HISTOIRE DE FRANCE

TOME CINQUIÈME — LES GUERRES D'ITALIE - LA FRANCE SOUS CHARLES VIII, LOUIS XII ET FRANÇOIS Ier (1492-1547).

LIVRE II. — LA FRANCE PENDANT LES GUERRES D'ITALIE.

CHAPITRE II. — LES DÉBUTS DE LA RENAISSANCE FRANÇAISE[1].

 

 

I. — LA CIVILISATION ITALIENNE ET LA CIVILISATION ALLEMANDE À LA FIN DU XVe SIÈCLE.

NOUS voici arrivés à une époque où une nation change de tempérament, a écrit Quinet à propos de l'Italie du XVe siècle. Ces mots peuvent s'appliquer en partie à la France du XVIe, et ils contiennent peut-être la définition si souvent cherchée de la Renaissance française. Nous garderons ce terme de Renaissance — inexact si on le prend à la lettre — puisqu'il est en usage, mais sans y joindre d'autre idée que celle d'une évolution. L'Italie d'abord, l'antiquité ensuite ont opéré chez nous cette transformation plus ou moins rapide de notre tempérament intellectuel.

A la fin du XVe siècle encore, deux formes de civilisation se partageaient l'Europe : celle du Nord, qui continuait à s'inspirer surtout de l'esprit du moyen-âge, et qui avait son centre d'activité en Allemagne et aux Pays-Bas ; celle du Midi, qui se rattachait à l'antiquité gréco-romaine, et dont le foyer très ardent était en Italie.

Au moment où les Français passèrent les Alpes, l'Italie était en pleine prospérité[2]. Non seulement Florence, Rome, Venise, Naples, Milan, mais des villes secondaires, comme Rimini, Urbin, Crémone, Pavie, Sienne, regorgeaient de population. Les princes, les chefs des grandes familles, les bourgeois enrichis par le commerce, par la banque ou par l'industrie, consacraient leur fortune à se donner toutes les jouissances de la vie, se faisaient bâtir des demeures somptueuses, se plaisaient aux fêtes élégantes, aux cérémonies splendides. Les Médicis à Florence, les Gonzague à Mantoue, les Este à Ferrare étaient entourés d'écrivains, de savants, de peintres, étaient eux-mêmes quelquefois poètes ou artistes. Des femmes, la marquise de Mantoue, Isotta de Rimini, Bianca Sforza, menaient la même vie intellectuelle. Le XVe siècle en Italie est le siècle des Mécènes, dont l'exemple stimula nos rois et nos grands seigneurs.

C'est dans ces conditions que s'était développée la Renaissance.

En Italie, il y eut, dès le début du XIVe siècle, avec Dante († 1321) et Giotto († 1336), une grande activité de production intellectuelle, qu'on peut considérer comme une renaissance des arts et des lettres. Puis Pétrarque († 1374) se passionna pour les souvenirs de Rome et d'Athènes, pour les écrivains latins ou grecs, et il entraîna à sa suite presque tous les hommes de sa génération. Alors commença la renaissance de l'antiquité, d'où devait sortir l'humanisme et le classicisme. Elle fut l'œuvre surtout des érudits et de la pédagogie.

Au cours du XVe siècle, les auteurs anciens, étudiés, expliqués, formèrent le fond de toute éducation. La philosophie de Platon fut restaurée et les idées platoniciennes se répandirent. La civilisation d'Athènes et de Rome fut reconstituée et redevint pour les esprits comme une chose vivante. Tite-Live, Virgile, Cicéron, Silius Italicus furent imités par les écrivains ; non seulement les savants, mais les poètes eux-mêmes usèrent de la langue latine.

Il en fut de même pour l'esthétique des arts. On traduisit, on commenta Vitruve, dont l'œuvre résumait la doctrine architecturale des anciens ; on étudia les monuments ruinés de Rome ; on fouilla le sol pour exhumer des statues, comme on avait exploré les bibliothèques des couvents pour y retrouver des manuscrits ; on forma des collections d'antiques. On établit, d'après Vitruve et les monuments anciens, les règles et la technique de la construction, le système des ordres de colonnes : dorique, ionique, corinthien, celui des frontons, les principes de la décoration : la grecque, l'ove, les médaillons. On introduisit dans la peinture et la sculpture les sujets d'histoire et de mythologie, l'imitation des statues et des bas-reliefs, la reproduction du costume romain, des temples et des palais.

Ainsi toute la pédagogie littéraire et artistique se fondait sur la culture antique et païenne : elle était un retour au passé.

Mais, si telles étaient, à la fin du XVe siècle, les tendances de l'érudition, répandues par l'éducation dans les esprits, les écrivains et les artistes ne s'y conformaient pas entièrement. Ainsi Boiardo et Pulci composèrent en italien l'Orlando innamorato (le Roland amoureux) et le Morgante Maggiore (Morgant le Géant) ; les sujets de ces poèmes étaient empruntés aux légendes du moyen-âge, et Pulci ou Boiardo y peignaient les mœurs et la société contemporaines.

C'est peut-être dans l'architecture que les modèles antiques étaient le plus imités ; pourtant les artistes ne les copiaient pas servilement : ils y prenaient les arcades et les voûtes en plein cintre, la colonne et le chapiteau, l'ornementation, mais en y introduisant des combinaisons qui leur étaient personnelles.

Un des monuments les plus caractéristiques de l'époque, et précisément un de ceux qui furent le plus admirés des étrangers, est la Chartreuse de Pavie. A la façade, qui date des dernières années du XVe siècle, tous les styles se trouvent rapprochés. Des arcs en plein cintre, des colonnettes, des frontons se voient au milieu d'une profusion de décoration qui n'offre pas la moindre unité : des prophètes et des héros de la mythologie, des médaillons d'empereurs et de saints ; des petits amours et des petits anges ; des bucrânes (têtes de bœufs décharnées, un des thèmes favoris des architectes anciens) et des têtes de mort ; Hercule étouffant Antée, à côté de la Vierge et de Jésus. Les colonnettes, les pilastres étaient décorés de guirlandes de fleurs et de fruits, de médaillons antiques, de bustes de satyres : c'est le style des arabesques qui, pendant près d'un demi-siècle, représenta presque exclusivement la Renaissance architecturale aux yeux des étrangers, et fut imité dans toute l'Europe.

Les statuaires et les peintres s'inspiraient de l'antiquité païenne, ou du christianisme, mais aussi des scènes contemporaines. Mantegna représentait le Triomphe de Jules César et y reproduisait tous les détails de la vie romaine : costumes civils et militaires, armes, chars, vases copiés sur les bas-reliefs des arcs de triomphe ou de la colonne Trajane. Mais Pérugin peignait des Vierges ou des Saints, Verrocchio sculptait la statue équestre du condottière Colleone, et il le revêtait de l'armure que portaient les hommes de guerre de ce temps ; tous les sculpteurs ou les peintres faisaient des portraits, où ils s'attachaient à représenter le modèle dans la pleine réalité de son type et de son costume. Ainsi il y avait, à côté d'un art presque classique, un art réaliste très abondant et très remarquable[3].

Quand les Français entrèrent en Italie, les écrivains ou les artistes qu'ils y connurent n'étaient pas encore ceux en qui se personnifie la Renaissance purement classique : ni Machiavel, ni l'Arioste, ni Michel-Ange, ni Titien, ni Raphaël. Le plus âgé de ces hommes, Machiavel, n'avait que vingt-quatre ans en 1494, Raphaël n'en avait que onze. Les grandes réputations, à cette date, étaient Boiardo, Pulci, Politien, Botticelli, Pérugin, Mantegna, Verrocchio, Bellini. Léonard de Vinci (né en 1452) était déjà en pleine possession de son génie, mais Charles VIII le connut à peine ; Louis XII l'admira beaucoup, mais ne put le décider à venir en France.

L'art italien de la fin du XVe siècle avait tout ce qu'il fallait pour attirer les Français et pour les séduire. La plupart de ses œuvres étaient charmantes, quelques-unes très belles, mais toutes n'étaient pas savantes ; la plupart étaient facilement compréhensibles. On n'avait pas besoin d'être instruit pour se plaire à une Vierge de Pérugin, à un portrait de Botticelli, pour admirer la statue de Colleone ; on pouvait penser que ces œuvres étaient très supérieures aux œuvres de l'art français du temps, mais il n'y avait pas absolue divergence entre les unes et les autres. Seulement, à la faveur de cette séduction, les Français devaient recevoir aussi les doctrines que l'Italie avait puisées dans l'antiquité renaissante, et que les hommes du XVIe siècle allaient définitivement formuler.

Renaissance, classicisme, humanisme, sont donc des termes à peu près synonymes dans l'histoire intellectuelle du XVIe siècle, et qui désignent une forme de pensée ou d'art, une conception du beau inspirée de l'antiquité. Les hommes de la Renaissance, les classiques ou les humanistes rompent avec toute l'éducation du moyen-âge. En cherchant à ressaisir le génie de la Grèce et de Rome, à reconstituer tout un patrimoine d'idées et de sentiments qui élargissent le domaine de l'esprit humain, ils accomplissaient une œuvre belle et féconde. En visant à faire revivre artificiellement la Grèce et Rome dans le monde moderne, en renonçant à l'héritage de leur passé, en se refusant à reconnaître les réalités contemporaines, ils se donnèrent une tâche factice et inférieure.

 La civilisation des Flandres et celle de l'Allemagne ont beaucoup de points communs, au XVe siècle : ces deux pays se trouvaient en rapports politiques et sociaux constants.

La richesse des Pays-Bas et de l'Allemagne pouvait se comparer à celle de l'Italie[4]. Un Italien écrivait, en 1471, que les villes allemandes ne le cédaient pas de beaucoup à celles de la Péninsule, que parfois même elles l'emportaient sur elles. Nuremberg, Augsbourg, Mayence, Brunswick, Bruges, Gand, Louvain, même des villes secondaires, Landshut, Calcar, Ypres, Harlem, entretenaient des rapports de commerce avec toute l'Europe ; les navires allemands ou flamands allaient en Portugal et en Espagne porter les produits de l'industrie et de l'art de leur pays. Les banquiers d'Augsbourg étaient aussi riches que ceux de Florence ou de Venise. La cour de Bourgogne n'avait pas eu moins d'éclat que les cours princières d'Italie ; les bourgeois de Gand, de Mayence, de Nuremberg se plaisaient, eux aussi, à faire construire des églises et des édifices publics ou privés, à décorer leurs villes de statues et d'œuvres d'art. Neuf universités furent créées en Allemagne entre 1450 et 1506. L'histoire de l'invention de l'imprimerie témoigne combien il y avait d'effervescences d'idées et d'intérêts en mouvement dans des villes comme Mayence, Strasbourg, Francfort : rêveurs en quête de nouveau, tels que Gutenberg, spéculateurs, hommes d'affaires, tels que Fust, etc.

Un premier caractère de la civilisation du XVe siècle, en Allemagne ou aux Pays-Bas, c'est la recherche des progrès pratiques et l'esprit d'invention : dans ces deux pays ont pris naissance l'imprimerie, la peinture à l'huile et peut-être la gravure. Sans aller jusqu'à dire que, par l'invention seule de l'imprimerie, les Allemands ont été les plus grands bienfaiteurs de l'humanité[5], il est certain qu'ils ont puissamment contribué par elle à renouveler le monde.

Un autre caractère de cette civilisation est que, s'il n'y eut de grands écrivains ni en Allemagne ni aux Pays-Bas, il y eut beaucoup de savants, de philosophes, de penseurs. Assez tôt, ceux-ci entrèrent en rapports avec l'Italie et, par elle, connurent l'antiquité. Leur rêve fut de concilier les traditions nationales et la foi avec la science nouvelle. Dès le commencement du XVe siècle, s'était fondée à Deventer, dans les Pays-Bas, la Congrégation des frères de la Vie commune, qui se consacra d'abord à donner une éducation chrétienne aux jeunes gens, et dont les chefs un peu plus tard furent les principaux introducteurs des études classiques. Ils eurent des disciples dans toute l'Europe du Nord.

