HISTOIRE DE FRANCE

 

LIVRE III. — L'ÉPOQUE DE MADAME DE POMPADOUR, DE MACHAULT ET DU DUC DE CHOISEUL.

CHAPITRE PREMIER. — L'HISTOIRE INTÉRIEURE DE 1745 A 1758[1].

 

 

I. — MADAME DE POMPADOUR.

LOUIS XV n'ayant jamais gouverné, les périodes de son règne sont marquées par les noms des personnes qui successivement conduisirent la politique du royaume. Après celles du Régent, du duc de Bourbon et du cardinal Fleury, ce fut la période de Mme de Pompadour.

La favorite dont le règne devait durer vingt ans, naquit en 1721. Son père, le sieur Poisson, était commissaire aux vivres ; sa mère, belle à miracle, avait eu, entre autres amants, dit-on, le fermier général Le Normant de Tournehem. Le Normant maria Jeanne-Antoinette Poisson à un sous-traitant, son neveu, du même nom que lui, auquel il donna le château d'Étioles. La jeune dame d'Étioles était, dit le lieutenant des chasses Leroy, d'une taille au-dessus de l'ordinaire, svelte, aisée, souple, élégante ; son visage était d'un ovale parfait, ses cheveux plutôt châtain clair que blonds ; ses yeux avaient un charme particulier, qu'ils devaient peut-être à l'incertitude de leur couleur ; c'étaient des yeux gris. Elle avait le nez parfaitement bien formé, la bouche charmante, les dents très belles, un sourire délicieux, la plus belle peau du monde. Le plus célèbre portrait qui reste d'elle est un pastel de La Tour, le plus ressemblant serait la Belle Jardinière de Vanloo. Elle était très bonne actrice sur les scènes des salons, et jouait du clavecin à émouvoir ceux qui l'entendaient. Elle avait de l'esprit ; à Étioles, ou dans son hôtel de la rue Croix-des-Petits-Champs, elle recevait les Philosophes : Voltaire se plaisait chez elle.

Mme d'Étioles entreprit de devenir la maîtresse du Roi ; elle lui fit dire qu'elle l'aimait, voltigea autour de lui, vêtue de rose, en phaéton bleu, et inquiéta beaucoup Mme de Châteauroux. A la mort de celle-ci, les coteries se disputèrent l'honneur et le profit de fournir une maîtresse à Louis XV. Ce fut au moment du mariage du Dauphin, en mars i745, que Mme d'Étioles assura sa victoire. Le mois d'après, elle prenait à Versailles l'appartement autrefois occupé par Mme de Mailly. Retirée à Étioles, pendant la campagne de Fontenoy, elle reçut du Roi, en quelques semaines, jusqu'à quatre-vingts lettres. Déclarée marquise de Pompadour, elle fut officiellement présentée à la Cour en septembre. La Reine, sous le regard des curieux accourus, garda sa bonne grâce et sa politesse habituelles ; mais l'hostilité de la famille royale fut très vive, et aussi celle de beaucoup de courtisans, fâchés que la fonction de favorite fût enlevée à la noblesse et tombât dans la roture financière. A Versailles et à Paris, on chanta des chansons qu'on appela des poissonnades.

C'était justement une des puissances de Mme de Pompadour que d'être une financière. La finance, enrichie dans la misère publique, toute brillante de luxe, courtisant les gens d'esprit et courtisée par eux, prévalait sur la noblesse ruinée ; elle avait soutenu Mme d'Étioles, dans sa campagne d'amour. Pâris du Verney, qui avait employé Poisson dans ses bureaux, s'était toujours intéressé à sa fille. Or, il était sorti de disgrâce ; la guerre de la succession d'Autriche avait fait de lui l'homme nécessaire. Il était munitionnaire, vivrier ; mais il prétendait être, et il était en effet tout autre chose ; en ordonnant la marche des convois, il déterminait celle des armées ; il voulait des généraux qui fussent à sa discrétion. Ce général des farines, comme on l'appelait, était secondé par son frère, Pâris de Montmartel, l'un des grands banquiers de l'Europe, qui fournissait des fonds aux armées. Quand Du Verney rencontrait quelque résistance à ses vues, il se retirait à son château de Plaisance, auprès de Charenton ; la caisse de Montmartel se fermait aussitôt, et le contrôleur général ne savait plus comment subvenir aux dépenses des troupes. Vers la fin de la guerre de la Succession d'Autriche, Du Verney redevint ce qu'il avait été sous M. le Duc, le conseiller et l'inspirateur du pouvoir. il fait, dit le marquis d'Argenson, tout l'ouvrage politique, comme le militaire ; il gouverne absolument trois départements du royaume : la finance, la guerre et les affaires étrangères. Le Contrôleur Général et le secrétaire d'État de la Guerre étaient en effet dans sa dépendance. Quant au secrétaire d'État des Affaires étrangères, Puysieulx, appelé au ministère en janvier 1747, c'était sa créature et celle de la marquise.

La marquise se fit la surintendante des plaisirs du Roi. Pour amuser ce perpétuel ennuyé, elle installa dans une galerie de Versailles un théâtre où elle appela des acteurs et des chanteurs de la Comédie-Française et de l'Opéra. Le directeur était le duc de La Vallière, le sous-directeur, l'académicien Moncrif, et le secrétaire, qui faisait fonction de souffleur, l'abbé de La Garde, bibliothécaire de la marquise. Parmi les acteurs figurèrent MM. de Nivernais, de Duras, de Croissy ; parmi les musiciens, MM. de Dampierre et de Sourches ; parmi les danseurs, le duc de Beuvron et le prince de Hesse.

La première pièce jouée sur le théâtre des cabinets fut Le Mariage fait et rompu, de Dufresny, le duc de Nivernais, dans un rôle de Gascon, eut l'honneur très rare de faire rire le Roi. On représenta ensuite le Méchant de Gresset, le Préjugé à la mode de La Chaussée, les Trois Cousines de Dancourt, le Tartuffe, et des opéras où la marquise, jouant tantôt Herminie dans le Tancrède de Danchet et Campra, tantôt une nymphe dans Acis et Galatée de Campistron et Lulli, émerveilla le Roi et le passionna par ces changements mêmes de personnes et par ses talents d'actrice et de cantatrice. Les représentations se donnaient devant un petit nombre d'élus ; c'était une faveur d'y être admis, et une plus grande encore de monter sur la scène ; les rôles étaient très disputés.

Une des façons qu'avait Louis XV de se distraire était de se promener de château en château. La marquise l'accompagnait dans les résidences royales et dans les siennes. Elle s'était fait donner le château de Crécy, près de Dreux, où elle avait aménagé un cabinet d'assemblée de cinquante pieds de long sur vingt-six de large, tout décoré de panneaux sculptés et de glaces. Les invités portaient l'uniforme de Crécy, l'habit vert à boutonnières d'or, costume dessiné par le Roi lui-même. Elle avait acheté La Celle, appelée aussi le Petit Château, entre Saint-Cloud et Versailles. Elle y donna, dans un cadre charmant, des fêtes exquises ; un soir de septembre 1748, pendant le dîner du Roi, entrent tout à coup des musiciens tenant en mains violons et violoncelles, musettes et hautbois. La marquise se lève et se met à chanter : Venez ! Suivez-moi tous ! Le Roi et les convives la suivent et, dans les bosquets du parc, trouvent le duc d'Ayen sous la figure du dieu Pan, M. de La Salle, costumé en berger, et de petits pierrots dansant un ballet.

La plus belle demeure de la marquise fut celle que le Roi lui fit bâtir, le château de Bellevue. Construit sur un terrain sablonneux qu'il fallut défoncer jusqu'à cent vingt pieds pour poser les fondations, il coûta au moins deux millions et demi, et le public parla même de six millions. L'appartement du Roi était décoré par Van Loo, celui de la marquise par Boucher, celui du Dauphin et de la Dauphine par Vernet. Oudry avait peint la salle à manger, Van Loo le salon ; Pigalle avait sculpté les statues de la marquise et du Roi. Il y avait un brimborion de théâtre décoré à la chinoise par Boucher, Oudry, Verbrecht et Caffieri.

Les continuelles allées et venues de Louis XV déconcertaient les ministres, et le public s'irritait des dépenses qu'elles occasionnaient. Le bien ne serait-il pas, disait le marquis d'Argenson, que nos rois résidassent à Paris, et ne découchassent que pour aller seuls, et sans suite, dans quelques maisons de chasse ? Le Roi ne se souciait pas d'aller habiter dans le tumulte de Paris, et la royauté était trop royalement installée à Versailles pour qu'il en pût déménager ; mais, à Versailles, il s'ennuyait plus qu'ailleurs. Obligé d'y séjourner durant le carême et de s'y trouver pour certaines cérémonies, comme pour les réceptions d'ambassadeurs, il s'en absenta le plus qu'il put. En fuyant Versailles, il fuyait l'étiquette, le travail, les ministres et la société de la Reine. Le marquis d'Argenson, en 1754, signale comme un fait extraordinaire qu'il y doive passer huit jours de suite. Les grands appartements qui avaient convenu à la majesté de Louis XIV ne plaisaient plus à son successeur ; même pas celui qu'on lui avait récemment aménagé. C'est à Trianon que Louis XV trouvait l'installation qui lui convenait ; là, se conformant au goût du jour, il eut des vaches de Hollande, une laiterie, des volières, des poulaillers, des serres et un jardin botanique.

