HISTOIRE DE FRANCE CONTEMPORAINE

 

LIVRE PREMIER. — LES PRÉLIMINAIRES DE LA GUERRE.

CHAPITRE PREMIER. — LA CRISE AUSTRO-SERBE.

 

 

I. — L'ATTENTAT DE SERAJÉVO ET LES CAUSES DE LA GUERRE.

LE dimanche 28 juin 1914, l'archiduc François-Ferdinand, héritier présomptif d'Autriche-Hongrie, accompagné de sa femme morganatique, Sophie Chotek, duchesse de Hohenberg, visitait la ville de Serajévo, où son oncle l'empereur François-Joseph lui avait prescrit de se rendre afin de présider aux manœuvres des troupes assemblées en Bosnie. Prévenu qu'il courait des dangers en raison de la surexcitation des esprits dans la population serbe du pays, l'archiduc avait communiqué ses appréhensions au général Potiorek, gouverneur de Bosnie et d'Herzégovine, et à l'empereur lui-même. Au dire du prince de Hohenlohe, gouverneur de Trieste, le général aurait répondu que des raisons politiques rendaient désirable la visite de l'héritier du trône ce dimanche-là, jour anniversaire de la bataille de Kossovo où les Turcs avaient écrasé les Serbes en 1389. De son côté, François-Joseph Ier aurait insisté pour que le voyage s'accomplit suivant le programme, Tandis que le couple princier passait en automobile dans les rues de Serajévo, un jeune Bosniaque du nom de Gabrinovitch, ouvrier typographe. jeta sur la voiture une bombe qui n'atteignit pas ses occupants, tout en blessant plusieurs personnes de la suite. Malgré cet avertissement, l'archiduc continua sa visite sans que la police, sévèrement réprimandée par lui, prit des précautions spéciales. Peu après, un étudiant bosniaque, Gavrilo Princip, tira sur l'archiduc et sa femme deux coups de revolver qui causèrent leur mort presque immédiate.

Le crime avait été commis par deux sujets austro-hongrois, en territoire austro-hongrois. Il semblait donc que la répression dût rester une affaire austro-hongroise et ne pas créer de complications politiques en dehors de la monarchie dualiste. Au point de vue dynastique, la brusque disparition de l'héritier présomptif éclaircissait la situation plutôt qu'elle ne l'assombrissait. En effet, l'archiduc François-Ferdinand, fils de feu l'archiduc Charles-Louis, devenu héritier de la Couronne après la mort tragique de l'archiduc Rodolphe, fils unique de François-Joseph Ier, avait épousé morganatiquement la comtesse Sophie Chotek, et, à cette occasion, il avait dû renoncer solennellement pour sa femme et sa descendance à tous les droits, titres, armoiries et privilèges qui appartiennent aux veuves ebenbürtig[1]. Entourée de toutes les garanties protocolaires, cette renonciation était enregistrée à la fois dans le statut de famille des Habsbourg et dans le statut du royaume de Hongrie. Néanmoins on était persuadé à Vienne et à Pest que, sitôt après la mort de l'empereur-roi François-Joseph, le nouveau souverain ferait annuler ses serments et assurerait à ses fils l'héritage des Habsbourg. On le soupçonnait même d'avoir tout récemment obtenu de Guillaume Il, lors de la visite du kaiser au château de Konopicht le 11 juin, la promesse de reconnaître les droits des fils issu, du mariage avec la comtesse Chotek, moyennant certains remaniements territoriaux enveloppés de mystère. D'ailleurs, violent, concentré, hautain, avare, mal équilibré, sujet à des crises attribuées à une maladie incurable, l'héritier du trône n'inspirait aucun des sentiments d'attachement et de vénération qui permettaient à son oncle de faire subsister au jour le jour un État vermoulu que les plus fidèles soutiens de la dynastie jugeaient incapable de survivre longtemps à l'empereur régnant. Il éveillait de profondes défiances chez les Magyars, qui connaissaient son dessein de supprimer le dualisme et de fédéraliser la Monarchie sur la hase des nationalités. La duchesse de Hohenberg n'était pas plus aimée que son mari.

Le drame de Serajévo dissipait les appréhensions de la Cour et des Magyars. Il assurait la succession au trône au second héritier-présomptif, l'archiduc Charles-François-Joseph, fils aîné de feu l'archiduc Othon, second fils de l'archiduc Charles-Louis. Tout rentrait dans l'ordre légitime. En outre, le jeune archiduc Charles-François-Joseph, marié à la princesse Zita de Bourbon-Parme, jouissait de l'affection sincère de l'empereur. La perspective de l'avènement de ce jeune prince semblait donc rasséréner l'horizon politique. Pourtant, quelques jours à peine s'étaient écoulés après le drame de Serajévo, que toute l'Europe sentait peser sur elle la menace d'un conflit aux conséquences incalculables. On devinait que la volonté de guerre qui s'était révélée chez certains gouvernements depuis la crise marocaine et les guerres balkaniques allait exploiter le nouveau prétexte qui se présentait

En Autriche-Hongrie, le vieil édifice habsbourgeois s'affaissait de toutes parts. Les nombreuses nations antagonistes qu'il abritait depuis des siècles n'y pouvaient plus vivre. Les Allemands et les Magyars, à qui le Compromis de 1867 avait conféré la prépondérance, n'étaient plus capables de la conserver. En Cisleithanie, l'empereur avait en vain essayé de tous les systèmes. Le Cabinet de Vienne, fréquemment remanié, n'aboutissait à rien ; il administrait au jour le jour à coups de décrets rendus en vertu du paragraphe 14 de la Constitution. La Croatie et la Slavonie vivaient sous l'état de siège ; la Transylvanie était traitée en province sujette. Chacun se disait qu'une pareille situation ne pouvait pas durer. Déjà, pendant la crise bosniaque de 1908-1909, de puissantes influences avaient agi pour déchaîner la guerre. Sur les conseils de la Russie, de la France et de l'Angleterre, le gouvernement serbe se garda de relever aucune provocation. De son côté, la Russie finit par reconnaître l'annexion de la Bosnie-Herzégovine, et la paix fut maintenue. Mais les victoires balkaniques de 1912 et de 1913 consacrèrent le triomphe du serbisme et du roumanisme, c'est-à-dire des deux grands mouvements nationaux qui menaçaient au sud l'intégrité de la double monarchie. Elles ouvrirent l'espoir de la libération chez les autres nationalités soumises à la domination des Habsbourg. Tout craquait à Vienne et à Pest. Le prince Fürstenberg, ministre d'Autriche-Hongrie à Bucarest, disait à M. Take Jonesco : Vous êtes des vainqueurs ; nous sommes des vaincus. Les militaires étaient navrés de n'avoir pas été chargés d'intervenir avant la fin des hostilités. Les diplomates de la manière forte, nombreux dans la nouvelle génération, ne se consolaient pas d'avoir en vain tendu leurs pièges aux Serbes pendant les négociations balkaniques. Les fonctionnaires allemands et magyars étaient discrédités vis-à-vis de leurs administrés d'autre race. De grands financiers de Vienne allaient jusqu'à déclarer qu'il vaudrait mieux que la guerre éclatât tout de suite, car l'attente des événements et l'incertitude perpétuelle étaient plus ruineuses que tout. Des hommes passant pour jouir de la confiance de l'archiduc héritier disaient ou écrivaient que la Monarchie devait se retremper dans un bain de sang. Si la grande majorité des populations désirait le maintien de la paix, toute la clientèle traditionnelle des Habsbourg, déçue et frémissante, attendait une occasion de détruire ce qu'elle appelait le panserbisme, cause supposée de tous les déboires de la Monarchie.

