HISTOIRE DE FRANCE

 

LIVRE PREMIER. — LA RÉGENCE ET LE MINISTÈRE DU DUC DE BOURBON.

CHAPITRE III. — L'ABBÉ DUBOIS[1].

 

 

I. — LA PHYSIONOMIE DE DUBOIS.

TOUTE la Régence est, pour ainsi dire, dominée par deux personnages très singuliers, Law et l'abbé Dubois.

Personne peut-être n'a été plus maltraité par Saint-Simon que Dubois, cet homme fort du commun, de la lie du peuple, et qui s'est élevé à force de grec et de latin, de belles-lettres et de bel esprit... Tous les vices combattaient en lui à qui en demeurerait le maitre. Ils y faisaient un bruit et un combat continuel entre eux. L'avarice, la débauche, l'ambition étaient ses dieux ; la perfidie, la flatterie, les servages, ses moyens ; l'impiété parfaite, son repos ; et l'opinion que la probité et l'honnêteté sont des chimères dont on se pare et qui n'ont de réalité dans personne, son principe, en conséquence duquel tous les moyens lui étaient bons.

Ce témoignage porte la trace de préjugés et de rancunes aristocratiques. D'autres le contredisent : la Princesse Palatine, mère du Régent, entretint avec Dubois une correspondance de quinze ans, où l'on voit qu'elle faisait grand cas de lui, et Fénelon témoigna à l'abbé Dubois son amitié et son estime.

Né d'un médecin de Brive en 1656, Dubois vint faire à Paris sa philosophie au collège de Saint-Michel. Le principal du collège le désigna au précepteur du jeune duc de Chartres, M. de Saint-Laurent, comme capable de le seconder dans ses fonctions. Dubois devint sous-précepteur du prince en 1683, puis précepteur en titre quatre ans plus tard. Averti par Mme de Maintenon du dessein qu'avait Louis XIV de marier le duc de Chartres avec sa fille naturelle, Mlle de Blois, il prépara habilement cette affaire qui se conclut en 1692. Il conserva une grande influence sur son élève et le suivit jusqu'aux armées, ce qui porta ombrage à nombre de gens, et lui valut des avanies. On le raillait sur son envie de plaire. Mais Dubois laissait causer les envieux : Conformément à la routine de ces messieurs, dit-il, on me reproche de n'être pas fils d'un duc et pair ; ce qu'ils appellent être né dans la boue.

Ce petit homme maigre, à perruque blonde, au teint plombé, aux yeux perçants et malins, séduisait par une physionomie caressante. Bien qu'il bégayât un peu, il était un causeur endiablé, étincelant de verve, à table surtout, où il ne mangeait ni ne buvait. Il avait un esprit extraordinairement lucide, une facilité de travail surprenante, une volonté obstinée. Nul scrupule ne le gênait. A la cour de Monsieur, dans la compagnie d'un chevalier de Lorraine ou d'un marquis d'Effiat, il vécut la vie libertine. Il était très avide ; né misérable, il se composera, du fruit de ses abbayes et du traitement de ses charges, un revenu de 630.000 livres, à peu près deux millions d'aujourd'hui. Très ambitieux, prêt à jouer tous les rôles en vue de parvenir, moitié Gil-Blas et moitié Frontin, il fut plus habile et plus fort que tous ceux qui lui disputaient l'influence. Il devint ce qu'il voulut : conseiller d'État, secrétaire d'État, académicien, archevêque, cardinal, premier ministre, maitre de la France.

 

II. — LA TRIPLE-ALLIANCE (1716-1717).

C'EST par Dubois que fut dirigée la politique extérieure de la Régence. Au moment où il se mit à l'œuvre, la paix était mal assurée. Philippe V détestait le Régent, qu'il accusait, non sans raison, d'avoir voulu se substituer à lui sur le trône d'Espagne. Il maintenait ses droits à la couronne de France, et il était résolu à les faire valoir, si le petit roi venait à mourir. Pour satisfaire aux engagements pris envers l'Europe, il aurait tenu séparés les deux royaumes, en donnant l'une des deux couronnes à l'un de ses fils. Et puis Philippe V n'avait renoncé qu'à regret aux parties de la succession qu'il avait fallu céder à l'Empereur. Enfin il était poussé aux aventures par sa seconde femme et par Albéroni, son principal ministre. Sa femme Élisabeth Farnèse, nièce de François, duc de Parme, et de Cosme, grand duc de Toscane, voulait assurer à ses enfants la réversibilité de ces deux États. Italien comme la reine, petit abbé, amené par Vendôme en Espagne, favori de la princesse des Ursins, Albéroni avait inspiré le mariage d'Élisabeth. Pour seconder l'ambition de la Reine, il voulait chasser d'Italie les Autrichiens, on tout au moins leur reprendre le Milanais, les présides de Toscane et le royaume de Naples, anciennes possessions d'Espagne. Les Bourbons d'Espagne menaçaient ainsi à la fois la France et l'Autriche. Tri énergiquement, Albéroni travaillait à mettre l'Espagne en force ; il réorganisait les finances, l'armée et la marine. Il comprit que, dans les conflits futurs, il aurait besoin de l'amitié de l'Angleterre : Philippe V, malgré sa répugnance de dévot à traiter avec des hérétiques, signa, le 14 décembre 1715, avec les Anglais un traité de commerce qui renouvelait les clauses non appliquées encore du traité d'Utrecht, en particulier celle qui leur permettait d'envoyer tous les ans aux colonies espagnoles d'Amérique un vaisseau chargé de marchandises et d'y faire la traite des nègres.

Mais le roi George Ier d'Angleterre avait des raisons de ne pas se brouiller avec l'Empereur. Charles VI avait refusé à Rastadt de garantir la succession d'Angleterre dans la maison de Hanovre, et le Prétendant, Jacques Stuart, avait un parti à la cour de Vienne. Puis, en 1715, George avait acheté Brème et Verden au Danemark qui avait conquis ces villes sur la Suède l'année précédente ; il s'était par là grandement fortifié dans son électorat, commandant tout le pays entre le Weser et l'Elbe ; mais, pour devenir tranquille possesseur de Brème et de Verden, il lui fallait l'investiture impériale. De son côté, l'Empereur, menacé par l'Espagne, ne voulait pas se faire ennemi du roi George. Le 25 mai 1716, les deux princes se garantirent réciproquement leurs possessions.

Le Régent hésita sur la conduite à tenir. George Ier lui avait fait des avances avant la mort de Louis XIV. Il avait appris que le roi de France avait testé contre son neveu ; il appréhendait une régence de Philippe V, et soupçonnait les princes légitimés d'être les amis du Prétendant ; il avait donc, par l'intermédiaire de lord Stairs, son ambassadeur, lié partie avec le duc d'Orléans contre le duc du Maine. Mais l'opinion française tenait ferme pour le Prétendant contre le successeur de ce Guillaume d'Orange, que la France avait tant détesté. Elle voulait l'alliance espagnole, ne se résignant pas à l'idée que tant d'argent et de sang français aient pu être dépensés en pure perte. C'était l'opinion de D'Huxelles et de Torcy qui soutenaient que l'alliance espagnole devait être le fondement de la politique française. Devenu régent, le duc d'Orléans n'osa braver l'opinion ; il toléra le rassemblement, à Boulogne, au Havre et à Dieppe, d'hommes et de munitions destinés à une insurrection jacobite. Il permit au Prétendant de traverser la France et Paris, pour aller s'embarquer à Dunkerque, le 16 décembre 1715. D'ailleurs, en Angleterre, le projet d'entente se heurtait à de grandes résistances. Les ministres ne voulaient pas, disaient-ils, jouer leur fortune et leur tête en négociant une alliance française.