Par tous ces moyens, la Pompadour établit son empire. Comme elle l'étendit à la politique, sans que le paresseux Louis XV s'en offensât, — au contraire, — des cabales se formèrent contre elle. De 1747 à 1749, le bruit que le Roi se dégoûtait d'elle courut souvent ; mais on apprenait bientôt que le parti adverse avait été gagné par des grâces et par l'argent des Pâris. Les courtisans s'empressaient à sa toilette : La toilette de cette dame, écrivait d'Argenson, est aujourd'hui une espèce de grande cérémonie ; on la compare au fameux déculotté du cardinal Fleury. Bien qu'elle ne fût pas le moins du monde hautaine, — dans l'intimité, elle était quelquefois un peu bourgeoise — la Pompadour marquait son rang de maîtresse par l'étiquette qu'elle faisait observer. Dans la chambre où elle recevait ne se trouvait qu'un seul fauteuil, et on restait debout devant elle. A la chapelle du château, elle était seule dans une tribune. Les étrangers sont frappés de ses façons imposantes. Après la ronde des révérences qu'on me fit faire, dit le prince de Ligne, chez tous les individus de la famille royale, on me conduisit chez une espèce de seconde reine qui en avait bien plus l'air que la première. Il ajoute : J'ai vu Mme de Pompadour avec l'air de grandeur de Mme de Montespan.

La marquise devint comme un premier ministre et se débarrassa de ceux qui la gênaient. Orry, pour avoir refusé sa signature à des marchés de fournitures conclus par les Pâris, fut renvoyé en 1745. En 1749 ce fut le tour de Maurepas, pour avoir touché quelques mots au Roi du rôle politique de la marquise. Louis XV répéta la chose à sa maîtresse, qui feignit la crainte d'être empoisonnée par ses ennemis, comme on disait que l'avait été Mme de Châteauroux. Maurepas, d'ailleurs, était soupçonné de composer quelques-unes de ces chansons qui, répandues à Versailles et à Paris, atteignaient Mme de Pompadour au plus intime de sa vanité ou de ses faiblesses, jusque dans les secrets de son corps, de sa santé, de son tempérament. Au ministère restait un ami de Maurepas, le comte d'Argenson, qui avait la confiance du Roi, et aussi l'appui des dévots ; la marquise lia partie avec le successeur d'Orry au contrôle général, Machault. Dans toutes les affaires du règne, on la retrouvera. Elle eut grande part aux affaires étrangères ; elle tint pour la magistrature contre le clergé, pour les Philosophes contre les Jésuites, et contre les Jésuites encore pour les Jansénistes. Elle était l'ennemie de l'Église, qui lui tenait rigueur.

Ce fut sans doute pour participer à leur popularité, autant que par penchant naturel, qu'elle se fit l'amie des gens de lettres et des artistes. Voltaire qui, en 1745, célébra ses amours avec Louis XV, fut, par sa protection, choisi pour écrire et faire jouer à la Cour la comédie-ballet de la Princesse de Navarre et le ballet du Temple de la Gloire ; il devint par elle historiographe de France, académicien, gentilhomme de la Chambre. Elle fit de son mieux pour dissiper les préventions qu'avait Louis XV contre lui, mais n'y parvint jamais. Quelque temps, Voltaire en voulut à la marquise, de s'être intéressée à son rival, le vieux Crébillon ; mais, plus tard, il lui dédia son Tancrède, la vanta dans ses lettres, dans la Vision de Babouc, dans le Précis du siècle de Louis XV. Quand elle mourut, il écrivit : Je lui avais obligation, je la pleure par reconnaissance ; il dit aussi : Après tout, elle était des nôtres.

Montesquieu invoqua la protection de la marquise contre une : réfutation de l'Esprit des Lois que publiait le fermier général Dupin ; elle fit en sorte que l'ouvrage de Dupin fût supprimé. Elle prit en amitié Jean-Jacques Rousseau pour son Devin de village, qu'elle fit représenter sur le théâtre de la Cour à Fontainebleau, et à Bellevue où elle y joua un rôle. Jean-Jacques lui demeura, semble-t-il, reconnaissant de sa bienveillance. S'il n'avait tenu qu'à elle, l'Encyclopédie aurait été publiée sans difficulté ; mais elle ne put obtenir de d'Alembert et de Diderot l'engagement de ne pas toucher aux matières de religion et d'autorité. Elle demanda au Roi une pension pour d'Alembert, mais ne l'obtint pas[2].

Mme de Pompadour n'a pas eu sur les arts l'influence qu'on lui a quelquefois attribuée ; le style Pompadour était en plein épanouissement avant qu'elle devint la maîtresse du Roi. Mais elle accueillait' avec une grâce particulière les artistes, et, bâtisseuse comme elle était, éprise du joli luxe des intérieurs. elle enrichissait les peintres et les décorateurs par des commandes. Ainsi fit elle à l'égard de Boucher, de Cochin le fils. Elle admit dans son intimité le graveur Guay qui exécutait sur pierres fines des gravures dont elle donnait le sujet, et La Tour, à qui elle permettait, quand il faisait son portrait, de quitter sa perruque, sa cravate et ses jarretières.

Outre Crécy, La Celle et Bellevue, elle acquit et aménagea à Paris l'hôtel de Pontchartrain, rue Neuve-des-Petits-Champs, et l'hôtel d'Évreux, aujourd'hui le palais de l'Élysée, qu'elle paya 700.000 livres, et où elle dépensa, en plus, près d'un million ; une maison aux Moulineaux, au bas de Meudon ; le château de Champs, aux environs de Meaux ; ceux de Saint-Ouen, de la Garancière, de Sèvres. Partout elle rassemblait des objets d'art, tableaux, statues, laques, pièces d'orfèvrerie, et un mobilier considérable que son marchand, Duvaux, achetait à l'ébéniste Oeben. Elle croit, écrit en 1748 d'Argenson, s'amuser à l'infini par les détails de bâtiments qu'aime notre monarque. Elle donna la direction des bâtiments à son frère Abel-François Poisson, qui alla faire son éducation artistique dans un voyage en Italie. Abel Poisson, qui devint marquis de Vandières, puis marquis de Marigny, s'acquitta bien de sa fonction.

Mme de Pompadour fut très vite impopulaire. On lui reprocha ses dépenses qui furent énormes en effet : sept ou huit millions pour ses bâtiments, quatre millions pour le théâtre et les fêtes, un million pour un seul de ses voyages, celui du Havre où elle alla mettre la première cheville du vaisseau Le Gracieux. Elle avait une maison de quarante personnes, un service de bouche, vaisselle d'argent et d'or, écuries pleines. Elle faisait des pensions à des parents et à des courtisans, dotait des filles pauvres et jouait gros jeu. On l'accusait de trafiquer des places et des grâces, par exemple d'avoir reçu de Dupleix cinquante mille livres pour le cordon qui lui fut donné. Dans une visite à Paris, en 1750, menacée par la foule, elle fut obligée de s'enfuir. Quand le Dauphin et la Dauphine allèrent à Notre-Dame pour les actions de grâces, après la naissance de leur fils, ils entendirent autour de leur voiture des propos comme celui-ci : Qu'on renvoie cette p... qui gouverne le royaume et qui le fait périr ! Si nous la tenions, il n'en resterait bientôt rien pour en faire des reliques.

Son règne ne fut jamais tranquille ; elle avait à se défendre contre les dames de haut vol qui voulaient lui prendre le Roi, Mmes de La Mark, de Robecq, de Périgord, de Forcalquier, de Coislin, de Choiseul-Romanet, etc. Elle se défendit très bien contre ces nobles personnes. Mais quand le Roi ne l'aima plus d'amour, elle se garda bien de s'imposer ; elle se rangea, se donna quelque air de dévotion, et devint en 1756 dame du palais de la Reine. Pourvu qu'elle ne fût pas menacée dans sa qualité de maîtresse en titre, elle toléra les petites maîtresses. En 1753, dans le quartier de l'ancien Parc aux Cerfs, une maison fut achetée, où le Roi se rendait en cachette ; il s'y faisait passer pour un seigneur polonais. Des filles s'y succédèrent, Mesdemoiselles Trusson, Fouquet, Robert, Romans et autres. Il y avait aussi une maison d'accouchement pourvue du nécessaire. Mme de Pompadour s'intéressait à ce service des amours secrètes du Roi.

Dans son extraordinaire fortune, cette femme ne fut pas heureuse. Cette vie de fêtes, de voyages, d'intrigues de toutes sortes, dont le champ s'étendait à l'Europe entière, et la nécessité d'amuser toujours le Roi, qui ne lui permettait pas même d'être malade, l'épuisaient. Déjà en 1749 elle écrivait :

La vie que je mène est terrible. A peine ai-je une minute à moi : répétitions et représentations ; et deux fois la semaine voyages continuels, tant au Petit-Château qu'à La Muette, etc. Devoirs considérables et indispensables : Reine, Dauphin, Dauphine gardant heureusement la chaise longue ; trois filles, deux infantes[3] ; jugez s'il est possible de respirer. Plaignez-moi et ne m'accusez pas.

Avec quelques variantes, c'est ce qu'avait dit Mme de Maintenon.

 

II. — LE COMTE D'ARGENSON[4].

PENDANT le gouvernement de Mme de Pompadour un secrétaire d'État, le comte d'Argenson, garda son indépendance. La disgrâce de Maurepas, loin de l'affaiblir dans le Conseil, l'y fortifia ; grâce à la faveur royale dont il jouit pleinement, personne ne semblait pouvoir lui disputer la prééminence. Le secrétariat d'État de la Marine a passé de Maurepas au conseiller d'État Rouillé. Du secrétariat d'État de la Maison du Roi, qui appartenait aussi à Maurepas, le comte d'Argenson a fait détacher, pour se l'attribuer, le département de Paris, qu'on appelait le poste d'honneur, parce qu'il comprenait la grande police. Les autres services de ce secrétariat sont passés à Saint-Florentin.

Le comte d'Argenson était digne de la confiance du Roi. Entré au secrétariat d'État de la Guerre dans un moment difficile, en 1743, obligé de pourvoir aux opérations contre l'Autriche et l'Angleterre, il avait, comme dit Bernis, créé des armées au Roi, en mettant sur pied les milices provinciales, d'où il avait tiré les grenadiers royaux, qui devinrent en 1749 les grenadiers de France, et furent assimilés à l'armée active. Très vite les grenadiers ont égalé les meilleures troupes ; ils ont accoutumé le public à ne pas dédaigner les milices, et gagné des partisans au système du service obligatoire et des armées nationales. Dans l'Assemblée constituante, on invoquera leur exemple en faveur de la conscription ; à l'Assemblée législative Aubert Dubayet dira de ces grenadiers qu'ils étaient l'honneur de nos armées.