Le plus célèbre et le plus grand fut le cardinal Nicolas de Cues (1401-1464). Il se passionna pour les auteurs anciens, qu'il avait commencé à connaître au collège de Deventer, et avec lesquels il se familiarisa par un voyage en Italie. Il cultiva les sciences mathématiques, physiques, naturelles. Renommé pour la pureté de sa vie, pour sa piété, pour sa science théologique, il entreprit de réformer l'Église d'Allemagne. Il s'éprit des doctrines de Platon, qu'un érudit italien, Marcile Ficin, restaurait en Italie. Il lui sembla, comme à Ficin, que leur caractère très élevé et très idéaliste pouvait se concilier avec la doctrine de l'Église. Ainsi se constitua une philosophie nouvelle : le Platonisme chrétien, qui se répandit d'Allemagne et d'Italie en Angleterre et en France.

Pendant la seconde moitié du XVe siècle, les rapports intellectuels devinrent très fréquents entre l'Allemagne et l'Italie, et les doctrines de la Renaissance italienne pénétrèrent peu à peu dans les pays du Nord. Mais certains Allemands ne les acceptèrent pas sans réserve. Les savants Wimpheling et Trithème restèrent attachés à la doctrine et aux idées de Nicolas de Cues. D'autres, au contraire, Érasme par exemple, devenaient par leur contact avec l'antiquité assez indifférents en matière religieuse.

Les Allemands du XVe siècle furent aussi très passionnés pour les études scientifiques. Deux hommes remarquables, Georges Peuerbach et son élève Jean Müller (connu sous le nom de Regiomontanus), réformèrent l'astronomie, la cosmographie, la géographie. Ils étaient, eux aussi, en rapports avec l'Italie et avec l'astronome florentin Toscanelli, mais ils furent pour les Italiens des maîtres autant que des élèves. Jean Müller établit, en 1475, une série d'éphémérides astronomiques, dont Colomb se servit en 1492. A partir de 1471, il s'était fixé à Nuremberg. J'ai choisi Nuremberg pour ma résidence, écrivait-il. J'y trouve aisément les instruments nécessaires à l'astronomie. Nuremberg, à cause des perpétuels voyages de ses marchands, peut être considéré comme le centre de l'Europe. C'est dans cette ville, à partir de 1471, qu'on fabriqua les meilleurs instruments d'observation : boussoles, astrolabes ; c'est là que Martin Behaim, en 1491, construisit le Globe, qui résumait les données sur le monde connu à cette date.

Les noms des artistes allemands du XVe siècle sont moins répandus qu'ils ne mériteraient de l'être, car quelques-uns furent tout à fait remarquables[6]. Mais du moins la puissance et l'activité de l'art germanique à cette époque peuvent s'apprécier par le nombre des édifices construits entre 1450 et 1500. A Strasbourg, on édifia le portail septentrional de la cathédrale ; à Cologne on travaillait à plus de vingt églises ; à Danzig, on commence ou termine Saint-Jean, le chœur des Carmélites, Sainte-Barbe et Saint-Barthélemy ; à Gœrlitz, l'Église de Notre-Dame était construite entre 1468 et 1473, celle du Saint-Sépulcre en 1465, de la Sainte-Croix, de 1481 à 1498, l'église colossale de Saint-Pierre et Saint-Paul était achevée en 1497. Les corporations de peintres, imagiers, orfèvres, sont en plein essor. Dans la petite ville de Calcar on peut citer seize noms de sculpteurs et treize de peintres.

Les artistes des Pays-Bas, qui succédèrent à Hubert et Jean Van Eyck, Rogier van der Weyden, Memling, furent célèbres de leur temps, même en Italie. En 1485, Giovanni Santi écrivait : A Bruges fut loué par-dessus tous, le grand Jean (Van Eyck) et son disciple Roger (Van der Weyden), avec tant d'autres doués d'un haut mérite. Guichardin, en 1560, parlait encore avec admiration du tableau de l'Agneau mystique, œuvre des Van Eyck. Les hôtels de ville de Bruxelles, de Louvain (construits à partir de 1448) sont restés célèbres.

Les musiciens flamands, Guillaume Obrecht, Jean de Ockeghem furent recherchés dans toute l'Europe. C'est aux Pays-Bas et en Allemagne que les Italiens eux-mêmes allaient apprendre l'art musical[7].

Ces artistes flamands ou allemands restèrent, pendant tout le XVe siècle, attachés aux traditions nationales[8]. Les hôtels de ville belges ou allemands, le portail de Strasbourg sont des constructions toutes gothiques. Les peintres ou les sculpteurs représentaient l'Adoration de la Vierge, les Scènes de la Passion, la Légende de Sainte Ursule. Tout au plus, de temps en temps, mêlaient-ils naïvement des personnages antiques aux Prophètes ou aux Apôtres. Mais ils ne faisaient guère de différence des uns aux autres ; ils les revêtaient des mêmes costumes et leur donnaient la même physionomie. Ils s'attachaient avant tout à reproduire les types des hommes de leur pays et de leur temps, à mettre leurs scènes dans le milieu des villes d'Allemagne ou de Flandre, à figurer la vie dans sa familiarité et dans son intimité. La beauté pour eux était dans la vérité visible. Puis, comme ils étaient très croyants, ils répandaient dans leurs tableaux religieux l'expression même de leur piété toute naïve, tendre et délicate. L'art de l'Allemagne et des Flandres était ainsi gothique, mystique et réaliste.

L'Allemagne ne s'isolait pas de l'Italie, mais elle ne lui ressemblait pas. Elle avait une civilisation forte et originale, où l'esprit de l'humanisme se fondait encore dans le tempérament ethnographique et le génie traditionnel.

La France, à la fin du XVe siècle, pouvait donc recevoir du dehors deux inspirations différentes.

 

II. — PREMIÈRES SENSATIONS D'ITALIE ET D'ANTIQUITÉ EN FRANCE.

L'ESPRIT français, inférieur alors à l'esprit italien et germanique,   ne manquait pourtant pas d'activité ni d'originalité. L'époque où l'on trouve des écrivains comme Villon, Antoine de La Sale, Arnoul Gréban, Martin Lefranc, Blanchet, même Coquillart, n'est pas une époque stérile[9]. Elle ne l'est pas davantage dans l'histoire de l'art, quand on peut citer Jean Fouquet, Michel Colombe, Nicolas Froment et les auteurs du porche méridional de Louviers, du portail de la cathédrale de Nantes, de l'Hôtel de Cluny, à Paris, des châteaux de Loches, de Josselin, de Plessis-lès-Tours ; les créateurs, avant la Renaissance, du style vrai de l'habitation moderne ; les sculpteurs du tombeau de Jean sans Peur, des statues de la chapelle de Châteaudun, du tombeau de Philippe Pot, de la décoration du chœur d'Albi.

Certainement la France ne pouvait rester enfermée en elle-même : il eût été déplorable qu'elle ne profitât pas des admirables modèles que l'antiquité retrouvée offrait au monde, ou qu'elle demeurât étrangère aux splendeurs de l'art italien. La question était de savoir jusqu'à quel point elle renoncerait à son génie, pour s'absorber dans un génie étranger.

Au cours du XVe siècle, les Français s'étaient maintenus en rapports avec les Flandres et étaient entrés en relations avec l'Allemagne et l'Italie. Ils reçurent de l'Allemagne l'imprimerie, les éléments de la philosophie de Nicolas de Cues et quelques germes de la culture antique. Quand Guillaume Fichet avait entrepris une réforme de l'enseignement dans l'Université de Paris, il avait, entre autres auxiliaires, un Allemand.

De la part des Flandres, l'influence fut surtout artistique. Nos artistes s'inspirèrent des peintres et des sculpteurs de la cour de Bourgogne ; on recevait de Flandre des tapisseries, des tableaux, des retables, des objets d'orfèvrerie et de bois sculpté, des dalles funéraires.

Mais, dans la seconde moitié du XVe siècle, les relations avec l'Italie devinrent de plus en plus fréquentes. Des cardinaux français séjournaient à Rome, des membres du clergé ultramontain venaient en France et y obtenaient même des évêchés ou des abbayes ; Florence, Milan, Venise envoyaient et recevaient des ambassadeurs. On commença de la sorte à connaître chez nous ce qui se passait en Italie. Des artistes italiens vinrent travailler en France. Le médailleur Spinelli vécut plusieurs années à Lyon ; un autre artiste, Pietro da Milano, fit une médaille de René le Bon, duc d'Anjou, et de sa femme, Jeanne de Laval. Le sculpteur Laurana séjourna en France à deux reprises ; il éleva, dit-on, dans la cathédrale du Mans le tombeau de Charles du Maine[10].

Les résultats de ces rapports avec l'étranger ne furent pas d'abord très sensibles. L'Université ne modifia que lentement son enseignement, quoique des Italiens aient enseigné chez elle avant 1495. Mais les auteurs grecs ou latins furent de plus en plus nombreux dans les bibliothèques : les Décades de Tite-Live, les Satires de Juvénal, des œuvres de Cicéron, à côté des Grandes Chroniques de France ou des romans de la Table Ronde. Seulement tout cela restait comme extérieur à l'esprit français. Les artistes se laissèrent encore moins pénétrer. On ne voit rien dans l'architecture qui sente l'imitation non seulement de la construction, mais même de la décoration antique. Dans la peinture et la sculpture, on a constaté un certain adoucissement des formes, une recherche de l'harmonie des lignes, qu'il n'est pas impossible d'attribuer à la connaissance de quelques œuvres italiennes, mais qui n'est qu'une nuance dans le style français du temps.

Ce fut l'expédition de Charles VIII qui entraîna définitivement la France vers l'Italie, c'est-à-dire vers la civilisation méridionale et antique.

L'évolution qui se préparait fut favorisée en partie par le goût très vif que professèrent les rois et la plupart de leurs sujets pour les lettres et les arts.

Charles VIII y apporta la sensibilité un peu fébrile de son intelligence. Dans son voyage d'Italie, il acquit ou prit tout ce qui fut à sa portée : tableaux, livres, objets d'art, meubles. Il recueillit de même à son service, sans beaucoup de choix, des humanistes, des peintres, des ouvriers. Mais, en réalité, il ne dirigea rien et entreprit fort peu de chose : tout au plus les travaux d'embellissement et d'agrandissement de son château d'Amboise.

Louis XII n'a pas laissé beaucoup de traces de son Mécénat ; il révéla cependant un goût sûr en matière d'art, puisqu'il essaya de faire venir auprès de lui Léonard de Vinci. Il eut à sa solde des écrivains ; on voit sous son règne des poètes de cour, comme Jean Marot, Octavien de Saint-Gelais. Mais le grand rôle a été joué par sa femme Anne et par son ministre Georges d'Amboise. Anne[11] protégea un grand nombre de lettrés ; elle fit travailler les artistes : Michel Colombe, au tombeau de son père, le duc François, Bourdichon à son Livre d'Heures ; elle se forma une belle collection d'œuvres d'art. Tout en appréciant à leur valeur les choses d'Italie, elle eut cependant une tendance assez marquée, en bretonne qu'elle était et en femme d'esprit très conservateur, à préférer les modes traditionnelles. Ses poètes — comme ses artistes, on vient de le voir —furent le plus souvent des Français.

Georges d'Amboise, au contraire, fut curieux de toutes les nouveautés. Ses nombreux séjours en Italie l'avaient initié, bien plus que le Roi lui-même, aux splendeurs de la Renaissance. C'est certainement lui qui fit, en France, la plus large place aux Italiens à côté des Français. Dans la protection qu'il accorda aux lettres et aux arts, il agit en grand seigneur. Il dépensa beaucoup pour des manuscrits, des tableaux, des collections de tout genre. Il eut certainement la prétention de laisser sa trace dans l'histoire de l'art comme dans la politique. La construction du château de Gaillon, où se marque un effort si grand et une volonté si réfléchie, le démontre suffisamment.

Les nobles, les riches abbés, les membres du haut clergé, les financiers suivirent ces exemples : ils se firent construire des châteaux ou commandèrent de splendides tombeaux, tantôt à des Français, tantôt à des Italiens. Ils recherchèrent les manuscrits, les tapisseries, les médailles. Ils protégèrent, eux aussi, des lettrés et des écrivains.

