HISTOIRE DE FRANCE

TOME CINQUIÈME — LA LUTTE CONTRE LA MAISON D'AUTRICHE (1519-1559).

LIVRE VIII. — LA POLITIQUE D'HENRI II[1].

CHAPITRE PREMIER. — LE NOUVEAU ROI ET LA NOUVELLE COUR.

 

 

I. — HENRI II, MONTMORENCY ET LES GUISE.

FRANÇOIS Ier disparut bien vite tout entier. Quand on eut célébré ses obsèques solennelles, où furent prononcées quelques oraisons funèbres de commande, on constitua un nouveau personnel gouvernemental. Faiblesse ou rancune, son fils laissa faire : il n'oublia comme roi aucune de ses amertumes de dauphin, et l'exercice du pouvoir ne le changea ni ne l'améliora.

Henri II était grand, robuste ; il aimait les exercices violents, la paume, l'équitation, les armes, la chasse ; on le savait très brave, quoiqu'il n'eût jamais paru sur les champs de bataille, où on ne le verra guère pendant son règne. Il était d'une extrême froideur, avait une âme sèche, un esprit médiocre, un caractère faible au delà de toute expression ; sa figure correcte, mais longue, immobile, terne, donne vraiment l'impression d'un personnage effacé et veule. Sa constante habitude auprès d'une femme, de vingt ans plus âgée que lui, qui ne s'imposait par aucune supériorité intellectuelle, le partage organisé entre sa femme légitime et sa mat-tresse, la régularité de cette vie à trois impliquent chez lui des sentiments vulgaires. Même la sollicitude du Roi à l'égard de ses enfants, dont on l'a beaucoup loué, si paternelle qu'elle soit, ne se manifesta que par des préoccupations mesquines de logis, de coucher, d'habillement.

Sa faiblesse éclate dans ses rapports avec Montmorency. Au début de son règne, son père à peine mort, il n'a qu'un souci, rejoindre le Connétable, avec qui il s'enferme plusieurs jours à Saint-Germain, comme s'il avait hâte de proclamer le joug qu'il subit. En 1559, au milieu de graves périls et de négociations épineuses poursuivies avec l'Espagne, il lui écrit : Ne vous voyant pas, les jours me durent années. Ou bien : Ne crégnés de vous mestre à rançon à quelque pris que ce soit, car je n'espargneré chose qui soyt en ma puissance pour vous ravoir... Je suplye à Dieu et à Nostre-Dame que je puisse estre si tost que je puysse hors de la payne en quoy je suys, vous ayant perdu de veüe. Il écrit de la même plume à Diane de Poitiers, quand il est éloigné d'elle ; il ne peut se passer d'une compagnie. Et lorsqu'il sollicite Montmorency de faire la paix — ce à quoi celui-ci n'était que trop disposé — pour sortir de captivité et revenir plus tôt auprès de lui, il fait l'effet d'un enfant dont la faiblesse ne peut se passer d'un appui. Sire, vous n'êtes plus, vous n'êtes plus que cire, ce jeu de mots d'un plastron du temps est bien l'expression de la vérité.

Aussi Henri fut-il toujours dominé : dans sa vie intime par Diane de Poitiers, dans sa vie de souverain par Montmorency, et si celui-ci ne resta pas le maître absolu du pouvoir, ce n'est pas parce que le Roi se reprit, c'est parce que les Guises s'imposèrent et entrèrent en partage de l'autorité. De telle sorte qu'on le cherche en vain dans son règne et qu'en tout il s'est laissé conduire. Cela est très frappant dans le Voyage de Metz, en 1552, où les choses sont menées, à Metz par le Connétable, en Lorraine par François de Guise, et où, lorsque Guise et Montmorency se sont réunis pour marcher vers le Rhin, ils traînent à leur suite le Roi triomphant, mais annulé

Il n'eut de personnalité que dans son égoïsme, moins naïf et inconscient que celui de François Ier, dans son orgueil plus hautain et plus âpre, dans ses haines qui furent. sombres et sanguinaires. Il ne sut pardonner à aucun de ceux qui avaient servi son père ; il fut cruel envers tous ceux qui attentèrent à la vanité royale.

Dès le 2 avril, le Roi réorganisa le Conseil des affaires ; il y fit entrer ou y maintint le roi de Navarre, le cardinal de Lorraine, le duc de Vendôme, l'archevêque de Reims, le connétable, le chancelier, le comte d'Aumale[2], MM. de Sedan et d'Humières, MM. de Saint-André père et fils, le président du Parlement, Bertrand, et M. de Villeroy. Le Conseil devait s'assembler chaque matin ; les quatre secrétaires des finances y assistaient. Un autre Conseil, dit de l'après-dîner, se composait des mêmes personnages, auxquels s'adjoignaient les cardinaux de Bourbon, de Ferrare, du Bellay et de Châtillon, les ducs de Nevers, de Guise et d'Étampes, les évêques de Soissons et de Coutances et le Premier Président de Rouen. Les maures des requêtes y faisaient des rapports sur certaines affaires privées, mais le Conseil s'occupait surtout de l'administration du royaume.