Ces sentiments s'accordaient avec ceux de l'Allemagne. Depuis les traités de paix turco-balkaniques, le Cabinet de Berlin, de concert avec celui de Vienne, s'ingéniait à susciter des difficultés à la Serbie et à la Grèce. Chose plus grave, par l'intermédiaire de journalistes officieux, il prenait position contre la Russie. Le 2 mars 1914, la Gazette de Cologne publia une très longue correspondance de Pétersbourg[2] qui dénonçait la légende de l'amitié historique russo-allemande, et énumérait, sous une forme comminatoire, une longue série de griefs contre la Russie. En 1917, disait le correspondant, la réorganisation militaire de la Russie sera terminée et ses parcs d'artillerie seront au complet. Les intérêts vitaux de l'Allemagne lui commandent de ne pas attendre 1917 pour sommer le tsar de se prononcer pour ou contre elle. La question de la guerre préventive était posée. Elle fut traitée ouvertement par les grands journaux de Berlin. La Gazette de la Croix exprima le regret que l'Allemagne eût négligé en 1905 l'occasion de provoquer une explication décisive avec la France dans les conditions les plus favorables. Le Berliner Tageblatt soutint qu'il y avait des cas où un État entouré de voisins trop puissants doit, par devoir envers soi-même, ne pas attendre qu'on lui porte le coup de grâce. Il ajoutait — et d'autres journaux se joignaient à lui — que l'Allemagne devait se hâter avant que la monarchie des Habsbourg tombât en pleine décomposition. Ce thème défraya la presse pendant plusieurs semaines. Il était visible que le gouvernement allemand, ulcéré par les défaites turques et déçu dans ses plans de domination de l'Orient, cherchait un moyen de faire sauter l'obstacle serbe qui séparait la Germanie de l'empire Ottoman, et ne reculait pas devant la perspective d'une guerre générale.

Derrière la Russie il visait la France. Ses armements croissants, son emprunt militaire d'un milliard, son attitude lors de l'incident de Saverne, ses chicanes sur l'application de la convention marocaine du 4 novembre 1911, ses querelles périodiques à propos de la Légion étrangère, les polémiques acerbes au sujet de la loi de trois ans, la célébration bruyante des anniversaires de 1813 indiquaient qu'il tenait absolument à prendre sur la France une avance militaire et à tenir ouvertes des questions propres à déchaîner un conflit au moment opportun. Chaque observateur pouvait s'en rendre compte. Mais les gouvernements français et belge possédaient des éléments d'information décisifs ignorés du public. A la fin de mars 1913, M. Étienne, ministre de la Guerre dans le Cabinet Briand, avait reçu d'une source sûre communication d'un rapport officiel et secret sur le renforcement de l'armée allemande. Ce rapport[3] exposait sans nul détour les avantages et la nécessité d'une guerre offensive, ainsi que les moyens d'habituer le public à cette idée ; il se terminait par un court, mais substantiel programme annexionniste, englobant la Bourgogne, la Lorraine et les provinces baltiques.

Au commencement de novembre 1913. Guillaume Il lui-mètre avait annoncé au roi des Belges, venu lui rendre visite à Potsdam, que la guerre avec la France était inévitable et prochaine en raison des armements français. Il exprima en mémo temps sa conviction de la supériorité écrasante de l'armée allemande et sa confiance dans la certitude du succès. Cette fois, dit-il, il faut en finir, et Votre Majesté ne peut se douter de l'enthousiasme irrésistible qui, ce jour-là, entraînera le peuple allemand tout entier. Comme Albert Ier se récriait en protestant qu'on travestissait les intentions du gouvernement français et les sentiments de la nation française, Guillaume II et le général de Moltke maintinrent leur opinion. Au dîner offert le 6 novembre à Albert Ier, le général de Moltke tint les mêmes propos à l'attaché militaire belge : Rien, dit-il, ne résistera au furor teutonicus, une fois qu'il sera déchaîné. Après le dîner, dans un entretien avec le roi, il formula, dans les mêmes termes que son souverain, des accusations contre la France, et affecta la même confiance dans la victoire. Ces déclarations avaient probablement pour but d'intimider le roi et de l'engager à laisser violer la neutralité de la Belgique. Mais elles produisirent un effet bien différent de celui que leurs auteurs désiraient. Elles servirent de stimulant pour accélérer la mise au point de la réforme militaire à laquelle Léopold II avait travaillé jusqu'à la veille même de sa mort. D'ailleurs, elles furent communiquées immédiatement à Paris.

De multiples indices, recueillis par nos attachés militaires et navals, et consignés dans leurs rapports, révélaient les dispositions agressives des hommes dirigeants d'Allemagne. Avec M. de Kiderlen-Waechter, mort ministre des Affaires étrangères en décembre 1912, le dernier ministre partisan de la paix avait disparu dans l'empire.

Le chancelier, M. de Bethmann-Hollweg, était un fonctionnaire sans politique propre et sans autorité personnelle. L'empereur, longtemps partagé entre des instincts hégémoniques et une prudence poltronne, cédait aux courants militaristes depuis le fiasco de la négociation marocaine. Le Kronprinz, prince impulsif et léger, affichait ses opinions belliqueuses. D'accord avec l'empereur, le grand-amiral de Tirpitz créait une flotte de guerre capable de disputer à l'Angleterre la domination des mers, et le Cabinet de Berlin se refusait obstinément à conclure avec celui de Londres un arrangement modérant la course ruineuse aux armements navals. Le moment approchait où, suivant l'expression du prince de Bülow[4], le peuple allemand allait pouvoir réclamer la place au soleil à laquelle il avait droit, et vers laquelle il lui fallait diriger ses efforts.

En Turquie, le gouvernement prétendait recouvrer la souveraineté des îles attribuées à la Grèce par la Conférence de Londres. Il persécutait les Hellènes résidant en territoire ottoman. Il cherchait à islamiser certaines régions d'Asie Mineure, le vilayet de Smyrne entre autres, en installant les musulmans émigrés de Macédoine dans les propriétés de chrétiens dépossédés. Dans le milieu de juin 1914, la tension entre les Cabinets de Constantinople et d'Athènes avait atteint un tel degré que les bateaux grecs de commerce et de guerre avaient reçu des instructions en vue d'un conflit imminent.

