HISTOIRE DE FRANCE

TOME CINQUIÈME — LES GUERRES D'ITALIE - LA FRANCE SOUS CHARLES VIII, LOUIS XII ET FRANÇOIS Ier (1492-1547).

LIVRE II. — LA FRANCE PENDANT LES GUERRES D'ITALIE.

CHAPITRE PREMIER. — LE GOUVERNEMENT DE CHARLES VIII ET DE LOUIS XII[1].

 

 

I. — LE TERRITOIRE ET L'ÉTAT POLITIQUE.

LES limites de la France, au début du avis siècle, s'étendent jusqu'où va, non seulement la souveraineté, mais aussi la suzeraineté-monarchique.

A ce titre, la France comprend l'Artois et la partie de la Flandre en deçà de l'Escaut, qui doivent l'hommage au Roi. Puis la frontière suit très irrégulièrement la Meuse et la Saône, tantôt en deçà, tantôt au delà. Après Lyon, c'est une ligne très compliquée jusqu'aux Alpes, avec des enchevêtrements : il y a des terres françaises, sur le versant du Sud-Est, tandis que les hautes vallées de l'Ubaye et du Verdon sont piémontaises. Enfin, sur la Méditerranée, le point terminal est fixé entre Nice à l'Est, et Antibes à l'Ouest.

La Lorraine, la Franche-Comté, la Bresse, le Bugey, le pays de Gex, la Savoie et Nice, voilà, pour la région orientale, les lacunes les plus saisissantes de la France de 1494, comparée à celle d'aujourd'hui. Deux territoires enclavés au Sud-Est se trouvent dans une situation particulière : la principauté d'Orange qui, malgré son titre souverain, rend hommage au Roi ; Avignon et le Comtat Venaissin, terres papales, où cependant il exerce quelques droits. Du côté des Pyrénées, le Roussillon est redevenu aragonais en 1494, la Navarre est indépendante ; même le Béarn ne se rattache à la monarchie que par une vassalité fort contestée.

Le trait géographique et historique essentiel, c'est le solide établissement de notre pays, en une masse forte et compacte, entre l'Allemagne et l'Espagne, depuis la Méditerranée jusqu'à la Manche et l'Océan. Il s'est accentué par l'acquisition de la Bourgogne, de la Provence, et par la réunion préparée de la Bretagne, qui reste le domaine de la Reine, avec retour possible à la couronne.

Mais toutes les terres françaises ne sont pas encore des terres royales, et il y a toujours un domaine de la couronne et des seigneuries féodales dans la France du XVIe siècle. Celles-ci se rencontrent surtout dans le bassin de la Loire moyenne, dans le Massif Central et dans la région pyrénéenne. Une grande partie de ces territoires féodaux est au pouvoir de princes de la famille royale, les royaux.

La maison de Bourbon, qui descend de saint Louis, est la plus ancienne ; elle est assise dans le Massif Central, qu'elle occupe presque en entier. Elle se divise en trois lignes : La Marche, Bourbon, Montpensier. La première possède le comté de Vendôme, Soissons, Marle, Condé, Enghien. Les Bourbons proprement dits réunissent entre leurs mains le duché de Bourbonnais, le duché d'Auvergne, le comté de la Marche, Murat, Carlat, le comté de Forez, le Beaujolais, la Dombe, Clermont en Beauvaisis, Gien et Châtellerault. Les Montpensier ont le comté de Montpensier et le Dauphiné d'Auvergne.

La Maison d'Alençon possède le duché-pairie d'Alençon, le Perche, la vicomté de Beaumont ; sa puissance est mince.

La Maison d'Orléans, depuis l'avènement de Louis XII, n'avait plus qu'un représentant, François, comte d'Angoulême. Quand il fut devenu roi, le comté fut donné à sa mère et érigé en duché.

Après les royaux viennent les simples féodaux, qui n'ont plus guère que dans le Sud-Ouest une véritable force.

Rien de plus compliqué que la situation des maisons d'Albret, de Navarre et de Foix, c'est-à-dire du Midi pyrénéens. Le chef de la famille, Alain le Grand, sire d'Albret (1471-1522), est établi à Nérac, à Tartas, à Dax, et dans une partie du Périgord ; Avesnes et Landrecies, au Nord, lui appartiennent. Son fils, Jean d'Albret, et sa belle-fille, Catherine de Foix, possèdent la Navarre, le Foix, le Béarn.

Il existe encore une multitude de seigneuries, qui forment une véritable marqueterie dans le domaine royal : au Nord et au Centre, les comtés de Guines et Ardres ; de Dunois et de Longueville ; d'Aumale ; d'Eu ; de Guise ; la Sirerie de Joinville ; Montmorency, Écouen, Damville, Chantilly ; les comtés de Dammartin ; de Nemours ; de Joigny ; de Tonnerre ; de Nevers ; le Sancerrois, etc. Vers le Sud, la principauté d'Orange ; le comté d'Auvergne et le Lauraguais ; la vicomté de Turenne ; les comtés de Comminges, Fronsac, Armagnac ; de Rodez ; le Fézensac, le Pardiac, l'Astarac ; les domaines de Ventadour, etc.

On voit ce qu'il faut entendre par ces mots, unité territoriale de la France, et qu'on ne doit pas en exagérer la portée.

