HISTOIRE DE FRANCE

 

LIVRE IV. — LA VIE INTELLECTUELLE.

CHAPITRE PREMIER. — LES LETTRES ET LES ARTS.

 

 

I. — LES LETTRES[1].

DANS la vie intellectuelle, comme dans la vie économique, l'activité fut grande à la fin du XVIIIe siècle. Les principaux phénomènes qu'on y rencontre sont : l'élargissement indéfini de la curiosité, qui se porta à la fois sur les temps anciens et les modernes, sur les pays classiques et sur les autres pays, ce qui explique la double tendance, visible dans les arts et les lettres, du retour à l'antique et de l'application à des sujets modernes ; la foi croissante au progrès et aux bienfaits des lumières et en l'efficacité de l'histoire et de la philosophie, pour faire comprendre à l'homme les problèmes religieux et moraux, et des sciences pour lui révéler la nature et accroître sa puissance sur elle ; une orientation générale vers l'application des idées et des connaissances acquises a la vie politique et à la vie morale.

Il n'est pas étonnant que, dans cette disposition générale des esprits, la poésie — la poésie en vers — fasse médiocre figure. Il semble quelle achève de mourir Gilbert[2] est le seul qui ait trouvé les accents d'une véritable émotion dans son ode des Adieux à la vie ; il y a protesté contre l'esprit desséchant des philosophes, contre

... ce lourd Diderot, docteur en style dur,

Qui passe pour sublime à force d'être obscur,

Et ce froid d'Alembert chancelier du Parnasse

Qui se croit un grand homme et fit une Préface.

Il s'agit de la préface de l’Encyclopédie.

Le genre des vers aimables et galants, des épigrammes fines, des chansons gracieuses ou grossières, art facile, sensuel et charmant, est continué par Collé, Dorât, Parny et le chevalier de Boufflers ; ces poètes de cabaret, de boudoir et de salon s'enlèvent quelquefois d’un léger coup d'aile. Mais les genres nobles se traînent ; Ecouchard-Lebrun, qu'on appelait Lebrun-Pindare, imitateur de Jean-Baptiste Rousseau, pindarise lourdement. Saint-Lambert chante les Saisons, Boucher les Mois, et l'abbé Delille les Jardins dans des poèmes didactiques, où l'on chercherait vainement le sentiment de la nature ; ce qui est d'autant plus étrange que Rousseau en est tout pénétré, et que Buffon raconte avec un respect presque religieux l'histoire des transformations du monde physique ; mais ce sont des prosateurs. On dirait qu'il y avait désaccord en ce temps-là entre la poésie et la nature.

La fin du siècle eut pourtant son poète, un poète imprévu, qui fut révélé à lui-même par la renaissance hellénique. Des artistes et des lettrés découvraient la Grèce par delà le pâle reflet de la littérature et de l'art latins. Leroy avait publié les Ruines des plus beaux monuments de la Grèce, de 1758 à 1770. Les voyageurs se succédaient en Orient ; le comte de Caylus donna son Recueil d'antiquités égyptiennes, étrusques et grecques, de 1752 à 1767 et, en 1757, les Tableaux tirés de l’Iliade ; Choiseul-Gouffier, qui visita la Grèce en 1776, était si violemment philhellène que, pendant son ambassade à Constantinople, les Prussiens et les Anglais, pour ruiner son crédit auprès de la Porte, surent bien profiter des prises qu'il a données sur lui dans ses ouvrages ; Guys fit paraître en 1771 son Voyage littéraire en Grèce ; Brumoy étudiait les tragiques grecs. L'abbé Barthélémy, un membre de cette Académie des Inscriptions dont les mémoires étaient l’Encyclopédie des civilisations mortes, imagina un voyage d'instruction entrepris par un jeune barbare, le Scythe Anacharsis, pour faire connaître à la France la Grèce des derniers temps de la liberté, ses dieux, ses institutions, sa vie familière, et surtout le peuple d'Athènes, vivant dans une cité décorée de monuments superbes, épris d'art, de littérature et de théâtre, passionné pour les luttes de la vie politique et pour l'éloquence.

Or, à ce moment, André Chénier[3] cherchait sa voie. Il débuta par deux médiocres poèmes, qui lui valurent les compliments de Lebrun. Disciple des Philosophes, féru de science, athée avec délices, il projetait des poèmes à la façon de Lucrèce. Mais il était né à Constantinople, d'une mère grecque, qui l’éleva ; il lisait Homère, Aristophane, Théocrite et Anacréon ; il lisait et il aimait aussi les lyriques latins : il écrivait des idylles et des élégies. Ses poèmes ne furent pas publiés de son vivant. Quand on connaîtra, au temps du Directoire, sa Jeune Captive et sa Jeune Tarentine, et, en 1819, ses œuvres complètes, on admirera qu'il eût retrouvé, sans que l'on sente l’imitateur, par une sorte de réminiscence, la poésie hellénique de la nature, la joie de la lumière, du plein air, des belles lignes et des belles formes. Il fut le dernier des grands poètes classiques, si différent, par sa sincérité, des pasticheurs de son temps, que les romantiques le réclameront comme un des leurs.

L'œuvre la plus poétique de cette fin de siècle est d'un prosateur, Bernardin de Saint-Pierre[4], disciple de Rousseau en philosophie et en amour de la nature, philosophe médiocre jusqu'au ridicule, amant heureux de la nature. Paul et Virginie, qui parut en 1787, dans le dernier volume des Études sur la nature, est une histoire très simple, de simplicité antique ; car l'inspiration de la Grèce se retrouve dans cette idylle ; mais l'idylle est mélancolique et finit dans les larmes. Elle a pour cadre la lointaine France insulaire, où tout est plus grand et plus terrible, la terre, le ciel et la mer ; les arbustes sont des arbres ; les parfums donnent une sorte d'ivresse ; les tempêtes sifflent et grondent effroyablement ; toutes les couleurs brillent. Et l'écrivain est un artiste qui voit net, qui sent à fond, et dont la plume décrit visions et sensations avec une sorte de magie naturelle. Une nouvelle inspiration littéraire se révèle par lui ; un pas de plus est fait vers le romantisme. Il y a du Jean-Jacques dans Bernardin de Saint-Pierre et il y a du Chateaubriand. Bernardin aime le mystère, la ruine, les tombeaux et la mélancolie. Beaucoup commencent à les aimer, fatigués et dégoûtés qu'ils sont de la médiocrité des lettres classiques épuisées.

Il y eut des applaudissements pour la fade pastorale Estelle et Némorin, du chevalier de Florian ; pour des romans réalistes, comme le Paysan perverti de Restif de la Bretonne, histoire d'un campagnard dépravé par les plaisirs des villes, devenu empoisonneur et parricide ; et pour les Liaisons dangereuses, où Choderlos de Laclos a dessiné deux répliques du Lovelace de Richardson, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, tous deux laidement débauchés, et qui mettent leur gloire à pervertir les plus honnêtes des gens de leur monde. Au temps du retour à la vertu et à la nature, les Liaisons sont un témoignage de la persistante corruption des mœurs.

