HISTOIRE DE FRANCE

 

LIVRE VI. — LE MOUVEMENT DES ESPRITS DANS LES SCIENCES, LA LITTÉRATURE ET LES ARTS.

CHAPITRE II. — LA FIN DU « GRAND GOÛT ».

 

 

I. — LA LITTÉRATURE.

LA littérature[1] n'est pas stérile, il s'en faut, depuis la retraite de Racine du théâtre (1677) jusqu'à la mort de Fénelon (1715). Le public liseur devient plus nombreux. Les gazettes littéraires se multiplient pour répondre par leurs informations ou leurs extraits à une curiosité plus répandue. Mais comme il arrive toujours après les époques très brillantes où les esprits créateurs ont abondé, les écrivains ont beau s'agiter vers le mieux : ils restent sous la domination des maîtres de la veille.

La forme ne se rajeunit pas. La prose, malgré l'effort de La Bruyère pour rendre la pensée plus pénétrante, soit par le vocable rare, soit par le tour piquant, ne parvient pas à se déshabituer de la majesté lourde du xvii6 siècle. Il n'est pas jusqu'à Fontenelle, jusqu'à Le Sage, qui n'aient une tenue de style, où leurs idées, irrespectueuses, semblent parfois plus ironiques qu'elles ne le veulent.

Dans la langue aussi, le purisme demeure. Comme Vaugelas, comme le P. Bouhours, l'Académie française, devenue l'oracle officiel en fait de langue, estime que le style écrit doit rejeter toute expression qui n'est pas non seulement tout à fait décente, mais élégante et noble ; tous les néologismes qui oseraient se produire dans l'avenir sans l'aveu des gens de bon ton ; tous les mots désuets, qui sont comme s'ils n'avaient jamais été ; tous les termes techniques, que le commun du monde ne comprend point, ou, du moins, que les honnêtes gens, bien nés ou bien élevés, ne sont pas exposés à entendre. Le Dictionnaire, dont l'Académie fait paraître en 1694 la première édition, consacre ces exclusions dédaigneuses ; la grande majorité des écrivains les acceptent. Vainement La Bruyère, ici encore, exprimait avec insistance son regret des richesses colorées du XVIe siècle. Vainement Furetière, Bayle, La Motte, Fénelon, Fontenelle et l'abbé de Saint-Pierre réclament pour des idées nouvelles, pour des faits nouveaux, de nouveaux mots. Les grammairiens conservateurs, estimant que la langue était fixée comme Richelieu l'avait voulu, ne travaillaient qu'à monter la garde autour du vocabulaire et à hérisser la syntaxe.

De même que Vaugelas et Balzac dans la prose, Malherbe continue de régner dans les vers. La poésie reste figée dans la noblesse décente ou la grâce élégante avec Chaulieu, La Fare, La Faye, Mme Deshoulières. J.-B. Rousseau observe consciencieusement, dans l'ode, les règles du désordre prémédité et du décor mythologique. Quand la philosophie de Descartes se fait ressentir à la poésie, c'est, comme le disait le vieux Boileau, désolé, pour lui couper la gorge. On le voit de reste avec Antoine Houdar de la Motte, poète philosophe : il ne découvre d'autre moyen de sauver la poésie que d'y substituer, d'abord la prose au vers, puis le raisonnement à l'imagination, la science au sentiment. Il se consacre, avec un terrible zèle, à cette poésie prédicante et didactique qui hantera le XVIIIe siècle jusqu'à André Chénier[2].

La Tragédie vit sur son passé[3]. Intrigue et caractères, paroles et gestes, restent servilement conformes aux recettes de l'abbé d'Aubignac et aux tragédies-types de Racine. En 1708, le rude Crébillon qui exploite la terreur et cultive l'horrible, fait Électre amoureuse.

La Comédie, qui redevient plus gaie, et même bouffonne avec Regnard (Folies amoureuses, 1704, Légataire universel, 1708), redevient plus originale avec Dancourt. Cet acteur-auteur, dans de petites pièces sans prétention, s'attache uniquement à l'actualité de la vie parisienne, mais il met, dans ces croquis, autre chose que de l'esprit gamin : il y note, d'une vue exacte, le détail documentaire, le trait révélateur des transformations intimes de La société contemporaine : le mélange, intéressé des deux parts, de l'aristocratie et des petits bourgeois. C'est ce que fait aussi, plus complètement, Le Sage. Son Turcaret, caricatural, est solide parce qu'il est bien le parvenu de cette date, l'homme de rien à qui il a suffi d'être fort en chiffres pour se pousser à un de ces emplois de finance qui, s'ils n'ont pas encore la vertu de décrasser ceux qui les occupent, font d'eux de grands et indispensables personnages. Et les valets de Le Sage, — Frontin, Crispin, — valets las d'être valets et autrement ambitieux et fiers que le Scapin de Molière, représentent bien, eux aussi, la poussée d'en bas. L'opposition des financiers à Turcaret, comme jadis celle des dévots à Tartufe, attesta la portée sociale de la pièce.

La fécondité que le Roman[4] avait eue au XVIIe siècle s'accroît encore. L'avidité des lecteurs est grande. Ses fournisseurs — des femmes, pour la plupart, — imitent moins, et pour cause, Mme de La Fayette et son délicat et dramatique chef-d'œuvre de psychologie mondaine, qu'ils n'imitent La Calprenède et Mlle de Scudéry. Seulement ils n'ont pas autant d'haleine, et leurs récits historico-romanesques se rapetissent aux dimensions de la Nouvelle.

Mais la pensée philosophique commence à se glisser ici. Fénelon ose l'introduire dans ce Télémaque si curieux, écrit pour le public autant que pour le Dauphin, et où Calypso, Eucharis, Vénus, Astarbé, Antiope servirent de passeport aux théories du prélat réformateur sur le gouvernement et l'économie politique, à ses critiques de patriote chrétien contre la guerre, le luxe et l'orgueil tyrannique de la monarchie absolue. Par cet évêque novateur une variété nouvelle de roman est créée ou ressuscitée, que le XVIIIe siècle allait tout de suite exploiter avec Ramsay et Terrasson, en attendant Voltaire.

Dans le roman, l'œuvre la meilleure est encore de Le Sage. Cet obscur homme de lettres conservait à Paris la précieuse faculté provinciale d'étonnement et d'observation naïve. Le Gil Blas qu'il suit longuement à travers mille aventures romanesques ou réalistes, c'est, sous le masque espagnol, le même héros que ceux de Turcaret : c'est le plébéien fruste, ou retors, ou insolent, s'élançant avec beaucoup d'appétits et peu de scrupules, à Fessant de toutes les bonnes fortunes.