Les rapports entre Athènes et Sofia n'étaient guère meilleurs. Le ressentiment causé par l'issue de la deuxième guerre balkanique portait les Bulgares à des manifestations violentes coutre les Grecs. D'antre part, le roi Ferdinand, usant d'une pression qui ressemblait à un coup de force parlementaire, imposait au Sobranié le vote d'un emprunt contracté près des banques allemandes. Dans la seconde quinzaine de juin, on parlait couramment d'une troisième guerre balkanique comme d'une éventualité probable. La situation parut assez inquiétante aux gouvernements ruse et roumain pour qu'ils chargeassent leurs représentants à Constantinople d'attirer, en termes presque comminatoires, l'attention du grand vizir Saïd Halim Pacha sur les graves dommages que la fermeture des Dardanelles causerait au commerce riverain de la mer Noire au cas d'une guerre turco-grecque. A Pest, le comte Khuen-Hédervary, ancien président du Conseil de Hongrie, déclarait aux Délégations, en présence du comte Tisza qui approuvait, que les nouvelles frontières balkaniques, tracées seulement sur le papier, devaient être rectifiées. Commentant l'entrevue de Konopicht, à laquelle assistaient l'amiral de Tirpitz et le général de Moltke, la Nouvelle Presse libre écrivait : La flotte austro-hongroise est appelée à coopérer à des événements qui changeront la face du monde.

Quelques jours après, le Cabinet de Vienne élaborait un long mémoire confidentiel où il exposait, point par point, que la situation était devenue intolérable pour la Monarchie : l'influence dans les Balkans lui échappait, la Roumanie se tournait vers la Triple-Entente malgré la fidélité du roi Charles à l'alliance germanique, la Bulgarie était étouffée entre ses voisins, la Grèce marchait avec la Serbie, la Turquie était travaillée par la diplomatie franco-russe, l'équilibre européen et l'empire allemand étaient menacés. En conséquence, concluait le mémoire, c'est l'intérêt commun de la Monarchie et de l'Allemagne, dans l'état actuel de la crise balkanique, de s'opposer en temps opportun, et énergiquement, à un développement auquel la Russie aspirait, qu'elle accomplissait méthodiquement, et qui, plus tard, ne pourrait peut-être plus être annulé.

A n'en pas douter, Guillaume II et François-Ferdinand s'étaient entretenus de combinaisons de vaste envergure. L'importance de leurs accords se révèle dans cette exclamation de Guillaume II apprenant l'attentat de Serajévo au cours des régates de Kiel : Toute mon œuvre est à recommencer. L'idée de guerre était si bien enracinée dans l'esprit du kaiser qu'il disait quelques heures plus tard au prince de Monaco : Si la guerre éclate, on verra ce que c'est qu'une armée. Les armées napoléoniennes n'étaient rien en comparaison de ce qu'est aujourd'hui l'armée allemande.

 

II. — L'ULTIMATUM À LA SERBIE.

LES informations transmises à Vienne par les agents austro-hongrois en Serbie et en Bosnie n'apportèrent aucune preuve de la complicité d'autorités serbes quelconques avec les auteurs du crime de Serajévo. Dans le Livre rouge où le Cabinet de Vienne a réuni les pièces qui, dans sa pensée, devaient le mieux établir la culpabilité de la Serbie, on découvre seulement trois éléments d'accusation. Le premier est une dépêche de M. de Storck, chargé d'affaires à Belgrade en l'absence de son chef, le baron Giesl. Ce diplomate se plaint à Vienne que M. Grouitch, secrétaire général des Affaires étrangères, interrogé par lui sur les mesures que la police royale avait prises, lui ait répondu que la police serbe ne s'était pas occupée de l'affaire. Mais pourquoi la police serbe aurait-elle pris, sans y être invitée, des mesures au sujet d'un crime commis par des étrangers hors du territoire du royaume ? Le second grief est contenu dans une dépêche du consul général austro-hongrois à Uskub, qui rapporte ce qu'un agent lui mande de Pristina : l'anniversaire de Kossovo a été fêté le 28 avec des démonstrations exceptionnelles, en présence de gens venus de Croatie et de Dalmatie ; quand on connut le drame de Serajévo, la foule fanatisée fut prise d'une Stimmung qui, d'après les hommes de confiance les plus sûrs, ne peut être qualifiée que d'inhumaine. Le consul général ne définit pas autrement l'état d'esprit incriminé. Il omet aussi de mentionner que, pour la première fois depuis 1389, les gens de Pristina, affranchis seulement en 1913, avaient l'occasion de fêter leur délivrance. — Le troisième grief est indiqué dans un rapport, du 6 juillet, du gérant du consulat austro-hongrois à Nich. Cet employé subalterne reproche aux cercles dirigeants de Nich de n'avoir pas témoigné d'émotion en apprenant l'assassinat de l'archiduc-héritier et de sa femme. Il soupçonne ces cercles d'avoir ressenti de la joie. Il interprète les condoléances des autorités comme la plus amère ironie.

Enfin, mais daté seulement du 21 juillet, vient un rapport rédigé par le baron Giesl après son retour à Belgrade. Quoique ce diplomate n'ait rien vu de ce qui s'est passé en Serbie depuis la fin de juin et qu'il n'ait pris part à aucune enquête, il déclare la Serbie complice du crime de Serajévo. Il justifie son opinion comme suit : Je tiens pour un axiome connu que la politique de la Serbie est fondée sur la séparation des territoires habités par les Yougoslaves et l'anéantissement de la Monarchie comme grande puissance, et qu'elle vise ce seul but. Partant de cet axiome connu, le baron Giesl conclut : Un règlement de comptes avec la Serbie, une guerre pour la situation de grande puissance de la Monarchie (um die Grossmachtstellung der Monarchie), pour son existence comme telle, est inévitable avec le temps  Un contrôle efficace pourrait seul nettoyer les écuries d'Augias de l'agitation grand-serbe.... Des demi-mesures, une demande de satisfactions, de longs pourparlers et finalement un compromis pourri (ein faules Kompromiss) seraient le coup le plus dur qui put frapper le prestige de l'Autriche en Serbie et sa situation (Machtstellung) en Europe.

Quant aux agents de la police impériale et royale chargés de l'enquête en Bosnie, ils n'ont découvert aucune trace de culpabilité serbe. Le 13 juillet, le conseiller de Wiesner, délégué à Serajévo, télégraphiait que la complicité du gouvernement serbe dans l'exécution ou la préparation de l'attentat — on dans la fourniture d'armes — n'était prouvée par rien, ni même à présumer. Il existe au contraire, affirmait M. de Wiesner, des indications qui permettent de considérer cette complicité comme inexistante.

De loin, le prince Lichnowsky, ambassadeur d'Allemagne à Londres, a le pressentiment de négligences inexplicables des autorités austro-hongroises. Le 16 juillet il écrit à M. de Jacov, ministre des Affaires étrangères : Si la police et les autorités du pays de Bosnie ont conduit le prince héritier par une allée de lanceurs de bombes, je n'y puis voir de raison suffisante pour risquer les os du célèbre grenadier poméranien en soutenant la politique des pandours autrichiens. Ce pressentiment est confirmé par les informations précises parvenues aux ambassades étrangères à Vienne. On y apprend que le général Potiorek a revendiqué l'honneur de veiller sur l'archiduc, qu'il a substitué à la police ordinaire un personnel de son choix. et qu'on a confié le recrutement de ce personnel extraordinaire ainsi que le soin de le répartir dans les rues de Serajévo à un fougueux agitateur panslaviste qui se donnait pour un fidèle sujet de sa Majesté I. B. Cet individu avait placé des conjurés à chaque carrefour, si bien que l'archiduc, qui avait échappé au premier attentat, succomba au second.