Le Mécénat n'était pas en France une nouveauté ni une importation italienne. Les Valois — Jean le Bon lui-même avant Charles V — et les princes de leur famille, les ducs de Bourgogne de la Maison de France, les grands seigneurs féodaux du XIVe et du XVe siècle avaient aimé les lettres et les arts[12]. Les Français du temps de Charles VIII et de Louis XII ne firent que suivre leurs traditions. Tout au plus le spectacle des cours italiennes les excita plus vivement à se donner le rôle brillant d'amateurs et de dilettantes.

La véritable nouveauté fut non pas dans le goût lui-même pour toutes les œuvres intellectuelles, mais dans la nouvelle direction qu'il suivit.

L'Italie conquit les Français, du jour où ils pénétrèrent chez elle, et elle les retint par mille liens délicats. Ils se laissèrent prendre tout d'abord aux charmes du pays, du climat, et surtout à la grâce de la nature cultivée ou parée. Ils ne tarissent pas sur les jardins, sur les parcs : Au surplus vous ne pourriez croire, écrit Charles VIII, les beaux jardins que j'ay veus en ceste ville. Car, sur ma foy, il semble qu'il n'y faille que Adam et Ève pour en faire un Paradis terrestre. C'est encore l'idée de paradis qui revient (car la langue et la pensée sont indigentes en matière d'esthétique) chez Jean d'Auton, quand il parle de la Chartreuse de Pavie : Mieux sembloit un Éden paradisiaque qu'un domaine terrestre. Puis, la beauté des villes, le luxe des constructions. Ici non plus ils n'ont pas pour voir des yeux très fins et très exercés, mais ils n'en regardent pas moins. Commynes dit de la Chartreuse de Pavie : La belle église des Chartreux, qui est à la vérité la plus belle que j'aye jamais vue et toute de beau marbre. Mêmes impressions chez les autres, qu'elles s'expriment en prose ou en vers :

En devisant (le Roi), s'en vint tout bellement

Voir la place qu'on nomme Colisée,

Qui est si grande et si bien ordonnée

Qu'en six palays de Paris, tant pour tant,

Comme il me semble de pierre n'a autant.

Mais par-dessus tout une séduction s'exerça, celle des femmes ; elle a duré. Les chroniqueurs du temps de Charles VIII et de Louis XII n'ont pas cessé de célébrer le charme des femmes d'Italie, et pendant près de trois siècles, pour nos artistes, le type de beauté restera la beauté italienne.

Quant à l'antiquité dont l'Italie était remplie, elle apparaissait aux Français, sous une forme saisissable, dans les cérémonies solennelles ou dans les fêtes familières. A l'entrée du Roi à Gênes, en 1507, on vit un grand curre (char) triomphal à chevaux, où estoient assises les quatre vertus cardinales : Justice, Prudence, Fortitude, Tempérance ; au milieu, sur une haute chaire, le Dieu Mars ; Harmonius Marsus composa une tragédie à l'antique : De rebus italicis deque ejus (Louis XII) triumpho[13]. La phraséologie italienne, si enveloppante, si habile à insinuer la louange, si habile aussi à l'exagérer dans le superlatif, épuisait toutes ses formules pour mieux nous séduire et nous jouer. Les Florentins, envoyant des ambassadeurs à Charles VIII, leur donnaient ces instructions : Direte che della gloria della Maestà sua e delli suoi immortali trionfi, con tante celerità e tanta incredibile ed ammirabile virtu adquisiti, sono i Fiorentini che principalmente ne debbino essere contenti[14].

Voilà ce qu'on pourrait appeler les sensations d'Italie. Elles semblaient délicieuses aux Français du temps. Leurs demeures commencèrent alors à leur paraître sombres, auprès de palais comme celui de Poggio Reale, que le beau parler de Maistre Alain Chartier, la subtilité de Maistre Jean de Meung et la main de Foucquet ne sauroient dire, escripre ne paindre. Tout ce qui n'était pas conforme au goût ultramontain devint peu à peu de mauvais ton pour un noble qui avait été en Italie.

Chemin faisant, on avait entendu parler de l'art italien lui-même ; on avait entendu dire qu'il s'inspirait de l'antiquité et rivalisait avec elle dans quelques-unes de ses œuvres. Quelle antiquité ? on ne le savait guère. Malgré tout, l'art antique eut aux yeux des Français un grand prestige ; l'art italien, qu'ils confondaient avec lui, n'en eut pas moins. Au retour de Charles VIII, on eut à payer 1 593 livres tournois pour le transport de plusieurs tapisseries, librairies, painctures, pierres de marbre et de porfyre et autres... les dites choses pesant en tout 87.000 livres ou environ. Avec cela des tableaux, que décrivent en style notarial les inventaires : Un tableau, auquel a ung visaige d'une dame de Naples, ayant le chef tout blanc ; ung autre d'une femme italienne ; un homme habillé de drap d'or à la fasson de Venise.... On a un état des gages des Italiens employés par Charles VIII en 1497-1498, pour ouvrer de leur mestier à l'usaige et mode d'Italie. Louis XII les garda presque tous. On y trouve Guido Paganino, chevalier, peintre et enlumineur ; Jean Jocundus (Fra Giocondo), deviseur de bastimens ; Domenico de Courtonne, faiseur de chasteaulx et menuisier en tous ouvrages de menuiserie ; Johanne de Granna, prebstre, faiseur d'orgues ; Loys de Lucques, dit Merveilles, armurier. On y trouve aussi un faiseur de hardes, un parfumeur, un découpeur de velours à l'italienne.

Si la plupart de ces artistes ne furent que de second ordre, Louis XII, avant François Ier, eut le mérite de s'adresser à Léonard de Vinci. Il avait vu de lui, parait-il, un petit tableau, qu'il admira beaucoup[15] et il voulut attacher le peintre à sa personne. A l'audience de ce matin, écrit l'ambassadeur de Florence, en 1507, le Roi me fit appeler et me dit : Il faut que vos Seigneuries me servent ; écrivez-leur que je désire employer maître Léonard, leur peintre... c'est un bon maitre et je veux avoir quelque chose de sa main. Le Roi lui-même s'adressa directement aux membres du gouvernement florentin. Avec les peintres, les architectes, les sculpteurs, on sollicitait les érudits ou les littérateurs. Le Vénitien Aleandro, qui devint Recteur de l'Université de Paris en 1513, fut non pas le premier, mais un des premiers à enseigner le grec à Paris[16]. Charles VIII et Louis XII appelèrent Fausto Andrelini, Paolo Emili, qui eut les fonctions de chroniqueur et orateur du Roi, et qui composa à la demande de Louis XII le De rebus gestis Francorum.

Cet appel adressé par nos rois aux étrangers est précisément un de leurs mérites pour leurs historiens. Et en a fait venir (des savants) d'Italie et de Grèce, mesmement Jean Lascaris..., dit Seyssel, dans les Louanges du bon Roy de France, Louis XIIème.

Mais ces étrangers ne s'emparèrent pas de nous du premier coup ; c'est que, si nombreux qu'ils semblent quand on les catalogue, ils se perdaient dans la vaste étendue de notre pays. Immigration, mais non invasion, encore moins occupation. En dehors de la Cour, ils se disséminaient au hasard des circonstances : un cardinal ramenait un peintre ou un érudit ; un artiste faisait son tour de France. Il fallait bien autre chose pour transformer la France.

 

III. — L'ÉRUDITION.

PENDANT les premières années du XVIe siècle, les savants français et les universités se maintinrent en rapports aussi bien avec les érudits d'Allemagne qu'avec ceux d'Italie. Lefèvre d'Étaples alla à Florence, à Padoue, à Rome, à Venise, vers 1492 et vers 1500, et ses contemporains considèrent que ces deux missions avaient inauguré chez nous la connaissance de l'antiquité ; mais, d'autre part, les maîtres des universités allemandes fréquentaient l'Université ou les collèges de Paris. Beatus Rhenanus expliqua à Paris les Économiques d'Aristote, en 1502 ; Érasme y fit des séjours répétés, depuis 1496 ; Jean Standonck, des Pays-Bas, restaura les études au collège de Montaigu. Budé entretenait des relations étroites avec Érasme ; Lefèvre d'Étaples, en 1510, se rendait en Allemagne et y visitait les Frères de la Vie commune : c'était la mission d'Allemagne après les missions d'Italie. Seule la Réforme rompit nos relations intellectuelles avec la Germanie ; encore cette rupture ne s'accomplira-t-elle définitivement qu'après 1530.

En Allemagne comme en Italie, ce que nos savants cherchèrent surtout, ce fut l'antiquité. Budé[17] est le premier en mérite des érudits qui l'introduisirent en France. Il fut philologue, en apportant dans la philologie quelques préoccupations d'archéologue, et ouvrit la voie où s'engagèrent ses successeurs. Né à Paris en 1468, il ne se donna aux humanités qu'à l'âge de vingt-quatre ans. Il se lia avec Lefèvre d'Étaples, revint au droit qu'il avait étudié dans sa première jeunesse, mais surtout s'intéressa à l'histoire, à la philosophie, et, s'attacha avec passion à l'étude du grec, qu'il finit par écrire couramment dans toute sa pureté. Sa puissance de travail, en admettant qu'on ait fini par la faire un peu légendaire, sa passion de savoir, tout annonce et résume en lui dans sa pleine expression le savant de la Renaissance.

En 1508, Budé publia les Annotations in XXIV libros Pandectarum (Notes sur vingt-quatre livres des Pandectes). Dans cet ouvrage d'une érudition déjà très sûre, il relève des altérations de texte, essaie des restitutions, fixe le sens des termes, montre la nécessité de connaître la langue latine pour aborder les études juridiques, commente sept cents articles des Pandectes. Il donne ainsi des leçons de travail méthodique, il initie lecteurs et disciples à la critique scientifique.

En 1515, il fait paraître le traité De asse et partibus ejus (de l'As — monnaie romaine — et des parties de l'As). Il y démontre comment l'étude bien conduite d'une matière spéciale peut permettre de reconstituer une civilisation. Il se louait plus tard d'avoir mis en évidence le livre des poids et mesures, nombres, monnoyes, et toute la manière de compter des Anciens, tant grecs que latins, et d'avoir ainsi éclairci et interprété un grand nombre de lieux et passages des auteurs grecs et latins. Ce traité, en effet, est, à vrai dire, une reconstitution de toute la vie antique. Quinze ans avant la première fondation du Collège de France, Budé en avait déterminé l'esprit.

Tel est en Budé l'humaniste, c'est-à-dire l'homme dont la curiosité universelle s'intéresse à toutes les connaissances, et qui va les chercher dans l'antiquité ; l'homme qui retrouve par l'étude de la langue, des lois, des écrivains, des philosophes, des monuments, les civilisations grecque et latine, qui élargit ainsi son horizon, sort des traditions et des façons de penser de ses contemporains, conçoit d'autres idées, d'autres mœurs, un autre idéal, et par là s'affranchit d'un joug, mais aussi s'expose à l'injustice envers le passé de son pays, à la méconnaissance des conditions nouvelles de la vie, et par là, le plus souvent, reprend un autre joug[18].

Lefèvre d'Étaples[19] aborda toutes les études à peu près qui intéressaient déjà les esprits. Il publia, entre 1490 et 1517, des Commentaires sur Aristote, des ouvrages de sciences ; ses traités d'arithmétique et de cosmographie contribuèrent à former l'école scientifique et géographique, représentée plus tard par Fernel et Oronce Finé. Mais, bien moins érudit que Budé, Lefèvre fut beaucoup plus préoccupé des questions morales, religieuses et philosophiques. On a de lui des études sur les textes sacrés ou sur les questions du dogme, quelques-unes aussi sur certains auteurs apocryphes ou mystiques du moyen-âge, qui retenaient encore l'attention des hommes du XVe siècle. C'est un vrai disciple de Nicolas de Cues, avec qui il avait toutes sortes d'affinités de sentiment. Dès 1509, il travaillait à une édition, qui parut en 1514, des œuvres du cardinal allemand.

