HISTOIRE DE FRANCE

TOME QUATRIÈME — CHARLES VII. LOUIS XI ET LES PREMIÈRES ANNÉES DE CHARLES VIII (1422-1492).

LIVRE III. — LE RÈGNE DE LOUIS XI ET LE GOUVERNEMENT DES BEAUJEU.

CHAPITRE IV. — GOUVERNEMENT DE LOUIS XI.

 

 

I. — LES ORGANES ET LES RESSOURCES DU GOUVERNEMENT[1].

LE gouvernement de Louis XI fut un gouvernement personnel. Ce roi avait, sur l'origine divine de son pouvoir, des idées qui n'étaient pas nouvelles, mais qui, dans la France du moyen âge, n'avaient pu produire tous leurs effets : Les rois de France, déclarait un ambassadeur qu'il envoyait au pape, ont mérité et obtenu à juste titre le nom de rois très chrétiens et l'empire dans leur royaume ; jamais le temps n'effacera leur gloire. Seuls, ils sont oints d'une huile sainte, descendant du ciel, envoyée par le Père des lumières, et portent pour armoirie des lis, don du ciel ; seuls, ils resplendissent de miracles très évidents[2]. Ce pouvoir octroyé par Dieu, Louis XI croyait, avec son fidèle Commynes, qu'il devait en disposer pour le commun profit, mais qu'en revanche il était seul juge et dispensateur de ce commun profit et que tout devait plier devant sa volonté. À cause de nostre souveraineté et majesté royale, déclarait-il, à nous seul compette et appartient le general gouvernement et administration de nostre royaume. Un Anglais qui, pendant les premières années de son règne, vécut sur la frontière de France avec les Lancastres exilés, John Fortescue, le proposait au jeune prince de Galles, dans son De Laudibus legum Angliæ, comme le modèle accompli du tyran, et, en contraste avec la monarchie constitutionnelle de son pays, il présentait la monarchie des Valois comme le type du despotisme, du Jus regale. Ce despotisme, Louis XI ne le créa point de toutes pièces ; mais il raviva, en les exagérant, les traditions d'autorité personnelle qui s'étaient affaiblies sous les deux règnes précédents. Et il y eut. une grande différence entre ses principes politiques et ceux de son père, qui avait laissé ses officiers gouverner.

Il avait cependant trop de sens pour se croire universellement compétent et infaillible. Il voulait tousjours ès grands affaires du royaume proceder en grande et meure deliberacion. Comme Charles V, il aima consulter, et une des caractéristiques de son administration fut la fréquence des convocations de gens entendus et expers, qu'il invitait à élucider une question. Ainsi, en 1479, chaque bonne ville dut envoyer à Paris deux bourgeois cognoissans et expers touchant la matière des monnoyes : ils devaient apporter des spécimens de toutes les pièces étrangères courant dans leur pays, et aviser avec les généraux des monnaies au moyen d'arrêter cette invasion et d'empêcher la sortie des pièces françaises[3]. Une assemblée de touz les officiers et de tous les marchans des villes du Sud-Est et du Centre se tint à Lyon la même année : peut-être fut-ce une réunion d'un autre caractère, et purement politique, comme Louis en convoqua fréquemment dans les moments de crise, moins pour s'éclairer que pour donner une apparence de consécration publique à ses projets. Une des plus importantes de ce genre fut l'assemblée tenue à Tours en 1470, et qui le délia du traité de Péronne. Nous connaissons les noms de tous les assistants : ils n'étaient pas plus de soixante ; outre des princes dont la fidélité paraissait assurée, comme le roi René et le duc de Bourbon, il y avait des grands officiers de la couronne, des nobles ou des ecclésiastiques membres du Conseil, des gens des Parlements et des Comptes, des baillis et d'autres possesseurs d'offices. En ces conditions, le roi n'avait pas à craindre un avis défavorable.

