HISTOIRE DE FRANCE

TOME CINQUIÈME — LES GUERRES D'ITALIE - LA FRANCE SOUS CHARLES VIII, LOUIS XII ET FRANÇOIS Ier (1492-1547).

LIVRE IV. — L'ÉVOLUTION SOCIALE.

CHAPITRE PREMIER. — LES NOBLES ET LES OFFICIERS.

 

 

I. — LA NOBLESSE[1].

LE XVe siècle a vu naître quelque chose de nouveau en France : la société aristocratique. La Noblesse remplace définitivement la Féodalité, ce qui est une révolution. Cette révolution est à la fois politique et sociale : au lieu de pouvoirs indépendants, il n'y a plus désormais, en face de la monarchie, que des classes privilégiées, et celles-ci tendent de plus en plus à se séparer du reste de la nation. Les causes de cette transformation sont l'accroissement de l'autorité royale, qui achève de supprimer l'autorité seigneuriale, et aussi la place énorme prise par la Cour, qui crée la vie mondaine où les différences de rang et de fortune sont bien plus sensibles, et fait disparaître des mœurs la simplicité, comme des rapports entre les hommes la familiarité.

Aussi, quoique la division en ordres existât avant le XVIe siècle, c'est à cette époque qu'elle se précisa et se définit. Pour tous les auteurs du temps, de Seyssel à Loyseau, elle fut le fondement des conceptions sociales.

La Noblesse constitue, dans l'opinion de tous, la vraie force active, le corps vivant du pays. Le Roi se dit volontiers le premier gentilhomme de son royaume. Or, le mot de gentilhomme désigne le noble véritable, le noble de race, et l'on n'est gentilhomme qu'à la condition d'être né de parents ou, mieux encore, d'ancêtres déjà nobles. Au contraire, la qualité de noble homme se donne à des bourgeois. Quant à l'exemption de tailles, elle est tout au plus une des marques distinctives de la noblesse, mais elle ne l'implique pas à elle seule. Loyseau juge nécessaire d'indiquer ce point, et il dit très nettement : Ainsy que très communément parmy nous, on distingue les nobles hommes d'avec les gentils hommes. La qualification propre au simple gentilhomme est celle d'écuyer ; elle marque le premier degré de la hiérarchie.

Il y avait encore quelques très grands fiefs en France[2], François Ier lui-même en constitua un certain nombre, au profit de ses amis ou des membres de sa famille. Mais on a vu que, depuis longtemps déjà, le Roi avait empiété sur l'indépendance des féodaux. François Ier ne fit que continuer les traditions antérieures : il exigeait très rigoureusement l'hommage ; il soumettait la justice seigneuriale à celle de ses baillis et de ses parlements. Pourtant, même dans les fiefs moyens, le seigneur avait des vassaux, exerçait le droit de justice, percevait des rentes, des amendes, pouvait hériter de ses tenanciers, nommait des officiers de justice et de finances pour l'administration de ses domaines, avait la faculté de désigner à certains bénéfices ecclésiastiques[3]. C'était plus que la situation d'un grand propriétaire foncier.

En même temps que la Noblesse remplaçait peu à peu la Féodalité, il se développa chez elle une nouvelle hiérarchie, établie sur des titres personnels. Au degré inférieur, le simple gentilhomme ou écuyer, au-dessus les chevaliers, barons, etc., qui composèrent la haute noblesse ; au sommet, les pairs et princes du sang ou noblesse illustre.

