HISTOIRE DE FRANCE

 

LIVRE III. — LE MINISTÈRE DE RICHELIEU.

CHAPITRE X. — LA NOBLESSE, LES PARLEMENTS ET LES ÉTATS PROVINCIAUX[1].

 

 

I. — RUINE DE LA NOBLESSE D'ÉPÉE.

IL y a même contradiction entre sa théorie et sa pratique dans ses rapports avec la Noblesse et les parlements. Il mettait très haut la Noblesse de race, à qui il reconnaissait le courage, la grandeur d'Aure, un don naturel de commandement. Il voulait que le roi la soutint contre les entreprises des officiers, que le malheur des temps avait élevés à son préjudice. C'était un des principaux nerfs de l'État, capable de contribuer beaucoup à sa conservation et à son établissement.

La Noblesse ne cessant de se plaindre de sa misère et de sa déchéance politique et sociale, le gouvernement avait demandé aux notables, en 1627, s'il ne serait pas bon, pour honorer cet Ordre, de faire servir par quartiers dans les Conseils du roi de sages gentilshommes parmi plusieurs Messieurs de robbe longue qui y sont. Mais les gentilshommes qui siégeaient dans l'Assemblée aimèrent mieux s'adresser isolément et directement au Roi. Ils lui présentèrent le 10 février 1627 requestes et articles pour le rétablissement de la Noblesse[2], — cette Noblesse à qui, après l'assistance de Dieu et l'épée d'Henri IV, était due la conservation de cette couronne, lorsque la plupart des autres Ordres s'étaient laissé emporter à la révolte. Pourtant elle est au plus pitoyable état qu'elle fut jamais... la pauvreté l'accable... l'oisiveté la rend vicieuse... l'oppression l'a presque réduite au désespoir.

Les causes de cette déchéance sont : la mauvaise institution (éducation), plutôt que l'inclination naturelle, le mélange des races nobles avec les roturières, la défiance que quelques-uns de leur Ordre au siècle passé ont inspirée par leurs insolences et trop effrénées ambitions, portant par là les rois à croire qu'il falloit en abaisser la puissance par l'élévation du Tiers État et par l'exclusion des charges et dignités, dont ils avoient peut-être abusé. Depuis ce temps, les nobles ont été privés de l'administration de la justice, des finances et bannis aussi des Conseils, où il semble toutefois que Sa Majesté a dessein de les rétablir.

Suivent 22 articles. Les gouvernements, les charges civiles et militaires de la maison du roi cesseront d'être vénales et seront réservées aux gentilshommes, ainsi que le tiers des chanoinies et prébendes, tant ès églises cathédrales que collégiales de ce royaume. Dans les monastères de fondation royale, les abbesses, les prieures et même les simples religieuses seront des filles nobles, qui y entreront sans argent. Le quart de l'effectif des régiments de cavalerie entretenus sera composé de nobles ; on rétablira les compagnies de gendarmes selon les anciennes ordonnances.

Au lieu de ces collèges, où l'on apprend à mépriser les arts  (métiers), le commerce, le labourage, ainsi que la guerre, et dont il faut réduire le nombre, on fondera dans chaque archevêché ou province, pour l'institution de la jeune noblesse, des collèges militaires, où de douze à dix-sept ans, les enfans des pauvres gentilshommes soient élevés en la connaissance de Dieu, nourris, entretenus et instruits aux loix et ordonnances de la guerre, aux exercices du corps, autant qu'il sera besoin pour l'usage d'un soldat, et que l'on y dresse leurs esprits, selon la force et le talent qu'ils auront de la nature, aux parties des mathématiques servant à la guerre, à l'histoire morale.

Dans chaque sénéchaussée et bailliage, le roi désignera deux anciens gentilshommes vertueux et de mérite reconnu pour y être en titre de censeurs des nobles et contenir... chacun dans le devoir de son Ordre et la bienséance de sa condition, sans aucun appointements ni gages. Ces Censeurs dresseront le dénombrement de toutes les races et maisons nobles, qualité des pères et nombre des enfans, la valeur de leurs biens et revenus par commune estimation, indiqueront les enfants qui devront être reçus dans les collèges militaires et feront des remontrances aux gentilshommes aisés, s'ils nourrissent mal leurs enfants, ayant de quoi les entretenir ès collèges et académies et les envoyer dans les provinces étrangères apprendre les langues, acquérir les habitudes, suivre les armées et s'instruire des formes, des maximes et de l'usage de nos voisins. Au cas où ils ne seraient pas écoutés, ils avertiront Sa Majesté et, feront plainte au gouverneur de la province.

Le roi donnera entrée et voix délibérative dans les parlements sans gages ni émoluments, à quelque nombre de gentilshommes des plus savans et mieux nourris dans les affaires.

Il admettra des nobles, pour un tiers, dans ses Conseils de finances, de direction et des parties, établira un Conseil de guerre, composé des maréchaux de France, principaux officiers de la Couronne et des plus expérimentés capitaines du royaume, — et fondera un Ordre de Saint-Louis pour la Noblesse, avec Chevaleries et Commanderies de 500 à 6.000 livres.

Les gentilshommes, capitaines et soldats, estropiés (à la guerre) jouiront paisiblement des maladreries, hôpitaux, places d'oblats et autres donations qui ont été faites en leur faveur.

Les nobles pourront sans déroger avoir part et entrée au commerce, tandis que les roturiers ne pourront acquérir aucun fief noble sans permission de Sa Majesté.

Louis XIII publia, le 16 février 1627, en réponse aux vœux des notables, une déclaration, où il promettait d'avantager la Noblesse dans la distribution des bénéfices, des offices militaires, et des charges de sa maison ; d'instruire gratuitement les fils des pauvres gentilshommes et de les employer soit sur terre, soit sur mer, en les bien payant.

Il ne fut plus question de faire entrer les gentilshommes au Conseil. Craignait-on leur turbulence ou se défiait-on de leur capacité ? Richelieu voulut, au moins, fonder une Académie où seraient élevés cinq cents jeunes gentilshommes ; il y renonça, faute d'argent, et légua à l'avenir, héritier infidèle, ses projets pour la restauration de la Noblesse. Dans son Testament politique, il recommandait au Roi de diminuer le luxe de la Cour pour arrêter la ruine de la Noblesse, de créer cinquante compagnies de gendarmes et pareil nombre de chevau-légers, payés dans les provinces, de supprimer la vénalité des gouvernements du royaume, et de toutes les charges militaires, que cet Ordre paye assez par le prix de son sang. Sa Majesté devrait aussi, au lieu de recevoir toutes sortes de gens, par le sale trafic de leur bourse, aux charges de sa maison, en fermer à l'avenir l'entrée à ceux qui n'auront pas le bonheur d'être d'une naissance noble.

Mais la Noblesse doit être dévouée et fidèle. Richelieu ne se demande pas s'il n'y a pas contradiction entre la soumission qu'il exige et l'orgueil de race qu'il admire. Il rêve de relever la Noblesse et tend à l'émasculer. Les plus grands doivent donner l'exemple de l'obéissance ; les peines, comme les récompenses, doivent être proportionnées à la qualité des coupables.