L'insurrection soulevée en Écosse avorta, et le Prétendant, en revenant à l'hospitalité de la France, mit le Régent dans l'embarras. L'ambassadeur Stairs réclama, en avril 1716, le renvoi du Prétendant, l'expulsion de ses partisans, et insista pour que le nouveau canal de Mardick fût mis en tel état qu'il ne pût laisser passer que de petits navires. Un des griefs de l'Angleterre contre la France était que le gouvernement français entreprenait de substituer Mardick à Dunkerque, dont le port avait été détruit, conformément à une stipulation du traité d'Utrecht.

Cependant les raisons subsistaient pour le Régent de se protéger contre l'Espagne. Le rapprochement avec l'Angleterre se fit par l'intermédiaire de la Hollande, qui était sortie mécontente de la guerre de Succession. Au prix d'une dette énorme elle n'avait obtenu que d'augmenter son inutile et coûteuse barrière. Elle voulait, pour se refaire, le maintien de la paix, et se trouvait ainsi propre à la fonction de médiatrice. L'ambassadeur de France à La Haye, Châteauneuf, fut donc chargé de négocier avec le Pensionnaire ; il assura que le roi de France désirait conclure une alliance défensive avec le roi d'Angleterre pour le maintien des traités faits à Utrecht, et particulièrement pour garantir l'ordre de succession aux couronnes de France et d'Angleterre. II ajouta qu'au sujet du Prétendant et de Mardick, il serait facile de calmer les susceptibilités des Anglais, la France étant prête à faire tout ce qui serait compatible avec sa dignité. Il exprimait enfin le désir de voir la Hollande s'adjoindre à l'alliance projetée. Les propositions de Châteauneuf furent bien accueillies en mai 1716.

C'était un succès que d'avoir l'appui de la Hollande ; mais le gouvernement français sentit, sous les protestations de bonne volonté des ministres anglais, l'intention de traîner les choses en longueur. Le Régent résolut d'agir directement et secrètement auprès du roi d'Angleterre par le moyen de l'abbé Dubois, conseiller d'État depuis le 2 janvier, et en relations personnelles avec le ministre Stanhope. Comme George Pr devait faire avec Stanhope un voyage en Hanovre, Dubois décida d'aller l'attendre au passage en Hollande. Se donnant pour un malade en voyage et pour un amateur de livres et de tableaux, il arrive à La Haye en juillet 1716, se fait reconnaître de Châteauneuf, en l'abordant dans les écuries de l'ambassade, obtient des entrevues avec Stanhope, auquel il remet deux lettres, l'une pour le roi d'Angleterre et l'autre pour lui.

Stanhope demanda que le Prétendant quitte la France, avant tons pourparlers, et il représenta la difficulté de faire du traité d'Utrecht la base d'une alliance franco-anglaise, le roi George étant l'allié de l'Empereur, et l'Empereur n'ayant pas reconnu ce traité. Dubois réussit à faire tomber en partie ses préventions et celles de George, qu'il ne vit pas, mais qui fut mis au courant de la négociation. Comme l'abbé n'avait pas les pouvoirs nécessaires pour traiter, il alla les demander à Paris, et rejoignit le roi d'Angleterre à Hanovre.

Installé le 19 août dans la même maison que Stanhope, il négocia du matin au soir, en robe de chambre et en bonnet de nuit. Cette négociation était bien son œuvre personnelle ; car, auprès du Régent, les partisans de l'ancienne politique travaillaient contre lui. Heureusement pour Dubois, Stanhope avait des raisons d'être accommodant. Tandis que les Danois avaient enlevé à la Suède les territoires de Brème et de Verden, le tsar Pierre avait prêté secours à son neveu, le duc de Mecklembourg, pour réduire sa noblesse à l'obéissance, et en avait profité pour occuper le Mecklembourg. Réconcilié avec Charles XII, il avait, avec lui, projeté de renverser George In et de lui substituer le Prétendant. Du Mecklembourg, il menaçait le Hanovre et les duchés de Brême et de Verden. George craignit que le Régent ne s'alliât avec le tsar qui précisément essayait de s'entendre avec la France. Le roi d'Angleterre en vint donc à désirer l'alliance française aussi vivement que le Régent l'alliance anglaise.

Dubois, après avoir fait une belle défense, consentit le renvoi du Prétendant et la démolition des fortifications de Mardick ; de son côté, Stanhope consentit la garantie des traités d'Utrecht. Cet accord fut conclu le 10 octobre 1716. Dubois retourna à La Haye, gagna l'adhésion des Hollandais et signa avec eux et l'Angleterre une Triple-Alliance, le 4 janvier 1717. Il écrivit alors au Régent :

Vous voilà hors de page, et moi hors de mes frayeurs.... Je m'estime très heureux d'avoir été honoré de vos ordres dans une affaire si essentielle à votre bonheur, et je vous suis plus redevable de m'avoir donné cette marque de l'honneur de votre confiance, que si vous m'aviez fait cardinal.

La Triple Alliance fut mal accueillie en France. Le Régent qui avait accordé l'expulsion du Prétendant et la démolition de Mardick fut accusé de sacrifier à son intérêt personnel les intérêts de la Nation. On oubliait qu'à la fin de la guerre de la Succession d'Espagne, le salut était venu à la France d'une paix particulière avec l'Angleterre, dont la condition sine qua non avait été le sacrifice de Dunkerque. Or, les travaux faits à Mardick avaient pour objet de reprendre ce qui avait été donné. D'ailleurs, en donnant à la France, isolée au début de la Régence et menacée par l'entente anglo-espagnole, l'appui de l'Angleterre et de la Hollande, le Régent ne travaillait pas seulement pour lui. Il assurait le repos à son pays qui, après un règne tout rempli de guerres ruineuses, avait besoin de paix[2].

A peine le Régent avait-il conclu la Triple-Alliance que le tsar entreprit de lui montrer l'utilité d'une alliance russe, remplaçant pour la France l'ancienne alliance suédoise ; il se faisait fort d'entraîner à sa suite la Prusse et la Pologne. Il vint à Paris, en juin 1717, et son ministre, Kourakine, entra en pourparlers avec le président du Conseil des Affaires étrangères. Mais le Régent et Dubois, voyant les Russes et les Anglais en hostilité dans la Basse-Allemagne et sur la Baltique, pensèrent qu'une alliance russe était inconciliable avec la Triple-Alliance. Ils considérèrent que, celle-ci rompue, ils se retrouveraient isolés en présence de l'Angleterre et de l'Autriche, sans cesser d'avoir l'Espagne pour ennemie. Ils se contentèrent d'offrir leur médiation aux Russes et aux Suédois, pour amener une paix qui devait être signée à Nystadt en 1721.