Le premier de ces deux Conseils était incomparablement le plus important, et la liste de ses membres[3] nous fournit, dès le premier jour, les noms des personnages qui, pendant plus de dix ans, allaient diriger le gouvernement sous le nom du Roi.

Montmorency avait alors cinquante-cinq ans. Grand Maitre de la Maison du Roi, Connétable et Maréchal de France[4], il reçut en 1551 la dignité de duc et pair et devint ainsi l'égal des plus grands du Royaume, à l'exception des princes du sang. Il était entouré d'une famille nombreuse, cinq fils et sept filles, encore trop jeunes cependant pour lui apporter quelque appui ; car l'aîné de ses fils, François, avait dix-huit ans à peine en 1547 et ne devait presque faire ses premières armes qu'au siège de Metz, sous François de Guise.

Ses alliés les plus utiles et qu'il cherchait à pousser dans les hautes charges étaient à ce moment les membres de la famille de Coligny : Odet, Gaspard et François, fils de Gaspard de Coligny et de Louise de Montmorency. Odet était né en 1517, avait été fait cardinal en 1533, était devenu évêque-comte de Beauvais, après avoir été archevêque de Toulouse. Gaspard, si célèbre sous le nom d'amiral Coligny, était né en 1519, allait être fait colonel général de l'infanterie, amiral en 1552. François, seigneur d'Andelot, né en 1521, devint colonel général de l'infanterie après son frère. Ces trois hommes étaient, en 1547, dans toute la force de l'âge, pleins d'activité, d'intelligence, d'énergie. Leur union étroite[5] leur donnait beaucoup de force et ils rendaient à Montmorency une partie de l'appui qu'ils recevaient de lui. Avec eux, les d'Humières, les Gouffier, les Cossé-Brissac étaient également unis au Connétable par des alliances de famille et des intérêts communs, ce qui ne les empêchait point de servir à l'occasion les Guise.

Montmorency cherchait aussi à se faire des créatures dans le Parlement, dans l'armée. Mais il était peu aimé à cause de la brutalité de ses manières ; haut à la main, entier, d'un abord très difficile, il avait la réputation d'un rabroueur. On n'osait guère lui parler, encore moins le contredire. Lorsqu'il s'agit de le décider à renoncer au titre de Maréchal de France, personne ne voulait se charger de lui faire connaître le désir du Roi. C'était, en effet, avoir affaire à ung seigneur, qui en ung mouvement de collère eust rabroué le plus brave prince de France, et n'y avoit à la suite du Roy âme vivante qui ne le redoutast. On raconte aussi que, dans une séance du Conseil des affaires, où assistaient des cardinaux, des princes du sang et le chancelier, le connétable, sans se soucier de ces personnages si considérables en dignité, prit la parole et, suivant sa coutume de ne jamais céder à personne, donna et presque imposa son avis. Il agissait souvent ainsi.

En outre, il passait pour avare et il était convoiteux ; il soutint des procès suspects ; il accorda plus d'une fois sa protection à des personnages compromis, comme M. de Chateaubriand, à condition qu'ils fissent un testament en sa faveur. Le procès engagé à propos de la succession de M. de Chateaubriand réveilla, en 1549, une autre affaire très équivoque, celle des biens confisqués du contrôleur général, Lambert Mégret, dont François Ier avait donné une partie au Connétable. Ses adversaires prétendaient qu'il avait ensuite transigé avec les héritiers de Mégret, en leur faisant indûment attribuer sur le Trésor la somme énorme de six millions d'écus d'or. Le Conseil privé lui-même était peu favorable à Montmorency, qui s'en tira, en intentant contre ses adversaires une plainte en diffamation, et en les amenant ainsi à se désavouer, par crainte de son inimitié très redoutée.

L'aventure de son fils François et de Mademoiselle de Piennes montre bien à quel point il subordonnait tout à son ambition. François avait aimé Mademoiselle de Piennes, qui était de bonne noblesse et qu'il avait connue à la Cour, où elle avait la charge de demoiselle d'honneur. Elle s'était donnée à lui, après engagement de mariage, lorsque son père entreprit de le marier avec Diane, fille légitimée d'Henri II, ce qui faisait entrer les Montmorency dans la famille royale. Le Connétable, en apprenant l'union contractée par son fils, resta pendant treize jours enfermé. L'ambassadeur impérial écrivait : Et n'est créable la démonstration de sentement qu'il en a faicte, et continue, non seulement par pleurs et gémissemens, par propoz accusatoires de sa fortune, mais aussy par actions. Et est le dict connestable en mélancholie et regretz, que chacun interprète pour punition divine, et est la moquerie telle de ses envieulx et partiaulx (adversaires) qu'elle se estend envers le commung[6]. Il usa des subterfuges les moins avouables pour rompre l'union[7]. Il fit rendre l'édit contre les mariages secrets (1557), auquel on donna, contrairement aux principes, un effet rétroactif ; il agit à Rome auprès du Pape, afin d'obtenir l'annulation de l'acte, et, pendant quelque temps, la politique italienne de la France fut suspendue à cette question.