Richelieu a, sans le vouloir, contribué beaucoup à avilir les caractères. L'aristocratie a le choix entre la docilité ou l'exil et la prison. La Bastille est pleine de prisonniers de marque. Adrien de Monluc, comte de Carmaing, y est enfermé pour avoir desservi l'état présent des affaires ; le maréchal de Bassompierre (c'est toujours Richelieu qui parle), à cause de sa manière de parler et d'agir. Parmi les raisons que le Cardinal a de faire disgracier Baradas, un des nombreux favoris de Louis XIII, il cite un mot de lui, qu'il avait appris ainsi : Le Plessis dit au Cardinal (de Richelieu) que le cardinal de La Valette avait su de M. de Bellegarde que Baradas avait dit à la Reine. Il note comme vérités ces propos passés par tant de bouches et grossis ou dénaturés ; ce sont autant de chefs d'accusation. Il sollicite les confidences, ne comprend pas les scrupules qui ferment la bouche à un galant homme, quand les propos compromettent ou seulement déconsidèrent d'anciens amis. Tous les matins, il reçoit, à son lever, le gouverneur de la Bastille, le directeur des postes et le lieutenant criminel, s'informe de la conduite des prisonniers, des bruits de la ville. Il a des espions et des agents partout ; il fait de la police politique une institution régulière.

L'unique service qu'il ait rendu à la Noblesse lui fut moins inspiré par l'intérêt de cet Ordre que par des raisons religieuses. L'Édit contre les duels (fév. 1626) adoucissait les peines des édits précédents, mais annonçait l'intention de les appliquer rigoureusement. Quand il n'y avait pas mort d'homme, l'appelé perdait ses charges et ses pensions, et l'appelant était en outre condamné à trois ans de bannissement. La peine de mort était maintenue contre ceux qui se feraient assister de seconds et contre ceux qui, appelants ou appelés, auraient tué. On sait que Louis XIII fit exécuter impitoyablement — pour l'exemple — (22 juin) le comte de Montmorency-Bouteville, qui, assisté d'un second, le comte des Chapelles, se battit en pleine place Royale contre le baron de Beuvron et le marquis de Bussy d'Amboise.

 

II. — LE DROIT DE REMONTRANCES.

RICHELIEU avait, contre les officiers, les préjugés de la Noblesse et du Clergé. Il leur reprochait leur gallicanisme intraitable, leur richesse et leur orgueil. Il pensait couper court aux abus et à la corruption de la justice par la suppression de la Paulette. Mais le remboursement des charges était une entreprise trop haute pour ce gouvernement obéré ; et, faisant de nécessité vertu, le Ministre, dans son Testament politique, reconnaissait que si la vénalité fermait l'entrée des parlements au mérite pauvre, elle empêchait aussi les grands et les favoris de les remplir de leurs partisans.

Jusqu'à la journée des Dupes, et même quelque temps après, Richelieu ménagea la magistrature[3]. Mais entre la royauté, toujours plus impérieuse et besogneuse, et des corps puissants, armés du droit de remontrances, le choc devait se produire.

Lorsque le parlement de Paris refusa d'enregistrer l'Édit contre les complices de Gaston, Louis XIII le manda au Louvre (13 mai 1631). Il lui fit lire l'arrêt du Conseil qui cassait sa délibération du 26 avril, n'étant permis ni loisible aux cours de Parlement, ni à aucun autre officier, de prendre cognoissance des affaires d'État, administration et gouvernement du royaume qu'au Roi seul, établi et proposé de Dieu, et auquel seul il en doit rendre compte. Puis il demanda au greffier du Parlement, Tillet, la feuille de la délibération, et la déchira. Le lendemain, les présidents aux Enquêtes, Gayant et Barillon, et le conseiller Lainé, furent bannis à Limoges, à Clermont, à Bourges.

Les gens du roi, ou comme nous disons, le Parquet : le procureur général Molé et les avocats généraux, Jacques Talon et Bignon, furent chargés par le Parlement de faire entendre au Roi la conséquence de l'affaire, qui regardoit l'honneur de la Compagnie et de tous les officiers de France. Talon représenta qu'il y a loi expresse et de tout temps gardée que nul officier ne pouvoit être interdit ou privé de sa charge que par forfaiture, déclarée en cognoissance de cause par les juges établis pour les juger. A la prière de Richelieu, le Roi permit aux magistrats exilés de reprendre leurs charges (30 mai 1631). Richelieu n'avait pas voulu pousser les choses à bout, alors que Gaston venait de passer à l'étranger.

Mais la lutte reprit presque aussitôt. Le Ministre tendait à soustraire à la justice ordinaire tous les délits intéressant l'État. C'est ainsi que fut établi à l'Arsenal une commission pour juger les crimes de fausse monnaie et le transport d'argent hors du royaume. Le Parlement n'enregistra l'Édit de création qu'à condition que tous les officiers fussent choisis du corps de la Cour, puis, sur l'ordre du roi d'enregistrer purement et simplement, il demanda que le greffier et le substitut au moins fussent pris dans ce corps. Mais le Roi ne voulut pour juges que des membres du Conseil d'État et du Grand Conseil et des maîtres des requêtes.

Avec les faux monnayeurs, Richelieu déféra à cette Chambre quelques domestiques de Marie de Médicis et de Gaston d'Orléans. Les commissaires étaient gens résolus ; ils firent emprisonner à la Bastille Jean Gillot, lieutenant général du bailli du Palais, bien qu'il ne fust responsable de ses actions qu'en cette Cour, — et citer devant eux le greffier du bailliage du Palais, pour n'avoir pas voulu porter en leur greffe les procédures criminelles faites contre un particulier accusé de fausse monnaie, prisonnier en la Conciergerie du Palais. Ils firent aussi pendre sur le minuit deux faux monnayeurs, contrairement aux ordonnances, qui commandent d'exécuter de jour.

Malgré les menaces du Roi, le Parlement prépara de très humbles remontrances. Louis XIII, qui était parti pour la Lorraine, manda par devers lui quelques présidents et quelques conseillers et, provisoirement, interdit les présidents de la première Chambre des enquêtes Gayant et Barillon, et les conseillers Thélis, Tudert et Lainé, qui s'étaient le plus signalés par leur opposition. Il ne reçut que le 30 janvier [1632] les membres du Parlement arrivés à Metz depuis le 10. Cet État, déclara le garde des sceaux, Châteauneuf, est monarchique : toutes choses y dépendent de la volonté du prince qui établit les juges comme il lui plaît. Le Roi ajouta : Je veux... que les choses qui viennent de mon commandement ne soient point mises en question, mais que chacun y obéisse.

Le premier président Le Jay, quoique bon courtisan, trouvait que le gouvernement allait trop loin. Il demanda la grâce des interdits, remontrant que ce qu'ils avoient fait, ils l'avoient dû faire,... que Louis XI avoit eu regret d'avoir maltraité son Parlement, ce qu'il alléguoit sans faire comparaison des deux rois, sçachant combien Sa Majesté le surpasse, et particulièrement en bonté. — Le Roi changea de visage et fort ému répliqua : Vous n'êtes établis que pour juger entre maitre Pierre et maître Jean... et, si vous continuez vos entreprises, je vous rognerai les ongles de si près qu'il vous en cuira. Le Cardinal avait paru aussi irrité que Louis XIII des paroles du Premier Président. Cependant, cette fois encore, le gouvernement pardonna.

Mais il chercha à humilier l'auguste sénat.

Dans le lit de justice qui fut tenu le 12 août 1632, pour publier une déclaration contre Gaston et ses adhérents, le Garde des sceaux, la lecture finie, monta vers le Roi et ouït sa volonté ; il prit ensuite l'avis des princes du sang et ne vint qu'après consulter les présidents. Le Premier Président lui représenta que la forme qu'il tenoit étoit extraordinaire. A quoi le Garde des Sceaux répliqua que le roi fait ce qu'il lui plaît.

