HISTOIRE DE FRANCE

TOME CINQUIÈME — LES GUERRES D'ITALIE - LA FRANCE SOUS CHARLES VIII, LOUIS XII ET FRANÇOIS Ier (1492-1547).

LIVRE IV. — L'ÉVOLUTION SOCIALE.

CHAPITRE IV. — SITUATION ÉCONOMIQUE[1].

 

 

I. — LA VALEUR DE L'ARGENT.

QUELLES furent pour les différentes classes de la société les conditions matérielles de la vie ? Où commençait pour l'individu l'aisance, la richesse ? Cette question soulève celle de la valeur de l'argent, qui contient elle-même trois problèmes, le premier très difficile, le second et le troisième presque impossibles actuellement à résoudre.

1° Quelle est la valeur en titre et en poids des monnaies anciennes sonnantes ou des monnaies de compte, comparées aux monnaies actuelles d'or, d'argent ou de billon ? 2° Quel est le pouvoir de l'argent, c'est-à-dire la différence entre les prix d'autrefois et ceux d'aujourd'hui pour un objet identique ou un même travail ? 3° Quel est, dans une époque donnée, le rapport de l'argent avec les besoins sociaux ou les habitudes de vie ?

Au XVIe siècle, comme pendant le moyen-âge, la monnaie courante était la livre tournois[2], divisée en sous et en deniers (1 livre tournois = 20 sous ; 1 sou = 12 deniers). Mais la livre tournois n'était qu'une monnaie de compte, pas même une monnaie de papier, simplement un procédé de convention employé pour déterminer la somme à payer ou à recevoir, et le paiement effectif ne se faisait qu'en monnaies réelles, sonnantes ou de poids, suivant l'expression adoptée. Les principales, sous le règne de François Ier, furent l'écu d'or au soleil et le teston d'argent. Leur valeur s'établissait de deux façons : par rapport à un poids déterminé, le marc d'or ou d'argent[3] ; par rapport à la livre tournois. Or, ce double rapport varia presque continuellement. En ce qui concerne le marc, on y taillait tantôt plus, tantôt moins de pièces. En ce qui concerne la livre tournois, on l'évaluait, suivant les moments, à une valeur différente relativement au teston ou à l'écu.

Pour les relations de la livre tournois avec les principales monnaies de poids, on est suffisamment renseigné par les ordonnances. L'écu d'or au soleil varia de 1 livre 16 sous tournois à 2 livres 5 sous tournois. Le teston valut de 10 à Il sous tournois. De là, on le voit, un premier embarras pour la comparaison avec nos monnaies actuelles ; car, si l'on voulait arriver à une précision absolue, il faudrait presque établir un calcul année par année. D'un autre côté, la proportion entre l'or et l'argent n'a pas toujours été la même, et elle n'était pas, en tout cas, la même que de nos jours. On ne peut donc aboutir qu'à des approximations[4]. Puisqu'on en est réduit ici à ne prendre les chiffres que comme un terme commode pour des rapprochements, et que c'est là d'ailleurs leur seule utilité, nous adopterons le chiffre de 4 francs comme étalon moyen de la livre pour le règne de François Ier. Ainsi 1 livre tournois = 4 francs ; 1 sou = 20 centimes ; 1 denier = 1 cent. 66[5] en monnaie d'aujourd'hui.

Les gages et les salaires étaient en général peu élevés, et il semble bien que seules les fonctions de Cour ou de gouvernement pouvaient enrichir.

En effet, Claude de Guise touchait 18.000 livres par an[6], Montmorency 12.000 ; une foule d'autres courtisans de 6 à 12.000[7]. Un ambassadeur en mission recevait 20 à 25 livres par jour, un maître des requêtes en tournée, 5 livres. Les artistes célèbres, aux gages du Roi, furent payés : Rosso sur le pied de 1.400 livres par an, Primatice seulement de 600[8]. Leurs collaborateurs en sous-ordre étaient appointés à 250 livres environ.

Quant aux salaires, on voit un maître imagier de quelque réputation être payé par jour 6 sous environ, un compagnon maçon 3 à 4 sous, un manœuvre aux champs 2 sous. Il est vrai que des rétributions en nature s'ajoutaient souvent aux paiements en argent, ou que les ouvriers recevaient une part de nourriture, certains effets de travail, etc.

Le prix des choses est très variable en ce qui concerne les objets d'alimentation. Le blé à Paris valait en temps ordinaire 1 livre ½ le setier[9], mais il monta parfois jusqu'à 6 et même 7 livres ½. Des chiffres authentiques donnent pour la région d'Albi les renseignements suivants : le setier de blé passa de 2 livres environ, en 1520, à 4 livres 8 sous, en 1531 ; il redescendit à 1 livre 4 sous, en 1536, et remonta jusqu'à 4 livres 13 sous, en 1545. La barrique[10] de vin oscilla de 1 livre 5 sous à 4 livres ½, mais pour des qualités différentes peut-être.

Un cheval se payait de 5 à 12 et 14 livres ; un âne, de 4 à 4 l. ½ , un mulet Il livres et plus ; une paire de bœufs 11 à 19 livres ; une vache 5 à 8 livres ; un porc 3 livres ; un mouton 1 livre. Il faut élever un peu ces prix pour Paris ; ainsi la paire de bœufs était évaluée à 17 et jusqu'à 23 livres, un mouton à 1 et même 2 livres[11].

Un costume composé de robe, chausses, deux chemises, coûte 5 à 6 livres (comptes du Roi) ; deux habits de soie, l'un pour l'été, l'autre pour l'hiver, 21 livres (comptes du Roi) ; une aune de velours, 12 livres ; une aune de drap de petit prix, 1 livre à 1 l. ½, une once de musc, 22 livres ; 2 perles à 23 ou 24 carats, 2.000 livres ; 2 gros diamants, 20.000 livres (comptes du Roi). A côté de cela, on voit des statues destinées à un portail d'église ne se payer couramment que 10 à 12 livres.

D'autre part, les apports d'argent et d'or qui, depuis la découverte du Nouveau Monde, vinrent chaque année augmenter la masse du numéraire, eurent pour effet de diminuer le pouvoir de l'argent. De 1493 à 1520, l'Europe recevait annuellement une moyenne de 30 millions d'or ou d'argent. De 1521 à 1544, la moyenne fut de 45 millions, et c'est surtout après 1544 que les afflux de métaux précieux se produisirent[12]. Aussi faut-il établir que la baisse des monnaies ne s'effectua que lentement, et ne s'accentua en France qu'à partir de 1540 environ. Malgré tout, la livre tournois ne cessa pas de descendre et le prix des choses d'augmenter insensiblement[13].

De ce phénomène on peut déjà signaler quelques conséquences sous le règne de François Ier : hausse des fermages et de la valeur vénale du sol ; au contraire, affaiblissement des revenus fixes, tels que les censives. Quant aux salaires, ils restèrent à peu près stationnaires avec très légères tendances à la hausse.

Les résultats ne furent fâcheux ni pour les agriculteurs ni pour les industriels ou les commerçants, qui pouvaient monter leurs prix proportionnellement. Ils le furent, en haut et en bas, pour les seigneurs fonciers et pour les ouvriers. Ceux-ci les subirent sans trouver par ailleurs aucune compensation. Les seigneurs et les nobles cherchèrent les fonctions de cour ou de gouvernement ; les bourgeois, les charges administratives ou les offices. Les uns se pressèrent autour du Roi, les autres se répandirent dans les emplois. Par là, se précipita le mouvement qui entraînait tout vers un régime d'absolutisme, de centralisation, d'aristocratie, de fonctionnarisme.