Toutefois, dans ces divers genres de littérature, se sent l'indécision d'un art qui, d'une part, ne se soucie pas seulement de la beauté, d'autre part est gêné par l'esthétique trop noble du siècle de calme perfection d'où l'on sort. Les genres où le fond est l'essentiel, l'Éloquence, la Morale, plus à leur aise, sont plus intéressants.

L'Éloquence — l'éloquence de la chaire[5], car celle du barreau continue de végéter, — eut très tôt, dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, le sentiment des transformations auxquelles l'obligeaient à la fois sa mission et son succès. Bossuet prêchait encore, Bourdaloue était en pleine gloire, que, déjà (1680-1693), l'on cherchait à faire autrement qu'eux, et mieux. Ce fut seulement l'idéal de Mme de Sévigné, de Saint-Évremond et de Nicole que Bourdaloue réalisa, par cette dialectique pressante, qui ne permettait à ses auditeurs de respirer que quand il lui plaisait de finir, par cette justesse de raisonnements, et surtout par cette anatomie du cœur humain, qui contentait délicieusement leur intelligence déductive et leur plaisir de pénétration. A la génération suivante, le goût changea. Fénelon, animé d'un perpétuel et universel souci de faire marcher l'Église du même pas que la société, se préoccupe d'adapter la prédication aux besoins nouveaux. Dans ses Dialogues sur l'Éloquence, il proteste contre les divisions, dont les barrages géométriques endiguent la pensée et l'émotion. Que l'orateur chrétien se fasse affectueux, sensible, limpide et populaire. Que, pour cela, il n'y ait plus, s'il le faut, que des discours improvisés, que des homélies. Les critiques et les souhaits de La Bruyère, dans son chapitre de la Chaire, vont au même but : quand viendra cet homme apostolique qui, avec un style nourri des Saintes Écritures, explique au peuple la parole divine uniment et familièrement, simplement, fortement, chrétiennement ?

De là, dans la chaire, à la fin du règne de Louis XIV, des vogues inattendues, en ce temps où l'apparat règne encore : vers 1692, on s'engoue du P. Séraphin ou du P. Honoré de Cannes, qui prêchent en missionnaires, à la capucine. De là aussi le succès du P. Maure et du P. Massillon (1699-1700). Non pas pourtant qu'ils apportent la simplicité nue demandée ; mais ils offraient du moins aux adversaires de la grande éloquence, l'onction, le pathétique. Et de même quant au fond. Les chrétiens perspicaces réclamaient une solide explication du christianisme, depuis les premiers éléments jusqu'aux plus hauts mystères. Elle n'est point réalisée, sans doute, par Massillon. Mais, du moins, il contente les philosophes par une complaisance visible à traiter les questions utiles, les questions sociales, en même temps qu'il tend à les résoudre dans un esprit évangélique qui s'accorde avec leurs aspirations libérales :

Ce n'est pas le souverain, c'est la loi, Sire, qui doit régner sur les peuples ; vous n'en êtes que le premier ministre. Ce sont les peuples qui, par ordre de Dieu, ont fait les souverains tout ce qu'ils sont....

Tous les biens appartenaient originairement à tous les hommes : la simple nature ne connaissait ni propriété ni partage. Les misérables n'ont pas moins de droit que les autres aux biens et aux plaisirs de la terre

Le même esprit rend la littérature moraliste[6] très sensiblement différente de ce qu'elle était quarante ans plus tôt. Au temps des précieux, elle était l'amusement d'une élite raffinée à qui elle présentait d'elle-même un portrait piquent, mais coquet, ou dont elle formulait en maximes dédaigneuses l'expérience sentimentale et politique. Elle devient, avec La Bruyère et ses imitateurs, l'honnête besogne de philosophes chrétiens, ambitieux de faire œuvre utile, de susciter chez leurs lecteurs un mouvement de conscience, au besoin même un mouvement de révolte.

Les Caractères ne sont pas seulement un livre de description, et aussi de confidences, où s'expriment les sentiments divers qui se rencontrent, et parfois se combattent, dans l'esprit d'un homme né chrétien et Français, témoin de la décadence du grand règne : les Caractères sont encore un livre d'action et un livre en avance. Écrits de 1685 à 1694, par un domestique de la maison de Condé et par un homme qui eût pu connaître le cardinal de Retz, ils ont quelquefois un air des Lettres persanes ou des Maximes de Chamfort, ou même des dissertations de Mably. Sur tous les sujets, à des idées très conservatrices ou rétrogrades se mêlent des idées d'avenir. La Bruyère est catholique docile, étroit même, jusqu'à approuver explicitement la persécution des Protestants, mais cela ne l'empêche pas de discréditer avec insistance cette dévotion dont l'intérêt et la mode font presque toujours, d'après lui, la meilleure part, et qui blanchit de tons les crimes. Monarchiste ardent, il se plan à détailler avec amour les mérites du Souverain et de son gouvernement, et néanmoins il mène la campagne la plus vive contre les grands, les magistrats, les financiers, — tous les soutiens du trône. — Partout il inculque l'idée qu'une société où les biens de fortune, c'est-à-dire de hasard, ont une si exclusive importance, où le mérite personnel n'est rien, où règne une telle inégalité, ouvrage exécrable des hommes, effet odieux de la loi des plus forts, est une société mal faite. Il ne se contenté pas de juger d'un mot sec les prétentions de ces détenteurs fortuits de la grandeur — nous sortons tous du frère et de la sœur ; ces hommes si grands... tout en méprisant le peuple, ils sont peuple — : il les attaque moins en observateur qu'en ennemi ; il flétrit, avec une surabondance de sévérité, presque de colère, leur bassesse égale à celle des conditions les plus ravalées, leur malfaisance féroce, leur nullité dans l'État et, dans leurs propres affaires. Par contre, il glorifie ces paysans qui labourent, sèment, récoltent, et qui risquent de manquer de ce pain qu'ils nous procurent ; il salue, avec un accent tout nouveau, ce peuple dont il veut être, et cela, non par humilité de chrétien, mais par orgueil de philosophe, parce que là, dans cette masse méprisée, lui parait, être le cœur, l'âme, l'intelligence jeune et la force utile de la nation. — Très neuf par le fond, La Bruyère innove aussi par la composition. Il se borne, délibérément, à constituer un recueil de faits observés, sans nul souci de les réduire en système, et où sous le style on sent la note prise. Avec lui la littérature moraliste devient à la fois militante et documentaire.

Quelques-unes de ces inquiétudes des penseurs, toutes ces aspirations des lettrés se traduisent alors dans la querelle des Anciens et des Modernes[7] le grand fait littéraire de la fin du règne.