Louis XIII ne le fit que trop voir dans le jugement de Montmorency. En outre, de retour du Languedoc, il déféra au parlement de Paris un de ses membres, Payen, qui avait pris part à la révolte et s'était réfugié à l'étranger. Payen, jugé par défaut, fut banni à perpétuité du royaume et privé de son office de conseiller. Mais, contrairement aux lois et usage ordinaire du royaume, qui veulent que les condamnations rendues par défaut et contumace ne soient exécutoires que cinq ans après avoir été rendues, le Roi prétendait que, dans les crimes de lèse-majesté, l'exécution devait être immédiate. Le Parlement refusa de considérer la charge de Payen comme vacante avant le terme de cinq ans.

Le président De Mesmes, qui avait le plus fortement soutenu cet avis, eut l'ordre de sortir de Paris dans les vingt-quatre heures et d'aller attendre à Blois les commandements de Sa Majesté (23 mars 1633). Le Parlement arrêta de faire très humbles... prières au roi... pour le rétablissement de M. de Mesmes. Les députés furent reçus le 9 avril :

Quand les juges présidiaux, leur dit Louis XIII, manquent à ce qu'ils vous doivent, vous les déclarez criminels de lèse-majesté du Parlement, vous les interdisez de leurs charges. Il faut que vous confessiez que la puissance que j'ai sur vous est beaucoup plus grande que celle que vous avez sur eux. C'est donc à moi à user de mon autorité à votre égard, quand vous vous oubliez de ce que vous me devez.

Le 12, il alla tenir son lit de justice. Le nouveau garde des sceaux, Pierre Séguier déclara qu'en matière de crimes de lèse-majesté la clémence... était inhumaine et qu'il n'était pas raisonnable que des rebelles, réfugiés à l'étranger y possèdent les enseignes de leur magistrature et les noms honorables des offices desquels ils étoient revêtus. Le Premier Président répondit qu'il étoit périlleux de faire de nouvelles introductions en un État, lesquelles bien souvent aboutissent à la subversion des monarchies.

Les Édits furent enregistrés. Le Roi, en sortant, dit au Premier Président qu'il n'avait pas eu agréables ses paroles et qu'il avoit pensé l'interrompre.

La déclaration de guerre à l'Espagne, en 1635, obligea Louis XIII à chercher de nouvelles ressources. Le 20 décembre, il fit enregistrer en un lit de justice un édit portant création de vingt-quatre conseillers et d'un président au Parlement. L'avocat général Bignon lui représenta le préjudice que recevait le Parlement de l'établissement de ces nouveaux offices, mais il conclut que, commandé par la présence du roi, il en requéroit l'enregistrement.

Le gouvernement avait ménagé la Grand'Chambre dont les présidents pouvaient permettre les assemblées générales de toutes les chambres du Parlement ; il avait réparti les conseillers à créer entre les cinq chambres des Enquêtes et les deux chambres des requêtes et n'avait chargé la Grand'Chambre, y compris la Tournelle et la Chambre de l'Édit, que d'un office de président.

Les membres des Enquêtes, plus jeunes que ceux de la Grand'Chambre, étaient toujours les plus ardents à réclamer les assemblées générales, où la résistance s'organisait. Or, cette fois, l'affaire les touchait directement. Ils demandèrent au Premier Président de réunir toutes les chambres.

Le Roi défendit, par lettre de cachet du 26 décembre, au Premier Président et à tous les autres présidents, sous peine d'encourir son indignation, de souffrir aucune assemblée générale. Pour punir les Enquêtes, il renouvela un édit qu'Henri IV avait fait, sans jamais le publier, et leur interdit, comme étant sans expérience, d'assister aux délibérations des édits et autres affaires publiques dont il réservait la connaissance aux conseillers de la Grand'Chambre, personnes expérimentées.

Les conseillers des Enquêtes, très excités, envahirent la Grand'Chambre le 31 décembre ; ils y revinrent, le 2 janvier 1636. Ils ne rendaient pas la justice et empêchaient la Grand'Chambre de la rendre.

Aussi Louis XIII manda devant lui, à Saint-Germain, une délégation du Parlement pour entendre sa volonté de vive voix et cognoistre le mécontentement qu'il avait eu de leur procédé (5 janvier). Le lendemain, il exila quelques conseillers des Enquêtes et le président de la cinquième chambre, Barillon.

Les Enquêtes réclamèrent l'assemblée générale. Le Premier Président refusa. L'agitation s'accrut ; le Roi manda une nouvelle fois, au Louvre, les députés du Parlement. Il ne voulut donner aucune assurance pour le rétablissement des officiers. Je ne capitule point avec mes sujets et mes officiers ; je suis le maitre et veux être obéi. Cependant le Premier Président finit par obtenir quelques concessions. Le nombre des charges à créer fut réduit de 24 à 17, et les bannis furent rappelés (10 mars).

Mais si le Parlement se résignait à enregistrer les créations d'offices, il ne se décidait pas à traiter comme des collègues les nouveaux venus. Comme les magistrats tiraient le meilleur de leurs gages des procès qu'ils rapportaient et jugeaient, les Enquêtes ne confiaient point d'affaires à ces intrus. Un arrêt du Conseil (19 mars 1638) ordonna aux présidents des Enquêtes, sous peine de révocation, de faire pleinement et paisiblement jouir de leurs charges ces officiers de nouvelle création.

A ce moment, le gouvernement retranchait un quartier de rentes de l'Hôtel de Ville. Les rentiers s'ameutèrent et envoyèrent au Chancelier des délégués qui usèrent de paroles insolentes et menaces, même (surtout) à l'égard de Cornuel, intendant des finances et l'un des principaux ministres de la conduite... d'icelles. Trois ou quatre des manifestants furent enfermés à la Bastille.

Le Parlement interdit les attroupements et engagea les rentiers à recourir au prévôt des marchands. Mais les conseillers des Enquêtes demandèrent une assemblée générale pour aviser au paiement des rentes. Ils voulaient savoir d'où venaient les manques et parlaient de réunir à l'Hôtel de Ville des députés de toutes les compagnies souveraines. Ils trouvaient extraordinaire qu'on emprisonnât des gens qui avaient fait quelque bruit en demandant leur bien ; en tout cas, c'était au Parlement à leur faire leur procès, et ils devaient être mis dans une prison ordinaire et non à la Bastille.

Malgré la défense du roi, les Enquêtes se rendirent à la Grand'Chambre (29 mars). Le Premier Président refusa de mettre en discussion l'affaire des rentes. Le président des Enquêtes, Barillon, accusa la Grand'Chambre de rebuter toutes les bonnes propositions qui concernoient le peuple et l'intérêt de la Compagnie. Ses collègues insistèrent pour avoir l'assemblée. Et ainsi se passa la matinée, chacun étant en sa place et ne faisant aucune autre chose que cela. Le lendemain, les Enquêtes recommencèrent.

Le 31 mars 1638, le roi exila les présidents Barillon et Charton et, quelques conseillers des Enquêtes. Il interdit à tous les conseillers de la troisième chambre, sauf aux nouveaux officiers, tout exercice de leurs charges.

La lutte devint encore plus vive dans les dernières années du règne, à mesure que le gouvernement, à court d'argent, devenait plus exigeant. En décembre 1639, il créa seize nouveaux maîtres des requêtes. Le Parlement ayant refusé d'enregistrer l'édit et persisté dans son refus, Lainé, conseiller aux enquêtes, et Scarron, conseiller à la Grand'Chambre, furent exilés dans leurs maisons, et Boivin, maitre des requêtes, mis à la Bastille.