 

III. — LA QUADRUPLE-ALLIANCE ET LES DEUX CONSPIRATIONS DE LA DUCHESSE DU MAINE ET DES BRETONS (1717-1720).

REVENU de la Haye à Paris, et entré au Conseil des Affaires  étrangères le 26 mars 1717, Dubois passa en Angleterre, au mois de septembre 1717, pour négocier une extension de la Triple-Alliance. Il s'agissait d'amener l'Empereur et le roi d'Espagne lui-même à la politique de la paix générale, toujours sur la base d'Utrecht.

A Londres, Dubois, reçu comme un ami de la nation, courut les bals, les chasses et les concerts, s'assit à des banquets de 800 couverts, eut des indigestions, la fièvre, la goutte, fut mis au traitement du lait et enfin tenu au lit. Remis sur pied, il renonça à gagner l'estime des hommes par sa vaillance à table ; il était médiocre mangeur et buveur. Il fit venir de Paris des étoffes et des modèles de robes et une grande poupée, pour montrer aux dames comment se portaient chez nous les robes, les coiffures et les manteaux ; il assortit les nuances des étoffes au teint de chacune, à l'air du visage et à la taille ; il discuta la longueur des queues de robe et l'article des doublures.

Pendant les conférences de Londres, l'Espagne commit de grandes imprudences. Elle aurait dû prévoir le rapprochement de la Triple-Alliance et de l'Empereur, et se rapprocher elle-même, au plus vite, de Charles VI, pour ne pas demeurer isolée ; elle aurait dû tout au moins ne rien faire qui fût une provocation à l'égard de l'Autriche. Albéroni le comprenait ; mais il fut obligé de servir la passion du Roi et de la Reine, obstinés dans leurs projets sur l'Italie. Au mois de mai 1717, le grand inquisiteur d'Espagne ayant été arrêté en Milanais comme sujet rebelle dé l'Empereur, qui continuait à porter le titre de roi d'Espagne, le gouvernement espagnol débarqua des troupes en Sardaigne et prit possession de l’île le 22 août 1717. L'Empereur n'avait pas de navires pour chasser les Espagnols ; mais, comme il négociait déjà avec George ter un accord sur les bases de celui de La Haye, il dénonça à la Triple-Alliance l'agression de l'Espagne. Stanhope et Dubois préparèrent un accommodement, qui serait réglé selon les termes d'une convention arrêtée en juillet 1718 : la couronne d'Espagne devait être garantie à Philippe V, et la succession de Toscane et de Parme au fils acné d'Élisabeth Farnèse ; Victor-Amédée de Savoie céderait la Sicile à l'Empereur et recevrait en échange la Sardaigne. Mais l'Espagne voulait Parme et la Toscane tout de suite, et refusait de restituer la Sardaigne. Elle occupa même la Sicile, en juillet 1718. Alors l'Empereur adhéra à la Triple-Alliance par le traité de Londres du 9 août 1718.

Il renonçait à la couronne d'Espagne à condition que Philippe V ne prétendrait rien sur les Pays-Bas ; il proposait d'échanger avec le duc de Savoie la Sardaigne contre la Sicile ; les fils d'Élisabeth Farnèse auraient la Toscane et Parme, dès que la succession en serait ouverte ; et, comme c'étaient des fiefs impériaux, l'Empereur leur en donnerait l'investiture. A quelques jours de là, le 11 août, l'amiral Byng, qui avait pour instructions de s'opposer à tout débarquement des Espagnols en Italie ou en Sicile, rencontrant une flotte espagnole en vue de Syracuse et du cap Passero, la détruisit. Au même moment, le Régent, mis au courant d'une conspiration tramée contre lui par la duchesse du Maine, de concert avec l'ambassadeur d'Espagne, se familiarisait avec l'idée de déclarer la guerre à l'Espagne. Dubois devint secrétaire d'État des Affaires étrangères par commission en septembre 1718.

Le duc du Maine, évincé par le Régent le 2 septembre 1715, et ramené le 28 août 1718 du rang de prince au rang de pair, était homme à tout subir. Mais la duchesse, Bénédicte, petite-fille du Grand Condé, se chargea de venger son mari. Toute petite, presque naine, charmante, elle avait désolé le duc par le mépris qu'elle faisait de lai, par ses dépenses, ses caprices et sa vanité. Elle tenait à Sceaux une cour de seigneurs oisifs qui rêvaient d'un rôle politique, de gens de lettres, de libellistes et de petits poètes qui chansonnaient tantôt le Régent, tantôt sa fille, Mme de Berry. Chef de la faction de l'ancienne Cour, la duchesse voulut lier partie avec Philippe V, qu'elle regardait comme l'héritier de Louis XIV ; elle fut l'inspiratrice du complot que l'on désigne par le nom de Cellamare.

Ce complot ressemble à un roman. Le jésuite Tournemine présente à la duchesse un aventurier de Liège, le baron de Walef, qui s'offre à faire pour elle un voyage d'Espagne. La duchesse le charge de s'informer des intentions de Philippe V, et elle lui remet cent louis d'or et une lettre de créance. Walef se rend auprès d'Albéroni, et lui soumet le plan d'un partage des royaumes de France, d'Espagne et de Sicile, pour le cas où Louis XV viendrait à mourir.

Mais la duchesse veut correspondre directement avec Albéroni. Pour cela, il faut recourir à l'ambassadeur d'Espagne, Cellamare. Elle se met en relations avec lui par le comte de Laval et par un certain marquis de Pompadour, homme sans ressources, en quête de moyens de fortune. Elle reçoit la visite de l'ambassadeur dans sa maison de l'Arsenal, et lui remet des mémoires où sont exposées les raisons qui devaient déterminer Philippe V à s'allier à la Franco contre l'Empereur et l'Angleterre. Cellamare se contente de faire connaître à Albéroni, le 25 mai 1718, l'entrevue de l'Arsenal. Mais quand la Quadruple-Alliance est conclue, en août 1718, Albéroni cherche à tirer parti des intrigues de France. Dans de nouvelles entrevues à l'Arsenal, on parle d'agiter l'opinion contre le Régent, de réclamer la convocation des États généraux, et d'établir une autre forme de Régence.

Un certain abbé Brigault conseille la duchesse dans sa correspondance avec Madrid. Il rédige des mémoires, et corrige les écrits qu'elle envoie en Espagne : une requête des Français au Roi Catholique, demandant la convocation des États généraux ; une lettre que Philippe V écrirait à Louis XV ; une circulaire qu'il adresserait aux Parlements de France ; un manifeste pour ordonner la convocation des États généraux. On espérait que Philippe V renverrait lettre, circulaire et manifeste avec sa signature.

Mais Philippe sentit bien qu'il ne pouvait prendre la Régence pour lui, ni même la faire passer au duc de Bourbon ou au prince de Conti, encore moins aux bâtards. Il s'arrêta à la combinaison de faire un Conseil de Régence où siégeraient les princes du sang, même les bâtards, avec un certain nombre de grands personnages.