Elle était née en 1670 de cette prétention, élevée à la fois par les dévots et par certains poètes de second ordre, de chasser le paganisme de la littérature et de substituer au merveilleux païen le surnaturel chrétien : — prétention combattue par les plus grands auteurs du temps, Racine et Boileau en tête. — Charles Perrault, en 1687, dans son Poème sur le siècle de Louis le Grand, lu, comme un manifeste, en pleine Académie, puis en 1688-1696, dans ses Parallèles des Anciens et des Modernes, transporta la thèse des Modernes sur un terrain où l'opinion des gens du monde, flattée, ne demandait qu'à le suivre, où ses adversaires même se trouvaient gênés à le combattre : il soutenait contre tout venant que le siècle de Louis égalait ou même surpassait les siècles de Périclès et d'Auguste. — En même temps, Fontenelle (Discours sur la nature de l'Églogue et Digression sur les anciens et les modernes, 1688) apportait à l'appui de cette thèse de bon courtisan des raisons, et élevait le débat. Pourquoi se résigner à croire que l'idéale perfection, atteinte autrefois par les Romains et les Grecs, est désormais interdite à l'humanité, et qu'en tout cas, il n'est possible d'y viser qu'en tenant les yeux fixés sur eux ? N'est-il pas plus conforme à la raison d'estimer que, dans les ouvrages de l'esprit comme dans les sciences et dans les industries, il y a eu et il continue d'y avoir progrès, puisque c'est la même pâte qu'incessamment la nature tourne et retourne, puisque les hommes d'aujourd'hui, par cela même qu'ils sont les derniers venus sur la terre, ont chance d'être supérieurs aux hommes d'autrefois ? Cette proclamation généreuse d'une loi de progrès indéfini était visiblement inspirée par l'esprit même de Descartes. A mesure que la raison se perfectionnera, déclarait carrément Fontenelle, on se désabusera du préjugé grossier de l'antiquité.

Aussi les idées de Fontenelle et de Perrault trouvaient-elles des adeptes nombreux, qui n'étaient pas seulement des sceptiques irrespectueux et suspects, comme Bayle, mais des métaphysiciens pieux et graves, comme Malebranche. Parmi les beaux esprits, une bonne partie de la dernière génération du grand siècle les adoptait, sous les yeux de Boileau ébranlé (voir sa lettre d'amende honorable à Perrault, 1700) ; — ainsi Mme de Lambert, la plus solide et la plus brillante des maîtresses de maison du temps, ainsi l'abbé Du Bos, historien, philosophe, diplomate, futur secrétaire perpétuel de l'Académie française, et deux illustres, Houdar de la Motte et Fénelon.

Fénelon accepta en 1713 d'intervenir dans cette querelle qui agitait depuis quarante ans la petite république des lettres, et, tout épris qu'il était de l'antiquité, surtout grecque, c'est pourtant aux Modernes qu'il apporta l'appui de sa triple autorité de grand écrivain, de théologien et de premier ministre attendu. La conclusion de sa lettre-manifeste à M. Dacier sur les occupations de l'Académie française est, il est vrai, d'apparence éclectique, et elle semble, dans les termes, plutôt favorable aux Anciens, mais cette péroraison conciliatrice est démentie par les thèses de chacun des chapitres. Une conséquence ressort très nettement de tout e détail du programme de travail tracé par lui à la Compagnie, comme aussi de celui qu'il avait indiqué aux prédicateurs dans ses Dialogues sur l'Éloquence : c'est que la nécessité s'impose de mettre à bas cette doctrine classique, que la Renaissance avait fondée, que Malherbe, Balzac et Vaugelas avaient construite, que d'Aubignac, Bouhours et Boileau avaient fortifiée et développée, — chacun d'eux les yeux fixés sur l'idéal antique qui les fascinait. — Fénelon, au contraire, ne donnait à tous les écrivains, et dans tous les genres, dans l'éloquence, dans l'histoire, dans la tragédie, dans la poésie, que deux préceptes : le premier, l'aspiration à la vérité, et non pas à la vérité triée et ornée de Boileau, — à la vérité première venue, fût-elle familière et un peu basse ; — le second, l'utilité. — Dans la poésie, par exemple, s'il ne reculait pas devant une révolution de l'art traditionnel du vers français, s'il réclamait une limitation de la tyrannie de la rime, c'était sans doute afin que la poésie pût ressusciter l'aimable simplicité du monde naissant, mais c'était encore, et plus encore, afin que les poètes, trop longtemps réduits à n'être, selon le mot de Nicole, que des amuseurs, pussent viser eux aussi à servir la religion, la vertu, la sagesse, à remplir, dans l'humanité et dans l'État, un rôle sérieux et utile.

La Motte-Houdar partait aussi de ce principe qu' à la raison seule il appartient d'apprécier, de régler toutes choses en vue de la philosophie et du bien public. Renchérissant sur Fénelon, il menait contre la poésie, de 1707 à 1730, une campagne réglée. Il démolissait sans respect le prestige injuste de ces vers, puérile et funeste convention qui martyrise et avilit le poète, l'oblige à la platitude, l'empêche de traiter tous les sujets, et, dans ceux qu'il traite, d'exprimer tout le vrai.

Vers le même temps (1719) l'abbé Du Bos, dans un long ouvrage dogmatique (Réflexions critiques sur la peinture et la poésie), renouvelait paisiblement, en les étayant de raisons, des déclarations révolutionnaires analogues : — c'est la poésie du style qui fait le poète, — la tragédie ne doit avoir qu'un but moral, — la poésie épique ne doit traiter que des sujets chrétiens, nationaux et modernes. — Si du cartésianisme une littérature ne naissait pas, du moins il était né de lui une critique, une esthétique nouvelle à laquelle applaudissaient la plupart des jeunes gens qui devaient illustrer l'âge suivant : Duclos, Marivaux, Maupertuis, Montesquieu, Buffon.

 

II. — LES BEAUX-ARTS[8].

IL était impossible que les Beaux-Arts ne fussent pas entrainés  quelque peu dans ce mouvement de rénovation : artistes et écrivains comprenaient de plus en plus, à la suite de Perrault, de Fénelon et de Du Bos, la parenté de tous les ouvrages de l'esprit.

En outre, il se trouva que les circonstances même, qui matériellement, dans cette fin du règne de Louis XIV, semblaient nuire aux artistes, les provoquèrent à se renouveler.