A côté de cette hiérarchie des personnes, s'organisa une hiérarchie des terres. Elle ne résulta plus comme autrefois des relations entre un fief dominant et un fief servant ; elle dériva simplement du fait que certaines terres furent pourvues de titres plus ou moins honorifiques. Et comme ces titres passèrent aux propriétaires des domaines, ils créèrent une seconde forme de classification dans la noblesse. D'abord la simple châtellenie, étage inférieur du domaine aristocratique. Des terres roturières sont érigées en droit, titre, prééminence de châtellenie, c'est le cas de Chenonceaux en 1514. Au-dessus, la baronnie, et l'on voit de nombreuses érections de châtellenies en baronnies ; puis la vicomté, le comté ou le marquisat ; enfin le duché simple et le duché-pairie. Si ce sont bien là, comme la plupart des actes officiels le démontrent, les degrés normaux de la hiérarchie foncière, le roi ne s'astreint pas toujours à les suivre. En même temps que Civray, Mayenne, Sablé passent régulièrement de la baronnie au comté ou au marquisat, Guise, Étampes, Montpensier, du comté au duché[4] ou à la pairie, la terre dé Saint-Fargeau, la terre et seigneurie de Nanteuil-le-Haudouin sont directement pourvues du titre comtal. Pourtant les termes dans lesquels Montmorency, simple baron, obtint le titre de pair, en 1551, montrent bien qu'on attachait quelque importance à observer cette sorte de hiérarchie. L'acte insiste sur ce que la baronnie de Montmorency est la première baronnie de France, estant de bon et gros revenu.

Les pairies continuèrent à se multiplier sous François Ier, et du même coup se répandit la noblesse illustre, aristocratie dans l'aristocratie, qui menaça de se superposer même aux Princes du sang. En 1515, sont instituées les pairies d'Angoulême en faveur de Madame, de Vendôme pour Charles de Bourbon , de Châtellerault pour François de Bourbon ; en 1519, du Roannais pour Boisy ; en 1525, de Dunois pour Louis d'Orléans-Longueville ; en 1528, de Guise pour Claude de Lorraine ; en 1539, de Montpensier pour Louis de Bourbon ; de Nevers pour Marie d'Albret et son fils François de Clèves. Mais aussi, François Ier, imitant en cela Louis XII, fit des Princes du sang une espèce d'ordre particulier et supérieur, et même institua une primauté parmi eux, puisque le duc d'Alençon reçut, en 1515, la qualité de Seconde personne du royaume. Lorsque des différends sur la préséance s'émurent entre les pairs, ils furent souvent tranchés au profit de ceux qui joignaient la qualité de princes du sang à la pairie, sans qu'il y eût là cependant une règle fixe.

La monarchie avait la plus grande part dans la distribution des dignités aristocratiques. C'était elle qui concédait les titres honorifiques attachés aux terres ; c'était elle aussi qui gratifiait de la chevalerie. Parfois encore le titre de chevalier fut décerné pour des actions d'éclat ou des services militaires exceptionnels. Monluc fut armé chevalier par le duc d'Enghien, après la victoire de Cérisoles. Cependant François Ier, qui avait tenu à recevoir de Bayard lui-même l'accolade sur le champ de bataille de Marignan, laissa la chevalerie devenir de plus en plus une simple affaire de chancellerie, un parchemin conféré par voie administrative à des serviteurs de Cour, à des médecins, à des fonctionnaires.

En outre, depuis longtemps, le Roi créait des nobles qui, peu à peu, faisaient souche de gentilshommes. A partir du XVIe siècle, les anoblissements se multiplient. Le plus souvent, François Ier accorda cette faveur à des gens de guerre : Ondin Aubert, dit le Rat, colonel d'une bande de fantassins, Sylvestre Billes, capitaine de la marine ; mais il la donnait également à des personnages civils : G. Boucher, élu sur le fait des aides, Thomas Régis, docteur en droit canon. Même, en 1594, on proposa par mesure collective des lettres de noblesse aux notables qui prêteraient de l'argent.

La noblesse résultait aussi de la possession de certains offices ou de l'exercice de certaines charges. Dans ce cas, elle ne devenait héréditaire que sous conditions, par exemple un nombre d'années passées dans la fonction, mais elle assurait les mêmes privilèges extérieurs que la noblesse de sang : Pour le regard des autres marques d'honneur, les nobles ont le droit de se qualifier escuyers, de porter armoiries timbrées[5], fussent-ils gens de ville et de longue robe[6], ennobliz seulement par leurs dignitez. D'ailleurs tous les nobles, fors ceux de longue robe, ont droict de porter l'espée.