Après la paix d'Aix-la-Chapelle, par un édit de janvier 1751, le comte d'Argenson a créé l'École militaire, où 500 jeunes gentilshommes furent élevés gratuitement. En 1755, à la mort du prince de Dombes, fils du duc du Maine, et colonel-général des Suisses et Grisons, le comte d'Eu, son frère, lui succéda dans cette charge, mais en renonçant à la grande maîtrise de l'artillerie dont il était titulaire. Le secrétaire d'État de la Guerre, qui avait imposé cette condition, supprima la grande maîtrise, mit sous ses ordres directs toutes les troupes d'artillerie, conduisit les travaux des sièges, commanda la fabrication des poudres et la fonte des canons et disposa des arsenaux.

En raison des circonstances où il devint secrétaire d'État de la Guerre, et sans qu'il y mit de sa part intention arrêtée, le comte d'Argenson recruta les officiers parmi les roturiers comme parmi les nobles. Après la paix d'Utrecht, la réduction des effectifs, et par conséquent du corps des officiers, avait été si considérable qu'on n'avait plus attribué de grades qu'aux gentilshommes ; le 25 décembre 1718, le Conseil de la guerre voulut que ce fût la règle ; mais, au cours de la guerre de la Succession de Pologne, et plus encore pendant la guerre de la Succession d'Autriche, il fallut revenir aux roturiers. En 1734, dans les régiments de l'armée d'Allemagne, et surtout dans ceux de l'armée d'Italie, nombre d'officiers nobles avaient donné leur démission, faute de fortune pour soutenir leur emploi. D'autre part, les gentilshommes riches ne tenaient pas toujours à faire la guerre ; beaucoup, dès qu'ils avaient obtenu la croix de Saint-Louis, se retiraient dans leurs terres. Le comte de Torcy dira en 1758 que les provinces sont tapissées de croix de Saint-Louis, de gens qui n'ont pas plus de quarante ans, qui sont dans la force de l'âge, qui pourraient encore servir bien longtemps. Il les appellera gens inutiles à l'État, qui le ruinent et le déshonorent.

En 1755, au régiment de Flandre-Infanterie, il y avait six capitaines d'origine roturière et autant au régiment d'infanterie Royal-Roussillon. Dans la cavalerie, l'invasion roturière était moindre, mais encore appréciable ; on y voyait, à côté de fils de magistrats de parlements, de conseillers des chambres des comptes, de conseillers de présidiaux, des fils de négociants. Le comte de Saint-Germain, futur ministre de la Guerre, se plaignait en 1758 que le corps d'officiers fût rempli de roturiers. Il exagérait, mais, sur la fin du ministère d'Argenson, on peut, pour l'infanterie tout au moins, évaluer la proportion des officiers roturiers au tiers de l'effectif.

Comme Ministre de Paris, d'Argenson entreprit de moraliser la ville. Il fit enlever des filles dans de mauvais lieux, des servantes sans place, des ouvrières, des gens sans aveu qui vivaient dans de petites auberges, des pauvres errants et aussi de petits gueux, fils d'artisans ; il voulait envoyer tout ce monde aux colonies. Ce fut un soulèvement général. De grands rassemblements se firent rue de Cléry, à la Croix-Rouge, aux Quatre-Nations, à Saint-Roch. On barra les rues de chaînes pour empêcher les charges de cavalerie ; on tua des archers, on brisa les vitres du guet ; les émeutiers menaçaient de piller les maisons, de s'emparer des caisses des financiers, et de marcher sur Versailles. Les troubles durèrent de décembre 1749 à mai 1750. Le Parlement informa d'abord contre les archers, et en décréta plusieurs ; ceux-ci montrèrent les ordres du lieutenant de police ; deux d'entre eux furent quand même admonestés, et un troisième blâmé. Se retournant contre les émeutiers, qui d'ailleurs s'apaisaient, les magistrats en condamnèrent cinq au gibet. Le jour où l'on dut pendre ces pauvres diables, le peuple cria grâce, mais les troupes croisèrent la baïonnette, et les condamnés furent exécutés. La première fois que nous reverrons des séditions aurait-on dit dans le populaire, consommons davantage nos entreprises ; brûlons, massacrons, défaisons-nous de nos mauvais magistrats...

Mme de Pompadour avait pour d'Argenson une haine publique ; elle lui reprochait d'essayer de la confiner dans la direction des plaisirs du Roi. D'Argenson, pour se défendre, s'appuya sur les amis de la Reine et les dévots. D'ailleurs le Roi croyait ne pouvoir se passer de lui. Louis XV, en 1754, fit dire à la marquise par Mme de Soubise, qu'habitué au travail et aux formes du comte d'Argenson, il désirait qu'on ne le tourmentât plus à son sujet. Mme de Pompadour dissimula et attendit.

 

III. — L'ADMINISTRATION FINANCIÈRE DE MACHAULT (1745-1754).

DE grandes réformes fiscales et sociales furent entreprises par Machault d'Arnouville. Machault naquit en 1701 d'une famille de robe. Il devint maître des requêtes en 1728, et, en 1743, intendant de Hainaut, fonction que la guerre et le voisinage de la frontière rendait difficile, et dont il s'acquitta bien. En 1745, il fut appelé au Contrôle général. Bien qu'il ne fût pas courtisan le moins du monde, mais très froid, sans agrément et sans grâce, et droit et probe, il sacrifia aux nécessités du moment et rechercha la faveur de Mme de Pompadour. Havait des vues arrêtées et précises et une énergie tranquille à l'égard des préjugés. Machault, dit le marquis d'Argenson, s'avance au travers de tout, comme les élagueurs d'allées ; il ne va qu'à grands coups de faux ; il est entêté comme une tête de fer. Nullement théoricien, très pratique, il pense qu'il faut diminuer les exempts (de tailles), soulager les taillables de quelques millions ; que les pays d'États rendent moins au Roi que ceux d'élections ; qu'il faut connaître les produits d'affaires par régie avant de les affermer à forfait ; qu'il faut mépriser les financiers ; que le Clergé est trop riche.

En 1749, comme le bail général des fermes devait être renouvelé l'année d'après, il se préoccupa d'en tirer pour le Roi le meilleur revenu possible. Les fermiers généraux, au nombre de quarante, mettaient en commun un capital de 60 millions, afin d'être en état d'assurer toujours au Roi son revenu et de lui faire des avances. L'apport de chacun était de 1.500.000 livres, et se décomposait en croupes représentant les sommes fournies par des bailleurs de fonds. Le fermier touchait, par an, une rémunération de 24.000 livres pour droit de présence, 4 200 livres par mois pour frais de bureau, et 1 500 livres par mois quand il était en tournée ; l'intérêt de ses avances lui était payé à raison de 10 p. 100 pour le premier million, et 6 p. 100 pour le solde. Ce n'étaient pas des profits excessifs, si l'on songe qu'un fermier était responsable de la levée des impôts, ce qui n'allait pas sans quelque risque ; mais les fermiers trompaient le Roi sur le chiffre total des rendements. On calcula que, pendant la durée du bail Thibaut de la Rue, — celui qui touchait à sa fin, qui avait duré six ans, selon la coutume, — les fermiers avaient gagné 9 millions par an, soit 54 millions. Machault fit une enquête. Le principal fermier, celui qui tenait le portefeuille commun, Lallemant de Betz, lui ayant donné sur les bénéfices de la Compagnie des chiffres faux et refusé de présenter un état vrai, il le suspendit, et, par le nouveau bail, porta la ferme de 92 à 101 millions.

Chaque renouvellement de bail mettait en mouvement une foule de solliciteurs. Les places de fermiers généraux étaient très convoitées ; elles étaient peu nombreuses, et, d'ordinaire, les titulaires les conservaient ; mais les sous-fermiers se multipliaient indéfiniment, et les parts d'intérêt plus encore. Les solliciteurs allaient à la Cour par milliers ; en 1749, à Compiègne, il fallut établir des tentes pour les coucher. Machault se défendit tant qu'il put contre les quémandeurs. Tout ce désordre était si vieux, et tant de gens y avaient profit qu'il n'en vint pas à bout ; il ameuta contre lui quantité de mécontents, fut accusé de ne donner d'emploi qu'à ses amis et de se faire donner des pots de vin par ceux qu'il favorisait. Mais le Contrôleur général devait s'attirer, par des mesures plus graves, des inimitiés plus redoutables.

En 1745, les revenus ordinaires étaient inférieurs aux dépenses d'environ 100 millions. Machault fit face aux nécessités de la guerre par les expédients d'usage, emprunts, anticipations, affaires extraordinaires. La paix de 1748 ne le tira pas d'embarras, car elle l'obligea de supprimer le dixième, qui seul aurait permis d'acquitter les dettes de l'État, mais que le Roi avait promis d'abolir sitôt la guerre finie. Le Contrôleur usa d'un stratagème ; il abolit le dixième et prépara l'établissement du vingtième, qu'il entendait faire peser équitablement sur tous. Le régime des impôts lui semblait injuste, parce qu'il n'était supporté que par le troisième ordre, et, dans cet ordre même, par les pays d'élections plus que par les pays d'États. De la capitation, on avait fait une taxe additionnelle de la taille ; le Clergé s'en était racheté à bon compte. Le dixième avait été léger aux riches et aux gentilshommes. En 1734, le roi des vins du Bordelais, le président de Ségur, dont le revenu s'élevait à 160000 livres, déclara pour le paiement de cette contribution un revenu de 6.000. Les déclarations des nobles étaient dérisoires, et l'administration n'osait pas procéder contre eux.