Bien qu'il goûta les auteurs grecs et latins, l'étude des langues le laissait presque indifférent. Il cherchait chez les anciens les spéculations métaphysiques ; il répugnait aux côtés purement païens, mythologiques et matérialistes de leur pensée. Il ira jusqu'à proclamer condamnable et dangereuse l'étude des poètes : Térence, Lucain, Ovide. Dans la seconde partie de sa vie, il essaiera de réformer les mœurs et les croyances, au nom du christianisme. Ainsi, il fut, sinon un novateur, certainement un précurseur ; il eut du précurseur tous les traits : l'ouverture d'esprit, la chaleur d'âme et la bonne volonté, comme aussi les incertitudes et les défaillances. En même temps, on peut se rendre compte, par sa biographie, de ce que pouvait donner l'éducation du XVe siècle, si décriée.

Claude Seyssel[20], né en Savoie, fit ses études à l'Université de Turin, reçut, en 1493, une pension de Charles VIII, qui l'appela auprès de lui dans les dernières années de son règne. Georges d'Amboise poussa sa fortune : Seyssel fut nommé conseiller au sénat de Milan, devint évêque de Marseille en 1509, et obtint en 1516 l'archevêché de Turin, où il résida jusqu'à sa mort. Ce personnage est ainsi un exemple des rapports, intellectuels aussi bien que politiques, qui s'établissaient entre la France et le nord de l'Italie[21]. De plus, élevé à Turin, à Pavie, il apportait chez nous une éducation latine et juridique. Il a traduit quelques auteurs grecs[22] et latins.

Écrivain aux gages de Louis XII, il a publié les Louanges du Roi Louis XIIe de ce nom (1508) et la Victoire du Roy contre les Vénitiens (1510)[23].

Son ouvrage capital est la Grant Monarchie de France, qui parut en 1519, mais avait été composée au temps de Louis XII, dont elle reflète si bien l'esprit[24]

C'est une œuvre qui mérite l'attention à beaucoup d'égards. On y trouve les idées qui avaient cours, au début du XVIe siècle, sur l'organisation et le rôle du pouvoir royal, sur la place à donner aux différents ordres de l'État, sur les conceptions qui doivent diriger la politique. La comparaison serait intéressante à établir entre Seyssel et Machiavel, pour montrer les divergences profondes, l'abîme qui sépare l'Italie de la France. Tandis que l'écrivain florentin, dans son livre trop vanté du Prince, établit toute l'action gouvernementale sur l'individualisme du souverain, Seyssel considère la monarchie comme un pouvoir protecteur, dont les intérêts se confondent avec ceux de l'État. S'il n'oppose au prince que des obstacles moraux, comme la religion, la justice, ou des règles de conscience, il reconnaît la nécessité pour lui de consulter des Conseils. C'est exactement la monarchie du Père du Peuple, et c'est la royauté telle que l'avaient comprise bien des auteurs du moyen-âge, telle que la comprirent la plupart des écrivains de la Renaissance. Le Monarque idéal de Seyssel et le Grandgousier de Rabelais ne diffèrent guère. Ils sont tous deux dans la tradition française[25].

 

IV. — LA LITTÉRATURE[26].

LES écrivains du temps de Charles VIII et de Louis XII sont avant tout les continuateurs des écrivains du XVe siècle ; ils ont de ceux-ci les qualités et les défauts ; leur goût est d'ailleurs en accord avec celui de leur public[27]. Ils commencent cependant à entendre parler de l'antiquité ; ils en retiennent quelque chose, mais seulement les formules, quelques faits, çà et là quelques idées.

L'École des rhétoriqueurs, formée au cours du XVe siècle, se prolongea très avant dans le XVIe[28]. Elle dominait encore au temps de Louis XII. Chastellain, Meschinot étaient morts, mais Molinet, Guillaume Crétin étaient en pleine renommée.

Leur poétique est contenue en partie dans Le Grant et vray Art de pleine Rhétorique, publié seulement en 1521, assez longtemps après la mort de son auteur, Maistre Fabri (Pierre Lefèvre). Fabri cite, à titre d'exemples, des auteurs qui ont écrit depuis 1480 environ, il résume donc fort exactement la conception littéraire des écrivains du temps que nous étudions. Comme le livre n'eut pas moins de six éditions entre 1522 et 1544, on voit que les règles et les modèles qu'il invoquait gardèrent une certaine vogue, jusqu'au Manifeste de Du Bellay. L'ouvrage est divisé en deux parties : la prose et la poésie. Dans la seconde, l'art de rithmer, Fabri expose les règles de la composition et de la versification, telles qu'on les comprenait alors. Il indique les genres les plus employés : chants royaux, ballades, rondeaux, virelais ; or, ce sont presque tous ceux que proscrira la classique Pléiade. Il insiste surtout sur les différences de rithme (rime) en fin de ligne. Les rhétoriqueurs mettaient là le principal de leur effort et de leur invention, et ils variaient à l'infini les combinaisons : rimes épiloguées, en écho, fratrisées, léonines, croisées, etc. Ils aimaient aussi les tours de force, qui consistaient à faire toute une pièce de vers avec des mots commençant par la même initiale, ou à jouer sur des antithèses purement verbales. Les exemples de ces complications, de ces pauvretés, sont nombreux chez Fabri ou dans la littérature de l'époque. Tout au plus admettra-t-on, en se plaçant au point de vue historique, que ces efforts, stériles en eux-mêmes, contribuèrent peut-être à assouplir la langue et à varier la prosodie.

La renommée dont jouirent, de leur vivant et même après leur mort, Crétin, Molinet, Jean Bouchet, ne peut guère se comprendre. De celui-ci, on a pu dire[29] : J'ai lu avec toute bienveillance plus de soixante mille de ses vers ; j'en pourrais citer quatre ou cinq qui ont du trait, mais il m'a été impossible d'y trouver un passage qui valût la peine d'être reproduit. La réputation de ces rhétoriqueurs, dans un temps où l'imprimerie ne multipliait pas encore les livres à de très nombreux exemplaires, fut sans doute plutôt affaire de cénacle que de grand public.

Pourtant, même dans les œuvres qui sont conçues d'après leur système, on trouve quelquefois des mérites, mais toujours un peu frêles et minces, et seulement dans des sujets tout familiers.

Mais la littérature pédantesque ne fut pas toute la littérature du temps, la prose, par exemple, échappe presque entièrement à son influence. La première partie de l'ouvrage de Fabri contient les règles générales d'invention, de composition, d'élocution, pour oraisons, missives, épistres, sermons, récit ; collations et requestes. Or, on y trouve des lois naturelles de sens commun, exposées dans un langage qui n'a rien du tout d'alambiqué. Cela donne bien le ton de la charmante et naïve prose française courante, telle qu'on la rencontre dans les chroniques, les mémoires, les lettres.

Pierre Gringoire doit peut-être sa célébrité à Victor Hugo, qui a fait de lui un contemporain de Louis XI, pour l'introduire dans le roman de Notre-Dame de Paris. Or il est né vers 1475 et il est mort entre 1538 et 1539. La moyenne de sa vie appartient donc aux règnes de Charles VIII et de Louis XII. Membre de la Confrérie des Sotz, qui donnait des représentations théâtrales, pensionné un moment par Louis XII, qui employa sa verve contre Jules II, il fut homme de lettres, publicistes auteur dramatique. Sous François Ier, il vécut obscurément, débordé par le courant des idées littéraires nouvelles.

Gringoire avait de la verve et une plume parfois alerte. Partout où il suffit d'être familier, caustique, on pourrait presque dire qu'il excella '. Mais ailleurs il est lourd, maladroit, plat, incapable de suivre le développement d'une œuvre sérieuse. Cette impuissance se constate dans le Blazon des Hérétiques, où il entreprit de suivre l'hétérodoxie, depuis les premiers temps du christianisme jusqu'à l'apparition de Luther, tâche bien au-dessus de ses forces.

Il essaya, lui aussi, de se mettre à la mode et d'imiter l'antiquité. Il se montra prodigieusement inhabile à en employer les matériaux, qui d'ailleurs pesaient lourdement à l'esprit de ses contemporains. Tout consistait pour lui comme pour la plupart d'entre eux à introduire çà et là des noms anciens ou à insérer des textes, comme de véritables gloses, en marge de ses vers[30]. Chose curieuse pourtant : on saisit ainsi le procédé, qui a peu à peu décomposé l'esprit français ; on voit comment ces pièces de rapport, introduites artificiellement dans notre pensée, l'ont d'abord gênée, faussée, puis transformée.

La plus intéressante à étudier de toutes les œuvres de Gringoire est certainement la Vie de saint Louis, une des dernières pièces du moyen-âge, et qui indique cependant un essai de renouvellement. Le sujet est essentiellement historique et national, puisé dans les Grandes Chroniques de France et dans Joinville. Les principaux motifs sont la révolte des barons, la croisade d'Égypte, les réformes dans la Prévôté de Paris et dans la justice, la dernière Croisade.

Ce drame, avec ses décors multiples, ses personnages variés, sa Chevalerie, son Populaire, laisse la sensation d'une sorte d'opéra, surtout dans le deuxième acte, qui s'ouvre sur un double décor. D'un côté, la reine Blanche, saint Louis, Chevalerie, Populaire, Bon Conseil ; de l'autre, le duc de Bretagne, les comtes rebelles de Champagne et de La Marche. Le débuta l'allure, on dirait presque la sonorité de la phrase musicale, dans ses couplets alternés avec de véritables refrains.

LA ROYNE BLANCHE.

Sera point France sans envie ?

Seront tous jours traistres encours,

Pour troubler nos royales cours ?

Las, la paix est de nous ravye.

SAINT LOUIS.

Ma mère, ma très douce amye,

Nos parents cuydent tous les jours

Mestre nostre bruyt en décours,

Lachement ont la paix bennye.

CHEVALLERIE.

Sera point France sans envye ?

Sans que princes en villes, tours,

Usent de sy desloyaux tours,

Abolissant leur seigneurie ?

Sera point France sans envye ?

.........................

.........................

Je montrerai ma hardiesse,

Portant des fleurs de lys l'enseigne.

Cette pièce était écrite pour être entendue et non pas lue ; et non seulement entendue, mais vue, accompagnée du jeu des acteurs, du mouvement des foules, de la plastique de la scène.

Mais surtout (considération que l'historien ne saurait négliger), le sujet, les personnages, le décor, le style même se trouvaient en harmonie parfaite avec l'esprit et l'âme des spectateurs. Aucune barrière entre le drame et la foule. C'est une grande, une immense différence avec la tragédie qui va succéder bientôt à ce théâtre populaire. Qui pourrait soutenir que la rupture, voulue par la Renaissance, entre notre passé national et l'art dramatique, n'a pas nui à cet art, ne l'a pas, dans une certaine mesure, extériorisé, diminuant ainsi l'efficacité de son action sur l'âme française ?

 Jean Le Maire de Belges est né à Belges, dans le Hainaut, vers 1473 ; il fait ses premières études sous la direction des Frères de la Vie commune, mais il les continue à l'Université de Paris[31]. Il se met au service du duc de Bourbon et du roi de France, à partir de 1498, mais il passe bientôt à celui de Marguerite d'Autriche, pour revenir ensuite à Louis XII et à la reine Anne de Bretagne. Il est donc une sorte de cosmopolite, comme beaucoup d'hommes le furent de son temps, avec cependant une tournure d'esprit plutôt flamande qu'italienne ; il a la naïveté du moyen-âge, le mysticisme de l'Allemagne et les prétentions érudites des savants nouveaux. A le juger en lui-même et à l'étudier littérairement, c'est un écrivain incomplet, mais des plus remarquables, même comme poète. Quand on passe par-dessus les maladresses ou les longueurs interminables, qui forment autour de la poésie de ce temps des buissons d'épines inextricables, on trouve chez lui, çà et là, une vision de la nature, une grâce, quelquefois une éloquence, dont on a pu dire sans trop d'exagération qu'elles annoncent Ronsard[32].