 

II. — L'INDUSTRIE ET L'AGRICULTURE[14].

L'AMBASSADEUR vénitien, Marino Cavalli, dans sa relation de 1546, trace de la France économique un tableau, en grande partie exact, malgré quelque optimisme. Il insiste sur la variété, l'excellence et l'abondance des productions qui s'y rencontrent. La France exporte du blé en Espagne, en Portugal, en Angleterre, même en Suisse et à Gènes, quand l'état de paix le permet (et aussi, pourrait-il ajouter, les ordonnances royales). Elle fournit du vin de Bordeaux, de Bourgogne, d'Orléans, et des fruits à l'Angleterre, à l'Écosse, à la Flandre, à la Lorraine, à la Suisse. On y trouve des laines, mais généralement grossières, sauf en basse Normandie et en Picardie ; on y fabrique assez de toiles ordinaires pour en vendre aux Anglais, aux Espagnols, aux Italiens, aux habitants de la Barbarie. Les bois abondent, chênes et hêtres surtout (ils occupent plus du sixième du territoire), et cependant ils coûtent très cher, parce que presque toutes les forêts appartiennent au Roi et que celui-ci vend son bois à un prix très élevé. En fait de métaux, on n'exploite guère que des mines de fer ; le reste vient de l'étranger. Mais il y a beaucoup de sel ; on en exporte en Angleterre.

A ce tableau de la production s'oppose celui des importations. Nous l'avons très complet et presque officiel dans un mémoire qui date probablement du milieu du siècle[15]. Les pays importateurs en France sont surtout la haute et la basse Allemagne, le Portugal, l'Italie, le Levant et l'Angleterre. Dans la basse Allemagne, qui comprend les Pays-Bas hollandais et flamands et la région du Rhin inférieur, le centre commercial est le port d'Anvers, qui a desrobé presque toutes les aultres villes marchandes et attiré à elle toutes les plus grandes traffiques et négoces de marchandises, et ce, depuis quarante ans en ça, chose qui redonde grandement au détriment et diminution de toutes aultres bonnes manufactures et ouvraiges de France. Anvers réussit même à attirer le transit du commerce des velours de soie d'Italie à destination de notre pays, et le gouvernement s'est en vain efforcé d'entraver les relations avec la Flandre.

Les achats français dans les deux Allemagnes portaient sur les métaux, les armes, les cuirs, les laines, les fourrures, les toiles, les étoffes, les tapisseries, les épices, les poissons, les jambons, les fromages, les chevaux. En Italie et dans les pays du Levant, on achetait surtout des étoffes (et des objets de luxe, soies, cristaux, joyaux, etc.) ou des armes ; en Angleterre, de l'or, de l'argent, du plomb, de l'étain, du cuir, de la laine, du poisson. A l'Espagne on demandait des espèces monnayées, malgré les efforts des deux gouvernements pour paralyser ce commerce, qui était en désaccord avec les idées économiques du temps, parce qu'on croyait un pays d'autant plus riche qu'il possédait plus de numéraire.

Le Portugal était le principal intermédiaire du commerce avec les pays nouveaux ; il nous vendait les épiceries, drogueries, pierres précieuses, parfums, bois de Brésil, venant des Indes et autres pays du Levant et du Midi.

Ces indications présentent la France comme plutôt tributaire des autres pays. Cela tenait sans doute aux guerres, aux exigences administratives et à la presque ignorance où l'on était des conditions nouvelles créées par les découvertes maritimes. On s'immobilisait dans les traditions économiques antérieures.

Pendant la première moitié du XVIe siècle, il n'y eut dans l'industrie française que des modifications de détail : rien qui ressemble à une révolution ni même à une évolution

Le régime du travail resta le même et toujours fondé sur l'organisation corporative, avec la hiérarchie des patrons, des ouvriers, compagnons ou valets, et des apprentis. Cette organisation était très variable dans ses formes ou bien même elle n'existait point partout. Les villes de jurande formaient la minorité ; à Lyon, il n'existait que quatre métiers jurés ; très souvent les seuls métiers organisés en maîtrise étaient ceux qui fabriquaient des objets de première nécessité : alimentation, habillement, construction ; même dans les villes de maîtrise, il restait un grand nombre d'ouvriers exerçant librement leur industrie. De sorte qu'on a pu dire que le régime corporatif allait s'affaiblissant et que le monopole était l'exception. Pourtant la théorie économique reposait bien sur le privilège et, était très peu favorable à l'esprit de concurrence et d'initiative. Aussi la France ne sortit guère des voies jusque-là suivies. Quand on a cité le développement de l'industrie de la soie, déjà introduite en France sous Louis XI, et des étoffes de brocard ou de velours[16], on a passé en revue à peu près les nouveautés de l'époque.

Pas plus que l'industrie, l'agriculture ne modifia ses habitudes ou ses procédés : il y eut seulement développement progressif des exploitations rurales, augmentation de la production et défrichement continu des forêts, qui se resserraient peu à peu.

Le gouvernement de François Ier intervint dans les questions de travail, mais sans avoir de conceptions originales. Il ne cessa pas d'hésiter, à propos du régime des corporations. Tantôt il créa des jurandes nouvelles, tantôt il distribua des lettres de maîtrise, qui permettaient d'arriver au patronat sans être agréé par les maîtres, mesure surtout fiscale, puisque le plus souvent ces lettres étaient vendues ; elle était généralement prise à l'occasion d'une naissance, d'un mariage princier.

Dans ses rapports avec les maîtrises, François Ier fut déterminé souvent par des considérations politiques. Ainsi, il établit des fonctionnaires spéciaux, chargés de surveiller les métiers ; ses officiers de justice empiétaient perpétuellement sur les juridictions locales autonomes. Il se méfiait des corporations et surtout des confréries, ces associations mi-religieuses, mi-économiques, annexées aux métiers et où les ouvriers avaient accès, tandis qu'ils étaient exclus de l'administration des corporations. Quelquefois même ils entreprenaient de former des confréries séparées. A ces tentatives, mal vues des patrons, les corps de ville aussi s'opposaient presque toujours. L'édit de 1539 supprima, sous les peines les plus sévères, toute confrérie de gens de métier et artisans par tout le royaume[17]. Mais il arriva ce qui arrivait partout, avec une administration qui redoutait les libertés, tout en étant incapable d'autorité, parce qu'elle était incapable de suite : dès 1540, des dispenses étaient accordées à quelques confréries, les autres reparurent bientôt.

Le Roi ne fut jamais favorable aux ouvriers, toutes les fois que s'élevèrent des difficultés entre eux et les patrons ou que se formèrent des coalitions de travailleurs, pour obtenir par la grève des améliorations au régime du travail ou des augmentations de salaires. Une grève de ce genre éclata à Lyon en 1539, parmi les ouvriers imprimeurs, extrêmement nombreux dans cette ville savante. Ils se plaignaient de l'insuffisance des salaires et de la nourriture qui, d'après l'usage, était fournie par les patrons ; ils protestaient contre l'emploi d'apprentis à leur préjudice et contre la distribution trop rigoureuse des heures de travail. Ils tinrent des assemblées secrètes, se concertèrent et suspendirent le travail. Ils s'étaient organisés presque militairement, avaient des étendards, des chefs, faisaient des patrouilles, empêchaient tout compagnon de rentrer dans les ateliers. La misère où ils furent bientôt réduits par suite du chômage n'avait pas affaibli leur énergie. Le corps de ville n'osait agir et temporisait.

Pendant ce temps, les compagnons imprimeurs de Paris s'agitaient aussi : Au moyen de certaine confrérie particulière élue entre eux, ils avaient par monopole et voie indirecte fait délibération de ne plus besogner avec les apprentis.