Dans les premiers jours de mai 1749, deux édits furent signés à Marly : le premier ordonnait un emprunt pour l'acquittement des dettes de guerre — émission de 1 800.000 livres de rente 5 p. 100 — ; le second établissait une imposition d'un vingtième sur tous les revenus des particuliers sans distinction de naissance ni de qualité ; il atteignait le revenu foncier — vingtième des biens-fonds, — le revenu mobilier — vingtième des créances, — le revenu des charges — vingtième des offices, — les revenus commerciaux et industriels — vingtième d'industrie. Cette taxe devait gager l'emprunt nouveau et alimenter une caisse spéciale d'amortissement destinée à rembourser les dettes de l'État. Aux motifs invoqués pour le dixième en 1710, 1733, 1741, et qui furent répétés, d'autres étaient ajoutés. Le Roi disait :

Nous avons reconnu qu'indépendamment de l'obligation dans laquelle nous nous trouvons de payer encore aujourd'hui les arrérages des dettes que la nécessité des circonstances a accumulées pendant les guerres dont le règne du feu roi, notre très honoré seigneur et bisaïeul, a été presque continuellement agité, ces dettes se sont très considérablement accrues pendant les deux dernières guerres que nous avons eues à soutenir depuis l'année MS, et qu'elles sont d'autant plus augmentées que, pour satisfaire aux différents besoins qui se sont succédé, nous avons préféré la voie des emprunts, à d'autres qui auraient pu étre plus onéreuses à nos peuples ; nous avons également reconnu qu'il était indispensable de pourvoir au paiement de ce qui reste dû des dépenses de la guerre et de celles dont elle a occasionné le retardement. Indépendamment de toutes ces charges, tant anciennes que nouvelles, la nécessité où nous sommes de mettre notre marine en état de favoriser le commerce de nos sujets et de conserver un nombre de troupes suffisant pour assurer la tranquillité de nos frontières, et maintenir la paix, nous oblige encore à des dépenses extraordinaires, qu'exige de nous la protection que nous devons à nos sujets.

Comme au temps d'Orry, l'administration vérifia les déclarations des contribuables par des contrôleurs qui interrogèrent les personnes en état de leur fournir des indications sur les biens-fonds — notaires, décimateurs, syndics, collecteurs, principaux habitants des paroisses ; — mais plus encore qu'autrefois les contrôleurs eurent affaire aux dissimulations. Au reste, la contribution fut surtout supportée par les propriétaires, le développement de la richesse foncière étant de beaucoup supérieur à celui de la richesse mobilière. Et l'État admit toutes sortes de tempéraments à l'égard des profits du commerce et de l'industrie.

La grande nouveauté du vingtième c'est qu'il était, non pas un expédient limité à la durée d'une guerre, mais un impôt définitif. On lui reprocha moins sa lourdeur que son universalité ; on l'eût trouvé sans doute plus supportable, s'il eût été moins juste. Le Parlement avait refusé d'enregistrer l'édit sur le vingtième ; il avait rappelé la promesse de supprimer le dixième, déploré la misère du peuple, et laissé voir la crainte que le vingtième ne devint une imposition irrévocable et progressive.

L'imposition du dixième. avait-il déclaré, si elle ne subsistait pas dans toute son étendue, subsisterait du moins dans son essence, et il serait toujours vrai de dire que tous les biens se trouveraient encore chargés d'une imposition fixe et déterminée, dont l'augmentation serait toujours à craindre, et qui pourrait devenir insensiblement un tribut irrévocable.

Toutefois, sur l'ordre du Roi de procéder à l'enregistrement toute affaire cessante, le Parlement avait cédé.

Les premières grandes protestations vinrent des assemblées des pays d'États.

Quand Machault réclama des États de Languedoc les rôles du dixième pour permettre à l'intendant d'établir ceux du vingtième, les États invoquèrent le testament du dernier comte de Toulouse, Raymond VII, instituant pour son héritière universelle sa fille Jeanne, mariée à Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis ; puis les décisions des États généraux de 1355 et divers édits royaux, le tout afin d'établir le privilège qu'avait la province de consentir l'impôt. Mais Machault n'admettait pas qu'un texte quelconque permit à des sujets de discuter d'égal à égal avec le Roi leur maitre. Il déclina même la requête de l'archevêque de Toulouse, de La Roche-Aymon, qui réclamait pour les États le droit de nommer une commission à l'effet d'administrer l'impôt du vingtième concurremment avec l'intendant, dussent les commissaires être à l'avance désignés par cet agent du Roi. Les États mécontents, ayant refusé de voter le don gratuit, furent dissous en février 1750 ; deux ans durant, le Languedoc fut administré sans États, et le vingtième perçu par l'intendant.

Les Bretons établissaient leur droit de consentir l'impôt sur le pacte conclu en 1532 avec François Ier au moment où leur province fut réunie à la Couronne. Leurs États étaient dominés par la noblesse. Le vote se faisait par ordre, chacun des trois ordres ayant sa voix ; mais comme tous les nobles avaient droit de séance aux États, ils imposaient, par leur nombre et leur violence, leurs volontés au Clergé et au Tiers État. En octobre 1749 fut convoquée une assemblée extraordinaire. Ces sortes d'assemblées étant moins nombreuses que les autres, les commissaires du Roi, l'intendant et le Premier Président du Parlement de Bretagne, firent voter la remise à l'intendant des rôles du dixième nécessaires pour asseoir la nouvelle taxe ; mais, quand l'administration voulut procéder à l'assiette, on lui opposa de telles résistances qu'en novembre 1750, sur 400.000 articles que contenaient les rôles du dixième, à peine avait-elle pu recueillir 8.000 déclarations. En 1750, l'assemblée ordinaire des États réclama la suppression du vingtième, ou le droit pour la province de s'abonner à raison d'une certaine somme qu'elle répartirait et lèverait elle-même. Le duc de Chaulnes, gouverneur de la province et commissaire du Roi, eut de la peine à faire voter les subsides ordinaires. Deux ans plus tard, l'intendant n'ayant encore pu se faire remettre que des déclarations informes et dont il était impossible de faire usage, les commissaires du Roi durent présenter aux États des rôles du vingtième en grande partie copiés sur ceux du dixième. Les États se montrèrent intraitables ; ils étaient d'ailleurs soutenus à Versailles par les ennemis de Machault et se croyaient sûrs de ne pas fâcher le Roi.

Plus puissant qu'on ne l'avait cru, Machault fit exiler les meneurs de la résistance bretonne. Il songea même à réduire la représentation des nobles à quarante-six membres, ce qui était le chiffre de celle du Tiers ; mais il renonça à une mesure qui aurait peut-être provoqué de grands troubles, et il préféra faire accepter, grâce à quelques ménagements, l'établissement du vingtième. Le duc d'Aiguillon, auquel le duc de Chaulnes, découragé depuis la turbulente session de 1752, vendit sa charge de lieutenant général en 1753, s'y employa ; mais quand Machault quittera le contrôle général, en 1754, son successeur, de Séchelles, reprendra en Bretagne et en Languedoc le système des concessions, c'est-à-dire des abonnements ; Louis XV cédera devant la coalition des privilégiés.

Avec le Clergé, Machault eut affaire à plus forte partie encore. Il était résolu à obliger ce corps, dont il estimait les revenus à 250 millions, à contribuer très largement aux charges publiques. Des 250 millions, il convenait de soustraire 30 millions appartenant au Clergé étranger, c'est-à-dire au clergé des provinces réunies à la Couronne depuis le XVIe siècle, Trois-Évêchés, Alsace, Franche-Comté, Artois, Roussillon, qui ne faisait pas corps avec celui de France, n'était pas représenté aux assemblées quinquennales, et supportait des impositions royales particulières[5]. Il fallait aussi décompter plus de 60 millions dépensés par les collèges, les hôpitaux et les établissements de charité, plus le revenu des curés, soit 45 millions ; mais il restait encore 114 millions imposables. Pour le seul impôt du vingtième, l'État pouvait donc réclamer 5.500.000 livres. Or, on calculait que, depuis le début du siècle, le Clergé n'avait contribué aux charges publiques que pour 182 millions, ce qui équivalait à 3.655.000 livres par an, moins du trentième de ses revenus. Certainement il pouvait payer davantage. Calculant, comme Machault, que le Roi pouvait l'imposer sur un revenu d'au moins 100 millions, l'intendant Sénac de Meilhan dira qu'il aurait fallu lui demander 20 millions par an. Un prélat riche de 100.000 livres de rentes en aurait conservé à peu près 80.000, et l'État était sauvé.

D'autre part, Machault, par un édit d'août 1749, renouvela l'effort tant de fois fait pour arrêter l'accroissement des biens de mainmorte. Dans le préambule de l'Édit, il fit valoir l'intérêt des familles frustrées par des donations au Clergé des héritages naturellement destinés à leur subsistance et à leur conservation ; puis l'intérêt de l'État, que le droit payé au moment des amortissements n'indemnisait qu'insuffisamment de la perte des droits sur la translation des propriétés. Par l'Édit même, il interdit aux gens de mainmorte d'acquérir quoi que ce fût par achat, legs, échange, ou donation sans s'être pourvus de lettres patentes, et il subordonna la délivrance de ces lettres à des enquêtes conduites non seulement par les évêques, mais par les juges royaux et les officiers municipaux du pays où devait se faire la fondation. Il fit ordonner aux procureurs généraux de dresser des états de tous les établissements de mainmorte de leurs ressorts avec des observations sur l'utilité desdits établissements. Il voulut enfin que les héritiers des donateurs pussent revendiquer les biens irrégulièrement transmis au Clergé.

Pour diviser la résistance au vingtième qu'il savait certaine, Machault s'adressa d'abord au Clergé étranger dont il espérait venir à bout assez aisément. S'il obtenait de lui des déclarations de biens et le payement du vingtième, un précédent était créé ; mais les agents du Clergé de France excitèrent leurs confrères à protester. L'évêque de Verdun invoqua l'exemple de saint Thomas de Cantorbéry, martyr pour avoir défendu contre un roi d'Angleterre les libertés et immunités le l'Église :

Ne mettez point, disait-il, en opposition l'obéissance que nous devons au Roi et celle que nous devons à notre conscience ; car, dans l'incompatibilité de ces deux devoirs, le Roi lui-même a trop de religion pour ne pas sentir lequel des deux doit avoir la préférence.

