pas à compter sur un appui bien efficace de son artillerie : les obusiers allemands peuvent encore quelque chose, nos canons de 75 presque rien. Après avoir forcé les passages de la Sambre, les Allemands s'élèvent sur les crêtes qui la bordent au sud. Ces combats ne sont de part et d'autre que des affaires d'avant-garde. Les deux corps de gauche de von Bülow y ont seuls pris part, les corps de droite étant encore bien loin dans le nord-ouest.

La bataille véritable s'engagea le 22 au matin. Les Français prirent l'initiative de l'attaque. L'ordre donné par von Bülow le 21 au soir prescrivait à la He armée de rester au nord de la Sambre. Mais l'attaque française, mal conduite. ayant été rejetée, le commandant de la IIe armée voulut profiter des circonstances, et il donna l'ordre d'atteindre au sud de la Sambre la région de Mettet. La journée se décompose donc en une offensive française, suivie d'une offensive allemande. En fin de combat, les deux corps français engagés étaient rejetés, la droite au sud de Fosse, la gauche sur la ligne Gerpinnes-Naisines. Au total, les troupes, qui avaient l'ordre de rester sur la défensive, se sont jetées en avant dans de très mauvaises conditions, et se sont fait ramener à peu près sur la ligne que l'ordre du 21 leur prescrivait de tenir.

Le 23, les deux armées sont au complet, et alignent chacune quatre corps. A l'est du champ de bataille, la garde allemande presse le 10e corps français ; mais le 1er corps français, commandé par le général Franchet d'Esperey, se déploie sur le flanc, de la garde, et son artillerie ouvre un feu intense. Il est treize heures, son infanterie va déboucher, quand tout à coup une grave nouvelle arrive au général Franchet, d'Esperey. Des Saxons, mal contenus par les réservistes de la division Bouttegourd, ont passé la Meuse derrière lui et occupé le plateau d'Onhaye. Immédiatement, le gros du corps, qui faisait face à l'ouest pour attaquer la garde, est ramené face à l'est pour soutenir la division Bouttegourd et interdire le passage de la

Meuse. L'incident d'Onhaye ne fut d'ailleurs qu'une alerte. Les éléments saxons qui y étaient entrés ne débouchèrent pas, et se dérobèrent pendant la nuit. Malheureusement, à la gauche de l'armée, la division de gauche du 3e corps se laissa surprendre par une attaque qui la rejeta jusque sur Chastres. Le 18e corps, qui formait l'extrême-gauche, se trouva découvert, et, fut obligé de replier sa droite, tandis que sa gauche continuait à contenir les attaques du VIIe corps allemand sur la Sambre.

En fin de journée, la situation n'est pas mauvaise au 1er et au 10e corps : mais, à gauche, le 3e corps est dans un désordre complet ; le 18e est découvert à droite par le 3e, à gauche par l'armée britannique, et son chef, le général Mas-Latrie, est très inquiet.

D'autre part, le général Lanrezac sait qu'à sa droite, l'armée Langle de Cary battue recule sur la Meuse ; les forts nord de Namur ont été pris et la ville a été occupée ; à gauche, le maréchal French est attaqué par des forces très supérieures à celles qu'il attendait. Dans ces conditions. le général Lanrezac prend lui-même le parti de la retraite, et le 23 au soir il donne à l'armée l'ordre de se mettre en marche avant le jour, et de se replier sur la ligne Givet-Maubeuge.

Pendant ce temps, la Ire armée allemande, aux ordres du général von Kluck, attaquait l'armée britannique. Le 22, les têtes de colonne allemandes avaient été engagées avec la cavalerie britannique, qui s'était retirée sur la gauche, dégageant le front, de l'armée. Le 23, von Kluck attaqua à la hauteur de Mons, et enleva un saillant entre les deux divisions du 2e corps britannique. Le général Smith Dorrien, qui commandait ce corps, décida de se replier d'environ 5 kilomètres, pour éviter la rupture. Le repli fut exécuté sans difficulté ; à vingt-deux heures vingt, le général Smith Dorrien signalait que tout était calme. Le 1er corps, en échelon refusé à droite du 2r, n'avait pas été sérieusement engagé.

Mais, à vingt-trois heures trente, sir John French reçut un télégramme du général Joffre, qui l'avertissait de la force présumée de l'armée allemande qui attaquait l'armée britannique. Le commandement français l'estimait à trois corps d'armée et à deux divisions de cavalerie. D'autre part, à une heure du matin, sir John French reçut des renseignements sur la situation générale des armées françaises, et particulièrement de la 5e armée à sa droite. Il avait déjà donné l'ordre de se replier le 24 à l'aube sur la position Jeulain-Maubeuge.

Le 24 août, à neuf heures trente-cinq du matin, le général Joffre écrivait au ministre : ... Force est donc de se rendre à l'évidence. Nos corps d'armée, malgré la supériorité numérique qui leur avait été assurée, n'ont pas montré en rase campagne les qualités offensives que nous avaient fait espérer les succès partiels du début.... Nous sommes clone condamnés à une défensive appuyée sur nos places fortes et sur les grands obstacles du terrain, en cédant le moins possible de territoire. Notre but doit être de durer le plus longtemps possible en nous efforçant d'user l'ennemi, et de reprendre l'offensive le moment venu.

En conséquence, dans la matinée du 24, le commandant en chef ordonna au commandant de la 3e armée de se retirer sur les positions organisées Montmédy-Azannes. A gauche, la 4e armée tiendra les hauteurs de la rive droite de la Meuse entre Mouzon et Stenay ; à droite, l'armée de Lorraine tiendra les Hauts-de-Meuse.

Tandis que le centre, ainsi établi sur la Meuse, servira de pivot, l'aile gauche continuera son repli. La 5e armée manœuvrera en retraite, la gauche appuyée à Maubeuge, la droite aux massifs boisés des Ardennes, où elle se liera avec la cavalerie de la 4e armée vers Rocroi et Rimogne.

La mission de l'armée britannique sera de retarder la marche des forces ennemies entre Valenciennes et Maubeuge. En présence de forces supérieures, elle pourra se retirer en direction générale de Cambrai, sa gauche sur la Sensée et le canal qui le redouble d'Arleux à Denain, sa droite vers le Cateau.

A la gauche des Britanniques, des divisions territoriales, sous les ordres du général d'Amade, tendront un barrage entre Valenciennes et Arras, couvertes elles-mêmes par le corps de cavalerie qui renseignera sur la marche de l'aile droite ennemie, et cherchera à la retarder. Deux divisions de réserve seront amenées, dans la nuit du 24 au 25, en renfort au général d'Amade.

En d'autres termes, le 24 au matin, l'état-major français ordonne le repli sur la ligne Arras-Verdun, avec le dispositif suivant : divisions d'Amade entre Arras et Valenciennes, le corps de cavalerie en avant ; armée britannique entre Valenciennes et Maubeuge ; armée Lanrezac entre Maubeuge et Rocroi ; armée de Langle entre Rocroi et Stenay ; armée Ruffey entre Montmédy et le nord de Verdun ; armée de Lorraine sur les Hauts-de-Meuse, de part et d'autre de Verdun.