Un homme d'esprit, misanthrope gagné aux idées révolutionnaires, Chamfort[5], condamne en maximes cruelles les mœurs et la société de son temps. C'est le La Bruyère exaspéré de l'ancien régime finissant ; mais il reste bien inférieur à son modèle. Beaucoup de ses maximes firent fortune :

La plupart des nobles rappellent leurs ancêtres à peu près comme un cicérone d'Italie rappelle Cicéron. — Les gens du monde ne sont pas plus tôt attroupés qu'ils se croient en société. — Les bourgeois, par une vanité ridicule, font de leurs filles un fumier pour les gens de qualité. — L'amour, tel qu'il existe dans la société, n'est que l'échange de deux fantaisies et le contact de deux épidémies.

Le théâtre, à la fin du XVIIIe siècle, est, de tous les genres littéraires, le plus fécond, parce que sa clientèle s'est prodigieusement accrue. Le goût des représentations dramatiques gagne jusqu'aux gens du peuple. Chaque grande ville, Lyon, Bordeaux, Nantes, Rouen, Marseille, veut avoir sa troupe et son théâtre ; quelques théâtres, celui de Bordeaux, par exemple, sont des monuments.

Il y a à Paris une multitude de théâtricules, Gaieté, Ambigu-Comique, Colisée, Vaux-Hall, Variétés Amusantes, etc. On y donne des drames, des comédies, des farces, des parades très grossières et même des représentations qui n'ont rien de dramatique. Aux Ombres Chinoises, les exhibitions, les feux d'artifice alternent avec de courtes pièces, dialoguées, chantées et mimées. La jolie petite salle du Palais-Royal n'était, à ses débuts, qu'un théâtre de marionnettes.

Les grands théâtres sont la Comédie-Italienne, installée depuis 1783 rue Favart, et qui joue à la fois des comédies et des opéras-comiques, et la Comédie-Française, transférée des Tuileries, où elle était restée dix ans, dans l'ancien Hôtel de Condé, suri emplacement actuel de l'Odéon, en 1780, et qui était consacrée exclusivement aux représentations dramatiques. La Comédie-Française passait pour la première scène du monde[6].

Les auteurs dramatiques continuent à se préoccuper de ce que Voltaire appelle l'appareil et le spectacle. Les décors sont de plus en plus soignés, la machinerie plus savante, et la vérité des costumes plus exacte. La mimique expressive des acteurs, les jeux de scène, les apparitions et les effets d'horreur empruntés aux Anglais montrent que le spectacle veut parler aux yeux autant qu'à l’esprit et agir sur les nerfs du spectateur.

Le monde entier continue à être mis sur la scène : l'Inde avec la Veuve de Malabar, de Lemierre ; l'Espagne avec Pierre le Cruel, de Pierre de Belloy ; la Russie, avec le Menzikoff de La Harpe ; même l'Océanie avec les Insulaires de la Nouvelle-Zélande, de Marignié. Bien d'autres héros, Warwick, le faiseur de rois de la guerre des Deux Roses, les Barmécides, ces grands ministres victimes de l'erreur du grand souverain Haroun-al-Raschid, Gustave Wasa, un fondateur de dynastie, Jeanne de Naples, cette reine de volupté, apparaissent sur la scène. Des sujets sont empruntés à l'histoire des religions : les Guèbres ou les lois de Minos de Voltaire, les Druides de Leblanc de Guillet, les Brames de La Harpe.

L'Angleterre continue d'inspirer le théâtre français. Ducis[7] a l'ambition d'accommoder au goût national l'œuvre tragique et bouffonne, grossière et raffinée de Shakespeare. Par lui, adaptateur infidèle à cause de la timidité de son goût, d'Hamlet, de Roméo et Juliette, etc., se pousse et s'étend l'invasion des littératures du Nord, qui fait reculer et rejette hors de France les littératures espagnole et italienne, jusque-là seules inspiratrices de la nôtre avec la grecque et la latine.

Voltaire, qui avait lancé la tragédie exotique avec Alzire, avait donné aussi un modèle de tragédie nationale avec Zaïre. Le plus célèbre de ses imitateurs, Pierre de Belloy, dans le Siège de Calais et dans Gaston et Bayard, en 1771, célébra l’héroïsme à la française, et, en 1775, dans sa Gabrielle de Vergy, rappela une légende moyenâgeuse de tendresse, de volupté et d'horreur.

Cependant la tragédie gréco-romaine survivait et, par l’effet du retour du classicisme, semblait reprendre faveur. La Harpe, fatigué de l'exotisme, revient à l'antiquité avec Philoctète, Coriolan et Virginie, publiés de 1783 à 1786. Ducis lui-même a traité des sujets antiques.

Les tragédies française ou étrangère, sont autant de prétextes à des manifestations philosophiques. Lemierre, dans la Veuve de Malabar, attaque les superstitions et les prêtres qui en vivent. Voltaire poursuit à la fois le fanatisme et l'ambition des prêtres dans les lois de Minos. Dans son Orphelin de la Chine, il montre le Tartare conquérant conquis par la civilisation chinoise. Le théâtre est une tribune où les idées nouvelles sont professées avec la force de contagion que donnent l'illusion scénique, le jeu des acteurs et la suggestion des foules.

Cela était encore un effort pour sauver la tragédie ; mais, ni la nouveauté de l'appareil et du spectacle, ni l'exotisme, ni l'imitation du génie du Nord, ni la nationalisation des sujets, ni la philosophie ne pouvaient alors faire revivre la tradition classique. Corneille, Racine, et même le grand classique de la comédie, Molière, déclinaient. Voltaire a constaté : Il ne va presque plus personne à ce même Tartuffe qui attirait autrefois tout Paris. Les imitateurs des grands maîtres, observateurs sans génie et souvent ridicules des formes anciennes, avaient discrédité ces genres. Le public, d'ailleurs, avait changé ; il était moins délicat qu'au XVIIe siècle ; il prenait moins de plaisir aux finesses psychologiques et à ces longues conversations des tragédies classiques, qui étaient des échanges de discours. On cherchait du nouveau, qui fût plus réel, plus vivant par sa conformité à la vie comme on la voyait, et qui intéressât la nation.

Diderot n'inventa pas, mais il répandit l'idée que Corneille avait eue avant lui, d'un genre de pièces où seraient représentés des personnages ordinaires, dans le train ordinaire de leur vie, et dont l'objet serait d'inspirer l'amour de la vertu ; car Diderot voulait que le théâtre servît à l'enseignement du peuple. Pour plus de vraisemblance, il exclut, de cette tragédie bourgeoise, les vers, langue de la poésie. Mais il ne réussit pas à donner corps à sa théorie du drame ; il ne put insuffler la vie au Fils naturel et au Père de famille, qu'il avait modelés d'après ses principes. D'autres s'y essayèrent après lui, sans plus de succès. Sedaine seul mit sur la scène un personnage vivant, le Philosophe sans le savoir, en 1765. Un autre théoricien, Sébastien Mercier, polygraphe abondant et esprit confus, développa le système de Diderot, en l’exagérant. Il posa les gens du peuple en héros et en martyrs ; le Déserteur, la Brouette du Vinaigrier, Nathalie, l'Indigent inaugurent le genre populaire du mélodrame.