Louis XI réunit en 1468, on a vu en quelles circonstances, une assemblée des Trois États, la seule de son règne qu'on puisse inscrire dans la liste des États Généraux[4]. Elle fut remarquable à tous égards, et par le but que se proposa le roi, et par les moyens de persuasion qu'il employa, et par le succès qu'il obtint. Le général des finances Pierre d'Oriole fit observer aux députés qu'on ne leur réclamait pas d'argent : le bon apôtre négligea d'ajouter que, depuis trente ans, la Royauté levait des impôts sans consulter les États Généraux. Les Trois États devaient décider quel apanage il fallait donner à Monsieur Charles. Les députés étaient assez embarrassés. Quelques-uns se hasardèrent à parler d'autre chose, des malheurs du peuple, du gaspillage financier. Enfin, au bout de six jours, le roi vint leur expliquer lui-même, doulcement et benignement, qu'ils avaient à protester contre l'aliénation de la Normandie. Ils le firent à l'unanimité, et ils demandèrent que le roi procédât contre les rebelles, maintenant et toutes les fois que lesdits cas echerroient, sans attendre autre assemblée ne congregacion des Estats, pour ce que aisement ils ne se peuvent pas assembler. Le roi promit d'ailleurs des réformes ; une commission fut même nommée à cet effet par les députés, mais on en resta là. Une fois de plus, en des circonstances où ils auraient pu obtenir des concessions sérieuses, les États Généraux avaient abdiqué. Les mêmes cause produisaient les mêmes effets : dans ce royaume redevenu la proie des bandes armées, seigneurs, clercs et bourgeois redoutaient les convocations et les voyages, et ils remettaient à Louis XI, comme jadis à Charles VII, la charge de rétablir l'ordre et de sauver l'unité du royaume. Louis XI, d'ailleurs, leur paraissait assez habile pour les préserver de l'anarchie féodale ; et puis, en même temps que de l'admiration, ce roi, malgré ses manières bonasses, leur inspirait quelque crainte.

Les États provinciaux et locaux montrèrent, ce semble, la même inertie[5]. Dans les pays où ils continuèrent à tenir session, ils ne furent que des machines à voter l'impôt royal, et même, fréquemment, le roi levait des subsides sans les consulter. Il en fut ainsi, à plusieurs reprises, pour le Languedoc, notamment en 1473. Le rapport rédigé l'année suivante par les commissaires du roi auprès des États de cette province, fait croire que les députés considéraient comme inutile de discuter les volontés du prince :

Les gens desdits Estaz, en bien grande humilité, joye et reverence, ont receu vosdites lettres et oy tout ce que de par vous leur avons dit et requis. Et en verité, sire, il y a aucuns de nous qui ont veues plusieurs assemblées des Estas de ce pays, mais jamais on ne congneust qu'ilz eussent si Brant vouloir envers leur seigneur qu'ilz ont à ceste heure envers vous, ne que si prestement et franchement ilz venissent à joindre aux demandes qu'on leur faisoit qu'ilz sont venuz à ceste heure, car en quatre jours on a eu fait avecques eulx ce où autresfoiz on estoit ung mois et plus.

Le personnel d'officiers qui s'était constitué au xine et au me siècle avait acquis une certaine stabilité, une indépendance, des traditions. Il avait pris l'habitude, tout en respectant le roi, de défendre au besoin contre sa personne passagère la permanente Royauté, et de distinguer ce qu'ils appelaient la puissance absolue et la puissance réglée, réglée par les sages ordonnances que leurs prédécesseurs et eux avaient préparées et qu'un prince raisonnable ne devait point violer. Une de leurs maximes était, que le prince n'est pas tenu aux lois, mais que son devoir est de s'y conformer : licet princeps sit solutus legibus, tamen secundum leges vivere debet, et ils se chargeaient de rappeler les lois au roi. Louis XI ne supporta point ce contrôle. Il ne chercha pas, au moins après la guerre du Bien public, à détruire les organes de gouvernement qui étaient nés pendant les règnes précédents ; il rétablit même la Cour des aides de Montpellier, que Charles VII avait fondée puis abolie, et il institua des Parlements dans trois provinces récemment conquises (Bordeaux, 1462 ; Perpignan, 1463 ; Dijon, 1477). Mais il prétendit toute sa vie nommer et destituer les officiers à son gré, créer des charges, même inutiles, pour les gens qu'il voulait récompenser ou gagner, sans s'inquiéter du scandale[6]. Enfin nous avons dit quelle docilité il exigeait de ses serviteurs. Y avoit grand servitude à estre entour ses gens, déclare Chastellain.