Pourtant la pénurie de griefs n'arrête pas le Cabinet de Vienne. Avant de savoir s'il recevra jamais la moindre confirmation de ses soupçons, il décide de punir la Serbie. Aussitôt après l'attentat, il ajoute à son grand mémoire précité un post-scriptum où il insiste sur l'impossibilité pour la Monarchie de supporter plus longtemps le mouvement grand-serbe, et sur la nécessité de déchirer d'une main vigoureuse les fils du réseau dont ses ennemis voulaient envelopper sa tête. Dès le 2 juillet, François-Joseph écrit à Guillaume II une lettre autographe détaillée qui constitue un programme d'action. Après avoir exposé les embarras où se débat la Monarchie, il déclare :

Les efforts de mon gouvernement doivent à l'avenir avoir pour but l'isolement et l'amoindrissement de la Serbie.... Il importe de créer, sous les auspices de la Triple Alliance, une nouvelle alliance balkanique dont le but sera de barrer l'avance de la vague panslave et d'assurer la paix à nos pays. Mais cela ne sera possible que si la Serbie, qui forme actuellement la pierre angulaire de la politique panslave, est éliminée comme facteur politique dans le Balkan. Toi aussi, après le dernier et terrible événement de Bosnie, tu auras la conviction qu'on ne saurait songer à résoudre l'antagonisme qui nous sépare de la Serbie, et que le maintien, par tous les monarques européens, d'une politique de paix sera menacé aussi longtemps que ce foyer d'agitation criminelle de Belgrade restera impuni.

Ainsi, dès le juillet, l'empereur-roi est résolu à saisir l'occasion de l'assassinat de son neveu pour redresser toute la politique européenne suivant les idées développées dans le mémoire du Ballplatz. Incarnation de l'idée monarchique dans l'Europe moderne, imbu de préjugés aristocratiques, la conscience inerte et le cœur desséché, regardant de haut ses peuples, il ne lui vient point à l'esprit que le trouble de ses pays et royaumes résulte de son mauvais gouvernement, et que les dangers extérieurs qu'il dénonce proviennent de ses erreurs. Il ne se demande point comment des forces centrifuges entraînent ses pays slaves hors de la Monarchie vers un État nouveau à peine sorti de la sujétion turque, alors que ces pays, administrés avec prévoyance par une des plus vieilles bureaucraties du continent, auraient exercé une puissante attraction sur les Serbes libres. Souverain par la grâce de Dieu et prince germanique, il n'admettra, à aucun moment de la négociation qui va s'ouvrir, qu'on porte atteinte à son prétendu droit d'éliminer la Serbie, ni à la solidarité monarchique et militaire des deux empires Centraux. Derrière lui, le comte Berchtold, courtisan raffiné, grand seigneur élégant et désinvolte, ministre des Affaires étrangères sans vocation, est un simple interprète.

Mais, à côté de lui, se trouvent quelques hommes qui, sans posséder une conscience plus haute, s'inspirent d'un égoïsme plus perspicace. Le 30 juin, l'ambassadeur d'Allemagne à Vienne, M. de Tschirschky, fait part au chancelier des inquiétudes que lui cause le projet du comte Berchtold d'en finir avec la Serbie. Diplomate arrogant, ennemi des Serbes, partisan résolu de la manière forte, il émet pourtant l'opinion qu'il importe de se garder de démarches précipitées, de ne pas perdre de vue que l'Autriche n'est pas seule dans ce monde, et qu'elle doit tenir compte de la situation générale de l'Europe, spécialement de l'attitude de l'Italie et de la Roumanie. Le 2 juillet, l'ambassadeur exprime les mémos préoccupations à Berchtold. Mais celui-ci répond que la manière d'exploiter la victoire sur la Serbie est une cura posterior, et qu'il vaut mieux ne pas pressentir auparavant l'Italie et la Roumanie, parce que ces deux puissances demanderaient des compensations inacceptables : il suffirait de dire aux tiers que la Monarchie devait combattre pour son existence.

D'autre part, le 1er juillet, aux premiers grondements de l'orage, le comte Tisza écrit à François-Joseph Ier. Ministre énergique jusqu'à la brutalité, d'esprit froid, d'un patriotisme étroit mais aigu, Magyar avant tout et ne s'intéressant aux affaires de la Monarchie que dans leurs rapports avec la Hongrie, il s'est réjoui dans son cœur de la disparition de l'archiduc François-Ferdinand, l'ennemi du dualisme, le partisan de l'autonomie des nationalités, qui n'avait jamais réussi à parler convenablement le magyar. Il s'étonne que l'attentat de Serajévo, qui le délivre de son principal souci, soit exploité comme prétexte d'une grande action en Orient. En termes sobres et précis, il déclare au monarque qu'il n'existe aucun motif suffisant de rendre la Serbie responsable du crime de Serajévo et de provoquer une guerre contre elle, que l'alliance roumaine est perdue et la Bulgarie épuisée, et qu'il ne sera possible de songer à une entreprise balkanique qu'après avoir regagné le concours ou l'amitié des États de la péninsule autres que la Serbie. Il termine en suppliant le souverain d'apaiser les préventions de Guillaume II contre la Serbie, tout en s'assurant de son puissant appui dans les Balkans.

Ces deux avertissements sont mal reçus. En lisant le rapport de Tschirschky, Guillaume s'emporte. Il écrit en marge du passage relatif au règlement de comptes avec la Serbie : Aujourd'hui ou jamais. Puis : Qui l'a autorisé à dire cela ? Que c'est bête ! Ça ne le regarde pas, c'est l'affaire exclusive de l'Autriche. Après, si ça va mal, on dira que l'Allemagne n'a pas voulu. Que Tschirschky me fasse le plaisir de laisser là toutes ces sottises. Avec les Serbes, il faut en finir, et le plus tôt possible. De son côté, François-Joseph ne se laisse point détourner de son dessein par les observations de Tisza. Il charge le prince Hohenlohe, qui jouit de toute sa confiance, d'expliquer oralement sa pensée à Guillaume II, et le comte Hoyos, conseiller d'ambassade, va porter à Berlin sa lettre autographe rédigée le 2. Le 4, Hoyos transmet la lettre au comte Szögyeny, ambassadeur d'Autriche-Hongrie, en ajoutant verbalement que, par l'expression amoindrissement de la Serbie employée par François-Joseph, il convient d'entendre le partage de la Serbie entre ses voisins. Le dimanche 5, Szögyeny déjeune à Potsdam avec Guillaume II et lui remet la missive impériale. Le kaiser entre entièrement dans les vues de son allié, quoiqu'il y découvre aussitôt une sérieuse complication européenne. Il promet l'appui complet de l'Allemagne, même dans le cas où le conflit conduirait à une guerre avec la Russie. Il dit qu'il regretterait que l'Autriche ne saisit pas un moment aussi favorable pour régler ses comptes avec la Serbie.