Après une lutte de trois mois, le procureur général Molé alla trouver Richelieu et lui fit agréer une transaction : le nombre des créations fut réduit à 12. Le Parlement vérifia (20 avril 1640). Et le même jour furent signées... des lettres patentes par lesquelles l'interdiction de la troisième chambre était levée, et mainlevée de leurs gages étoit donnée.

Le gouvernement voulait en finir avec cette opposition toujours renaissante. Le 21 février 1641, Louis XIII vint publier dans un lit de justice un Édit qui fixait les droits du Parlement.

Il n'y a rien, disait le préambule, qui conserve et qui maintienne davantage les empires que la puissance du souverain également recognue par ses sujets.... mais comme cette autorité absolue porte les États au plus haut point de leur gloire, aussi lorsqu'elle se trouve affoiblie, on les voit en peu de temps déchoir de leur dignité.

En France même, les désordres de la Ligue, qui doivent être ensevelis dans un éternel oubli, prirent leur naissance et leur accroissement dans le mépris de l'autorité royale. Henri IV releva celle-ci, et la France, qui étoit une image d'horreur et de confusion, devint, par sa vertu, le modèle parfait des monarchies accomplies. A la mort de ce grand prince, les attentats contre la puissance souveraine avaient recommencé. En 1610, la Cour de Parlement de Paris, quoique portée d'un bon mouvement, entreprit, par une action qui n'a point d'exemple et qui blesse les lois fondamentales de cette monarchie, d'ordonner du gouvernement de notre royaume et de notre personne. En 1613, elle s'enhardit jusqu'à censurer l'administration de l'État et demander compte du maniement des affaires publiques. C'est seulement depuis que le pouvoir royal a été rétabli dans son intégrité que la France a repris sa première vigueur. Aussi, pour affermir cet État en la personne de ses successeurs, le Roi avait résolu de régler par de bonnes lois la fonction de tous les Ordres et, par rapport à lui, leur dépendance parfaite. Il commençait par l'administration de la justice, comme la plus importante, afin de faire connaître aux parlements l'usage légitime de l'autorité que les rois leur ont départie.

Il faisait donc très expresses défenses à ses parlements de prendre à l'avenir aucune connaissance des affaires qui peuvent concerner l'État, administration et gouvernement d'icelui, que nous réservons à notre personne seule et de nos successeurs rois, si ce n'est que nous leur en donnions le pouvoir et commandement spécial par nos lettres patentes. Tous autres édits vérifiés en présence du roi séant en son lit de justice seront pleinement exécutés, sauf néanmoins à nosdits officiers à nous faire telles remontrances qu'ils aviseront bonnes être sur l'exécution des dits édits... après lesquelles remontrances nous voulons et entendons qu'ils aient à obéir à nos volontés..., si ainsi leur ordonnons. Les édits et déclarations vérifiés en la forme ordinaire, hors de la présence du roi, seront, quand ils regardent le gouvernement de l'État, enregistrés sans délibération ; mais quand ils concernent les finances, les officiers pourront, s'ils trouvent quelques difficultés en la vérification... nous les représenter, afin que nous y pourvoyions..., sans qu'ils puissent, de leur autorité, y apporter aucune modification ni changement, ni user de ces mots : nous ne devons ni ne pouvons, qui sont injurieux à l'autorité du prince. Les remontrances repoussées, l'enregistrement aura lieu, toutes affaires cessantes, si ce n'est que nous leur permettions de nous faire de secondes remontrances, après lesquelles nous voulons qu'il soit passé outre sans aucun délai.

Pour bien faire connaître que la subsistance des charges ne dépendait que de lui et que la suppression et création était un effet de sa puissance, il supprimait la charge de président aux Enquêtes de Barillon, et celles de conseillers de Scarron, Bitaut, Sévin et Sallo, se réservant de pourvoir à leur remboursement ainsi qu'il le jugerait à propos (Saint-Germain-en-Laye, 1641).

Telles sont les limites mises à l'opposition des parlements. On sera étonné, ce semble, moins de ce que la royauté condamne que de ce qu'elle autorise. La défense de se mêler des affaires d'État est absolue, et encore le roi ne se refuse pas à recourir à l'occasion aux lumières du Parlement. Mais, hors de là, le droit de contrôle est pleinement reconnu, et même, après vérification en présence du roi,  les remontrances sont souffertes. Il n'est pas encore admis qu'après un lit de justice, c'est un crime de délibérer. En matière de finances, la royauté n'est pas encore si sûre de sa certaine science qu'elle ne prévoie des itératives remontrances. Certes, elle se réserve expressément le droit de les autoriser, mais n'était-ce pas une façon d'en reconnaître la légitimité ? Les indications qui ressortent de cet Édit ne correspondent pas à l'idée traditionnelle sur les rapports de Richelieu avec les parlements. C'est que, sous Louis XIII, les actes étaient plus absolus que la doctrine.

 

III. — LES LIBERTÉS PROVINCIALES.

CONFORMÉMENT à ses traditions, la royauté tendait à rendre uniforme la constitution des provinces, comme celle des villes. Le Code Michaud annonçait l'intention de réduire les assemblées et l'administration des Villes dans tout le royaume (article 41.2) à la forme et, manière de celle de notre bonne ville de Paris ou le plus approchant d'icelle qu'il se pourra, ainsi qu'il a été déjà pratiqué en celle de Lyon, Limoges et, autres. Les élections auraient lieu sans brigues ni monopoles, c'est-à-dire sans discussion ni liberté.

La Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, le Dauphiné, la Provence, le Languedoc, avaient conservé leurs États, qui votaient l'impôt et, sauf en Normandie, le répartissaient[4].

Le roi devait, à chaque demande de subsides, engager des négociations. Il ne se montrait pas trop exigeant pour éviter les plaintes, les protestations, les députations solennelles à Paris — et l'éclat de ce mécontentement dans le reste du royaume. Il aimait mieux surcharger les provinces voisines de Paris que de soulever aux extrémités une opposition qui pouvait aller jusqu'à la révolte. Les pays d'États qui, pris dans leur ensemble, formaient le tiers de la France et auraient dû payer le tiers de la taille (44 millions environ sur 43.551.000 livres), n'avaient à leur charge qu'une somme de 4.444.558 livres.

Le gouvernement de Louis XIII, à court d'argent, entreprit de soumettre les pays d'États à la condition du reste du royaume.

La Bourgogne, qui se trouvait sur le passage des troupes, avait dû fournir les étapes nécessaires, pourvoir aux logemens des gens de guerre, souffrir leurs ravages et rançonnemens par ceste seule considération qu'ils estoient employez pour la gloire des armes du roi. Les jetons frappés par les États sont précieux pour l'histoire. Ceux de 1627, en souvenir de l'Assemblée de 1626, représentent au revers un chameau qui plie sous une charge trop lourde, avec la légende : Oneri impar iniquo. L'Assemblée de 1626 s'était plainte aussi que le roi ne convoquât plus régulièrement les États au mois de mai, saison plus commode et légale. Elle avait protesté contre la création à Dijon d'une Cour des Aides, qui augmentait encore le nombre des officiers exempts de la taille.

Les inquiétudes s'accrurent, quand le gouvernement eut résolu d'établir les Élections en Bourgogne. L'Assemblée de 1629 réclama, et, en même temps, elle offrit au roi 1.800.000 livres pour qu'il renonçât à son projet.