Mais, au début du XVIe siècle, la situation des féodaux, même les plus indépendants, ne saurait se comparer à celle qu'ils avaient au moyen-âge. Ils ont perdu tous les grands droits régaliens. La monarchie intervient sans cesse chez eux, exige d'eux des soldats, lève chez eux comme chez elle des impôts, les soumet à ses Parlements, en somme les domine[2].

Dans quelques grands fiefs cependant, les possesseurs conservaient certaines parties de gouvernement. Les ducs d'Orléans avaient à Blois une Chambre des comptes. Les ducs de Bourbon avaient. organisé à Moulins une administration presque indépendante. Dans le Midi, on voit encore, au XVe siècle, reparaître l'armée féodale, lors de la lutte entre les prétendants de la maison de Foix : véritable guerre privée, dont la Royauté pendant longtemps resta spectatrice.

Le gouvernement, pour affaiblir les seigneurs, usait beaucoup de son droit de justice, que sa suprématie militaire obligeait à reconnaître. Les Parlements, les Conseils, les Chambres des comptes ou des aides devinrent les grands instruments de ses progrès. Ce sont les Cours royales qui décident, lorsqu'il s'agit de contestations entre seigneurs féodaux. En 1500, le Parlement adjuge à Charlotte de Chaton le comté de Joigny, que lui disputaient ses oncles. D'un autre côté, la Monarchie a superposé presque partout l'administration centrale à l'organisation féodale. Elle a établi des élus au cœur des domaines seigneuriaux. Dans cette intervention constante, elle est singulièrement servie par les sujets mêmes des seigneurs, qui souvent réclament sa protection. Les habitants de Limoges ne cessèrent pas, entre 1487 et 1493, de demander des officiers royaux D'autre part les seigneurs eux-mêmes empruntent au Roi ses officiers pour les faire siéger au tribunal féodal, introduisant ainsi chez eux leurs adversaires les plus redoutables.

Entravés quant à l'exercice de leurs droits dans leurs domaines mêmes, les féodaux étaient étroitement surveillés quand ils en sortaient. Alain d'Albret n'osait pas venir à Paris sans l'autorisation de Louis XII. Les empiétements monarchiques étaient favorisés aussi par l'état de pauvreté de la plupart des possesseurs de fiefs. Beaucoup ne vivent déjà que des bienfaits du Roi ; on les voit à son service, soit parmi les fonctionnaires de son Hôtel, soit parmi les chefs ou les soldés de ses compagnies d'ordonnances. Bien plus, les nobles, comme les clercs et les bourgeois, recherchent avec ardeur les fonctions publiques. Dans ces conditions, on devine l'attitude que pouvaient garder dans leurs fiefs ces hommes du Roi.

Le Clergé n'était pas beaucoup moins dépendant, car si la Pragmatique lui donnait le droit de se recruter lui-même, elle était peu respectée par le Roi. Tout au moins voit-on à chaque instant le Conseil royal, corps presque entièrement séculier, composé de gens du Roi, intervenir dans les élections par la recommandation des candidats, qui apparaît comme une véritable injonction ou un contrôle.

Quant au Tiers État, ses membres s'enrichissaient par le commerce, par la banque, ou montaient même jusqu'aux grands emplois administratifs. Les Beaune, les Robertet, les Briçonnet, tous de famille marchande, occupèrent une haute situation auprès de Charles VIII et de Louis XII. Le Tiers gardait aussi des libertés provinciales et municipales, mais l'histoire des États Généraux de 1484 prouve surabondamment qu'il n'avait aucune action, même détournée, sur la direction des affaires politiques.

La France devenait donc de plus en plus une monarchie nationale, gouvernementale, militaire, avec des restes de féodalité achevant de se transformer en Noblesse, et un roi sinon tout-puissant, au moins très puissant. La centralisation était en voie de s'opérer, le sentiment de l'unité française se développait ; mais la France n'était encore ni absolument centralisée, ni absolument unifiée. Les différents pays qui la composaient conservaient des usages, des institutions, des privilèges, des habitudes d'esprit particulières. Cela explique à la fois les facilités et les obstacles que rencontrèrent l'action monarchique, la diffusion de la Renaissance et celle de la Réforme, c'est-à-dire les trois grands faits de notre histoire intérieure au XVIe siècle.

 

II. - L'AUTORITÉ MONARCHIQUE ET SES REPRÉSENTANTS.

LES gouvernements de Charles VIII et de Louis XII continuent les traditions du XIVe et du XVe siècle. Dans toutes leurs mesures, ces deux rois ne font que répéter ou développer les institutions antérieures. On pourrait transporter certains actes du XIVe dans le XVIe siècle (et réciproquement) ; s'ils n'étaient pas signés, on ne s'apercevrait pas de la différence. Les quelques caractères particuliers de ces deux règnes tiennent à la fois à la modération d'esprit des souverains et aux mœurs du temps. L'époque, en effet, offre le spectacle assez rare d'une sorte d'équilibre, on dirait presque de tassement. Ni effervescences révolutionnaires, ni déchaînement de despotisme ; accord instinctif de la Monarchie avec la Nation. Il y a cinq cents ans qu'il ne courut en France si bon temps qu'il faict à présent. Ces mots d'un panégyriste expriment bien le sentiment des contemporains. La Royauté conserve certaines habitudes patriarcales, reste en contact avec le peuple, surtout avec les bonnes villes, ne manque pas d'affirmer son rôle de protection, se fait volontiers paternelle ; mais aussi elle veut être obéie.

