HISTOIRE DE FRANCE

 

LIVRE PREMIER. — LE GOUVERNEMENT D'HENRI IV (1598-1610).

CHAPITRE VII. — LA MORT D'HENRI IV[1].

 

 

I. — LA FUITE DU PRINCE ET DE LA PRINCESSE DE CONDÉ.

COMMENT Henri IV, si prudent et si pacifique, est-il, au commencement de 1610[2], devenu agressif et hardi ? Il faut probablement en chercher la cause en lui-même. Ses mœurs n'avaient jamais été bonnes, elles ne s'améliorèrent pas avec l'âge. En 1608, il avait cinquante-quatre ans ; ses cheveux avaient blanchi, ses traits s'étaient tirés et parcheminés. Mais sa galanterie n'avait pas désarmé. Après ou avec Henriette d'Entragues, devenue duchesse de Verneuil, il eut pour maîtresses Jacqueline de Bueil, qu'il fit comtesse de Moret, et Charlotte des Essarts, promue comtesse de Romorantin, sans compter les favorites de passage. Le Roi Très Chrétien vivait entre toutes ses femmes, y compris sa femme légitime, très occupé des fils et des filles qu'elles lui avaient donnés : 6 enfants légitimes, 8 enfants naturels, et sa Cour ressemblait assez au harem du Grand Turc.

En 1608, parut à la Cour pour la première fois Charlotte de Montmorency, fille du Connétable, parée de la fraîcheur de ses quinze ans et d'une beauté qui s'annonçait superbe. Parmi ses adorateurs, elle distingua un gentilhomme lorrain, Bassompierre, âgé de vingt-neuf ans, cher à Henri IV et aux dames. Le Connétable approuvait l'inclination de sa fille, mais le mariage, fixé à la fin de janvier 1609, fut rompu par l'opposition du duc de Bouillon, neveu du Connétable, et par l'intervention inattendue du Roi.

Le 16 janvier 1609, comme Henri IV assistait à la répétition d'un ballet antique que devaient danser les dames et les filles de la Reine, Charlotte, défilant parmi les nymphes de Diane, se trouva en face du Roi et, d'un geste mutin, dirigea contre lui la pointe du dard dont elle était armée. Il se sentit frappé au cœur. Les jours qui suivirent, pendant un accès de goutte qui le tint au lit et où il fut fort visité des dames, il la vit trop souvent pour son repos. Il décida Bassompierre, par dévouement pour lui, à se retirer.

Il craignait que Charlotte, si elle épousait ce beau cavalier, ne l'aimât trop et il la destinait au jeune prince de Condé, gauche et maussade, et peu capable d'inspirer une passion. Il ne prétendait, expliquait-il à Bassompierre, qu'aux faveurs avouables. Ce sera la consolation et l'entretien de la vieillesse où je vas désormais entrer. Condé se déclara ; le 2 mars, le contrat fut signé au Louvre et le mariage célébré le 17 mai. Le bonheur de Condé dura peu. Henri IV, en vrai héros de l'Astrée, fit des extravagances pour la jeune femme, qui en était amusée et flattée. Il voulut la voir échevelée sur un balcon entre deux flambeaux. Il courut la bague avec un collet de senteur et des manches de satin de Chine.

Condé, aussitôt qu'il s'aperçut des assiduités du Roi, emmena la Princesse au château de Valéry. Mais il reçut l'ordre de revenir. Henri IV parla de le démarier et, en attendant, de garder Charlotte. Le Prince alors se résolut à un enlèvement, qu'on peut dire innocent ; le 29 novembre 1669, il partit de Muret, franchit la frontière et se mit sous la protection des archiducs Albert et Claire-Isabelle-Eugénie, souverains des Pays-Bas sous la suzeraineté du roi d'Espagne, Philippe III.

Le Roi fut prévenu de ce départ le jour même. Je ne vis jammais, dit Bassompierre, un homme sy éperdu ny sy transporté. Il lança le chevalier du guet à la poursuite des fugitifs, puis les fit réclamer à l'Archiduc par Praslin, capitaine des gardes. Albert ne pouvait sans honte livrer au roi de France un prince du sang, qui lui demandait asile contre un tout-puissant séducteur. D'autre part, il ne voulait pas blesser Henri IV à qui il était reconnaissant de la trêve de douze ans.

Il offrit ses bons offices et s'entremit sincèrement pour amener un accord. Mais le Roi voulait une soumission sans réserve et le retour immédiat, tandis que Condé réclamait une place de sûreté sur la frontière avec une bonne porte de derrière, pour pouvoir, à la moindre alarme, passer à l'étranger.

H y avait à la Cour de Bruxelles beaucoup d'Espagnols qui ne redoutaient pas la guerre avec la France. Le fameux Spinola, qui n'était pas resté insensible à la beauté de la Princesse, excitait Condé à se prévaloir de ses droits de premier prince du sang et même à contester la légitimité du second mariage d'Henri IV.

Le Roi cependant menaçait. Condé, ne se croyant plus en sûreté dans Bruxelles, confia sa femme à l'Archiduchesse (21 février) et se réfugia à Milan où commandait Fuentes, ennemi déchiré de la France et d'Henri IV (31 mars).