Par suite de ces faits et aussi des guerres incessantes, qui épuisèrent la noblesse de race, le phénomène qui s'était produit tant de fois aux temps féodaux se répéta au XVIe siècle : ascension des nobles inférieurs à la noblesse supérieure, dont les cadres se vidaient ; introduction dans la noblesse d'un nombre énorme de bourgeois ou même de roturiers. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, presque tous les noms de l'aristocratie sont des noms nouveaux.

Les nobles ont des privilèges, en outre des exemptions des tailles et autres contributions : Il y a des peines ès quelles les gentilzhommes ne sont jamais condamnez, à sçavoir le fouet et la hart. Ils ne sont tenus de se battre en duel contre un roturier ; ils ont le droit de chasse. Seuls ils peuvent être chefs d'offices dans la Maison du Roi, faire partie du corps des cent Gentilshommes, obtenir les principales charges militaires, recevoir en commende certaines églises ou abbayes. Et cependant, si profonde était la transformation, et si difficile la situation de l'aristocratie, qu'elle s'attachait à conserver des fonctions ou même des professions qui semblaient en désaccord avec ses habitudes et ses sentiments. En 1544, les gentilshommes obtenaient qu'il n'y eût pas dérogation à être juge ou avocat. Des préoccupations du même genre se rencontrent pendant tout le XVIe siècle. On est bien loin des anciens féodaux !

 

II. — LES OFFICES ET LES OFFICIERS[7].

LA classe des fonctionnaires, qui n'avait pas cessé de s'augmenter depuis le XIVe et le XVe siècle, et qui devait tenir une place immense dans l'État moderne, s'accrut encore au XVIe siècle. Elle devint un ordre privilégié : celui des Officiers, et cet ordre politique et social, en partie nouveau, se développa parallèlement à l'aristocratie de naissance.

Toutes les fonctions ou peu s'en faut se trouvèrent converties en offices, aussi bien les charges municipales que celles de judicature et de finances et que les plus minces emplois. Or, à la différence de la commission, qui était révocable, l'office était une propriété, une sorte de fief aux mains de son détenteur, l'officier. La propre nature de l'office concédé en titre.... en qualité d'office, et non pas ni en qualité de commission, ni à titre de précaire, au moyen de cette clause : tant qu'il nous plaira, est d'estre irrévocable, pendant la durée qu'il doit avoir selon les lois de l'estat, au moins s'il n'intervient cause légitime pour en priver l'officier, laquelle privation n'est pas destitution, ains forfaiture.

De plus les offices purent être achetés : ils furent vénaux. Comme les offices, la vénalité est antérieure au XVIe siècle, mais elle ne se généralise qu'à cette époque. Louis XII contribua, d'après le témoignage des contemporains, à la répandre, il en tira des ressources. François Ier pratiqua tout ouvertement et sans restriction la vénalité publique des offices, qu'il establit comme un nouveau revenu ordinaire, en érigeant le bureau des parties casuelles, en 1522. C'était le bureau où se centralisaient quelques-uns des revenus provenant des affaires extraordinaires. En effet, on voit très fréquemment figurer dans les Comptes les parties provenant de la vente des offices.

