HISTOIRE DE FRANCE

 

LIVRE III. — LE MINISTÈRE DE RICHELIEU.

CHAPITRE V. — GUERRE COUVERTE ET NÉGOCIATIONS (1630-1635)[1].

 

 

I. — PROGRAMME DE POLITIQUE EXTÉRIEURE (1629).

JUSQU'À la Journée des Dupes, Richelieu avait été obligé de compter, même en sa politique extérieure, avec une coterie qu'appuyait Marie de Médicis. Maintenant il était le maitre, et, sauf contre-ordre de Louis XIII, libre d'exécuter au dehors le programme qu'il avait, le 13 janvier 1629, exposé devant le Roi et la Reine-mère. La fin de l'action française devait être un dessein perpétuel d'arrêter le cours du progrès d'Espagne, et son unique ambition, contrastant avec l'esprit envahissant de cette nation, de bâtir et s'ouvrir des portes pour entrer dans tous les États de ses voisins et les pouvoir garantir de l'oppression des Espagnols quand les occasions s'en présenteroient. Pour cet effet, il fallait tout d'abord se rendre puissant sur la mer, qui donne entrée à tous les États du monde ; ensuite penser à se fortifier à Metz et s'avancer jusqu'à Strasbourg, s'il étoit possible, pour acquérir une entrée dans l'Allemagne... faire une grande citadelle à Versoix[2] pour se rendre considérable aux Suisses, y avoir une porte ouverte et mettre Genève en état d'être un des dehors de la France ; peut-être aussi acquérir de M. de Longueville la souveraineté de Neufchâtel (en Suisse) ; conserver plus soigneusement que celle de tous autres étrangers l'alliance des Suisses, tant parce qu'ils séparent l'Allemagne de l'Italie que parce que, faisant profession de la guerre, ce n'est pas peu de les acquérir et en priver ses ennemis ; — recouvrer le marquisat de Saluces, soit par accommodement avec le duc de Savoie, soit par conquête ; entretenir trente galères dans la Méditerranée. Et Richelieu ajoutait : Qu'on pourroit encore penser à la Navarre et à la Franche-Comté, comme nous appartenant, étant contiguës à la France et faciles à conquérir toutes fois et quantes que nous n'aurions autre chose à faire ; mais qu'il n'en parloit point, d'autant que ce seroit imprudence d'y penser, si premièrement ce qui étoit ci-dessus n'avoit réussi, parce, en outre, qu'on ne le pouvoit faire sans allumer une guerre ouverte avec Espagne, ce qu'il falloit éviter autant qu'on pourroit.

Richelieu n'indiquait pas, parmi les conquêtes possibles de l'avenir, celles des provinces des Pays-Bas qui, un siècle auparavant, relevaient encore de la Couronne de France. C'était probablement pour ne pas inquiéter l'Angleterre et la Hollande. Sa politique, à la date de 1629, est prudente et veut paraître désintéressée ; elle annonce moins le projet d'annexer des territoires que de refouler la puissance espagnole en Europe et de prendre, contre elle, le patronage et la défense des autres États.

Il n'est pas question non plus, dans ce programme, de l'empereur ; son nom n'est pas même prononcé. Richelieu a l'air de croire que, sans les Habsbourg de Madrid, il serait au mieux avec les Habsbourg de Vienne. C'est une fiction diplomatique, où longtemps il s'est complu. Pourtant ses desseins de 1629, — puisqu'il passe sous silence la conquête des Pays-Bas et ajourne celle de la Franche-Comté, — menaçaient encore plus Ferdinand II que Philippe IV.

Sans doute, la France, établie à Strasbourg, sur le Rhin, barrerait les communications entre le Milanais et les Pays-Bas et nuirait par là aux intérêts communs de la Maison d'Autriche, mais, en se cantonnant en Alsace et en isolant la Lorraine, ne lèserait-elle pas davantage l'Empereur, protecteur des droits de l'Empire, suzerain de la Lorraine et de l'Alsace, et, qui plus est, copropriétaire ou propriétaire en expectative des domaines autrichiens d'Alsace. Aussi bien Louis XIII et Ferdinand II avaient-ils sur cette frontière une vieille et de nouvelles querelles ; et ce n'était pas uniquement par haine de la puissance espagnole, que Richelieu allait s'engager si avant dans les affaires d'Allemagne.

Henri II, allié des protestants d'Allemagne, s'était, en 1552, à leur demande, établi dans Metz, Toul et Verdun, villes d'empire qui n'étaient pas de langue germanique ; et ses successeurs les avaient gardées sans cession formelle. Comme le Concordat de 15i6 n'était pas applicable à ces Trois Évêchés, les évêques, assez indépendants du roi, qui ne les nommait pas, étaient tentés, dans leurs différends avec le souverain de fait, de se réclamer de l'empereur, souverain de droit. Élus le plus souvent par les chapitres parmi les princes lorrains, ils favorisaient leur maison, qui, par exemple à Verdun, par continuelles résignations de l'un à l'autre de ses membres, conservait l'évêché depuis 1508. Quand Richelieu avait voulu faire achever la citadelle de Verdun, projetée en 1585, l'évêque, François de Lorraine, sous prétexte que les fortifications ruinaient plusieurs maisons et lieux dépendants de l'Église, menaça d'excommunication ceux qui travaillaient à la citadelle, et fit afficher ce monitoire à la porte de la grande église (31 décembre 1626). Le substitut du procureur du roi à Verdun fit arracher le monitoire ; l'évêque excommunia le substitut. Alors le président pour le roi aux Trois Évêchés, Charpentier, ordonna que le monitoire et excommunication seront lacérés et brûlés en la place publique de Verdun et l'évêque mené à Paris sous bonne garde (3 février 1627). François de Lorraine se retira à Nancy et de là en Allemagne, où il réussit à intéresser l'Empereur à sa cause.

Ferdinand II, ayant écrit en sa faveur sans succès (15 janvier 1628), fit avancer des troupes vers l'Alsace. Les Espagnols armèrent dans le Luxembourg ; les Impériaux occupèrent Vic et Moyenvic, en Lorraine. Louis XIII put craindre un moment qu'ils n'attaquassent la France (février 1630) ; il rassembla une armée sur la frontière de Champagne.

Il y avait une autre question lorraine. Le duc régnant, Charles IV, à son avènement, avait voulu réunir la Lorraine, fief masculin relevant de l'Empire, et le duché de Bar, fief féminin relevant de la Couronne de France et qui appartenait en propre à sa femme Nicole, fille du feu duc de Lorraine, Henri II († 1624). Tout d'abord, Louis XIII s'était contenté de ne pas approuver l'altération de cette mouvance, mais quand le Duc, irrité que Lebret, intendant de Metz, traitât certaines de ses terres comme des dépendances des Trois Évêchés, se fut embarqué dans le complot de Chalais et les intrigues de Buckingham, Richelieu lui demanda de quel droit il avait pris possession du Barrois et fit saisir sur ses terres l'agent de l'Angleterre, Montagne. En représailles, Charles IV avait donné asile à Gaston d'Orléans, quand il sortit de France (1629).

La Lorraine étant un membre du Saint-Empire, l'Empereur était succès tenu de la protéger. Il y était même grandement intéressé. Ne serait-il pas facile à la France, maîtresse en Lorraine, d'intervenir en Allemagne ?

 

II. — L'EMPEREUR ET L'EMPIRE EN 1639.

EN 1629, Ferdinand II était tout-puissant. Après l'Électeur palatin, il avait battu le roi de Danemark, Christian IV, et l'avait contraint d'abandonner les princes protestants d'Allemagne, ses alliés. Richelieu, depuis son avènement au pouvoir, avait été trop embarrassé d'affaires et trop dépourvu d'argent pour secourir Mansfeld on Christian IV.

L'Empereur, qui avait pour lui les trois Électeurs ecclésiastiques, la Bavière et la Ligue Catholique, n'avait pas contre lui tous les protestants d'Allemagne. Les deux grands États luthériens de l'Est, Brandebourg et Saxe, étaient restés neutres ou même s'étaient déclarés contre ses ennemis.

L'Électeur de Brandebourg, Georges-Guillaume (1619-1640), beau-frère de l'Électeur palatin, était indécis par nature et par nécessité. Ses États étaient dispersés de la Meuse au Niémen, en trois tronçons : le groupe Rhénan entre Rhin et Weser ; les Marches de Brandebourg ; la Prusse Ducale, et il était d'autant plus vulnérable. Le duché de Clèves, les comtés de La Mark et de Ravensberg et la seigneurie de Ravenstein, que le traité de Xanten (1614) lui avait provisoirement assurés, étaient à portée des Pays-Bas espagnols ; son duché de Prusse relevait de la Pologne, où régnait Sigismond III, beau-frère de Ferdinand II. Pour sauver ses États, l'Électeur passait d'une alliance à l'autre, et se faisait l'esclave du premier venu.

L'Électeur de Saxe, Jean-Georges (1611-1656), luthérien ardent, était dévoué aux Habsbourg, par intérêt, par loyalisme et par haine des calvinistes. Il avait aidé Ferdinand II contre les Bohémiens et, pour gage du remboursement de ses frais de guerre, avait obtenu la Lusace.