Les patrons de Lyon s'adressèrent au Sénéchal de la ville, ceux. de Paris, au Roi. Le 31 juillet, le Sénéchal rendit une sentence interdisant les réunions de plus de cinq personnes, les coalitions, les grèves, le port d'armes et les entraves à la liberté du travail ; les maîtres étaient autorisés à avoir autant d'apprentis qu'il leur semblerait utile d'en employer. Les salaires n'étaient pas augmentés ; toutes les contestations relatives à la nourriture devaient être jugées par le bureau de l'Aumône, institution d'assistance publique établie en 1531. En même temps, un règlement fixait les conditions du travail dans les ateliers et défendait aux compagnons de quitter, individuellement ou en masse, la tâche une fois commencée.

Soumise au Conseil privé par le Sénéchal de Lyon lui-même, la sentence fut confirmée, dès le 21 août 1539, et une procédure particulière ainsi que des peines très rigoureuses, la prison, la torture, la mort, furent instituées. Le 31 du même mois, un édit royal donna également satisfaction aux imprimeurs de Paris contre leurs ouvriers.

C'est à ce moment, en août 1539, qu'était signée l'ordonnance de Villers-Cotterets, dont un article supprimait les confréries.

Rien ne fut terminé cependant : les compagnons de Lyon et de Paris protestèrent contre les décisions royales ; le Parlement, toujours jaloux de ses prérogatives, reçut l'appel des Lyonnais et cassa la partie de la sentence du Sénéchal qui donnait aux patrons le droit d'employer des apprentis comme ouvriers, avant un certain délai d'apprentissage. Sur quoi, les maîtres imprimeurs menacèrent de quitter Lyon pour s'établir à Vienne en Dauphiné. Les choses durèrent ainsi jusqu'à la fin de 1541 ; à cette date un édit royal reprit, en l'aggravant, l'arrêt que le Sénéchal avait prononcé en 1539 : il ne fixa ni le taux des gages, ni le salaire en nourriture. Il accusait les compagnons de s'être bandés ensemble pour contraindre les maîtres imprimeurs de leur fournir plus gros gages et nourriture plus opulente que, par la coutume ancienne, ils ont jamais eu. Il disposa que l'ouvrier ne pourrait quitter le travail qu'en prévenant huit jours à l'avance ; que le patron aurait tout droit de le congédier, quand il serait de mauvaise vie, comme mutin, blasphémateur du nom de Dieu... La durée du travail qui, dans la pratique, dépassait treize heures, ne fut point limitée[18].

Les ouvriers lyonnais ne se tinrent pas pour battus ; ils en appelèrent encore au Parlement des lettres de 1541, pendant que les consuls de la ville saisissaient le Conseil privé. En 1544 seulement, François Ier termina le litige, en confirmant toutes ses décisions antérieures. En fait, la grève avait pris fin depuis longtemps ; mais l'intervention des compagnons par la voie de la procédure et le procès soutenu par eux pendant près de trois ans devant toutes les juridictions montrent qu'ils étaient assez fortement organisés.

François In essaya de développer certaines industries en y substituant aux corporations un régime en partie nouveau. Louis XI et Charles VIII l'avaient tenté avant lui : ils avaient établi à Poitiers des fabriques de draps, où se groupaient un certain nombre de petits patrons associés et placés sous la surveillance de la municipalité. Cette institution dura pendant le XVIe siècle, mais sans donner les résultats attendus. François In entreprit quelque chose de ce genre à Lyon, en 1538 : il accorda à un Français, Turquet, à un Génois, B. Naris, et à leurs associés, des privilèges pour l'établissement (en réalité, le rétablissement) de fabriques de soie.

En ce qui concerne le régime commercial des corporations, il intervint pour réglementer les prix, empêcher les malfaçons et préserver de la fraude le menu et pauvre peuple. La fabrication des draps et de toutes les étoffes d'habillement était très surveillée et réglementée. En tout cela, il ne faisait encore que continuer ses prédécesseurs et il agissait comme eux en tuteur de ses sujets[19].

Un détail curieux se rencontre dans les ordonnances relatives aux hôteliers. Celle de 1523, attendu que les despens de ceux qui voyagent sont si grands et excessifs qu'à peine plusieurs les peuvent supporter et en laissent leurs affaires nécessaires, établissait un tarif maximum. Chaque hôtelier devait avoir à sa porte un tableau, signé du juge ou de son greffier, où il inscrivait les prix. Cette ordonnance fut reprise en 1540 et 1546, avec défense aux hôteliers de quitter leurs auberges ou hostelleries, preuve que le métier n'était guère rémunérateur[20].

Le gouvernement agit d'une façon plus utile en essayant de réaliser l'unité des poids et mesures. Mais une ordonnance générale préparatoire, du 13 novembre 1540, n'aboutit pas. Du moins, par un édit du 13 avril de la même année, le Roi avait établi pour les étoffes l'uniformité de mesurage. L'édit s'exprimait ainsi :

Comme il soit venu à nostre cognoissance que, pour la diversité des aulnes, aulnages et formes d'aulnes et des noms des mesures servans à ceste fin, tant à nos citez et bonnes villes qu'autres lieux de nostre royaume, par cy devant plusieurs fautes, fraudes et abus se sont ensuyvis ès dits aulnages... Avons ordonné : Qu'une seule forme d'aulnes soit establie et ordonnée en nostre royaume, qui aura de longueur trois pieds, sept pouces et huit lignes. Cette aune devait porter le nom d'aune du Roi et être marquée à son coin. Il en serait fait un étalon, déposé à Paris et dans les principales villes du royaume.

Mais il fallut là encore composer avec les privilèges ; on ne put enlever leur droit d'aunage aux seigneurs qui l'avaient, et la réforme ne fut même pas maintenue telle que François Ier l'avait établie.

Pour l'agriculture, la surveillance fut méticuleuse, mais avec toutes sortes d'alternatives. Le gouvernement s'informait presque tous les ans de la situation des différents pays et des prévisions pour la récolte. En 1529, c'était Lyon qui était menacé de disette, et l'on faisait une enquête sur l'état des choses en Dauphiné, d'où l'on espérait faire venir le grain pour combler le déficit. Des problèmes de ce genre se posaient à chaque instant, puisque la règle générale était l'interdiction d'exportation de province à province, de telle sorte que le ravitaillement d'un pays à l'autre ne pouvait se faire qu'en vertu d'une autorisation spéciale.

Comme ses prédécesseurs, François Ier, d'accord avec l'opinion de son temps, voyait le mal dans les accaparements, et ses nombreuses ordonnances sur la matière montrent qu'il fut impuissant à l'empêcher. Dans l'édit de 1532, il disait : Comme nous ayons esté informez que plusieurs personnages, par avarice et cupidité, non ayant Dieu, charité ne le salut de leurs âmes devant les yeux, ont acheté grande quantité de tous blez, les uns avant la cueillette et estans encores en verdure sur les champs, et les autres du populaire, hors le marché et en leurs maisons, pour mettre en greniers, pour iceux vendre à leur plaisir et volonté, alors qu'ils verront le peuple estre en nécessité... Avons ordonné : Que les bleds... soyent vendus et portez aux marchés publiques et non ailleurs... Lesquels bleds estans ès dits marchez, voulons estre vendus en la manière qui s'ensuit : c'est assavoir premièrement et avant toute œuvre au populaire qui l'achète pour vivre au jour le jour, et nul ne sera à eux préféré...