Primitivement, la vénalité ne pouvait s'appliquer qu'aux charges de finances. Une ordonnance de 1493 défendait formellement l'achat des charges judiciaires ; Louis XII ne l'avait pas appliquée très énergiquement, pas plus d'ailleurs qu'une autre ordonnance réitérée par lui-même, en 1508. François Ier maintint le principe de l'interdiction. L'ordonnance de 1535 sur le Parlement de Provence porte ceci : Avons ordonné et ordonnons qu'avant que les pourveuz aux offices de conseillers en nostre dite cour ou d'autres offices de judicature soient receuz, ils seront tenuz prester le serment que ils n'ont baillé ou faict bailler par eux ne par autres, directement ou indirectement, à personnes quelconques, or ny argent ny autre chose équivallent, pour avoir les dits offices, tant pour leur avoir résigné que pour en estre pourveuz en quelque sorte que ce soit. Mais c'était sans doute pure formule[8] ; en tout cas, le Roi tournait la difficulté en empruntant au candidat de l'argent, qu'il ne remboursait point. Ou bien une déclaration spéciale maintenait l'officier en fonction, bien qu'il a prêté de l'argent pour avoir sa charge. Ici c'était l'aveu pur et simple.

Aussi non seulement les offices, mais le nombre des officiers s'accrut dans des proportions considérables pour chaque fonction.

Les créations se multipliaient surtout à l'approche des guerres ou dans les moments de crise ; en 1523, le Bourgeois de Paris en constate toute une fournée ; il en fut ainsi pendant tout le règne augmentation des maîtres des requêtes, des conseillers à la Chambre des comptes de Paris (12 offices en 1521). Au Parlement, le Roi créa des Chambres nouvelles : en 1515, la Tournelle criminelle ; en 1522, une troisième Chambre des enquêtes ; en 1531, une Chambre spéciale pour le domaine ; en 1543, une seconde Chambre de la Tournelle. Ces créations se généralisaient ensuite en France. Augmentation parallèle du nombre des parlementaires : en 1522, 20 conseillers nouveaux à Paris ; en 1523, un Président et 3 conseillers ; en 1544, 2 Présidents et 12 conseillers. Et successivement apparaissent des offices de procureurs du Roi dans chaque maîtrise des Eaux et Forêts, de lieutenants des sénéchaux et autres officiers nécessaires pour l'administration de la justice. Puis érection en offices des greffes des bailliages, des mairies des villes ; offices nouveaux d'élus, de contrôleurs, de sergents des aides, de sergents royaux dans les greniers à sel, de contrôleurs des deniers des villes, et ainsi de suite.

Les concessions d'offices prêtèrent à toutes sortes d'actes de dilapidation ou de favoritisme. Le seigneur de Vilaines, premier écuyer d'écurie, reçoit un office de maitre des requêtes à la Chambre des comptes, qu'il cède immédiatement à un jeune homme sans aucun savoir de droit. Grimaldi est imposé comme vice-président à la même Chambre, malgré sa qualité d'étranger, et bien que l'emploi soit tout à fait supernuméraire[9]. Aussi l'ambassadeur vénitien dit-il que les titulaires des fonctions sont généralement peu. instruits. Et cela tient à ce que toutes se vendent, le Roi très chrétien les donnant à ses serviteurs qui les revendent ensuite.

Aussi, pour multiplier et renouveler ce trafic où il trouvait son compte, autant que pour des raisons administratives, le Roi essayait de temps à autre de réagir contre ses propres abus. Des lettres de 1531 déclarèrent que les charges, qui d'annuelles avaient été faites perpétuelles, seraient ramenées à l'annualité. Un édit de 1546 décréta la suppression d'un grand nombre d'offices de judicature et décida même d'en réduire le nombre à celui de 1515. Toutes ces ordonnances ne dépassaient pas le papier. En 1546, l'ambassadeur vénitien écrivait : Les offices sont infinis et s'augmentent tous les jours : avocats du Roi dans chaque petite localité, receveurs de tailles, trésoriers, conseillers, présidents des comptes et de justice, maîtres des requêtes, procureurs du fisc, prévôts, élus, baillis, vicomtes, généraux (des finances), et tant d'autres dont la moitié suffirait. Ce fut comme un immense filet, dont les mailles couvraient toute la France et enserraient presque toutes les fonctions. Ce que Loyseau écrit au début du XVIIe siècle se réalise presque dès la première moitié du XVIe, après s'être préparé au XVe : Tantost dans les villes, chasque honneste homme a son office... aujourd'hui moitié des habitans des villes sont officiers.