Ainsi, soutenu par tous les catholiques et par une partie des protestants, l'Empereur était venu facilement à bout de ses ennemis. Un grand seigneur tchèque, Waldstein, lui avait procuré une armée, en offrant, pour solde, à tous ceux qui voudraient s'enrôler, le butin et les contributions de guerre. Ces troupes, formées de recrues de tous pays, et commandées par des chefs allemands, italiens et tchèques, étaient, par la bigarrure et l'indiscipline, bien différentes des contingents allemands de la Ligue Catholique, que commandait Tilly. Sans cesse accrues par la tentation du pillage, l'attrait des aventures et la misère des campagnes, elles dépassaient cent mille hommes. La masse de ces forces était cantonnée dans les États de l'Allemagne du Nord, alliés de Christian IV, et assiégeait sur la Baltique la ville libre de Stralsund ; une partie était allée secourir le roi de Pologne, Sigismond III, en guerre avec les Suédois ; une autre était descendue en Italie ; une autre avait poussé jusqu'en Lorraine et guettait les Trois Évêchés. Elles levaient. indifféremment des contributions sur les protestants et les catholiques et vivaient sur le pays. Grâce à Waldstein, l'Empereur pouvait se passer de l'armée de Tilly.

Dans les premières années de son règne, il n'avait pensé qu'à se défendre. Avec le succès vinrent les ambitions. A la semi-anarchie de 300 États presque souverains, de Diètes générales et Électorales qui faisaient la loi à l'Empereur, de dix cercles qui, au lieu de maintenir l'ordre, fournissaient des cadres à la guerre civile, et d'une Chambre impériale qui, rendant la justice au nom de l'Empire, ne pouvait rien contre les princes puissants, Ferdinand II voulait substituer une autorité impériale plus forte et la juridiction de son Conseil aulique. Il destinait aussi sa puissance au service de l'Église. Il était pieux avec délices et béatement fanatique, d'ailleurs juste et humain, à l'intolérance près. Administrateur exact, époux irréprochable, il avait cette bonhomie qui s'allie souvent chez les Habsbourg d'Autriche avec une politique impitoyable. C'était l'homme des moines et des prêtres. Il suivait les processions, tête nue, une torche à la main ; il accompagnait le Saint-Sacrement jusqu'au logis des malades. Il avait un Conseil de conscience qui, même en matière politique, décidait du juste et de l'injuste. Les Jésuites lui étaient particulièrement chers. Ses conseillers, catholiques ardents, poursuivaient à la fois la restauration du catholicisme et l'extension du pouvoir impérial.

Ils préparèrent contre le protestantisme allemand la grande mesure, recommandée par les Électeurs catholiques et le nonce du pape, Carafa. Les guerres religieuses s'étaient, en Allemagne, terminées par la paix d'Augsbourg (25 sept. 1555), qui laissait aux protestants les couvents, les évêchés, les abbayes dont ils s'étaient emparés avant 1552, mais leur interdisait à l'avenir toute sécularisation nouvelle. Cependant les luthériens, — et même les calvinistes, dont la confession n'avait pas d'existence légale, — continuèrent à s'approprier les terres d'Église. Sous le titre d'administrateurs, des membres des familles princières protestantes s'intronisaient dans les évêchés et les archevêchés et jouissaient des revenus. En Haute et Basse-Saxe seulement, les protestants avaient enlevé aux catholiques deux archevêchés, Magdebourg et Brême ; douze évêchés, Minden, Halberstadt, Verden, Lubeck, Ratzebourg, Meissen, Mersebourg, Naumbourg, Brandebour, Havelberg, Lebus et Camin, et plus de cent vingt abbayes. L'Édit impérial du 6 mars 1629 ordonna la restitution de tous les bénéfices enlevés à l'Église catholique depuis 1552 ; des commissaires impériaux furent chargés de faire exécuter l'Édit ; les armées de Waldstein et de Tilly leur prêtèrent main-forte. DE LA MAISON

Le duc de Wurtemberg, le duc de Holstein-Gottorp, archevêque de Brème, un Brunswick, évêque de Lunebourg, l'Électeur de Brandebourg, l'Électeur de Saxe, beaucoup d'autres princes et de villes impériales furent ou dépouillés ou inquiétés ; l'Électeur de Saxe, à qui l'Empereur voulut bien laisser les trois évêchés de Meissen, Mersebourg et Naumbourg, perdit l'archevêché de Magdebourg, dont son fils cadet, Auguste, venait d'être élu Administrateur par le chapitre protestant. Beaucoup de familles qui, par achat, donation, mariage ou héritage, étaient entrées en possession de biens ecclésiastiques furent contraintes à restitution. L'Empereur ne s'oubliait pas dans le partage des dépouilles. Il fit nommer son fils, l'archiduc Léopold, évêque d'Halberstadt ; il lui donna encore l'archevêché de Magdebourg ; il lui destinait l'archevêché de Brème. Ainsi, par une ligne presque ininterrompue de principautés ecclésiastiques, la maison d'Autriche couperait l'Allemagne du Sud au Nord, comme elle la traversait déjà de l'Est. à l'Ouest par ses possessions le long du Danube, de Vienne à l'Alsace, et la bloquait au Midi par la masse compacte de la Styrie et du Tyrol.

Waldstein ne se contenta pas d'occuper le territoire de l'archevêché de Magdebourg, il voulut mettre garnison dans la ville. Il ne traitait pas mieux les catholiques que les protestants. Il fallait, disait-il, réduire les Électeurs à la condition des grands d'Espagne et faire des princes ecclésiastiques les chapelains de l'Empereur.

Maximilien de Bavière s'irritait des actes de Waldstein et s'inquiétait des projets de Ferdinand II. C'est, du côté des catholiques, le grand homme de la guerre de Trente ans. Catholique, Allemand, Bavarois, dévoué à l'Église, à l'Empire, à son pays et à sa maison, il essaiera, par un jeu très fin de diplomatie, de concilier son devoir, ses passions et son intérêt. Pour avoir, à l'occasion, un appui contre la maison d'Autriche, il ne laissait pas tomber les relations avec la France.

Richelieu, aussitôt après son arrivée au pouvoir, avait envoyé secrètement Fancan lui offrir d'accommoder ses différends avec le Palatin et l'Angleterre, à condition que la Bavière et la Ligue catholique ne prêteraient aucune assistance aux Espagnols. Fancan devait aussi lui faire entendre que l'intention du Roi était d'élever sa personne et sa maison (déc. 1625). Maximilien reçut très mal des avances apportées par un pamphlétaire gallican, au nom d'un gouvernement qui attaquait le pape en Valteline. Il accueillit mieux Marcheville, sans vouloir s'engager. Richelieu voulait réconcilier les catholiques et les protestants d'Allemagne contre la maison d'Autriche ; Maximilien, ruiner les protestants avec l'aide des puissances catholiques. Si Maximilien pensait à cantonner la maison d'Autriche, il entendait tout autrement que Richelieu le rôle d'un tiers-parti catholique allemand.

Les Capucins fournirent quelques-uns des hommes qui poursuivirent avec le plus de zèle la formation d'une ligue catholique destinée à la fois à combattre les protestants d'Allemagne et à maintenir la maison d'Autriche en ses limites. Ces politiques encapuchonnés étaient naturellement beaucoup plus ardents contre les hérétiques que contre l'Empereur. Mais enfin il semble bien que certains d'entre eux aient pensé que le catholicisme pourrait pâtir d'une alliance trop étroite avec les Habsbourg. Des Capucins, le P. Hyacinthe de Casai, le P. Valeriano Magni, le P. Alexandre d'Alais circulèrent entre Munich et Paris. L'Ordre était d'ailleurs représenté, jusque dans l'intimité de Richelieu, par le P. Joseph.

Les Capucins étaient soutenus par le pape, Urbain VIII (un Florentin, de la maison des Barberini) qui, d'abord indigné de l'irrévérence de Richelieu dans l'affaire de la Valteline, s'était retourné contre l'Espagne et l'Empereur, lorsque les Impériaux parurent au delà des Alpes et semblèrent menacer l'indépendance du Saint-Siège et de l'Italie. Le Pape n'osait pas rompre ouvertement ; il donnait de bonnes paroles à l'ambassadeur d'Espagne et allait se vanter à l'ambassadeur de France d'avoir parlé ferme. En tout cas, il ne cessa pas de créer des difficultés aux Habsbourg. Il refusa de condamner les alliances protestantes de la France. Ainsi cessa l'accord qui, sous le pontificat de Grégoire XV, avait uni la papauté et les grandes puissances catholiques contre les hérétiques. Au moment où Ferdinand paraissait si solide, il était miné par la défection du pape et par la rancune de ses alliés.

 

III. — HOLLANDE ET SUÈDE.

DE nouveaux adversaires apparaissaient. Depuis sa rupture avec le Parlement (1630) et son essai de gouvernement personnel, Charles Ier ne comptait plus en Europe. Mais la cause protestante trouva d'autres défenseurs. La Hollande, après deux ans d'hésitations, avait renouvelé son alliance avec la France (17 juin 1630) et consenti à ne traiter ni de paix ni de trêve avec les ennemis communs, sans l'aveu de Louis XIII. Ce traité obligeait les Espagnols à se défendre dans les Pays-Bas au lieu d'intervenir efficacement dans l'Empire.

 A ce moment aussi, Gustave-Adolphe, roi de Suède, entre en scène. C'était le fils et le successeur de Charles de Sudermanie, ce Wasa luthérien, qui avait fait déposer comme catholique son neveu, Sigismond Wasa, et s'était fait élire à sa place sous le nom de Charles IX. Gustave-Adolphe, roi à seize ans (1611), n'avait pas cessé de guerroyer contre les Russes et les Polonais pour s'annexer, après l'Esthonie conquise en 1595 par son père, les autres provinces Baltiques. En 1617, il s'était fait céder l'Ingrie par le tsar, Michel Romanow, et avait fermé aux Russes les approches de la mer.