Autant qu'on peut en juger d'après les mentions des Ordonnances, le caractère du Conseil ne changea point. Comme auparavant, les séances furent fréquentées irrégulièrement par quelques grands vassaux (notamment le duc de Bourbon, après la guerre du Bien public) et par des évêques de toutes les provinces ecclésiastiques ; mais les conseillers assidus et influents furent trois ou quatre prélats, comme Balue avant sa disgrâce et Louis d'Amboise ; — des seigneurs étroitement attachés au service du roi, comme son gendre Pierre de Beaujeu, le sire de Craon et les grands officiers de la couronne ; — enfin et surtout de petits gentilshommes parvenus ou des nobles de fraîche date, comme Antoine de Châteauneuf, seigneur du Lau, et plus tard Louis de Beaumont, seigneur de La Forest, Imbert de Batarnay, seigneur du Bouchage, Jean Daillon, seigneur du Lude, Philippe de Commynes, seigneur d'Argenton, — et le groupe des gens de loi et de finances : Guillaume de Varye (l'ancien comptable de Jacques Cœur), Étienne Chevalier, Cousinot, Bourré, Picart, La Vacquerie, Doyat, etc. Le Conseil continua à expédier seul les affaires d'importance secondaire et à donner au roi son avis sur toutes les grandes questions politiques et administratives. Mais Louis XI ne reconnaissait à son Conseil aucun droit qui pût limiter la volonté royale.

Avec les Parlements, et surtout celui de Paris, il y eut des conflits très violents. Le roi, déclare Commynes, desiroit de tout son cueur bien brider ceste court de Parlement ; il avoit contre cueur plusieurs choses, dont il la hayon. Louis XI, ajoute-t-il, aurait voulu obtenir l'abrègement des procès, et c'est ce que montrent en effet beaucoup de ses lettres. Mais surtout il gardait rancune à la Cour de Paris de l'opposition qu'elle faisait à ses actes, par exemple lorsqu'il donnait à un favori des terres du domaine ou bien un héritage qui aurait dû être dévolu à un autre[7] ; et il lui en voulait de ne point lui fournir des juges dociles, dans les causes qui intéressaient ses amitiés ou ses haines. Nombreux furent les procès politiques de son règne[8] ; la plupart du temps, pour les instruire et même pour rendre l'arrêt, il établit des commissions extraordinaires ; mais il ne pouvait guère se dispenser d'y introduire des conseillers au Parlement, et il s'irritait de leur prétention d'observer les règles du droit. Il les réprimandait pour leur lascheté, les emprisonnait au besoin, nommait d'autres juges, ou bien, comme il arriva pour Charles de Melun, confiait à Tristan Lermite le soin de terminer brusquement le procès par une exécution sommaire. Il eut beaucoup de peine à obtenir la condamnation à mort du duc de Nemours, malgré le soin qu'il avait eu de distribuer d'avance ses dépouilles à quelques-uns des membres de la commission. Trois conseillers au Parlement refusèrent de voter la mort. Louis XI leur enleva leurs offices. Deux ans après, comme le Parlement demandait leur réintégration, le roi répondit :

Messieurs, j'ay receu voz lettres par lesquelles desirez que je remete aux offices que souloient (avaient l'habitude) avoir en Parlement maistres Guillaume Leduc, Estienne Du Boys et Guillaume Gougnon. Et je vous respons que la cause pour quoy ilz ont perdu leurs offices, se a esté pour vouloir garder que le duc de Nemoux ne feust pugny du crime de lem-majesté, pour ce qu'il me vouloit faire mourir et destruire la saincte couronne de France, et en ont voulu faire cas civil et pugnition civille. Et pensoys que, veu que voua estes subgetz de ladicte couronne et y devez vostre loyaulté, que vous ne voulsissiez approuver qu'on deust faire si bon marché de ma peau. Et pour ce que je voy par voz lettres que si faites, je cognois clerement qu'il y en a encores qui voulentiers seroient machineurs contre ma personne ; et, afin d'eulx garentir de la pugnition, ilz veulent abolir l'orrible peine qui y est. Par quoy sera bon que je mette remède à deux choses, la première expurger la court de telz gens, la seconde faire tenir le statud que jà une fois j'en ay fait que nul juge ne puisse alleguer (alléger) les peines de crime de leze-majesté.