Après ce départ, l'Archiduc ne fut pas moins en peine. Ce n'était pas le Prince, mais la Princesse dont le Roi désirait le plus vivement le retour. Il avait essayé de la faire enlever dans Bruxelles. Il força le connétable de Montmorency à la réclamer. L'Archiduc répondit qu'il ne pourrait renvoyer la Princesse que sur l'ordre de son mari ou lorsque le divorce aurait été prononcé.

La passion du Roi s'exaspérait depuis qu'il avait lieu de la croire partagée. Charlotte, une enfant de seize ans, et qui n'aimait guère son mari, s'ennuyait de son exil, loin des siens et de la Cour de France, et elle ne refusa pas les lettres et les cadeaux du Roi. Son entourage, l'ambassadrice de France à Bruxelles, Mme de Berny, ne cessaient de lui chanter les louanges de son adorateur couronné. Elle recevait des vers où Malherbe représentait en termes pathétiques la douleur du grand Alcandre. Mais Henri lui-même, dans une lettre à un de ses agents, n'était-il pas plus touchant ? J'escris à mon bel ange.... Je déchois si fort de mes merangoises que je n'ay plus que la peau et les os. Tout me déplaist ; je fuis les compagnies et si, pour observer le droit des gens, je me laisse mener en quelque assemblée, au lieu de me réjouir, elles achevent de me tuer (20 février). Elle, à son tour, l'appelait son cœur et le suppliait comme son chevalier d'aviser à sa délivrance.

De ses peines d'amour, il rendait responsable l'Archiduc et les Espagnols. Déjà le 9 décembre, il faisait dire au pape que si les Archiducs ou les Espagnols pensaient s'avantager de la personne du Prince pour faire et entretenir pratique en son État, il avait les moyens et le courage plus puissant que jamais pour se ressentir et venger des injures et offenses qui lui pourraient être faites.

L'Archiduc était irréprochable ; il avait sans raideur sauvegardé sa dignité et il n'avait pas tenu à lui que Condé ne se réconciliât avec le Roi. Mais Philippe III et son Conseil, quoiqu'ils n'eussent ni prévu ni préparé la fuite, se demandaient maintenant quel parti ils en pourraient tirer. A mesure que la situation s'aggravait du fait d'Henri IV, il leur importait davantage d'avoir comme allié le premier prince de sang. Si la guerre éclatait, Condé, qui portait un nom cher à la Réforme, pourrait rallier les huguenots et les catholiques mécontents.

 

II. — TOURNURE BELLIQUEUSE DU DIFFÉREND DE CLÈVES.

LE différend de Clèves et de Juliers, qui, depuis huit mois, se négociait avec lenteur prit subitement, à la fin de 1609, un caractère aigu. Deux déclarations sont à comparer, entre lesquelles se place la fuite du prince et de la princesse. Le 11 juillet 1609, Puisieux, gendre de Villeroy et qui l'aidait dans sa charge de secrétaire d'État, écrivait à La Boderie, notre ambassadeur à Londres, que l'Électeur de Brandebourg et le duc de Neubourg s'étaient accordés à l'amiable pour éviter une usurpation de la maison d'Autriche et que le Roi les conforterait de son avis et autorité, — toujours en intention de maintenir la paix publique d'Espagne. Mais, le 17 janvier 1610, le même Puisieux annonçait à La Boderie que Condé allait être sommé de rentrer, et que si, ensuite, les Espagnols et autres continuaient à le favoriser, le Roy ne souffrirait cet affront. Autre changement, et pour la même cause. Tandis que dans les premiers mois de 1609, Henri IV pensait, s'il fallait intervenir à Clèves, y mener seulement de 7 à 8.000 hommes, il déclarait au nonce, en avril 1610, que les desplaisirs qui lui venaient des Archiducs et du roi d'Espagne lui donnaient subject de faire une armée royale de plus de 30.000 hommes. Comme l'Espagne, après ses accusations et ses menaces, était moins que jamais décidée à abandonner l'Empereur, c'était une guerre générale qui se préparait.

Que la princesse fût la principale cause des grands armements de la France, on peut, sans excès d'imagination, le croire. Villeroi avouait à Pecquius, représentant des Archiducs à Paris, que du côté de son maitre il y a de la passion et que si l'on veult remédier au fait de la princesse il y aura moyen d'accommoder et appaiser tout le surplus..., mais au cas que la dicte princesse demeure où elle est, nous sommes à la veille d'une rupture qui pourra mettre le feu aux quattre coings de la chrestienté[3]. Le 28 avril, Puisieux annonçait à La Boderie que le Roi s'était décidé à marcher en personne, piqué du compte que l'on fait du prince et du traitement que l'on fait à la princesse.

Jeannin disait aussi à Pecquius que si l'on pourvoyoit au faict de ladicte princesse, ce seroit par aventure arracher la plus grosse espine qui cause le mal et donner un acheminement à mieulx accommoder tout (14 avril). Enfin Henri IV lui-même déclarait cyniquement au nonce Ubaldini, que si l'Archiduc et le Roi Catholique lui montraient leur amitié, en renvoyant la princesse de Condé à son père, on pourrait accommoder les affaires de Juliers, et qu'en tout cas, s'il fallait y envoyer des troupes, quatre mille hommes y suffiraient (28 avril 1610). A la même époque, il confessait au Père Coton qu'il ferait la guerre pour ravoir la princesse[4] La nouvelle Hélène, comme l'appelait Pecquius, risquait de provoquer une autre guerre de Troie.