Comme il était puissant, Montmorency eut des flatteurs en France et il trouva des sympathies apparentes à l'étranger : Oultre ce, écrivait Charles-Quint, chercherez l'opportunité de luy parler à part et déclarerez le grant plaisir que ce nous a esté d'entendre son retour en court et l'estime que ledit sieur roy à présent tient de luy, nous tenant asseuré entièrement.... qu'il tiendra tousjours main à la continuation et observance de bonne et parfaicte amytié d'entre ledict roy et nous... et que, ce que cy-devant avons esté froid à son endroit a esté, comme ne doutons il l'entendra très bien, pour non, en luy pensant faire faveur, luy nuire davantage.

Presque tout de suite, Montmorency eut en face de lui la famille de Guise. Le personnage le plus puissant n'en avait pas été, sous François Pt, et n'en fut pas, sous Henri II, Claude de Guise, malgré ses titres de duc et pair, de comte d'Aumale, de marquis d'Elbeuf et de Mayenne, de baron de Joinville, malgré son office de Grand Veneur, malgré son mariage avec Antoinette de Bourbon. Le vrai homme d'action et de gouvernement fut le cardinal Jean de Lorraine, frère de Claude, membre du Conseil royal depuis 1530. Le duc et le cardinal avaient été disgraciés à la fin du règne précédent. Comme Montmorency, ils reprirent leur crédit avec le nouveau règne ; ils le gardèrent jusqu'à leur mort en 1550.

Claude eut dix enfants, dont six fils. Le plus illustre, François, avait, en 1547, vingt-huit ans. Il allait devenir duc de Guise après 1550, hériter de la Grande Vénerie, et enlever à la maison de Longueville l'office de Grand Chambellan, en 1551. Lorsqu'il eut épousé, en 1549, Anne d'Este, petite-fille de Louis XII par sa mère Renée, il fut rattaché à la maison royale de France. Son frère Charles, né en 1524, était archevêque de Reims depuis 1538 et fut fait cardinal en 1547, — c'est le second cardinal de Lorraine ; — un autre frère, Louis, archevêque de Sens, allait être promu au titre de cardinal, en 1553, — c'est le cardinal de Guise ; — Claude, né en 1526, prit le titre de duc d'Aumale, lorsque François fut devenu duc de Guise ; François (deuxième du nom) fut général des galères ; le dernier, René, fut marquis d'Elbeuf. La sœur aînée, Marie, née en 1515, reine d'Écosse par son mariage avec Jacques V en 1538, était, depuis 1542, régente de fait du royaume, pour sa fille Marie Stuart.

Les Guise aspirèrent certainement à tout dominer dans le gouvernement et, plus encore que Montmorency, ils subordonnèrent les affaires de France à leurs visées personnelles. Leur rôle a une bien autre ampleur que celui du Connétable, et cela tient d'abord à ce qu'ils appartenaient à deux familles souveraines[8], en dehors de la France. Comme Lorrains, ils avaient certains droits en propre, sur le royaume de Naples par exemple ; comme alliés à la famille royale d'Écosse, ils représentaient la politique d'un État indépendant. Ils pouvaient se faire, suivant les circonstances, Français ou étrangers.

La grandeur de leur rôle tint aussi à la valeur personnelle de quelques-uns d'entre eux. François fut un homme de guerre remarquable et, en même temps, un politique très avisé. La courtoisie de ses manières et la grâce constante de son accueil lui assuraient les sympathies que repoussaient les allures bourrues de Montmorency. Le cardinal de Lorraine qui avait, dit Brantôme, l'âme fort barbouillée, était brillant, fertile en ressources, ingénieux, autant que cauteleux et sans scrupule. Fanatique par profession, incroyant au fond, il affectait d'être, dans les matières d'Église, un homme de gouvernement, et il se servait de sa qualité d'homme d'Église pour se faire une place à part dans le gouvernement. A eux deux, François et Charles tenaient la noblesse et le clergé, le clergé surtout, bien plus encore que Montmorency.

La maison de Bourbon était représentée par les Vendôme, branche masculine. Le chef de cette dernière famille, Charles de Bourbon-Vendôme (1489-1537), était resté fidèle à François Ier et lui avait rendu de grands services, notamment au temps de la captivité de Madrid ; il en avait été récompensé par l'érection de Vendôme en duché-pairie. Son second fils, François d'Enghien, le héros de Cérisoles, avait été tendrement aimé du Roi ; sa mort, en 1546[9], parut suspecte et l'on se demanda si, des rivaux d'ambition n'avaient pas voulu se débarrasser d'un prince trop glorieux. En 1547, il restait encore cinq enfants de Charles, Antoine de Vendôme, Charles, Jean, Louis, Marguerite.

A l'avènement d'Henri II, les Bourbons se trouvaient à peu près réduits à la condition de courtisans et figuraient surtout dans les hautes charges ou dans les compagnies d'ordonnance. D'ailleurs, Jean et Louis étaient fort jeunes ; Charles, entré dans l'Église, cardinal en 1548, archevêque de Rouen en 1550, était considéré comme un personnage médiocre et vide. Les Bourbons allaient reprendre leur ancienne situation de grands seigneurs terriens et même acquérir le prestige de princes souverains par le mariage d'Antoine de Vendôme avec Jeanne d'Albret.