Mais son œuvre capitale est en prose : Les Illustrations de Gaule et les Singularités de Troyes la Grande. Le Maire y développe ce thème, qui d'ailleurs avait cours à la fin du XVe siècle et qui sera celui de la Franciade de Ronsard, que les Français descendent des Troyens.

On trouve côte à côte, dans les Illustrations, Hercule, Hélène, Pharamond, Charlemagne, les villes de Troie et de Louvain. Les personnages sont habillés à la mode de Louis XII, expriment les sentiments d'un seigneur ou d'une dame de la Cour. Mais une nouveauté de cette œuvre singulière, c'est un sentiment véritablement assez vif de la beauté plastique, que Le Maire doit sans doute à l'antiquité, à l'Italie, ou à ses rapports avec les artistes, car il fut en relations avec le peintre Perréal et le sculpteur Michel Colombe. Il y a des moments où l'on sent qu'il avait regardé des statues antiques : il dépeint Vénus, dans le jugement de Pâris, plantée sur le pied droit et avançant le gauche, la main dextre pliée sur la hanche et l'autre estendue au long de la cuisse senestre. Il décrit la resplendeur de ses tresses dorées, longues et espesses, dont les flocons espars, sans ordre çà et là, donnent merveilleuse décoration au chef et aux épaules éburnines.

 Vers la même époque à peu près, les peintres Lucas Cranach et Albert Dürer représentaient de la même façon, avec la même recherche de la beauté physique et la même difficulté de l'exprimer, des Vénus ou des Cléopâtre antiques. Ou bien, comme Le Maire lui-même, ils revêtaient les personnages grecs ou romains des costumes du XVIe siècle. Ils mettaient aussi bien une gibessière au bonhomme Bias, comme une pannerée de febvres à Pythagoras : ce leur estoit tout un.

Jean d'Auton[33], né entre 1465 et 1470, vécut à la cour de Louis XII, entre 1500 et 1515 ; il fut choisi comme historiographe par le Roi ; il écrivit des vers loués par ses contemporains.

Comme poète, il appartient sans réserve à l'école des rhétoriqueurs ; il recherche les difficultés qui leur semblaient le comble de l'art ; il s'y comptait : il écrira toute une pièce avec des rimes en ec, ic, oc, uc, en ère, oire, etc. Mais il est aussi un homme de la Renaissance et il essaye de se mettre à la mode nouvelle. Seulement il reste en réalité très ignorant de l'antiquité gréco-latine ; il n'en prend que l'extérieur, il s'en affuble. S'il décrit un incendie : Depuis le temps que, selon les poètes, Phaéton versa le curre de Phébus sur la terre, n'apparut si grande flamme ; une sédition : tant estoit impétueuse que, depuis le temps de Marius et Sylla, romains, n'en fust vue de pareille. Ou bien encore, il forge des mots pris tout chauds du latin : regard tant luciférant, heure matutine, convis épulaires. Quoiqu'il fasse le pédant et cite Strabon en sa Géographie (tout comme l'Intimé, Pausanias en ses Corinthiaques), il a gardé bien des naïvetés du moyen-âge. Il croit encore que Virgile, par art diabolique ou autrement, perça tout en travers la montagne près de Naples.

Pourtant, il n'est pas entièrement médiocre et le chroniqueur chez lui est bien supérieur au poète. Il est sincère, exact, il cherche à s'informer, il sait voir, observer. Il arrive parfois, quand il raconte, à une certaine vivacité, et il garde souvent du naturel. Il excelle presque dans les descriptions des choses de guerre. D'Auton, bien qu'il fût abbé, avait l'esprit militaire. Par là, il continue la lignée des chroniqueurs du moyen-âge ; les noms de Froissart, d'Olivier de La Marche, viennent facilement à la mémoire à propos de lui. Le drame du Garigliano a trouvé en lui un interprète presque éloquent[34]. Que manqua-t-il à ses récits pour mériter de durer ? Çà et là plus d'émotion soutenue, plus de vibration dans le style, plus d'art en un mot.

Philippe de Commynes, par les dates de sa naissance et de sa mort, se place plus dans le XVe siècle que dans le XVIe, mais la composition de son œuvre est, pour une grande partie, contemporaine des premières guerres d'Italie[35]. Né vers 1445, il ne fréquenta pas les universités, entra de bonne heure dans la vie active et pratiqua, de 1464 à 1472, la cour de Bourgogne, où il rencontrait une culture intellectuelle, dont les œuvres de Chastellain et d'Olivier de La Marche donnent l'exacte impression. Il parait s'être intéressé fort peu à la littérature ou à l'art de son temps ; il ne semble pas qu'il ait entretenu de relations avec les poètes ou les savants.

Par là peut-être s'explique sa sécheresse. Chez lui, la narration est diffuse, sans trait et sans pittoresque. Ses défauts apparaissent surtout dans la dernière partie de ses Mémoires[36], où il se trouve en présence de l'épisode éclatant de l'expédition italienne. Le récit en est bien souvent gris et traînant. A la différence de Jean d'Auton, Commynes ne se plaisait pas à l'appareil de la guerre. Il fut surtout un psychologue, et encore plus un penseur politique. Il aimait à étudier — sommairement — les institutions des pays voisins, à y chercher les causes de l'échec ou du succès de la diplomatie ; mérite qu'il ne faut pas exagérer, qu'il ne faut pas considérer comme lui étant essentiellement personnel, et qu'il ne faut pas mettre davantage à l'actif de je ne sais quel contact avec l'Italie ou la Renaissance. L'esprit français a agité volontiers et exprimé assez fortement les spéculations politiques, au moyen-âge, et formulé des conceptions au moins aussi vigoureuses que celles qui se rencontrent chez Commynes.

Le livre de Commynes est précieux, parce qu'il exprime des idées bien françaises, parce qu'il parle exactement la langue que parlait la société, quand elle ne faisait pas effort vers la rhétorique, et aussi parce qu'il montre jusqu'à quel degré de culture et à quelle valeur de réflexion sur l'art de gouverner pouvait s'élever un homme politique pris parmi les moyens.

 

V. — L'ART.

L'ART français, très supérieur à la littérature, est encore en pleine vitalité. Les artistes nationaux continuèrent à être employés, à côté des Italiens venus en France[37] et, d'autre part, ceux-ci ne purent pas appliquer sans réserves leurs doctrines. Ils durent transiger presque toujours avec les habitudes et avec le goût national.

On est d'ailleurs assez mal informé sur le rôle de ces Italiens : fort souvent on ne connaît que leurs noms et les dates de leur séjour.

Fra Giocondo demeura sans doute en France, entre 1495 et 1505. Il n'était plus jeune quand il vint à la Cour, et il avait déjà en Italie une assez grande réputation. C'était un habile écrivain, un érudit, un ingénieur en même temps qu'un architecte. Il avait étudié Vitruve, il était tout pénétré de l'esthétique gréco-latine. Il ne parait cependant pas avoir été très employé. Il reconstruisit le pont Notre-Dame, en 1500, en collaboration avec des maîtres d'œuvre de Paris[38] ; il bâtit très probablement le château de Bury, près de Blois. Il dut surtout répandre les nouvelles doctrines par ses conversations et ses écrits. Il était comme un conseiller d'art écouté.

Les Juste[39] sont une famille de sculpteurs qui a fait dynastie. Le premier d'entre eux qu'on voit paraître chez nous est un certain Antonio di Giusto, natif de Florence, accompagné d'un frère plus jeune, Giovanni. Un document le montre propriétaire d'une maison sise à Carrare, mais ajoute à son nom cette mention : al seruizio del Re di Francia ; Antoine était domicilié à Tours, où il devint également propriétaire. Un grand nombre d'Italiens eurent ainsi deux patries : la fusion des idées s'opérait par celle des intérêts et des habitudes, souvent par des mariages. La date précise la plus ancienne, sur le séjour des Juste en France, est donnée par le tombeau de Thomas James, élevé par eux, en 1507, dans la cathédrale de Dol.

Il vint aussi beaucoup de médailles et de médailleurs italiens. Jean de Candida, qui vivait déjà en France avant l'expédition d'Italie, resta en grande faveur sous Charles VIII et Louis XII. Robert Briçonnet, dont il fit le portrait, lui écrivait, en le qualifiant de consommé dans l'art de la sculpture. On a des médailles italiennes de Charles VIII, de Louis XII, d'Anne de Bretagne. Cet art des médailles, très portatif et relativement bon marché, put contribuer beaucoup à l'expansion de la tradition italo-antique.

Parmi les peintres italiens, le plus connu de ceux qui travaillèrent en France est Andrea Solario, artiste habile, mais sans grande originalité. C'était un élève de Léonard de Vinci et il fut très employé par la famille d'Amboise. Il avait fait le portrait de Charles Chaumont d'Amboise[40] ; il fut appelé en 1507 par le Cardinal pour décorer le château de Gaillon, mais il ne reste rien des œuvres qu'il y exécuta. Il dut séjourner pendant quelque temps à Blois, sans qu'on le voie d'ailleurs occupé auprès de Louis XII, mais une peinture de lui, la Vierge au coussin vert, se trouvait encore au XVIIe siècle dans un couvent de la ville[41].

Quant aux artistes français, les documents authentiques en ont assez appris sur beaucoup d'entre eux et sur leurs œuvres, pour qu'on puisse dégager les traits principaux de leur art, et renoncer définitivement au préjugé qui attribuait exclusivement aux Italiens tout édifice, toute statue, toute peinture datant des premières années du XVIe siècle.

Il est relativement assez facile de déterminer, au moins en architecture, ce qu'il faut entendre par ces mots : style national, style traditionnel français. Dans ce style, le procédé de construction reste celui de la voûte en croisée d'ogives, soutenue sur des piliers ; les arcades, les fenêtres, les portes sont en arc brisé ; l'ornementation se compose surtout de feuillages empruntés à la flore de France, feuilles de vigne, de chou, de chicorée. S'il s'agit d'une église, la silhouette présente des toits à pente rapide, des tours couronnées d'une toiture, un clocher aigu. S'il s'agit d'une maison ou d'un château, on y verra des fenêtres carrées à meneaux, des escaliers en saillie, et dont la pente est indiquée au dehors par la montée même des fenêtres, puis des toits élevés, coupés de hautes cheminées très apparentes.

C'est encore le style gothique, tel qu'il avait été renouvelé en partie au XVe siècle : le gothique fleuri ou flamboyant.

Les innovations apportées dans l'architecture, par suite des relations avec l'art italien, ne consistèrent d'abord que dans des changements de détail : on introduisit çà et là un arc en plein cintre, un chapiteau à peu près copié sur l'antique, des arabesques. Mais l'architecture du temps de Charles VIII et de Louis XII fut très variée, très libre, très mélangée.

La Touraine ou, pour mieux dire, la vallée de la Loire moyenne, où Charles VIII et Louis XII séjournèrent presque toujours, et où l'aristocratie de naissance, de robe ou de finance, se groupait auprès d'eux, paraissait appelée à recevoir la première l'inspiration italienne, puisque les artistes péninsulaires s'y trouvaient naturellement attirés. En outre, la clientèle des artistes s'y composait d'hommes qui, à plusieurs reprises, avaient vu l'Italie. Pourtant même dans ce milieu, l'architecture, la sculpture et la peinture furent à coup sûr plus françaises qu'italiennes. Et même, à la prendre dans son ensemble, l'architecture demeura presque exclusivement nationale. A la mode du XVe siècle appartiennent encore les travaux du château d'Amboise et le corps d'entrée du château de Blois, que Louis XII, vers 1501, faisait faire tout de neuf et tant somptueux que bien semblait œuvre de Roi. C'est pourtant une construction très simple, élevée d'un rez-de-chaussée et d'un étage ; la grande porte est surmontée d'une niche, avec un arc en anse de panier, où se trouvait la statue équestre du Roi. L'appareil de briques, avec ses chaînages de pierre encadrant des fenêtres à meneaux, les toits à lucarnes, tout y conserve la physionomie des hôtels du XVe siècle.