Henri IV voulait persuader aux princes allemands qu'il armait dans leur intérêt seul. Mais les catholiques ne se laissèrent pas convaincre de son dévouement aux libertés germaniques. Le duc de Bavière repoussa ses avances ; les électeurs de Cologne, Trèves et Mayence aidèrent l'archiduc Léopold. Même une sainte Ligue catholique avait été formée par le duc de Bavière, les évêques de Wurzbourg, de Passau, d'Augsbourg et les trois Électeurs ecclésiastiques (10 juillet 1609) ; et le bruit courait même d'une ligue plus grande encore où entreraient le roi d'Espagne et le pape.

Les protestants demeuraient divisés. Le plus puissant des princes luthériens, Christian II, électeur de Saxe, ployait du côté de l'Empereur. Les membres de l'Union évangélique n'étaient pas tous résolus à la guerre ; mais contre leurs ennemis qui se liguaient, ils avaient besoin du roi de France. Ils se décidèrent donc, d'assez mauvaise grâce, à se concerter avec lui pour le règlement de la succession de Juliers.

L'ambassadeur du roi, Boissise, et l'Union s'engagèrent, par le traité de Hall (11 février 1610), à fournir à l'Électeur de Brandebourg et au comte de Neubourg un secours en hommes. Si, pour la part d'assistance qu'elle donnait, la France était attaquée par les Espagnols, les Unis la secourraient de 4.000 fantassins et de 1.000 cavaliers, pourvu toutefois qu'ils n'eussent plus de guerre ouverte au pays de Juliers et dépendances ou en leurs propres États. De même, ils consentaient, sur la demande d'Henri IV, à ne pas conclure de paix séparée, mais avec des réserves significatives : Se souvenans par diverses déclarations de Sa Majesté, combien elle désire procurer et maintenir la paix en général et particulièrement celle de Germanie, [ils] ont cette assurance que l'occasion se présentant de pouvoir sortir de ce fâcheux affaire par traité ou accord, Elle n'aura désagréable cette voie puisqu'on entend y comprendre Sa Majesté. En ce cas, ils se déclarent contens de ne rien conclure sans l'avis du Roi[5].

Ils entendaient d'ailleurs recevoir gratis ce service. Boissise ne put obtenir qu'ils s'obligeassent à soutenir le Roi et, après lui, le Dauphin contre un soulèvement possible des huguenots (mars). Ils déclarèrent qu'ils aimaient mieux laisser aller l'affaire de Clèves que de donner une telle assurance . Il fallut se contenter d'une déclaration écrite de l'Électeur Palatin que le Roi n'aurait jamais à se plaindre d'eux.

L'Angleterre avait promis un secours de 4.000 hommes ou une somme d'argent équivalente aux candidats protestants qui s'étaient mis en possession de l'héritage de Clèves. Henri IV, d'accord avec elle pour soutenir les princes occupants, lui offrit de conclure une ligue défensive. Mais Jacques Ier refusa de se lier par un traité de garantie réciproque. Les lettres où le roi de France lui dénonçait les prétentions de la Maison d'Autriche à la Monarchie universelle portaient à faux contre Philippe III et contre Rodolphe II. Jacques disait de la folle passion du Roi pour la princesse de Condé que ce n'estoit pas amour, ains vilennie de vouloir desbaucher la femme d'aultruy. Après beaucoup de refus déguisés, il finit par déclarer à notre ambassadeur, La Boderie, qu'il n'avait aucune raison de rompre avec l'Espagne et l'Archiduc (avril)[6].

Henri IV se croyait sûr des Hollandais, ses obligés. En effet, ils avaient déclaré qu'ils le soutiendraient dans la question de Juliers et lui fourniraient un secours de 8.000 hommes. Mais quand il leur demanda (fin janvier 1610) d'attaquer les Pays-Bas, ils se défendirent de rompre la paix[7]. Même ils se refusèrent à payer la solde des régiments français à leur service à partir du jour où ils se seraient mis en marche contre Juliers.

Paul V faisait tous ses efforts pour maintenir la paix entre les grandes puissances catholiques, mais, en cas de guerre, il n'est pas douteux que ses sympathies ne fussent pour l'Empereur, l'Espagne, et la Ligue catholique contre les candidats protestants à la succession de Clèves et Henri IV, leur allié. Les dépêches d'Ubaldini, nonce à Paris, sont aussi nettes que possible et Henri IV lui-même se plaignait que Sa Sainteté eût promis aux ambassadeurs des électeurs et princes catholiques qu'elle les assistera d'argent.

Les Vénitiens accueillirent froidement l'idée d'une alliance avec la France contre l'Espagne ; ils entendaient garder la neutralité.

Henri IV n'avait que deux alliés en Italie, le duc de Mantoue, un bien petit prince, et le duc de Savoie. Le mariage entre Élisabeth, fille aînée du Roi, et Victor-Amédée, fils aîné de Charles-Emmanuel, avait été arrêté (novembre 1609). Il ne restait plus qu'à fixer les conditions de l'alliance.

Jusque-là le duc de Savoie s'était montré le plus pressé de conclure et d'entrer en campagne. Encore dans les premiers jours de janvier 1610, il offrait au Roi hésitant, s'il voulait déclarer la guerre, de lui remettre Nice et Montmélian comme places de sûreté. Mais quand il vit Henri IV absolument résolu à venger à Clèves le refus de Bruxelles, il se fit prier à son tour et posa ses conditions.