Depuis Colbert, ils ne trouvaient plus chez les ministres la même sollicitude à stimuler en leur faveur l'amour-propre et la générosité de Louis XIV. Louvois, qui succède à Colbert dans la surintendance des Bâtiments, n'est pas grand clerc en fait d'art ; il préfère une belle copie d'un marbre poli à un antique au nez cassé, et aux élèves-peintres de Rome il demande moins des tableaux de chevalet que des plafonds. Villacerf, qui le remplace (1691), fut un employé insignifiant. Mansard, courtisan et architecte (1699), ne voyait que les bâtiments. Ce n'est qu'en 1708 que le duc d'Antin apporta dans la charge de directeur-général des bâtiments, jardins, arts et manufactures de France, un goût large, et l'ambition de faire aussi bien que Colbert avec infiniment moins de ressources.

Car le budget des Beaux-Arts n'est plus alors, il s'en faut, ce qu'il était jadis. Sans doute le Roi n'a pas cessé de construire. Versailles s'est augmenté, en 1685, de l'Orangerie ; en 1677, du Grand Trianon ; de 1699 à 1710, de la Chapelle. L'église des Invalides est terminée en 1711 ; à partir de 1695 jusqu'à la fin du règne, Louis XIV paie la plus grosse partie des embellissements de Meudon pour lesquels il trouvait que le Grand Dauphin lésinait.

Toutefois, même pour les bâtiments et, d'une façon générale, pour tous les beaux-arts, les dépenses ont diminué considérablement depuis 1685. De 15.340.000 livres, leur budget tombe, en 1687, à 7.916.746 livres ; en 1709 (ce fut le chiffre le plus bas) à 1.200.000 livres. Les commandes de tableaux descendirent de 121.000 livres en 1680 à 1.000 livres seulement en 1713. Les dépenses pour les gravures et médailles qui, de 1664 à 1680, avaient été de 186 964 livres, ne furent plus que de 2.642 livres entre 1706 et 1715. Le budget total des beaux-arts — y compris l'entretien des gens de lettres et des diverses académies et grands établissements scientifiques — ne dépassa guère, entre 1687 et 1715, une moyenne annuelle de 2.300.000 livres. En même temps, plusieurs édits, somptuaires, inspirés par les mêmes nécessités d'économie, tuaient, de 1687 à 1700, la plupart des arts décoratifs et des industries de l'or et de l'argent. En 1689-1690 et, de nouveau, en 1709, Louis XIV envoyait à la Monnaie, pour y être fondue, sa vaisselle, celle du Dauphin et du duc de Bourgogne. En 1694, il cessait de payer les maîtres de l'École du modèle adjointe à l'Académie de peinture et de sculpture. De 1694 à 1708, on rognait à chaque instant quelque chose sur l'Académie de France à Rome.

Mais cette diminution des bienfaits du Roi avait un bon effet : elle entraînait un relâchement de la protection, souvent gênante, qui en était la rançon. L'Académie, négligée par le Roi, se tournait vers le public, l'interrogeait. Une des institutions de Colbert, l'Exposition annuelle, lui en donnait le moyen. Dans la préface du livret de celle de 1699, Mansard lui-même n'hésite pas à laisser dire que, pour entretenir chez les peintres et les sculpteurs de l'Académie royale cette louable émulation si nécessaire, c'est sur le jugement du public qu'il compte. En 1714 (28 juin), une décision du conseil d'État autorisant l'Académie à faire imprimer et graver des descriptions d'objets d'art, des conférences, déclare qu'il faut que le public soit informé des progrès qu'y font les arts. Le Roi passait la main.

Les particuliers furent assez nombreux à le suppléer. Le duc d'Orléans accumula les tableaux au Palais-Royal. Dans la riche bourgeoisie parisienne, les curieux sont alors de plus en plus nombreux. Everard Jabach, Michel Begon, Pierre Crozat, De La Roque, Gaignières, Baudelot, La Live de Jully, la comtesse de Verrue forment des cabinets qui sont de vrais musées. Parfois ces amateurs sont des Mécènes. Crozat loge chez lui La Fosse, Watteau, la Rosalba. Grâce à eux, malgré la suppression des munificences royales, les peintres sont nombreux à faire fortune : ainsi Antoine Coypel, Louis Boullongne, Largillière. Largillière ne se cachait pas de préférer le portrait d'un bourgeois à celui d'un seigneur : le paiement est plus prompt. A changer de maîtres, une partie au moins des artistes n'a pas perdu.

Intellectuellement, ils y gagnent. Une protection disséminée, temporaire, point administrative, laissait plus de jeu à l'originalité et à la vie, et la peinture d'alors permet d'en constater l'heureux résultat.

D'abord, une diminution du nombre des grands tableaux, — peu logeables ailleurs que dans des palais, — de ces grandes machines, analogues, dit un peintre du temps, à des épopées. Dans l'âge précédent, il y avait eu, vraiment, trop de poètes épiques en peinture.

Puis cette émancipation des artistes amène une limitation, opportune aussi, de œ culte de l'antiquité, dont l'État avait fait, avec Le Brun, sa doctrine officielle. Aux grands sujets de la mythologie héroïque ou de l'histoire grecque ou romaine, les particuliers qui font peindre préfèrent des thèmes plus modernes ou des thèmes anciens modernisés. Si l'on ne se déprend pas de la mythologie, on la prend par le côté gracieux ; ainsi font Lemoine et Raoux ; ou même on y mêle de la gaîté comique et quelque peu irrévérencieuse : tel Gilet. — Par suite, on commence à se libérer des Italiens, qui, dans les arts comme dans la littérature, avaient toujours bénéficié en France du prestige de cette antiquité dont ils paraissaient à tort. les héritiers. La nouvelle génération des amateurs (La Roque, la comtesse de Verrue) s'éprend des Flamands. Et la Flandre, reprenant un crédit nouveau, réenseignait à nos peintres trois choses utiles : l'amour de la couleur, le goût de la nature rurale, et même, un peu, la réalité familière.