La partie du château de Chenonceaux qui donne sur la rive droite du Cher[42] fut construite entre 1512 et 1517 ; elle se compose d'une construction carrée, d'une chapelle en saillie, avec de hautes toitures ; seulement on voit çà et là quelques ornements d'arabesques. Au château de Châteaudun, où travaillait Pierre Gadyer, en 1511, 1512, 1516, un des escaliers garde la décoration et les formes du gothique fleuri, pendant que l'autre offre des parties de style italien. Le clocher nord de la cathédrale de Tours fut achevé, à partir de 1507, sous la direction de Bastien et Martin François ; le gothique flamboyant y apparait encore.

La façade septentrionale de la cathédrale d'Évreux, œuvre de Jean Gossart, commencée peut-être en 1504, terminée seulement vers 1530 ; à Rouen[43], la Tour de beurre de la cathédrale, qui date de 1506, et le chœur de l'église Saint-Vincent sont des monuments gothiques. L'esthétique italienne fut adoptée au Bureau des Finances, reconstruit en 1508, et, au contraire, le Palais de Justice fut continué dans le style gothique exubérant (1499). Mais, en Normandie comme ailleurs, il se formait parfois des dots de pénétration. Ainsi l'abbé de Fécamp commanda à Gênes, en 1507, un autel, une châsse et le tabernacle du Saint-Sang, qui furent placés dans l'église de la Trinité. Cela, c'est la Renaissance de pure importation.

Le portail sud de la cathédrale de Beauvais, commencé par Cambiches, en 1500, l'Hôtel de Ville de Compiègne, bâti sous Louis XII, restent conformes aux traditions. Au contraire, au hameau de Folle-ville, tout près d'Amiens, le tombeau de Raoul de Lannoy, composé peut-être vers 1507, est une œuvre toute italienne, — d'ailleurs très remarquable, — qui fut sans doute exécutée à Gênes même, sur la commande de Raoul de Lannoy, par le sculpteur Antonio della Porta, puis apportée en France.

 A Paris, la tour de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie, entre 1508 et 1522, fut construite en croisées d'ogives et en arcs brisés. L'hôtel de Cluny, qui appartient aux règnes de Charles VIII et de Louis XII, est un excellent modèle des constructions privées du temps. Les architectes qui y travaillèrent ne renoncèrent ni aux toits à la française, ni aux grandes cheminées qui conviennent à notre climat ; ils se plurent à réaliser dans la chapelle les tours de force de combinaisons d'ogives, de clefs de voûtes découpées à jour, qui plaisaient tant aux maîtres d'œuvre de la fin du XVe siècle. Ils conservèrent des tourelles, une cage d'escalier saillante ; à l'étage supérieur, ils placèrent de grandes lucarnes richement ornées à la mode française.

Aux hôtels des Ursins et de La Trémoille, les architectes avaient mêlé des arabesques et des médaillons antiques aux accolades, aux flammes, aux feuilles de chou et de chicorée.

A Chartres, Jean de Beauce, dit Texier, présenta au chapitre de la cathédrale, le 11 novembre 1506, un patron bel et magnifique, pour remplacer la tour septentrionale du portail, qui venait d'être incendiée. On le suit en 1508, 1510, 1512 et jusqu'en 1529, dans ses travaux, où il maintint le système gothique, à la concession près de quelques arabesques ornementales.

Les métiers d'art étaient organisés fortement à Troyes[44], et les maçons, les peintres, les imagiers furent très employés dans cette  ville très riche. L'un des plus remarquables, Jean Gailde, édifia, de 1508 à 1517, le jubé de l'église de la Madeleine. Ce jubé est orné d'une profusion de sculptures : des pinacles, des niches, des clochetons, fouillés comme de la dentelle. Tous les arcs y sont en accolades, en flammes ; des feuilles de chou, de chicorée, de vigne, les décorent ; sous des niches ont été sculptés une foule de sujets de l'Ancien et du Nouveau Testament, des prophètes, des saints, des saintes. Çà et là seulement, l'artiste a introduit un commencement d'arabesques, un masque antique, mais c'est un détail à peine visible dans le grand ensemble gothique.

Le plus illustre représentant de l'École française de sculpture, au commencement du XVIe, est bien certainement Michel Colombe, né peut-être vers 1430, mort vers 1512. Par conséquent, son éducation et une grande partie de son œuvre appartiennent au plein XVe siècle[45]. Grande réputation ; activité artistique ayant son centre à Tours, mais rayonnant jusque vers la Bretagne, le Poitou et même vers l'Est ; esprit foncièrement français, mais qui a pu recevoir, après les enseignements de l'art national et de l'art du Nord, quelques inspirations du Midi : voilà les grands traits de son histoire. Il ne reste malheureusement de ses œuvres que celles qui sont postérieures à 1500. On voit son nom cité à propos de la fontaine, dite de Beaune, élevée à Tours entre 1510 et 1511. Mais elle est l'œuvre de ses neveux, Bastien et Martin François, qui reçurent 340 livres, pour avoir travaillé les pierres de marbre et parachevé les pierres de Volvic. Colombe dirigeait un atelier. Il avait auprès de lui des Français, Bastien et François, Guillaume Regnault, Jean de Chartres, tailleurs d'images, et aussi quelques Italiens, faiseurs d'arabesques.

Ces Italiens, quand ils collaboraient avec des Français, ne se chargeaient ordinairement que de la partie ornementale. Ainsi, lorsque Michel Colombe fit pour le château de Gaillon, en 1508, le bas-relief du Saint Georges combattant le dragon[46], il exécuta le sujet proprement dit. Il représenta saint Georges couvert de l'armure de l'homme d'armes, monté sur un cheval puissant, comme ceux qui portaient les chevaliers du temps, et perçant de la lance l'animal monstrueux. Dans le fond et au milieu d'un paysage comme en représentaient les Flamands, la jeune femme que sauva le Saint, en tuant le dragon, apparaissait en prière, vêtue d'un costume qui aurait pu être celui d'Anne de Bretagne ou d'une de ses dames. C'était une œuvre d'art d'un style tout français. Mais ce bas-relief était entouré d'un cadre de marbre décoré d'arabesques, œuvre d'un Italien, à coup sûr.

Toutes les questions de technique, tous les problèmes d'esthétique que soulève l'histoire de la statuaire française sous Charles VIII et Louis XII se concentrent autour du monument qui est l'œuvre capitale du génie de Colombe : le tombeau de François II de Bretagne et de sa femme, commandé par la reine Anne vers 1501, et qui fut placé à Nantes.

Sur une dalle de marbre noir sont étendus les deux gisants, en costume d'apparat, ayant à leur tête des anges, à leur pied des animaux héraldiques. Cette dalle porte sur un soubassement, décoré d'arceaux en plein cintre, où sont rangés des Apôtres et, au-dessous, des pleureurs encapuchonnés. Le soubassement est élevé sur un degré. Aux quatre angles se dressent des statues de femme, grandeur nature, qui dépassent du haut du buste la table où gisent le duc et la duchesse. Ce sont des Vertus : la Force, la Prudence, la Justice, la Modération. La dalle des gisants et le degré sont de marbre noir, le soubassement de marbre blanc, relevé çà et là de dorures.

L'histoire de la construction de ce tombeau pour laquelle on a un certain nombre de documents, et en particulier une lettre de Colombe, peut en outre s'éclairer par celle du tombeau que Marguerite d'Autriche voulut, en 1511, faire élever à Brou en souvenir de son mari Philibert de Savoie. Elle s'adressa, non pas directement à Colombe, mais à un peintre, Jean Perréal, et à l'écrivain Le Maire de Belges. Ils furent chargés de déterminer la composition du monument et d'en faire un premier croquis ; ils avaient à choisir le sculpteur chargé de l'exécution et ils désignèrent Colombe. Un acte fut rédigé, où celui-ci déclarait contracter, en son nom comme ès noms de Guillaume Regnault, Bastien François, François Colombe. Il s'engageait à faire lui-même, sans ce que aucun y touche, les patrons de terre cuyte ; il laissait le travail de la pierre à ses collaborateurs et particulièrement à Guillaume Regnault, suffisamment et bien expérimenté pour réduire en grand volume la taille des images servant à la dite sépulture, en suivant les patrons[47]. A titre de présent, ou en témoignage de ce qu'il était capable de faire, Colombe envoyait à Marguerite un visaige de sainte Marguerite, taillé de sa propre main, et que son neveu Guillaume avait poly et mis en œuvre.

Ainsi l'idée première et la direction officielle à Jean Perréal et à Le Maire, la réalisation plastique de la conception à Colombe, le travail d'exécution partagé entre lui et ses collaborateurs, voilà pour Brou la part de chacun.

C'est de la même façon, à très peu de chose près, que les choses s'étaient passées pour le tombeau de François II. En effet, Perréal rappelait à Marguerite, en 1511, qu'il avait fait le patron pour la sépulture du duc de Bretagne. Colombe n'intervint, là encore, que pour la réalisation du projet ; il besognoit au moys et avoit pour moys XX escus, l'espace de sinc ans. Les maquettes — à vrai dire l'œuvre originale par excellence — sont de lui presque certainement. Quant au travail du marbre, il le confia peut-être à ses collaborateurs habituels : il avait en 1501 soixante-dix ans environ.

La composition du monument, l'emploi de la polychromie, l'attitude et le costume des gisants sont conformes aux traditions sépulcrales du moyen-âge : la dalle funéraire, portée sur un soubassement assez élevé et découpé en niches garnies de statuettes, ainsi que les pleureurs rappellent les tombeaux des ducs de Bourgogne à Dijon. Les arabesques qui décorent les arcades en plein cintre, les pilastres à l'antique et les apôtres se ressentent des modèles italiens. Mais l'idée de placer aux quatre angles les statues de Vertus est tout à fait originale, et l'on n'en trouve pas d'exemple de cette façon en France.

Colombe a choisi pour ses Vertus le type des femmes de la vallée moyenne de la Loire ; il a exprimé le caractère de leur physionomie, de façon qu'il soit encore reconnaissable ; il a gardé à ses modèles le costume féminin du temps, en se bornant à le relever çà et là d'une pointe de fantaisie. Il s'est éloigné une seule fois de la vérité absolue en représentant la Prudence avec deux visages : d'un côté un visage de femme, de l'autre une face d'homme barbu. Les corps charmants et pudiques de ces femmes, dont l'œil retrouve les formes sous le vêtement, la souplesse harmonieuse des draperies, l'expression fine et intelligente des physionomies, tout donne la sensation d'un art à la foi vrai et idéal. La Force tout particulièrement, représentée par le symbole d'une femme qui étouffe un serpent, résume ces caractères de naturalisme très délicat. Rien de plus exquis ni de plus réel que le bras souple, tout féminin dans sa fermeté, qui se contracte à peine en serrant le monstre.

C'est par excellence de l'art français, tel qu'il s'est exprimé à ses plus belles époques, au zinc siècle par exemple : de la simplicité, du naturel, de la mesure, du sentiment.

Au temps de Louis XII encore, il faut chercher la peinture dans les miniatures des manuscrits — cet art admirable gardait toute la fraîcheur de ses inspirations du passé — ou bien dans les vitraux et les tapisseries.

Bourdichon, comme Michel Colombe, chevauche sur le XVe et sur le XVIe siècle. Il est né vers 1450, il mourra aux environs de 1521. Il fut peintre et valet de chambre du Roi. En cette qualité, il dirigeait les travaux divers que l'usage du temps réservait encore aux artistes : peinture d'un saint Michel pour l'enseigne des Suisses, moulage du visage de saint François de Paule.

Il a fait œuvre d'artiste dans la décoration d'un célèbre manuscrit : le Livre d'Heures de la reine Anne de Bretagne[48], qu'il termina en 1508. Peut-être eut-il des collaborateurs ou dirigeait-il, lui aussi, un atelier, car les nombreuses miniatures du manuscrit ne semblent pas être toutes de la même main. Peu importe, dès qu'on cherche à retrouver dans l'art du passé la marque d'une génération plus que celle d'un individu.