Dijon, siège des États, jouissait des plus larges libertés municipales. Elle s'administrait et se gardait elle-même, avait son artillerie, ses milices, et point d'autre garnison que quelques soldats du roi confinés au château. Le maire et les échevins étaient élus par tous les habitants ; ils avaient la justice criminelle et le droit même de condamner à mort. Dans cette ville, se répandit tout à coup le bruit que le gouvernement allait établir les Aides (impôts sur les boissons). Les vignerons, qui occupaient tout un quartier, s'ameutèrent le 28 février. Le lendemain, ter mars, précédés de tambours qui sonnaient l'air populaire de Lanturlu, ils assaillirent la maison du premier président au Parlement et de quelques autres personnes. La municipalité avait d'abord laissé faire, mais quand les bourgeois virent que les séditieux saccageaient et pillaient, ils s'armèrent, et, assistés de la garnison du château, réprimèrent cruellement le désordre.

Richelieu était en Italie. Louis XIII, qui était parti pour le rejoindre, apprit en route la nouvelle de l'émeute. Il entra à Dijon le 27 avril, comme dans une ville conquise, défendant qu'on sonnât les cloches et que la municipalité vint au-devant de lui, mettant ses gardes aux portes, et ordonnant aux vignerons de sortir de la ville comme plus particulièrement indignes de sa veüe à cause de leur crime. Le lendemain, il reçut, sur un haut dais de vingt pieds en quarré, relevé de trois degrés tout autour, les maire, échevins, capitaines, lieutenants et enseignes de la ville, avec une centaine des principaux bourgeois, qui se prosternèrent à genoux à la distance de six pieds du premier degré dudit haut dais. Jacques Fevret, avocat au Parlement, aussi à genoux, demanda grâce pour Dijon.

Le Roi répondit que bien que leur faute fût grande, elle ne serait pas punie avec la rigueur qu'elle méritait.

Le garde des sceaux, Marillac, ajouta que le Roi voulait établir un ordre pour la distribution des charges de la province, et non pas pour les augmenter, et qu'il n'avait jamais pensé à priver la province de l'exemption des Aides. Comme il était naturellement bon et qu'il se souvenait que c'était d'ici que le christianisme était entré en la maison royale (allusion à Clotilde), il abolissait le crime de la dite sédition, défendait à ses officiers d'en connaître, se réservant, toutefois, de punir les principaux exécuteurs des dictes démolitions et embrasemens.

Mais les libertés municipales furent restreintes. Le Corps de ville ne sera plus désormais composé, pour l'expédition des affaires ordinaires, que du maire et de six échevins auxquels se joindront, pour les affaires extraordinaires et plus importantes, vingt-quatre conseillers de ville, anciens maires, échevins et principaux bourgeois. Les échevins seront renouvelables, tous les ans, par moitié, les conseillers de ville, nommés à vie. Les élections de tous ces officiers de ville ne se feront doresnavant par les suffrages particuliers de chacun du peuple, ains seulement par les dits maires, eschevins, vingt-quatre conseillers de ville, deux députez de chacune des trois églises principales de la dicte ville, Saincte-Chapelle, Sainct-Étienne et Sainct-Benigne, deux députez de chacune parroisse, deux de chacune des deux Chambres du Parlement, deux du bureau des thrésoriers de France et deux du bailliage. Le Roi nommait pour cette fois le maire sur une liste de trois noms, et, par son choix, il ferait cognoistre de quelle condition de personnes il juge que cette place doit estre remplie pour en suivre l'exemple à l'advenir. Ainsi, comme à Lyon et à Limoges sous Henri IV, la royauté diminuait le nombre des échevins et réservait presque uniquement le droit de les élire à des conseillers inamovibles et à des fonctionnaires.

L'année suivante (1631), après la journée des Dupes, le Roi repassant par Dijon révoqua les Élections contre un don de 400.000 livres (25 mars).

En Provence, même tentative et même résultat. Après une agitation de plusieurs mois (1630) et des émeutes à Brignolles, à Draguignan, à Grasse et à Aix, la province obtint son pardon, et la suppression des élus, moyennant deux millions de livres (mars 1631 et juillet 1633).

Pendant plusieurs années, le Roi ne réunit pour voter l'impôt que des Assemblées des communautés. En 1639, sous prétexte de montrer l'estime qu'il faisait de tous les Ordres de la province, mais en réalité pour autoriser une plus grosse demande de subsides, il convoqua les États. Les débats furent si violents qu'il n'essaya plus de s'adresser à des assemblées où la noblesse, d'humeur plus indépendante que les procureurs des villes, était représentée. — Et ses successeurs firent comme lui.

Le Dauphiné avait été autrefois pays de taille réelle comme le Languedoc et la Provence, mais les nobles et les magistrats avaient, pendant les guerres de religion, soustrait à la taille leurs terres roturières. Bien qu'un arrêt du conseil de 1602 leur eût donné raison, les communautés, à chaque réunion d'États, faisaient une protestation. Le gouvernement soutenait les privilégiés et pouvait compter sur eux ; il en profita pour diviser la province en Élections comme dans les pays de taille personnelle (1627). Pour prévenir toute opposition, il n'y eut pas de convocation d'États en 1628, et depuis ils ne furent plus réunis.

Pour donner quelque satisfaction au Tiers-État de la province, l'arrêt du 31 mai 1634 déclara les tailles réelles. Mais, le principe proclamé, on déclara exemptes de la taille tant de terres de l'Église, de la noblesse et de la magistrature qu'il ne resta pas certainement un tiers des domaines taillables. Seulement, en cas de vente à des roturiers, ces biens privilégiés devaient être de nouveau assujettis à l'impôt.

Le Languedoc, le plus étendu, le plus riche et le plus peuplé des pays d'États, était divisé en 22 diocèses, circonscriptions à la fois religieuses, administratives et financières. Les État ; répartissaient l'impôt entre les diocèses, les assemblées diocésaines ou assiettes, entre les paroisses et les villes de chaque diocèse.

François Ier et Henri IV avaient déjà essayé d'entamer les privilèges financiers du Languedoc ; Louis XIII recommença. Par lettres datées du camp de La Rochelle du 3 août 1628, il augmenta de 200.000 livres la part du taillon à lever sur le Languedoc. Les États réunis à Pézenas protestèrent contre cette innovation ; le Parlement de Toulouse fit des remontrances.

États et Parlement pouvaient espérer qu'après la soumission des protestants et le rétablissement de la paix intérieure (paix d'Alais, 28 juin 1629), le gouvernement renoncerait à ses entreprises financières. Mais il n'en fut rien. Le roi publia à Nîmes deux édits (14 ou 15 juillet) dont l'un créait un Bureau ou siège d'élection dans chacun des vingt-deux diocèses de la province, dont l'autre réunissait la Cour des Aides et la Chambre des Comptes de Montpellier afin d'opposer au parlement de Toulouse un corps plus considérable d'officiers dociles. La nouvelle Cour à laquelle se joignit le Bureau des Trésoriers de France enregistra les édits sans difficulté (23 juillet 1629).

Les États et le Parlement protestèrent de nouveau. Le roi licencia les États et fit, casser par le Conseil l'arrêt du Parlement.

Le Parlement continua ses remontrances (décembre 1630) et les communautés organisèrent la résistance à l'impôt. Au bout de deux ans, le roi se laissa fléchir ; il promit de réunir les États tous les ans au mois d'octobre et de supprimer les élus (édit de Vandœuvres, 20 septembre 1631). A la place des élus, il serait établi dans chaque diocèse six commissaires royaux qui feraient le département des tailles conjointement avec les agents des États sans qu'il leur fut permis de faire aucunes impositions sans lettres patentes, délibérées et consenties aux États. Les députés s'engagèrent, pour les États, à rembourser le prix des charges d'Élus au traitant Venel qui en avait fait l'avance au gouvernement.