Au reste, Louis XI eut bien des moyens de brider son Parlement. Il lui enleva quantité de procès pour les donner à la section judiciaire de son Conseil[9], qui fut désormais une Cour de justice pourvue de tous ses organes. Les evocations, extrêmement rares au temps de Charles VII, devinrent innumerables. Le Conseil se mit à juger les affaires concernant le domaine royal, la distribution des offices et des bénéfices ecclésiastiques, les crimes et les pillages des féodaux[10]. Sous le règne de Charles VIII, il connaîtra régulièrement des procès intéressant directement la couronne. Le roi, néanmoins, se réserva toujours le droit de répression immédiate et de justice expéditive : les mouvements populaires, par exemple, furent châtiés avec une terrifiante rapidité. Le chancelier ayant voulu, en 1478, remettre au Grand Conseil le jugement d'une rébellion qui avait éclaté dans la Marche, reçut ce billet : Je veul que la pugnicion en soit incontinent faicte et sur les lieux, et que ceux du Grant Conseil ne de la cour de Parlement n'en aient aucune congnoissance.

L'administration provinciale au temps de Louis XI est encore mal connue. Le roi ne parvint guère, ce semble, malgré ses menaces et ses destitutions, à tenir en main les officiers qui, loin de lui, gouvernaient, jugeaient et levaient les impôts. Les povres subjectz se plaignaient d'être exploités sans merci. Commynes dit de son maître que se il pressoit ses subjectz, toutesfois il n'eust point souffert que ung aultre l'eust faict. Mais Louis XI ne pouvait tout voir. La multiplicité de ses entreprises politiques l'obligeait à beaucoup ignorer, peut-être aussi à feindre d'ignorer. Gouverneurs, baillis, réformateurs et receveurs, pourvu qu'ils ne trahissent pas, obtenaient son indulgence. Pour s'excuser de leur avidité et de leur corruption, il leur aurait d'ailleurs suffi de rappeler comment Philippe de Commynes lui-même était devenu un grand seigneur. Du haut en bas, les gens du roi saignaient la France à blanc.

Louis XI, d'ailleurs, eut le plus coûteux gouvernement dont on eût jamais ouï parler, et d'abord la plus coûteuse armée. Il ne cessa d'accroître les charges militaires[11]. Il maintint et développa les systèmes antérieurs de recrutement, convoqua fréquemment l'arrière-ban, exigea des villes qu'elles fissent bonne garde, força même tous les Parisiens à vêtir le harnais de guerre. Il porta les compagnies d'ordonnance à 2.000 lances en 1470, et, à la fin de son règne, à 3 884, et il doubla le nombre des Francs-Archers[12]. À partir de 1479, il est vrai, irrité de l'indiscipline et des pillages de cette médiocre infanterie, il cassa les Francs-Archers des provinces septentrionales, mais il garda les meilleurs pour composer des bandes de piquiers, à l'image des Suisses, et il recruta en Suisse même plusieurs milliers de mercenaires. Il établit, en 1480, sur la frontière de Flandre, un camp de plus de 20.000 hommes.

 La guerre du Bien public avait détruit la discipline militaire. Depuis lors, compagnies d'ordonnance, arrière-ban, Francs-Archers, et plus tard mercenaires suisses, tous pillent à l'envi. Vers 1469, il se forme dans le Midi et le Centre des bandes qui renouvellent les exploits des Écorcheurs. Les gens de guerre en garnison à Amiens maltraitent les bourgeois, les chassent de leurs maisons et leur prennent leurs femmes, sous prétexte que ce sont de vilains trestres bourguignons, et ils vont continuelement prendre les povres laboureurs des champs avecques leur bestail, et vendent et exposent au butin, non pas seulement les bestes, mais les personnes desdiz laboureurs. Les Français en étaient réduits à se consoler avec des chansons ; ils applaudissaient le Monologue du Franc Archier de Baignollet (1468), type populaire du Franc-Taupin pillard, bravache et poltron :

Je ne craignoys que les dangiers,

Moy ; je n'avoys peur d'aultre chose !