Avec son cousin Sigismond Wasa, roi élu de Pologne et roi détrôné de Suède, il avait double querelle. Sigismond voulait la couronne de Suède, et Gustave-Adolphe les provinces maritimes, de l'Ingrie à la Poméranie : la Livonie, la Courlande, la Prusse royale, qui appartenaient à la Pologne ; peut-être même la Prusse ducale, qui était un fief polonais, dévolu aux Électeurs de Brandebourg. Gustave-Adolphe prit la Livonie, Malan, capitale de la Courlande, et cantonna ses troupes dans la Prusse ducale. Mais pendant que cette guerre le tenait éloigné de l'Allemagne, Waldstein, créé duc de Mecklembourg, et Amiral de la mer Océane et Baltique, organisait une flotte et assiégeait Stralsund (mai-juillet 1628), où il se proposait d'établir le grand port militaire de l'Empire. Gustave-Adolphe pouvait craindre que la marine des Habsbourg, héritière de la Hanse, dominât sur cette mer dont il voulait faire un lac suédois. Il envoya des secours à Stralsund. Mais il était résolu à n'intervenir lui-même que si ses conquêtes dans les provinces baltiques étaient assurées. Ce fut la France qui le libéra de la guerre polonaise.

Un gentilhomme, Hercule Girard, baron de Charnacé, qui avait voyagé en Russie et en Pologne et avait vu Gustave-Adolphe à l'œuvre, eut occasion, au siège de La Rochelle, de parler à Richelieu de ce nouveau soleil levant, qui, ayant eu guerre avec tous ses voisins, avoit emporté sur eux plusieurs provinces. Richelieu pensa à lui offrir le rôle que Christian IV avait si mal rempli et, pour l'attirer en Allemagne, envoya Charnacé le réconcilier avec Sigismond III. Des difficultés d'étiquette allongèrent les négociations ; le roi de Suède était fier et son chancelier Oxenstiern, peu maniable. Enfin, le 26 septembre 1629, fut conclue à Altmark une trêve de six ans (1629-1633) qui laissait aux Suédois toute la Livonie et plusieurs places de la Prusse, mais les obligeait à restituer Mittau.

En tout le traité, le roi de Suède témoigna un grand courage... faisant paraître la guerre et la paix lui être indifférentes. En réalité, l'Allemagne l'attirait ; il n'était pas insensible à l'oppression et aux plaintes des protestants allemands. Il était en outre convaincu qu'après le Danois surmonté, il ne restoit plus aux aigles impériales que lui à attaquer ; qu'il n'avoit plus qu'à les attendre dans la ville de Stockholm, s'il ne les prévenoit tandis qu'elles suivoient quelque proie en Italie. Ses ressources étaient petites en comparaison de celles de la maison d'Autriche, mais, une partie des princes et États de l'Allemagne étant de son côté, il feroit la guerre aux Allemands par eux-mêmes. Charnacé, qui le rejoignit à Upsal le 21 novembre 1629, ne le décida pas à envoyer une ambassade à Louis XIII, pour le remercier de sa médiation et traiter d'une alliance. Gustave-Adolphe répugnait à quêter des subsides, et il croyait la diplomatie française fort capable de le remercier, quand elle aurait l'occasion de traiter avantageusement avec l'Empereur. Il se garda bien, dans une lettre qu'il remit à Charnacé pour Louis XIII, de faire paroître qu'il eût été le premier à parler de l'alliance avec la France, ni à la désirer.

Charnacé reçut en Danemark (22 janvier 1630) une dépêche de Louis XIII, du 24 décembre, qui lui commandait d'offrir à Gustave-Adolphe un subside annuel de 600.000 livres, à charge, pour le roi de Suède, de maintenir la liberté des princes et des villes allemandes, de forcer le roi d'Espagne à retirer ses troupes de l'Allemagne, d'exiger la démolition de toutes les forteresses bâties dans la Haute et Basse-Allemagne et sur les terres des Grisons. Le roi de Suède s'engagerait encore à n'inquiéter les membres de la Ligue catholique allemande en aucunes choses qui leur appartinssent légitimement, à ne point troubler la Bavière dans la possession de son électorat, à ne pas supprimer l'exercice de la religion catholique dans les villes où il était établi et même à le permettre dans celles où il n'existait pas auparavant.

C'était traiter le roi de Suède en serviteur de la France. Mais Gustave ne voulait ni rompre avec le roi d'Espagne pour l'avantage que ses sujets (suédois) tiroient du commerce de ses États, ni se brouiller avec l'Angleterre en promettant de maintenir l'Électeur de Bavière dans son Électorat, ni s'aliéner les protestants en favorisant le catholicisme. Richelieu prétendait s'aider des alliances protestantes, sans nuire à la cause catholique, et n'employer Gustave-Adolphe que contre la maison d'Autriche. L'effort de la diplomatie française pour accorder la politique et la religion amusait le roi de Suède. La négociation n'aboutit pas.

Gustave-Adolphe était aussi décidé à faire la guerre qu'à ne pas conclure d'alliance inégale. Il avait envoyé de nouveaux soldats à Stralsund, fait occuper l'Île de Rugen (mars 1630). Le 4 juillet, il débarqua à Peenemunde, dans l'île d'Usedom, sur la côte de Poméranie. Avant même tout traité, la France et la Suède étaient intéressées à s'entraider.

 

IV. — LA FRANCE À LA DIÈTE DE RATISBONNE.

L'EMPEREUR avait convoqué les Électeurs de l'Empire à Ratisbonne, pour le mois de juin, espérant leur faire élire son fils, Ferdinand, roi des Romains. Mais les Électeurs avaient de tout autres soucis. Ils se plaignaient des excès commis par les troupes impériales dans les États de l'Empire, catholiques ou protestants. Waldstein ne cessait pas de faire de nouvelles recrues. Il voulait avoir 150.000 hommes, dont il emploierait 50.000 en Italie. Les princes catholiques se demandaient quel dessein l'Empereur ou son général méditait contre la liberté germanique ; ils résolurent de rester armés malgré la conclusion de la paix avec le Danemark. Les protestants, appauvris par l'Édit de restitution, étaient encore plus irrités. Brandebourg, qui se trouvait sous la main de Waldstein, n'osait se plaindre tout haut, mais Saxe, un peu plus à couvert, réclamait le retrait de l'Édit. Sans rompre avec l'Empereur, il recevait la visite de Charnacé et répondait à une lettre où Gustave-Adolphe lui exposait ses griefs contre Ferdinand II.

L'Empereur fit son entrée à Ratisbonne le 19 juin, accompagné de son fils, Ferdinand, roi de Hongrie et de Bohème, et d'une Cour brillante. Les Électeurs ecclésiastiques, Anselme-Casimir d'Ulmstatt, archevêque de Mayence (1629-1647), Ferdinand de Bavière, archevêque de Cologne (1612-1650) et évêque de Liège, Philippe-Christophe de Sötern, archevêque de Trèves (1623-1652) et l'Électeur de Bavière étaient venus. Brandebourg et Saxe, pour marquer leur mécontentement, s'étaient seulement fait représenter. La plupart des États catholiques et l'Angleterre avaient envoyé des ambassadeurs. L'Empereur, le 3 juillet, proposa aux Électeurs d'étudier une réorganisation de l'armée et l'établissement de contributions régulières. Il demanda par quels moyens les Hollandais seraient chassés des terres de l'Empire et les affaires de Mantoue, réglées. Il ne dit pas un mot de l'élection du roi des Romains.

Les Électeurs le prièrent de renvoyer Waldstein, et de nommer, à sa place, un Allemand de nation, État et membre de l'Empire. L'Empereur réunit les membres de son Conseil, qui furent d'avis de sacrifier le général. Le 13 août, il annonça au Collège électoral cette décision ; puis, en septembre, il envoya Werdenberg et Questenberg à Waldstein, alors à Memmingen. Peut-être Waldstein ne se crut-il pas en état de résister ; peut-être prévit-il que les événements forceraient Ferdinand II à le rappeler ; peut-être aussi les conseils des astrologues, dont il vivait entouré, le décidèrent-ils à céder.

 Les représentants de la France étaient arrivés à Ratisbonne, le 29 et le 30 juillet, alors que la disgrâce de Waldstein était déjà résolue. A Brûlart de Léon, ambassadeur en titre et déjà connu par ses missions en Suisse, Richelieu avait adjoint le P. Joseph. C'est une opinion courante, écrivait un autre capucin, le P. Ignace, que quand le cardinal de Richelieu veut faire quelque bon (pour ne pas dire quelque mauvais) tour, il se sert toujours de personnes pieuses et dévotes.

 Le P. Joseph était de ces personnes-là. Richelieu les avait chargés, Brûlart et lui, de régler directement avec l'Empereur cette affaire de la succession de Mantoue, qui se négociait alors sans succès en Italie. Là, ses représentants avaient à traiter avec le duc de Savoie ; avec le chef des Impériaux, Colalto, qui occupait Mantoue ; avec le général espagnol, Spinola, qui assiégeait Casai. Peut-être serait-il plus facile de s'entendre avec l'Empereur ? Le P. Joseph et Brûlart devaient le convaincre des intentions pacifiques du roi de France. Pour faire la paix d'Italie, — mais sans spécifier que ce fût pour cette paix-là seulement[3], — Brûlart avait un pouvoir non limité.