Comme Guillaume II doit s'embarquer le lendemain sur le Hohenzollern pour une croisière dans la mer du Nord, il confère dans la journée avec les principaux personnages civils et militaires : le chancelier, le sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères, M. Zimmermann, qui gère le département pendant le voyage de noces de M. de Jagow ; de Capelle, suppléant l'amiral de Tirpitz ; le général de Bertram, chef intérimaire du grand état-major en l'absence du général de Moltke qui fait une cure à Carlsbad, et diverses personnes de moindre importance investies de rôles spéciaux. Peut-être n'y eut-il pas, comme on l'a dit, un Conseil de Couronne. Mais, que la situation ait été exposée et discutée dans-un véritable Conseil ou dans une suite de conversations, le gouvernement allemand décide le 5 juillet de prendre des mesures préparatoires de guerre, et des ordres sont donnés en prévision, non-seulement d'une guerre austro-serbe, mais d'une guerre austro-russe et de tout ce qui s'ensuivrait. Le 6, à neuf heures quinze du matin, Guillaume II part pour Kiel après avoir encore reçu plusieurs personnages. Pendant son voyage, il restait relié à Berlin par la télégraphie sans fil. Après son départ, Szögyeny voit le chancelier, qui confirme les assurances de l'empereur. D'après Bethmann-Hollweg aussi, l'Autriche devait saisir l'occasion présente sans prévenir l'Italie ni la Roumanie ; seul Tschirschky devait être mis au courant. Le même jour, une dépêche du chancelier avertit l'ambassadeur du kaiser que l'Autriche décidera elle-même ce qu'elle doit faire, et que Guillaume II se tiendra à ses côtés conformément à ses devoirs d'alliance et à sa vieille amitié.

Dès le lendemain matin, un Conseil des ministres se réunit à Vienne sous la présidence de Berchtold. Sont présents : le comte Stürgkh, président du Conseil autrichien ; le comte Tisza, président du Conseil hongrois ; M. de Bilinski, ministre commun des Finances : le général de Krobatin, ministre de la Guerre ; le général Conrad de Hœtzendorf, chef de l'état-major général ; le contre-amiral de Kailer, commandant la Marine. Un protocole rédigé par le comte Hoyos (treize pages du Livre rouge) rend compte de cette séance mémorable.

Berchtold explique que le moment est venu de rendre la Serbie à jamais inoffensive et que l'Allemagne a promis son appui inconditionnel. Il constate que les hostilités avec la Serbie peuvent conduire à la guerre avec la Russie, mais il croit que la situation ira empirant et qu'il faut agir sans retard. Tisza spécifie : 1° qu'une action diplomatique doit précéder l'action militaire ; 2° que les conditions à poser à la Serbie ne doivent pas être inexécutables ; 3° que l'objet de l'action militaire doit être l'amoindrissement, non l'anéantissement de la Serbie, car celui-ci entraînerait une guerre à mort avec la Russie, et le gouvernement hongrois n'admettra jamais que la Monarchie annexe une partie de la Serbie ; 4° qu'il n'appartient pas à l'Allemagne de juger si la Monarchie doit ou non attaquer la Serbie ; 5° qu'il conviendrait d'attendre pour une attaque de ce genre que, par suite de la différence de la natalité en France et en Allemagne, les effectifs français fussent affaiblis et ceux de l'Allemagne renforcés ; 6° qu'un succès diplomatique, joint à une énergique réforme administrative en Serbie, améliorerait suffisamment, la situation. Berchlold relève l'inutilité des succès diplomatiques et rappelle le précédent de 1908-1909 ; il insiste sur la nécessité d'agir avant que les effectifs russes soient trop formidables.

Stürgkh parle dans le même sens en se référant à l'avis conforme du général Potiorek ; il remarque aussi que l'Allemagne manifeste maintenant des dispositions qu'on ne retrouvera peut-être plus. Bilinski insiste sur l'avis de Potiorek et sur l'inefficacité des succès diplomatiques. Tisza met en doute l'autorité, en matière politique, de Potiorek, dont la police, le jour de l'attentat, a laissé vaguer sur le chemin de l'archiduc-héritier six ou sept garnements bien connus d'elle. Le ministre de la Guerre se prononce pour la guerre immédiate, en regrettant qu'on ait déjà négligé deux occasions. Tisza revient sur la convenance d'attendre un moment plus favorable, où, par exemple, la Russie serait occupée en Extrême-Orient et la Serbie aux prises avec la Bulgarie. Mais Berchtold expose que le temps travaillera plutôt contre l'Autriche et que, pour regagner la Roumanie, liée à la Serbie par la dernière guerre balkanique, il faut préalablement mettre la Serbie hors de cause, faute de quoi le mouvement grand-roumain s'ajouterait au mouvement grand-serbe. Après une longue délibération, on opine à l'unanimité, moins la voix de Tisza, qu'un succès purement diplomatique serait vain, et qu'il faut une solution radicale au moyen d'une action militaire. Tisza accepte ensuite qu'on pose à la Serbie des conditions très dures, pourvu qu'elles ne soient pas inacceptables, et que leur refus puisse justifier une déclaration de guerre. Puis on se sépare pour déjeuner.

On rentre en séance l'après-midi. On examine longuement la procédure de la mobilisation, le théâtre d'opérations à la frontière russe et les développements probables d'une guerre européenne. Tisza maintient sa manière de voir, et attaque l'administration du général Potiorek, qu'il rend responsable de la désorganisation de la Bosnie. En présence de cette divergence de vues, Berchtold dit qu'il va se rendre à Ischl pour prendre les ordres de l'empereur.

Le 8 juillet, Tschirschky prévient Berchtold que Berlin s'attend à une action contre la Serbie et ne comprendrait pas que l'Autriche laissât passer la présente occasion sans frapper un coup. Du reste, dit-il, l'empereur Guillaume a écrit au roi de Roumanie une lettre dont la netteté ne laisse rien à désirer.

Le même jour, Tisza écrit à François-Joseph une très longue lettre, où il lui expose en détail sa conviction qu'une guerre provoquée par l'Autriche-Hongrie serait menée dans des conditions très défavorables, tandis qu'un succès diplomatique permettrait d'attendre un moment plus propice. Il déclare qu'il ne peut assumer aucune part de responsabilité dans l'agression projetée contre la Serbie, non point par égard pour ce pays, mais parce que la guerre doit survenir dans des conditions telles que le bon droit de la Monarchie soit évident aux yeux de tous.

Un autre Conseil des ministres devait se tenir le lendemain 9. Mais Berchtold ne revint d'Ischl que le 10. François-Joseph était satisfait de la décision prise d'en finir avec la Serbie et de l'appui de Guillaume II, en se rendant complètement compte de la portée d'une telle décision, suivant l'expression de Berchtold à Tschirschky. Il suggéra lui-même à son ministre le moyen de concilier les deux tendances apparues au Conseil du 7 : on adresserait à la Serbie des demandes concrètes telles qu'on éviterait l'odieux d'une attaque subite contre ce pays, et que son refus faciliterait à la Roumanie et à l'Angleterre une attitude neutre. Mais là gisait la difficulté : si les demandes n'étaient pas excessives, elles pourraient être acceptées, ce qui ruinerait tout le plan ; si elles étaient inacceptables, l'odieux de la rupture retomberait sur l'Autriche. Fort embarrassé, Berehtold demanda les conseils de Berlin pour la rédaction d'une sommation qui rendit tout à fait impossible une acceptation de la Serbie. Il se plaignit en même temps que Tisza se mit en travers et prétendit procéder en gentleman. Enfin il informa Berlin que le chef de l'état-major général et le ministre de la Marine allaient partir en congé pour prévenir toute alarme.