Parmi les personnages de second ordre figurait M. de Saint-André, dont les intrigues, les basses ambitions, le luxe, sont très caractéristiques de l'époque. Saint-André s'était signalé à la bataille de Cérisoles ; il avait du crédit auprès d'Henri II, qui le choisit pour premier gentilhomme de sa chambre ; il en profita pour obtenir les grandes charges ; il réussit à faire déposséder Montmorency de son maréchalat et à se le faire attribuer. Brantôme parle de lui comme d'un seigneur très dépensier ; il vante l'abondance exquise de sa table, la beauté des meubles rares qu'il aimait à collectionner. Il mentionne aussi les splendeurs de son château de Valery dans le Sénonais. Saint-André avait hérité du château de Tournoël en Auvergne, qu'il fit réédifier presque entièrement et décorer avec somptuosité, et où d'ailleurs il s'endetta. Il ne pouvait suffire à ses prodigalités qu'à force d'exactions sur ses petits vassaux et ses tenanciers, ou de procès iniques, dont le gain était dû au crédit qu'on lui connaissait et à la terreur qu'il inspirait dans ce pays d'Auvergne, qui a toujours été en proie au despotisme féodal. Il mourra à la bataille de Dreux, en 1562, tué froidement à la fin du combat par un gentilhomme protestant, qui vengeait une longue série d'injustices odieuses dont son père et lui avaient été victimes. Saint-André, précisément parce qu'il n'avait ni scrupules ni moralité, était un de ces hommes que de plus puissants redoutent ou dont ils ont besoin. Dès le règne d'Henri II, il allait jouer partie entre les Guise et les Montmorency.

Catherine[10] était sortie, par l'avènement de son mari, de la situation effacée et presque périlleuse où elle s'était trouvée pendant les premières années de son mariage : du reste, la naissance d'un fils, en 1544, d'une fille, en 1545, l'avait rendue inattaquable. Elle avait alors vingt-huit ans. Son corps s'était développé, on vantait la perfection de ses bras et l'éclat velouté de ses yeux. Elle commençait à parler en reine et ne craignait pas de réclamer les droits attachés à son titre. Lorsque le Roi partit, en 1532, pour la campagne de Metz, il ne put se refuser à la nommer régente, mais il plaça auprès d'elle un Conseil chargé de l'assister et aussi de la surveiller. Elle ne se fit pas faute de réclamer, et on la voit déjà, en cette occasion, procéder de la façon qui sera si bien la sienne plus tard : ne rien brusquer, tourner les difficultés, agir par sous-entendus. Le chancelier écrivait qu'elle avait voulu connaître les termes du pouvoir qui lui avait été confié ; elle en fut peu satisfaite. Il paraît qu'à la lecture de l'acte, elle dit en souriant qu'il y avait des parties où on lui donnait beaucoup d'autorité, mais d'autres où on lui en accordait fort peu ; que le Roi lui avait parlé de pouvoirs bien plus amples que ceux qui lui étaient laissés et qu'elle se refusait à faire publier l'édit, qui la diminuerait par trop, étant ce qu'elle était. Elle aima mieux s'en tenir à une régence de fait, par cela même bien moins limitée. Elle affectait de se mêler aux affaires ; elle se vantait auprès du Connétable d'avoir appris très vite la charge de munitionnaire, faisant entendre par là qu'elle envoyait beaucoup de vivres à l'armée du Roi. Mais celui-ci lui répondait assez ironiquement : Ma mie, vous m'escrivez que la provision des vivres se continue par-delà, mais je vous advise que jusqu'icy nous ne nous sommes aucunement sentys de secours qui soient venus de vostre costé.

Pendant toute la durée du règne d'Henri II, rien ne fit prévoir le rôle que Catherine devait jouer à partir de 1560. Les Mémoires du temps parlent d'elle fort peu ; on ne signale chez elle ni intrigues, ni passions. Comme le Roi, elle s'occupe beaucoup de ses enfants, les surveille, s'intéresse aux moindres détails de leur santé, de leur installation, de leur costume. Sa correspondance est toute familiale, tout intime : celle d'une personne privée, presque d'une bourgeoise.

Diane de Poitiers, âgée de quarante-huit ans, avait gardé un reste de beauté qui laissait un certain charme à une liaison passée en habitude. Elle apparaît bien moins dominatrice que la légende ne l'a faite. Qu'elle ait exercé un grand pouvoir entier sur le cœur du faible Henri II, qu'elle ait été avide, sèche, dure ; que son fanatisme se soit uni à celui du Roi, de Montmorency ou des Guise, cela est incontestable. Mais ce ne fut pas elle certainement qui régna sous le nom du Roi.

Pour assurer sa fortune, elle a usé de ménagements à l'égard de tout le monde, surtout de la Reine. Catherine elle-même avait fini par accepter l'empire exercé par la duchesse de Valentinois sur son mari, et l'ambassadeur vénitien prétend que Diane, en échange, lui rendait les meilleurs offices auprès d'Henri II, jusqu'à l'exhorter souvent à dormir auprès de la Reine.