Dans les nouvelles instructions données à Bullion (28 mars 1610), le Roi n'osait plus parler de la cession de la Savoie après la conquête de la Lombardie ; il se contentait de Montmélian et demandait à occuper militairement pendant la guerre la ville et le château de Pignerol. Mais Charles-Emmanuel refusait de rien céder, temporairement ou non. Il voulait que le mariage fût célébré sans délai et la mariée remise à la Cour de Savoie. Henri s'excusait sur la jeunesse et la santé de sa fille. Pour lever toutes les difficultés, Lesdiguières vint trouver Charles-Emmanuel à Brusol (près de Suze), et là deux traités furent signés le 25 avril 1610. Les deux souverains concluaient une alliance offensive. et défensive pour la liberté de l'Église et de l'Italie — et contre les empiétements, de l'Espagne. La guerre commencerait en Allemagne et en Italie le mois suivant.

Les conditions étaient telles que le souhaitait Charles-Emmanuel. Henri IV qui, en octobre 1609, pensait se faire céder toute la Savoie, se contentait de la démolition des remparts de Montmélian. Au lieu de Pignerol, qu'il exigeait comme place de sûreté avant de faire passer les Alpes à ses troupes, il acceptait deux places — à enlever aux Espagnols, — de préférence Valenza et Alexandrie. Le contrat de mariage de Victor-Amédée et d'Élisabeth de France serait dressé dans sa forme authentique, le 25 juin 1610. Henri IV donnait 14.000 hommes à Charles-Emmanuel, sans autre profit que de retenir en Italie une partie des forces espagnoles. Le Savoyard prenait sa revanche du traité de Lyon.

 

III. — PRÉPARATIFS DE GUERRE ET AUGMENTATION D'IMPÔTS.

HENRI IV armait et les armements coûtaient très cher. L'armée de Champagne comptait 30.000 hommes ; celle du Dauphiné, 14.000 hommes ; et Henri IV prévoyait la formation d'une armée sur les Pyrénées. C'était déjà quatre fois plus de soldats qu'il n'en entretenait en temps de paix. En avril 1610, il avouait au nonce qu'il avait déjà dépensé 5 ou 600.000 écus (1.5 ou 1.800.000 livres). Or les levées n'étaient pas encore toutes faites, ni la campagne commencée.

Sully avait dû s'inquiéter, dès 1609, de se procurer les ressources nécessaires. Son projet de budget pour 1610 évaluait les recettes à 15.657.700[8] et les dépenses à 15.697.000 livres, soit un déficit de 39 300 livres. Même avant d'être déclarée, la guerre compromettait les services publics. Dans un état des économies possibles, le Surintendant prévoyait la réduction des travaux de voirie de 1.100.000 à 800.000 livres et des fortifications de 600.000 à 400.000 livres. Il retranchait de nouveau les intérêts de la Dette : les Suisses ne toucheraient plus que 600.000 livres sur 1 200.000 ; les Pays-Bas et l'Angleterre 400.000 livres sur 800.000. Les rentiers français perdraient un quartier des rentes assignées sur le sel (386.000 livres) ; un quartier sur le don gratuit du clergé (325.000 livres) ; un quartier sur les aides (150.000 livres).

Sully inscrivait comme ressources nouvelles la prolongation des baux de ferme, moyennant 24 millions payables en trois ans ; — l'adjudication pour six ans à des partisans de 15 millions de certaines surtaxes et autres droits en Guyenne, Languedoc, Provence, Dauphiné, Lyonnais et Bourgogne ; — la vente aux Chambres des Comptes, Cours des Aides et officiers de Finances, de taxations qu'ils requièrent, c'est-à-dire probablement d'une augmentation de gages et d'épices. Si les officiers du roi offraient 30 millions de cette concession, c'est qu'assurément elle leur rapportait davantage. Sully, si ardent au début à réduire les profits des financiers et des officiers de finances, était obligé de leur livrer le pays.

En 1609, dit le Mercure François, furent rétablies la plupart des commissions (taxes additionnelles), qui avaient été révoquées en 1607. De nouveaux offices de conseillers en chacun des sièges particuliers des bailliages et sénéchaussées furent créés et vendus (juin 1609). Marie de Médicis, au début de la Régence, révoquera 54 édits et commissions extraordinaires du temps du feu roi. Tous ces gouvernements d'ancien régime, toujours à court d'argent, étaient, à la première nécessité, réduits aux pires expédients. Le fameux trésor de la Bastille n'en défendait pas Sully. L'Estoile se plaint (juin 1609) que les édits du feu roi (Henri III), dont on criait tant, ont revécu avec une botte de nouveaux, beaucoup plus pernicieux et dommageables.