Guillaume II s'empressa de formuler le conseil désiré : Demandez l'évacuation du sandjak de Novi-Bazar. Alors on est tout de suite en pleine guerre. L'Autriche doit immédiatement reprendre le sandjak pour empêcher l'union de la Serbie et du Monténégro et couper aux Serbes l'accès de la mer. Toutefois l'ardeur du kaiser n'exclut point la prudence. De Bergen il demanda à la Wilhemstrasse s'il était nécessaire qu'il adressât le 12 juillet à Belgrade le télégramme traditionnel de félicitations pour l'anniversaire du roi Pierre. Sur réponse affirmative, il envoya les compliments habituels afin de détourner les soupçons. A Berlin, M. de Jagow, qui venait de reprendre possession de ses fonctions, jugea excessif le conseil du kaiser. Il répondit à Vienne que la rédaction de l'ultimatum concernait exclusivement l'Autriche. Personnellement il croyait que, dans un conflit austro-serbe, l'Italie prendrait parti pour la Serbie. Il engagea donc très vivement le Cabinet de Vienne à offrir à Borne des compensations suffisantes.

Mais à Vienne on ne voulait plus entendre parler ni de retards, ni de négociations préalables, ni de compensations. Le 12, Berchtold prescrivit à M. de Mérey, ambassadeur près le Quirinal, d'informer le marquis de San Giuliano de l'ultimatum seulement une heure ou deux d'avance. Le 14, l'accord s'établit directement entre les deux ministres-présidents. Tisza posa la seule condition que la Monarchie n'annexerait aucun morceau de territoire serbe, à l'exception de petites rectifications de frontière. L'ultimatum, auquel on mettait la dernière main, serait rédigé de telle façon que son acceptation fût pour ainsi dire exclue ; il serait remis le 25 juillet, après le départ de Pétersbourg de M. Poincaré, qui devait y séjourner du 20 au 23. La mobilisation aurait lieu aussitôt après l'expiration du délai de quarante-huit heures imparti à la Serbie. Ainsi la tète la plus solide de la Monarchie cédait aussi au vertige belliqueux. D'après Berehtold, Tisza aurait mémo accentué la dureté de plusieurs passages de l'ultimatum en élaboration. Il s'était converti à la politique d'action dans la conviction que la guerre serait courte, et lui permettrait enfin de créer une armée nationale magyare, commandée en magyar par des officiers magyars, qui lui servirait après la victoire pour dominer toute la Monarchie.

Tandis que les diplomates mettaient au point le scénario, les militaires parachevaient les préparatifs dissimulables. Quant à la flotte, Guillaume II lui donna l'ordre de rester concentrée jusqu'au 25. Il réprima son désir de revenir à Potsdam, de peur de jeter l'alarme. On pria les journaux de mettre une sourdine à leurs polémiques. Le 19, la Gazette de l'Allemagne du Nord publia un article très modéré, destiné à rassurer le public. Afin qu'on ne se trompât point à Vienne sur le caractère de ces observations du journal officieux, Jagow chargea Tschirschky de prévenir Berchtold que c'était une feinte. Bethmann-Hollweg s'en alla dans son domaine de Hohenfinow. Berchtold ne quitta pas Vienne ; mais il avertit Szögyeny qu'il importait que la presse, tout en soutenant la politique convenue, ne tint pas un langage systématiquement exagéré, de nature à rendre la situation plus tendue et à faire naître une pensée de médiation chez d'autres puissances.

La presse austro-allemande respecta ces prescriptions. Depuis le 29 juin elle soutenait avec persévérance cette double thèse : il faut punir la Serbie, et cette punition concerne exclusivement l'Autriche-Hongrie. Le 29 juin, la Reichspost, l'interprète ordinaire de l'entourage de l'archiduc François-Ferdinand, écrivait :

Nous avons négligé d'enfumer à temps la tanière venimeuse de Belgrade.... L'humeur de notre armée la poussait instinctivement à courir sus aux Serbes, dans les phases décisives des dernières années, pour mettre ainsi un terme aux intolérables provocations de cet État. On lui a toujours imposé une contrainte préjudiciable à son esprit. Maintenant nous sommes sous le coup de la plus terrible des provocations.... Nous avons une défaite à réparer, nous avons à faire payer le meurtre de Serajévo à ses instigateurs. L'assassinat de notre archiduc-héritier est pour nous l'avis que la onzième heure a sonné : nous attendons le coup de la douzième.

La Germania mettait en cause la nationalité serbe tout entière et l'entourage du roi Pierre Ier : Elle invitait le Cabinet de Vienne à imposer à la Serbie le concours de la police hongroise sur le territoire serbe. Le Berliner Tageblall affirmait le droit de l'Autriche d'exiger des garanties. La Militærische Rundschau précisait :

L'instant nous est encore favorable. Si nous ne nous décidons pas à la guerre, celle que nous devrons faire dans un ou trois ans au plus tard s'engagera dans des circonstances moins propices. — Puisqu'un jour nous devons accepter la lutte, provoquons-la tout de suite.

Quant à la Nouvelle Presse libre, journal viennois à la fois semi-officieux et pangermaniste, elle réclamait la guerre au couteau au panserbisme, l'extermination de la maudite race serbe. Elle prédisait que les diplomates n'auraient pas de vacances cet été là. Les intentions gouvernementales se devinaient si bien d'après le ton de la presse et l'attitude des hommes politiques, que, dès le 2 juillet, M. Dumaine, ambassadeur de France à Vienne, écrivait à Paris que la demande d'enquête du gouvernement autrichien sur les origines de l'attentat de Serajévo comporterait des conditions intolérables pour la dignité du gouvernement de Belgrade, et fournirait, à la suite d'un refus, le grief permettant de procéder à une exécution militaire. M. Dumaine remarquait aussi que, chez les Autrichiens, la haine des Serbes allait de pair avec la foi en Dieu et le culte de l'empereur. Encouragée par l'inertie de la police, cette haine se traduisit à Serajévo et dans plusieurs villes de Croatie par le pillage des maisons appartenant à des orthodoxes et par des sévices graves sur la personne des orthodoxes. A Vienne même des manifestations violentes contre ce qui passait pour serbe souillèrent la capitale.

Comme ces excès pouvaient mettre en garde la Serbie et les puissances étrangères, François-Joseph résolut d'en atténuer l'effet par un document public. Le jour où Szögyeny remettait à Guillaume II la lettre autographe où le vieux monarque proposait comme programme aux monarques européens la destruction du foyer d'agitation criminelle de Belgrade, il adressait à ses ministres un rescrit où il attribuait le crime de Serajévo au vertige d'un petit nombre d'hommes induits en erreur, et proclamait sa résolution de persister jusqu'à son dernier soupir dans la voie reconnue la meilleure pour le bien de ses peuples. Le public européen tira de ces paroles ambiguës la conclusion que François-Joseph, parvenu aux extrêmes limites de la vie, répudiait toute idée de vengeance et n'ambitionnait plus que de terminer en paix un règne trop souvent troublé qui durait depuis soixante-six ans. Pourtant, à la honte de cc souverain, ce n'était qu'une feinte.