Dans les lettres de Diane qui ont été conservées, on ne voit pas qu'elle soit très mêlée au gouvernement. Il y est fort souvent question d'offices, de charges ou de bénéfices qu'elle demande pour ses parents ou ses clients. Elle était en relations assez étroites avec les Montmorency, avec les Guise, avec tous les grands personnages du royaume ; mais elle leur écrit sur un ton d'intimité un peu humble, qui est, il est vrai, celui des lettres du temps ; elle y fait des allusions aux affaires publiques, mais comme quelqu'un qui en est informé plutôt qu'il ne les dirige. Henri II dépensa pour elle sans compter ; il lui donna Chenonceaux ; avec ses largesses, elle fit bâtir Anet, qu'elle entretint luxueusement. Par deux édits de 1548 et de 1550, elle obtint la pleine propriété du duché de Valentinois et Diois, dont elle avait déjà eu l'usufruit sous François Ier et, à partir de 1548, elle prit le titre de duchesse de Valentinois.

Entre le Connétable et elle, il y avait une alliance d'intérêts où chacun se surveillait. Il parait que Montmorency, en 1550, avait essayé d'opposer à Diane la gouvernante de Marie Stuart, la comtesse Fleming, fort jolie petite femme, qui fut aimée un moment de Henri II et eut de lui, au commencement de 1551, un fils, le bâtard d'Angoulême. La Reine et Diane s'unirent pour se débarrasser de cette maîtresse d'un moment. Plus tard Diane, voyant croître le crédit des Guise, se servit d'eux pour se garantir contre la toute-puissance du Connétable, puis, les Guise semblant trop puissants, elle se rapprocha de Montmorency. Ce fut ainsi à la Cour un perpétuel jeu de bascule.

Quant à ceux qui s'étaient donnés au feu Roi durant les dernières années du règne, ils furent disgraciés[11]. Madame d'Étampes, la première, contre qui s'étaient élevées tant de haines, fut humiliée, chassée de la Cour, et finit obscurément. D'Annebaut dut abandonner sa charge d'amiral, perdit la compagnie d'hommes d'armes qu'il commandait, fut exclu du Conseil et réduit à la dignité de maréchal de France. Il mourut en 1552, en défendant La Fère contre les Impériaux, relégué ainsi dans un poste secondaire. Le Bossut de Longueval qui, disait-on, était non seulement l'ami, mais l'amant de la duchesse d'Étampes, fut arrêté ; Gilbert Bayard, général des finances, un de ses protégés, réussit à s'enfuir.

Le premier président du Parlement de Paris, Lizet, fut chassé, et Montmorency installa à sa place une de ses créatures, le Toulousain Bertrand, dont l'office de président à mortier passa à Gilles Lemaitre, serviteur de Diane. En 1551, le chancelier Olivier fut privé des sceaux, confiés à Bertrand, et ce fut l'occasion de faire passer Lemaître à la Première Présidence et de pousser en sa place Maigret, tout dévoué aux Guise.

Le cardinal de Tournon, qui avait été un des premiers personnages du règne précédent, ne figurait pas sur les listes des Conseils. Quelques jours à peine après la mort de François Ier, on lui avait enlevé l'état de chancelier de l'Ordre (de Saint-Michel), pour en gratifier le duc de Lorraine, et il fut désormais écarté des faveurs et des affaires. En 1554, il se plaignait de n'avoir jamais vu le Roi en son Conseil, mais seulement à l'église et à l'issue de table. Il ne fut plus guère employé qu'à des missions à l'étranger et particulièrement en Italie, où, suivant son expression, on le tenait le bec dans l'eau. Il fut pourtant très mêlé à la lutte contre la Réforme.

Le célèbre duel de Jarnac et de la Châtaigneraie est un épisode caractéristique des discordes et des intrigues de la Cour. Guy Chabot, comte de Jarnac, beau-frère de Madame d'Étampes, était noté pour son luxe, pour ses dépenses en disproportion avec la fortune qu'on lui connaissait. A la Cour de François I6r de méchants bruits avaient couru sur lui. Est-ce au dauphin Henri, assez friand des petits scandales et d'ailleurs ennemi de Madame d'Étampes, est-ce à La Châtaigneraie qu'il aurait avoué être l'amant de sa belle-mère, Madeleine de Puy-Guyon, et recevoir d'elle de l'argent, propos qui fut ensuite répété ? Toujours est-il que La Châtaigneraie le prit à son compte : d'où la querelle. La Châtaigneraie, très fastueux, lui aussi, très à la mode, était fort redoutable par sa vigueur et son adresse à toutes les armes. C'est pour cette raison, dit-on, que Madame d'Étampes avait empêché la rencontre sous François Ier. Le Roi mort, l'entourage d'Henri II raviva la querelle, espérant humilier la duchesse, dans la personne de Jarnac. Les plus grands seigneurs de la Cour se prononçaient contre lui, les Guise surtout faisaient de cette affaire leur affaire. François de Guise servit de parrain à La Châtaigneraie, tandis que le Roi refusait à Antoine de Bourbon de se porter parrain pour Jarnac, qui ne trouva comme répondant que M. de Boisy, encouragé sans doute par Montmorency. On retrouve ici la rivalité entre les deux familles. Le Roi assigna le duel au 10 juillet, à Saint-Germain.