Dès le début, les titulaires cherchèrent à transmettre leur charge. Le moyen employé était la résignation, qui consistait à renoncer à son office, en présentant son successeur. La résignation du père au profit du fils était considérée comme régulière : de nombreux actes le démontrent ; mais souvent la cession se faisait en faveur d'un étranger. Les ordonnances interdisaient ce trafic, sauf à transiger en face des faits, et l'on ne peut compter les décisions par lesquelles le nouveau titulaire était maintenu, quoiqu'il eût donné de l'argent à son prédécesseur pour obtenir sa résignation ; quelquefois même on ajoute : contrairement aux ordonnances. De plus, les propriétaires d'offices voulurent les assurer à leurs enfanta, non seulement par la résignation, mais par la survivance, qui n'était autre chose qu'une résignation suspensive. Le père qui avait obtenu la survivance pour son fils gardait sa charge jusqu'à sa mort, et il pouvait, de son vivant même, se faire suppléer par ce fils.

François Ier se prêtait à cette combinaison dans une foule d'espèces, et cela malgré les corps eux-mêmes, qui tenaient à garder leurs privilèges et à se défendre contre l'incapacité possible, fréquente, des survivants. A la Chambre des comptes de Paris, il autorise le président Nicolas à résigner sa charge en faveur de son fils. La Chambre résiste en alléguant la jeunesse de celui-ci ; le Roi déclare vouloir garder son autorité, et il trouve un biais étrange : le jeune Nicolas sera remplacé par Jean Briçonnet, pour dire les paroles, c'est-à-dire, en réalité, pour exercer la fonction. En 1528 ; François de Genouillac, âgé de douze ans, reçoit par survivance de son père l'office de sénéchal de Quercy. De tels faits se présentent partout. Puis, brusquement, en 1541, révocation de toutes les survivances non gratuites, tant du faict de la guerre que de judicature ou de finances. L'édit invoque précisément la jeunesse et l'incapacité de la plupart des pourvus de survivance ; d'ailleurs il n'eut pas plus d'effet réel que les autres ordonnances.

L'état d'officier comportait des privilèges plus ou moins étendus, suivant les personnes et les fonctions, mais dont la masse augmentait le poids des charges qui pesaient sur le reste de la population : exemption des tailles, des emprunts, du logis des gens de guerre, du ban et de l'arrière-ban, de la gabelle.

Les privilèges spéciaux aux parlementaires étaient encore plus nombreux et importants : la noblesse conférée et même, pour les Présidents, le titre de chevalier ; des gages, qui s'élevaient, en 1537, à 67.000 livres pour le Parlement de Paris ; puis l'Indult, c'est-à-dire le droit pour les parlementaires d'obtenir, par préférence à tous autres candidats, certains bénéfices ecclésiastiques. Ce droit fut confirmé par une bulle de Paul III, en 1538, et régularisé par le Roi, en 1541. Il est accordé, dit Gaillard, au Chancelier, au Garde des sceaux, au premier président, aux présidents à mortier, maîtres des requêtes, présidents et conseillers des enquêtes et requêtes, procureurs généraux, avocats généraux, greffier en chef, etc. Ces officiers pouvaient se présenter comme candidats, s'ils étaient clercs, et présenter un candidat, s'ils étaient laïques.