Le bruit courut alors que le Régent allait être enlevé et que 6.000 faux-sauniers, assemblés dans le voisinage de Paris, étaient prêts pour un coup de main. Mais il n'y eut jamais de péril sérieux. Les hommes les plus hostiles au Régent, comme Villars et Tossé, n'étaient pas disposés à s'aventurer ; et, dans l'armée, seuls le lieutenant-général Saint-Geniez-Navailles et le comte d'Aydie s'engagèrent nettement avec l'Espagne.

A Londres, pendant son ambassade, Dubois avait été informé du complot, dès le mois de juillet 1718, par Stanhope. Il avertit le Régent. Un employé de la bibliothèque du Roi, Buvat, dont l'écriture avait été reconnue sur un mémoire envoyé par Cellamare à Londres, fut obligé, pour éviter un châtiment, de tenir le gouvernement au courant du travail de copiste que les conjurés lui confiaient.

Lorsqu'il fut devenu secrétaire d'État des Affaires étrangères, Dubois surveilla mieux que jamais Cellamare. Le 25 novembre, l'ambassadeur français en Espagne, Saint-Aignan, l'avertissait que Philippe V projetait de porter en France la guerre civile, qu'il devait emmener avec lui son fils le prince des Asturies, en laissant le gouvernement de l'Espagne à une junte. Alors, le 5 décembre 1718, Dubois fait arrêter, à Poitiers, l'abbé Porto-Carrero et le fils du marquis de Montéléon, qui portaient en Espagne les dépêches de Cellamare. Le 13 décembre, les papiers de l'ambassadeur sont saisis et lui gardé à vue ; l'abbé Brigault, puis le duc et la duchesse du Maine sont arrêtés.

Le duc du Maine fut mis en route pour Doullens, entre un lieutenant des gardes du corps et un brigadier des mousquetaires.

Le silence fut peu interrompu dans le carrosse, dit Saint-Simon. Par ci, par là, M. du Maine, disait qu'il était... très attaché au Roi, qu'il ne l'était pas moins à M. le duc d'Orléans... et qu'il était bien malheureux que son Altesse Royale donnât créance à ses ennemis... tout cela par hoquets, et parmi tom soupirs ; de temps en temps, des signes de croix et des marmottages, bas comme des prières, et des plongeons de sa part à chaque église ou à chaque croix par où ils passaient.

La duchesse avait reçu de très haut M. d'Ancenis, capitaine des gardes du corps. Elle fut conduite au château de Dijon, y demeura cinq mois, s'ennuyant à périr, fut transférée à Chalon-sur-Saône, ne s'y ennuya pas moins, et finit par faire des aveux et sa soumission pour recouvrer sa liberté.

On emprisonna à la Bastille, avec l'abbé Brigault, Pompadour, Laval, Malézieux, secrétaire des commandements de la duchesse, Mlle de Launay, une de ses filles d'honneur, le cardinal de Polignac, le marquis de Boisdavy et d'autres encore. Quand on eut obtenu de tous des aveux par écrit, on les mil en liberté. Ce n'étaient pas des gens à craindre, et tout ce complot n'était que ridicule. Mais l'Espagne en fut déconsidérée.

Dubois publia les papiers de la conspiration On s'indigna contre la déloyauté de l'ambassadeur Cellamare. Tout le Conseil de Régence prit parti pour la guerre contre l'Espagne, et Torcy lui-même approuva la politique du Régent, forcé à faire la guerre, pour se défendre, mais, en même temps, pour assurer la paix de l'Europe.

Après une inutile tentative de conciliation faite par la Quadruple-Alliance auprès de Philippe V, l'Angleterre, qui avait déjà ouvert les hostilités contre les Espagnols à Syracuse, leur déclara la guerre le 28 décembre 1718, et la France fit de même, le 9 janvier 1719. Philippe V publia des manifestes que condamnèrent les Parlements, et les hostilités s'ouvrirent.

Alberoni essaya une double diversion en organisant une expédition en Écosse, et en encourageant un soulèvement en Bretagne. Une flotte partit de Cadix, sous le commandement du comte d'Ormond, avec un corps de débarquement de 5.000 hommes, que le Prétendant, appelé d'Italie, devait rejoindre. Mais une tempête s'éleva dans le golfe de Biscaye le 7 mars ; les navires espagnols furent désemparés ou dispersés. Deux frégates seulement arrivèrent à destination le 16 avril.

Les Français, sous le commandement de Berwick, franchirent la Bidassoa, le 2i avril. Le 27, prenant le nom de Philippe de France, le roi d'Espagne lança une déclaration où il invitait l'armée d'invasion à se joindre à ses troupes. Les Parlements par des arrêts, et Louis XV par une lettre à Berwick lui répliquèrent. Les principales forces de l'Espagne se trouvant en Sicile, Berwick ne rencontra nulle part de résistance sérieuse. Il occupa le port du Passage, y brûla des navires, des arsenaux, des magasins ; il prit Fontarabie le 18 juin, Saint-Sébastien le 19 août. Pendant qu'il assiégeait cette dernière ville, un corps détaché de son armée alla, pour faire plaisir aux Anglais, brûler des navires espagnols à Santons. Le Guipuzcoa était conquis. Philippe V, qui était venu à Pampelune, avait maintes fois cherché à se rendre dans le camp de Berwick. Il croyait qu'un petit-fils de Louis XIV se présentant à des Français serait acclamé par eux.

Comme Berwick n'avait pas le matériel qu'il aurait fallu pour assiéger Pampelune, il revint en France, afin de passer en Catalogne. Il s'empara d'Urgel le 12 octobre et investit Rosas ; mais, ne recevant pas d'artillerie, il se retira en Roussillon pour prendre ses quartiers d'hiver, à portée de la Catalogne, où une insurrection contre l'Espagne était toujours possible.

La diversion de Bretagne ne réussit pas mieux que celle d'Écosse. Les États de Bretagne avaient refusé, en 1717, de voter le don gratuit. Ils reprochaient au gouverneur de Montesquiou de violer les essentiels privilèges de la province, le libre vote des impôts, et de rompre ainsi le contrat qui les liait à la France. Les États avaient été dissous et plusieurs gentilshommes et conseillers au Parlement exilés. En 1718, ils avaient consenti le don gratuit ; mais le Régent voulant rétablir une taxe sur les boissons, qu'il avait supprimée, la noblesse refusa obstinément de la voter. Bien quo le clergé et le tiers consentissent à l'accepter, la noblesse soutint que son refus faisait loi, que l'unanimité des ordres était requise pour le vote des impôts, et que la perception de la taxe serait illégale. Le Parlement de Rennes adressa des remontrances au Régent le 20 août. Mais c'était le moment où le jeune roi, en lit de justice, interdisait au Parlement de Paris l'usage des remontrances. La noblesse bretonne n'obtint qu'une dure réponse. Elle fit alors déposer une protestation au greffe du Parlement, et cette compagnie, le 7 septembre, interdit toute levée de deniers sans consentement des États. Le lendemain, soixante-trois gentilshommes furent exilés, et Montesquiou signifia aux États, de la part du Roi, que, si quelqu'un osait s'opposer à l'exécution des arrêts du Conseil, la punition ne se ferait pas attendre. Plusieurs membres de la noblesse furent arrêtés ; d'autres rédigèrent un acte d'association pour la défense des libertés de la province. Cette pièce fut colportée par Mmes de Kankoën et de Bonnamour, qui déclaraient infâme et dégradé de la noblesse tout gentilhomme qui refusait de la signer.