Il s'agissait de faire accepter aux États ce compromis. Ils s'ouvrirent le 12 décembre 1631 et discutèrent longuement avec les commissaires du roi, Robert Miron et D'Émery, l'interprétation de l'accord du 20 septembre. Le Conseil du roi, impatient, ordonna aux Trésoriers de France de distribuer les rôles de l'impôt aux bureaux provisoires des Élus. En réponse, les États écrivirent aux diocèses de refuser les commissions des Élus (mai 1632) et dépêchèrent au roi un courrier pour le prier de rapporter l'arrêt du Conseil. La résistance des diocèses arrêta les opérations des trésoriers et de leurs aides.

Les exigences de D'Émery, l'un des commissaires, aggravèrent les difficultés. Comme il se croyait sûr du gouverneur, Montmorency, il prétendait que les commissaires portassent le nom d'Élus, odieux à la province. A ce moment, Gaston d'Orléans entrait en France avec une armée (13 juin). Montmorency, sollicité de se joindre à lui, pensa profiter de l'irritation de la province. Les États étaient irrités des ruses et moyens du sieur D'Émery pour esluder la grâce accordée par le roi. Le 22 juillet, ils nommèrent une députation pour aller représenter à la Cour les maux de la province et en même temps prièrent Montmorency d'unir inséparablement ses intérêts à ceux dudit pays comme ledit pays s'attache de sa part aux siens. Après ce serment d'assistance mutuelle, ils se séparèrent. Montmorency s'autorisa de ce vote pour lever des troupes. Ce fut tout le secours qu'il eut de la province.

Après la défaite de Castelnaudary, le sort du Languedoc fut réglé par l'édit de Béziers (4 oct. 1632). Comme les États étaient rétablis, et les vingt-deux bureaux d'Élections supprimés, on pourrait croire que la royauté faisait, de bonne grâce, après sa victoire, le sacrifice de ses exigences. Mais elle ne fut pas si généreuse. Les États ne siégeraient plus que quinze jours et voteraient seulement les augmentations de subsides. Le gouvernement fixait cette fois la part contributive de la province aux charges du royaume, et d'un coup, il exigeait trois ou quatre fois plus qu'en 1629, sans compter les quatre millions de livres que le Languedoc dut payer aux traitants. Les Assemblées diocésaines ne dureraient que huit jours et les officiers du roi y seraient les maîtres. Le roi se réserva de désigner les représentants de la noblesse aux États. Mais, enfin, les États continuaient d'exister et, même avec leurs privilèges restreints, ils étaient encore en mesure de résister à l'arbitraire.

On remarquera que les attaques contre les libertés provinciales de la Bourgogne, du Dauphiné, du Languedoc, de la Provence, ont commencé dans ces six ans de ministère où le parti de la Reine-mère était puissant au Conseil, et que les concessions, d'ailleurs vendues fort cher, sont postérieures à la journée des Dupes et émanent de la volonté absolue de Richelieu. Il y a donc lieu de se demander si Richelieu a inspiré ou simplement approuvé cet effort vers l'uniformité, qui était dans la tradition de la monarchie. Absent de la Cour lors des premiers démêlés du gouvernement avec la Bourgogne, il s'étonnait que le Conseil du roi eût refusé la révocation des Élus aux députés des États, qui en offraient 1.800.000 livres. Cette nouvelle, dit-il, l'affligea pour ce qu'il étoit marri qu'en ce temps on se rendît difficile à contenter cette province. Il fait remarquer que, dans cette sédition, le peuple criait sans cesse : Vive le roi, et ne témoignait mauvaise volonté que contre ceux d'entre eux qui, pour avoir ces charges [d'Élus], favorisoient cette nouveauté. Est-ce là le jugement d'un ennemi systématique des pays d'États ?

Sa façon de traiter la Bretagne n'indique pas non plus de parti pris. Sur les réclamations de la province, le Conseil du roi reconnut en 1631 qu'aucun Édit pour levées extraordinaires de deniers et autres innovations ne se pourra faire qu'il n'en ait été communiqué aux États du pays en leurs assemblées. C'est la reconnaissance, en termes un peu vagues, du droit de consentir l'impôt. Les instructions de Richelieu, gouverneur de Bretagne, à son cousin, M. de la Meilleraye, allant, de la part du roy, tenir les Estatz de la province, sont plus significatives encore. La Meilleraye est, dit le Ministre, d'autant plus obligé de s'acquitter avec une satisfaction générale de cette commission, que chacun estimera que ses actions auront, pour principe mes conseils et mes sentimenz.... Il  remettra les Estatz en leur ancienne liberté, permettant à un chacun de ceux qui ont droict d'y assister d'y venir librement pour y donner leur suffrage aux choses qui y seront proposées, sans que directement ou indirectement leur soit donné aucun empeschement.

Il semble donc qu'on s'est mépris sur les sentiments de Richelieu. Pourvu que les provinces payassent et obéissent au roi, il leur laissait leurs institutions, sauf à les forcer à obéir et à payer, en dépit de ces institutions, si la Raison d'État l'exigeait.

 

IV. — LA CENTRALISATION ADMINISTRATIVE.

PAR l'opposition que provoquent les actes du gouvernement, on voit que si les rois au XVIIe siècle sont absolus en fait et en droit, leur autorité trouve, sinon des limites, au moins des obstacles dans les privilèges des classes, des provinces, et de leurs propres officiers. Ils peuvent ce qu'ils veulent, mais ils ont besoin de le vouloir fortement. Les intermédiaires qui transmettent leurs ordres, les grands, les parlements ne sont pas toujours dociles. Le roi n'a pas encore dans toutes les provinces de fonctionnaires qui n'aient d'autres passions que les siennes, d'autres intérêts que les siens. La royauté est absolue, mais le gouvernement n'est pas centralisé. On est surpris de voir combien l'autorité royale au XVIe siècle manque de moyens normaux, réguliers, ordinaires de se faire obéir. Voici, d'après Catherine de Médicis, comment François Pr surveillait les plus lointaines provinces.

Je ne veux pas oublier, écrit-elle à Henri III, à vous dire une chose que faisoit le Roy vostre grand père, qui lui conservoit toutes ses provinces à sa dévotion, c'estoit qu'il avoit le nom de tous ceulx qui estoient de maison dans les provinces ; et autres qui avoient l'autorité parmy les nobles, et du Clergé, des villes et du peuple..., et pour estre adverty de tout ce qui remuoit dedans lesdictes provinces, soit en général ou en particulier, parmy les maisons privées ou villes, ou parmy le Clergé, il mectoit peine d'en contenter parmy toutes les provinces une douzaine, ou plus ou moing, de ceulx qui ont plus de moTen dans le pays : aulx ungs, il donnoit des compagnies de gens d'armes ; aux aultres, quand il vacquoit quelque bénéfice dans le mesure pays, il leur en donnoit, comme aussi des cappitaineries des places de la province et des offices de judicature, à chacun selon sa qualité  Cela les contentoit de telle façon qu'il ne s'y remuoit rien, fust au Clergé ou au reste de la province, tant de la Noblesse que des villes et du peuple, qu'il ne le sceust....