Louis XII, à son avènement, ne réunit pas ses domaines non apanagés à la couronne ; il en garda l'administration particulière, et l'on a vu qu'il songea plus d'une fois à en faire la dot de sa fille aînée Claude. De même, en épousant Anne de Bretagne, il ne consomma pas l'union de la Bretagne. Cette province resta en dehors de son action. Anne en surveillait jalousement les privilèges, que son mari ménageait, par crainte de sa femme et des Bretons. Il usait de diplomatie à leur égard ; en 4501, il recommandait à son représentant auprès des États de Bretagne de leur dire qu'il aurait bien voulu venir voir ses bonnes gens du duché. Il ne réussit guère à se les concilier. En 1510, au moment de la lutte contre le Pape, ils réclamèrent en faveur de leurs privilèges ecclésiastiques, et ils faisaient constater que l'Église bretonne n'avait rien de commun avec l'Église française. En 1506, aux États de Blois, les députés de Bretagne se présentèrent à part ; on eut soin de leur demander leur consentement spécial. Claude, femme de François Ier, restera duchesse de Bretagne.

En ce qui concerne les seigneuries demeurées en dehors de leurs domaines, les rois n'avaient plus guère à compter qu'avec les maisons de Bourbon et d'Albret. Ils ménagèrent la première. D'ailleurs, Anne de Beaujeu, veuve en 1503, ne visa qu'à établir sa fille Suzanne et, quand elle l'eut mariée à Charles (le futur connétable), à assurer sa succession aux deux époux. Quant aux Albret, ils furent surveillés ; leurs embarras en Navarre les rendaient dociles.

Dans son royaume, Louis XII fut strictement obéi ; il savait maintenir son autorité sur ses fonctionnaires comme sur ses vassaux. Renouvelant les injonctions multipliées de tous ses prédécesseurs, il imposait l'exécution stricte des ordonnances aux gouverneurs de provinces et aux officiers des bailliages, qui cherchaient à s'en écarter dans l'application. Il leur rappelait qu'ils ne pouvaient se mettre à un autre service que le sien.

Comme Charles VII et Louis XI, Charles VIII et Louis XII évitèrent le plus possible de réunir des États Généraux — l'assemblée de 1506 n'est qu'un simulacre — mais d'un autre côté ils consultèrent volontiers le pays, au moins partiellement. Outre que le Conseil du Roi comprenait un fort grand nombre de membres, nobles, prélats, jurisconsultes, on voit fréquemment que le souverain fait appel à ses sujets et prend leur avis, en consultant les assemblées des bailliages. L'ordonnance de 1499 sur la justice est rendue après délibération de prélats, présidents et conseillers de parlements, chambellans, gens du Grand Conseil, baillis ou sénéchaux, gens des trois États. Il en est de même pour l'érection de l'Échiquier de Normandie en futur Parlement, pour l'institution du Parlement de Provence. Dans beaucoup d'ordonnances figure cette mention : appelés nobles, barons, gens du pays. Machiavel, qui vint en France à ce moment, a beaucoup vanté ce régime ; Seyssel en a tracé le tableau idéal dans la Grant monarchie Françoise.

Mais en général, Charles VIII et Louis XII tendirent à gouverner avec des favoris, qui n'avaient aucun titre officiel, et à donner ainsi au système monarchique une tournure très personnelle.

Cette personnalité du pouvoir et la situation incertaine de ceux qui en étaient revêtus apparaissent dans des destinées telles que celles d'Étienne de Vesc, sous Charles VIII, de Georges d'Amboise ou du maréchal de Gié, sous Louis XII. De Vesc[3] s'élève surtout par des emplois domestiques ; il devient chambellan sous Charles VIII, pénètre dans le Conseil et les affaires publiques, sert les passions conquérantes du Roi, le suit en Italie, chargé des missions délicates, gérant, sans porter un titre officiel, presque toutes les affaires de la guerre. Il figure au premier rang dans le Conseil du royaume de Naples, où il reste après le départ du Roi. Puis il revient prendre son poste auprès de Charles VIII, en 1496, et annule Briçonnet qui avait tenté de le supplanter. Mais, presque immédiatement après la mort de Charles VIII, il n'est plus qu'un sous-ordre chargé de missions diplomatiques. Quand il mourut, en octobre 1501, des lettres de Georges d'Amboise témoignent du peu de place qu'il tenait : Puisqu'il a plu à Dieu prendre de sa part feu monsieur le Seneschal, il faut le louer de tout et prendre en gré comme vous savez, écrit-il, puis il passe immédiatement au soin de ses affaires privées. Les enfants de ce personnage puissant disparurent de la scène aussitôt après la mort de leur père.

Louis XII choisit ses favoris plutôt parmi des hommes pourvus déjà de grandes fonctions, mais il n'en eut pas moins des favoris. Et l'on vit recommencer pendant son règne ces luttes âpres entre des aspirants au pouvoir, luttes dont le contrecoup se faisait sentir dans la politique elle-même. La Cour se divisa un moment en deux partis celui du cardinal d'Amboise et celui du maréchal de Gié ; Louis XII oscilla pendant quelque temps de l'un à l'autre.