L'Empereur serait probablement flatté de ce recours direct, et, comme l'affaire de Mantoue n'intéressait que son amour-propre, il se prêterait volontiers à un arrangement. Mais on pouvait craindre de réussir trop. Ferdinand n'offrirait-il pas de régler à la fois toutes les difficultés des deux pays, en Lorraine et aux Trois Évêchés, et de conclure une alliance. Les ambassadeurs devaient décliner ce projet de paix générale. ... S'il se fait une bonne paix entre l'Empereur et la France, sur le sujet d'Italie, écrivait Richelieu au P. Joseph (24 août 1630), le roy s'employera volontiers par ses offices, envers le roy de Suède... Mais il se faut bien donner garde d'en rien mettre dans le traité. Les ambassadeurs tacheront aussi d'obtenir l'évacuation de Vic et de Moyenvic.

Richelieu voulait donc lier les mains à l'Empereur et les avoir libres. Il avait hâte d'assurer Mantoue, Venise et les Grisons contre les armées impériales, pour pouvoir agir ailleurs. Mais ce calcul était facile à pénétrer. Les conseillers de l'Empereur ne consentirent à signer qu'une paix générale et une alliance.

Le P. Joseph et Brûlart étaient embarrassés. La paix générale avec l'Empereur risquait de refroidir les Vénitiens et de dégoûter les Hollandais et les Suédois de l'alliance française. Mais, d'autre part, les représentants de Richelieu ne devaient pas laisser croire aux Électeurs catholiques que la France sous main encourageait et poussait le roi de Suède. Le P. Joseph, tout en avouant le défaut de pouvoirs, assura que le Roi n'était pas opposé à la conclusion d'une paix générale. En attendant l'arrivée d'instructions nouvelles, ne pouvait-on régler l'affaire de Mantoue ?

Cependant, Richelieu traitait de la paix d'Italie, en Italie, avec Colalto, chef des Impériaux. L'insistance du Ministre français et du Légat du pape eut, pour premier effet, la conclusion, en Italie, de la trêve de Rivalte (4 septembre 1630).

A Ratisbonne, les négociations continuaient. Sans pouvoirs (du moins ils le déclaraient), les Français acceptaient la paix générale, pour avoir la paix d'Italie avant la prise de Casal que les Espagnols assiégeaient. Ils cherchaient à s'engager le moins possible, mais ils n'osaient rompre. De nouvelles instructions, datées du 5 septembre, ne leur défendaient pas absolument de régler les autres différends, avec le différend italien[4]. Puis, au moment où ils auraient eu le plus besoin d'être dirigés, le silence se fit. Pendant que Louis XIII, à Lyon, était malade à mourir (22-30 septembre), le Cardinal eut bien d'autres soucis, et, quand il put penser aux affaires d'Allemagne, le 8 octobre, il était trop tard ; ses dépêches arrivèrent quatre jours après la conclusion du traité. Brûlart et le P. Joseph, qui avaient attendu deux semaines, sachant le danger du Roi et voulant sauver Casai, signèrent le 13 octobre. Ce jour-là encore, ils firent remarquer aux représentants de l'Empereur qu'ils n'avaient pas de pouvoirs suffisants et risquaient d'être désavoués.

Par le traité de Ratisbonne, le Roi très Chrétien s'obligeait à ne pas offenser directement ou indirectement l'Empereur des Romains ni le Sacré Empire, à n'assister de force ni de conseil les ennemis de l'Empereur et de l'Empire, — sous le bénéfice de la réciprocité. Le duc de Mantoue demandera pardon par écrit à l'Empereur, qui, de grâce et clémence impériale, lui donnera, six semaines après, l'investiture des duchés de Mantoue et de Montferrat. Le duc de Savoie aura Trino et autres places du Montferrat, de la valeur de 18.000 écus de revenu, et le duc de Guastalla, six mille écus de rente en fonds de terre. Les Français et les Impériaux évacueront respectivement les territoires et les places qu'ils occupent, les uns dans le Mantouan et les Grisons, — et les autres dans le Montferrat et le Piémont. Quant aux différends survenus au sujet des Eveschez et citez impériales de Toul, Metz et Verdun, l'Empereur nommera des commissaires pour les examiner. Le duc de Lorraine, qui avait fait des levées en ces derniers troubles, était compris dans cette paix.

Quand Richelieu reçut à Roanne, le 21 octobre, le texte du traité, il montra une indignation sans mesure. Veuillez m'excuser, disait-il à l'ambassadeur vénitien, Contarini, si je ne vous ai point vu plutôt, car je suis plus mort que vivant. De Léon et le Capucin ne pouvaient faire pis qu'ils n'ont fait  Il n'est plus possible de songer à traiter en France, il n'y a plus d'homme pour cet ouvrage. De Léon et le Capucin  ne devaient traiter que des choses d'Italie et ils y ont inclus les affaires de Champagne (lisez Lorraine).... En outre, d'un traité, ils ont fait une alliance entre nous et l'Empereur, alliance honteuse, préjudiciable et fâcheuse pour tous nos amis... Je veux assurément me retirer dans un cloître et me libérer de ces continuels soucis, qui, pour moi, sont autant de peines de mort.

Avait-il vraiment le droit de douter de la diplomatie française ? Les instructions qu'il avait données à ses ambassadeurs étaient vagues et même contradictoires et ne s'accordaient que sur la délivrance de Casal. Le 24 août, il ajournait, après la paix, le règlement de l'affaire de Vic et de Moyenvic ; le 6 octobre, il écrivait à Schomberg que Brûlart avait charge de comprendre Vic et Moyenvic dans le traité ; le 8, dans la dépêche qui arriva trop tard, il défendait à ses représentants d'entrer en conférence sur le sujet de Moyenvic. Il avait repoussé tout d'abord toute alliance avec l'Empereur, puis avait consenti à conclure avec lui une union particulière qui empeschât que luy ny le Roy ne peussent assister les ennemys l'un de l'autre. Il voulait bien promettre, pour complaire aux Électeurs catholiques, de moyenner la paix avec la Suède, et même par écrit, s'il le fallait, mais il aurait voulu que tous ces engagements fussent rédigés en termes assez équivoques pour pouvoir les interpréter au gré de ses intérêts. Or les conseillers impériaux n'avaient pas été dupes ; ils avaient mis en formules claires et précises les protestations pacifiques du P. Joseph et les intentions déclarées de son gouvernement. Et c'est d'avoir été démasqué que Richelieu s'irritait jusqu'au désespoir.

Il se demanda s'il n'annulerait pas le traité, puis se décida à l'admettre à correction. Brûlart de Léon et le P. Joseph reçurent l'ordre de rester à Ratisbonne pour proposer à l'Empereur les changements. Ferdinand II n'était pas disposé à rendre sa parole à Richelieu, quand Gustave-Adolphe était maître de Stettin et campait dans le Mecklembourg. La diète de Ratisbonne avait mal tourné pour lui et sa maison. Il espérait que les Électeurs se déclareraient contre les Hollandais, qui avaient envahi le pays de Clèves, mais ils avaient répondu qu'ils étaient d'avis d'accepter l'offre des Hollandais d'évacuer les territoires d'Empire si les Espagnols en faisaient autant. Il avait réduit l'armée impériale à 40.000 hommes, confié cette armée à Tilly, le général de la Ligue catholique, renvoyé Waldstein. Et la Ligue n'en avait pas moins persisté à entretenir une armée particulière. Au moins l'Empereur comptait-il qu'au prix de tant de concessions la Diète Électorale nommerait son fils roi des Romains. Mais les Électeurs protestants avaient déclaré leur opposition, et le P. Joseph avait, parait-il, savamment travaillé les catholiques. Le capucin, aurait dit Ferdinand, m'a désarmé avec son scapulaire et a mis dans son capuchon six bonnets électoraux.

Richelieu, de son côté, poursuivait l'amendement du traité de Ratisbonne. Il ordonna à Brûlart de suivre l'Empereur à Vienne et fit partir pour l'Italie Servien, conseiller d'État et premier président du parlement de Bordeaux, chargé, avec le maréchal de La Force, de négocier une paix définitive d'Italie en Italie, sans faire aucune chose qui porte ratiffication du traicté de Ratisbonne, et sans rien faire aussy qui porte rupture de la paix et qui puisse faire venir de nouveau aux armes. Ils se rencontrèrent à Chérasco avec le baron de Gallas, commissaire général de l'Empereur et du duc de Savoie, le nonce Pancirole, et le sieur Mazarin, le plus digne et le plus adroit ministre, écrivait Servien, dont Sa Sainteté se pouvait servir. L'Espagne n'y délégua point, comme n'ayant pas pris part au traité du Ratisbonne, mais Gallas s'engagea pour elle à observer tout ce qui seroit convenu. Le 6 avril 1631, un traité fut conclu à Cherasco qui mettait immédiatement le duc de Nevers en possession de Mantouan et du Montferrat, et fixait les dates où les Français sortiraient du Piémont et les Impériaux de la Valteline et des Grisons. Mais, l'investiture n'ayant pas été accordée à temps, les belligérants restèrent en Italie et il fallut débattre un nouveau traité, qui fut conclu le 19 juin.

Cependant Richelieu négociait avec le duc de Savoie, Victor-Amédée, successeur de Charles-Emmanuel. Dans ses Mémoires, il accuse les Espagnols et les Impériaux de nombreuses contraventions au traité et voudrait faire croire qu'il s'entendit secrètement avec Victor-Amédée pour ne pas être surpris. Mais ces mesures de précaution (Richelieu se garde bien de le dire) furent prises avant le traité du 6 avril, dont elles devaient, d'après lui, assurer l'observation. Le 31 mars, six jours avant le premier traité de Cherasco, le duc de Savoie signait deux traités secrets, dont l'un établissait entre la France et la Savoie une alliance offensive et défensive, et lui garantissait la ville de Trino et les autres terres de Montferrat qui lui avaient été cédées par le traité de Ratisbonne ; dont l'autre cédait à perpétuité au roi de France, pour lui permettre de garantir l'Italie de toute oppression, Pignerol et le val de Pérouse avec leurs territoires, nonobstant tout traité fait ou à faire. L'agent du pape, Mazarin, avait été le principal entremetteur de cet accord qui faisait perdre au duc de Savoie sa situation privilégiée de portier des Alpes. Le pape Urbain VIII ne voyait pas d'autre moyen de disputer l'Italie à l'Espagne que d'y introduire la France ; il travaillait pour Richelieu.