En 1680, Testelin, faisant la théorie de la peinture de la grande école, écrivait : L'éclat de la couleur ne charme ordinairement que les esprits du vulgaire. La véritable beauté consiste en un ménagement harmonieux [de la couleur] conduit par le dessin. Ce ménagement était de l'avarice. Le brun rouge était le fond, triste, de la palette, fort peu variée, de presque tous les peintres. Voici qu'on se lasse de cette tonalité sombre. A Antoine Coypel, lui-même, qui, pourtant, reste attaché au grand goût de 1660, les classiques reprochaient, raconte son fils Charles, l'excès de son admiration pour le coloris de Rubens. Le Moyne, dans ses scènes mythologiques (le Plafond d'Hercule à Versailles), recherche avec amour la suavité d'un coloris caressant ; Robert Tournières emprunte à Gérard Dow un éclairage nouveau ; Charles Parrocel, dans ses batailles, reproduit les tons chauds de Van Dyck et de Rubens ; du même Rubens, La Fosse et Louis de Boullongne s'inspirent dans l'éclat de leurs fresques, à l'église des Invalides. Quant à Largillière, — à qui un hasard d'existence a fait commencer ses études à la gilde d'Anvers et les continuer en Angleterre, sous des disciples de Van Dyck, — il n'a plus du tout la peur de l'éclatant. H mêle des tons bleus aux tons roses, il ose des rouges voyants, des jaunes provocateurs. C'est lui, aussi, qui disait, au rapport d'un de ses biographes :

Pourquoi dans nos écoles ne pas accoutumer la jeunesse à dessiner toutes choses d'après le naturel ainsi que l'on fait en Italie, paysages, animaux, fruits et fleurs ?... Il faut, dit l'école française, donner du goût à ce que l'on dessine d'après le naturel, afin d'en corriger les défauts et l'insipidité... Il faut, dit l'école flamande, accoutumer la jeunesse à rendre le naturel tel qu'on le voit... M. de Largillière ne balançait pas à prendre parti pour ce dernier raisonnement.

L'un des critiques d'art du temps, Florent Le Comte, qui n'est point un révolutionnaire, avouait qu'il se rencontre de la beauté jusque dans les bizarres productions d'une terre inculte.

Dès lors, avec les Allegrain, puis avec Oudry, — ce dernier, élève de Largillière, — la Peinture de paysage commence à se passer de personnages, de temples et de fabriques italiennes. Elle a le courage de montrer des bâtiments de ferme, des étables sales, de poser des poules au premier plan. Elle se hasarde à donner au ciel, à la terre, aux arbres non plus une couleur traditionnelle, mais la couleur du lieu et de l'heure. — Avec le même Oudry, et avec Desportes, élève d'un élève de Snyders, les peintures de bêtes deviennent des portraits, pris sur le vif, au chenil ou à la Ménagerie du Roi ou dans la poissonnerie de Dieppe. — La peinture de fleurs, traitée avec une conscience nouvelle par Monnoyer et J.-B. Blin de Fontenay, se fait dans l'art une place à laquelle trente ans plus tôt son humilité n'aurait osé prétendre. Tous ces peintres regardent la nature ; leurs biographes remarquent, comme une nouveauté, qu'ils s'en allaient à la campagne, avec des chevalets mobiles et leurs bottes de couleurs, non seulement dessiner, mais peindre.

De même la simplicité et le familier des Flamands s'insinuent dans la Peinture de genre, qui, à partir de 1690, prend le premier rang dans l'École[9]. A la suite de Claude Gillot, héritier des traditions de Callot et de Le Nain, les auteurs de ces tableaux de fantaisie, dont la vogue s'accroit sans cesse, font attention à la vie commune, aux gens du commun. Santerre peint une coupeuse de choux et une éplucheuse de carottes ; Boullongne et Jean Raoux, des chercheuses de puces. Watteau fera son rémouleur. — Dans le Portrait, il y a sans doute bien des concessions à consentir aux goûts d'apparat des clientes : Mine de Seignelay se fait peindre, par Mignard, en Thétys, et la grosse Charlotte-Élisabeth de Bavière, en naïade, par Largillière embarrassé[10] ; mais le portrait lui-même laisse tomber un peu de son pompeux apprêt. Rigaud, élève de Ranc, admirateur de Van Dyck, Largillière, émule de Van Dyck, Jean Jouvenet, François Puget, conservent le plus souvent à l'image les traits individuels du modèle, même vulgaire, lui laissent au visage des rides et des grimaces, des creux au des bajoues. Même les portraitistes secondaires de cette époque, où le Portrait fut si heureusement fécond, — J.-B. Santerre, Joseph Vivien, Gobert, Tournières, Grimou — suivent intelligemment les conseils de courage réaliste que les Flamands, redevenus à la mode, leur donnaient.

D'ailleurs ces conseils de vérité s'accordaient parfaitement avec cet esprit scientifique, avec cette méthode d'observation et d'expérience, enseignée par Descartes. Ils concordaient pareillement avec l'esthétique libérale des Modernes, de Fénelon admirant Nausicaa et le porcher Eumée. Sans doute, dans l'exécution, les peintres de ce temps ne sont pas toujours bien avisés ; sans doute François Le Moyne, Antoine et Charles Coypel s'égarent quand ils vont chercher sur la scène tumultueuse de Crébillon des modèles d'attitude et d'expression, des gestes déclamatoires, des attitudes forcées. Santerre peint, en 1709, pour la chapelle de Versailles une sainte Thérèse si passionnée que les ecclésiastiques, dit d'Argenville, évitent de célébrer les saints Mystères à l'autel de cette chapelle. Mais ce qui, chez tous ces peintres, malgré ces fautes de goût, est méritoire, c'est l'ambition d'animer le tableau, — comme Fénelon voulait qu'on animât la tragédie et le sermon : — c'est la tendance à mettre sur la toile, — comme La Motte-Houdar, en attendant Voltaire, voulait qu'on la mît dans le théâtre, — la vie.

A cet égard, Jean Jouvenet est remarquable. Il a beau conserver, pour la composition noble, trop de ce respect, qui, en 1721 encore, fera regarder à Antoine Coypel comme un sacrilège de placer, dans une Nativité les animaux de l'étable au milieu du tableau. Il a beau garder la superstition absurde de ces draperies, dont Antoine Coypel disait que c'est d'elles et de leurs plis que souvent les figures doivent dépendre. Malgré ces préjugés, il introduit jusque dans la grande peinture, à sujets religieux et académiques, une vérité inaccoutumée. Sa Vue du maître-autel de Notre-Dame[11] n'est pas un chef-d'œuvre, mais elle atteste un respect tout nouveau de la naïveté des personnes et des choses[12].

Toutefois ces efforts divers pour mettre dans l'art plus d'émotion, de vigueur vivante et de réalité, que la peinture du temps nous offre, ne vont pas jusqu'à produire, vers 1715, une école originale durable. De même qu'en littérature, les paradoxes de La Motte-Houdar et les rêves de Fénelon n'aboutissent ni à ce Romantisme ni à ce Réalisme qu'ils annoncent, — de même, en peinture, l'évolution qui s'indique dès la mort de Colbert n'aboutit pas plus, dans l'invention, à un triomphe de l'originalité individuelle libérée, qu'il n'aboutit, dans le faire, à une précision délibérément fidèle à la réalité.

L'homme qui montre le résultat, et aussi la déviation, du mouvement de rénovation artistique, c'est Antoine Watteau.