Le gouvernement projeta une refonte des monnaies. Déjà en 1602, le Conseil, où le roi avait appelé les conseillers, les princes du sang, les officiers de la couronne et les plus expérimentés personnages qui fussent lors en la ville de Paris, avait décidé non de baisser le titre, comme le proposaient quelques-uns, mais de hausser le prix des espèces. L'écu d'or au soleil de France fut porté de 60 sols tournois à 63 et les espèces divisionnaires réglées à proportion. Comme il valait, en 1572, 54 sols, il se trouva surhaussé de 11 sols en moins de trente ans. L'afflux du métal argent était probablement cause de cet enchérissement de l'or. La mesure de 1602 ne l'enraya point. Alors, en juillet 1609, le gouvernement résolut de baisser le titre. Il voulait décrier toutes les monnaies, les changer et y donner un nouveau pied, c'est-à-dire les affaiblir. L'émotion fut très vive à Paris. Chacun en murmuroit, principalement les pauvres marchans qu'on tondoit si souvent, qu'ils en estoient tous morfondus. Les plus aisés, et ceux qui avoient quelque argent en leurs coffres, disoient que si le Roy, au moins, ne leur donnoit rien, qu'il ne leur ostast rien ; et tous en général que c'estoient inventions de ces petits tiranneaux et mange-sujets de partisans : lequel mot sonne aujourd'hui fort rudement aux oreilles du peuple et n'y a matière plus fréquente de son despit que celle-là.

La Cour des Monnaies chargea son premier président de faire des remontrances. Henri se moqua de lui, mais le Parlement n'était pas si facile à réduire. Il se lassait d'enregistrer coup sur coup des édits fiscaux. Cette fois, il refusa à l'unanimité. Les présidents furent mandés chez le chancelier où se trouva aussi le surintendant. Mais il n'y eut pas moyen de trouver un compromis, dit l'Estoile, la superbe et hautesse de M. de Sully ne pouvant souffrir d'en rien céder ni quitter à personne et la gravité et autorité d'une Cour ne pouvant endurer d'estre maistrisée et mesprisée (comme elle a esté souvent) d'un tel mignon que Sully. Un conseiller montrait à L'Estoile le passage du Dante où Philippe le Bel est traité de faux monnayeur. Le bruit courait que le maréchal d'Ornano, gouverneur de Guyenne, avait fort généreusement et librement représenté au Roi qu'il estoit en très mauvais prédicament envers son peuple et qu'en toute la Guyenne on n'avoit jamais tant mesdit ni détracté du feu roi, comme on faisoit partout de Sa Majesté, et aux grandes compagnies et aux petites...

 

IV. — LA FIN DU RÈGNE.

LA guerre annoncée par tant d'impôts n'était pas populaire, et la cause l'était moins encore. L'esprit de la Ligue n'était pas mort. Il y avait à la Cour un parti qui ne désespérait pas de rapprocher la France et l'Espagne ; le nonce Ubaldini en était l'âme et Bassompierre se faisait fort de démontrer l'avantage des alliances catholiques sur les alliances protestantes. Même sans esprit de parti, le catholicisme, très ardent dans les milieux populaires, répugnait à soutenir au dehors les coreligionnaires des huguenots.

L'Estoile signalait en 1606 l'entraînement qui, à Paris et partout, poussait dans les Ordres nouveaux les plus austères des fils et filles de bonne maison, des hommes et femmes de qualité ; les doctrines ultramontaines gagnaient du terrain.

On a vu qu'en Sorbonne, depuis 1600, il n'avait plus été présenté de thèse qui soutint la supériorité des Conciles sur les papes. L'indépendante des rois en matière temporelle était, hors de France, vivement débattue. Le roi d'Angleterre Jacques Ier ayant voulu obliger ses sujets catholiques à lui jurer obéissance et fidélité, comme à un souverain qui ne connaissait point de supérieur sur terre, le pape même y compris, Paul V leur défendit de prêter ce serment. En réponse au livre, où ce théologien couronné établissait la justice de ses prétentions (1607), le cardinal Bellarmin revendiqua pour les papes le droit d'admonester les rois, de les excommunier, de les déposer. Paul V et Jacques Ier sollicitèrent tous deux Henri IV d'intervenir, le premier pour faire condamner par la Sorbonne la thèse de Jacques Ier, le second pour unir les rois de l'Europe contre les doctrines théocratiques. Henri IV, qui trouvait ces discussions dangereuses, chargea le dominicain Nicolas Coëffeteau, célèbre sermonnaire et écrivain, de rédiger une réponse à Jacques Ier qui satisfit le pape sans blesser le roi.

Paul V ne lui en sut que peu de gré. L'Inquisition romaine condamna (novembre 1609) l'Histoire universelle du président De Thou, toute imprégnée d'esprit gallican, le discours d'Arnauld contre les Jésuites, et l'arrêt contre Jean Châtel où le Parlement avait condamné, avec ce misérable régicide, la fausse et abominable doctrine qu'il est permis de tuer les roys. Le Parlement ordonna de lacérer et brûler en public le décret de l'Inquisition. Henri IV, redoutant une nouvelle guerre d'écrits pour et contre, défendit aux magistrats de faire exécuter la sentence (janvier 1610). La Cour de Rome consentit à publier une nouvelle liste d'ouvrages condamnés, d'où disparurent l'arrêt contre Châtel et le discours d'Arnauld, mais où fut maintenue l'Histoire universelle de De Thou et ajouté le Traité des Droits et Libertés de l'Église gallicane de Jacques Gillot (1609), l'un des auteurs de la Satire Ménippée.

Même sur la question de l'inviolabilité des personnes royales, les ultramontains équivoquaient. Le Nonce distinguait, comme tout le moyen de, entre tyrannicide et régicide. Mais un roi qui gouverne contre l'Église n'est-il pas un tyran ? Le P. Mariana, dans son De Rege et regis institutione (1595), réimprimé en 1610, déclarait qu'au jugement de beaucoup (et certainement au sien) Jacques Clément, en tuant Henri III, s'était acquis une gloire immortelle.