Le manuscrit[49] comprend une triple décoration : les illustrations d'un Calendrier, les histoires du Livre d'Heures, des encadrements de vignettes. Les illustrations du calendrier représentent les travaux des mois. Tout y est réaliste : les sujets — un charcutier qui découpe un porc, un cuisinier dans sa cuisine ; le costume — celui du temps et des différents métiers ; le décor — un château du XVe siècle, un champ ; l'exécution — recherche de l'exactitude jusque dans le menu détail. Dans les histoires du Livre d'Heures l'inspiration est mélangée. A côté du paysage de la Touraine apparaissent des architectures italiennes. La Vierge est une femme de France, avec la figure amincie qui se rencontre souvent dans les portraits du commencement du lm. siècle ; un saint Martin partageant son manteau avec un pauvre est un chevalier sortant d'un château fort à pont-levis. Au contraire, Dieu le Père et Jésus-Christ ressemblent aux types que les Italiens reproduisaient dans leurs tableaux. Dans les vignettes, l'artiste a dessiné les plantes, les fleurs, les fruits et les insectes de France, et cela avec une remarquable dextérité de main, comme avec un sens très juste de l'exactitude[50].

Il n'y a guère à s'occuper de Jean Perréal, dit quelquefois aussi Jean de Paris, car on a bien peu de renseignements sur ses œuvres. Il est né vers 1455, il est mort probablement en 1530. Il fut occupé à Lyon ; en Touraine, à la Cour de Louis XII ; à Moulins, auprès des ducs de Bourbon ; en Flandre ou à Brou, auprès de Marguerite d'Autriche. Comme les peintres de son temps, il fut homme de métier aussi bien qu'artiste : peignant ou faisant peindre des étendards, des chariots ; dirigeant des obsèques ; organisant des cérémonies publiques. Il accompagna Louis XII au delà des Alpes ; il y visita des couvens, les plus beaux qui se puissent veoir, et prit ainsi contact avec l'art italien. Enfin, il eut de continuels besoins d'argent, une vie affairée, remuante. C'était un homme entreprenant, sans cesse en enfantement de projets ; sa correspondance très abondante dénote une activité un peu inquiète. Il s'agitait auprès de Louis XII, de Marguerite d'Autriche, pour obtenir des commandes.

Il était renommé comme peintre de portrait ; la façon dont il conçut le tombeau de François II montre qu'il avait de l'invention, de l'imagination, du pittoresque. Ce n'est pas assez pour le juger[51].

Parmi les œuvres du temps de Charles VIII et de Louis XII dont on ignore encore les auteurs, la plus belle est le Sépulcre de Solesmes, qui date très probablement de 1496[52]. On désignait sous le nom de sépulcre la représentation de l'ensevelissement du Christ ; ce fut un des thèmes favoris de la sculpture religieuse du XVe siècle. La composition du sépulcre de Solesmes est conforme à la tradition admise[53]. Dans un enfeu, la Vierge et les saintes femmes sont réunies derrière le sarcophage, où Joseph d'Arimathie et Nicodème se préparent à déposer le corps du Christ, étendu sur le drap qu'ils portent. En avant, la Madeleine, assise dans l'attitude de la douleur ; en dehors de l'enfeu, deux soldats. La décoration de l'enfeu est presque toute gothique ; elle se compose d'arcades en anse de panier, sur les membrures desquelles courent des feuillages et des ornements en petites arcatures rayonnantes. La Vierge et les saintes femmes, Nicodème et Joseph ont un type réaliste, rien qui sente l'imitation d'un modèle italien ou antique ; à coup sûr, l'artiste inconnu qui sculpta toute cette partie était Français[54]. Nicodème, Joseph et particulièrement la Madeleine peuvent se rapprocher des plus belles œuvres de la sculpture française. Mais les deux soldats, costumés à l'antique et certaines arabesques ornementales doivent être un travail d'Italiens. Ce sont, d'ailleurs, des morceaux secondaires ; les deux soldats sont d'un art médiocre.

Une autre œuvre anonyme très remarquable de l'époque de Louis XII, et très intéressante, parce qu'elle appartient certainement pour partie à des Italiens, est le tombeau des enfants de Charles VIII, terminé en 1506[55]. Ce monument se compose d'un sarcophage, sur lequel sont étendus les deux enfants. Leurs têtes s'appuient sur deux coussins, supportés par deux angelots ; deux autres angelots, agenouillés aux pieds, tiennent des écussons. Le sarcophage est orné de dauphins à ses quatre angles ; sur ses deux faces principales se voient les armes des petits défunts, accostées de génies funéraires nus ; sur les deux autres, de larges médaillons sont encadrés d'arabesques, de rinceaux, avec des griffons, des centaures, Hercule et le dragon, Hercule et Antée. C'est la part — très grande — des motifs antiques. La matière employée (le marbre d'Italie), la délicatesse, la souplesse, la vivacité de l'exécution, tout indique le travail de mains italiennes[56]. Au contraire, dans les enfants gisants et les angelots vêtus de longues robes à la française, il n'y a rien qui sente l'imitation des modèles italo-antiques ; l'exécution même est moins vive, moins souple, mais plus ferme, plus précise que dans la partie inférieure. Aussi peut-on croire que ce tombeau était dû à la collaboration de nationaux et d'étrangers. En tout cas, on y retrouve les deux courants, italien et national, entre lesquels se partageait l'inspiration de notre art.

Le château de Gaillon[57], près de Rouen, fut bâti entre 1500 et 1510 pour le cardinal d'Amboise. Les comptes des dépenses de la construction ont été publiés : on y trouve beaucoup de noms d'artistes, d'ouvriers, de fournisseurs. Les Français Fain, Senault, Biard, qui reçoivent des sommes assez considérables pour la maçonnerie, furent-ils les architectes du château ou de simples entrepreneurs, travaillant sous les ordres d'un architecte ? C'est une question discutée[58], sans qu'on soit d'ailleurs en état de désigner positivement un architecte français ou étranger qui aurait donné le dessin et fourni le plan.

Le château de Gaillon fut construit sur une colline, où existait déjà un premier château élevé par un des prédécesseurs de Georges d'Amboise à l'archevêché de Rouen. Le Cardinal en garda une partie, mais il y ajouta des constructions nouvelles bien plus importantes. L'ensemble s'étendait sur un plan assez irrégulier. C'était d'abord le corps principal, composé de quatre bâtiments entourant une cour intérieure, puis une seconde cour donnant sur un large fossé, au delà duquel s'étendait un jardin, décoré de galeries en treillage et de plates-bandes d'un dessin géométrique. La façade principale et la porte d'entrée se trouvaient à l'Est ; au Nord, les bâtiments dominaient un escarpement abrupt, d'où la vue s'étend jusqu'à la Seine.

Les corps de bâtiment de l'Est et du Nord existent encore à peu près intacts dans leurs grandes lignes. Les caractères de la construction sont bien ceux de l'art resté français : toits aigus, hautes cheminées, fenêtres à meneaux ; sur le corps méridional même, la chapelle du château fait saillie et les fenêtres y sont en arc brisé. Mais, sur les parois extérieure et intérieure de la façade principale, se voient des inscriptions en langue latine et en lettres romaines accompagnées d'arabesques à l'italienne.

Pour orner l'une des cours, Georges d'Amboise avait reçu de la Seigneurie de Venise une fontaine monumentale, qui fut mise en place par un Génois, Bertrand de Meynal, une seconde fontaine était placée dans les jardins[59]. Dans d'autres parties du château, on avait plaqué des pilastres en arabesques ou des médaillons de personnages antiques. Au contraire, dans les parties de la construction aujourd'hui transportées dans la cour d'entrée de l'école des Beaux-Arts à Paris, l'architecte ou les architectes avaient dessiné des arcs en anse de panier, des feuillages gothiques, avec seulement quelques rares arabesques. Pour la sculpture, le Cardinal avait employé les Juste, Paganino et Pacherot, tous trois Italiens, mais il avait aussi commandé à Michel Colombe un saint Georges pour la chapelle[60]. Les grands travaux de peinture décorative furent exclusivement réservés à Solario.

De ces diverses constatations, il résulte que Gaillon n'est pas une œuvre tout italienne, il s'en faut de beaucoup. Et cependant le Cardinal avait séjourné à plusieurs reprises en Lombardie, au milieu des merveilles de Milan et de Pavie. Gaillon est quelque chose comme l'inspiration mélangée de la Chartreuse de Pavie et des châteaux d'Amboise ou de Blois, et délimite ainsi le point où s'arrêtait le goût français dans ses concessions à l'étranger.

Au résumé, les Italiens n'ont pas eu en France un rôle prépondérant à ce début de la Renaissance française. Nos écrivains se sont fort peu inspirés de leurs œuvres : on ne voit pas qu'ils aient imité Boiardo, Pulci, Politien. Ce qu'ils reçurent plutôt de l'Italie, mais aussi de l'Allemagne, ce fut la connaissance de l'antiquité ; et c'est l'antiquité qu'ils cherchèrent d'abord à imiter dans leurs écrits. D'autre part, des artistes ultramontains vinrent en France, ils y travaillèrent à la mode de leur pays, quelquefois aussi à la mode française ; mais le plus grand nombre des œuvres exécutées chez nous, entre 1495 et 1519, l'a été par des Français. Ces Français ont gardé les traditions de leur architecture, de leur sculpture, de leur peinture, tout en y mêlant de temps en temps quelques imitations des modèles italiens ou antiques.

Quand on examine les choses dans leur ensemble, on ne saurait nier qu'à la fin du XVe siècle la pensée française soit pauvre et étriquée, comparée à la pensée italienne ou allemande. Pourtant Commynes est un écrivain remarquable, Gringoire n'est pas à dédaigner entièrement, Lefèvre d'Étaples est un esprit très élevé, Le Maire de Belges, qui est presque un Français, a été sur certains points un précurseur. Et, si l'art italien a sur notre art national la supériorité incontestable d'une puissance de production, d'une variété et d'une hauteur d'inspiration admirables, la Madeleine de Solesmes, le tombeau de François II, le Palais de Justice de Rouen n'en restent pas moins de très belles œuvres, et qui ont le mérite de ne pas ressembler aux œuvres étrangères. Singulier mélange et presque singulier contraste : la littérature laisse plutôt l'impression de quelque chose de vieillot, d'étriqué ; l'art est tout vibrant de jeunesse et charmant de fraîcheur.

Il n'est pas moins certain que ce contact de trente années avec l'Italie et l'antiquité avait déjà changé quelque chose à la civilisation française et que les esprits concevaient bien des idées nouvelles. Mais, précisément parce qu'elles étaient très nouvelles pour eux, elles les embarrassaient tout d'abord. L'effort des écrivains pour les exprimer et leur maladresse à le faire ajoutèrent à la gaucherie de leur style, en leur enlevant le naturel, qui était leur principale qualité. D'ailleurs, ces idées se répandirent lentement, par voie de diffusion presque latente. Elles n'étaient pas constituées en corps de doctrines, ni condensées dans un enseignement, ni vulgarisées par des livres.

Aussi le changement n'est-il qu'insensible, du temps qui précède l'expédition de Charles VIII aux années qui la suivent, et toute idée d'une coupure doit être écartée. Puis, les contemporains de Charles VIII et de Louis XII ne se raisonnèrent pas, ils ne se demandèrent pas où ils tendaient, ils se laissèrent aller à la joie de spectacles qui les séduisaient, au plaisir de les mêler à leur vie ; ils ne furent en aucune façon exclusifs. Ils furent tous comme le jeune Charles VIII, dont Commynes a dit qu'il joignit ensemble toutes les belles choses dont on luy faisoit feste, en quelque pays qu'elles eussent esté vues, fust France, Italie ou Flandres.

Si forte était encore la tradition française, qu'il faudra trente ans après la mort de Louis XII pour que la pédagogie italo-antique triomphe sans réserve et entreprenne d'anéantir jusqu'aux derniers restes de l'esprit français du moyen-âge.

 

 

 



[1] SOURCES ET OUVRAGES PRINCIPAUX. Nous donnerons, pour l'époque de François Ier, au moment où la Renaissance française est dans son plein développement, une bibliographie plus complète de l'histoire de la littérature et des arts. Voici les indications essentielles pour ce chapitre.