L'usage des duels commençait à se répandre, et ils étaient à la fois très réglementés et très arbitraires. Brantôme ne tarit pas en détails, qui montrent combien, sous l'apparence du point d'honneur, les lois de l'honneur étaient peu observées. Les maîtres d'armes, extrêmement nombreux à cette époque, et dont beaucoup étaient des Italiens ou des Gascons, la plupart anciens soldats, rompus à toutes les finesses, entraînaient les deux champions, pendant le temps fort long qui s'écoulait presque toujours entre le défi et le combat. Puis l'assailli, ayant le choix des armes, imposait quelquefois des conditions étranges : ou bien il exigeait des armes défensives ou offensives d'une forme avantageuse pour lui, ou bien il imposait à son adversaire l'acquisition d'un véritable arsenal, d'un prix ruineux. D'après le Rôle envoyé par Jarnac à La Châtaigneraie, celui-ci devra se pourvoir de quatre chevaux, de huit selles, de bardes d'acier, de caparaçons, comme pour le jour d'une bataille, de toutes les pièces qu'il faut pour un homme d'armes, quelques-unes en double, de toutes les sortes de boucliers, dont on se peust ayder à pied et à cheval, de toutes sortes de salades d'hommes de pied, de toutes sortes de gants de fer. Et Jarnac se réserve d'apporter au dernier moment pour lui et pour son adversaire les armes qui ne seront accoustumées en guerre, en joute, en débat et en camp cloz, et de modifier les conditions du duel.

Le 10 juillet, les deux adversaires se trouvèrent en présence. Ce duel était une solennité et une fête ; toute la Cour y assista. La Châtaigneraie était tellement sûr de son triomphe qu'il avait fait préparer un banquet où il avait invité ses amis. Jarnac frappa La Châtaigneraie au jarret, par un habile coup d'escrime, mais il renonça à pousser jusqu'au bout la victoire contre un adversaire désarmé, car il savait le Roi engagé derrière La Châtaigneraie. Ce fut comme une déroute, une débâcle des tenants des Guise et d'Henri II ; l'arène se vida en un instant, et le peuple pilla la salle du banquet.

 

II. — LE PRINCIPE D'AUTORITÉ.

D'UN bout à l'autre du règne, Montmorency et les Guise furent en lutte ; leur rivalité se répandit de la Cour au gouvernement ; elle influa sur la politique extérieure, elle la dénatura plus d'une fois, elle en compromit les résultats. Ils ne s'entendirent que sur un point, l'absolutisme monarchique, obéissant en cela à leurs sentiments aristocratiques et servant les passions du Roi. Car Henri II, qui se laissa si facilement dominer, était imbu du principe d'autorité, et sa morgue hautaine se froissait vivement de toute atteinte à son pouvoir. Du reste, il avait auprès de lui les légistes du Conseil, qui poursuivaient obscurément, mais continûment, l'œuvre de centralisation.

L'organisation des différentes sections du Conseil royal se précisa. Le Conseil des affaires ou Conseil étroit fut décidément séparé du Conseil privé et du Grand Conseil[12]. Le nombre des membres du Conseil privé fut réduit, sous prétexte que l'affluence des assistants y rendait très difficile l'expédition des affaires, mais en réalité pour le mettre plus directement sous la main du Roi. Le système des évocations se développa à l'excès : le parlement de Toulouse constatait que, de 1549 à 1554, seize cas nouveaux d'évocation s'étaient ajoutés aux matières déjà si nombreuses qui étaient enlevées à sa juridiction.

Même certaines réformes dans l'organisation judiciaire eurent autant pour but l'extension de l'autorité royale que l'amélioration de la justice. L'édit qui remplaça les Grands Jours de Bretagne par un Parlement[13] stipulait que le nouveau Parlement se conformerait aux usages et au style de celui de Paris, et que les quatre présidents et seize conseillers sur trente-deux seraient pris en dehors de la Bretagne.

L'institution des Présidiaux en 1552[14], favorable aux intérêts des justiciables, puisqu'elle abrégeait la durée des procès, avait aussi un caractère fiscal, par la création de près de 550 offices vénaux, et en même temps elle eut pour conséquence d'exclure de ces offices, trop chers pour eux, les anciens officiers de justice, pris dans le pays, et bien plus mêlés à la vie locale et à l'administration provinciale ou municipale. Ils furent remplacés par des officiers royaux sans attache avec le pays. Cela est très frappant dans le Languedoc.

Puis les circonscriptions présidiales ne correspondirent pas toujours aux divisions de la province. Ainsi, dans le Languedoc, l'ancienne sénéchaussée unique de Béziers et Carcassonne fut coupée en deux par l'établissement d'un présidial à Béziers[15].

Mêmes résultats par l'institution des lieutenants criminels particuliers, qui enlevèrent aux magistrats municipaux une partie de leurs attributions, ou par celle des prévôts des maréchaux, chargés de la police et devenus permanents à partir de 1559.

Ainsi, de plus en plus, le gouvernement s'exerça sans contrôle, et il fut très obéi. Les quelques résistances qui se produisirent n'eurent pour cause que les exigences fiscales du gouvernement ; elles furent réprimées implacablement[16].