Mercier reprochait aux comédies de n'être que de jolis colifichets, où les travers du beau monde sont admis, fêtés, caressés et où le persiflage paraît la langue divine. Cependant la comédie faisait effort pour se transformer. La Chaussée, l'auteur de la Comédie larmoyante, et Destouches, qui veut instruire d'abord et faire rire ensuite, ont fait école. Mais, tout à coup, Beaumarchais entre en scène.

Beaumarchais[8], fils d'horloger, envoyé à Versailles pour y régler les pendules, s'y fit retenir comme professeur de harpe de Mesdames de France. Il s'escrima de l'épée et de la langue, se battit et se mit en vue. Pâris-Duverney, qui aimait les gens d'initiative, s'intéressa à lui et le mêla à des affaires de finances. Beaumarchais s'enrichit, et il acheta une charge de secrétaire du Roi, qui anoblissait. Mais le procès qu'il eut en règlement de comptes avec M. de La Blache, fils et héritier de Pâris-Duverney, et la poursuite dirigée contre lui par le fameux Goezman pour calomnie et tentative de corruption, arrêtèrent son ascension. Les quatre mémoires qu'il publia contre son accusateur, chefs-d'œuvre de verve, de malice et d'esprit, mirent les rieurs de son côté ; mais il fut blâmé par les juges du Parlement, et privé de ses droits civils. Pour se réhabiliter, il se mit au service secret du Roi. Il alla surveiller à Londres les officines de libelles et les libellistes. On a vu son rôle au moment des affaires d'Amérique. Entre temps, il écrivait pour le théâtre. Boutiquier transformé en homme du monde, spéculateur et brasseur d'affaires, diplomate marron, il a pour se pousser, et se relever après les chutes, montré beaucoup d'activité, de souplesse, de savoir-faire, et point de scrupules. Il a beaucoup vu, beaucoup réfléchi, médité même. Un jour, il dit ce qu'il avait sur le cœur.

Le Barbier de Séville, représenté en 1775, est l'éternelle histoire, située cette fois en Espagne, d'une Agnès, innocente sans niaiserie, qui préfère le jeune et charmant Lindor à son vieux tuteur Bartolo. Mais le valet de Lindor, Figaro, qui dupe le tuteur et marie les amoureux, est une création originale. C'est un Scapin du XVIIIe siècle, qui a écouté les Philosophes, nargue les préjugés, fronde les institutions et démasque l'hypocrisie.

Le railleur devint âpre et violent dans le Mariage de Figaro. Le jour même où Figaro épouse Suzanne, la soubrette, il croit s'apercevoir que son maître, le comte Almaviva — l'ancien Lindor — qui tourne autour d'elle, a réussi à la séduire. Il accuse de son malheur la naissance et l'argent, et s'en prend à la société tout entière, dont il dénonce, en répliques amères et en tirades éloquentes, les iniquités et les vices :

Non, monsieur le comte, vous ne l'aurez pas (Suzanne)... vous ne l'aurez pas ! Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! Noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste homme assez ordinaire ! Tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes...

Il raconte sa vie :

Mes joues creusaient, mon terme était échu.... Il s'élève une question sur la nature des richesses ; et comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sou, j'écris sur la valeur de l’argent et sur son produit net ; sitôt je vois, du fond d'un fiacre, baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent... je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours... et qu'il n'y a que les petits hommes, qui redoutent les petits écrits....

Il sort de prison, et alors :

On me dit que, pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits, ni de l'autorité, ni du culte, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique... on me supprime, et me voilà derechef sans emploi ! Le désespoir allait me saisir ; on pense à moi pour une place, mais, par malheur, j'y étais propre ; il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler ; je me fais banquier de Pharaon ; alors bonnes gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter ; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir ; mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallait bien périr encore. Pour le coup je quittai le monde... Je reprends ma trousse (de barbier) et mon cuir anglais, puis laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent et le doute au milieu du chemin, comme trop lourd à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville ; et pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne !

Pendant trois ans, le censeur Suard, le lieutenant de police et le Roi refusèrent de laisser mettre à la scène cette pièce dangereuse, que les comédiens avaient acceptée. Beaumarchais intéressa à sa cause les Polignac, Breteuil, le comte d'Artois et même la Reine. Vaudreuil, l'ami de Mme de Polignac, fit jouer à Gennevilliers devant trois cents personnes de la Cour cette violente satire de l'aristocratie, du Gouvernement et de la société, le 23 septembre 1783. Louis XVI, à contrecœur, finit par permettre de la représenter à la Comédie-Française. La première représentation eut lieu le 27 avril 1784. Ce jour-là, aux guichets du théâtre, les Savoyards faisaient queue, mêlés aux valets de pied des duchesses et aux cordons bleus. L'affluence fut telle et la poussée si forte que les grilles de fer furent brisées et les portes enfoncées. Les deux frères du Roi étaient là. Le succès dépassa toutes les espérances de Beaumarchais.

Il s'était proposé surtout, en critiquant au passage nombre d'abus de railler un mari infidèle, et de l'amener berné et repentant aux pieds de sa femme ; mais les spectateurs n'étaient sensibles qu'à la critique des injustices sociales, — ceux qui appartenaient aux ordres privilégiés, pour s'en amuser, et les autres, beaucoup plus nombreux, pour s'en indigner. — Le peuple voyait en Beaumarchais, au dire de Grimm, le vengeur de sa misère.

 

II. — LES ARTS[9].

C'EST au théâtre surtout que la France a aimé la musique au XVIIIe siècle. L'Opéra devient une institution nationale sous Louis XVI, qui lui fait bâtir un palais près de la Porte Saint-Martin. Papillon de la Ferté, qui administre cette grande scène, est un personnage. L'Opéra est à la fois école de chant, de diction et d'action théâtrales. Les chanteurs et les cantatrices sont admirés par un public enthousiaste. Sophie Arnould tient la grande renommée, jusqu'au jour où, incapable d'interpréter le style de Gluck, elle cède la place à Rosalie Levasseur, qui fut l'interprète préférée du compositeur allemand. La Saint-Huberty[10], qui, après avoir chanté à Strasbourg, à Berlin et à Saint-Pétersbourg, vint à Paris, où elle remporta son premier succès dans le Roland de Piccini, fut l'Armide, la Sapho, la Didon et la Phèdre des maîtres italiens. Louis XVI, que l'opéra ennuyait, voulut pourtant l'entendre, et la fit venir à Versailles. Elle fut une passion de jeunesse pour Bonaparte et pour Chateaubriand.

La danse, plus en honneur que jamais, tut réformée par le maître de ballets Noverre, qui habilla de costumes à l'antique danseurs et danseuses. Vestris, l'ancêtre d'une dynastie de danseurs, fut surnommé le roi de la danse, et Ion disait de la Guimard qu'elle était Terpsichore elle-même.