Non pas qu'il soit essentiellement représentatif de son temps. La part de l'originalité personnelle et géniale, est chez lui, de beaucoup, la plus grande. Né en 1684, à Valenciennes, près du pays de Rubens et de Téniers, élevé dans le milieu un peu flamand de sa ville natale, il devient vers 1705 l'élève de Gillot, et il échoue en 1709 au concours de Rome. Toutes ces circonstances le préservent, comme on l'a dit heureusement, de l'influence académique et de la culture classique italienne. Rubens est une de ses premières admirations, et, dans ses œuvres de jeunesse, il se souvient de Téniers. Mais, tout en profitant des Flamands, il fut, avant tout, lui-même. Il le fut dans la composition de ces Fêtes galantes où il mit autre chose et mieux que de l'élégance voluptueuse, — une sensibilité, un peu maladive, très douce, un rêve, amusé et triste tout ensemble, de féeries idéales. — Il fut lui-même par cette manière de peindre, qui n'est pas l'application étudiée de couleurs artificielles, mais de la vraie lumière, portée sur la toile, avec des effets non prévus par les livres, trouvés par la nature, — avec des reflets inouïs, des transparences illogiques, des accords bizarres, et de ces nuances fugitives que souvent on ne voit qu'une fois (teintes vertes et bleues dans les ombres, reflets rouges et bleus dans les clartés). — Il unit à une âme poétique une observation documentée de la réalité ; il mélangea à des souvenirs de théâtre, à des visions enrubannées de bal, de comédie et d'opéra, des impressions rurales très précises, et, tout en restant le peintre le plus parfait peut-être des joies frivoles du grand monde, il sut traduire en passant les choses simples et comprendre les êtres humbles. Mais il n'en reste pas moins que la tendance de son œuvre, monotone en somme, est étroite. Soit qu'une vie trop courte (il meurt à trente-sept ans, au retour d'un voyage en Angleterre) l'ait empêché de concevoir d'autres ambitions, soit que le succès l'ait engagé à ne pas chercher d'autres voies, Watteau se satisfait dans le joli. Que ce soit impuissance, — comme à l'envi l'affirment Voltaire, Caylus et Diderot, — ou incuriosité du plus grand, toutes ses grandes qualités ne se terminent qu'à de petits effets de charme élégant. Il mène non à Greuze ou à Chardin, mais à Lancret, à Nattier, à Boucher, à Fragonard. Il personnifie délicieusement une décadence de l'art français.

Dans la Sculpture, il en va de même. Coysevox, — dont les bustes (Le Tellier, Bossuet) sont souvent de saisissants portraits, — ne fait point école : Lemoine, Le Lorrain, Dumont, Guillaume Coustou, René Frémyn, Bousseau manifestent une pareille tendance vers la sentimentalité menue et la mièvrerie sensuelle, vers les qualités alertes et légères, mais inférieures, chères à une société mondaine qui, comme on le verra plus loin, en s'émancipant, s'abaisse. L'Architecture[13] la Musique même suivent, descendent cette pente de galante ou spirituelle amabilité. Comme s'il craignait un dégoût du public pour le grand opéra de Lulli, vraie tragédie lyrique... traduction musicale[14] du drame à la façon de Corneille et de Racine, Campra, le plus notable parmi les compositeurs d'alors, créa l'opéra-ballet (l'Europe galante, 1697)[15]. Tous les artistes sont obligés de complaire aux goûts de cette société qui désormais est leur souveraine. Ils n'ont pas d'intérêt à s'ouvrir aux souffles de la philosophie nouvelle, et les fortes semences du Cartésianisme ne fructifient que fort peu dans tous les Beaux-Arts. Dès lors ce n'est pas l'imagination vigoureuse ni la profondeur de la sensibilité, ce n'est pas un réalisme robuste, — c'est l'esprit, la volupté, la grâce, qui succèdent à l'intellectualité majestueuse du style Louis XIV. Dès avant 1716, ce style a visiblement fait son temps. Le goût, noble et abstrait, que les contemporains eux-mêmes appelaient avec orgueil le grand goût, et qui régnait presque depuis la fin de Henri IV, est détrôné. Dans les Beaux-Arts, comme dans presque tous les ouvrages de l'esprit et toutes les manifestations de la pensée, le grand siècle est mort avant le grand roi.

 

 

 



[1] Pour l'histoire littéraire de ce temps en général :

SOURCES. La Bruyère, Caractères, aux chapitres des Ouvrages de l'Esprit, de Quelques Usages, de la Chaire. Fénelon, Lettre à l'Académie française, éd. Caban. Perrault et Fontenelle, ouvrages cités dans le texte. Les Correspondances de Boileau et Brossette de Bayle, de J.-B. Rousseau et de Louis Racine, de Mathieu Marais, de l'abbé Nicaise, etc. Les Mémoires de Trévoux, le Mercure galant, le Journal des Savants.

A CONSULTER : Outre les ouvrages de Villemain, d'Alexandre Vinet, de Hettiner sur la littérature du XVIIIe siècle, les articles de Sainte-Beuve, particulièrement nombreux pour cette période (voir Ch. Pierrot, Table générale des Lundis, Portraits de femmes et Portraits littéraires, p. 51-59 ; Victor Giraud, Table alphabétique et analytique des Premiers Lundis, Nouveaux Lundis et Portraits contemporains). F. Brunetière, Manuel, sixième époque, 1687-1722. Émile Faguet, XVIIe siècle, Paris, 1885 ; XVIIIe siècle, P., 1890. Desnotresterres, Les Cours galantes, P., 4 vol., 1880-1864. Ferdinand Brunot, Histoire de la Langue française (en cours de publication). Hatin, Bibliographie de la presse périodique, Paris, 1868. Dans la série Les Grands Écrivains français (Paris, Hachette), ont paru des monographies sur FONTENELLE, par Laborde Milan, LE SAGE, par Lintilhac, LA BRUYÈRE par Morillot, FÉNELON, par Paul Janet. Cf. aux pages suivantes, pour chaque genre littéraire.

[2] SOURCES. Les pièces principales sont dans : Crépet, Les Poètes français. Houdar de la Motte, Œuvres, Paris, 1754, 11 vol. in-12°. J.-B. Rousseau, Œuvres lyriques, éd. Eugène Manuel, P., 1876.

A CONSULTER : F. Brunetière, L'Évolution de la poésie lyrique, 1re leçon, P., 1905. P. Dupont, Houdar de la Motte, P., 1898. H. Potez, L'Élégie en France avant le Romantisme, P., 1898.