On a vu que François Ier, dans les dernières années de son règne, avait établi l'impôt de la gabelle dans les provinces du Sud-Ouest, Saintonge, Bordelais, etc., qui jusque-là en avaient été exemptes. La dureté des agents du fisc suscita en juillet 1547 des mouvements séditieux dans le pays de Blaye et dans la Saintonge. Au mois de juillet 1548, une véritable révolte y éclata. Les rebelles, au nombre de plus de vingt mille, se répandirent jusque dans le Bordelais. Quelques-uns, parait-il, faisaient appel aux Anglais, avec lesquels la France avait à ce moment de graves différends[17]. En août, la révolte éclata à Bordeaux même. Le gouverneur, M. de Moneins, fut assassiné ; le président du Parlement, obligé de faire cause commune avec les rebelles. Mais les membres du corps municipal, effrayés par la violence des passions populaires, appelèrent des secours du dehors, armèrent les bourgeois, et en quelques jours ils avaient rétabli l'ordre et procédé eux-mêmes à quelques exécutions très rigoureuses.

Cependant les nouvelles venues du Sud-Ouest avaient beaucoup inquiété le Roi, qui voyageait alors dans le Piémont. Il se hâta de renvoyer en France Montmorency et François de Guise, avec une véritable armée de 1.000 hommes d'armes et de 8.000 fantassins, parmi lesquels il y avait quatre compagnies de ces lansquenets allemands si redoutés des populations. François de Guise parvint rapidement en Saintonge, et il est remarquable que les correspondances et les documents du temps insistent sur sa modération dans la répression, comme pour faire ressortir plus vivement la dureté de Montmorency.

Celui-ci, en effet, bien que Bordeaux eût fait déjà sa soumission, entra dans la ville en grand appareil militaire, le 20 août, et y organisa un régime de terreur : plus de cent Bordelais furent condamnés à mort ou aux galères ; le Parlement fut suspendu, les privilèges de la cité supprimés, les registres de l'Hôtel de Ville brûlés, les cloches brisées, une contribution de guerre levée sur les habitants. Montmorency ne quitta Bordeaux que le 9 novembre. La ville était comme anéantie ; le 12 juin 1549 seulement, elle recouvra non pas son Parlement, mais une Cour souveraine, où entrèrent dix conseillers de Paris, huit de Toulouse, six de Rouen ; seuls les deux présidents appartenaient à l'ancien Parlement.

Ces duretés étaient, à vrai dire, dans les mœurs du temps. Le gouvernement, les parlements et le populaire lui-même ne seront pas plus pitoyables aux Réformés que Montmorency aux Bordelais.

 

 

 



[1] BIBLIOGRAPHIE. Il n'existe pas une bonne histoire d'ensemble du règne d'Henri II : les documents officiels n'ont pas été complètement classés, on n'en a édité qu'un petit nombre ; la plupart des Mémoires sont extrêmement suspects, et c'est précisément chez eux qu'on a pris tant d'anecdotes, qui continuent à avoir cours dans presque tous les livres. Des monographies écrites sur les personnages du temps, quelques-unes sont documentées, d'autres ne sont que des ouvrages de seconde main.

SOURCES. Corps universel diplomatique de Du Mont ; Fœdera, conventiones de Rymer ; Relations des ambassadeurs vénitiens ; Le Relazioni degli ambasciatori Veneti ; Papiers d'État du cardinal de Granvelle, t. IV et V ; Négociations de la France avec la Toscane, t. III ; Négociations de la France dans le Levant, t. II ; Relations politiques de la France avec l'Écosse, t. I. Ajouter : G. Ribler, Lettres et Mémoires d'Estat, t. II. 1547-1559. Mémoires de François de Lorraine, duc d'Aumale et de Guise, concernant les affaires de France.... pendant les années 1547 à 1561 (Michaud et Poujoulat, t. VI, 1839) ; Lettres inédites de Catherine de Médicis, publiées par H. de la Ferrière, t. I, 1880 (Collect. des doc. inéd. sur l'Hist. de France). Lettres inédites de Dianne de Poytiers, publiées par G. Guiffrey, 1866. Lettres d'Antoine de Bourbon et de Jehanne d'Albret, publiées pour la Soc. de l'Hist. de France par le marquis de Rochambeau, 1877.

Les Mémoires de Brantôme, à condition d'être employés avec précaution, sont très riches de faits pour le temps d'Henri II, parce que Brantôme a été en relations avec les personnages marquants de l'époque. Ceux de Monluc, importants pour l'histoire militaire, ne doivent pas être acceptés sans contrôle. Ajouter : Mémoires du sieur François de Boyvin, chevalier, baron du Villars, 1550-1559 (Michaud et Poujoulat, t. X, 1838). François de Rabutin, Commentaires des dernières guerres en Gaule Belgique (Panthéon littéraire, 1836). Les Mémoires de Gaspard de Saux Tavannes, 1530-1573 (Michaud et Poujoulat, t. VIII), doivent être écartés. Il en est de même de ceux dits de Vieilleville : voir Ch. Marchand, Le maréchal François de Scépeaux de Vieilleville et ses mémoires, 1893.