Ainsi assurés de rester à Pignerol, les Français s'engagèrent cyniquement le 6 avril à en sortir. Puis, quand le moment fut venu, on joua la comédie. Le 21 septembre, la garnison évacua la place, laissant nombre de soldats cachés dans les casemates. Servien alla à la Cour de Savoie se plaindre que l'Empereur, l'Espagne et le duc lui-même violaient le traité de Cherasco et demanda deux places de sûreté. Victor-Amédée réunit son Conseil, prévint le gouverneur de Milan des exigences de la France, constata que la résistance était impossible. Mazarin s'entremit de nouveau et fit signer au Duc, à Mirafiori, le 19 octobre, un traité, destiné à être rendu public, qui abandonnait Pignerol et le val de Pérouse à la France pour six mois. avec faculté de prolonger le dépôt si les circonstances l'exigeaient. Mais un article secret portait que ces stipulations n'avaient pour objet que de masquer les arrangements territoriaux arrêtés le 31 mars. En effet, le 6 juillet 1632, toujours sous les auspices de Mazarin, fut conclu à Turin un acte secret qui déclarait la cession de Pignerol perpétuelle, donnait Albe à la Savoie et obligeait Louis XIII à payer au duc de Mantoue, à qui Albe appartenait, une indemnité de 494.000 écus.

La France reprenait pied au delà des monts ; elle s'assurait une entrée pour intervenir, à son heure, dans la péninsule et se mettait à portée de sa clientèle italienne. Aussi le Mercure François (probablement Richelieu lui-même) achève en termes enthousiastes le récit des affaires de Mantoue. Ainsy s'est dissipé ce grand orage qui sembloit menacer toute la terre et faisoit mine d'enlever à la France ses lis, à Mantoue ses forteresses, à l'Italie ses franchises, à la noblesse françoise sa gloire, à toute l'Europe sa liberté. Ainsy sont venus et sortis les Allemands et les Espagnols de l'Italie, avec plus de honte que de profit.

 

V. — ACTION PARALLÈLE DE LA FRANCE ET DE LA SUÈDE.

LES événements d'Allemagne obligeaient les Espagnols à laisser faire.

L'occupation de la place forte de Stettin (2 juillet 1630) avait donné à Gustave-Adolphe un point d'appui. Il imposa son alliance au duc de Poméranie, Bogislaw XIV, et promit son assistance aux ducs de Mecklembourg. Ses soldats, habitués au rude climat de la Suède, continuèrent la guerre pendant l'hiver de 1630 et ruinèrent l'armée impériale que commandait Conti. En janvier 1631, Gustave occupait toute la Poméranie, moins Greifswald et Kolberg. Il faisait déjà figure de conquérant et pouvait, sans honte, accepter les subsides de Louis XIII. Le 23 janvier 1631, il signa avec Charnacé, à Bârwald, un traité par lequel il s'engageait, moyennant un million de livres par an, à entretenir en Allemagne, pendant cinq ans, 30.000 fantassins et 6.000 cavaliers, à maintenir le culte catholique dans tous les lieux qu'il occuperait et à respecter, à charge de réciprocité, la neutralité de la Ligue catholique.

Richelieu voulait préserver le catholicisme de l'agression qu'il encourageait contre la maison d'Autriche. Il cherchait à réconcilier les protestants et les catholiques allemands et à les liguer avec le roi de Suède. Mais les villes, les princes, les électeurs, luthériens ou calvinistes, réunis à Leipzig (fév.-avril 1631), et les membres de la Ligue catholique, à Dunkelsbuhl (mai-juin 1631), demandaient les uns le retrait, les autres le maintien de l'Édit de restitution. L'accord entre les Allemands était impossible.

La force des choses rapprocha les protestants des Suédois. Pour secourir Magdebourg que Tilly assiégeait (novembre 1630-mai 1631), Gustave-Adolphe avait dû entrer de force dans le Brandebourg. Mais, après la prise et le sac de la ville, il obtint de l'Électeur (21 juin) le droit de faire passer ses troupes par Custrin. Bernard de Saxe-Weimar, de la branche Ernestine, se déclara pour lui et leva trois régiments. Le landgrave de Hesse-Cassel l'autorisa à garder ses places fortes (22 août 1631). L'Électeur de Saxe lui-même, sommé par Tilly de désarmer, appela à l'aide le roi de Suède, et joignit son armée à la sienne (3 septembre 1631). Le 17 septembre, 47.000 Suédois et Saxons rencontrèrent à Breitenfeld, près de Leipzig, l'armée de Tilly, presque égale en nombre. Les Saxons furent mis en déroute, mais les Suédois gagnèrent la bataille ; ils tuèrent aux Impériaux 10 à 12.000 hommes et leur firent 7.000 prisonniers. Il ne resta à Tilly que 8.000 fantassins et 5.000 cavaliers, la plupart sans armes.

Lea vainqueur pouvait marcher droit sur Vienne et imposer à l'Empereur le retrait de l'Édit de restitution. Mais, la paix faite, les protestants l'auraient cru suffisamment payé d'un remerciement et de quelque argent, et, s'il avait réclamé, se seraient unis aux catholiques pour le renvoyer en Suède. La guerre seule lui promettait gloire et profit. Laissant à l'Électeur de Saxe le soin d'occuper la Silésie et la Bohême, il se dirigea vers le Rhin, le gras et riant pays des Électorats et des principautés ecclésiastiques, où il devait lui sembler plus facile de se substituer à des maîtres viagers et plus agréable de vivre aux dépens de populations catholiques. Le 15 octobre, il entrait à Wurzbourg, siège d'un des plus riches évêchés de l'Allemagne ; il força les bourgeois de Francfort-sur-le-Mein à s'allier à lui, traita avec le landgrave de Hesse-Darmstadt, fit capituler la garnison espagnole que l'Électeur de Mayence avait appelée dans sa capitale (23 déc.), prit Spire, Worms, Mannheim (8 janvier 1632).

Pendant l'hiver qu'il passa à Mayence et à Francfort avec la reine et le chancelier Oxenstiern, Gustave-Adolphe tint une véritable Cour où les princes allemands s'empressèrent, où parurent les ambassadeurs de France, d'Angleterre et les agents des princes catholiques. Il était le mettre de l'Allemagne. Il n'a dit à personne le secret de son ambition, mais on la devine immense. Il entendait garder ses conquêtes du Rhin, tenir le fleuve, donner la main aux Hollandais, qui s'étaient avancés jusqu'à Clèves et Juliers. Il venait de créer un duché de Franconie avec les territoires de l'évêché de Wurzbourg et il avait fait prêter serment aux habitants du pays de lui obéir à lui et à ses successeurs, jusqu'à ce qu'il dit établi une autre organisation. Il refusait avec menaces à Melchior de l'Isle, l'agent français, d'évacuer Mayence, sur la rive gauche du Rhin. Quand l'Empereur lui fit demander la paix, il y mit pour condition qu'il serait élu roi des Romains. Peut-être a-t-il rêvé d'un Empire protestant appuyé sur l'Allemagne du Nord[5].

Le roi de France s'était ému de son apparition sur le Rhin. Lui-même venait d'entrer en Lorraine pour mettre à la raison Charles IV, qui avait rejoint Tilly. Les deux alliés n'étaient séparés que par les Vosges et l'Alsace. Gustave-Adolphe chercha à embarquer Louis XIII en l'attaque de Bourgoigne (Franche-Comté), Luxembourg, Flandres ou Alsace.

Richelieu fut tenté. Dans le Conseil du 6 janvier 1632, il fut question d'attaquer Haguenau et Saverne. Le P. Joseph se prononça contre cette politique belliqueuse. Après une nuit d'insomnie, Richelieu se rallia à son avis. On s'étonnera peut-être qu'il n'ait pas saisi cette occasion de reculer les frontières de la France jusqu'aux limites géographiques de l'ancienne Gaule. Ce n'est ni manque de ressources ni défaut de courage, mais scrupule religieux.

Richelieu n'est pas uniquement un politique. C'est un croyant. Les passages de ses Mémoires et de la Succincte Narration où il se défend d'avoir voulu favoriser les protestants sont nombreux. Il parle de la guerre de Trente ans comme d'une conjuration de l'hérésie qui, par la volonté de Dieu, se retournera contre elle. Il espère que ce siècle verra la fin de l'erreur. Mais il était Français en même temps que catholique et il voyait clairement que la défaite des protestants allemands serait aussi le triomphe de la Maison d'Autriche. Laissant à Dieu le soin d'avancer ou de retarder l'heure du triomphe de la Vérité, il travaillait à maintenir l'honneur du roi et du royaume le plus noble de l'Univers. Pourtant il n'entendait pas sacrifier la religion ; il croyait pouvoir assurer à la fois l'avenir de la France et celui du catholicisme. Il s'obstina, le plus longtemps qu'il put, à concilier ces intérêts contradictoires. Il accepta les alliances protestantes sans les aimer II rêva de se servir du roi de Suède pour rétablir le catholicisme dans les villes d'Allemagne où il était interdit et, en tout cas, lui imposa de le maintenir là où il n'avait pas cessé d'être pratiqué. Il voulait ruiner les Habsbourg et sauver l'Église.