On disait qu'Henri IV faisait la guerre pour mettre les prétendants protestants en possession de l'héritage de Clèves, et qu'il allait en plein pays d'hérétiques exterminer une petite poignée de catholiques, qui y restait. Sa passion pour la princesse de Condé n'était pas une excuse ; le P. Basile, capucin, fit une allusion très claire à ses paillardises et adultères. Les sermons de l'Avent (déc. 1609) furent très violents. Le P. Gontier, jésuite, prêchant en présence du Roi, le vendredi, jour de Noël, le samedi et le dimanche, traita les huguenots de vermines et de canailles, que les catholiques ne devraient pas souffrir parmi eux. Il signala l'article de leur confession qui identifiait le pape avec l'Antéchrist et se tournant vers le Roi : S'il est ainsi, Sire, comme ils veulent faire croire, que le pape soit l'Antechrist, que sera-ce de vostre mariage, Sire ? Où en est la dispense ? que deviendra M. le Dauphin ? Le bruit courut parmi le peuple que les huguenots avaient projeté une Saint-Barthélemy de catholiques à la Noël de 1609, que le Roi avait su leur complot et qu'il n'osait les punir.

Du nombre de ces crédules était un ardent catholique d'Angoulême, François Ravaillac, âgé de trente et un à trente-deux ans, qui avait été tour à tour clerc et valet de chambre d'un juge, frère convers chez les Feuillants, et maitre d'école. C'était un déclassé et, un inquiet, vivant surtout d'aumônes, toujours en route pour affaires ou par goût entre Angoulême et Paris. Emprisonné pour dettes, il avait beaucoup pâti, et son cerveau s'en ressentait. Ce n'était pas un ignorant ; il avait enseigné les enfants, il savait un peu de procédure, et surtout il avait bonne opinion de lui-même. Catholique pratiquant, il fréquentait de préférence chez les moines, entendait les offices en leurs chapelles, les consultait sur des cas de conscience et portait sur la chair un cœur de coton, dans lequel un chanoine d'Angoulême lui avait dit qu'il y avait un morceau de la vraie croix. Il écoutait les sermons et les conversations, où il était question du pouvoir du pape sur les rois et des dangers de la religion. Il s'exaltait, se croyait appeler à jouer un rôle, se disait qu'il falloit préférer l'honneur de Dieu à toutes choses. Chez les Feuillants, il avait eu des visions ; les religieux inquiets le renvoyèrent au bout de six semaines. A Angoulême, pendant qu'il était en prison pour dettes, il eut comme des sentimens de feu, de soulphre et d'encens, ce qui était, pensait-il, une preuve décisive, contre les hérétiques, de l'existence du Purgatoire. Quelques jours après sa mise en liberté, le samedi après Noël, la nuit ayant fait sa méditation... il avoit senty sa face couverte et sa bouche d'une chose qu'il ne peut discerner, parce que c'estoit à l'heure de minuict ; et estant en test estat eust volonté de chanter les cantiques de David, commenceans Dixit Dominus, etc., jusques à la fin du cantique, avec le Miserere et le De Profundis tout au long, et luy sembla que les chantant, il avoit à la bouche une trompette, faisant pareil son que la trompette à la guerre.... Au matin, avant le jour, quand il souffla sur les tisons pour avoir un peu de lumière, il vit incontinent aux deux costez de sa face, à destre et à senestre, à la lueur du feu qui sortoit par le soufflement, des hosties semblables à celles dont l'on a accoustumé faire la communion aux catholiques en l'Église de Dieu.

Il chercha à voir le Roi pour lui dire qu'il devait bannir les huguenots ou les réduire à la religion catholique, apostolique et romaine. Il alla chez Madame d'Angoulême et chez le cardinal du Perron solliciter une lettre d'audience. Le 27 décembre 1609, au passage d'Henri IV près les Innocents, il cria : Sire, au nom de Nostre Seigneur Jésus-Christ et de la Sacrée Vierge Marie, que je parle à vous. Mais il fut repoussé d'une baguette.

Il retourna à Angoulême. Le bruit se confirmait que le Roi prenait les armes pour les protestants d'Allemagne. Chez un certain Béliard, Ravaillac entendit raconter que l'ambassadeur du pape avoit dit de sa part au Roi que s'il faisoit la guerre au pape, il l'excommuniroit. Sa Majesté avoit fait réponse que ses prédécesseurs avoient mis les papes en leur trosne et que s'il l'excommunioit, il l'en déposséderoit.

Alors Ravaillac pensa à tuer le Roi. Il revint à Paris (avril 1610). Les soldats déclaraient que si le Roy, qui ne disoit son conseil à personne, vouloit faire la guerre contre le Saint-Père, qu'ils luy assisteroient et mourroient pour cela. Ces propos lui firent horreur, parce que faisant la guerre contre le pape, c'estoit la faire contre Dieu, d'autant que le pape estoit Dieu et Dieu estoit le pape.

Il avait volé dans une hôtellerie un couteau, qu'il fit engainer dans un bon manche de corne de cerf. Il le porta sur lui quelques jours ou trois semaines, l'ayant en un sac en sa pochette. Mais, au moment d'agir, il eut une faiblesse ou un remords et reprit la route d'Angoulême. Même, devant le jardin de Chantelou (près de Châtres), il rompit, de la longueur d'un pouce, la pointe de son couteau. Mais dans le faubourg d'Étampes, il aperçut, droit contre le mur du chemin, une croix et, dessus, le Christ sanglant et couronné d'épines, qui semblait lui reprocher sa tiédeur et son infidélité. Les propos des soldats, les dangers du pape lui revinrent en mémoire. Il tourna de nouveau vers Paris et sur une pierre refit la pointe de son couteau.