Après la mort de Rameau, en 1763, l'opéra comique semblait l'unique expression de la musique française. Le Déserteur, où Monsigny a mis une délicate sensibilité, fut un grand succès du genre en 1769. A ce moment même arrivait à Paris le Liégeois Grétry[11], qui mourra à Montmorency, dans l'Ermitage de Jean-Jacques, acheté par lui. L'œuvre maîtresse de ce fécond musicien, donnée en 1784, est le Richard-cœur-de-lion. On a dit de Grétry qu'il était le Molière de la musique, à cause de son esprit, de son naturel et de sa vivacité. On peut voir dans son œuvre la transition entre l'opéra comique et l'opéra historique de la période suivante.

Glück[12], né dans le Palatinat bavarois, commença par donner à Vienne, sans grand succès, des opéras, parmi lesquels Orfeo e Euridice, en 1762 ; il avait passé la soixantaine lorsqu'il vint à Paris, en 1774. Il y fit revivre le grand opéra, c'est-à-dire la tragédie lyrique créée par Lulli, et où Rameau s'était illustré. Il fut un vrai tragédien à la façon française, par Tordre dans la composition, la noblesse, le pathétique et la vérité de l'expression. De 1774 à 1779 il fit entendre successivement Iphigénie en Aulide, qui n'eut qu'un succès médiocre, malgré les applaudissements de la Reine, puis Alceste, Armide, Iphigénie en Tauride, qui provoquèrent l'admiration et les larmes.

Cependant la gloire de Glück fut contestée par les partisans de Rameau et de Grétry, — les Ramistes et les Grétristes, — et par les amis de la musique italienne. Lorsque Piccini, le compositeur italien, fut appelé en France par la Reine, et donna son Roland, en 1778, beaucoup préférèrent l'élégance du style de l'Italien, sa mélodie touchante, son abondance et la sonorité de sa phrase, à ce que les Piccinistes appelaient la musique de carême et de pénitence du chevalier Glück. La querelle entre les deux écoles fut aussi violente que dans la période précédente ; elle agita les académies, les sociétés littéraires, les salons, les cafés et les ménages. L'Italien eut pour lui la plupart des hommes de lettres : d'Alembert, Marmontel, La Harpe ; mais la Reine, Mme Necker, la Cour, quelques critiques, comme Suard et l’abbé Arnaud, la plus grande partie des femmes, étaient Glückistes. Cependant Glück abandonna la partie : il quitta la France en 1780, pour aller mourir à Vienne, sept ans après.

C'est à l'étranger, qu'en ce siècle qui commença avec Bach et Hændel, finit avec Mozart et Haydn[13], et vit débuter Beethoven, se produisit la grande nouveauté : la symphonie, l'art où la musique seule, sans le support d'un sujet ni de paroles fournies par un poète, exprime par elle-même les sentiments de l'âme, les joies, les tristesses, les enthousiasmes et les terreurs, devant la nature, devant la vie et devant Dieu. La France s'intéressa peu à la musique symphonique, à laquelle elle devait donner des maîtres au siècle suivant.

Dans les arts plastiques[14], le genre Louis XV s'était formé par réaction contre le grand goût et contre l'autorité des Académies. Vers 1750, une nouvelle réaction a commencé : le grand goût est remis en honneur ; beaucoup plus que dans les lettres se fait sentir l'effet du retour à la curiosité pour les choses antiques et à l'admiration pour Rome et pour la Grèce[15]. Les artistes vont visiter Herculanum et Pompéi, découvertes, la première au début du siècle, et la seconde en 1748, et sur lesquelles l'attention est appelée en France par les Observations sur les Antiquités de la ville d'Herculanum, que publient en 1754 Cochin et Bellicard. Cochin donne en 1758 un Voyage d'Italie, et Lalande, en 1768, un autre Voyage d'Italie avec des observations sur la peinture, la sculpture... Pour les théoriciens, le retour à l'antiquité était le retour à la vérité, à la simplicité et à la nature : Imitez la nature, copiez les belles antiques, disait Diderot.

Ces conceptions nouvelles s'accréditent aisément, parce que les Académies et le Directeur des bâtiments du Roi les recommandent ou les imposent. L'Académie de peinture fait une grande place aux amateurs, parmi lesquels se trouvent des archéologues comme Caylus. Les Directeurs : le frère de Mme de Pompadour, Poisson de Vandières, — devenu marquis de Marigny, — et d'Angiviller qui lui succède en 1774, tiennent l'un et l'autre pour le retour au grand art, qu'ils encouragent par des commandes, avec sujet désigné, aux peintres et aux sculpteurs. L'Ecole royale des élèves protégés prépare les jeunes gens à mieux profiter du voyage à Piome. D'autre part, les artistes sont en rapports de plus en plus étroits, quelquefois intimes, avec les Philosophes et les écrivains, admirateurs de la nature, de la vertu et de l'antique. Si l'on compare cette période à la précédente, il semble que l'art ait repris une sorte de discipline.

Il semble aussi que l'importance et la popularité de l'art se soient accrues. De plus en plus, les artistes comptent, avec les écrivains, dans une aristocratie nouvelle, celle de l'intelligence. Il naît une littérature de la critique d'art. Les expositions, qui sont des événements mondains sensationnels, provoquent des polémiques. Princes et grands seigneurs visitent les ateliers ; les financiers s'enorgueillissent de leur rôle de Mécènes. Le goût des collections, déjà si vif au XVIIe siècle, devient affaire de mode ; on compte à Paris une trentaine de musées privés. L'administration organise des ébauches de musées publics au Luxembourg et au Louvre, devançant ainsi les grandes créations de la Convention. Elle rétablit aux Gobelins l'école de dessin que Colbert avait créée. Dans une école fondée par lui en 1766 et devenue un an après école royale, le peintre Bachelier donne place à quinze cents jeunes gens pour les former à la pratique des arts plastiques et industriels. En province, avec le concours de l'État, et sous le patronage de l'Académie royale, des écoles d'art sont fondées à Reims, Marseille, Aix, Lyon, Le Mans, Amiens, etc.

La seconde moitié du siècle fut une heureuse période pour les architectes, car on bâtit beaucoup à Paris et dans les provinces. Presque tous les artistes demeurèrent fidèles au style Louis XIV, qu'on n'avait pas cessé d'admirer, et qu'on avait imité pendant la période précédente, au moins dans les monuments publics. Cette admiration et cette imitation étaient enseignées dans l'École d'architecture, fondée en 1740 par Blondel, et dans le grand ouvrage que publia cet artiste, plutôt théoricien que constructeur, l’Architecture française, toute pleine du Louvre, de Versailles et des Invalides. A la fin du siècle seulement, on reviendra à limitation plus directe de l'antique, et l'on construira en un style gréco-romain qui ne sera ni romain ni grec.