De la poursuite de ce double dessein viennent les contradictions apparentes, les déclarations équivoques et les arrière-pensées de la diplomatie française. Mais l'offre de la Suède obligeait à prendre nettement parti contre le catholicisme. Il aurait fallu abandonner à la Suède les Électeurs ecclésiastiques, la Ligue catholique et la Bavière pour avoir l'Alsace, la Franche-Comté et peut-être la rive gauche du Rhin. Le prix était grand, et, quand on sait l'ambition et le patriotisme de Richelieu, on se représente quel combat durent se livrer l'idée de religion et l'idée de patrie. Le catholicisme et le Saint-Empire furent sauvés ; la politique du P. Joseph prévalut[6]. La guerre, qui aurait pu être terminée par un coup d'éclat, s'éternisa pour la ruine des peuples et la gloire des armées et des diplomates.

On recommença donc à négocier un traité de neutralité entre la Ligue catholique et la Suède, avec l'intention de tirer un bon profit du service rendu. Maximilien n'avait pu se résoudre qu'à l'extrémité à signer un projet de traité (14 déc. 1631), et encore demandait-il au roi de Suède d'évacuer immédiatement les territoires du Rhin. En réponse, Gustave demanda que le duc de Bavière et les membres de la Ligue catholique restituassent aux princes et États protestants tout ce qu'ils avaient usurpé et occupé sur eux depuis l'an 1618. Lui et ses confédérés garderaient leurs conquêtes, Mayence, Wurzbourg, et même Bamberg, qu'il allait attaquer ; il ne rendrait au duc de Bavière que le Bas-Palatinat, moins Spire. Maximilien, désespéré, se retourna vers l'Empereur et donna l'ordre à Tilly de chasser le général suédois Horn, qui venait de s'emparer de Bamberg (12 fév. 1631).

Il y avait des princes, même ecclésiastiques, moins héroïques. Pour échapper aux Suédois, l'Électeur de Trèves se mit, lui et ses États, sous la protection de Louis XIII (9 avril 1632). Il se justifiait de ce recours à un souverain étranger par l'impuissance où étaient l'Empereur et le roi d'Espagne de le défendre — et ordonnait à tous ses sujets et affidez de reconnaître le sérénissime roi de France Louis pour son seigneur assistant.

La France repoussait l'offre que Gustave-Adolphe lui faisait de l'Alsace, mais ne l'autorisait pas à la prendre pour lui. Elle travaillait  à s'assurer les avenues et les passages du Rhin. Elle s'était fait accorder par l'Électeur de Trèves le droit de mettre garnison à Ehrenbreitstein, en face de Coblentz, et à Philippsbourg, sur la rive droite du Rhin. Elle aurait bien voulu avoir Dinan, qui est à l'évêché de Liège, à cause de sa citadelle sur la Meuse. Mais l'Électeur de Cologne, évêque de Liège, voudrait-il la confier au roi pour prix de sa protection ? Surtout il était recommandé aux agents français de traiter la question des places si délicatement qu'il paroisse que le roy n'en face aucune recherche, et que les Électeurs les lui offrent d'eux-mêmes.

 Les Français s'établissaient en Lorraine. Par le traité de Vic (6 janvier 1632), ils avaient eu la place forte de Marsal ; par le traité de Liverdun (26 juin), Stenay et Jametz et, contre paiement, Clermont. Ils guettaient Nancy.

Cependant Gustave-Adolphe avait marché contre Maximilien. Il passa le Danube, força le passage du Lech, que Tilly défendait (15 avril 1632), et dévasta la Bavière. Le résident français à Munich, Saint-Étienne, alla le trouver à son camp devant Ingolstadt et le pria d'épargner le Duc. Le Roi répondit que Maximilien était son ennemi et l'avait provoqué. Saint-Étienne menaça ; il déclara que son maître, le roi de France, viendrait au secours de l'Électeur avec 40.000 hommes Gustave répliqua qu'il était mieux instruit des sentiments de Louis XIII que son représentant, qu'au reste il lui importait peu d'avoir les Français pour ennemis et qu'il saurait au besoin se défendre. Saint-Étienne avait agi de lui-même, mais Louis XIII et Richelieu commençaient à s'inquiéter des succès de la Suède. A la nouvelle de la victoire du Lech, le roi de France aurait dit à l'ambassadeur de Venise qu'il était grand temps de mettre un terme aux progrès du Goth. En tout cas, il avait cessé de lui payer des subsides.

Waldstein, rappelé par l'Empereur après Breitenfeld, avait levé une armée de 60.000 hommes, enlevé Prague et contraint les Saxons à évacuer la Bohême. Il marcha au secours de Maximilien, mais ne put ni forcer ni affamer Gustave-Adolphe retranché avec 20.000 hommes sous les murs de Nuremberg (juillet-sept. 1632). Il se tourna contre la Saxe. Gustave-Adolphe le suivit, l'attaqua à Lutzen, le vainquit et fut tué (16 nov. 1632). Il disparaissait au moment d'attaquer la maison d'Autriche, à qui jusque-là il n'avait porté que des coups indirects.

 

VI. — ALLIANCES DE LA FRANCE EN ALLEMAGNE.

SI le roy de Suède eust attendu six mois à mourir, écrit, le 15 décembre, Richelieu à Louis XIII, il y a apparence que les affaires de Votre Majesté en eussent été plus asseurées. Pourtant il ne pensait pas que la mauvaise volonté des ennemis fût beaucoup à craindre, si les Hollandais ne traitaient pas avec les Espagnols. A quoi il ne voyait pas grande apparence. La première chose, ajoutait-il, à laquelle le Roi devoit tendre était de tâcher à faire par argent, quoi qu'il lui en pût coûter, continuer la guerre en Allemagne et en Hollande, sans être obligé de se mettre ouvertement de la partie. Si la paix se faisait entre les Hollandais et les Espagnols, entre les Impériaux et les protestants d'Allemagne, il fallait que le Roi y fût compris, pour ne pas rester seul exposé à la vengeance de l'Empereur et de l'Espagne. Plutôt que de laisser conclure une trêve ou une paix dont il serait exclu, ne lui serait-il pas plus avantageux d'entrer en rupture avec la maison d'Autriche, conjointement avec les protestants d'Allemagne et les Hollandais ?

Pour retenir les protestants dans l'alliance de la France, Manassès du Pas, marquis de Feuquières, gouverneur de Verdun et cousin du P. Joseph, fut envoyé en Allemagne. Il devait exhorter instamment l'Électeur de Saxe à prendre la direction de la guerre et à se concerter avec Oxenstiern, à ne faire ni paix ni traité sans le consentement de a France. Il dirait à Oxenstiern que le Roi n'épargnerait rien pour défendre les Suédois et les protestants confédérés contre la maison d'Autriche et que, même, pour le bien commun, il ne refuseroit pas de se charger de la garde de quelques places avec charge de les rendre par la paix. Les places qui conviendraient le mieux à la France étoient Benfeld, Haguenau, Schlestadt et Brisach, s'il étoit pris, et autres principaux lieux de l'Alsace au-deçà du Rhin ; Trarbach sur la Moselle et Kreutznach.

En même temps, Louis XIII chargeait Saint-Étienne d'exciter le duc de Bavière à entrer en une bonne intelligence avec les Électeurs de Saxe et de Brandebourg.

Feuquières n'alla pas d'abord jusqu'en Saxe ; il fut retenu au passage par Oxenstiern. Malgré ses instructions, il se laissa convaincre que le Chancelier, qui avait plus de courage et de conduite, devait être préféré au Saxon ivrogne, brutal, haï et méprisé de ses sujets et des étrangers.

Les quatre cercles de l'Ouest (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Souabe, Franconie), qu'Oxenstiern avait réunis à Heilbronn, furent du même avis. Le 13 avril 1633, ils signèrent avec la Suède un traité d'alliance pour la défense de la liberté germanique, le rétablissement des princes dépouillés et le maintien de la paix de religion. La direction des affaires était confiée au chancelier Oxenstiern, assisté d'un conseil nommé par les cercles. Les Suédois recevraient à la paix générale une satisfaction convenable et, en attendant, ils garderaient leurs conquêtes.

Oxenstiern convoqua alors à Francfort une assemblée générale des princes protestants (août 1633). L'Électeur de Saxe n'y députa point, mais il y vint des membres des cercles de Haute et Basse-Saxe, qui approuvèrent les décisions de l'assemblée d'Heilbronn. Ni à Heilbronn ni à Francfort, Feuquières n'osa parler de la cession des places de la rive gauche du Rhin.

Une alliance fut conclue entre Louis XIII, la jeune reine de Suède, Christine, et, les cercles (Francfort, 5 sept. 1633). Par acquit de conscience, à ce qu'il semble, après avoir constaté que le duc de Bavière et la Ligue catholique avaient rejeté jusqu'à présent la faculté qu'on leur laissait d'être neutres, le Roi se réservait le droit de porter le duc de Bavière et la Ligue catholique à quelque traité de neutralité, alliance ou autre, mais la reine de Suède et ses alliés restaient libres de régler sur cette affaire ce que bon leur semblera, selon l'usage et la raison des temps. Feuquières, ayant poursuivi son voyage, n'avait pu décider les Électeurs de Saxe et de Brandebourg à adhérer à l'Union d'Heilbronn (mai et juin 1633).

Pendant le séjour que Feuquières fit à Dresde, un émigré tchèque, le comte Kinski, beau-frère de Terzka, qui était l'un des confidents de Waldstein, lui parla comme de lui-même de l'accommodement de Fridland (Waldstein, duc de Friedland) avec les princes et États de l'Union, si on le vouloit assister à se faire roi de Bohême.