Le rôle du maréchal de Gié, ses tentatives, ses ambitions, son procès et sa disgrâce constituent plus que des épisodes, presque la manifestation d'un règne et d'un système[4].

Pierre de Rohan, sire de Gié, était un cadet de la famille de Rohan-Guéménée ; il avait brillamment servi sous Louis XI et Charles VIII. A l'avènement de Louis XII, il partagea avec le cardinal d'Amboise la faveur du Roi, qui avait en lui une très grande confiance. On pourrait dire, avec des mots modernes, qu'Amboise dirigeait plutôt les Affaires étrangères et les Cultes, Gié l'Intérieur et la Guerre. Leur rivalité mêla les questions de Cour et de famille aux questions gouvernementales. Gié se déclara contre la reine Anne ; il affectait d'entretenir le Roi en dehors d'elle, parlant au Roy d'une sorte, quand elle était présente, et d'une autre, quand elle était absente. Il avait reçu de Louis XII le gouvernement de François d'Angoulême et la garde de la mère du jeune prince, et il ne manquait pas d'opposer l'héritier présomptif du trône aux intérêts particularistes d'Anne ; mais, quoiqu'il servit ainsi les intérêts de la comtesse d'Angoulême, elle ne l'aimait pas et il avait à se défier d'elle. Les fréquentes maladies du Roi et les dangers du mariage autrichien l'amenèrent à fixer le pivot de sa fortune sur l'union de Claude de France avec François.

Quand le cardinal d'Amboise partit, à la fin de 1503, pour briguer la tiare, Gié resta le maître. Bien qu'âgé de cinquante-deux ans, il se fit marier par le Roi avec une toute jeune fille, Marguerite, qui venait d'hériter du duché de Nemours, et il prit le titre de duc de Nemours. Il usa de son pouvoir pour essayer la réforme militaire dont nous avons parlé ci-dessus. Il avait, de l'aveu du Roi, la totale et principale charge de ses affaires, au point de ne pouvoir s'absenter pour aller voir sa femme mourante. L'échec d'Amboise dans sa candidature à la Papauté ruina sans doute la fortune de Gié, car le Légat ne vit plus qu'en France la satisfaction possible de ses ambitions.

Lorsque le Cardinal fut de retour, la lutte décisive s'engagea contre le Maréchal. Elle devait être d'autant plus redoutable pour celui-ci que ses hauteurs, l'âpreté de ses convoitises, l'énergie même qu'il avait déployée dans l'exercice du pouvoir avaient soulevé bien des haines. Quinze jours avant la Pâque de 1504, un personnage obscur, Pierre de Pontbriant, attaché au service de Madame d'Angoulême, vint trouver Louis XII pour lui révéler, disait-il, des choses qui importaient à sa personne. Renvoyé au Cardinal, il fut immédiatement écouté par lui. Il prétendait que le Maréchal, au cours de la maladie qui avait mis le Roi en danger, avait pris des mesures pour empêcher la Reine et Madame Claude de retourner en Bretagne, en cas de mort de Louis XII, et pour s'assurer de la personne du jeune comte d'Angoulême ; qu'il avait garni d'artillerie le château d'Amboise, dont il avait la garde, etc. Le Cardinal vit dans cette affaire le moyen de perdre Gié (en s'arrangeant pour paraître le moins possible) ; il eut avec lui la Reine, dont il servait les rancunes ; Madame d'Angoulême, irritée contre Gié, et peut-être aussi désireuse d'écarter d'elle tout soupçon, dans une affaire où le nom de son fils avait été prononcé ; le sire d'Albret, qui avait besoin de l'appui de la Reine en Navarre et qui saisissait cette occasion de se rapprocher d'elle ; le sire de Graville , toujours préoccupé de reprendre le pouvoir.

A partir du mois de juin 1504, un véritable procès criminel s'engagea contre Gié : information secrète en juillet ; convocation de quatre conseillers du Parlement de Paris, qui devaient s'adjoindre au Grand Conseil pour juger. L'instruction comprit la vie entière de l'accusé. On lui reprochait d'avoir voulu, pendant la maladie du Roi, mettre 20.000 hommes de pied, garnis chacun de sallades et brigandines, affin d'avoir la force ; d'avoir préparé des lettres missives pour les envoyer dans tout le royaume ; d'avoir dit que le Roi ne pouvait longtemps durer. Il répondit à plus de cent articles ; Louis XII et la Reine se faisaient incessamment envoyer des courriers, pour coupante les moindres détails de l'affaire. Le Procureur général conclut. aux peines de lèse-majesté, c'est-à-dire à la confiscation et à la mort, malgré l'absence de preuves et les dénégations de Gié sur tous les points. Il n'entraîna pas le Grand Conseil qui, le 30 décembre 1504, prononça la mise en liberté provisoire de l'accusé et le renvoi de l'affaire au 1er avril de l'année suivante. La Reine en fut très irritée ; le Roi, pour la calmer, déclara le duché de Nemours réuni à la couronne. Acte plus grave, et qui va contre la réputation de justicier intègre faite si souvent à Louis XII : des lettres du 14 mars 1505 enlevèrent le procès au Grand Conseil, qui cependant était un corps judiciaire tout dévoué au Roi, et l'attribuèrent au Parlement de Toulouse, auquel on adjoignit une chambre spéciale.