Gabriel[16], premier architecte du Roi, avait donné en 1753 les plans de la place Louis XV, aujourd'hui place de la Concorde ; il y éleva les pavillons dits du Garde-Meuble. Il construisit l'École militaire, le château de Compiègne, le Petit Trianon, et, au château de Versailles, la salle de spectacle et le premier des deux pavillons — le pavillon nord — qui ont remplacé les pavillons de la cour royale bâtis au temps de Louis XIV. Cette œuvre considérable est d'ordre composite. Les bâtiments du Garde-Meuble, principal motif dans le beau décor de la place Louis XV, reproduisent le style de la Colonnade de Perrault ; à Compiègne et à Trianon, Gabriel s'est encore inspiré, pour la conception générale et le décor extérieur, de l'art Louis XIV. Au contraire, il a gardé, dans la décoration intérieure de Trianon et dans celle du théâtre de Versailles, le style Louis XV, assagi, il est vrai. Ici apparaissent l'harmonie des lignes, la délicatesse des proportions, la simplicité dans la décoration, et l'emploi discret des éléments antiques, qui caractérisent le style Louis XVI. Quant au pavillon de la cour royale à Versailles, il est de style néo-classique : des colonnes traversent deux étages pour soutenir un fronton à l'antique ; les lignes sont rigides, et l'ensemble massif et disgracieux.

L'œuvre principale de Soufflot[17], artiste laborieux et savant, et qui cherchait à faire grand, est l'église Sainte-Geneviève, le Panthéon d'aujourd'hui, dont la première pierre fut posée en 1764, et qui ne fut terminée qu'en 1790, après la mort de l'artiste, La partie supérieure rappelle par sa coupole Saint-Pierre de Rome, et la partie inférieure, — le portique à colonnes soutenant un fronton et les énormes murs sans ornements, — est inspirée du Panthéon romain et de l'architecture que l'on considérait alors comme romaine. L'ensemble est froid, colossal plutôt que grand.

L'imitation du style Louis XIV, compliquée de l'antique, se trouve dans d'autres monuments. La Monnaie, bâtie par Antoine entre 1767 et 1773, est du Louis XIV simplifié et concentré. L'Odéon, construit par Peyre et par de Wailly, entre 1779 et 1782, est de style antique, le style des temples de Vitruve. A l’École de médecine, Gondoin a introduit une colonnade et un fronton ; les couloirs qui mènent à l’amphithéâtre des cours publics imitent les vomitoires du Colysée. La plupart de ces grands édifices n'ont pas l’air vivant. Cette architecture savante n'avait pas d'avenir ; à quels excès elle pouvait conduire, Ledoux le démontra lorsqu'il bâtit aux portes des barrières, pour servir de bureaux d octroi, des édicules à colonnades, frontons et dômes. Il projetait de construire une ville gréco-romaine à la Chaux-de-Fonds.

On reconnaît le même goût composite dans les hôtels et les châteaux des seigneurs et des financiers et dans les maisons particulières. Bagatelle, par exemple, construit en 1777 par l'architecte Bellanger, a l'élégante simplicité du style Louis XVI ; mais quelques architectes, aux approches de la Révolution, emploient, dans la construction des maisons, le style égyptien, et cherchent l'effet dans la grandeur massive.

L'antique, l'érudition, les leçons de Jean-Jacques et de Diderot sur la nature et la morale se retrouvent, avec un mélange de l'esprit libertin du siècle, dans la peinture.

Greuze[18] a sacrifié au goût de l'antique dans un Sévère reprochant à son fils Caracalla d'avoir voulu l'assassiner, essai maladroit que l'Académie a sévèrement jugé ; mais il s'est fait surtout le peintre de la vertu bourgeoise et rurale. Il introduit dans la peinture la prédication, la sensibilité, la sensiblerie. Il montre la laideur du vice dans La malédiction paternelle et Le fils puni, le charme et la candeur de la vie honnête dans L’accordée de village et dans Le père de famille expliquant la Bible à ses enfants. Il recommandait aux curés par circulaire de répandre les reproductions de ses tableaux. Ce qui ne l'empêcha pas de mettre un sous-entendu libertin dans La cruche cassée, qui n'est pas une exception dans son œuvre, comme le prouvent La voluptueuse et Le tendre désir. Greuze s'est inspiré à la fois des Contes moraux de Marmontel et de certaines pages très peu morales des romans du temps. La grande vogue qu'eurent un moment ses œuvres est caractéristique des sentiments d'une époque, où la sensibilité vertueuse ne fît guère de tort au goût pour la volupté.

Fragonard[19] eut le prix de Rome en 1752 pour un Jéroboam sacrifiant aux idoles. Il alla en 1756 en Italie, où il copia un peu de tout, des antiques, des Corrège, des Tiepolo, des Bolonais ; il y devait retourner de 1773 à 1774. Il fut agréé à l'Académie en 1765 après un tableau représentant Le grand-prêtre Coresus se sacrifiant pour Callirhoé ; mais bientôt il se décida à suivre son instinct ; il fut le dernier peintre voluptueux du siècle dans Le verrou, La chemise enlevée, Les pétards, Les hasards heureux de l’escarpolette. Mais il mêlait à son libertinage un accent de sincère passion sensuelle, et parfois une sentimentalité délicate, comme dans Le doux souvenir, une sorte d'exaltation comme dans La fontaine d'amour. Puis, ainsi que Greuze, il peint des scènes de la vie familiale, La visite à la nourrice et L'heureuse mère. Enfin La mare, L'orage, La rentrée des troupeaux, et surtout l’Éveil du printemps révèlent un sentiment, en partie nouveau, de la nature.

Une des nouveautés du temps fut l'introduction de l'histoire nationale dans la peinture historique, jusque-là réservée à l'antiquité. L'érudition avait éveillé l'attention sur le passé de la France. Le moyen âge, si longtemps dédaigné, prenait quelque faveur. Lacurne de Sainte-Palaye publia en 1751 Les amours d’Aucassin et de Nicolette, et, de 1759 à 1781, ses Mémoires sur l’ancienne chevalerie. Le président Hénault avait donné en 1744 son Abrégé chronologique de l'Histoire de France, qui eut beaucoup de lecteurs. On vit alors aux Salons des tableaux comme L'entrevue de Saint Louis et d'Innocent IV, de Lagrenée, et La continence de Bayard, de Durameau. D'autre part, le sentiment patriotique et la rancune contre l'Angleterre après la guerre de Sept Ans inspirèrent les peintres : Lépicié exposa La descente de Guillaume le Conquérant sur les côtes d'Angleterre ; Brenet, Les honneurs rendus à Du Guesclin après sa mort ; Berthélemy, Les bourgeois de Calais. Mais ces artistes, en essayant de reproduire les costumes, les armes et les monuments du temps de leurs héros, révélèrent de singulières ignorances.