Waldstein, après Lutzen, s'était retiré en Bohème pour y réorganiser son armée et, profiter du désaccord des Suédois et des Saxons. Il avait repris, en 1633, la Silésie et la Lusace et menaçait les bords de la Baltique. Mais il était las de la guerre, contrecarré à Vienne par le comte de Schlick, président du Conseil de guerre, son ennemi, et par l'ambassadeur d'Espagne, Oñate, qui voulait faire entrer en Allemagne une armée espagnole et la soustraire à ses ordres. Il s'attendait à une nouvelle révocation et cherchait à traiter avec la Suède, la Saxe et le Brandebourg. Pourvu qu'on lui assurât l'Électorat palatin, en compensation du duché du Mecklembourg, il consentait à donner une satisfaction territoriale à la Suède et à faire rapporter l'Édit de restitution. Il sonda aussi la France. Richelieu, qui n'avoue pas volontiers les projets qui ont mal tourné, voudrait faire croire qu'il s'est contenté d'écouter les avances du condottière. Le dit sieur de Feuquières ne désapprouva pas cette proposition, mais ne s'y engagea pas aussi. En réalité, Richelieu offrit à Waldstein, s'il marchait contre l'Empereur, de lui verser un subside annuel d'un million et de le reconnaître comme roi de Bohême. Peut-être signa-t-il avec lui un traité en janvier 1634[7].

Pendant ces pourparlers, une armée allemande et suédoise, commandée par Bernard de Saxe-Weimar et le maréchal suédois Horn, ravageait la Bavière. Bernard de Saxe-Weimar prit Ratisbonne (14 nov. 1633) et, malgré les appels de Maximilien de Bavière et les ordres de la Cour de Vienne, Waldstein, arrivé trop tard pour sauver la ville, ne poursuivit pas l'ennemi. Désormais suspect, il pressa ses négociations avec la Saxe et avec la Suède. Alors l'Empereur publia et déclara le général coupable de haute trahison et le priva de son commandement (18 février 1634). Waldstein fut assassiné à Egra où il s'était réfugié (25 fév. 1634).

Il n'est pas facile de dire s'il méditait de s'agrandir aux dépens de la maison d'Autriche ou se proposait simplement de lui imposer la paix ; c'est un des problèmes de l'histoire[8]. Richelieu parle de cette mort comme d'un prodigieux exemple ou de la méconnaissance d'un serviteur ou de la cruauté d'un maître, sans se prononcer. Il ajoute (et l'on sent qu'il fait un retour sur lui-même) : ... Si un maitre a peine à trouver un serviteur à qui il se doive confier entièrement, un bon serviteur en a d'autant davantage de se fier totalement en son maître, qu'il a près de lui mille envieux de sa gloire et autant d'ennemis qu'il a faits pour son service... ; que l'esprit d'un prince est jaloux, méfiant et crédule.

Richelieu s'indemnisa aux dépens de Charles IV de Lorraine. A ce prince toujours turbulent, il avait imposé les traités de Charmes (6-20 sept. 1633), qui l'autorisaient à mettre une garnison française dans Nancy jusqu'à la pacification des troubles d'Allemagne. Le Duc s'engageait aussi à livrer dans trois mois sa sœur Marguerite, qui, pendant les négociations, s'échappa de Nancy (4 sept.) et rejoignit à Bruxelles, son mari, Gaston d'Orléans (1633). Le roi en profita pour se faire donner la petite ville de Sierck, sur la Moselle, entre Trèves et Thionville.

On a vu qu'en même temps il poursuivait le Duc judiciairement comme coupable de rapt sur la personne de Gaston (2 janvier 1634). Plutôt que de livrer les pièces, nécessaires pour la preuve de l'action que Sa Majesté a fait intenter en son Parlement, Charles IV aima mieux s'enfuir et abdiquer en faveur de son frère le Cardinal Nicolas-François, évêque de Toul (19 janvier 1634).

Richelieu ne réussit pas mieux à obtenir du nouveau duc des éclaircissements sur le mariage de Gaston. Alors il résolut de faire venir à Paris la femme de Charles IV, Nicole, et Claude, sœur de Nicole, pour les opposer à Charles IV et à son frère. S'il pouvait établir que la Lorraine n'était pas un fief masculin, ces deux filles du feu duc Henri H étaient héritières légitimes. Charles IV avait épousé sa cousine Nicole pour couper court aux contestations. Le cardinal Nicolas-François, poursuivi dans Lunéville par l'armée du maréchal de La Force, se décida aussi à épouser sa cousine Claude. Il se donna, comme évêque de Toul, les dispenses de ban, résigna son évêché et se maria sur l'heure (17 fév. 1634). La Force, arrivé trop tard pour empêcher l'événement, fit conduire les nouveaux époux à Nancy. Mais le Duc et sa femme parvinrent aussi à s'enfuir (1er avril 1634). La Force occupa les places de la Lorraine : Bitche (18 mai) et La Mothe (28 juillet), qui se défendit longtemps.

Sans déclarer la guerre, les Français se glissaient jusqu'au Rhin. Ils prirent sous leur protection la ville de Montbéliard, qui appartenait au duc de Wurtemberg, l'abbaye de Lure (en Franche-Comté) et l'évêque de Bâle. Ils faillirent occuper Kaiserswerth (sur le Rhin), Pyrmont et Dortmund (en Westphalie), que l'Électeur de Cologne avait promis de leur ouvrir, si les corporations de Cologne ameutées ne l'avaient forcé de se dédire (déc. 1633).

Des trois places que l'Électeur de Trêves leur avait remises en garde, Coblentz, Ehrenbreitstein, Philippsbourg, il ne leur manquait que la dernière, où le gouverneur avait refusé de les recevoir. Ils la réclamaient maintenant aux Suédois, qui l'avaient prise après un siège de plusieurs mois (13 janvier 1634), et, à défaut, acceptaient en échange Benfeld, Colmar et Schlestadt en Alsace. Feuquières porta ces demandes aux princes de l'Union d'Heilbronn qu'Oxenstiern avait réunis à Francfort (11 mars 1634). Il y eut de l'opposition. Le Landgrave de Hesse-Cassel , Guillaume V , le margrave de Bade-Dourlach, le Duc des Deux-Ponts, etc., décidèrent l'Assemblée à accorder à la France le droit de mettre en garnison dans Philippsbourg, jusqu'à la paix générale, six compagnies françaises et quatre compagnies allemandes (26 août 1634). Oxenstiern, moins heureux, ne réussit pas à faire attribuer à la Suède l'expectative de la Poméranie.

 

VII. — DÉCLARATION DE GUERRE À L'ESPAGNE.

CEPENDANT l'ancienne armée de Waldstein, sous les ordres du roi de Hongrie, fils de l'Empereur, avait marché en Bavière au secours de Maximilien et occupé Ratisbonne et Donauwerth (16 août). Elle assiégeait Nordlingen, défendu par une garnison suédoise, quand elle fut rejointe par une armée espagnole que le Cardinal Infant, Don Fernando, frère de Philippe 1V, menait du Milanais dans son gouvernement des Pays-Bas. Avec les renforts qu'avait amenés Charles IV de Lorraine, les forces hispano-impériales montaient à 50.000 hommes. Le maréchal Horn et Bernard de Saxe-Weimar, qui voulurent débloquer Nordlingen, n'en avaient que 36.000 ; ils furent complètement battus (5 et 6 sept. 1634). Bernard fut blessé, Horn, pris avec trois généraux, quarante officiers généraux et trois mille hommes ; Nordlingen capitula ; le duc de Wurtemberg s'enfuit en Alsace. Le roi de Hongrie entra dans Stuttgart (21 septembre). Sa cavalerie légère courut jusqu'aux portes de Francfort. Il reprit Wurzbourg dans la vallée du Mein et ne laissa aux Suédois que les places d'Heidelberg et de Mannheim. Les Électeurs de Mayence et de Cologne se mirent sous sa protection.

A Francfort, le désastre avait hâté les résolutions. Les membres des deux cercles de Saxe qui s'étaient fait représenter à cette assemblée formèrent une union, qui, comme celle des quatre autres cercles, accepta la direction de la Suède. L'armée fut, portée à 80.000 hommes ; et Bernard de Saxe-Weimar (13 mars 1635) en fut, l'année suivante, nommé général en chef. L'assemblée fut close le 13 septembre.

Les confédérés et Oxenstiern députèrent en France pour engager le roi à se déclarer ouvertement. Mais Richelieu trouvait plus avantageux de continuer la guerre couverte. Le traité signé à Paris, le 1er novembre 1634, portait (article XIV) que le roi, avant de rompre avec les ennemis communs, voulait être assuré que les Électeurs de Saxe et, de Brandebourg et les autres princes et États de la Haute et Basse-Saxe ne traiteraient avec les ennemis communs que d'accord avec lui et ses confédérés. C'était une échappatoire commode, puisque l'Électeur de Saxe avait, dès le 12 juin, engagé avec l'Empereur à Leimeritz des négociations, qu'on savait en bon train.

En cas de rupture, le roi promettait de payer jusqu'à la paix 12.000 hommes de pied qui seraient employés au mieux des intérêts de la cause commune par le Conseil de Direction de l'Union — et, en outre, d'entretenir en deçà du Rhin une armée considérable contre les ennemis communs.