Au mois d'avril 1719, une conspiration s'organisa dans une assemblée tenue à l'abbaye de Lanvaux, à quatre lieues au nord d'Auray. M. de Lambilly proposa de demander l'appui de l'Espagne. Une seule voix se rangea à son avis ; il n'en prit pas moins sur lui d'envoyer à Philippe V, à la fin de mai 1719, un messager nommé Mélac-Hervieux, qui se donna comme député de la noblesse bretonne. Philippe promit des troupes aux Bretons et donna en juin 1719 30.000 livres à Mélac pour acheter des armes.

Les révoltés Bretons se préparèrent à la guerre contre le roi de France ; ils nommèrent les chefs de leur future armée : Coué de Salarum, commissaire général, Le Gouvello de Kerantré, maréchal de camp, de Lambilly, intendant et trésorier général. Les évêchés de Bretagne étaient des subdivisions militaires dont les chefs formaient une sorte de conseil de guerre. Devant ce conseil parut Mélac-Hervieux, arrivant d'Espagne avec des propositions de Philippe V qui furent acceptées. La Bretagne devait mettre sur pied 12.000 fantassins et 2.000 cavaliers, et l'Espagne fournir quatre bataillons, de l'argent et un général. Au lieu de faire tout de suite la guerre de partisans, où ils auraient eu chance de lutter sans trop grand désavantage, les chefs bretons, la plupart d'anciens officiers, voulurent pratiquer la guerre méthodique, et ils attendirent les troupes d'Espagne. Mais l'escadre espagnole fut bloquée par les Anglais, à La Corogne, et les transports immobilisés en septembre 1719.

De Santander, un Français avertit le Régent des mouvements espagnols ; de Nantes, le subdélégué Mellier, mis au courant par un traître, révéla la conspiration. Ce fut alors une débandade. Quelques seigneurs compromis s'embarquèrent à Lokmariaker et gagnèrent l'Espagne ; d'autres furent arrêtés et traduits devant une chambre royale, tribunal exceptionnel créé à Nantes pour les juger en octobre 1719. C'étaient MM. de Pontcallec, de Montlouis, Le Moyne de Talhouët et du Couëdic, pauvres gens dont la défense fut très faible, et qui ne surent expliquer ni la cause, ni le but de leur révolte. Ils furent condamnés à mort et exécutés devant le château le 26 mars 1720. Seize autres furent exécutés en effigie ; ils s'étaient réfugiés à Madrid et à Parme.

 

IV. — LE RAPPROCHEMENT DE LA FRANCE ET DE L'ESPAGNE (1722).

PAR tous ces événements, la politique espagnole était condamnée. Albéroni, quand il vit le territoire espagnol envahi et les complots de France déjoués, essaya de traiter avec l'Empereur et les Anglais ; mais les alliés s'étaient engagés à faire de sa disgrâce la première condition de la paix. Philippe V lui donna l'ordre de sortir du royaume en novembre 1719.

L'ambassadeur d'Espagne à La Haye, de Beretti-Landi, annonça le 18 février 1720 aux plénipotentiaires de l'Empereur, du roi de France et du roi d'Angleterre, l'adhésion de son maître à la Quadruple-Alliance. L'acte en fut passé à La Haye le 20 mai.

Dès lors les dispositions du Régent et de Dubois changèrent à l'égard de l'Espagne ; du rapprochement auquel ils l'avaient contrainte, ils tâchèrent de faire une alliance intime. L'ambassadeur de Philippe V à Paris, Patricio Laulès, continua quelque temps de lui représenter que la France ruinée par le Système, déchirée par les discordes religieuses, était mûre pour le démembrement ; mais, à Madrid, le marquis de Maulevrior et l'abbé de Mornay remirent les choses au point. Le 27 mars 1721, fut signé entre les rois de France et d'Espagne un traité d'alliance défensive, avec garantie réciproque de leurs possessions. L'Espagne recouvrait les places conquises par Berwick ; la France lui promettait d'appuyer ses prétentions sur la Toscane, Parme et Plaisance, et même de s'employer auprès des Anglais pour obtenir la restitution de Gibraltar. Les Anglais ne voulurent rien entendre sur Gibraltar, mais ils consentirent à procéder avec la France et l'Espagne à la formation d'une nouvelle Triple-Alliance, le 13 juin 1721.

Philippe V se ralliait à l'idée de l'alliance intime. Il proposa le double mariage de sa fille unique, l'infante Marie-Anne-Victoire, avec Louis XV, et de son fils acné, l'infant don Luis, avec Mlle de Montpensier, fille du Régent. Le Régent accueillit tout de suite cette proposition.

Un matin, raconte Saint-Simon, il annonça au Roi la grande nouvelle. Louis XV — il avait alors onze ans — pleura à l'idée de prendre pour femme une enfant de trois ans. Son précepteur Fleury eut beaucoup de peine à le faire consentir. Le Conseil de Régence se tint dans l'après-midi.

Assis tous en place, dit Saint-Simon, tous les yeux se portèrent sur le Roi qui avait les yeux rouges et gros, et avait l'air fort sérieux. Il y eut quelques moments de silence, pendant lesquels M. le duc d'Orléans passa les yeux sur toute la compagnie, qui paraissait en grande expectation ; puis les arrêtant sur le Roi, il lui demanda s'il trouvait bon qu'il fit part au Conseil de son mariage. Le Roi répondit un oui sec en assez basse note, mais qui fut entendu des quatre ou cinq plus proches de chaque côté, et aussitôt M. le duc d'Orléans déclara le mariage et la prochaine venue de l'Infante, ajoutant tout de suite la convenance et l'importance de l'alliance, et de resserrer par elle l'union si nécessaire des deux branches royales, si proches, après les fâcheuses conjonctures qui les avaient refroidies. Il fut court, mais nerveux, car il parlait à merveille...

Le jour même une dépêche partait pour Madrid annonçant le consentement du Roi[3].

Philippe V, au reçu de la nouvelle, fit chanter un Te Deum. Il écrivit à sa fille, l'enfant de trois ans :

Je ne veux pas que vous appreniez par un autre que par moi-même, ma très chère fille, que vous êtes reine de France. J'ai cru ne pouvoir mieux vous placer que dans votre même maison, et dans un si beau royaume. Je crois que vous en serez contente. Pour moi, je suis si transporté de joie de voir cette grande affaire conclue que je ne puis vous l'exprimer, vous aimant avec toute la tendresse que vous ne sauriez vous imaginer. Donnez à vos frères cette bonne nouvelle, et embrassez-les bien pour moi. Je vous embrasse aussi de tout mon cœur[4].

Les démarches officielles furent faites tout de suite. Le duc d'Ossone se rendit à Paris, et le duc de Saint-Simon en Espagne. L'échange de l'Infante et de Mlle de Montpensier eut lieu sur la Bidassoa. Il fallut arracher l'Infante des bras de la duchesse de Montellano, sa gouvernante. Arrivée à Paris, elle fut saluée avec l'habituelle solennité par les harangues des corps constitués.