A. Toulouse, le Maréchal ne put trouver de défenseur que sur l'ordre exprès du Parlement, qui en désigna un ; tout le monde sentait qu'Anne voulait à tout prix gagner la partie. Le procès recommença, le 21 juin. Le Procureur du Roi reprit les griefs énoncés dans la procédure. Il exposa toute une théorie du crime de lèse-majesté, fondée sur le droit romain ; il accumula de façon presque ridicule les textes les plus étranges : De Capais deminutione, Ad Legem Juliam de sicariis, Ad Legem Juliam Majestatis, De Re militari, etc. Pourtant les juges ne manquèrent pas complètement à leur devoir.

Il fallut les ordres réitérés du Roi pour obtenir la sentence, qui fut rendue le 9 février 1506. La Cour déclarait que, pour réparation d'aucuns excès et faultes, et pour certaines grans causes et considéracions à ce la mouvans, elle enlevait à Gié la garde de François d'Angoulême, le destituait des capitaineries d'Amboise et d'Angers, dont il avait eu le gouvernement, et de sa charge de capitaine d'une compagnie de cent lances, le suspendait pour cinq ans de l'office de Maréchal, et l'exilait à dix lieues de la Cour pendant le même intervalle de cinq ans. De plus, Gié était condamné à payer la solde de quinze soldats des troupes royales, qu'il avait, parait-il, employés à son service personnel, grief fort mesquin. Mais il était absous de toutes autres demandes, requestes, conclusions contre luy faictes et prises par ledit procureur général du Roy. Or ces autres conclusions, c'était précisément l'accusation de lèse-majesté. Le Maréchal n'étant pas condamné aux frais du procès, Anne, partie civile, dut les payer ; ils se montèrent à la somme énorme de 36.000 livres du temps. Le Roi la laissa les acquitter sur ses biens personnels.

Le vainqueur, dans ce procès inique, avait été le cardinal d'Amboise, car Gié ne reparut plus à la Cour, bien qu'il ne soit mort qu'en 1513. On ne trouve, à partir de 1505, qu'un homme de quelque importance, Florimond Robertet, avec qui la bourgeoisie reparaît pour un moment aux affaires. Robertet avait commencé par être secrétaire de la reine Anne. Charles VIII lui accorda également sa confiance, qu'il mérita par une puissance de travail extraordinaire et par la connaissance, fort rare à cette époque, de quatre langues étrangères : l'anglais, l'allemand, l'espagnol et l'italien. Louis XII le maintint dans la situation de notaire et secrétaire signant en finances, et lui donna le poste de Trésorier de France au département de Normandie. Le cardinal d'Amboise lia partie avec lui, probablement parce qu'il ne le redoutait pas.

Quand Robertet eut épousé, à l'âge de cinquante ans, la fille d'un des plus puissants financiers du temps, Michel Ier Gaillard, il ne trouva pas seulement dans cette union des richesses considérables, par elle il pénétra plus avant dans l'espèce de syndicat des gens de finances. Comme les Gaillard étaient les agents d'affaires de la famille d'Angoulême, il eut un pied dans les deux camps et sut se maintenir fort habilement en équilibre. Il n'avait d'ailleurs de scrupules d'aucune sorte ; tous les ambassadeurs savaient qu'on le prenait par l'argent. Dès 1509, ils voyaient en lui le futur successeur du Cardinal ; après 1510, il le fut véritablement et conduisit toute la diplomatie. André Burgo, un des serviteurs les plus avisés de Marguerite d'Autriche, écrivait : Madame, je vous ay autrefois fait dire qu'il serait bon que vous envoyassiez quelque présent à Monsieur le Trésorier Robertet, pour la peine qu'il prent continuellement aux affaires de vostre dit père et de Monsieur vostre neveu... à cette heure sera meilleur plus que jamais, car sera celuy qui aura le plus de crédit. Ce crédit devait durer sous François Ier.

 

III. — LE ROI ET LA NATION.

LES rapports de la Royauté avec la Nation se marquent fort bien dans les prétendus États de 1506[5]. On sait qu'il s'agissait de rompre le mariage autrichien et que Louis XII voulut sentir derrière lui l'appui de ses sujets. Quand l'assemblée se réunit à Tours, le 15 mai, le Roi avait à ses côtés le Légat, le Chancelier, des archevêques et évêques, François d'Angoulême, d'autres Princes du Sang, des seigneurs en grand nombre, des membres des Parlements et des Conseils. Il donna audience aux députés des principales et plus grosses villes. Ceux-ci lui ayant, par la bouche de Bricot, docteur de l'Université de Paris, présenté leur requête pour le mariage de Claude avec François, il appela le Légat, le cardinal-archevêque de Narbonne, le Chancelier, délibéra avec eux seuls, puis annonça qu'il conférerait avec les princes de son sang et les gens de son Conseil. Le 18, la conférence eut lieu, en l'absence des députés. Le lendemain, les États reparurent pour la forme. Le Roi leur déclara qu'après mûre délibération, il condescendait à leur requête. Puis le Chancelier, considérant que l'absence des députés des villes pouvait porter préjudice à la chose publique, leur donna congé de s'en retourner ; ce qu'ils firent, quelques-uns seulement demeurant pour entretenir Louis XII des affaires particulières de leurs commettants.