Au mois de mai 1750 se réunit l'assemblée quinquennale du Clergé. Avant que rien lui eût été communiqué sur le nouvel impôt, elle décida d'adresser au Roi des représentations où elle rappellerait que les secours donnés par l'Église à l'État avaient toujours été volontaires. Par prudence, le Gouvernement ne parla pas de vingtième ; mais, le 17 août, les commissaires du Roi annoncèrent que, pour le paiement des dettes de l'État, il serait levé sur le Clergé, en sus du don gratuit, une contribution de 7 millions 500 mille livres, payable en cinq ans, par portions égales de 1.500.000 livres ; le Clergé procéderait lui-même au recouvrement ; mais la répartition serait faite d'après des déclarations de revenus et sous la surveillance du Roi. La somme n'était pas excessive ; mais que le Roi ordonnât l'imposition d'une certaine somme en vue d'un objet déterminé, et qu'il en surveillât la répartition, c'était une grande nouveauté et l'acheminement vers l'établissement du vingtième.

L'Assemblée refusa de faire la répartition de la contribution, et, le 10 septembre, elle vota des remontrances. Elle parla du péril que les progrès de la philosophie faisaient courir à la religion, et demanda au Roi de ne point attenter aux vieux droits de l'Église.

Les ministres de la religion, dit-elle au Roi, ne vous demandent que la conservation des immunités dans lesquelles plus de soixante de vos prédécesseurs les ont constamment maintenus. Ils ne vous demandent que d'être traités par le Fils aine de l'Eglise comme ils l'ont toujours été par tous les princes de l'univers catholique. Ils ne vous demandent que l'exécution des engagements que Votre Majesté a pris au jour de sa consécration. Ils ne vous demandent que la grâce de revoir leurs églises sans la douleur de les avoir trahies.

Le Roi répondit à l'Assemblée par la mise en demeure de prendre une délibération positive sur la demande de ses commissaires. Comme elle tergiversait, le secrétaire d'État Saint-Florentin fit remettre au cardinal-président une lettre de cachet fixant la dissolution de l'Assemblée au 20 septembre, et ordonnant à ses membres de retourner dans leurs diocèses pour y assurer l'exécution de la Déclaration du 17 août. L'Assemblée protesta et se sépara. Quelques ecclésiastiques, en petit nombre, se préparèrent cependant à fournir des déclarations de leurs revenus ; d'autres lièrent partie avec les courtisans hostiles au Contrôleur général.

Une vive polémique était engagée. L'avocat Bargeton, au moment où se réunissait l'Assemblée du Clergé, avait publié des Lettres, avec l'épigraphe Ne repugnate bono vestro, — Ne refusez pas votre bien. — Il disait que les prêtres étaient la partie la moins utile de la Nation, leur reprochait la dépopulation du royaume, soutenait que les dons à l'Église provenaient d'une piété séduite ou mal entendue, et niait qu'aucun droit humain pût exempter le Clergé de la contribution personnelle ou réelle aux charges de l'État. Le libelle fit grand bruit. D'autre part, Voltaire supposa un décret de l'Inquisition où il était dit :

L'Antéchrist est venu ; il a envoyé plusieurs lettres circulaires à des évêques de France, dans lesquelles il a eu l'audace de les traiter de Français et de sujets du Roi. Satan.... a débité un livre digne de lui.... Il s'efforce d'y prouver que les ecclésiastiques font partie du corps de l'État, au lieu d'avouer qu'ils en sont essentiellement les maîtres ; il avance que ceux qui ont le tiers du revenu de l'État doivent au moins le tiers en contribution, ne se souvenant plus que nos frères sont faits pour tout avoir et ne rien donner. Le susdit livre en outre est notoirement rempli de maximes impies.... de préjugés pernicieux tendant méchamment à affermir l'autorité royale, à faire circuler plus d'espèces dans le royaume de France, à soulager les pauvres ecclésiastiques, jusqu'à présent saintement opprimés par les riches  A ces causes, il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de faire brûler le dit livre, en attendant que nous puissions en faire autant de l'éditeur.

Libelles impertinents, traités sérieux et documentés se succédaient : la Lettre d'un Turc à son correspondant de Constantinople sur les difficultés de la langue française ; l'Avis sincère aux prélats ci-devant assemblés ; la Lettre d'un saint évêque à un archevêque bien intentionné ; l'Avis au clergé ; La voix du prêtre, de l'abbé Constantin ; l'Avis d'un docteur en Sorbonne sur la Déclaration du 17 août 1750, de l'abbé Guéret ; l'Examen impartial des immunités ecclésiastiques, de l'abbé Chauvelin ; le Traité des droits de l'État et du prince sur les biens possédés par le clergé, de l'abbé Mignot. Dans la polémique contre le Clergé, le bas Clergé était épargné ; même on réclamait pour lui un traitement supérieur aux portions congrues auxquelles le réduisaient les riches bénéficiaires, et la diminution des taxes qu'il avait à payer pour le don gratuit.

Cependant la Cour était partagée entre deux partis. Mme de Pompadour soutenait Machault ; elle avait avec elle presque tout le ministère, les maréchaux de Noailles et de Richelieu, l'abbé de Broglie, tous les financiers, et contre elle le comte d'Argenson, toute la famille royale, tous les prélats, et, au premier rang, l'archevêque de Paris, le cardinal de Tencin, l'ancien évêque de Mirepoix, Boyer, qui tenait la feuille des bénéfices. Entre les deux partis, le Roi maintenait l'équilibre. Le chancelier d'Aguesseau ayant donné sa démission le 27 novembre 1750, en raison de son grand âge et de ses infirmités, Louis XV fit chancelier, le 10 décembre, Lamoignon de Blancmesnil, grand ami des Jésuites ; en même temps, il donna les sceaux à Machault, qui garda d'ailleurs le Contrôle général. Peu à peu, cependant, il se laissa circonvenir par Tencin et Boyer ; il écouta les avis du nouveau Chancelier. Puis, au moment du jubilé qui se célébra à Rome en 1731, il eut une crise de dévotion ; il se mit à suivre les sermons du P. Griffet, qui dirigeait à la Cour les exercices préparatoires du jubilé. Le bruit courut que Mme de Pompadour allait être disgraciée. Il n'en fut rien ; mais le Roi renonça à soumettre le Clergé à l'impôt. Le 23 décembre 1751, un arrêt du Conseil suspendit la levée de l'annuité de 1.500.000 livres. L'occasion de cette reculade fut l'affaire de l'Hôpital général. Cette maison était devenue un foyer de jansénisme militant ; elle avait été réformée par une Déclaration du '24 mars 1751, qui la soumettait à l'autorité de l'archevêque de Paris ; le Parlement avait refusé l'enregistrement, suspendu la justice, et forcé le Gouvernement à renoncer à la Déclaration. Le comte d'Argenson profita de ces événements pour animer Louis XV contre les Parlementaires. Un rapprochement du pouvoir et de l'Église en fut la conséquence. Machault quitta le contrôle général en 1751 pour devenir secrétaire d'État de la marine, à la place de Rouillé, qui passa aux Affaires Étrangères et, quand se réunit de nouveau l'Assemblée du Clergé, en 1755, le Roi lui demanda simplement le vote d'un don gratuit.

 

IV. — LES BILLETS DE CONFESSION ET LE REFUS DES SACREMENTS (1731-1758)[6].

PENDANT que se déroulait cette crise, la querelle entre Molinistes et Jansénistes se ranima et devint furieuse.

Des évêques constitutionnaires prescrivaient à leur clergé de refuser les sacrements aux suspects de jansénisme, qui ne présentaient pas un billet attestant qu'ils s'étaient confessés à un prêtre soumis à la Bulle. Les Jansénistes, considérant que le refus des sacrements était une diffamation justiciable des tribunaux, dénonçaient au Parlement les prêtres qui refusaient de les leur administrer. Le Parlement, pour qui l'usage des billets de confession était une innovation illégitime, poursuivait ces prêtres.

Divers incidents firent alors grand bruit. Bouettin, curé de Saint-Étienne-du-Mont, avait eu affaire déjà deux fois au Parlement pour refus de sacrement, quand, en 1752, il refusa la communion à un vieux prêtre janséniste, Lemère. Le Parlement condamna le curé à l'amende, et le somma d'administrer les sacrements à Lemère sous peine de saisie de son temporel. Le Conseil du Roi cassa l'arrêt ; le Parlement supplia le Roi de faire donner la communion au mourant ; mais le vieillard mourut sans sacrements. Dix mille personnes suivirent son cercueil, et le Parlement rendit un décret de prise de corps contre Bouettin, qui s'enfuit.

Le curé de Saint-Médard refusa les sacrements à deux religieuses de la communauté janséniste de Sainte-Agathe ; il en mourut une. Le clergé de la paroisse, inquiet des suites qu'il prévoyait, se sauva. Le Parlement mit en cause l'archevêque lui-même, le menaça de saisir son temporel et le somma de faire administrer la religieuse survivante ; mais la religieuse guérit. Pour éviter de nouveaux troubles, Louis XV ordonna que la communauté de Sainte-Agathe se séparât.

La querelle du Clergé et de la magistrature tournait au grotesque. Des porte-Dieu, prêtres chargés de porter le viatique aux malades, étaient sommés par huissier d'avoir à délivrer la communion ; quand ils s'y refusaient, le Parlement les mandait au Palais et les admonestait. Un huissier, signifiant à un prêtre un arrêt de la Cour qui ordonnait de porter le viatique, insérait, dit-on, dans son exploit : Et faute de ce faire, le présent tiendra lieu de viatique. Mais, sous ce ridicule, de violentes passions se démenaient.