Avant d'entrer en campagne, Henri IV avait désigné la Reine pour être régente en son absence, et institué un conseil de régence, composé de 15 personnes, où tout devait être résolu à la pluralité des voix. Marie de Médicis pria le Roi de la faire couronner et sacrer pour lui donner plus de dignité et de prestige aux yeux du peuple et pour fortifier même le pouvoir qu'il lui confiait. La demande était en soi légitime, les reines mariées à un roi régnant et déjà sacré ayant eu leur couronnement à part. Mais Henri IV ne se souciait pas de donner à sa femme ce complément d'autorité.

Il avait la plus pauvre idée de son intelligence. Il avait essayé de la former aux affaires et n'avait pu constater que sa médiocrité et sa torpeur. Il se défiait des gens de son entourage et surtout de deux Florentins, la signora Léonora Galigaï, fille de sa nourrice, et le signor Concini, mari de cette Léonora qui avait sur elle un empire absolu. Cette camarilla n'avait que des appétits, mais de préférence inclinait du côté des puissances catholiques et agissait de concert avec le nonce Ubaldini. Marie, dévote et fille d'une archiduchesse autrichienne, rêvait de marier ses enfants en Espagne et la guerre la troublait dans toutes ses affections. Aussi Henri IV pouvait-il craindre de la rendre trop populaire. Il allégua la dépense, la perte de temps. Mais la Reine insista tellement qu'il fallut céder.

Le sacre eut lieu, le 13 mai, à Saint-Denis, avec le plus grand apparat. Pendant la cérémonie, le Roi avait montré beaucoup de gaieté. Quand la Reine sortit de l'église, il la devança, et, d'une fenêtre où il s'était placé pour mieux voir, il lui jetta même, comme elle passoit au dessous de lui, quelques gouttes d'eau.

Il avait décidé de partir après l'entrée solennelle de la Reine à Paris, qu'il avait fixée au dimanche 16. Comme ses troupes, réunies autour de Châlons, devaient, pour arriver à Juliers, entrer dans les Pays-Bas, il avait, le 8 mai, adressé à l'archiduc Albert une demande de passage : Mon frère, comme j'ay toujours par vrays et signalez effets favorisé la paix publique, j'ay encore la mesme volonté,... vous en avez tiré une preuve digne de mémoire l'année dernière (allusion au traité de la trêve), laquelle (preuve) est plus que suffisante pour vous donner cette créance de moi ; toutes fois j'ai voulu encore adjouter ceste-ci à l'autre sur l'occasion du secours que j'ay promis et suis tenu de donner aux héritiers des duchés de Clèves, Juliers, Berg et autres pays... Partant, ayant pour ce faire à passer par quelques endroits et villages des pays de vostre obéissance, je désire savoir si je ne puis pas le faire comme amy qui ne veut commettre aucun acte d'hostilité.

Au moment de jouer la grosse partie qu'il avait engagée, il jugeait nécessaire d'éviter toute provocation et de laisser à l'Archiduc, s'il refusait, la responsabilité de la rupture. Il avait pour alliés le duc de Savoie et le duc de Mantoue ; pour ennemie la maison d'Autriche. Les Hollandais et les Anglais se dérobaient. Même les princes protestants d'Allemagne se montraient tièdes et défiants. Que deviendraient ses enfants s'il était tué en combattant ? Ainsi s'expliquent peut-être ses angoisses en cette veillée d'armes. Il ne pouvait dormir, il priait avec ferveur. Levé, il ne tenait pas en place. Il craignait de sortir et s'énervait de rester. Sa femme, son fils naturel, le duc de Vendôme, témoins de cette agitation, le priaient de ne pas quitter le Louvre.

Le 14, à quatre heures de l'après-midi, il sortit en carrosse, emmenant le duc d'Épernon et quelques autres seigneurs, pour aller à l'Arsenal causer avec Sully. Dans la rue de la Ferronnerie, très étroite, la marche fut entravée par un embarras de charrettes ; les valets de pied se dispersèrent. Ravaillac, qui depuis le matin guettait la sortie du Louvre, avait suivi. Il profita de ce désordre pour s'approcher du Roi qui, le bras droit appuyé sur l'épaule de D'Épernon, écoutait la lecture d'une lettre. Il le frappa au côté gauche d'un premier coup de couteau. Le Roi criant : Je suis blessé, il lui porta un second coup et l'atteignit au cœur. Le Roi murmura : Ce n'est rien, mais un flot de sang monta à sa bouche. Ravaillac ne chercha pas à fuir ; il restait là, le couteau à la main. Comme Saint-Michel, officier des gardes du corps, tirait l'épée et se précipitait sur lui, D'Épernon lui défendit, sous peine de la vie, de le tuer. On l'arrêta et on le conduisit tout proche de là, à l'hôtel de Retz, où il fut gardé par les archers. Cependant D'Épernon criait au peuple que le Roi n'était que blessé, tandis que le carrosse rapportait au Louvre un cadavre.