1° Partie littéraire : Histoire de la langue et de la littérature française, publiée sous la direction de Petit de Julleville, t. III, 1897. Lanson, Histoire de la littérature française, 7e édit., 1902. Nous reviendrons sur ces ouvrages au livre V. Brunetière, Manuel de l'histoire de la littérature française, 1897. Darmesteter et Hatzfeld, Le XVIe siècle en France. Tableau de la littérature et de la langue, suivi d'un recueil de morceaux choisis, 2e édit. 1883. On remarquera que les histoires de La littérature française passent toujours fort rapidement sur l'époque de Charles VIII et de Louis XII. Cela tient sans doute à ce que leurs auteurs ne se placent pas au même point de vue que noue.

2° Partie artistique : Les archives de la Commission des monuments historiques comprennent les reproductions photographiques d'un très grand nombre de monuments d'architecture et même de sculpture. Beaucoup d'œuvres de sculptures out été moulées (elles sont réunies pour la plupart au Musée de sculpture comparée du Trocadéro). Les principaux ouvrages généraux sont André Michel, Histoire de l'art, t IV, II, La Renaissance (Voir les bibliographies à la fin des chapitres). L. Palustre, La Renaissance en France, trois volumes seulement ont paru de 1879 à 1885 L. Palustre, L'architecture de la Renaissance, 1892. Choisy, Histoire de l'architecture, t. II, 1899. Les ouvrages de Raymond Kœchlin et Marquet de Vasselot, La sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au XVIe siècle, 1900 et de P. Vitry, Michel Colombe et la sculpture française de son temps, 1902, ont un intérêt général et contiennent, en outre, d'excellentes bibliographies.

[2] E. Müntz, Histoire de l'art pendant la Renaissance, Italie, t. I, 1889. L. Geiger, Renaissance und Humanismes in Italien und Deutschland, 1882. Gaspary, Storia della letteratura italiane (trad. en italien de l'ouvrage allemand), 1885-1888. E. Müntz, La Renaissance en Italie et en France à l'époque de Charles VIII, 1885. J. Burckhardt, La civillà del Rinascimento un Italia, trad. italienne de l'ouvrage allemand par D. Valbusa, avec des additions par G. Zippel, 2 vol., 1899. Traduction française par Schmit, 2 vol., 1885.

[3] Courajod a beaucoup insisté sur la Renaissance réaliste en Italie, en dehors de l'antiquité. Voir Leçons professées à l'École du Louvre (éditées par H. Lemonnier et A. Michel), t. II. 1901. Voir aussi Marcel Reymond, La sculpture florentine, 1897-1900, 1re partie.

[4] Janssen, L'Allemagne à la fin du Moyen âge, voir ci-dessus, en tête du livre I.

[5] Ces mots sont de Wimpheling (Voir ci-dessous).

[6] Les sculpteurs Georges Syrlin, Veil Stoss, Adam Kraft, les peintres Martin Schœngauer, Hans Holbein le Vieux, Michel Wohlgemuth (celui-ci maître de Dürer, né en 1471), et tant d'autres.

[7] Aux XIVe et XVe siècles, la science de la musique est une science du Nord, flamande ou anglaise.

[8] Wauters, La Peinture flamande, 1888.

[9] Gaston Paris, La poésie française au XVe siècle (Leçon d'ouverture au Collège de France, le p décembre 1885). 1886, p. 30.

[10] L'attribution à Laurana et la date de 1473 sont contestées ; mais le monument est incontestablement d'un Italien, et il fut exécuté ou apporté en France avant l'expédition de Charles VIII.

[11] Voir Le Roux de Lincy, Anne de Bretagne (cité plus haut), t. II, p. 1-87, et IV, p. 1-162.

[12] Voir le tome IV (première et deuxième parties) de l'Histoire de France.

[13] Des affaires d'Italie et du triomphe de Louis XII.

[14] Vous direz que de la gloire de Sa Majesté, de ses triomphes immortels, obtenus avec une telle rapidité, avec un héroïsme si incroyable et si admirable, ce sont les Florentins surtout qui doivent être joyeux.

[15] Il se faisait ainsi en France des réputations italiennes. Quelques noms pénétraient peu à peu chez nous. Une épigramme, qui est la première sans doute qu'on puisse citer en matière artistique, et qui montre par là des préoccupations nouvelles, en témoigne. Elle est d'ailleurs assez piquante.

Pas n'approchent les faits Maistre Roger

De Pérusin (Pérugin) qui est si grand ouvrier,

Ne des painctres du feu roy de Cecille,

Et semble bien qu'il n'est pas savetier,

Le compagnon, mais homme très abille.

En perspective est un peu inutille,

Pareillement à faire un doux visaige.

Mais il m'a dit qu'à Saint-Lô est l'usaige

D'ainsi le faire par les hostelleries,

Et qu'au mestier fut en apprentissaige

Trente-six ans, sans compter les féries.

[16] J. Paquier, Jérôme Aléandre, de sa naissance à la fin de son séjour à Brindes (1480-1529), 1900 (thèse de Paris).

[17] Robitté, Guillaume Budé, restaurateur des études grecques en France, 1848.

[18] Comme la plupart des érudits de l'époque, Budé fut en faveur auprès des rois. Louis XII et François Ier l'envoyèrent comme ambassadeur auprès de Jules II, vers 1508, de Léon X, en 1515.

[19] Graf, Essai sur la vie et les écrits de Jacques Lefèvre d'Étaples, 1842 (thèse de Strasbourg).

[20] Dufayard, De Claudii Seisselii vita et operibus, 1892 (thèse de Paris).

[21] Il fut même un des promoteurs de l'emploi de la langue nationale française. Voir Brunot, Un projet d'enrichir, magnifier et publier la langue française en 1509, Rev. d'hist. litt. de la Fr., I, 27, et Histoire de la langue et de la litt. française, t. III, p. 664 et suiv.

[22] Xénophon (1503), Thucydide, Appien. Il les traduisait sur une traduction latine préalable.

[23] Composées en latin et traduites en français par Seyssel lui-même.

[24] La Grant Monarchie de France, composée par messire Claude de Seyssel, lors evesque de Marseille et à présent archevesque de Turin, adressant au Roy très crestien François premier de ce nom, 1519.

[25] La conception littéraire de la Grant Monarchie est bien aussi celle du temps, par l'intervention fréquente de l'antiquité. De même que Machiavel recommande l'infanterie, parce que les Romains ont conquis le monde avec les légions, Seyssel déclare qu'il est expédient d'avoir une année de mer, en s'appuyant sur l'exemple de Pompée et des pirates.

[26] Les indications bibliographiques se trouvent dans Petit de Julleville et Lanson, cités ci-dessus.

[27] Pour les livres qu'on imprimait vers 1500, voir Claudin, Histoire de l'imprimerie en France au XVe et au XVIe siècle, 1900, et un compte-rendu de Lanson, Revue d'hist. litt. de la France, 1902, p. 311-314. Presque tous les ouvrages du moyen-âge, romans, livres dévots, chroniques, traités didactiques, gardaient des lecteurs. On imprimait Ogier le Danoys, l'Ordinayre des chrestiens, les Chroniques des Rois de France, l'Art et Science de Rhétorique, en même temps que des traductions de César et d'Ovide.

[28] Voir A. Hamon, Un grand Rhétoriqueur, Jean Bouchet, 1900.

[29] Ch. d'Héricault, cité par A. Hamon, p. 214.

[30] Il écrira :

Guerre se meut et eutreprent la jouxte,

Mais le peuple la fournist de pitance.

Et, pour éclairer ou justifier ce lieu commun banal, pour se donner aussi le bel air de l'érudition, il met en marge : Suetonius : Augustus Cæsar, volens significare bella esse detestanda, solitus est dicere : non est bonum aureo homo pisces caperet (Suétone : César Auguste, voulant exprimer que la guerre était chose détestable, avait coutume de dire : Il n'est pas bon de prendre les poissons avec un hameçon d'or). Ce qui ne se rapporte à rien.

[31] F. Thibaut, Marguerite d'Autriche et Jean Le Maire de Belges, (thèse de Paris).

[32] L'épisode de Péris et d'Œnone montre ce que pouvait donner cette gaucherie naïve, cette inexpérience pédante, mais aussi cet instinct de la vie et du pittoresque. C'est un tableau presque achevé du charme de la campagne et des bois, de l'amour dans toute sa fraîcheur, de la grâce et de la verdeur de la jeunesse. Voir Thibaut, p. 195-202, et Stecher, Œuvres de Jean Le Maire de Belges, 3 vol., 1882-1885, t. I, p. 184-200.

[33] Chroniques de Jean d'Auton, publiées par De Matilde (avec une étude sur la vie du Chroniqueur).

[34] Nous avons pris dans Jean d'Auton presque tout le récit des campagnes de Naples en 1500-1503. Nous y renvoyons.

[35] Faguet, XVIe siècle. Études littéraires, 1894.

[36] Composés entre 1489 et 1498, les Mémoires de Commynes ne furent imprimés qu'en 1524. Voir la bibliographie dans Petit de Julleville et Lanson. Voir surtout de Mandrot, et V. L. Bourrilly, Les idées politiques de Commynes, Rev. d'hist. moderne et contemporaine, t. I, 1899-1900.

[37] L. Courajod, La part de l'art italien dans quelques monuments de sculpture de la première Renaissance française, 1885, et Leçons professées à l'École du Louvre, t. II, 1901, p. 529-553 et 659-671.

[38] Le Roux de Lincy, Recherches historiques sur la chute et la reconstruction du Pont Notre-Dame à Paris (1499-1500), Bibliothèque de l'École des Chartes, t. VII, 1846.

[39] De Montaigion, La famille des Juste en Italie et en France, Gazette des Beaux-Arts, 1875-1876.

[40] Musée du Louvre.

[41] Aujourd'hui au Musée du Louvre.

[42] Les travaux furent ensuite suspendus. Le pont qui traverse la rivière date de 1556-1558 seulement et est l'œuvre de Philibert de l'Orme.

[43] A. Deville, Les architectes de la Cathédrale de Rouen, 1850.

[44] Voir Kœchlin et Marquet de Vasselot, ouvrage cité, p. 22-85.

[45] Paul Vitry, Michel Colombe, indiqué ci-dessus.

[46] Aujourd'hui au musée du Louvre.

[47] Le projet de Perréal, Le Maire et Colombe fut abandonné, et Marguerite confia plus tard tous les travaux au Flamand Van Boghem.

[48] Voir Émile Mâle, Trois œuvres nouvelles de Jean Bourdichon, Gazette des Beaux-Arts, 1902.

[49] Aujourd'hui au Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque nationale (ms. lat.). Le libraire Curmer en a fait une reproduction en fac-similé, 1859.

[50] Lalanne, Mémoire inédit d'Ant. de Jussieu sur le Livre d'heures d'Anne de Bretagne, Bullet. hist. et philol. da Comité des trav. histor., 1888.

[51] L'attribution à Perréal d'un tableau du Louvre, la Vierge aux Donateurs, est aujourd'hui abandonnée. D'autres attributions tentées par De Maulde : Jean Perréal, dit Jean de Paris, 1895, sont aventurées, ainsi du reste que la plupart des assertions du livre.

[52] Voir la bibliographie dans le Michel Colombe de P. Vitry.

[53] Sauf pour la disposition de la Madeleine, assise à côté du Sépulcre.

[54] On a pensé que ce pouvait être Colombe. La preuve reste encore à faire.

[55] Cathédrale de Tours. L'italien Jérôme de Fiesole parait bien avoir pris part au moins à la conception et à la composition du tombeau.

[56] Marcel Reymond, Le buste de Charles VIII par Pollainolo au Musée du Bargello, et le tombeau des enfants de Charles VIII (cathédrale de Tours), Bullet. archéol. du Comité des trav. hist., 1895.

[57] Deville, Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon, 1850 (Collect. des docum. inéd.).

[58] Voir ci-dessous pour l'étude de problèmes analogues le chap. II du livre V.

[59] Elle est aujourd'hui dans les salles de la sculpture, au Musée du Louvre.

[60] Voir Vitry, Michel Colombe, p. 145, 197, 209, 378.