La haine de l'Église et de la religion se répandait dans la foule. D'Argenson disait :

La perte de la religion ne doit pas être attribuée à la philosophie anglaise, qui n'a gagné à Paris qu'une centaine de philosophes, mais à la haine contre les prêtres, qui va au dernier excès. A peine osent-ils se montrer dans les rues sans être hués. Les esprits se tournent au mécontentement et à la désobéissance, et tout chemine à une grande révolution dans la religion et dans le gouvernement.

La réforme de la religion, disait-il encore, sera bien autre chose que cette réforme grossière, mêlée de superstition et de liberté, qui nous arriva d'Allemagne au seizième siècle.... Comme notre nation et notre siècle sont bien autrement éclairés, on ira jusqu'où l'on doit aller, l'on bannira tout prêtre, tout sacerdoce, toute révélation, tout mystère....

Il notait en 1753 :

On n'ose plus parler pour le Clergé, dans les bonnes compagnies ; on est honni et regardé comme des familiers de l'Inquisition. Les prêtres ont remarqué cette année une diminution de plus d'un tiers dans le nombre des communiants. Le collège des Jésuites devient désert ; cent vingt pensionnaires ont été retirés à ces moines si tarés. On a observé aussi pendant le Carnaval, à Paris. que jamais on n'avait vu tant de masques, au bal, contrefaisant les ecclésiastiques, en évêques, abbés, moines, religieuses ; enfin la haine contre le sacerdoce et l'épiscopat est portée au dernier excès.

Le Roi, si indifférent qu'il fût, se préoccupait de ce grand désordre. L'audace des Parlementaires croissait toujours ; le plus grand nombre des magistrats, et, parmi eux, l'abbé de Chauvelin, Pasquier, le président de Meinières, Rolland d'Erceville, Robert de Saint-Vincent, étaient des hommes d'opposition à tout propos. Le Roi disait un jour à un courtisan, le duc de Gontaut :

Ces Grandes Robes et le Clergé sont toujours aux couteaux tirés ; ils me désolent par leurs querelles, mais je déteste bien plus les Grandes Robes. Mon Clergé, au fond, m'est attaché et fidèle, les autres voudraient me mettre en tutelle... Robert de Saint-Vincent est un boutefeu que je voudrais pouvoir exiler ; mais ce sera un train terrible... Le Régent a eu bien tort de leur rendre le droit de remontrances, ils finiront par perdre l'État !

Comme de Gontaut avait interrompu pour dire que de petits robins n'étaient pas de force à ébranler l'État, le Roi reprit :

Vous ne savez pas ce qu'ils font et ce qu'ils pensent, c'est une assemblée de républicains. En voilà, au reste, assez : les choses, comme elles sont, dureront autant que moi.

Le 22 février 1753, Louis XV adressa au Parlement de Paris des lettres patentes par lesquelles il évoquait au Conseil toutes les affaires concernant les sacrements. Le Parlement ne les enregistra pas, et, le 9 avril, il fit des remontrances où il essaya de justifier sa résistance :

Pouvions-nous, dit-il, sans cesser d'être fidèles, consentir à une surséance dont l'effet ne serait qu'un déni de justice préjudiciable à l'ordre et au repos public ?

Condamnant une fois de plus les doctrines ultramontaines, il faisait au Roi cette déclaration :

Si ceux qui abusent de votre nom prétendent nous réduire à la cruelle alternative d'encourir la disgrâce de Votre Majesté. ou de trahir les devoirs que nous impose un zèle inviolable pour votre service, qu'elles sachent que ce zèle ne connaît point de bornes, et que nous sommes résolus à vous demeurer fidèles, jusqu'à devenir les victimes de notre fidélité.

Ordre fut donné aux Chambres assemblées d'enregistrer les lettres d'évocation ; les Chambres refusèrent. Dans la nuit du 8 au 9 mai, des mousquetaires portèrent aux présidents et conseillers aux Requêtes et aux Enquêtes des lettres de cachet leur ordonnant de se rendre soit dans leurs terres, soit dans des villes éloignées les unes des autres, qui leur étaient assignées pour lieux d'exil. Quatre furent conduits au Mont-Saint-Michel, au château de Ham, à Pierre-Encise, aux îles Sainte-Marguerite. La Grand'Chambre fut épargnée ; elle en eut honte, et protesta contre une exception qu'elle estimait injurieuse ; le 11 mai, elle fut reléguée à Pontoise.

Le Châtelet, les Cours des Aides, les Cours des Comptes félicitèrent la Grand'Chambre de sa conduite. Des diverses villes où ils étaient relégués, les conseillers aux Enquêtes et aux Requêtes lui adressèrent mémoires sur mémoires pour l'affermir dans sa résistance. Ceux que l'on avait exilés à Bourges, au nombre de trente, en rédigèrent un que d'Argenson qualifie de tocsin séditieux ; ils déclaraient que, si le Roi disposait de 100.000 hommes pour soutenir ses ordres, ils avaient le cœur et la volonté des peuples. Les parlements provinciaux se mirent de la partie ; ceux de Bordeaux et de Toulouse décrétèrent des curés qui refusaient les sacrements ; celui de Rouen condamna l'évêque d'Évreux à 6.000 livres d'amende pour avoir interdit à ses curés de les administrer ; celui de Provence cassa un arrêt du Conseil qui avait cassé un jugement rendu par lui contre l'évêque de Sisteron.

Le Gouvernement ne résista pas longtemps ; après avoir transféré la Grand'Chambre de Pontoise à Soissons et constitué une Chambre royale qui fut comme une faible ébauche du futur Parlement Maupeou, il rappela les exilés. Dans une déclaration datée du 8 octobre, il prétendit imposer à tous un silence absolu sur la Bulle :

Nous avons reconnu dans tous les temps, disait-il, que le silence est le moyen le plus efficace pour rétablir l'ordre et la tranquillité publique... A ces causes... ordonnons que le silence imposé sur les matières qui ont fait l'objet des dernières divisions soit inviolablement observé... Enjoignons à notre Cour de Parlement de procéder contre les contrevenants conformément aux Ordonnances...

Mais le silence ne se fit pas. Une vieille fille de la paroisse de Saint-Étienne-du-Mont n'ayant pu fournir à un porte-Dieu ni billet de confession, ni renseignements sur son confesseur, les sacrements lui furent refusés ; le Parlement dénonça le fait au Roi. Louis XV, tout en invitant les Parlementaires à la plus grande circonspection relativement aux choses spirituelles, exila l'archevêque de Paris à Conflans. Ce fut le signal de toutes sortes de procédures contre l'épiscopat. En 1754, l'archevêque et les évêques de la province d'Auch écrivent au Roi pour se plaindre de la façon dont les parlements appliquent la Déclaration ; le Parlement de Paris condamne leur lettre et la fait brûler par le bourreau. En 1755, l'évêque de Troyes, Poncet de La Rivière, refuse les sacrements à deux personnes ; le présidial de Troyes le condamne à 3.000 livres d'amende et fait saisir ses meubles. Le Roi signifie au Parlement qu'il désapprouve la chaleur des juges ; mais le Parlement soutient les juges, et Louis XV exile l'évêque. Le Roi exile l'archevêque d'Aix, pour refus de sacrements, et l'évêque de Saint-Pons, de Guénet, auteur des Réflexions d'un évêque de Languedoc sur quelques arrêts du Parlement de Toulouse. Le Parlement de Rennes saisit le temporel de l'évêque de Vannes, et fait vendre les meubles de l'évêque de Nantes.

Le Parlement triomphait. Il se croyait maître de la discipline ecclésiastique, et même de la foi ; il citait à sa barre des membres du Clergé, pour tous les actes de leur ministère, pour des mandements, des sermons, des catéchismes ; il examinait des thèses de Sorbonne. Enfin, à propos de poursuites engagées contre le chapitre d'Orléans, pour refus de sacrements, il déclara, par un arrêt du 18 mars 1755, que la Bulle n'avait ni le caractère ni les effets d'une règle de foi ; qu'il y avait abus à les lui attribuer ; en conséquence, il enjoignit à tous les ecclésiastiques, de quelque qualité ou dignité qu'ils fussent, de se renfermer à ce sujet dans le silence général et absolu prescrit par la Déclaration.

Louis XV ne pouvait laisser passer ce désaveu quasi officiel de la Constitution ; et, d'ailleurs, au moment où une guerre s'annonçait avec l'Angleterre, il jugeait prudent de se ménager les subsides du Clergé-Un arrêt du Conseil du 4 avril cassa donc l'arrêt du Parlement, en ce que l'on y disait qu'il y avait abus de l'exécution de la Bulle, et en ce que, sous le prétexte de faire observer la Déclaration, le Parlement en avait étendu et interprété les dispositions contre les vues et intentions du Roi.

Sur ces entrefaites, l'Assemblée du Clergé se réunit, et le Roi obtint d'elle, par un vote unanime, un don gratuit de 16 millions. Il invita alors tes évêques à rechercher tes moyens de ramener la paix dans les esprits. L'Assemblée se divisait en deux partis à peu près égaux : les feuillants, ainsi appelés de ce qu'ils se groupaient autour du cardinal-président de La Rochefoucauld, récemment mis en possession de la feuille des bénéfices ; les théatins, tirant leur nom de l'ordre religieux auquel avait appartenu l'évêque de Mirepoix, Boyer, décédé depuis peu. Les premiers étaient d'avis de ne refuser les sacrements qu'aux réfractaires notoires et publics ; les autres, de maintenir les choses en l'état. Tous protestèrent contre le recours des fidèles aux Parlements, contre la prétention qu'avaient les juges laïques de prendre connaissance des refus de sacrements, contre les peines dont ils frappaient les prêtres : amendes exorbitantes, prison, bannissement perpétuel. Ils convinrent enfin d'écrire au Pape pour lui demander conseil.