En 1535, acertenez de la grande abondance et copiosité de blez qui est de présent, grâces à nostre Seigneur, en la plupart des endroits de nostre royaume, de la cueillette de l'année dernière, et aussi qu'il est à estimer et à espérer, par l'apparence et la bonne disposition du temps (c'était le 20 février), que en l'année présente s'en pourra recueillir grande quantité..., il accorda le libre commerce entre les provinces. En 1544, la constatation des accaparements amena un retour à l'ordonnance de 1531

Du reste, le Roi considérait l'autorisation de transporter les grains et denrées hors du royaume comme un droit souverain ; il en résultait que ces questions se réglaient souvent d'après des préoccupations. fiscales. L'application de ces mesures était ordinairement confiée aux officiers royaux, qui accordaient les passeports d'exportation.

Pour les relations économiques de la France avec l'étranger, il n'y a rien de nouveau à signaler. Ce fut tout simplement le régime de prohibition ou de protection en usage au moyen-âge. Il s'appliquait à l'industrie en général. En 1527, on défendit l'importation des draps d'or, d'argent, de soie[21], et l'on interdit même de vendre les étoffes existant en magasin, sauf aux églises et aux princes du sang, avec délai maximum de six mois. En 1539, on prohiba l'entrée des draps de Roussillon et de Catalogne.

La protection royale s'exerçait aussi au profit de certaines provinces ou de certaines villes. Ainsi Lyon avait le privilège de servir d'entrepôt à une partie des marchandises venant d'Italie et prétendait bien le garder : de nombreux édits eurent pour but de fermer au commerce italien toute autre voie que la route de Suse, qui aboutissait à Lyon. Les velours du Piémont, les soieries de Gênes, les étoffes d'or et d'argent étaient l'objet d'une surveillance particulière.

On pense bien que le gouvernement se préoccupait avant tout des droits qu'il percevait à l'importation. Dans un édit de 1540, il est surtout question de ces droits. Pour obvier aux fraudes, on interdisait de passer par chemins obliques, faux passages et chemins détournez, soit par eau ou par terre, sous peine de confiscation, et on autorisait tous les sujets à arrêter les dits marchants et courriers ; le quart des objets confisqués serait attribué aux dénonciateurs. Bien plus, tous les chemins détournés par terre ou par eau devaient être rompus, en sorte qu'il n'y ait plus aucune voye ou chemin pour y passer en quelque manière que ce soit. Vrai blocus partiel.

C'est à propos des épices surtout que le gouvernement royal parait s'être peu rendu compte de l'état de choses nouveau qui résultait des découvertes. Il s'attachait à n'en permettre l'introduction que par certains ports ; comme les droits d'entrée y étaient fort élevés, ils constituaient un profit auquel tout le reste était subordonné. La contrebande, par suite, s'exerçait en grand. En outre, il venait d'Amérique des produits qui échappaient aux droits, parce qu'ils n'avaient pas été catalogués, n'étant pas encore connus. Le Roi n'avait qu'un souci, les introduire au tarif : dans un édit de Mn, il se plaignait naïvement de la mauvaise foy et volonté envers Nous et la chose publique de certains marchands, qui se refusaient à payer, sous umbre que par nos dictes ordonnances n'a esté faict mention de ces mots drogueries et denrées venant des dits pays (le Ponant et le Levant). Aussi, pour obvier à ces cautèles, il déclarait que désormais les drogueries et denrées d'Amérique et des Indes seraient assimilées aux épices. Il semblait vraiment qu'on chercha à entraver les relations avec le Nouveau Monde.

 

III. — LA FRANCE ET LES MONDES NOUVEAUX[22].

LES découvertes géographiques et l'importance acquise par Lisbonne et Cadix devaient avoir pour résultat le développement des ports de l'Océan et l'arrêt de progression de ceux de la Méditerranée. Un ambassadeur vénitien cite parmi les cinq plus grandes villes de France Bordeaux et Rouen, les autres étant Paris, Lyon et Toulouse. Les documents économiques du temps mentionnent très souvent Bayonne, La Rochelle, Nantes, les ports de Bretagne, Dieppe, Boulogne, plus rarement le Havre. Marseille, Aigues-Mortes et Narbonne figurent surtout pour les relations avec l'Espagne et les pays méditerranéens.

Pourtant le déplacement du commerce extérieur s'opéra avec une lenteur extrême, d'autant que le gouvernement, forcé, comme on vient de le voir, de compter avec les privilèges de grandes villes, et, en particulier de Lyon, maintint les anciens règlements qui leur accordaient de servir d'entrepôt obligatoire pour les marchandises. Ainsi, pendant que les faits portaient la voie des échanges vers l'Ouest, la législation s'attachait à la contenir dans les limites étroites de l'Orient méditerranéen. Toutes les restrictions eurent pour résultat de favoriser les progrès d'Anvers, qu'on voulait combattre au profit de Lyon, et qui n'auraient pu être entravés que par la concurrence des ports de Normandie et de Bretagne.

François Ier, il est vrai, a fondé le Havre[23], mais ce n'est peut-être pas une preuve que lui ou ses conseillers aient eu la vision absolument nette du rôle que la France pouvait jouer à l'Occident. Bien qu'il soit question dans la commission de 1517, qui est la vraie charte de création de la ville, de préparer un abri pour les vaisseaux qui naviguent dans la mer océane, le Havre eut pour principale destination d'être un port de guerre contre l'Angleterre. Ce furent surtout Dieppe et Saint-Malo qui envoyèrent des commerçants et des découvreurs vers les Indes. L'ignorance même où l'on a été pendant si longtemps au sujet des voyages accomplis et le peu de documents qu'on en a conservé montrent bien que les initiatives étaient toutes locales.

Au moment où François Ier arrivait au trône, le grand mouvement des explorations était en pleine expansion. On connaissait, en Amérique, le rivage du continent septentrional, depuis Terre-Neuve jusqu'au Golfe du Mexique, les Antilles presque entières, les côtes du continent méridional, depuis le Nicaragua jusqu'à l'Amazone, et enfin le Brésil. Connaissances très imparfaites, mal reliées les unes aux autres, obtenues par des pointes poussées çà et là, mais qui n'en attiraient pas moins l'attention. A l'Orient, les Portugais avaient pénétré par l'Océan Indien jusque vers le détroit de Malacca et vers la Chine. Eux et les Espagnols, au début du XVIe siècle, s'étaient à peu près assuré le monde extérieur à l'Europe, et fondaient en outre leurs droits à la possession des terres nouvelles sur la Bulle — étrange — d'Alexandre VI qui, en 1493, avait eu la prétention de les partager entre eux.

Après 1515, les découvertes continuèrent : les navires de Magellan firent le tour du monde de 1519 à 1521 ; Cortès conquit le Mexique, entre 1518 et 1524 ; Pizarre, le Pérou, de 1524 à 1541 ; le bassin du Mississipi inférieur fut visité entre 1539 et 1543. Les Portugais arrivèrent au Japon en 1542.

Mais il ne parvenait en Europe et en France qu'un écho très affaibli de ces grands faits. Les deux peuples qui y avaient la part principale cherchaient à ne pas divulguer des entreprises dont ils se réservaient très jalousement tous les bénéfices. Aussi n'avait-on que le sentiment assez vague du renouvellement industriel, commercial, et même politique, qui devait en être la conséquence. On ne songeait guère qu'aux richesses exceptionnelles procurées par l'exploitation des mines d'or et d'argent ou par le commerce des épices.