On voit à quoi se réduit cette réunion. Pas d'élection proprement dite, pas de questions administratives ou financières posées ; pas de discussion. Une simple consultation de quelques notables sur un point déterminé. Ainsi le Souverain maintenait son droit, mais sans s'isoler de la Nation. Celle-ci, du reste, ne semblait pas disposée à réclamer plus de participation aux affaires : elle demandait surtout un bon gouvernement, l'ordre et la justice.

C'est pourquoi Charles VIII et Louis XII furent populaires ; Louis XII fut même proclamé Père du Peuple par l'assemblée de 1506[6]. Sans en croire absolument des panégyristes officiels ou officieux, tels que Jaligny, Seyssel, Saint-Gelais, on peut cependant tenir compte du fait qu'ils insistent sur cette popularité.

Un chroniqueur anonyme raconte qu'en l'an 1510, Louis alla visiter sa ville de Troyes ; le populaire, hommes et femmes, s'assembla pour voir le Roi. Un vieux laboureur répondait à un gentilhomme, qui s'étonnait de cet empressement : Il est si sage, il maintient justice et nous fait vivre en paix et ha osté la pillerie des gens d'armes, et gouverne mieulx que oncques Roi ne fit. Ces sentiments et ceux dont parlent le Loyal Serviteur, ou Machiavel et Guichardin parmi les étrangers, s'expliquent par la différence de ce temps avec celui qui avait précédé. La génération qui vécut sous les règnes de Charles VIII et de Louis XII devait éprouver un sentiment de bien-être. Il n'y avait plus de guerres civiles. Les guerres d'Italie, où combattait surtout la noblesse, restèrent jusqu'aux dernières années, de véritables affaires extérieures ; le souci des échecs subis ne dépassait guère le cercle de la Cour. Même les provinces frontières ne souffrirent des effets des luttes armées que tout à la fin du règne.

L'œuvre de Charles VIII et de Louis XII correspondit à peu près au programme naïf que le chroniqueur met dans la bouche du villageois.

L'organisation judiciaire, dont on a vu les origines et le développement dans les précédents volumes, continua. Ce fut une préoccupation constante pour la Royauté d'assurer ou d'étendre l'action de sa justice. Le Parlement de Bourgogne, institué par Louis XI, puis supprimé par Charles VIII, fut reconstitué et fixé à Dijon ; celui de Provence fut établi par Louis XII, en 1501, après avoir été déjà ébauché sous Charles VIII ; l'Échiquier de Normandie fut rendu permanent, par une ordonnance de 1499. Un Parlement dans une province, c'était l'autorité, autant que la justice du Roi, rapprochée et présente.

Restait que la justice fût bonne et secourable. Louis XII eut les intentions les meilleures à cet égard, comme le prouve la grande Ordonnance de mars 1499 sur la justice : il y réservait aux gradués des Universités les offices de lieutenants généraux des bailliages, décidait que les prévôts seraient élus, décrétait la réduction du nombre effréné des procureurs, l'abréviation des procès, termes qui reviennent dans toutes les Ordonnances, comme pour montrer la grandeur du mal et l'inanité des remèdes essayés. Le Roi, au xiv siècle déjà, se plaignait de l'effrénée multitude de procureurs et des procès interminables. Il pourra s'en plaindre encore aux siècles suivants.

L'Ordonnance de 1499, reprenant en cela un édit de 1493, s'attaquait à la vénalité, introduite depuis peu dans les offices de judicature ; et, contre la vénalité, les rois allaient s'élever aussi souvent et aussi vainement que contre le nombre exagéré des procureurs et la longueur des procès. Elle déclarait également que les affaires criminelles devraient être jugées diligemment, mais la procédure restait secrète ; que la question ne pourrait être infligée que sur l'avis de gens notables et non suspects, mais la question était maintenue. D'autres ordonnances rendirent celle de 1499 applicable aux Parlements de province ou réglèrent la juridiction du tribunal du Châtelet de Paris. On ne voit pas qu'elles aient eu grand effet, quand on lit les plaintes ou les anathèmes des écrivains, de Baude à Coquillart, Marot et Rabelais. C'est un des points sur lesquels la Royauté a le plus légiféré et le moins imposé sa volonté.

Charles VIII et Louis XII réussirent mieux à assurer l'ordre matériel, et les témoignages des écrivains sont aussi favorables à cet égard qu'ils le sont peu quant au fait de la justice. Le plus grand mal venait toujours des gens de guerre. En 1493, une ordonnance, rappelant, elle aussi, des ordonnances antérieures, leur interdisait de s'assembler à plus de six, et enjoignait aux baillis et prévôts de réprimer leurs violences et de s'adresser à des nobles, sujets au ban et arrière-ban, ou à des gens de pied, pour constituer une force répressive toujours prête. Louis XII reprit ou étendit ces mesures. Il voulut aussi réprimer les abus des comtes, barons, chevaliers, gentilshommes et autres, ayant terres, hommes et sujets, qui se travaillaient journellement à lever sur les dits hommes et sujets plusieurs sommes de deniers, grains, vins, tant par remontrances de les garder de gens d'armes, menaces, que autres voies indues.