Une querelle survenue entre le Parlement de Paris et le Grand Conseil devait donner d'ailleurs quelque répit au Clergé. Commission administrative, instituée plutôt pour exécuter les volontés du Roi que pour maintenir la stricte exécution des lois, prononçant sur les arrêts contradictoires rendus par les Parlements, le Grand Conseil, dont les arrêts étaient exécutoires dans toute la France, était jalousé et haï des Parlements. Le Roi évoquait devant lui les affaires qu'il avait intérêt à ne pas laisser juger par les juges ordinaires. Or, en 1755, un ancien conseiller au Grand Conseil avait interjeté devant cette juridiction appel d'une sentence du Châtelet ; son adversaire voulait au contraire plaider devant le Parlement. Le Grand Conseil ordonna au greffier du Châtelet de lui apporter les minutes du procès, et le Parlement le lui interdit par un arrêt. Cet arrêt fut cassé par une Déclaration du Roi, du 10 octobre. Le Parlement envoya à Versailles une députation, mais Louis XV ne tint aucun compte de ses doléances. Durant des mois, Parlement et Grand Conseil se firent la guerre à coups d'arrêts. Le public s'intéressait à cette querelle et s'en amusait. Le 26 avril 1756, le Grand Conseil étant allé à Versailles pour se plaindre du Parlement, le Roi le reçut avec le cérémonial usité pour cette cour ; on se demanda s'il ne projetait pas de substituer aux parlements indociles son Grand Conseil.

L'ambassadeur de France à Rome obtint du Pape, en octobre 1756, une encyclique destinée à rétablir la paix religieuse. Le Pape confirmait l'obligation d'obéir à la Constitution Unigenitus, mais supprimait l'exigence du billet de confession ; le Clergé devait s'éclairer sur les sentiments des fidèles et ne refuser les sacrements qu'aux gens connus comme réfractaires à la Constitution.

Sont réfractaires, disait le Pape, tous ceux qui, par sentence rendue par un juge compétent, ont été reconnus coupables d'avoir refusé à la Constitution le respect, l'obéissance et la soumission qui lui sont dus ; tous ceux qui, en jugement, se sont déclarés coupables d'une pareille obstination, et, en outre, ceux qui, bien qu'ils n'aient pas déclaré leur culpabilité en jugement, cependant, dans le temps même où ils s'apprêtent à recevoir le saint viatique, professent spontanément leur désobéissance personnelle et persévérante à l'endroit de la Constitution.

Le 7 décembre 1756, le Parlement de Paris supprima cette sage encyclique, pour la raison qu'elle avait été publiée sans permis d'imprimer et sans nom d'imprimeur, et il défendit aux évêques de la citer et de la publier. Tous les Parlements du royaume firent cause commune avec lui. C'était d'ailleurs une théorie de la magistrature que les divers Parlements n'étaient que des parties d'un même tout, des classes d'un seul et unique Parlement réparties entre les provinces pour la commodité des justiciables. Le Parlement de Bordeaux entrait en guerre avec l'intendant De Tourny ; le Parlement de Rouen faisait des remontrances contre le Grand Conseil, et le commandant de la province, duc de Luxembourg, étant allé les biffer sur les registres, il menaçait de suspendre la justice et de donner sa démission en masse.

Cependant la guerre, déjà engagée sur mer avec les Anglais, allait commencer sur le continent. Le Gouvernement avait besoin de faire enregistrer des édits bursaux ; il résolut de prendre des précautions contre la magistrature. Le 13 décembre 1756, le Roi tint un lit de justice, où il fit lire trois déclarations. Par la première, il ordonnait de respecter la Bulle comme décision de l'Église et attribuait aux tribunaux ecclésiastiques la connaissance du refus des sacrements, en gardant au Parlement l'appel comme d'abus ; par la seconde, il reconnaissait à la seule Grand'Chambre le droit de convoquer les autres Chambres, répétait une fois de plus que l'enregistrement aurait lieu nécessairement après qu'il aurait été répondu aux remontrances, et enfin interdisait d'interrompre le cours de la justice, sous peine d'être jugé rebelle. Par la troisième, il supprimait deux chambres des Enquêtes sur trois, c'est-à-dire soixante offices de conseillers laïques. Il fit enregistrer les déclarations sous ses yeux et ordonna aux Chambres de se séparer.

Les Enquêtes et les Requêtes n'en demeurèrent pas moins réunies et donnèrent leurs démissions en bloc Dégradés et privés de nos fonctions essentielles, disaient les démissionnaires, nous sommes devenus incapables d'être à l'avenir d'aucune utilité pour le service du Roi et le bien du Royaume. Seize membres de la Grand'Chambre s'étant aussi démis, le cours de la justice fut suspendu ; les avocats et les procureurs cessèrent leur service. Le peuple se prononça pour le Parlement ; l'agitation fut énorme à Paris et en province ; mais l'attentat de Damiens vint faire diversion.

Les démissionnaires avisèrent alors le Premier Président que, consternés par l'attentat, ils étaient prêts à donner au Roi des marques de leur fidélité. Mme de Pompadour se mit à négocier avec les principaux meneurs ; le 26 janvier, elle reçut le président de Meinières, qui avait rédigé un projet d'accommodement où il prétendait ménager l'autorité du Roi et les intérêts de sa Compagnie ; elle ne décida rien avec lui, mais le pria de remettre son projet à l'abbé de Bernis, qui venait d'être fait ministre. Bernis conseilla la clémence envers les magistrats, et, une fois de plus, Louis XV se départit de sa rigueur ; il fit rendre aux démissionnaires leurs démissions, et rappela les exilés.

La lutte entre la Couronne et le Greffe était, pour un temps, suspendue, mais devait recommencer fatalement. L'antique confusion de l'Église et de l'État, et la question très vieille aussi des relations de la Couronne avec Rome étaient des causes permanentes de conflits. Le Parlement contestait à l'Église toute participation à la puissance publique, et défendait contre la papauté l'indépendance de la Couronne. Lorsque le Parlement se trouvait aux prises avec l'Église de France et avec Rome, le Roi se trouvait embarrassé. Il aimait son clergé, parce qu'il le savait fidèle, et parce qu'il recevait de lui des subsides. Il redoutait les différends avec le Pape et même ne se faisait pas faute de recourir à l'autorité pontificale ; mais il n'était, ni ne pouvait être ultramontain. De cet embarras, même un roi comme Louis XIV avait souffert. Louis XV révéla sa faiblesse par une perpétuelle alternative de rigueurs et de pardons. Aussi le Parlement s'enhardissait de plus en plus. Or, le Parlement, tout en défendant contre la Couronne même les droits de la Couronne dans sa lutte avec les Ultramontains, produisait les siens, vieux, obscurs, toujours contestés. Il se donnait l'air d'un protecteur de la Nation contre l'arbitraire royauté ; la Nation l'applaudissait, et elle espérait en lui. Mais, comme il n'était pas au pouvoir d'officiers du Roi, acheteurs de leurs offices, de représenter la Nation devant le Roi et de soutenir jusqu'où il aurait fallu leur opposition, toute cette agitation, qu'ils renouvelaient à tout propos, demeurait stérile. Le Parlement n'était capable que d'ébranler la monarchie.

 

V. — L'ATTENTAT DE DAMIENS ET LA DISGRACE DE MACHAULT ET DU COMTE D'ARGENSON (1757)[7].

CE fut le 5 janvier 1757, à six heures du soir, que le Roi, montant en carrosse au château de Versailles pour aller souper à Trianon, fut frappé au flanc d'un coup de couteau. La blessure était légère, mais on craignit que l'arme ne fût empoisonnée ; Louis XV se mit ail lit et se confessa. L'archevêque de Paris ordonna des prières de quarante heures ; les théâtres furent fermés ; mais le public se montra surtout curieux des détails de l'attentat. Le temps était loin où la crainte de perdre le Roi consternait la France.

L'assassin, Damiens, ayant été garçon de salle chez les Jésuites, ceux-ci furent mis en cause dans des libelles. Le bruit courut ensuite qu'il avait servi des Jansénistes, des magistrats notamment, et ce fut le tour des Jansénistes et du Parlement d'être accusés de complicité. Damiens n'était qu'un déséquilibré ; il n'avait pas voulu tuer le Roi, mais seulement le rappeler à ses devoirs. Le Gouvernement crut cependant à une conspiration, fit arrêter des ecclésiastiques, poursuivit des détenteurs d'écrits séditieux et des imprimeurs, envoya aux galères des libraires et des colporteurs et bannit quelques écrivains. L'assassin subit le supplice de Ravaillac, le 28 mars 1757. On lui brûla la main droite, on le tenailla ; on versa du plomb fondu dans ses plaies ; on l'écartela. Pendant cinq quarts d'heure, il demeura vivant, très courageux, sous les regards d'une foule immense qui emplissait la place de Grève et garnissait les fenêtres, les lucarnes et les toits.

Le Roi, se croyant frappé à mort, avait ordonné au Dauphin de présider le Conseil ; il avait demandé à la Reine pardon de ses torts envers elle. Les courtisans pensèrent que Mme de Pompadour était perdue. Machault se présenta chez elle, en effet, pour lui donner à entendre que le Roi désirait qu'elle s'éloignât ; mais des amis de la marquise lui conseillèrent de demeurer. M. de Machault vous trahit, lui aurait dit alors la maréchale de Mirepoix, il veut être le maitre ; et, pour perdre la partie, il vous suffit de la quitter. La marquise attendit les événements ; le Roi, sitôt qu'il fut rassuré, ne pensa plus à la congédier. Mais Machault paya cher ce que le parti Pompadour appelait sa trahison ; le Roi lui écrivit le 1er février 1757 :

Les circonstances présentes m'obligent de vous redemander mes sceaux et la démission de votre charge de secrétaire d'État de la Marine. Soyez toujours sûr de ma protection et de mon amitié. Si vous avez des grâces à me demander pour vos enfants, vous pouvez le faire en tout temps. Il convient que vous restiez quelque temps à Arnouville. Je vous conserve votre pension de vingt mille livres et les honneurs de Garde des sceaux.