Enfin la peinture de paysage prend une grande place dans l'art français, et elle trouve des inspirations nouvelles. La beauté des parcs italiens et du ciel d'Italie, la splendeur et la grâce de la végétation et des horizons lumineux, le pittoresque des ruines continuaient à séduire nos artistes. Hubert Robert[20] peignit des coins de la vieille Rome, des jardins et des débris de monuments antiques ; il y mêla des scènes de la vie populaire. Les artistes qui allèrent en Italie, — entre autres Fragonard — et les pensionnaires de Rome dessinèrent ou peignirent au hasard de leurs promenades des vues de ruines. Ce fut un genre à la mode, charmant d'ailleurs.

Mais, à la suite de Rousseau, on découvrit pour ainsi dire la nature septentrionale, qu'il avait si bien décrite, les sapins, les Alpes après les Apennins, et les mers et le ciel du Nord. Du même coup, on découvrit la France. De La Borde entreprit en 1780 la publication du Voyage pittoresque de France, ouvrage national. Joseph Vernet[21] reçut du Roi la commande des Ports de France ; il peignit Toulon, Marseille, La Rochelle, Rochefort et Dieppe. A défaut du sentiment vrai de la nature française, il mit en certains de ses tableaux l'exactitude topographique et le sens des réalités. A côté de lui, toute une série de petits paysagistes abordaient les environs de Paris, la forêt de Fontainebleau, ou peignaient, comme Demachy, des vues de Paris. Loutherbourg, admiré par Diderot, exprimait les aspects brumeux de la Manche et des ciels assombris d'orages. J.-B. Lépicié et Demarne peignirent des scènes de ferme et de petits épisodes de la vie rurale. Un art nouveau semble s'annoncer ainsi.

Une autre école se formait à qui était réservé l'avenir immédiat. Vien[22] en fut l'inspirateur. Grand prix de Rome, il a séjourné en Italie de 1744 à 1750. Au retour, il est entré à l'Académie, où il est devenu adjoint à professeur, puis professeur ; il a fondé une école particulière, dont le succès fut grand. Directeur de l'Académie de France à Rome en 1775, il y est resta six ans ; c'est par son professorat que s'explique sa grande influence. Il a pris en Italie, dès son premier séjour, le goût de la simplicité et la passion des modèles antiques ; il est le théoricien de la doctrine qui prescrit l'inspiration par l'antique et par la nature. A Rome, il a institué des conférences sur l'art et des cours de perspective, et rendu obligatoire le dessin d'après le modèle vivant. Mais son esprit est froid et timide, et son talent fait d'éclectisme. Il a peint des sujets de sainteté et des sujets antiques, Sainte Marthe, Saint Thomas, Saint Germain, Hector, Priam, Briséis. Sa Marchande à la toilette a été inspirée par un tableau trouvé à Herculanum. Il a introduit le pompéien dans la peinture. Bientôt, il est dépassé et débordé par son illustre élève. David[23], un parent de Boucher, a commencé par la décoration de salons et de boudoirs ; mais un séjour à Rome, de 1775 à 1780, un autre en 1784, achèvent en lui ce que l'enseignement de Vien a commencé. Il renie les maîtres du XVIIIe siècle, qu'il avait d'abord admirés ; puis il se fait un idéal de beauté d'après les œuvres de la statuaire antique, et il se compose une âme romaine à la façon des héros de Corneille. Sa peinture est austère, emphatique, déclamatoire, à intentions républicaines. Le Bélisaire, le Serment des Horaces, la Mort de Socrate, le Brutus, se succèdent de 1780 à 1789 et sont accueillis par une admiration enthousiaste. Le règne de David a commencé ; il s'étendra sur l'époque révolutionnaire et impériale. David a été fort admiré : il rassemblait, avec une force extraordinaire de concentration, des idées et des sentiments qui, depuis 1760 environ, flottaient dans l’air du temps.

Les dessinateurs furent extrêmement nombreux. Plusieurs étaient les des artistes de grand talent. Charles-Nicolas Cochin[24], fils du graveur Charles Cochin, dont il dépassa la réputation, est un artiste exquis. Il représente les scènes de son temps, solennelles ou familières, et illustre, d'un dessin facile et vif, un nombre considérable d'ouvrages. Il essaya de s'élever au grand art et cultiva l'allégorie, sur laquelle il publia un livre[25] ; puis il s'employa, par de vives et quelquefois injustes critiques de l'art Louis XV, à restaurer le classicisme. Gabriel de Saint-Aubin représente la foule dans les rues, les églises, les jardins, les théâtres, les expositions, et les cérémonies publiques ; son frère Augustin reproduit les physionomies et les types de la société artistique, littéraire et aristocratique. Le plus célèbre des dessinateurs, Gabriel Moreau, dit Moreau le Jeune[26] d'attention éveillée et intense, épris de naturel et de réel, habile aux compositions d'ensemble, commence sa réputation par Le coucher de la mariée, d'après un tableau de Beaudoin, ce gendre de Boucher, volontiers libertin comme son beau-père. De 1770 à 1789, il reproduit, lui aussi, des scènes et des épisodes de son temps ; L'illumination du parc et du canal de Versailles, Le sacre de Louis XVI à Reims, Le couronnement de Voltaire au Théâtre-Français, L'Assemblée des Notables, L'ouverture des États généraux. Moreau a illustré Rousseau, Voltaire, Ovide, l'Arioste, Molière, Fénelon, Saint-Lambert, Raynal. Mais il a deux manières : toute la première partie de sa vie s'inspire de l'art Louis XV, de la vie mondaine et charmante et des modes pittoresques du temps ; dans la seconde, il s'efforce vers le grand art ; on ne voit plus chez lui que des Grecs et des Romains solennels et guindés.

Les diverses tendances de l'époque se rencontrent dans la sculpture, plus indécises qu'elles ne sont dans la peinture, parce que les évolutions de la statuaire sont toujours lentes. J.-B. Lemoyne reste un sculpteur réaliste dans ses admirables portraits. Pigalle est classique dans son Mercure, et académique dans le Mausolée du maréchal de Saxe, où il emploie les emblèmes traditionnels et les allégories, un Hercule, une France éplorée ; mais il a sculpté un Voltaire nu qui est l'étude très réaliste d'un corps de vieillard décharné. Falconet[27] avait des prétentions à l’érudition ; il se faisait lire les œuvres de Winckelmann ; mais il critiquait librement les sculptures antiques, sur lesquelles au reste on discutait assez librement à cette époque, revenue pourtant au goût de l'antiquité. Il a sculpté des portraits, des modèles élégants de pendules — parmi lesquels Les trois Grâces ; — la statue colossale de Pierre le Grand l'occupa plusieurs années à Saint-Pétersbourg. Caffieri[28] a payé son tribut à l'antiquité par un Apollon et Marsyas et par une Tarpeia, mais c'est dans le portrait qu'il se révéla un grand artiste.

Il y eut en ce temps-là une sculpture comme une peinture nationale. Le Directeur des Beaux-Arts commanda, en 1777, un Sully, un L'Hospital, un Fénelon, un Descartes ; en 1779, un Corneille, un Bossuet, un Montesquieu, un d'Aguesseau, etc. Caffieri fut par excellence l'homme de cet art rétrospectif ; son Rotrou est un portrait admirable où semble revivre toute une époque. Ses innombrables portraits de personnages contemporains ont tous une grande valeur.