Pourtant la France, étant donnée sa situation entre l'Océan et la Méditerranée, ne pouvait demeurer et ne demeura pas étrangère aux événements d'outre-mer. Dès le règne de Louis XII, il est question de voyages faits par les Dieppois ou par les Bretons. On a pu se demander si ceux-ci ne fréquentaient pas Terre-Neuve avant la fin même du XVe siècle : eux ou les gens de Honfleur. A coup sûr, en 1503, le navire l'Espoir quittait ce dernier port, alors très florissant, à destination des Indes Orientales[24]. Il était monté par soixante hommes et commandé par Paulmier de Gonneville. Mais, au lieu d'aller aux Indes Orientales, il atterrit au Brésil. A peu près à la même date, en 1504 peut-être, des Bretons auraient visité les parages du Saint-Laurent.

Vers 1506, Jean Denis, de Honfleur, faisait une expédition aux Baccalhaos (les terres des morues, vers le Labrador) ; il était suivi en 1508-1509 par Thomas Aubert, de Dieppe, au service du premier Ango. En 1518, le baron de Léry essayait un établissement à Terre-Neuve, dont les pêcheries étaient fréquentées par un grand nombre de pêcheurs, surtout normands et bretons. En 1527, un capitaine anglais, John Rut, y rencontrait douze navires français.

Les expéditions nouvelles eurent quatre objets : la pêche, la recherche des épices, la découverte d'une route vers l'Inde, autre que celle de l'océan Indien et, plus tard, la colonisation. A Dieppe, le second des Ango dirigea la plus grande partie des entreprises privées[25]. Vicomte de Dieppe, favori de Marguerite d'Angoulême, possesseur du domaine de Varengeville, où il reçut François Ier en 1533, il réunissait autour de lui des marins et des savants, dont beaucoup étaient italiens. Il avait pour associés un grand nombre de marchands de Dieppe et de Rouen et pouvait ainsi rassembler jusqu'à 20 ou 30 navires, qui se répandaient dans l'Atlantique ou la mer des Indes. De 1520 à 1540, il tenta, par ses pilotes, les différentes routes de mer par lesquelles on allait alors aux Indes orientales ou, plus encore, aux îles des Épices (Moluques, Sumatra), but suprême de tous les voyages commerciaux. Équipés par lui, le Sacre, de 120 tonneaux, et la Pensée, de 200, commandés par Jean et Raoul Parmentier, arrivèrent en 1529 jusqu'à Sumatra[26]. Il fit aussi essayer la route par l'Océan Atlantique, car on se figurait qu'outre le détroit de Magellan, il y avait un passage vers l'Ouest, soit au centre, soit au nord de l'Amérique.

On connaît, par un acte de 1530, les termes d'un projet de voyage aux Indes orientales. C'est une sorte de contrat de participation : Chabot, amiral de France, se déclare prêt, pour le bien, proffict et utilité de la chose publique, à mettre sus deux de nos gallyons estans de present au Havre de Grâce, avec une nef appartenant à Jehan Ango de Dieppe, du port (de) soixante-dix tonneaux ou environ... pour faire le volage des espiceryes. Les associés, au nombre de six, constituent un apport de 20000 livres, pour achat de victuailles et marchandises, et pour le paiement de l'équipage. L'amiral et Jean Ango doivent recevoir pour leur part le quart des marchandises rapportées ; le pilote principal, qui a mis 2.000 livres dans l'entreprise, et les deux autres pilotes auront le sixième. S'il se fait du butin sur les ennemis de la foi et du Roi, l'Amiral en prendra le dixième.

Ces expéditions d'outre-mer ne se faisaient pas librement. Il fallait préalablement le congé de l'Amiral de Normandie. Le procès de Chabot contient sur ce point des révélations curieuses : en 1533, deux marchands de Rouen, d'Agincourt et Huet, ayant voulu aller aux terres d'Afrique, avec trois ou quatre navires, n'obtinrent l'autorisation qu'en promettant de lui payer le dixième du profit de leur voyage. A plusieurs reprises, Chabot extorqua plusieurs sommes de deniers de diverses personnes et en grand nombre et quantité... pour les congés baillés pour faire voyages.

En outre, les voyages étaient entrepris dans des conditions fort difficiles et périlleuses ; la piraterie sévissait partout, jusque sur nos côtes. Gonneville, au retour du voyage de 1503, fut attaqué en vue même du Cotentin, en pleine paix, par un navire anglais. Le Portugal et l'Espagne fermaient non seulement leurs colonies, mais l'Atlantique et l'Océan Indien, qu'ils considéraient comme leurs mers. C'était même avec le Portugal que la France avait le plus de démêlés, à cause de la direction prise par les Dieppois vers le Brésil, à cause aussi du commerce des épices disputé âprement. Dès 1500, Lisbonne était l'entrepôt de ce négoce. Dans l'enquête relative au voyage de l'Espoir, il est dit que Gonneville, Jean l'Anglais et Pierre le Carpentier, trafiquant en Lissebonne, remarquèrent les belles richesses d'épicerie et autres raretés venant en icelle cité, de par les navires portugallaises allant ès Indes orientales, empuys aucunes années découvertes. Rabelais parle des navigations énormes des Portugais, passant la ceinture ardente et le Cap de Bona Speranza sur la pointe méridionale d'Afrique, oultre l'équinoctial[27].

En 1522, un certain Jean Terrien, bourgeois de Dieppe[28], avait équipé un navire pour combattre les Espagnols. Le capitaine qui le commandait leur avait pris une barque venant des Antilles, chargée de cinq grans quintaulx d'or fin, deux quintaulx de perles, troys cens cuyrs de beufz sauvaiges, deux quaisses de fistures et aultres singulières marchandises, vallant deux cent mil escuz et plus, appartenant aux marchans de Civille (Séville) en Espaigne. Obligé de faire escale au Portugal, il fut retenu prisonnier avec tous ses compagnons et son butin fut confisqué. Le Roi, pour obtenir satisfaction, dut mettre arrêt sur les biens et les personnes des Portugais commerçant en France.

C'était sur toute l'étendue des Océans des luttes constantes et féroces entre les Français, les Espagnols et les Portugais. Ango avait mis sa flotte au service de François In dans sa guerre contre l'Empereur. En 1523, un de ses capitaines les plus audacieux s'empara de trois caravelles chargées des trésors du Mexique, envoyés par Cortès à Charles Quint. Pris en 1527, il fut conduit à Tolède et décapité. Les Portugais n'étaient pas moins acharnés contre les Français, quoique la paix régnât officiellement entre les souverains des deux pays. En 1531, Jean Ango obtint du Roi des lettres de marque, qui lui donnaient le droit d'armer ses navires en guerre, et il combattit à lui seul la flotte portugaise, non sans succès[29].

Mais François Ier, qui avait proclamé la liberté de naviguer sur le mer commune, tergiversait, là comme ailleurs, ou bien il était obligé à des concessions pour les besoins de sa politique européenne. En 1531 même, il fit arrêter par l'Amiral de France des navires rouennais, qui avaient fait le négoce dans les parages du Brésil. Ango et les armateurs normands étaient desservis par Chabot, de qui dépendaient toutes les entreprises maritimes. En 1538, le Roi interdit de nouveau le voyage au Brésil, à la Malaguette (côte de Guinée), et vers toutes les terres découvertes par les Portugais, et ordonna une information sur les voyages accomplis précédemment, à l'encontre de ses prohibitions. Puis il retira son ordonnance, sur les représentations du commerce normand et, malgré les réclamations du Portugal, et il maintint la liberté de navigation par une ordonnance postérieure de 1543. En 1546 encore, Cavalli, l'ambassadeur de Venise, écrivait : Avec le sérénissime roi de Portugal, le roi de France ne peut rester en très bons termes, parce qu'il a avec lui comme une secrète et continuelle hostilité, les Français prétendant pouvoir naviguer vers la Guinée et la terre du Brésil, à leur volonté. Les Portugais repoussent ces prétentions et, quand ils rencontrent les Français en mer et leur sont supérieurs, ils les combattent et coulent bas leurs navires. Il s'ensuit contre les Portugais des représailles terribles.