[3] SOURCES. Th. Corneille, Œuvres, P., 1722, 5 vol. Crébillon, Œuvres, P., 1756. Edme Boursault, Théâtre, P., 1694, 8 vol. J.-F. Regnard, Théâtre, P., 1781, 5 vol. Dancourt, Théâtre, P., 1711. Dufresny, Œuvres, P., 1790. Le Sage, Œuvres complètes, P., 1821, 12 volumes.

A CONSULTER : Petit de Julleville, Le Théâtre en France, P., s. d. F. Brunetière, Les Époques du Théâtre français, P., 1901. Histoire et Littérature, t. II ; Études critiques, 3e série. (Le Sage) et 7e série, p. 191 et suiv. (L'Évolution de la Tragédie.) M. Dutrait, La Vie et le théâtre de Crébillon, P., 1996. G. Reynier, Th. Corneille, P., 1893. G. Lanson, Nivelle de la Chaussée et la comédie larmoyante, p. 80-105. J.-J. Weiss, art. sur Regnard dans Essais sur l'histoire de la Littérature française, P., 1865, et P. Toldo, dans la Rev. litt. de la France, 1903 et 1905. J. Lemaitre, La Comédie après Molière et le théâtre de Dancourt, P., 1882. Lintilhac, Le Sage, P., 1898. Barberet, Le Sage et le théâtre de la foire, Nancy, 1887. Maurice Albert, La Comédie italienne, P., 1890.

[4] SOURCES. La Princesse de Clèves est de 1678. Cf. d'Haussonville, Mme de La Fayette, Paris, 1891. Hamilton, Mémoires du comte de Grammont, 1713. Sandraz de Courtilz, Mémoires de M. d'Artagnan, 1701-1702, 3 vol., réimpr., Paris, 1896. Mme d'Aulnoy, Histoire d'Hippolyte, comte de Douglas, Paris, 1690, et de Jean de Bourbon, prince de Carency, La Haye, 1692 ; Mme de Gomez, Histoire secrète de la conquête de Grenade, 1723, etc. Le Sage, Œuvres, éd. citée.

À CONSULTER : Sainte-Beuve ; Paul Morillot, Le Roman en France, depuis 1610, P., s. d. André Le Breton, Le Roman au XVIIe siècle, P., 1890 ; au XVIIIe siècle, P., 1898. Léo Glandée, Le Sage romancier, P., 1890. F. Brunetière, Études critiques, 3e et 4e série, 1907 ; Histoire et Littérature, t. II, 1898.

[5] SOURCES. Bourdaloue, Œuvres, 1707-1737, 16 vol. (édit. du P. Bretonneau). Sermons inédits de Bourdaloue, d'après des recueils contemporains, p. p. E. Grisette, Paris, 1901-1902. Massillon, Œuvres, P., 1745-1778, 15 vol. Préface de la trad. des Sermons de Saint-Augustin, par Golbaud du Bois, 1694. La Bruyère, chap. de la Chaire. Fénelon, Lettre à l'Académie (IV : Projet de rhétorique) et Dialogues sur l'Éloquence publiée en 1718.

A CONSULTER : L'abbé Hurel, les Orateurs sacrés à la cours de Louis XIV, P., 1872, 2 vol. — Pour les derniers temps de la prédication de Bossuet, Leberq, ouvrage cité, et E. Grisette, de munere pastorali... tempore præsertim meldensis episcopatus, 1902. — Pour Bourdaloue, A. Feugère, Bourdaloue, sa prédication et son temps, P., 1881. Le P. Laures, Bourdaloue, sa vie et ses œuvres, P., 1881. De Ménorval, La Vie d'un Jésuite, P., 1897. Castets, La Vie et la prédication d'un religieux au XVIIe siècle, P., 1901-1904, 2 vol. Le P. Chérot, Bourdaloue, inconnu, P., 1898, et surtout E. Grisette, Bourdaloue, Histoire critique de sa prédication, t. I et II (1901), et dans la Quinzaine, art. d'avril et mai 1902. — Pour Massillon, Blampignon, Massillon, P., 1879 ; l'Épiscopat de Massillon, P., 1884. Brunetière, Nouvelles études critiques, 1882. Abbé Pauthe, Massillon, sa prédication, 1907.

[6] SOURCES. L'édition de La Bruyère de G. Servois dans la collection des Grands Écrivains, Paris, 1865-1881, et l'éd. classique, P., 1906. Brillon, Ouvrage dans le goût des Caractères de Théophraste et des Pensées de Pascal, P., 1898 ; Le Théophraste moderne ou Nouveaux Caractères des mœurs, P., 1700. Mme de Lambert, Avis d'une mère à son fils et à sa fille, P., 1727 et éd. de Lescure, 1888.

A CONSULTER : Sur La Bruyère : Sainte-Beuve (dans les Portraits litt., les Lundis et les Nouveaux Lundis, 1838-1866). Vinet, Moralistes des XVIe et XVIIe siècles, 1859. E. Allaire, La Bruyère dans la maison de Condé, 1887, 2 vol. M. Pellisson, La Bruyère, 1892. Paul Morille, La Bruyère, P., 1904. Cf. Revue d'histoire littéraire de la France, 1904. E. Faguet, XVIIe Siècle. Taine, Nouveaux Essais de critique et d'histoire, 1865.— Sur Mme de Lambert : Sainte-Beuve, Lundis, t. IV, E. de Broglie, dans le Correspondant, 1895. F. Brunetière, Manuel, p. 275.

[7] SOURCES. Les ouvrages de Ch. Perrault et de Fontenelle cités dans le texte. Fr. Charpentier, De l'excellence de la langue française, Paris, 2883. Boileau, Réflexions critiques sur Longin, 1694. La Motte, Discours sur Homère, 1714. Mme Dacier, Des causes de la corruption du goût, 1714. Fénelon, Lettre à l'Académie, éd. Cahen, 1905. Premières rédactions de cette lettre, p. p. l'abbé Urbain (Rev. d'Hist. littér. de la France, 1899).

A CONSULTER : H. Rigault, Histoire de la querelle des Anciens et des Modernes, P., 1859. D. Nisard, Hist. de la Lit. fr. F. Brunetière, L'Évolution de la Critique, 4e et 5e leçon, P., 1898. les articles sur Descartes el la littérature française, Jansénistes et Cartésiens, la Critique de Bayle, la Formation de l'idée de progrès, le Caractère essentiel de la Littérature française, le Cosmopolitisme et la littérature nationale dans les séries III, IV, V et VI des Études critiques. Aug. Bourgoin, Les maures de la critique au XVIIe siècle, P., 1889. — Sur Fénelon : R. Thamin, Fénelon critique littéraire, dans l'Hist. de la Langue et de la Littérature française Petit de Julleville, t. V. Sur Ch. Perrault, E. Deschanel, Boileau, Charles Perrault, P., ss. d. P. Bonnefon, articles dans la Rev. d'hist. litt. de la France, 1904, 1905, 1908. — Sur Du Bos, voir Aug. Morel, Étude sur l'abbé Du Bos, 1850, Braunschvig, L'Abbé Du Bos rénovateur de la critique au XVIIIe siècle, 1904, et Lombard, dans la Rev. d'hist. litt. de la France, 1908. Sur Houdar de La Motte : Paul Dupont, Un poète philosophe au commencement du XVIIIe siècle, 1898. A. Rébelliau, Revue des Cours et Conférences, 2893. — Sur Fontenelle, voir ci-dessus.