Sous la dite condition de rupture, les confédérés consentent dès à présent... que le... païs d'Alsace au dela (rive gauche) du Rhin soit  mis en depost et en la protection de Sa Majesté avec les places et villes qui en dépendent, et spécialement Benfeld et Scelestadt (Schlestadt). Le roi pourra avoir aussi Brissac (Brisach) et autres lieux circonvoisins sur le Rhin de là vers Constance. Il aura libre passage par le pont de Kehl, la garde du dit pont demeurant toujours à ceux de la ville de Strasbourg.

Tout le profit du traité était pour la France, libre de déclarer la guerre à son heure et payée d'un secours conditionnel d'argent et d'hommes par le droit d'occuper l'Alsace. Les confédérés encore épouvantés de Nordlingen ratifièrent, mais Oxenstiern, au nom de la Couronne de Suède, refusa sa signature. Il envoya à Paris un de ses agents, le savant jurisconsulte hollandais Grotius, négocier un nouvel accord.

Richelieu repoussa d'abord toute modification. Mais les événements d'Allemagne l'obligèrent à se montrer conciliant. Arnauld, colonel des Carabins, laissa prendre Philippsbourg, dont il était gouverneur (23-24 janvier 1635). Sierck capitula le 3 mars. Les Espagnols surprirent dans Trèves l'archevêque Électeur (28 mars), et le menèrent prisonnier à Gand.

Un fait bien plus alarmant, c'était la réconciliation de l'Empereur avec la plupart de ses ennemis. Ferdinand II s'était enfin décidé à rapporter l'Édit de restitution. Le 30 mai 1635, il signait avec l'Électeur de Saxe et le landgrave de Hesse-Darmstadt un traité qui laissait ou restituait aux protestants pour une durée de quarante ans tous les biens ecclésiastiques sécularisés jusqu'en 1627. En 1675, la question de propriété serait réglée à l'amiable ou tranchée par les voies de droit. Toute sécularisation était à l'avenir interdite ; le réservat ecclésiastique était de nouveau confirmé.

L'Électeur obtenait à titre héréditaire le margraviat de Lusace. Maximilien de Bavière gardait le Haut-Palatinat et la dignité électorale. Le duc de Lorraine serait remis en possession de sa principauté, dans les limites qu'elle avait en 1630. Les ducs de Mecklembourg et les autres princes dépouillés recouvreraient leurs États, sauf quelques rebelles de marque : le margrave de Bade-Dourlach, le jeune duc de Wurtemberg, le Comte palatin, Jean des Deux-Ponts, tuteur des enfants du Palatin. Bernard aurait sa grâce s'il se joignait à l'Empereur avec son armée.

 En dehors des exclus, le traité était ouvert à tous les princes allemands ou étrangers, à condition de contribuer à l'entretien de l'armée destinée à le faire respecter.

Les concessions de l'Empereur lui ramenèrent presque tous les princes protestants. L'Électeur de Brandebourg, les ducs de Saxe-Weimar, sauf Bernard, la maison d'Anhalt, les ducs de Brunswick, les ducs de Mecklembourg et les princes du cercle de Basse-Saxe, plusieurs villes, Francfort, Nuremberg, Strasbourg, firent leur soumission. Parmi les princes puissants de la Basse-Allemagne, il n'y eut que le landgrave de Hesse-Cassel qui persista dans l'alliance de la Suède et de la France.

Aussitôt que la paix entre l'Électeur de Saxe et l'Empereur fut certaine, Richelieu sentit la nécessité de se déclarer. Si la France n'intervenait pas, la Suède était perdue ; si la Suède et la Hollande traitaient, la France resterait seule contre l'Espagne et l'Empereur. Quand Oxenstiern vint à Compiègne, en avril 1635, il n'eut aucune peine à faire accepter un nouveau traité (28 avril 1635). Le roi de France et la reine de Suède, engagez en guerre contre la maison d'Autriche, se promettaient de ne jamais faire ni paix, ni trêve, ni cession de places sans en être d'accord ; le libre exercice du culte serait établi en Allemagne tel qu'il existait en 1618 et les ecclésiastiques y jouiraient librement de leurs biens. La France garantissait à la Suède l'archevêché de Mayence et l'évêché de Worms. Ce traité était un succès pour Oxenstiern, qui gardait Benfeld, obtenait pour la Suède un électorat ecclésiastique, et obligeait Richelieu à désavouer l'œuvre de restauration catholique opérée en Bohême par Ferdinand II[9]. Le Cardinal, qui, au début, ne s'était engagé qu'à moitié dans les alliances protestantes, était pris dans l'engrenage et forcé d'y passer tout entier.

Cependant Richelieu ne jugea pas encore à propos de se découvrir tout à fait et, pour laisser le champ libre aux négociations et aux intrigues, il distingua entre ses ennemis. Le 19 mai, un héraut d'armes arriva à Bruxelles et, de la part de Louis XIII, déclara solennellement la guerre au Cardinal Infant et au roi d'Espagne.

 

 

 



[1] SOURCES : Aubery, Mémoires pour servir à l'histoire du Cardinal Duc de Richelieu, 1660, I, et additions du t. II. Lettres du cardinal de Richelieu, III-V. Mémoires de Richelieu, Mich. et Pouj., VII et VIII. Testament politique, 1764, 1re partie. Mercure François, XIV-XX. Frédéric Léonard, Recueil des Traitez de Paix, de Trêve, de Neutralité, 1693, III, IV et V, 1693. Du Mont, Corps diplomatique, V, 2e partie et VI, 1re partie. Charles Bernard, Histoire du roy Louis XIII, 1646. [Claude Malingre], Histoire générale des guerres et mouvemens arrivez en divers estats du monde sous le règne auguste de Louys XIII roy de France et de Navarre, 1647, III. Lettres et négociations du marquis de Feuquières, ambassadeur extraordinaire du roi en Allemagne en 1633 et 1634, I et II, 1753. Mémoires de Nicolas Goulas, gentilhomme ordinaire de la chambre du duc d'Orléans, I, S. H. F. Vittorio Siri, Memorie recondite, 1679, VII et VIII.

OUVRAGES A CONSULTER : Le Vassor, Histoire de Louis XIII, 1757, III et IV. Le P. Griffet, Histoire du règne de Louis XIII, roi de France et de Navarre, 1758, I et II, et les pièces publiées en appendice au t. III. Leopold von Ranke, Französische Geschichte, vornehmlich im sechzehnten und siebzehnten Jahrhundert, t. IX des œuvres complètes, Leipzig, 1876. Voir le t. III de la trad. française par Porehat, 1856. D'Haussonville, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, I et II, 2e éd., 1860. Victor Cousin, Madame de Chevreuse, 2e éd., 1862. A. Waddington, La République des Provinces-Unies, la France et les Pays-Bas espagnols, I (1630-1642), 1895. G. Fagniez, Le P. Joseph et Richelieu, I et II, 18e. Friedrich von Hurler, Geschichte Kaiser Ferdinands II, t. III, Schaffhouse, 1861. Dr Wilhelm Schreiber, Maximilian I der Katholische, Kurfitrst von Bayern, 1868. K. Lorenz, Die politische Parteibildung in Deutschland bel beginn des Dreissigjährigen Krieges im Spiegel der Konfessionnellen Polemik, Munich, 1908. Gregorovius, Urban VIII im Widersprusch zu Spanien und dem Kaiser, 187g. Domenico Carutti, Storia della diplomazia della corte di Savoie, II, 1876. Ricotti, Storia della monarchie piemontese, V. 1869. Schäfer, Geschichte von Dänemark (Coll. Heeren, Ukert, Lamprecbt, Geschichte der europäischen Staaten), V (1559-1648), 1903. Gfrörer, Geschichte Gustav Adolfs, 1863. Droysen, Gustav Adolf, Leipzig, I et II, 1869-1870. A. Küsel, Der Heilbronner Convent, 1878. Charvériat, Histoire de la guerre de Trente ans, II, 1878. L. von Ranke, Geschichte Wallensteins, t. XXIII des Œuvres complètes, Leipzig, 1880. Ch. Pfister, Les Mémoires du comte de Brassac, gouverneur de Nancy, 1633-1835, 1898. Ferdinand Des Roberts, Campagnes de Charles IV, duc de Lorraine et de Bar en Allemagne, en Lorraine et en Franche-Comté (1634-1638), 1889. B. Röse, Herzog Bernhard der Grosse von Sachsen-Weimar, I, 1828.

[2] Village du canton actuel de Genève, près de Coppet, sur le lac de Genève, et qui avait été cédé à la France, au traité de Lyon, avec le bailliage de Gex.

[3] Voir la lettre de Richelieu à Ezechieli (le P. Joseph) et son instruction à Brûlart (Avenel, III, p. 877 et 882).

[4] Il seroit bien à propos, s'il se pouvoit, écrivait Richelieu, de n'insérer point l'article... pour nous obliger à moïenner la paix de Suède et nous libérer du traitté que nous aurons fait avec luy (Avenel, III, p. 899-900).

[5] Richelieu, Mémoires, VIII, p. 76, dit que Gustave-Adolphe se détermina à intervenir en Allemagne, pensant que : Si Dieu benissoit son dessein, l'empire romain seroit le glorieux prix de sa victoire.

[6] Voir dans les Mémoires de Richelieu, Mich. et Pouj., VIII, p. 364-367, les quatre solutions fermes que le Cardinal expose au Roi et le compromis qu'il suggère.

[7] Fagniez, Le P. Joseph, II, p. 165, note 2.

[8] Pour la bibliographie, voir Ernest Denis, La Bohême depuis la Montagne Blanche, 1903, p. 137 et la note.

[9] Secrètement Richelieu avait fait offrir à Ferdinand d'abandonner les alliances protestantes, s'il lui cédait l'Alsace. (Denis, p. 176.)