Les divers voyages entrepris du côté du Brésil ou de l'Asie étaient surtout l'œuvre d'initiatives privées. C'est seulement à propos des expéditions faites dans l'Amérique du Nord que le Roi exerça une action immédiate et qu'il ouvrit une tradition.

En 1523-1524, des navires français allèrent dans l'Atlantique, pour chercher le chemin du Cathay et du Xipangu, c'est-à-dire de la Chine et du Japon, en passant au centre ou an nord de l'Amérique. Le commandement en avait été donné à un capitaine florentin, Giovanni da Verazzano. Ce dernier ne découvrit aucun détroit, mais il longea peut-être toute la côte, depuis la Floride jusqu'à la Nouvelle-Écosse. Deux cartes dressées peu de temps après donnent à cette région le nom de Francesca ; l'une d'elles ajoute la mention nuper lustrata (récemment explorée). Mais les détails précis font défaut.

Vers l'année 1530, les cartes figuraient encore des tracés plus ou moins fantaisistes pour le continent américain ; les mieux informées dessinent une longue ligne droite, à l'Est, en y indiquant quelques golfes ou caps et un certain nombre d'Iles ; d'autres se contentent de faire surgir de l'Océan deux ou trois grandes terres isolées, qu'elles dénomment Labrador, Cortereal, Terra Verde ou tout simplement Terra incognita. Dans les plus récentes, l'estuaire du Saint-Laurent est à peine indiqué ; Terre-Neuve est reliée au continent et sa partie septentrionale se fractionne en petites îles.

Les voyages de Jacques Cartier sont les premiers en France qui correspondent vraiment aux tendances scientifiques ou politiques, développées par les explorations. En effet, ce ne furent ni des voyages de pur commerce, ni des voyages d'aventures ; ils eurent un double but de recherches géographiques et de colonisation.

On n'a encore sur Cartier que trop peu de renseignements. Il était né à Saint-Malo vers 1491 ; il mourut en 1557. En 1533, il commandait un navire de ce port, quand il sollicita l'appui de François Ier pour tenter une exploration dans le Nouveau Monde. Sa requête fut bien accueillie ; le 12 mars 1534, le Roi mandait à son trésorier de payer 6.000 livres tournois pour l'équipement des navires de Cartier.

Cartier partit de Saint-Malo, avec deux navires, le 20 avril 1534 ; vingt jours après, il arrivait à Terre-Neuve, au cap Bonavista et, le 27 mai, à la baie des Châteaux (aujourd'hui détroit de Belle-Isle), entre le Labrador et Terre-Neuve. Les glaces l'obligèrent à hiverner douze jours dans un havre ; reprenant ensuite sa route, il longea la côte occidentale de Terre-Neuve, puis atterrit à l'entrée du golfe du Saint-Laurent. De là, il retourna en France et y rentra le 5 septembre.

Le succès de ce voyage engagea François Ier à envoyer une seconde expédition. Le 30 octobre 1534, moins de deux mois après son retour, Cartier recevait commission de conduire, mener et employer trois navires, équippez et advitaillez chacun pour quinze mois, au parachèvement de la navigation déjà commencée à découvrir outre les terres neufves. Il s'agissait de pénétrer plus avant dans le golfe de Saint-Laurent, d'entrer en relations avec les chefs sauvages, et de prendre possession des terres au nom du roi de France.

L'expédition fut prête au mois de mai de 1535. Elle se composait de trois navires : la Grande Hermine, de 100 à 120 tonneaux, la Petite Hermine, de 60 tonneaux, l'Émerillon, de 40 tonneaux. L'équipage comptait environ 110 hommes. Cartier longea toute la côte du Labrador, pour arriver à la pointe d'une île qu'il appela île de l'Assomption, aujourd'hui Anticosti. Franchissant le détroit qui la sépare de la côte labradorienne, il parvint à un grand estuaire de plus de 8 lieues de large, bordé, au Nord et au Sud, de hautes collines. C'était l'embouchure même du fleuve Saint-Laurent[30].

On allait entrer ensuite dans une contrée où nul Européen n'avait encore pénétré. Cartier remonta le Saint-Laurent et, le 1er septembre, il arrivait à l'embouchure du Saguenay. Toute cette portion du fleuve était peuplée d'animaux singuliers, aussi gros que marsouins, assez faits par le corps et teste de la façon d'un lévrier, aussi blancs que neige, sans avoir aucune tache.

Un peu plus loin commençait le Canada, dont le chef était un certain Donnacona. Il vint visiter les navires et se montra assez hostile malgré les présents qu'il reçut. Cartier, à son tour, se rendit à la bourgade royale nommée Stadaconé, sur remplacement de laquelle s'élève aujourd'hui Québec. C'était une aussi bonne terre qu'il soit possible de voir, pleine de fort beaux arbres, de la nature et sorte de France, tels que chênes, ormes, frênes, noyers, ifs, cèdres, vignes, aubépines et autres arbres, sous lesquels croit d'aussi beau chanvre que celui de France, qui vient sans semence ny labour. Une île voisine était tellement abondante en vignes qu'elle reçut d'abord le nom d'Ile de Bacchus, mais Cartier préféra ensuite celui d'Île d'Orléans — du nom du fils de François Ier —, qu'elle porte encore. Non loin de là, il trouva un excellent mouillage, qu'il appela havre Sainte-Croix, et où il résolut de laisser deux de ses navires, pour remonter le Saint-Laurent avec le troisième.

Débarqués à Hochelaga (aujourd'hui Montréal), les Français furent entourés par la foule, qui poussait de grands cris de joie ; les femmes apportaient leurs enfants à brassées, pour les faire toucher au capitaine. Celui-ci leur distribua des petites patenostres d'étain et autres menues choses ; quelques hommes reçurent des couteaux. Toute la nuit les indigènes demeurèrent au bord du fleuve, faisans plusieurs feux et danses, en disant à toutes heures Aguyaze, qui est leur dire de salut et joye. Ce fut le terme de la marche en avant.

Cartier rentra au havre Sainte-Croix où, pendant son absence, qui avait duré trois semaines, ses compagnons avaient élevé un fort muni d'artillerie. On était alors au milieu d'octobre et les longs mois de l'hivernage approchaient. Il dura jusqu'à la fin d'avril de l'année 1536. Le 6 mai, Cartier quittait le havre Sainte-Croix, où il abandonnait un de ses navires, faute d'un équipage suffisant pour le monter. En 1813, les habitants de Québec en ont retrouvé dans la vase la carcasse, dont ils ont envoyé quelques fragments au musée de Saint-Malo.

Après avoir descendu le Saint-Laurent, l'expédition vint passer au large de l'Ile actuelle du Prince Édouard, pour franchir le détroit entre Terre-Neuve et le cap Breton et arriver à Ille Saint-Pierre, où elle trouva plusieurs navires français occupés à la pèche de la morue. Cartier reconnut ainsi que Terre-Neuve n'était pas, au Sud, une partie du continent, comme on le croyait jusqu'alors ; découverte fort importante, dont on lui a tenu peu de compte, car le passage porte aujourd'hui sur les cartes le nom de détroit de Cabot.

L'expédition fut de retour à Saint-Malo, le 16 juillet 1536 ; son voyage avait duré près de quinze mois.