Mais la royauté, après les guerres de religion, ne pouvait plus se contenter de ces procédés primitifs de police et de gouvernement. Dans les provinces éloignées, les nobles maltraitaient et rançonnaient les paysans. L'esprit de corps sévissait dans les parlements et les tribunaux inférieurs avec tous les abus qu'il développe : complaisance, corruption, injustice. Les familles parlementaires n'étaient pas moins dures que les familles nobles aux faibles et aux petits. Mais c'était surtout la puissance et l'indépendance des grands corps judiciaires qui inquiétaient la royauté. De tout temps, elle avait employé, pour contrôler les actes des officiers et informer des désordres, des maîtres des requêtes bien instruits de ses intentions et de ses droits, qui faisaient des chevauchées dans les provinces quand ils n'étaient pas employés au Conseil. L'Ordonnance de Moulins (1566) avait décidé l'organisation et la périodicité d'assises ambulatoires ou, comme on disait, de Grands Jours qui auraient fait le tour du royaume ; elle ordonnait, en attendant, que des maîtres des requêtes fussent envoyés régulièrement dans les provinces.

Ces missions, souvent empêchées par les troubles ou même par la pénurie du trésor, devinrent fréquentes au XVIIe siècle sous un gouvernement affermi. Or les parlements ne voyaient pas de bon œil ces inspecteurs chargés d'informer sur les dénis de justice ou les injustices des tribunaux. Ils prétendirent que les maîtres des requêtes fissent enregistrer leur commission. Mais les maîtres des requêtes ne consentirent pas toujours à laisser contrôler leurs pouvoirs par ceux mêmes qu'ils avaient mission de contrôler. Même, ils ne se bornèrent plus à faire des enquêtes et à saisir le Conseil du roi ou les cours de justice compétentes : ils jugèrent eux-mêmes. Aussi les Notables de 1617 demandent que les maîtres des requêtes ne pourront toutefois juger en dernier ressort à peine de nullité, quelque attribution qui leur en soit faite par les lettres du roi.

En même temps que d'agents d'information, la royauté, en train d'organiser l'administration provinciale, avait besoin d'agents d'exécution. Elle les choisissait un peu partout, parmi les maîtres des requêtes, dans le Conseil d'État, dans les Cours souveraines. Panisse, président de la Chambre des Aides de Montpellier, avait été chargé par Henri II d'organiser la justice en Corse, de rédiger les coutumes et. de les réformer, d'être à la fois l'administrateur, le législateur et le juge suprême de l'île. Henri IV confia au premier président du parlement de Toulouse, Nicolas de Verdun, le soin de démolir les remparts de quelques villes. Du Vair, conseiller au parlement de Paris, fut envoyé à Aix, non seulement pour faire la charge de premier président, mais aussi de Directeur des Estats et affaires de la province de Provence. Quelquefois même un gouverneur était investi de pouvoirs extraordinaires. La royauté empruntait provisoirement aux vieux cadres les éléments d'une organisation nouvelle.

Beaucoup de ces délégués sont qualifiés de commissaires départis, de superintendants ou d'intendants. C'est ce dernier nom qui a prévalu au XVIIe siècle ; il s'applique à ceux qui, conseillers d'État, maures des requêtes, officiers des finances ou de justice, sont investis par le gouvernement central de pouvoirs d'exécution.

Il y a en effet plus qu'une différence de nom entre les maîtres des requêtes en mission et les intendants. Ceux-là font des enquêtes, prennent, s'il est nécessaire, des mesures provisoires, mais laissent aux autorités compétentes les mesures définitives ; ceux-ci règlent, ordonnent, décident définitivement. Le même homme peut être envoyé en mission à la fois comme maître des requêtes et comme intendant, mais alors sa lettre de nomination ou commission distingue les pouvoirs dont il est pourvu en l'une ou l'autre qualité. Celle de Séguier (27 avril 1621) énumère les prééminences, prérogatives et authorités attribuées à son état et office de maître des requêtes ordinaires de l'Hôtel et passe ensuite au plain pouvoir, puissance, authorité, commission et mandement spécial qu'il exercera en qualité et authorité d'intendant de justice.

Richelieu se servit plus encore que les gouvernements précédents de ces délégués extraordinaires. Suivant les besognes auxquelles il les employait, il ajoutait un titre de plus à leur commission ou une commission nouvelle. Au camp devant La Rochelle, Châteauneuf, conseiller d'État, La Thuilerie et D'Estampes, maîtres des requêtes, ont l'administration et intendance de la justice, police et direction des hospitaux de l'armée royale. Après le siège, La Thuilerie, nommé intendant de la police, justice et des finances de la ville et du gouvernement de La Rochelle (16 nov. 1628), est, par une nouvelle commission, investi, dans le ressort de sa charge, de l'intendance du fet de la marine et commerce et droits en dépendants, sous les ordres du cardinal de Richelieu, grand maître et surintendant général de la navigation et commerce de France. Dugué, trésorier général de France au Bureau des finances de Lyon, et D'Ablèges-Maupeou, conseiller d'État et maître des requêtes de l'Hôtel, sont, en HM, à la fois intendants de justice, police, finances, vivres, munitions et magasins de l'armée de Bresse. Les intendants sont les agents universels du pouvoir central : administrateurs des armées, des villes, d'une ou de plusieurs provinces, enquêteurs et juges, représentants du roi et à ce titre tout-puissants.

On a vu leur rôle aux armées. La plupart ont, comme le gouvernement, les allures cassantes. Ils entrent en lutte avec les parlements qui détestent ce pouvoir nouveau et cette juridiction concurrente. Servien, envoyé en 1627 comme intendant de justice et police à Bordeaux, ne fait pas vérifier sa commission par le Parlement ; il juge souverainement des marins rochelais qui, pendant le siège, avaient naufragé sur la côte des Landes. Le Parlement en haine de ce que ledict Servient avait, nonobstant les deffences de ladicte Cour, procédé au jugement desdicts prévenus, ordonne que Servien sera appréhendé au corps. Mais le Roi casse l'arrêt et mande devant lui, au camp, le premier président, Gourgues, le président Pontac, le procureur général, le conseiller rapporteur et le greffier. Gourgues ayant remontré que rien de pareil à la conduite de Servien ne s'était vu jusqu'ici, le Roi changea de visage et le tirant par sa robe : A genoux, petit homme, devant vostre maistre.

Turgot de Saint-Clair, nommé intendant de justice et police en Normandie, ne fit pas non plus vérifier sa commission, osa cent procédures violentes irrégulières et fut décrété de prise de corps par le parlement de Rouen (1631). A l'instigation du présidial, la population d'Amiens s'ameuta contre le maure des requêtes Pommereu, commissaire de Sa Majesté en la province de Picardie, saccagea sa maison et l'obligea à fuir (1628). Le parlement de Paris défendit à Turquant, maitre des requêtes de prendre la qualité de surintendant en la justice et police de Lyon.

Les intendants sont aussi les agents politiques de Richelieu. Ils surveillent les ennemis de l'État ou des ministres, instruisent contre eux, rédigent l'acte d'accusation, siègent dans tous les tribunaux d'exception. Aux armées, ils espionnent et contrecarrent les généraux. Trois d'entre eux ont laissé une réputation légendaire de rigueur. Machaut, intendant en Languedoc de 1629 à 1632, est prompt à pendre. Isaac de Laffemas excelle à instruire un procès politique, à arracher les aveux, à échafauder sur des présomptions une accusation de lèse-majesté. Laubardemont est plus spécialement employé aux affaires où la religion est en jeu ; c'est lui qui a instruit contre Urbain Grandier, curé de Loudun, accusé d'avoir ensorcelé les Ursulines de cette ville.