Bethmann-Hollweg et Jagow se montraient aussi cauteleux. Avertis par le prince Lichnowsky, M. de Flotow et M. de Waldburg que la neutralité de l'Angleterre n'était pas certaine, que l'Italie ne marcherait pas avec l'Autriche et que la Roumanie serait difficile à contenir, ils essayaient de modérer le Cabinet de Vienne, sans rien risquer qui pût les compromettre dans l'esprit de leurs alliés. Le 17, Jagow fit dire à Berchtold qu'il aimerait à savoir quels étaient en définitive les buts de guerre territoriaux et autres du gouvernement austro-hongrois. Quant au chancelier, il adressa de Hohenfinow des remontrances au Kronprinz au sujet de son attitude belliqueuse, et pria l'empereur de calmer l'intempérance de langage de l'héritier de la couronne.

 

III. — LA REMISE DE L'ULTIMATUM.

LE 19 juillet, le cours de la destinée est fixé à Vienne. Un Conseil des ministres, composé des mêmes personnages que celui du 7, se réunit pour prendre les suprêmes arrangements en vue de la guerre. Berchtold propose de faire remettre à Belgrade, le jeudi 23 à cinq heures du soir, l'ultimatum enjoignant à la Serbie d'accepter sans aucune réserve toutes les conditions énumérées dans ce document ; l'ordre de mobilisation serait donné dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26. Après un exposé militaire des généraux de Hœtzendorif et de Krobatin, Tisza stipule, pour seule condition de son adhésion, la déclaration unanime du Conseil qu'aucun plan de conquête n'est lié à l'action contre la Serbie, et que la Monarchie n'annexera aucun morceau de Serbie à l'exception de rectifications de frontière d'ordre stratégique. Berchtold y cousent, sous la réserve que la Serbie soit assez diminuée par des cessions de territoires à la Bulgarie, à la Grèce, à l'Albanie, éventuellement aussi à la Roumanie, pour qu'elle ne soit plus dangereuse. Tisza n'admet pas cette réserve pour des raisons de politique intérieure et extérieure, surtout parce qu'il est convaincu que la Russie se battra à outrance pour empêcher l'écrasement de la Serbie. Stürgkh suggère qu'on pourrait se contenter de la déposition de la dynastie serbe, d'une convention militaire et d'autres mesures qui mettraient la Serbie sous la dépendance de la Monarchie. Le ministre de la Guerre se rallie à cette proposition, pourvu que les rectifications stratégiques de frontière comprennent une tète de pont sur la Save, c'est-à-dire le cercle de Chabatz environ. Tous les membres du Conseil tombent d'accord sur cette transaction, et l'on décide que dès le début de la guerre on déclarera aux puissances étrangères que la Monarchie ne fait pas une guerre de conquête et qu'elle ne médite pas d'incorporer le royaume serbe. Naturellement, ajoute-t-on, les rectifications de frontières stratégiquement nécessaires, l'amoindrissement de la Serbie en faveur d'autres États, ainsi que les occupations passagères de territoires serbes qui, éventuellement, deviendraient nécessaires, ne doivent pas être exclus par cette déclaration.

Le procès-verbal de la séance du 19 ne contient aucune trace de discussion du texte même de l'ultimatum. Il semble que ce texte ait été préalablement l'objet d'un examen séparé. Quoi qu'il en soit, il est dès le lendemain envoyé au baron Giesl à Belgrade, avec ordre de le remettre le jeudi soir 23 juillet, entre quatre et cinq heures, au gouvernement serbe. Dans une lettre particulière, Berchtold prescrit à Giesl de n'admettre, en aucun cas, ni prolongation de délai, ni réserves sur les conditions, ni discussion sur l'interprétation de celles-ci : la Serbie devait accepter purement et simplement. S'il n'en était pas ainsi, le ministre devait aussitôt rompre les relations et quitter Belgrade avec le personnel de la légation.

Le même jour, Berchtold expédie le texte de l'ultimatum à ses ambassadeurs à Berlin, Rome, Paris, Londres, Pétersbourg et Constantinople, avec des instructions spéciales pour chacun d'eux. Les cinq ambassadeurs devront communiquer l'ultimatum, en en laissant copie, dans la matinée du 24. Les ministres austro-hongrois à Bucarest, Sofia, Athènes, Cettigné et Durazzo sont également informés. Szögyeny et Mérey reçoivent en outre une note confidentielle où ils trouveront les arguments nécessaires pour combattre les demandes éventuelles de compensations de l'Italie sur la base de l'article VII du pacte triplicien. De plus, Mérey est averti très confidentiellement que San Giuliano connait déjà par une indiscrétion de l'ambassade d'Allemagne les intentions de l'Autriche.

Le 20, Berchtold se plaint de cette indiscrétion à Tschirschky, qui venait lui confier les inquiétudes de la Wilhelmstrasse sur l'Italie. A toutes les instances de l'ambassadeur sur l'opportunité d'entrer en conversation avec Rome au sujet des compensations, il répond que l'Italie n'a droit à rien. Dès lors que l'Autriche ne veut ou ne peut annexer aucun territoire important, elle ne consent pas à donner à des tiers, que ce soit l'Italie ou la Roumanie, des compensations qui rendraient onéreuse l'opération contre la Serbie et compromettraient ce qu'on considère à Vienne et à Pest comme des intérêts vitaux. D'ailleurs Guillaume II semble partager cet avis ; il s'imagine volontiers que Victor-Emmanuel III et Charles Ier se comporteront en fidèles alliés sans chicaner sur l'interprétation des textes, et en souverains conscients de la solidarité monarchique. Quand au grand état-major de Berlin, qui manœuvre dans la coulisse, il ne s'embarrasse point des objections des diplomates. Par les multiples moyens d'influence dont il dispose près du kaiser, il pousse à la solution violente. Il compte sur un succès militaire foudroyant pour régler les difficultés diplomatiques à la pleine satisfaction des deux empires Centraux.

Dans la nuit du 20 au 21, Berchtold se rend à Ischl et soumet le texte de l'ultimatum à l'empereur, qui l'approuve sans modification. Le 21, il communique le document à Tschirschky et charge Szögyeny d'en remettre copie à Jagow. Celui-ci reçoit le pli de Tschirschky dans l'après-midi du 22, et la visite de Szögyeny entre sept et huit heures du soir. Cette double communication était rigoureusement confidentielle. Officiellement la note devait être remise seulement le 21 à Berlin comme dans les autres capitales, de façon que le gouvernement allemand pût prétendre n'en avoir pas eu connaissance auparavant.

Au dernier moment on change l'heure de la remise de l'ultimatum. Berchtold, étant informé de Berlin que M. Poincaré quittera Pétersbourg le 23 juillet à onze heures du soir seulement au lieu de dix, ordonne à Giesl de remettre l'ultimatum à six heures au lieu de cinq. En effet, il tenait essentiellement à ce que la nouvelle ne parvint à Pétersbourg qu'après le départ du Président de la République, de sorte qu'aucune délibération ne pût avoir lieu entre les personnages de la Double Alliance. Avant l'heure fatale, Berchtold expédie encore dépêche sur dépêche à Giesl pour lui adresser ses ultimes recommandations. Enfin, le 23, à six heures du soir sonnant, Giesl remet l'ultimatum, qualifié de befristele Demarche — démarche à temps limité. — à M. Patchou, ministre des Finances, remplaçant par intérim M. Pachitch, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, qui voyageait en province à l'occasion des élections générales pour le renouvellement de la Skoupchtina dissoute.