Mais Cartier ne revenait pas dans un moment favorable : François Ier était de nouveau en guerre avec Charles-Quint ; le 25 juillet, les Impériaux envahissaient la Provence. Au milieu de ces dangers, il est probable qu'on ne fit pas grande attention à lui. Il eut beaucoup de peine, en tout cas, à se faire indemniser des frais de son voyage. En 1537, le Roi finit par lui faire abandon de l'Hermine, avec ses gréements et munitions, pour compenser une partie des sommes qui lui étaient dues et qu'on ne pouvait payer. En 1538 seulement, Cartier parvint à obtenir le règlement des créances qu'il avait sur le Trésor, et il reçut en outre cinquante écus d'or soleil, pour la nourriture des sauvages qu'il avait ramenés avec lui et entretenus pendant deux ans, sur l'ordre du Roi.

Malgré le succès du voyage de 1535, on fut quelque temps avant de songer à une nouvelle expédition. Enfin, de 1539 à 1541, un gentilhomme ruiné, Jean de la Rocque, seigneur de Roberval, prépara une tentative de colonisation au Canada. Le Roi lui conféra par lettres patentes des privilèges très étendus et lui permit de choisir dans les prisons un certain nombre de condamnés à mort ou à d'autres peines, pour l'accompagner. Cartier fut institué capitaine général et maître pilote de tous les navires. Les préparatifs paraissaient tellement considérables que le roi d'Espagne s'en inquiéta ; il envoya une caravelle aux Baccalhaos, pour se rendre compte de la situation qu'y occupaient les Français, et le Conseil des Indes dépêcha en France un espion pour le renseigner sur l'expédition projetée. Celui-ci annonça qu'on armait treize navires à Saint-Malo et quatre à Honfleur. Il y avait là beaucoup d'exagération. Le 23 mai 1541, Cartier partit avec cinq navires seulement ; le 23 août, il arriva à Sainte-Croix, où il attendit Roberval pendant près de neuf mois. Ne recevant de lui aucune nouvelle, il dut revenir en France, pendant que Roberval, avec deux bâtiments, se dirigeait à son tour vers le Canada. Les deux flottilles se croisèrent à Terre-Neuve, mais Cartier refusa de reprendre la route avec son associé qui aborda seul au Canada. La tentative de colonisation échoua complètement ; beaucoup d'hommes périrent et, en 1543, Cartier fut de nouveau envoyé dans les parages du Saint-Laurent, mais seulement pour ramener les débris de l'expédition.

Bien que Cartier eût fondé, près de la ville actuelle de Québec, le fort de Charlesbourg royal, où Roberval ébaucha la colonie de Franceroy, l'idée d'un établissement au Canada fut abandonnée pendant plus d'un demi-siècle ; elle ne devait être mise en exécution que par Champlain, au commencement du XVIIe siècle. Néanmoins, c'est le navigateur malouin qui, dès 1536, avait planté, le premier, aux bords du Saint-Laurent, l'écusson aux armes de France avec la devise : Franciscus primus, Dei gratia Francorum rex, regnat, et c'est en souvenir de ses voyages que le nom de Nouvelle France avait été donné à ces régions.

Malgré le vif intérêt qu'excite le spectacle de ces efforts et de ces héroïsmes, il est certain qu'à la fin du règne de François Ier les circonstances les ont rendus à peu près stériles. Le Canada est abandonné ; la cause française n'est pas soutenue au Brésil ; des grandes navigations poussées jusque vers l'Océan Indien ou même vers l'Océan Pacifique, il ne reste rien. Les habitudes du commerce maritime, pas plus que les conditions de l'industrie, n'ont subi de modifications profondes. C'est que la nation s'est peu mêlée aux tentatives de ses nationaux : elle les a à peine connues, elle ne leur a imprimé ni la grande impulsion, ni la continuité, qui ne résultent jamais que de la participation de l'esprit public. Aussi n'y eut-il pas, à vrai dire, évolution, parce qu'il n'y eut pas action d'ensemble. L'histoire des entreprises coloniales n'est qu'un épisode — brillant, mais éphémère — dans le XVIe siècle français.

 

 

 



[1] OUVRAGES. De Wailly, Mémoire sur les variations de la livre tournois, Mém. de l'Acad. des Inscriptions, t. XXI, 2e part., 1857. D'Avenel, Histoire économique de la propriété, des salaires, des denrées, et de tous les prix en général, depuis l'an 1300 jusqu'en l'an 1800, 4 vol., 1894 (Mais voir Seignobos, Revue critique, 1898, t. XLI). E. Levasseur, Mémoire sur les monnaies du règne de François Ier (Extr. de la nouvelle série des ordonnances des rois de France, t. Ier), 1902. On peut ajouter : Livre de raison de Me. Nicolas Versoris, avocat au Parlement de Paris (1519-1530), publié par Fagniez, Mémoires de la Société de l'hist. de Paris, t. XII, 1885. Louis de Senti et Aug. Vidal, Deux livres de raison, 1517-1550 (pour l'Albigeois), 1896. Table de prix de setier de blé, mesure de Paris, depuis 1327 jusqu'en 1581, Leber, Mélanges, t. VII.

[2] Ou la livre parisis, dont le rapport avec la livre tournois est de 5 à 4.

[3] 1 marc d'argent = 245 gr.

[4] M. de Wailly a essayé de serrer davantage les faits et, bien que ses chiffres soient en partie conventionnels, ils fournissent tout au moins certaines indications utiles. Pour lui, la livre tournois oscilla de 4 fr. 88 (monnaie réelle actuelle), en 1516, à 4 fr. 23, en 1582. M. d'Avenel trouve ces chiffres exagérés et il donne comme moyenne 3 fr. 92 d'aujourd'hui pour la livre, pendant les années 1512-1540. M. Levasseur se rapproche du chiffre de 4 francs.

[5] L'écu peut être évalué dès lors à 8 ou 9 francs environ.

Pour établir le pouvoir de l'argent au XVIe siècle, on a cherché des termes de comparaison dans les choses les plus usuelles : le blé, le vin, la viande, etc. Or, comme leur prix varie et surtout variait, suivant les années de disette ou d'abondance, comme il variait aussi suivant les pays, on risque fort de prendre un étalon accidentel, sans compter que le rapport de la qualité avec le prix restera presque toujours inconnu.

Même si l'on arrivait è des rapprochements à peu près démonstratifs, on n'aurait résolu que le moindre terme du problème. En effet, le prix du blé, de la viande ou du vin, ne représente qu'un élément de la vie économique. L'écart de prix n'est pas du tout le même aujourd'hui qu'autrefois entre les objets d'alimentation et les étoffes, les effets d'habillement, etc. Mêmes différences en ce qui concerne la rémunération du travail, parce que la hiérarchie des métiers ou des professions ne correspond pas à celle de jadis. Aussi les chiffres donnés par les économistes ou les historiens, qui ont cherché è évaluer le pouvoir de l'argent au XVIe siècle, présentent-ils des différences déconcertantes. On va de 3 à 4, 5, 6 et même 10. Plusieurs érudits proposent la moyenne de 4 à 5, moyenne encore bien illusoire. Il suffit, si l'on veut se rendre compte de l'état des choses, de comparer les prix avec les traitements, les gages ou les salaires. Encore cette comparaison même n'est-elle pas facile, parce que les éléments n'en sont pas acquis avec certitude Les comptes royaux, qui fournissent beaucoup de chiffres, ne doivent pas inspirer une confiance entière, car on peut toujours supposer des majorations, des artifices de comptabilité, puis le Roi, payant fort irrégulièrement, devait payer plus cher. On doit chercher les renseignements surtout dans d'autres documents : mercuriales de marchés (on en a pour Paris), ordonnances fixant les taxes des denrées, registres de dépenses privées.