A cette préoccupation de la justice, de l'ordre, de la protection des petites gens, se rattachent la révision et la publication des coutumes, déjà commencées sous Charles VII. Charles VIII et Louis XII s'y intéressèrent beaucoup, si l'on en juge par le grand nombre d'ordonnances publiées sur cette matière entre 1492 et 1515[7]. Un recueil des Coutumes de France fut édité en 1516. Les documents relatifs à la révision de la Coutume de Paris montrent comment se faisait la rédaction. Des représentants de la Noblesse, du Clergé, du Tiers État furent convoqués avec des membres de l'ordre judiciaire. Une assemblée se réunit le 22 mars ; on y voit pour la Noblesse la dame de la Ferté-sous-Jouarre, le comte de Dammartin, le seigneur de Châtres et Marcoussis, celui de Palaiseau, le baron Guillaume de Montmorency. Pour le Tiers figuraient surtout des gens de loi. La rédaction fut plutôt favorable au Tiers ; le Clergé et la Noblesse eurent soin de faire réserver leurs droits, preuve qu'on les entamait.

L'écueil de ce gouvernement, comme de tant d'autres, ce fut les finances, car il ne faut pas tout à fait se laisser prendre aux éloges des contemporains. Charles VIII avait beaucoup dépensé ; Louis XII commença par des mesures d'économie et put tout d'abord diminuer les tailles. Il se préoccupa d'établir quelque régularité dans l'administration, mais ne changea rien à l'organisation générale ; il promulgua des édits, presque toujours renouvelés de ses prédécesseurs, sur les Chambres des comptes, sur les Cours des aides et des monnaies[8]. Mais il laissa la vénalité se développer dans les charges financières, où  elle devint très vite un fléau ; les résignations moyennant argent se multiplièrent, même aux Chambres des comptes.

Il fut en outre pressé de très bonne heure par des besoins d'argent, auxquels le cardinal d'Amboise, suivant les chroniqueurs, essaya de subvenir à l'aide des ressources pécuniaires du Milanais. Lorsque ce duché fut en proie aux invasions, puis perdu, et qu'en même temps la guerre se généralisa, il fallut trouver de nouvelles ressources et les demander à la France. Des ordonnances de 1513 et 1514 révèlent toute la profondeur du mal, car le Roi est obligé d'avouer que les emprunts et les impôts ont rendu tout ce qu'on pouvait leur demander ; il ne reste plus qu'un moyen extrême, l'engagement ou même la vente des biens et revenus du domaine, jusqu'à concurrence de 600.000 livres tournois. Louis XII, malgré ses efforts, a donc fait supporter au pays de lourdes charges, au moins dans les dernières années de son règne, et il a même laissé d'assez grosses dettes.

 

IV. — RÉFORMES DANS L'UNIVERSITÉ ET DANS LES ORDRES MONASTIQUES.

LE titre de Légat général en France, que Georges d'Amboise avait reçu de Jules II, lui donnait des pouvoirs très étendus : tellement étendus même qu'ils suscitèrent, après l'opposition de la Chambre apostolique, celle du Parlement et de l'Université. Amboise employa ses pouvoirs à rétablir le bon ordre dans le clergé, surtout dans le clergé régulier, et dans le corps universitaire qui, par son esprit comme par son organisation, se rattachait à l'Église. Au début du XVIIe siècle, des sentiments de réforme ecclésiastique se manifestaient un peu partout[9] ; les questions théologiques passionnaient les esprits. Mais l'Université et la Sorbonne, qui auraient dû être au premier rang des réformateurs, s'attardaient dans de vieilles formules ou dans des querelles misérables de privilèges, ne songeaient qu'à défendre leurs prérogatives, et s'unissaient aux ordres religieux animés du même égoïsme.

En 1498, une ordonnance entreprit de mettre fin aux abus qui se produisaient sous le couvert du titre d'escholier[10]. Elle déclara que les avantages de la scolarité n'appartiendraient qu'aux vrais étudiants, inscrits depuis six mois et attachés continument à une Université ; qu'ils ne dureraient pas au delà de quatre ans pour la Faculté des arts, de huit pour la médecine, de quatorze pour la théologie. En 1499, une autre ordonnance rappelait l'Université à l'observation des mesures prises par le cardinal d'Estouteville sous Charles VII. Ces décisions, acceptées par le Parlement, provoquèrent de très vifs mouvements. Les écoliers décidèrent de suspendre les études ; les sermonnaires appartenant à l'Université annoncèrent en chaire qu'ils s'abstiendraient de prêcher ; des placards séditieux furent affichés. Le Prévôt de Paris dut mettre la ville en état de siège. Le Roi entra dans Paris, entouré d'un grand nombre de gens d'armes, tint au Parlement un lit de justice, et le calme se rétablit peu à peu. Mais l'Université resta mal disposée pour Amboise.