OUVRAGES À CONSULTER. Histoire universelle de Jacques-Auguste de Thou, depuis 1543 jusqu'en 1607, traduite sur l'édition latine de Londres, t. I et II, 1734. F.-B. von Bucholtz, Geschichte der Regierung Ferdinand des Ersten. F. Decrue, Anne, duc de Montmorency, connétable et pair de France, sous les rois Henri II, François II et Charles IX, 1889. A. de Ruble, Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, t. I, 1881. J. Delaborde, Gaspard de Coligny, amiral de France, t. I, 1879. Ch. Marchand, Charles Ier de Cossé-Brissac, comte de Brissac et maréchal de France, 1507-1563 (thèse de la Fac. de Rennes), 1889. Dupré-Lasale (E.), Michel de l'Hospital avant son élévation au poste de chancelier de France, t. I et II, 1875, 1899. P. de Vaissière, Charles de Marillac. R. de Bouillé, Histoire des ducs de Guise, t. I, 1849. H. Forneron, Les ducs de Guise et leur époque, t. I, 1877.

SOURCES ET OUVRAGES GÉNÉRAUX POUR LES CHAP. I ET II. Lenz, Correspondent des Kaisers Karl V, t. III. Janssen, t. III, G. de Leva, t. V. Les ouvrages particuliers seront indiqués au cours du chapitre.

[2] Qui fut créé duc et pair d'Aumale, à la fin de 1547, malgré les remontrances du Parlement. C'est le futur François de Guise.

[3] Il est vrai que les noms varient dans les divers documents. Cela tient à ce que le Conseil n'avait pas de cadres rigides : on y assistait sur un mot du Roi, on y manquait, pour peu qu'on fût absent de la cour pour une raison quelconque ; les personnages que nous indiquons ci-dessus en sont les membres assidus ou les plus influents, les premiers surtout.

[4] Il avait gardé ce dernier titre malgré son élévation à la connétablie ; il fallut de longues démarches pour l'amener à s'en dessaisir.

[5] Une gravure postérieure, qui fut populaire, les représente en groupe, avec ce titre : Colignæi fratres.

[6] Que même les petites gens se moquent de lui.

[7] De Ruble, François de Montmorency, gouverneur de Paris et de l'Île-de-France, Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris, t. VI, 1879.

[8] Ils alléguaient à l'occasion cette situation particulière. Ainsi Claude de Guise, qui n'avait en France que le titre de comte, en 1517, avait déjà réclamé la préséance, même sur les ducs, lors du sacre de François Ier, étant, disait-il, fils de souverain.

[9] Dans un de ces jeux violents qu'affectionnaient les jeunes nobles de la Cour et qui étaient mêlés de plaisanteries brutales et de tours grossiers, il reçut sur la tête un meuble jeté, dit-on, d'une fenêtre, en manière d'amusement. Mais on supposa une autre intention.

[10] Bouchot, Catherine de Médicis, 1899.

[11] Voir l'article de Ch. Paillard, cité à la fin du chapitre précédent.

[12] Voir sur ces points le volume précédent, et Noël Valois, Le Conseil du Roi aux XVe et XVIe siècles, 1888 ; Inventaire des arrêts du Conseil d'État (règne de Henri IV) (l'Introduction), 1886.

[13] On faisait observer dans l'édit que les Grands Jours ne siégeaient qu'un peu plus d'un mois par an. Le siège du nouveau Parlement devait être alternativement à Rennes et à Nantes.

[14] Les édits de 1552 et 1554 déclaraient que, dans un certain nombre de bailliages, il y aurait une Cour présidiale, qui se composerait de neuf conseillers, dont les offices seraient vénaux. La Cour présidiale jugeait sans appel toutes les affaires dont l'objet ne dépassait pas 250 livres en capital ou 10 livres en rente ; elle recevait les appels des autres bailliages compris dans son ressort. 60 Présidiaux furent établis dans les ressorts des parlements de Paris (32), de Rouen (7), de Bordeaux de Toulouse (7), de Bretagne (5). Le fait vraiment nouveau était la suppression de l'appel dans certains cas (par où les procès étaient abrégés) ; car il existait au XVe siècle des Cours présidiales dans quelques bailliages. Laurain, Essai sur les Présidiaux (Rev. hist. de droit français et étranger, t. XIX et XX, 1895 et 1896). Publié à part, 1896. Les ordonnances sont dans Isambert, t. XIII, et dans Fontanon, t. I.

[15] P. Dognon, Les institutions politiques et administratives du pays de Languedoc, du XIIe siècle aux guerres de religion (quatrième et cinquième parties), 1895 (thèse de la Faculté de Paris).

[16] Le gouvernement d'Henri II fut aussi gêné que celui de François Ier et réduit comme lui aux expédients : impôts nouveaux, subsides exigés des villes (302.000 écus, de Paris en 1555), aliénations du domaine, emprunts aux banques (quelquefois au taux de 10 et 12 p. 100), ventes d'offices. On parle souvent dans les documents du temps de la pauvreté du pays.

[17] Voir Correspondance de M. de Selve, P. 447, 455-58.