Louis XV ne se séparait qu'à regret de Machault, qu'il aimait pour son intelligence et sa capacité. Ils ont tant fait, écrivait-il le même jour, qu'ils m'ont forcé à renvoyer Machault, l'homme selon mon cœur ; je ne m'en consolerai jamais.

En terne temps que Machault, tomba le comte d'Argenson. La disgrâce de Machault faisait de lui le ministre prépondérant. Il voulut, pour être tout puissant, substituer auprès dut Roi à la marquise, dont il était l'ennemi, la comtesse d'Esparbès. L'indécis est enfin décidé, aurait il écrit à cette dame, le Garde des sceaux et renvoyé ; vous allez revenir, ma chère amie, et nous serons les maîtres du tripot. Il a nié l'authenticité de cette lettre ; et peut-être fut-elle fabriquée ; mais, après que Mme de Pompadour l'eut montrée au Roi, d'Argenson fut relégué à sa terre des Ormes.

Peut-être bien, d'ailleurs, la principale raison du renvoi de deux ministres fut-elle que le Roi Louis XV, épouvanté de l'attentat de Damiens, crut bon d'éloigner du ministère les hommes qui avaient attiré sur eux le plus de haines : Machault, comme auteur du projet du vingtième, le comte d'Argenson comme chef du parti dévot.

L'année 1757 vit encore, en juillet, le renvoi du secrétaire de l'État des Affaires étrangères, Rouillé. Louis XV ne donna pas de successeur à Machault comme Garde des sceaux, et tint lui-même les sceaux jusqu'en octobre 1761 ; mais, à la Marine, Machault fut remplacé par Peirenc de Moras ; le comte d'Argenson le fut, à la Guerre, par le marquis de Paulmy, son neveu, qui céda lui-même la place au maréchal de Belle-Isle le 2 mars 1758. Le successeur de Rouillé devait être l'abbé de Bernis. Les ministres, disait le public, changent comme les décors de l'Opéra. La duchesse d'Orléans, chargeant quelqu'un d'aller à Versailles faire compliment à l'un d'eux, ajoutait : Au moins sachez s'il y est encore !

 

 

 



[1] SOURCES. D'Argenson, Barbier, de Luynes, Moufle d'Angerville, Hénault, Dufort de Cheverny, du Hausset, Choiseul, Sénac de Meilhan, déjà cités. Bernis (de), Mémoires et lettres (1715-1758), p. p. Fr. Masson, Paris, 1878, 2 vol. in-8°. Pompadour (Marquise de), Correspondance... avec son père, M. Poisson, et son frère, M. de Vandières, Paris, 1878, in-8°. Mémoires du maréchal duc de Richelieu, Londres et Paris, 1760-1793, 2e éd., 9 vol. in-8°. Prince de Ligne, Mémoires, Bruxelles, 1860, in-12°. Soulavie, Mémoires historiques et anecdotes de la Cour de France pendant la faveur de la Marquise de Pompadour, Paris, 1802, in-8°. Chansonnier historique, t. VII, Paris, 1842. in-12°.

OUVRAGES A CONSULTER. Jobez (t. III et IV), de Carné (La monarchie française au XVIIIe siècle), Taine (L'ancien régime), Desnoiresterres (Voltaire et la Société), Alb. de Broglie (Maurice de Saxe et le marquis d'Argenson ; La paix d'Aix-la-Chapelle ; L'Alliance autrichienne), Clément (Portraits : Les frères Pâris). Thirion, Roussel (Le Comte de Gisors : Sur les Pâris). Bapst (Histoire du théâtre), Jullien (La Comédie à la Cour), Dussieux (Le Château de Versailles), déjà cités. Campardon, Mme de Pompadour et la Cour de Louis XV au milieu du XVIIIe siècle, Paris, 1867. Goncourt (E. et J. de), Mme de Pompadour, Paris, 1878, in-12°. Nolhac (de), Louis XV et Mme de Pompadour, Paris, 1904, in-12°. La jeunesse de la Pompadour (Revue de Paris, 15 octobre 1902) ; Voltaire et la Pompadour (Revue Latine, 15 mars 1904), Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. II, 1886 (Mme de Pompadour). Perey, Un petit neveu de Mazarin, le duc de Nivernais, Paris, 1890, in-8°. Glasson, Les confits du Parlement et de la Cour en 1573 (Académie des Sciences morales et politiques, 14 septembre 1901), de Champeaux, Le Meuble, Paris, 2 vol., t. II. Leturcq, Notice sur Jacques Guay, graveur sur pierres fines du roi Louis XV, Paris, 1878. Funck-Brentano, Légendes et archives de la Bastille (Latude), Paris, 1898, in-12°. Welwert (A.), Étude critique sur la vie secrète de Louis XV (Revue historique, Nov. et déc. 1887.)

[2] Voir plus loin, le chapitre III du livre III.

[3] Il s'agit ici des trois filles aînées, non mariées, de Louis XV, et de la duchesse de Parme et de sa fille. Mmes Henriette, Adélaïde et Victoire avaient alors, la première vingt-deux ans, la seconde dix-sept ans, la troisième seize ans. La duchesse de Parme était Mme Louise-Elisabeth, sœur jumelle de Mme Henriette ; les mémoires de Luynes la désignent toujours sous le nom de Mme infante, et désignent sa fille Isabelle sous celui de : la petite Infante. La mère et la fille étaient à la Cour depuis le 31 décembre 1748 ; elles devaient quitter Versailles en octobre 174 et s'embarquer à Antibes le 1er novembre 1749.

[4] SOURCES. Recueil général des anciennes lois françaises (Isambert), t. XXII. Remontrances du Parlement de Paris au XVIIIe siècle (Flammermont), t. II. D'Argenson, de Luynes, Moufle d’Angerville (t. II et III), Hénault, Dufort de Cheverny, du Hausset, Sénac de Meilhan, Soulavie (Mém. hist. et anecdotes), déjà cités. Voltaire, Lettre à l'occasion de l'impôt du vingtième ; Extrait du décret de la Sacrée Congrégation de l'Inquisition de Rome à l'encontre d'un libellé intitulé : Lettre sur le Vingtième ; La voix du Sage et du peuple (Œuvres complètes, t. XXXIX).

OUVRAGES A CONSULTER. Jobez (t. IV), de Carné (La monarchie française) ; Rocqualo, Clamageran (t. III), de Luçay, Picot (Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, t. III). Houques-Fourcade, Clément (Portraits hist.). Campardon (Mme de Pompadour), de Goncourt (Mme de Pompadour), Delahante (t. I), Gébelin, déjà cités. Tuetey (Louis), Les officiers sous l'ancien régime ; Nobles et roturiers, Paris, 1908. Crouzas-Cretet (de), L'Église et l'État, ou les deux puissances au XVIIIe siècle (1715-1789), Paris, 1893. Marion, Machault d'Arnouville ; Étude sur l'histoire du Contrôle général des Finances de 1749 à 1754, Paris, 1891. Id., L'impôt sur le revenu au XVIIIe siècle, principalement en Guyenne, Paris, 1901. Fournier de Flaix, La réforme de l'impôt en France, Paris, 1885, t. I. Caron, L'Administration des États de Bretagne, de 1493 à 1790, Paris, 1872. Maury (Alfred), Les Assemblées de Clergé de France (Rev. des Deux Mondes, 15 fév., 1er avril et 15 sept. 1879 et 1er août 1880). Roschach, Histoire de Languedoc (Continuation de l'Histoire de Dom Vaissète), t. XIII et XIV.

[5] Sous le nom de dons gratuits le Clergé des Trois-Évêchés, de l'Alsace, de la Franche-Comté, payait tantôt annuellement, tantôt une fois pour toutes, des sommes qui représentaient la capitation et le dixième, mais il répartissait et percevait lui-même ces taxes. En Roussillon, la contribution du Clergé était qualifiée d'abonnement : en 1746, l'intendant du Roussillon l'avait augmentée de sa propre autorité. En Artois le Clergé payait sa part des impositions volées par les États ; de même en Cambrésis, en Hainaut, en Flandre.

[6] SOURCES. Remontrances du Parlement de Paris (p. p. Flammermont), D'Argenson (t. VIII), Barbier (t. III et IV), de Luynes (t. II), Moufle d'Angerville (t. II), du Hausset, Voltaire (Précis du siècle de Louis XV), déjà cités.

OUVRAGES A CONSULTER. Jobez (t. IV), de Carné, Bocquain, déjà cités. Aubertin, Crousaz-Cretel, Maury (Les Assemblées du clergé), Marion, de Goncourt, déjà cités. Maury, De la civilisation en France, depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos Jours : Mouvement des idées au XVIIIe siècle. Des parlements (Revue des cours littéraires, t IV, 1863. Laboulaye, De l'Administration française sous Louis XVI (Revue des cours littéraires, t. II, III et IV, 1864-1867) ; Picot, Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique pendant le XVIIIe siècle, Paris, 1863-1867, 7 vol. (t. III et IV). Glasson, Les Conflits du Parlement et de la Cour en 1759 (Acad. des sc. morales, 14 sept. 1901), Méric (abbé Elie), Le clergé sous l'ancien régime, Paris, 1890. Sicard (abbé), L'ancien clergé de France ; (t. I) les évêques avant la Révolution, Paris, 1893. Flammermont, Le chancelier Maupeou et les parlements, Paris, 1883. Grellet-Dumazeau, La Société parlementaire au XVIIIe siècle : Les exilés de Bourges (1753-1754), Paris, 1893.

[7] SOURCES. D'Argenson (t. V), du Hausset, Hénault, Moufle d'Angerville (t. III), déjà cités. Lettres Inédites du poète Robbé de Beauveset, p. p. G. d'Heilly, 1876. Pièces originales du procès Damiens, Paris, 1737. Ravaisson, Archives de la Bastille, t. XXI.

OUVRAGES A CONSULTER. Campardon, de Goncourt (Mme de Pompadour), déjà cités. D'Heilly, le Parlement, la Cour et la Ville pendant le procès Damiens, Paris, 1875.