Pajou a sculpté une Amitié sous les traits de Castor et de Pollux, une Marie Leckzinska, une Mme Dubarry, un Turenne, un Pascal, une Psyché, — celle-ci d'un réalisme singulièrement osé ; Clodion, de qui on a oublié un Jupiter, un Hercule qui se repose, une Sainte-Cécile, un Montesquieu, trouva une clientèle nombreuse parmi les financiers, les riches particuliers, pour ses Bacchantes aux grâces voluptueuses et ses Satyres érotiques. Il cultiva, lui aussi, l'allégorie et dessina le projet d'un monument pour célébrer l’aérostation. Enfin Houdon[29], le plus grand parmi les sculpteurs de ce temps, a produit un Morphée, de souvenir antique, une Diane, chaste, vigoureuse et svelte, une Frileuse, un Diderot, et l'admirable Voltaire assis en une chaise curule, vêtu d'une sorte de toge, mais réel par son attitude encourbée, par les mains osseuses appuyées au siège et par l'intense lucidité du regard dans ce visage octogénaire. Ses bustes de contemporains sont innombrables.

En somme, on le voit, les statuaires du temps ne se laissèrent pas encore prendre à l'art davidien. Si la contemplation des modèles antiques introduisit dans leur style plus de sobriété et d'harmonie, ils cherchèrent surtout leurs inspirations dans l'étude directe de la nature, et ils gardèrent de l'époque précédente son goût pour la beauté sensuelle et pour la grâce, même voluptueuse.

La tendance à imiter l'antique, observé directement, et non plus d'après les maîtres italiens, se retrouve dans le mobilier. Dès la fin du règne de Louis XV, au pavillon de Louveciennes, construit pour Mme Du Barry, on voyait des commodes aux lignes droites, horizontales et verticales, un guéridon en forme de trépied antique, des bibelots représentant l’Enlèvement d'Hélène par Pâris ou Cinq enfants qui jouent avec un bouc. Ce style de l'ameublement, qui apparaît vers 1770, persistera au delà du règne de Louis XVI ; légèrement transformé, il deviendra ce qu'on appellera le style Empire.

Les principaux ébénistes du règne, ceux qui travaillèrent pour la Cour et pour l'aristocratie, furent des Allemands : Œben, Riesener, Bennemann, Rœntgen ; ils étaient installés au faubourg Saint-Antoine, qui devint à partir de ce moment le quartier des ébénistes. Mais l’inspiration leur vint des maîtres français ; leurs meubles sont sobres de lignes ; des ornements de bronze, ciselés avec la plus grande délicatesse, et des panneaux de nacre ou de verre peint en relèvent les formes. La manufacture de Lyon fournit les soieries blanches avec décor de fleurs et de guirlandes, qui garnissent les fauteuils des meubles de la Couronne. La décoration comprend des motifs grecs, romains ou même égyptiens : trophées, faisceaux de licteurs, guirlandes, couronnes de roses, sphinx. Le bureau de Louis XVI, fabriqué par Rœntgen en 1779, est en marqueterie de bois de couleur ; les ornements de la partie inférieure sont d'ordre dorique, ceux du milieu d'ordre ionique, et au-dessus d'ordre corinthien, avec des moulures et des chapiteaux de bronze doré. Les châteaux royaux et les hôtels princiers sont garnis à profusion de commodes, de consoles, d'armoires à bijoux, de canapés et de sofas à décoration discrète.

On a remis jusqu'ici à parler des jardins, parce qu'en cet art, qui procède de presque tous les autres, se résument les sentiments et les goûts de l'époque.

En Angleterre, dans la première partie du siècle, Kent avait réagi contre le style de Le Nôtre et réclamé un art moins solennel : Toute la nature est jardins, disait-il, et il faut l'imiter dans la variété de ses formes, de sa végétation, de ses lignes, enfin de sa couleur. Puis Rousseau a inspiré le goût du pittoresque ; et l'antiquité, l'exotisme, les champs et le labourage sont en honneur. De tout cela est composé l'idéal d'un parfait jardin, qu'on trouve résumé dans un projet dessiné par M. le prince de Croy à son retour de Londres. On y voit un palais à l'italienne, une futaie sauvage, un pont chinois, une cascade sauvage, un champ de luzerne, etc. Même à Versailles, en plein domaine de Le Nôtre, la mode anglaise triomphe. Lorsqu'on veut modifier l'arrangement des bains d'Apollon, qui, à la fin du XVIIe siècle, avaient été transportés de la grotte de Thétis dans le parc, on s'adresse à Hubert Robert ; car c'était un des points de la doctrine que les plus habiles peintres devaient être requis d'offrir en décorations tous les temps et tous les lieux ; les architectes furent supplantés dans l'art des jardins par les peintres. Hubert Robert imagina, au lieu de l'ancien décor de la grotte de Thétis, qui semblait un salon à l'italienne, une paroi hérissée de rochers, où poussent des sapins au feuillage sombre, et il mit à l'entrée de la grotte des colonnes doriques frustes, pour donner l'idée d'une architecture primitive.

On suivit aussi les inspirations des poètes ruraux, comme Delille et comme Saint-Lambert. Dans le parc de Trianon sont rassemblés, parmi des arbres de toute essence, un village, une bergerie et une vacherie. Il avait été question d'y introduire des ruines de temple ancien entouré de débris, supposés tombés du frontispice ; on se contenta du petit temple rond dans l'île et du Belvédère sur la montagne. Bien d'autres jardins, ceux de Bagatelle, de Monceau, d'Argenteuil, de Chantilly, de Méréville, d'Ermenonville, rassemblent dans leurs cadres tous ces éléments divers d'une époque d'esprit curieux, ouvert, sensible à toute sorte de sensations et d'idées, chimérique et charmant.

 

 

 



[1] SOURCES. Les Œuvres de Gilbert, p. p. Mastrella, Paris, 1828 ; d'André Chénier, p. p. Becq de Fouquières, Paris, 1872, 2 vol. ; de Bernardin de Saint-Pierre, Paris, 1833, 2 vol., avec sa Correspondance, Paris, 1826, 4 vol. ; de Chamfort, p. p. Auguis, Paris, 1824, 5 vol., de Beaumarchais, Paris, 1809, 7 vol. — Les Mémoires de Mme d'Oberkirch, de Garât, de Mme de Genlis, de Des Cars ; le Journal de Corberon, les Correspondances de Voltaire et de Buffon, déjà cités. L'Observateur anglais, supplém., t. I et II. Lettres de Gustave III à la comtesse de Boufflers, et de la comtesse au Roi, Bordeaux, 1900.