 Richelieu a tant employé les intendants qu'on a cru longtemps qu'il les avait créés. On citait même un édit de mai 1635, enregistré  au parlement de Paris en décembre 1635, comme l'édit d'institution. C'était l'avoir bien mal lu. Il y est question non des intendants, mais des trésoriers généraux qui, dans chaque généralité formaient un bureau présidé à tour de rôle par les quatre plus anciens d'entre eux. Sous prétexte de remédier à l'inertie de ces corps, qui jugeaient en premier ressort les affaires de voirie et de finances, mais, en réalité, pour se procurer de l'argent, le roi sépara la charge de président de celle de trésorier et créa, pour les vendre, quatre offices de Conseillers intendants, généraux et présidens aux bureaux des finances des généralités. Dans ce long titre, les chercheurs de dates n'ont relevé que le mot secondaire d'intendants. Il n'est pas plus exact que Richelieu ait, en 1633 ou 1637, établi à demeure des intendants dans toutes les provinces ni qu'il ait voulu transformer ces délégués extraordinaires en fonctionnaires réguliers de la Monarchie.

Il n'a pas songé à installer à demeure dans les provinces, comme le fera Louis XIV, des administrateurs, tout-puissants contre les institutions et contre les personnes, mais révocables à la volonté du roi et de ses ministres. Richelieu en est encore à la conception du missus dominicus, chargé d'un rôle de surveillance et de contrôle et qui n'annihilera pas les anciens pouvoirs, mais les suppléera, les excitera et les dénoncera au pouvoir central. Il ne pensait pas autrement, quand il rédigea, la dernière année de son ministère et de sa vie, la partie du Testament politique relative aux intendants.

... Bien qu'il fût à désirer que les compagnies sédentaires qui sont absolu. ment établies pour rendre la justice à un chacun  s'acquittassent si bien de leur devoir, qu'il ne fût pas besoin d'avoir recours à des commissions extraordinaires pour les y maintenir : il est néanmoins si difficile d'espérer ce qu'on doit souhaiter en ce sujet, que j'ose avancer que, pour tenir ce grand État en la police et en la discipline sans laquelle il ne peut être florissant, on ne sçauroit rien faire de plus à propos que d'envoyer de teins en terne dans les Provinces des Chambres de Justice composées de Conseillers d'État et de Maures des Requêtes bien choisis....

Or, parce qu'il est impossible d'envoyer telles Compagnies en même terne dans toutes les provinces , je crois qu'il sera très utile d'envoyer souvent dans les Provinces des Conseillers d'État ou des Maîtres des Requêtes bien choisis, non-seulement pour faire la fonction d'Intendant de Justice d'ans les villes capitales, ce qui peut plus servir à leur vanité qu'a l'utilité du public, mais pour aller, en tous les lieux des Provinces, s'enquérir des mœurs des officiers de Justice et des Finances ; voir si les Impositions se lèvent conformément aux Ordonnances, et si les Receveurs n'y commettent pas d'injustices en vexant les Peuples... ; apprendre comme se gouverne la Noblesse et arrêter le cours de toutes sortes de désordres et spécialement des violences de ceux qui, élans puissans et riches, oppriment les foibles et les pauvres sujets du Roi.

Mais les assises ambulatoires et les chevauchées des intendants et des maures des requêtes ne pouvaient avoir qu'un effet passager. Seuls, des fonctionnaires à demeure étaient capables de poursuivre et d'extirper les abus. II est étonnant que Richelieu ne l'ait pas compris. C'est qu'il songeait avant tout à briser les résistances. Il avait le caractère impérieux et superbe ; il n'admettait pas de volonté qui ne dût s'humilier devant le roi, point de droit qui valût contre la Raison d'État, et quand il rencontrait un opposant, il le supprimait, mais cet homme si rude aux hommes parait, en somme, assez indifférent aux institutions. Pourvu qu'il pût les plier à ses desseins, peu lui importait, semble-t-il, la façon dont elles fonctionnaient. Il n'est donc ni le fondateur, ni le précurseur de la monarchie Louis Quatorziesme. Il n'a pas imaginé ce nouveau gouvernement dont les organes essentiels sont les secrétaires d'État tout-puissants au centre et des intendante sédentaires tout-puissants dans les provinces. Richelieu est un autoritaire, ce n'est pas un novateur.

 

 

 



[1] SOURCES : Lettres du cardinal de Richelieu. Mémoires. Maximes d'État ou Testament politique, 1764. Mercure François, XIV-XVI. [Mayer], Des États généraux et autres assemblées nationales, XVIII. Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, XVI. Mémoires de Mathieu Molé, II, S. H. F. Mémoires d'Orner Talon, Michaud et Pouj., 3e série, VI. Chérin, Abrégé chronologique d'édits, déclarations, règlemens, cirres et lettres-patentes des rois de France... concernant le fait de noblesse, 1788. Honoré Bouche, La Chorographie ou Description de Provence et l'Histoire chronologique du même pays, Aix, 1664, I.

OUVRAGES A CONSULTER : Hanotaux, Histoire du cardinal de Richelieu, I : La jeunesse de Richelieu. La France en 1614. D'Avenel, Richelieu et la monarchie absolue, II. Pierre de Vaissière, Gentilshommes campagnards de l'ancienne France, 2e éd., 1903. P. Batiffol, Au temps de Louis XIII, 1904. Caillet, L'administration en France sous le cardinal de Richelieu, I. E. Glasson, Le Parlement de Paris. Son rôle politique depuis le règne de Charles VII jusqu'à la Révolution, I, 1901. La Cuisine, Histoire du Parlement de Bourgogne, I. Rossignol, Des libertés de la Bourgogne d'après les jetons de ses États, Autun, 1851 (publication de la Société Éduenne). P. Cabasse, Essais historiques sur le Parlement de Provence depuis son origine jusqu'à sa suppression, 1826, II. Hanotaux, Origines de l'institution des Intendants des provinces d'après les documents inédits, 1884. D. Vaissète, Histoire de Languedoc, nouv. éd., XI et XII. Gachon, Les États du Languedoc et l'Édit de Béziers, 1887. Comte de Carné, Les États de Bretagne et l'administration de cette province jusqu'en 1799, I, 1875.

[2] Cette adresse, présentée par le maréchal de La Force, avait été rédigée par Adrien de Monluc, comte de Carmaing, gentilhomme et écrivain de race.

[3] Richelieu blâme même Marillac d'avoir fait passer au parlement de Paris, contre toutes les formes, l'édit ou cahier d'ordonnances compilé par lui. Il s'agit de la grande ordonnance de 162g, la seule œuvre législative importante du règne de Louis XIII, et qui, du nom de son auteur, Michel de Marillac, s'est appelée le Code Michaud. Elle s'inspirait directement des cahiers rédigés par les .tais généraux de 1614 et par les Assemblées des notables de 1617 et de 1626. Comme les grandes ordonnances du XVIe siècle, elle touchait à tout en ses 461 articles : Administration des hospices et police des mendiants, privilèges des Universités, règlement sur l'imprimerie, administration de la justice, droit civil, police du royaume, privilèges de la Noblesse, organisation militaire, règlement des tailles, de la comptabilité, rachat du domaine, organisation de la marine. L'ordonnance fut enregistrée en présence du Roi dans le lit de justice du 15 janvier 162g, et une seconde fois le 29 août 1629, pour venir à bout de la résistance du parlement de Paris. Après la disgrâce de Marillac, ce Parlement ne se crut pas tenu d'observer l'ordonnance, mais les parlements de Pau, Toulouse, Bordeaux, Grenoble, Dijon, et probablement aussi celui de Rouen, la vérifièrent, et par conséquent l'appliquèrent.

[4] Il faut ajouter à ces grandes provinces les petits pays d'États (comté de Foix, Béarn, Bigorre, Nebouzan, etc.), qui appartenaient aux rois de Navarre et avaient été réunis à la couronne per Henri IV et Louis XIII.