La multiplication des offices s'explique en partie par l'extension du pouvoir monarchique et par la nécessité de satisfaire aux besoins nouveaux de gouvernement et d'administration, mais tout autant, sinon plus, par le fait que la vénalité crée des ressources pécuniaires et supplée à l'insuffisance des revenus normaux. Les conséquences politiques et, sociales de ce phénomène furent considérables et graves. Les offices étouffent ce qui reste de libertés et d'autonomies particulières et, par eux, le gouvernement devient de plus en plus bureaucratique. Ces agents royaux répandus partout attaquent toute indépendance provinciale, municipale ou seigneuriale. Ils agissent pour leur compte, par instinct de combativité, par besoin de se produire, par désir de se signaler, autant que pour le compte du Roi, dont ils servent ainsi les intérêts. Et par une conséquence naturelle cette classe grandissante attire de plus en plus à elle la bourgeoisie, l'enlève au commerce et à l'industrie, diminue l'importance de la classe qui travaille et produit, augmente dans la nation les catégories et les hiérarchies.

 

 

 



[1] SOURCES. Le Catalogue des actes, pour tout le livre. — Ch. Loyseau, Traité des ordres et simples dignités (publié dans les œuvres complètes parues en en 1636, mais composé dans les premières années du XVIIe siècle). L'ouvrage peut être employé pour le XVIe siècle, pourvu qu'on s'en serve avec précaution et en tenant compte de la chronologie.

[2] La vicomté de Thouars comptait 3.000 vassaux à elle seule.

[3] Voici, comme exemple, le contrat de la donation du comté d'étampes, faite en 1513 par Louis XII è la Reine Anne. il s'agit par conséquent d'un flet favorisé : Avons donné... nostre dit comté, terre et seigneurie d'Estampes, avec ses villes, chasteaux, chastellenies et villages, justices et juridictions hautes, moiennes et basses, hommes, hommeges, vassaux, vasselaiges, fiefs, arrière-fiefs, maisons, manoirs, cens, rentes de grains et d'argent, revenus, terres, prez, pasturages, forerais, bois, rivières, estangs, pescheries, fours, moulins, lods et ventes, reliefs, achats, amendes, forfaitures, aubaines, espaives, péages, cous-turnes et autres droits quelconques, patronaiges d'Eglises, collations de bénéfices, avec pouvoir et faculté de pourvoir aux offices ordinaires de la dite comté, tant pour l'exercice de la dite justice que du domaine, et de nous nommer et présenter aux régales Et en outre, avons donné et donnons les profits, revenus et émolument de nostre droit de gabelle, de grenier à sel... fors seulement les foy et hommage lige et le ressort de juridiction et souveraineté sous nostre court de Parlement. Ordonn. des rois de Fr., t. XXI, p. 512.

[4] Voici les clauses de l'acte d'érection de la vicomté de Thouars en duché (1563) : Sçavoir faisons que nous, mectans en considération combien les grandes vertuz et proesses d'aucuns excellens personnages qui ont esté auprès de noz prédécesseurs roys, comme leurs principaulz serviteurs et ministres, a (sic) aydé à la conservation, accroissement et augmentation de ce royaume (suit la mention des services héroïques de Louis et Charles de La Trémoille et de Louis de La Trémoille, au profit de qui l'érection est faite) ; .... considérant aussy que le dit viconté de Thouars est une des plus grandes vicontez de ce royaulme... Pour ces causes.... avons créé et érigé (la vicomté) en tiltre, nom et dignité et préhéminence de duché.... Chartrier de Thouars, 1877, p. 79-80.

[5] Surmontées d'un casque avec cimier.

[6] Gens de justice.

[7] SOURCES ET OUVRAGES. Catalogue des actes de François Ier. Loyseau, Du droit des Offices, édit. 3696 (même observ. que ci-dessus). Girard et Joly, Trois livres des Offices de France, 2 vol., édit. de 1758. La première édition est du XVIIe siècle. Dupont-Ferrier, ouvrage cité.

[8] Madame fait observer au Parlement, en 1525, qu'elle avoit remonstré au Roy et tant faict avec luy qu'il n'avoit depuis voulu vendre lesdits offices de judicature. Il les vendait donc auparavant.

[9] A. M. de Boislisle, Chambre des comptes de Paris. Pièces justification pour servir à l'histoire des premiers présidents (1506-1791), 1873.