La nouvelle de l'attentat n'excita d'autre sentiment qu'une immense douleur. La lourdeur des impôts, le scandale des maîtresses, tout fut en un moment oublié. Tel bourgeois qui, comme L'Estoile, s'indignait le matin des débauches de la Cour et de l'avidité du fisc, pleura le soir le plus grand roy de la terre et le meilleur. Quel changement en effet dans l'état du royaume entre 1598 et 1610 ! L'ordre avait été rétabli dans les finances, dans l'administration et, autant qu'il était possible, dans les esprits. Sans guerre, enfin, Henri IV avait aidé la Hollande à s'affranchir et rétabli en Europe l'autorité de la France.

Aussi l'historien le plus ému de cette fin tragique peut se demander s'il ne vaut pas mieux qu'il soit tombé là. La lutte où il entrait était hazardeuse et téméraire. S'il n'allait que jusqu'à Juliers, à quoi bon ce déploiement de forces ? S'il pensait attaquer les Espagnols et les Impériaux, pouvait-il oublier que, de 1595 à 1598, il n'avait pas eu l'avantage sur l'Espagne seule et obligée de se défendre sur mer et sur terre contre la Hollande et l'Angleterre ? Quiconque, dit Richelieu, considérera l'entreprise qu'il fit sur la fin de ses jours, ne doutera pas du bandeau qu'il avait sur les yeux.

Tous les bienfaits du règne étaient compromis par une crise d'aveuglement passionnel.

 

 

 



[1] SOURCES : Lettres missives, VII et VIII. Les amours du grand Alcandre, Archives curieuses, 1re série, XIV. Maréchal de Bassompierre, Journal de ma vie, publié par le marquis de Chanterec, S. H. F., I. Virey, L'Enlèvement innocent ou la retraite clandestine de Mgr le Prince avec Mme la Princesse, 1609-1610, p. par Halphen, 1859. Correspondance de Pecquius avec les Archiducs, publiée par le duc d'Aumale en appendice de l'Hist. des princes de Condé, t. II. Ambassades de M. de La Boderie en Angleterre sous le règne d'Henri IV et la minorité de Louis XIII depuis les années 1606 jusqu'en 1611, 1750, t. V. Barozzi et Berchet, Relazioni dagli ambasciatori veneti al senato, Francia, I. Instructions données par Henri IV à ses députés en Lorraine, p. p. L. Davillé, Annales de l'Est, XV, 1901. L'Estoile, Mémoires-journaux, IX et X. Mémoires du duc de La Force, maréchal de France, publiés par le marquis de la Grange, I, 1843. Legrain, Décade de la vie de Henri le Grand. D'Aubigné, Histoire universelle, IX. [Mathieu], Histoire de la mort déplorable de Henry IV..., 1612. Procès, examen, confessions et negations du meschant et execrable parricide François Ravaillac. Mémoires de Condé, VI.

OUVRAGES À CONSULTER : Vittorio Siri, Memorie recondite (1608-1612), 1679. Henrerd, Henri IV et la princesse de Condé, 1885. G. Hanotaux, Études historiques sur le XVIe et le XVIIe siècle en France, 1886. Mercier de Lacombe, Henri IV et sa politique, Didier, s. d. Philippson, Heinrich IV und Philipp III, III, 1876. Anquez, Henri IV et l'Allemagne, 1887. Gardiner, History or England, II, 1889. Willert, Henry of Navarre, 1900. Wilhem Schreiber, Maximilian I der Katholische, Kurfürst von Bayern, 1868. Stieve, Der Ursprung des dreissigjährigen Krieges (1607-1619), 1875, L. Davillé, Les relations d'Henri IV avec la Lorraine de 1608 à 1610, Rev. Hist. LXXVII, 1901. Ricotti, Storia della monarchia piemontese, III. Carutti, Diplomazia della Casa di Savoia, II. Berthold Zeller, De Dissolutione contracti apud Brasolum fœderis, 1880. Le P. J. de La Servière, De Jacobo I Anglite rege cum cardinali Roberto Bellarmino super potestate cum regia tum pontificia disputante (1607-1609), 190.

[2] La Boderie, ambassadeur de France en Angleterre, qui avait été mis en congé en juillet 1609, malgré l'ouverture de la succession de Clèves, fut renvoyé à son poste en janvier 1610. Le 16 février 1610, Pecquius, annonce à l'archiduc Albert, dont il était le représentant à Paris, qu'il sait d'une façon certaine que le Roi a résolu d'assister les princes de Brandebourg et de Neubourg contre S. M. impériale et le fera bientôt ; la guerre a été résolue dans un conseil tenu à l'Arsenal. Le 22 février, Villeroy écrit à La Boderie qu'Henri IV paiera cette année les sommes promises au roi d'Angleterre, à moins qu'il n'entre en guerre avec le roi d'Espagne.

[3] Voir dans les lettres de Pecquius à l'Archiduc, publiées en appendice par le duc d'Aumale, II, p. 448-549, la lettre du 19 avril, p. 525, et celle du 30 avril, p. 546.

[4] Récit du nonce et du P. Coton à Pecquius, dans une lettre de Pecquius, du 28 avril, ibid., p. 542 et p. 543.

[5] Dumont, Corps diplomatique, V-2, p. 186.

[6] Philippson, III, p. 435 et 437.

[7] Philippson, III, p. 438.

[8] Il s'agit des revenans bons. Voir chap. III.