Le Cardinal voulait surtout réformer les mœurs des moines[11]. Il s'attaqua énergiquement aux Jacobins de Paris et aux Cordeliers. Le monastère des Jacobins contenait trois à quatre cents frères, les uns étudians — c'étaient sans doute les faux écoliers qu'avaient visés les ordonnances de 1498 et 1499 —, les autres servant à l'église, lesquels ne tenoient toutes les cérémonyes de leur Religion, mais en habitz et conversation sembloient être dissolus. On leur envoya des gens du clergé et des séculiers pour les rappeler à leur règle, et spécialement pour leur interdire les sorties du couvent. A quoi ils répondaient qu'étant étudiants ils devaient assister aux leçons des docteurs et aux disputes de la Sorbonne. Ils refusèrent d'obéir et déjà des écoliers se joignaient à eux, armés sous leurs robes longues. Chassés une première fois, les Jacobins reparurent avecques plus de douze cents escoliers en armes et entreprirent de rentrer dans leur couvent. Ils furent cependant obligés de quitter Paris.

Aux Cordeliers, Olivier Maillard[12], membre de l'Ordre, voulut introduire cinquante frères partisans de la réforme. Il était appuyé par le Cardinal. Les moines essayèrent de s'en tirer par une véritable scène de comédie : lorsque parurent les délégués du Cardinal, ils les trouvèrent tous réunis dans l'église et chantant : Domine, non secundum peccata nostra facias nobis, et pendant quatre heures, les hymnes et les cantiques se succédèrent sans interruption, si bien que l'ordonnance de réforme ne put être lue. Le Prévôt et le Gouverneur de Paris intervinrent alors, avec cent archers de la garde du Roi et les sergents de la ville. Un compromis fut conclu, qui excluait Olivier Maillard et confiait le soin de la réforme à un moine sans doute plus modéré. Une ordonnance du 14 août 1502 manda aux officiers royaux de contraindre les Cordeliers à obéir à leur général pour la restauration de l'ordre. En 1512 encore, on voit des mesures de ce genre.

Elles répondent bien aux sentiments de l'époque et elles ajoutent quelque chose à la physionomie du temps. La société de la fin du quinzième et du commencement du seizième siècle n'agite pas de hautes conceptions en matière de gouvernement, de législation, d'esthétique ou de croyances ; mais elle a des intentions, de la bonne volonté, des préoccupations morales ; seulement elle ne cherche encore le progrès que dans ses propres traditions ; elle n'est qu'à son insu entraînée vers les nouveautés de l'avenir.

 

 

 



[1] SOURCES POUR LE CHAP. I. Quelques-unes de celles qui ont été indiquées pour les chap. I et II du livre I, et en outre : Recueil des Ordonnances des Rois de France (Edition dite du Louvre), t. XXI et XXII. Isambert, Anciennes lois françaises, t. XI (1483-1514).

OUVRAGES. Même observation que pour les sources. Ajouter : L'Art de vérifier les dates, édit. de 1783-87, 9 vol. P. Anselme, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, 9 vol., 1728-1788. Pour l'état géographique, on peut consulter la carte XXIX de l'Atlas historique de Schrader et celle du livre de Dupont-Ferrier, Quæ fuerint tam a regibus quam a comitibus in Engolismensi apanato comitatu instituta (1445-1515), 1902 (thèse de Paris).

[2] A. Luchaire, Alain le Grand, sire d'Albret. L'administration royale et la féodalité du Midi (1440-1533), 1877. Dupont-Ferrier, Quæ fuerint tam a regibus quam a comitibus in Engolismensi apanato comitatu instituta (1445-1515), 1902 (thèse de Paris). Les officiers royaux des bailliages et sénéchaussées et les institutions monarchiques en France à la fin du moyen âge, 1902 (Thèse de Paris).

[3] Voir la notice sur Étienne de Vesc, signalée en tête du Livre I.

[4] Sur le maréchal de Gié et sur le procès qui lui fut intenté, voir De Maulde, Procédures politiques, 1885 (Collect. des Doc. inéd.).

[5] G. Picot, Histoire des États Généraux, 3e édit., t. I, p. 551.

[6] On a voulu démontrer que ce titre n'avait pas, au XVIe siècle, toute la signification que nous lui attribuons, qu'il était sans doute emprunté aux habitudes de la phraséologie officielle italienne, où il était employé archéologiquement dans sa forme latine Pater Patriæ. Mais les gens des États n'étaient pas des savants et ils attachèrent au mot le sens qu'il a tout naturellement.

[7] Esmein, Cours élémentaire d'histoire de droit français, 3e édit., 1898, p. 744-752.

[8] Voyez Jacqueton, Documents relatifs à l'administration financière en France de Charles VII à François Ier (1443 à 1523), 1891.

[9] Voir sur la question le chap. I du livre VI.

[10] Jourdain, Index Chartarum pertinentium ad historiam universitatis parisiensis, t. I, 1863, p. 311. Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. XI, p. 301.

[11] Il en était question un peu partout et avant lui. En 1493, l'ambassadeur florentin signale que le Parlement et l'Université ont sollicité le Roi pour obtenir la réforme de l'Église de France. Un très grand nombre d'ordres monastiques d'hommes et de femmes ont été réformés, à la fin du XVe siècle, par leurs propres abbés ou leurs abbesses. Nous reparlerons de ces tentatives au chapitre de la Réforme française.

[12] Abbé A. Samouillan, Olivier Maillard, sa prédication et son temps, 1891, p. 43-54.