OUVRAGES A CONSULTER. Lanson, Histoire de la littérature française, 11e éd., Paris, 1909. Le tome V de l'Histoire de la littérature française, publ. sous la direction de Petit de Julleville, Paris, 1899 (avec bibliographie). Brunetière, Etudes critiques, 2e série ; Manuel d'histoire de la littérature française, Paris, 1902. Bersot, Etudes sur le XVIIIe siècle, Paris, 1847. Faguet, XVIIIe siècle, Paris, 1890. Du Bled, La société française, Paris, 1898-1907, 5 vol. Roustan, Les Philosophes et la société française au XVIIIe siècle, Lyon et Paris, 1906. L. Bertrand, La fin du classicisme et le retour à l'antique, Paris, 1898. De Loménie, Les Mirabeau, Paris, 1878, 2 vol ; id., Beaumarchais et son temps, Paris, 1806, 2 vol. Potez, L'élégie en France avant le romantisme, Paris, 1898. Gaiffe, Étude sur le drame en France au XVIIIe siècle, Paris, 1910. Hallays, Beaumarchais, Paris, 1897. Arvède Barine, Bernardin de Saint-Pierre, Paris, 1891.

Jullien, La comédie et la galanterie au XVIIIe siècle, Paris, 1879. Campardon, Les comédiens du Roi et la troupe française pendant les deux derniers siècles, Paris, 1879. Delorme, Le musée de la Comédie-Française au XVIIIe siècle, Paris, 1878.

[2] Né en 1751, mort en 1780.

[3] Né en 1762, exécuté le 25 juillet 1794.

[4] Né en 1787, mort en 1814.

[5] Sébastien Nicolas, qui prit le pseudonyme de Chamfort, est né en 1741 et mort en 1794.

[6] Les acteurs et les actrices occupaient beaucoup le public. Lekain, qui mourut en 1778, fut le grand acteur tragique ; les grandes actrices furent la Clairon, retirée en 1766, puis la Duménil et la Raucourt. — Les comédiens se montraient fort peu accommodants avec les auteurs. Beaumarchais, pour les mettre à la raison, groupa les auteurs dramatiques en 1777. C'est la lointaine origine de la Société des auteurs dramatiques. En 1780, après discussions et procès, le Conseil du Roi assigna aux auteurs une part fixe de la recette, lorsque celle-ci atteindrait un certain chiffre.

[7] Né en 1733, mort en 1816.

[8] Né en 1732, mort en 1799.

[9] Sur la musique : SOURCES. Chefs-d'œuvre de l'opéra français (collection Michaëlis). Grétry, Mémoires ou Essais sur la musique, Paris, 1796.

OUVRAGES A CONSULTER. Lavoix, Histoire de la musique, s. d. Id., La musique française, s. d. H. Riemann, Dictionnaire de musique, trad. fr. par Humbert, Paris, 1902. Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, Paris, 1878. Campardon, L'académie royale de musique au XVIIIe siècle, Paris, 1884, 2 vol. Brenet, Les concerts en France sous l'ancien régime, Paris, 1900. Brenet, Grétry, sa vie et ses œuvres, Paris, 1884. G. Desnoiresterres, La musique française au XVIIIe siècle : Glück et Piccini, 2e édition, Paris, 1875. A. Pougin, J.-J. Rousseau musicien, Paris, 1901.

[10] Née en 1756, morte en 1812.

[11] Né en 1741, mort en 1813.

[12] Né en 1714, mort en 1787.

[13] Jean-Sébastien Bach est né en 1685, mort en 1750 ; Hændel, né en 1680 également, mourut en 1759 ; Mozart et Haydn, nés en 1766 et en 1782, sont morts en 1791 et en 1809.

[14] OUVRAGES A CONSULTER. De Nolhac (Marie-Antoinette) ; les ouvrages généraux sur l'art du XVIIIe siècle cités au précédent volume. Rocheblave, Essai sur le comte de Caylus, Paris, 1889. Bertrand, La fin du classicisme et le retour à l'antique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et les premières années du XIXe en France, Paris, 1897. F. Benoît, L'art français sous la Révolution et sous l'Empire. Les doctrines, les idées, les genres, Paris, 1897. Courajod, L'École royale des élèves protégés, Paris, 187V. Dussieux, Les artistes français à l'étranger, Paris, 1876. Id., Les écoles de dessin de la deuxième moitié du XVIIIe siècle (Congrès des sociétés des Beaux-Arts, 1878-1881). S. Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l'école française au XVIIIe siècle, t. I, Paris, 1910. De Nolhac, La décoration de Versailles au XVIIIe siècle (Gaz. des B.-A., 1895 et 1898). Deshairs, Le Petit Trianon, Paris. 1908. Farcy, L'École militaire, Paris, 1890- Lechevallier-Chevignard, Les styles français, Paris, 1892. Delorme, Le musée de la Comédie-Française au XVIIIe siècle, Paris, 1878. H. Bouchot, La miniature française (1750-1885), Paris, 1910. Garnier, La porcelaine tendre de Sèvres, Paris, s. d. Molinier, Le mobilier au XVIIe et au XVIIIe siècles, Paris, s. d. W. Watelet, Essai sur les jardins (trad. de l'anglais par le duc de Nivernais), 1774.

Thirion, Les Adam et Clodion, Paris, 1885. Guiffrey, Les Caffieri, Paris, 1877. Rocheblave, Les Cochin, Paris, 1898. J. David, Le peintre Louis David, Paris, 1887. Bergeret et Fragonard, journal d'un voyage en Italie, publ. p. Tornezy (Mém. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, 1894). R. Portails, Fragonard, Paris, 1889. De Nolhac, Fragonard, Paris, 1906. G. Mauclair, J.-B. Greuze, sa vie, son œuvre, son époque, Paris, 1900. Moureau, Les Moreau, Paris, 1898. Mahérault, L'œuvre de Moreau le Jeune ; catalogue descriptif et raisonné, Paris, 1880. Gabillot, Hubert Robert et son temps, Paris, 189.5. Moureau, Les Saint-Aubin, Paris, 1894. Lagrange, Joseph Vernet et la peinture au XVIIIe siècle, Paris, 1864. Flammermont, Les portraits de Marie-Antoinette (Gaz. des B.-A., 1897-98). Guiffrey, Les marbres du palais de l'Institut (Journ. des Sav., nov. 1904).

[15] Piranési a commencé en 1756 ses grands recueils de vues de Rome. Winckelmann a publié son Histoire de l'Art en 1764, elle fut traduite deux ans après en français.

[16] Jacques-Ange Gabriel est né en 1710, mort en 1782.

[17] Soufflot est né en 1714, mort en 1781.

[18] Né en 1726, mort en 1805.

[19] Né en 1732, mort en 1806.

[20] Né en 1733, mort en 1808.

[21] Né en 1712, mort en 1789.

[22] Né en 1716, mort en 1809.

[23] Né en 1748, mort en 1825.

[24] Né en 1715, mort en 1790.

[25] Iconologie ou Traité de la science des allégories, en 350 fig. gravées d'après Gravelot et Cochin, 4 vol., s. d.

[26] Né en 1741, mort en 1814.

[27] Né en 1716, mort en 1791.

[28] Né en 1725, mort en 1792.

[29] Né en 1741, mort en 1828.