[8] SOURCES. Outre les Catalogues, Inventaires et Documents publiés dans des revues et collections indiqués plus haut et La Correspondance des Contrôleurs généraux de A. de Boislisle, voir pour la peinture : J. Guiffrey, la Collection des Livrets des anciennes Expositions depuis 1678, Paris, 1869-72, 42 vol. Les Comptes des Bâtiments du Roi, t. III, IV ou V, Paris, 1881-1901 (Coll. des Documents inédits). Notes et Documents sur les Expositions du XVIIIe s., P., 1873. — Florent Le Comte, Cabinet des singularités d'architecture, peinture, sculpture et gravure, P., 1699-1700, 3 vol. in-12°. Guérin, Description de l'Académie de peinture et de sculpture, P., 1715 ; Mémoires inédits sur l'Acad. de peinture et de sculpture, pp. Dussieux, Soulié. etc., P., 1854, 2 vol. Jouon, Conférences de l'Académie, 1883. Procès verbaux de l'Académie, pp. A. de Montaiglon, P., 1875.

A CONSULTER : Outre les dictionnaires et histoires générales des divers arts indiqués plus haut, voir au XVIIIe siècle : Mariette, Abecedario, pp. Chennevières, 1851-1860. Lépicié, Caylus, etc., Vies des premiers peintres du Roi, Paris, 1752, 2 vol. — Et parmi les travaux modernes généraux, d'abord ceux de Montaiglon et de J.-J. Guiffrey dans les Archives et Nouvelles archives de l'Art français.

Articles de André Michel dans l'Histoire générale de Lavisse et Rambaud, t. VI, et de S. Rocheblaye, dans l'Histoire de la langue et de la littérature française de Petit de Julleville, t. V et VI. — Roger Peyre, Répertoire chronologique de l'Histoire universelle des Beaux-Arts, Paris, s. d. E. et J. de Goncourt, L'art du XVIIIe siècle, P.,1881-188.2. Écorcheville, De Lulli à Rameau, P., 1907. Pierre Marcel, La Peinture française de la mort de Le Brun à la mort de Watteau (1690-1721), P., 1903. Articles de Hourticq, dans la Revue de Paris, 1904, et dans la Revue historique, 1906-1907 ; de Lemonnier, Revue de l'art ancien et moderne, 1907 ; de C. G. Picavet dans la Revue de Synthèse historique, 1907.

Pour la peinture : Olivier Merson, La Peinture française, t. II (Bibliothèque de l'Enseignement des Beaux-Arts). Marquet de Vasselot, Hist. du Portrait en France, P., 1880. Émile Michel, Études sur l'Histoire de l'Art, P., 1896 ; Les maîtres du paysage, P., 1906. G. Lafenestre et Eug. Richteuberger, Le Musée national du Louvre, s. d. E. Bourgeois, Le Grand Siècle, P., 1896. Gruyer, La peinture au château de Chantilly (Peinture française), P., 1898. G. Macon, Les arts dans la maison de Condé (dans la Revue d'art ancien et moderne). — Paul Mantz, Largillière (dans la Gazette des beaux-arts, 1892). — Sur Watteau, les ouvragea de E. de Goncourt, 1875, Paul Mantz, 1892, Dargenty (1895), Gabriel Séantes. — F.-N. Leroy, Jouvenet, P., 1860. Antony Valabrègue, Claude Gillot, 1888.

Pour l'architecture, Aug. Choisy, Hist. de l'architecture, P., s. d., 2 vol. ; P. Marcel Lévi, Inventaire des papiers manuscrits de Robert et Jules-Robert de Cotte, Mâcon, 1606.

Pour la sculpture, Stanislas Lami, Dictionnaire des sculpteurs de l'École française sous le règne de Louis XIV, P., 1866.

Pour la musique (les principaux opéras du temps cités plus loin sont dans la collection Michaëlis), F. J. Fétis, Biographie universelle des musiciens, P., 1860-65, 8 vol. ; Reissmann, Allg. Gesch. d. Musik, Lp., 1864 (t. III) ; H. Lavoix, Hist. de la musique. Romain Rolland, art. sur La musique sous Louis XIV. Cf. t. VII, p. 136 et suiv.

Pour les surintendants : Jules Guiffrey, Le duc d'Antin et Louis XIV, 1866. Louis Courajod, L'École royale des Élèves protégés, P., 1874. Babeau, Les tableaux du Roi chez le duc d'Antin en 1715, P., 1903.

Pour les amateurs : J. Dumesnil, Hist. des plus célèbres amateurs français, P., 1856-63, 4 vol. Clément de Ris, Les amateurs d'autrefois, 1877. Bonnaffé, Les collectionneurs de l'ancienne France, 1873 ; Dictionnaire des amateurs français au XVIe siècle, 1884.

[9] Pierre Marcel Levi, ouvrage cité.

[10] Gruyer, ouvrage cité.

[11] Ou Messe du chanoine La Porte.

[12] Luc-Olivier Merson, ouvrage cité, p. 176.

[13] Pour l'architecture, l'édition donnée en 1710, par Le Blond, du cours de D'Aviler atteste une tendance à plus de légèreté et de variété. Lemonnier, article cité.

[14] H. Lavoix, Hist. de la musique, p. 218, 220, 222, 224.

[15] Les Fêtes vénitiennes, de Campra et Desmarets (1710), eurent également un grand succès. Voir aussi les œuvres de Colasse (Thétis et Pelée, 1689, Ballet des Saisons, 1695), de Charpentier (Médée, 1693), Couperin (Concerts royaux, 1693-1713), Lalande (ballet des Éléments), Marais (Alcyone, 1706), Mouret (Fêtes de Thalie, 1714, et Amours des dieux, 1727). Cette détente (R. Rolland) se manifeste dans le style musical par un retour à l'imitation des Italiens, encouragé par le duc d'Orléans. — La haute musique religieuse se soutient pourtant avec Lalande, Montéclair, Desmarets, Destouches.