Rien ne pourra plus arrêter la marche des événements.

La teneur de l'ultimatum répondait bien aux intentions de ses auteurs. Le document commençait par rappeler l'engagement pris, le 31 mars 1909, par le gouvernement serbe, sous le coup d'une menace de guerre, de changer le cours de sa politique actuelle envers l'Autriche-Hongrie pour vivre désormais avec cette dernière sur le pied d'un bon voisinage. Après une longue énumération de vagues griefs, il affirmait, en alléguant de prétendus aveux des assassins de l'archiduc-héritier, que le crime de Serajévo avait été tramé à Belgrade, exécuté avec des armes et des explosifs fournis par des officiers et des fonctionnaires serbes, et facilité par les complaisances du service-frontière serbe. Aucune preuve n'était produite à l'appui de ces accusations. On se référait à un mémoire concernant les résultats de l'instruction de Serajévo, mais la pièce-annexe ainsi désignée contenait seulement quelques imputations, sans preuves ou commencements de preuves quelconques.

Le véritable mémoire, qui n'était pas encore prêt à ce moment, fut communiqué ultérieurement aux gouvernements à titre d'annexe à la circulaire, datée du 22 juillet, que Berchtold adressa aux grandes Puissances. Quoique volumineux, il ne renfermait que des coupures de journaux serbes, des rapports sur la société Narodna Odbrana (la Défense nationale) et les sociétés de Sokols, et des extraits de témoignages recueillis par les magistrats de, Serajévo chargés de l'instruction du crime du 28 juin. En somme, les pièces qualifiées d'accablantes se réduisaient à deux : 1° un expert judiciaire affirmait que les bombes dont s'était servi — sans succès ; — un des accusés étaient de provenance serbe, identiques à vingt et une bombes trouvées en 1913 clans la Save près de Broko ; 2° dans la salle de réception du ministre de la Guerre à Belgrade se trouvaient quatre tableaux allégoriques, dont trois représentaient des victoires serbes, et dont le quatrième symbolisait la réalisation des tendances de la Serbie hostiles à la Monarchie. On s'explique qu'un pareil dossier n'ait été remis aux chancelleries que le 27 juillet, après la rupture avec la Serbie.

L'acte d'accusation une fois dressé, le gouvernement austro-hongrois se déclarait résolu à ne pas poursuivre plus longtemps son attitude de longanimité expectative, et à mettre fin à des menées qui forment une menace perpétuelle pour la tranquillité de la Monarchie. En conséquence, il commençait par demander au gouvernement serbe de faire publier à la première page du Journal officiel du 13-26 juillet, et de porter simultanément à la connaissance de l'armée par un ordre du jour du roi, qui serait inséré, dans le Bulletin officiel de l'armée, une énonciation dont les termes étaient libellés ne varietur. Cette énonciation condamnait la propagande serbe en Autriche-Hongrie, ainsi que la participation d'officiers et de fonctionnaires serbes à cette propagande, désapprouvait toute tentative d'immixtion dans les destinées des habitants de quelque partie de l'Autriche-Hongrie que ce fia, et avertissait formellement les officiers, les fonctionnaires et toute la population du royaume que dorénavant il serait procédé avec la dernière rigueur contre les personnes qui se rendraient coupables de pareils agissements. Le gouvernement serbe devait s'engager en outre : 1° à supprimer toute publication excitant à la haine, au mépris ou au démembrement de l'Autriche-Hongrie ; 2° à dissoudre immédiatement les sociétés s'adonnant à la propagande contre l'Autriche-Hongrie et à confisquer tous les moyens de propagande ; 3° à éliminer sans délai du corps enseignant et des moyens d'instruction tout ce qui sert ou pourrait servir à fomenter cette propagande ; 4° à destituer tous les officiers et fonctionnaires coupables de cette propagande et dont le gouvernement Impérial et Royal se réservait de communiquer les noms au gouvernement royal ; 5° à accepter la collaboration en Serbie des organes du gouvernement Impérial et Royal dans la suppression du mouvement subversif dirigé contre l'intégrité territoriale de la Monarchie ; 6° à ouvrir une enquête judiciaire contre les partisans du complot du 28 juin se trouvant sur le territoire serbe ; des organes délégués par le gouvernement Impérial et Royal prendront part aux recherches y relatives ; 7°, 8°, 9°, 10° à procéder d'urgence à l'arrestation de personnes nominativement désignées, à empêcher le trafic illicite d'armes et d'explosifs par la frontière, à licencier et à punir un certain nombre de fonctionnaires, à fournir des explications sur les propos hostiles à la Monarchie tenus par de hauts fonctionnaires serbes en Serbie et à l'étranger, à informer sans retard le gouvernement impérial et royal de l'exécution de toutes les mesures sus-indiquées.

Le délai fixé pour la réponse devait expirer le samedi, 25 juillet, à six heures du soir.

Ces conditions mettaient la Serbie sous la tutelle autrichienne et visaient directement le roi. Elles révélaient chez les hommes dirigeants des deux empires une volonté de guerre irréductible : de guerre contre la Serbie seule, si l'Europe laissait écraser ce petit État ; de guerre générale, si la Russie se portait au secours du roi Pierre. Divers témoignages permettent de croire que plusieurs princes allemands, notamment le roi de Bavière, partageaient les intentions des deux empereurs. En tout cas, le gouvernement de Munich était au courant de la machination austro-allemande. Dès le 18 juillet, le ministre de Bavière à Berlin prévenait le Cabinet de Munich que le gouvernement allemand préparait une action diplomatique en vue de la localisation de la guerre qui allait éclater : S'appuyant, disait-il, sur le fait que l'empereur est en voyage dans le Nord et que le chef du grand état-major et le ministre de la Guerre de Prusse sont en congé, la chancellerie impériale prétendra avoir été surprise par l'action de l'Autriche exactement au même degré que les autres puissances. Le 23 juillet, le président du Conseil bavarois avouait à M. Allizé, ministre de France à Munich, qu'il avait connaissance de l'ultimatum autrichien, et que la situation était très sérieuse. Quant à l'opinion allemande, telle qu'elle se reflétait dans la presse, elle poussait hardiment à l'exécution de la Serbie. A Vienne, à la seule exception de la Zeit, les journaux tenaient un langage féroce.

 

 

 



[1] C'est-à-dire de naissance égale.

[2] On a su plus tard qu'elle avait été écrite à l'ambassade d'Allemagne.

[3] On a attribué ce document à Ludendorff, qui remplit du 1911 à la fin de 1912 les fonctions de chef de la section des opérations au grand état-major. Mais Ludendorff a protesté contre cette attribution en donnant de fortes raisons.

[4] Dans Deutschland anter Wilhelm dem Zweiten, ouvrage publié à l'occasion de la 25e année de règne de Guillaume II.