Telle fut la politique de la Régence, où Dubois eut la plus grande part. Le principe en fut l'alliance anglaise. L'Angleterre en tira son profit ; le danger d'une restauration jacobite fut écarté par le dissentiment entre la France et l'Espagne. Aussi les adversaires de Dubois lui reprochèrent-ils d'avoir sacrifié l'Espagne à l'Angleterre. Sa politique, a dit Saint-Simon, montrait toute notre servitude pour l'Angleterre et notre aveuglement sur nos intérêts les plus évidents. Dubois ne mérite pas ces reproches. Des ambitions et des intérêts personnels menaçaient la paix de l'Europe ; le Prétendant voulait devenir roi d'Angleterre, le roi d'Espagne maintenir ses droits à la couronne de France, et l'Empereur supplanter le roi d'Espagne ; la reine d'Espagne avait des enfants à mettre sur des trônes ; un ministre, étranger au pays qu'il gouvernait, prétendait à un grand rôle sur le théâtre d'Europe. Par toutes ces causes, la guerre paraissait certaine. Dubois et le Régent se sont défendus contre Philippe V, Élisabeth Farnèse et Alberoni ; leur accord avec l'Angleterre, la Hollande et l'Empereur a tout de suite étouffé la guerre commencée. Aussitôt après que l'Espagne eut été réduite à merci, ils se réconcilièrent avec elle, resserrèrent l'alliance par de nouveaux liens très étroits entre Bourbons de France et Bourbons d'Espagne ; même ils préparèrent l'établissement de la maison de France-Espagne en Italie, tout en gardant l'alliance anglaise, qui devait durer jusqu'en va, et maintenir, sauf pendant une courte guerre, de 1733 à 1735, la paix de l'Europe, si bienfaisante à la France. Il ne semble pas qu'il y eût mieux à faire que ce qui fut fait. Dubois fut un très habile ministre des Affaires étrangères, dans cette période, d'ailleurs médiocrement intéressante, de la politique européenne.

 

V. — LA POLITIQUE MOLINISTE DE DUBOIS (1720-1721).

CE fut aussi Dubois qui dirigea la politique ecclésiastique de la Régence. Il avait ses raisons pour s'y intéresser, espérant par là gagner la dignité de cardinal qui achèverait et consoliderait sa fortune. Lord Stairs devina son ambition, et en avisa Stanhope. Le ministre anglais soumit le cas au cabinet de Vienne, et bientôt, entre l'Autriche et l'Angleterre, il y eut partie liée pour assurer le chapeau au négociateur de la Quadruple-Alliance. Stairs mit alors Dubois au courant, et demanda au Régent d'intervenir à Rome. Mais le Régent refusa, ne voulant pas, dit-il, que son secrétaire d'Etat devint moins dépendant envers lui.

Dubois pensa que les Jésuites pouvaient lui venir en aide, et fit savoir à Rome, par son envoyé, le P. Lafitteau, qu'il était en mesure de mettre le Régent en bon accord avec les Jésuites et le Saint-Siège. A Rome, pour lui tendre un piège et le déconsidérer s'il acceptait, on se déclara prêt à lui donner le chapeau que l'on enlèverait à Noailles, l'archevêque janséniste de Paris. Mais il répondit qu'on ne pouvait ôter à l'archevêque la dignité que le prélat devait à la nomination du Roi.

L'Angleterre fit un nouvel effort. Le 21 octobre 1719, le roi George demanda personnellement au Régent d'appuyer Dubois à Rome, et, le 29 novembre, le Régent décida enfin d'écrire à Clément XI. Mais le Pape ne se laissa pas convaincre ; et l'affaire paraissait très compromise quand l'ambassadeur impérial à Londres, Pentenriedler, fut transféré à Paris. A peine installé dans son nouveau poste, il prétendit reprendre en sous-œuvre l'affaire du chapeau, et, à la nouvelle que le cardinal de La Trémoille, archevêque de Cambrai, venait de mourir à Rome, il alla trouver le Régent et lui demanda pour Dubois le siège de Cambrai. Comme le Régent ne faisait pas d'objections, il écrivit à Stanhope ; le roi d'Angleterre écrivit au Régent, fit valoir une fois de plus les importants services de Dubois. Le 4 février 1720, Dubois fut nommé archevêque de Cambrai.

Il portait le petit collet, et on l'appelait l'abbé parce qu'il possédait des abbayes ; mais il n'avait pas reçu les ordres. Il fallut qu'il se fit administrer coup sur coup le sous-diaconat, le diaconat et la prêtrise. Un de ses neveux, chanoine de Saint-Honoré, lui apprit à dire la messe, qu'il dit le jour de son sacre pour la première fois. Le sacre, célébré le 9 juin 1720, dans l'église du Val-de-Grâce, fut magnifique. Le Régent s'y trouva avec toute la France. Le prélat consécrateur fut le cardinal de Rohan ; ses assistants furent l'évêque de Nantes, de Tressan, et Massillon, évêque de Clermont. On a reproché à Massillon la complaisance dont il fit preuve à l'égard de Dubois ; mais Saint-Simon explique qu'un homme aussi mince ne pouvait moins faire qu'un prélat de grande maison, comme Rohan. Après la cérémonie, un repas superbe fut servi au Palais-Royal. Dubois s'assit au milieu de la table d'honneur, en face du maréchal de Villeroy, ayant autour de lui les cardinaux de Rohan, de Bissy et de Gesvres, le nonce du Pape, un envoyé de l'Empereur, les maréchaux de Berwick, d'Estrées et de Tallard, et nombre de prélats, d'abbés et de gentilshommes. Massillon s'était déshonoré en noble compagnie.

Le nouvel archevêque, pensant toujours au chapeau, essaya de réconcilier les Jansénistes et les Molinistes. Il détermina les chefs du parti de la Constitution, les cardinaux de Rohan et de Bissy, à négocier avec le cardinal de Noailles, toujours considéré comme chef des opposants, et à formuler avec lui un corps de doctrine acceptable pour les Jansénistes et les Constitutionnaires. Le texte en fut arrêté avec le concours du P. Latour, général de l'Oratoire, et d'un évêque de Bayonne, du nom de Dreurilet, connu pour l'influence qu'il avait sur Noailles ; il était assez vague pour que chacun y trouvât l'expression de ses sentiments. A force de caresses, on gagna à la cause de l'accommodement le plus zélé des Constitutionnaires, Languet de Gergy, évêque de Soissons. On y gagna les Jésuites ; la plupart des évêques suivirent. Noailles avait donné, par écrit, son approbation ; il écrivit un mandement d'adhésion à la Bulle Unigenitus, mais refusa de le publier avant que fût enregistrée une Déclaration du Roi sur l'accommodement.