[6] En prenant la livre à 4 francs et en adoptant un chiffre de multiplication acceptable pour le pouvoir de l'argent (qui est 5), Guise toucherait aujourd'hui 18.000 * 4 * 5 = 360.000 fr., Montmorency 240.000, etc.

[7] Les dons royaux (au moins sur le papier) étaient très larges ; le Roi accorde à Du Bellay Langey 18.000 livres, à un des Gentilshommes de sa maison 20.000.

[8] Mais leurs ouvrages étaient probablement payés à part.

[9] 1 setier = 156 litres. La Chronique parisienne de Driart (Mémoires de la Société de l'histoire de Paris, t. XXII, 1895) donne des écarts de prix très considérables, suivant les années. On peut consulter aussi le Livre de raison de Me Nicolas Versoris, avocat au Parlement de Paris (Mémoires de la Société de l'histoire de Paris, 1885).

[10] 1 barrique = 208 litres. Dans les années d'extrême abondance, le prix de la barrique pour le vin de très bonne qualité descendit à 1 livre 15 sous à peine.

[11] MM. Senti et Vidal, qui ont dressé le tableau de ces différents prix dans l'Albigeois, établissent que, suivant les objets, les rapports avec les prix actuels s'établiraient en multipliant les prix du XVIe siècle, tantôt par 4, par 5, tantôt par 13, 15, 17 !

[12] Levasseur, Mémoire sur les monnaies du règne de François Ier, p. CLXVII-CLXX.

[13] Un édit de 1542 fournit des évaluations de prix pour une masse considérable de denrées, épiceries, matières brutes ou fabriquées, etc. C'est un tarif pour la perception des droits d'entrée dans le royaume. Le Roi déclare qu'il e évalué les objets presque à la moitié de leur valeur réelle, pour soulager les marchands. Il semble bien cependant que certains prix sont plus élevés que ceux des marchés. Voici quelques exemples : le froment, 20 livres le muid (260 litres) ; le vin de tout cru, 14 livres (même mesure), ce qui met le setier à 9 livres et la barrique à 12 livres environ ; 1 bœuf, 10 l. ½ ; 1 porc, 2 livres ; 1 cheval de charge, 45 livres ; 1 livre de cannelle, 1 l. 5 s. ; 1 livre de sucre, 3 s. (?) ; 1 livre de cuivre, 2 s. ; 1 livre de plomb, 2 deniers ; 1 aune de tapisserie de haute lice, 5 livres, etc. On voit qu'il y a là des inégalités déconcertantes. (Fontanon, Ordonnances, t. II, 455 et suiv.)

[14] Levasseur, Histoire des classes ouvrières en France, nouv. édit., t. II, 1901. Pigeonneau, Histoire du commerce de la France, t. II, 1889. Dr Rich. Ebrenberg, Das Zeitalter der Fägger, 2vol., 1896. Rud. Eberstadt, Das französische Gewerberecht und die Shaffung staatlicher Geselzgebung und Verwaltung in Frankreich (du XIIIe siècle à 1581), 1899. Hauser, Ouvriers du temps passé, XVe et XVIe siècles, 1899. N. Rondot, L'ancien régime du travail à Lyon, du XIVe au XVIIe siècle, 1897. Vital de Valous, Et. Turquet et les origines de la fabrique lyonnaise (1466-1536), 1868. Les origines de la soie en France, 1895. De Lespinasse, Les métiers et corporations de Paris, 2 vol., 1889-1892. Boissonade, Essai sur l'organisation du travail en Poitou, depuis le XIe siècle jusqu'à la Révolution, Bulletin et Mém. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, 2e série, t. XXII, 1899.

[15] Le commerce d'importation en France au milieu du XVe siècle, document inédit publié avec des notes par A. Chamberland, 1894. — Cette pièce s'accorde sur les points importants avec les principales indications de la relation de Cavalli, concernant les importations en France ; nous nous en servons donc, bien qu'elle puisse être datée au plus tôt de 1551-1556 et que peut-être il faille même la reporter à une date un peu postérieure.

[16] François Ier, en 1586, et les consuls de la ville de Lyon autorisèrent Turquet et Naris à fabriquer des étoffes de ce genre. Voir Vital de Valous, ouvrage cité.

[17] En Poitou, au même moment, on voit le corps de ville de Poitiers empêcher la formation d'une confrérie par les compagnons menuisiers. Il s'agissait d'une confrérie distincte de celle des maîtres. Boissonade, ouvrage cité, p. 225.

[18] Sur tous ces faits, voir Hauser, ouvrage cité.

[19] Cette même préoccupation, mais au point de vue moral, se retrouve dans les nombreuses lois somptuaires dirigées contre le luxe. Elles n'ont rien qui soit propre au XVIe siècle.

[20] Une paire de draps, pour coucher jusqu'à cinq personnes, était taxée à 5 deniers, une serviette à 1, etc.

[21] Cette interdiction fut renouvelée en 1540 pour tous les tissus de ce genre venant d'Espagne aussi bien que d'Italie.

[22] OUVRAGES ET SOURCES. H. Harrisse, Christophe Colomb, son origine, sa vie, ses voyages, 2 vol., 1884 ; Jean et Sébastien Cabot, leur origine et leurs voyages, 1882 ; Les Corte Real et leurs voyages au Nouveau Monde, 1883. Ern. de Fréville, Mémoire sur le commerce maritime de Rouen depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin du XVIe siècle, 2 vol., 1857. P. Margry, Les navigations françaises et la révolution maritime du XIVe au XVIe siècle, 1887. Jomard, Les monuments de la Géographie. Recueil d'anciennes cartes européennes et orientales, 1882. A. E. Nordenskield, Facsimile-atlas to the early history or Cartography (trad. angl. de l'ouvrage suédois), 1889. Ch. de la Roncière, ouvrage cité, p. 243-330.

[23] St. de Merval, Documents relatifs à la fondation du Havre, 1875. Borély, Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, t. I, 1880-1881.

[24] Relation authentique du voyage du capitaine de Gonneville ès nouvelles terres des Indes, publiée intégralement  par M. d'Avezac, 1859. Le discours de la navigation de Jean et Raoul Parmentier de Dieppe, publié par Ch. Scheler, 1888. Comparer Le voyage de la Terre Sainte composé par Me Denis Poulot... (1592), publié par Ch. Scheler, 1890. Dans celui-ci, on se rend compte que l'on est en présence d'un monde connu depuis longtemps, de routes presque tracées à l'avance. Dans les autres, tout est nouveau — et on le sent — pour les narrateurs aussi bien que pour les lecteurs.

[25] Eug. Guénin, Ango et ses pilotes, 1901.

[26] Les deux frères moururent en quittant Sumatra (1530).

[27] Voir A. Lefranc, Les Navigations de Pantagruel.

[28] Et peut-être associé d'Ango.

[29] On prétendit, au procès de Chabot, que l'Amiral aurait reçu 16.000 francs des ambassadeurs du roi de Portugal, sous couleur de composition faite au nom de Jehan Ango, et, à d'autres titres, 25.000 écus, plus une tapisserie de 10.000 écus. Son rôle, dans l'histoire maritime de François Ier, parait avoir été assez misérable.

[30] Bref récit et succincte narration de la navigation faite en MDXXXV et MDXXXVI par le capitaine Jacques Cartier aux îles de Canada... édité par d'Avezec, 1863. Jouon des Longrais, Jacques Cartier. Documents nouveaux, 1888. Il donne la bibliographie antérieure.