La Déclaration parut le 4 août. Elle apprit au public que des explications avaient été échangées entre cardinaux, archevêques et évêques, dans un esprit de concorde et de charité. Elle ordonna d'accepter la Bulle, défendit de rien écrire, soutenir ou débiter contre elle, même d'en appeler au futur concile. Le Parlement de Paris étant en exil à Pontoise, comme on a vu, depuis le 20 juillet, elle fut envoyée au Parlement de Flandre qui l'enregistra. Mais Noailles ne se contenta pas d'un enregistrement de cour provinciale, et la Déclaration fut portée à Pontoise. Elle y rencontra de telles résistances que le gouvernement dut la retirer. Dubois la présenta au Grand Conseil, qui la repoussa. Le Régent se rendit alors au Grand Conseil, le 23 septembre, avec tous les princes du sang, dit Barbier, des maréchaux de France et des ducs et pairs, trente-cinq personnes qu'il comptait faire voter. Comme il ne trouva en séance que dix-huit conseillers ou présidents, on ne put lui résister. On lui fit, pour la forme, des objections ; il y répondit savamment ; et la Déclaration fut enregistrée, à la pluralité des voix. Noailles s'entêta ; il n'y avait pour lui d'enregistrement valable qu'au Parlement de Paris. Il était d'ailleurs assailli de scrupules et regrettait les engagements qu'il avait pris. La Déclaration revint donc devant le Parlement qui, vigoureusement travaillé par les Jansénistes, la rejeta comme devant amener la ruine de l'église gallicane ; mais, sur la menace d'être exilés à Blois, et de voir leur ressort diminué par la création de deux cours rivales, à Tours et à Poitiers, les magistrats enregistrèrent enfin, le 4 décembre 1720.

Noailles publia alors son mandement ; mais aussitôt les Jansénistes le traitèrent de renégat. Les passions s'enflammèrent ; des listes d'appelants au futur concile circulèrent ; dans l'une d'elles on lisait : Le Roi est maître de nos biens et de nos personnes ; il ne l'est pas de nos consciences.

Les appelants paraissant de nouveau persécutés, le gros public se déclara pour eux. On raconte qu'une servante, rencontrant un prêtre constitutionnaire qui portait le viatique à un malade, s'agenouilla et s'écria : Ô mon Dieu ! je vous adore, quoique vous soyez entre les mains d'un hérétique ! Les Jansénistes n'étaient pas moins exaltés en province qu'à Paris, comme l'atteste ce dialogue entre un chanoine de Marseille, au temps où la peste ravage la ville[5], et une supérieure de couvent suspectée de jansénisme : C'est à vous, dit le chanoine, que M. l'Évêque attribue les fléaux qui affligent son diocèse ; l'abbesse réplique : Ainsi les païens accusaient autrefois les chrétiens de tous les maux de l'Empire, parce qu'ils n'adoraient pas leurs idoles.

Mais Dubois, ayant accordé les chefs des deux partis, devenait très fort contre les opposants. Il fit condamner, par arrêt du Conseil, l'appel qu'en 1717 les évêques de Mirepoix, Seriez, Montpellier et Boulogne, avaient interjeté de la Bulle au futur concile, et que la Sorbonne avait approuvé ; il annula les actes d'appel des chapitres, et rendit les supérieurs des communautés responsables des résistances de leurs inférieurs. Il surveilla lui-même de près les Bénédictins et les Pères de l'Oratoire ; il distribua des lettres de cachet, provoqua des mécontentements et des colères, mais parvint à rétablir la paix pour un moment. Et il se crut en droit de compter sur la reconnaissance de la Cour de Rome.

Rome refusa pourtant le chapeau tout le temps que vécut Clément XI. Quand le pape mourut en 1721, Dubois se démena pour obtenir l'élection d'un pontife plus docile. Par l'entremise de Lafitteau, il négocia avec les cardinaux Gualterio et Albani ; il envoya 30.000 écus au cardinal de Rohan, pour se créer des partisans, fit partir pour le conclave les cardinaux français de Bissy, de Polignac et de Mailly, enfin envoya un homme de confiance, l'abbé de Tencin, chez le cardinal Conti, qui était un des papables, pour lui promettre l'appui des Français sous la condition qu'il donnerait la pourpre à Dubois. Conti promit et signa sa promesse. Une fois pape, sous le nom d'Innocent XIII, il tarda à s'exécuter. Dubois faisait l'indifférent ; il écrivait à Tencin : Il n'y a point de coiffure qui me paraisse aujourd'hui plus extravagante qu'un chapeau de Cardinal.... Mais il ajoutait : La rage et la noirceur de ceux qui nous traversent me mettent en fureur. Cependant il envoya encore 100.000 livres pour la famille du Pape, famille pauvre, dit Tencin, glorieuse et affamée.

Enfin Dubois est fait Cardinal, et, le 25 juin 1721, le duc d'Orléans le présente au Roi comme le prélat auquel Sa Majesté doit la tranquillité de son État et de l'Église de France.

De cette promotion, comme du sacre, comme de toutes les choses qui se passaient à cette étrange époque, Paris s'amusait. On chantait :

Que chacun se réjouisse !

Admirons Sa Sainteté

Qui transforme en écrevisse

Ce vilain crapaud crotté.

Après un si beau miracle

Son Infaillibilité

Ne doit plus trouver d'obstacle

Dans aucune Faculté.

 

VI. — LA FIN DE DUBOIS ET DU DUC D'ORLÉANS (1723).

DUBOIS, sans s'émouvoir, poursuivit son chemin. Cardinal comme l'avaient été Richelieu et Mazarin, il voulut devenir, comme eux, premier ministre, c'est-à-dire placer les ministres et secrétaires d'État, ses collègues, sous son autorité, donner une orientation uniforme à l'administration, faire converger, comme il disait, toutes les parties du Gouvernement vers un point fixe. Il crut utile d'entrer d'abord au Conseil de Régence, qui subsistait toujours dans sa forme première. Mais, pour ne soulever aucun débat qui lui fût personnel au sujet du rang qu'il prétendait y tenir, il commença par y introduire le cardinal de Rohan. Rohan réclama la préséance sur les ducs et pairs et sur les maréchaux ; ceux-ci se retirèrent, et le chancelier d'Aguesseau les suivit. Comme le Conseil ne comprenait plus que des princes, à qui les cardinaux ne disputaient pas le rang, Dubois y entra.

L'ambition qu'il avait d'être premier ministre fut secondée par le Régent. L'époque de la majorité du Roi approchait, et le Régent ne pensait pouvoir conserver son autorité une fois le Roi majeur, que par l'intermédiaire d'un homme à lui. Peut-être craignait-il de heurter l'opinion, en restaurant pour lui-même les fonctions de premier ministre. Dubois lui remit un mémoire où il exposait que, s'il était nécessaire de laisser à chacun des secrétaires d'État leurs attributions particulières, il ne l'était pas moins de concerter avec eux journellement les résolutions de son Altesse Royale et d'éviter les inconvénients d'un gouvernement partagé. Le 22 août 1722, des lettres patentes firent Dubois premier ministre. Le Régent conservait la présidence du Conseil de Régence ; il devait présider aussi les Conseils des dépêches et des finances, rétablis sous la forme où ils étaient avant la Régence ; il conservait la signature des états et ordonnances de fonds.

Quand le Roi devint majeur le 16 février 1723, le duc d'Orléans lui remit ses pouvoirs ; Dubois fut confirmé dans les siens, et, en sa faveur, Louis XV érigea de nouveau en charge le secrétariat d'État des Affaires étrangères. Le Conseil de Régence disparut, et à sa place fut rétabli l'ancien Conseil d'en haut, où siégèrent le Roi, les ducs d'Orléans et de Chartres, le duc de Bourbon, Dubois et le précepteur du Roi, Fleury.

Dubois eut encore l'honneur d'entrer à l'Académie. Le jour où il y fut reçu, l'évêque de Soissons, Languet, lui dit en parlant de la Compagnie : Formée sous les auspices du Cardinal Premier Ministre, elle en voit avec plaisir reparaître l'image, et elle se flatte de voir bientôt, dans la même dignité, les mêmes prodiges. Elle se flatte de trouver en vous un second Richelieu. Enfin il présida l'assemblée du Clergé de France, qui en fut si fière, qu'elle vota 8 millions de Don gratuit.

C'est en cette pleine gloire que la mort s'annonça. On sut dans la Ville que le médecin La Peyronie appelé auprès du cardinal malade, avait diagnostiqué un abcès dans la vessie. On chanta des couplets grossiers :

Monsieur de La Peyronie,

Visitant le Cardinal,

Dit : C'est à la vessie

Que Son Éminence a mal !

Dubois mourut le 10 août 1723, âgé de soixante six ans. Le duc d'Orléans fut déclaré Premier Ministre ; mais il était devenu de plus en plus indifférent à toutes choses ; les plaisirs l'avaient usé. Le 2 décembre, il mourut d'apoplexie.

 

 

 



[1] SOURCES. Saint-Simon (t. XIII, XIV, XV, XVII, XVIII et XIX), Buvat, Villars (t. IV), Moufle d’Angerville, déjà cités.

Recueil historique d'actes, négociations, mémoires et traitez depuis la paix d'Utrecht jusqu'au second congrès de Cambray inclusivement, par M. Roussel. 21 vol., La Haye. 1728-1755, t. I et II. Lamberty (de), Mémoires pour servir à l'histoire du XVIIIe siècle, contenant les négociations, traités, résolutions, et autres documents authentiques concernant les affaires d'Etat, 2e éd., Amsterdam, 1715-1740, 14 vol., t. IX, X, XI. Mémoires secrets et correspondance inédite du cardinal Dubois, premier ministre sous la régence du duc d'Orléans, recueillis, mis en ordre et segmentés d'un précis de la paix d'Utrecht, par L. de Sevelinges, Paris, 1814, 2 vol. Alberoni (J.-M.), Lettres intimes adressées au comte J. Rotes, publiées d'après le manuscrit du Collège de Saint-Lazare-Albéroni, par Emile Bourgeois, Paris, 1893. Memoires of the life and administration of sir Robert Walpole, 1798, 3 vol., t. I. Argenson (Mlle d'), Journal et Mémoires (1697-1757). p. p. E.-J.-B. Rathery. Paris, 1859-1867, 9 vol., t. I et III. Staal de Launay (Mme de), Mémoires, coll. Petitot, t. LXXVII. Berwick (maréchal de), Mémoires, coll. Petitot, t. LXVI. Chansonnier historique du XVIIIe siècle (Recueil Clairambault-Maurepas) p. p. E. Raunié, Paris, 1879-1884, 10 vol. La Régence, Paris, 1789-1880, 4 vol.

OUVRAGES A CONSULTER : Lemontey, Lacretelle, .lobez, Michelet, Wiesener. Baudrillard (Alf.), Aubertin, Rocquain, Perey (Le président Hénaut) déjà cités.

E. Bourgeois, Manuel historique de politique étrangère, t. I, Paris, 1898. Flassan (de), Histoire générale et raisonnée de la diplomatie française, Paris et Strasbourg, 1811, 2e édit., 7 vol. Le droit public de l'Europe fondé sur les traités conclus jusqu'en l'année 1740, s. l., 1746, 2 vol. (Mably). Coxe, L'Espagne sous les rois de la maison de Bourbon depuis Philippe V jusqu'a la mort de Charles III (1700-1788), trad. Muriel, Paris, 1827, 6 vol. t. I à III. Seilhac (de), L'Abbé Dubois, premier ministre de Louis XV, Paris, 1862. Bliard (le Père P.), Dubois cardinal et premier ministre (1656-1723), Paris, t. I, 1901. Chéruel, Saint-Simon et l'abbé Dubois (Revue historique, t. I, 1876). Lord Mahon (Stanhope), History of England from the peace of Utrecht to the peace of Versailles (1713-1783), 7 vol., 1836-1853, t. I et II. Lecky, History of England in the eighteenth centary, 1878-1890, 8 vol. Weber, Die Quadrupel-Allians vom Jahre 1718, Vienne, 1887. Legrelle, La diplomatie française et la succession d'Espagne (1659-1725), Paris, 1888-1892, 4 vol., t. III et IV. Campardon, Préface du Journal de Buvat. Carné (de), Les Etats de Bretagne et l'administration de cette province jusqu'en 1789, Paris, 1868 et 1875, 2e éd., vol. in-8°, t. II. La Borderie (de), La conspiration de Pontcallec (Revue de Bretagne et de Vendée, t. III, janvier 1858). Boutry (M.), Une créature du cardinal Dubois, Intrigues et missions du cardinal de Tencin, d'après les Archives du ministère des Affaires étrangères, 1902. Funck-Brentano (Frantz), Légendes et archives de la Bastille (Mlle de Launay), Paris, 1896. Rambaud, La visite de Pierre le Grand à Paris (Revue politique et littéraire, t. LII, 1893, 2e sem.). Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France (Russie), t. VIII-IX. Introduction, Paris, 1890. Wassileff (Mathieu), Russisch-franzœsische Politik, 1689-1717, t. III. D'Haussonville, La visite du Tsar Pierre-le Grand, 1717 (Revue des Deux Mondes, 15 octobre 1896.) Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, t. X (Louis XV et le maréchal de Noailles).

[2] D'après Saint-Simon et D'Argenson, Dubois se serait vendu aux Anglais. Or, ni les documents britanniques, ni la correspondance de Dubois ne permettent de le supposer. L'Angleterre n'avait d'ailleurs pas besoin d'acheter un homme qui recherchait son alliance avec ardeur. Il est intéressant de constater que Dubois, au contraire, essaya d'acheter Stanhope. Il a versé de l'argent en Angleterre et en Hollande.

[3] Le Régent attendit de dix à douze jours avant de déclarer le mariage de sa fille avec le prince des Asturies, sentant bien quelles jalousies il allait soulever contre sa personne et sa maison.

[4] Les fils de Philippe V étaient au nombre de quatre. Les deux alliés, don Luis et don Ferdinand étaient nés de la feue Reine Marie-Louise, et avaient, le premier dix ans, le second neuf ans ; les deux autres, fils d'Elisabeth Farnèse, étaient don Carlos et don Philippe, le premier âgé de cinq ans, le second d'un an.

[5] Un navire de commerce, venant de Saïda, avait abordé à Marseille le 15 mai 1720, et y avait apporté la peste. Une mortalité effroyable avait sévi ; les gens aisés s'enfuyaient, les autres étaient menacés de famine. La peste atteignit les villes voisines, Arles et Toulon. Le Gévaudan fut contaminé, le Dauphiné menacé. L'évêque Belzunce, prélat constitutionnaire, attribuait la peste à la colère divine, encourue par l'existence du Jansénisme à Marseille.