Comme aux pires époques de l'invasion anglaise, il arrivait que les gens d'armes attendissent leur solde plusieurs mois, voire un an, et c'est pourquoi les édits royaux et les mesures de rigueur ne pouvaient les empocher de piller. Les officiers de finances ne savaient où trouver tout l'argent que le roi demandait. Allez-vous-en demain à Paris, écrivait-il en 1471 à Bourré, et trouvez de l'argent en la boëte à l'anchenteur, pour ce qui sera necessaire, et qu'il n'y ait faulte. Il fallait en effet une botte à l'enchanteur pour entretenir, avec cette armée, un nombre sans cesse croissant d'officiers et de pensionnés, et acquitter tant de promesses faites aux habitants de la terre et du ciel. Les dépenses de cour elles-mêmes, qui avaient varié entre 250 et 300.000 livres à la fin du règne précédent, atteignaient 327.000 livres en 1470, 415 500 en 1481.

Les conquêtes et les confiscations auraient permis à Louis XI d'augmenter considérablement les revenus du domaine ; mais ils ne dépassèrent pas 100.000 livres, à cause des aliénations de terres qu'il fit. De même le roi employa en largesses politiques une grande part des aides et des gabelles, dont le chiffre ne fut pas d'ailleurs accru : sur vingt greniers à sel, sept seulement à la fin du règne lui rapportaient de l'argent. Ce fut à la taille qu'il demanda des ressources croissantes. Il la rendit très excessive et cruelle. De 1.200.000 livres en 1462, elle fut de 1.900.000 en 1471, de 2.700.000 en 1474, de 3.200.000 en 1476, de 4.600.000 en 1481, et, une fois la paix d'Arras signée, elle ne retomba point au-dessous de 3.900.000[13]. Enfin Louis augmenta certains péages et tarifs de douane et eut recours à tous les vieux expédients auxquels les conseillers de son père avaient renoncé : il pratiqua les emprunts forcés, vendit des privilèges, extorqua de l'argent aux acquéreurs de fiefs et de biens de mainmorte, abusa des taxes extraordinaires, des amendes, des confiscations, des réquisitions. Il prenoit tout et despendoit (dépensait) tout, dit Commynes. En matière de finances comme dans toute sa politique, il faisait fi des bonnes maximes que Charles VII avait adoptées, et il faussa ces traditions de gouvernement économe et tempéré qui étaient rétablies en France au moment de son avènement. Il inaugura le régime du bon plaisir.

 

II. — RELATIONS AVEC LA NOBLESSE ET LES VILLES. POLITIQUE ÉCONOMIQUE[14].

LOUIS XI, écrivait Jean de Roye, secrétaire du duc de Bourbon, fut si crainct qu'il n'y avoit si grant en son royaulme, et mesmement ceulx de son sang, qui dormist ne reposast seurement en sa maison. Ce terrible roy, cependant, ne recourut à la force que quand il se crut menacé. Il gorgea de pensions, de fiefs et d'offices les nobles qui se résignèrent à le servir, et il essaya d'enchaîner les indociles par des serments, soit en leur faisant jurer fidélité sur la fameuse croix de Saint-Laud, soit en leur conférant le collier de l'ordre de Saint-Michel, qu'il créa en 1469, à l'image de la Toison d'Or des ducs de Bourgogne. Mais, au XVe siècle, les serments ne pesaient pas d'un grand poids dans les consciences des féodaux. Ce fut par la violence que Louis XI réduisit les rebelles. Obligé à des ménagements tant que son frère vécut et que Charles le Téméraire resta dangereux, on a vu qu'il prit sa revanche à partir de 1475. L'exécution du connétable de Saint-Pol et du duc de Nemours produisit l'effet de terreur souhaité par le roi.

Après la mort de Charles le Téméraire, aucun prince du sang ne fut capable de tenir tête à Louis XI. Le jeune duc d'Orléans cherchait à oublier dans la débauche son mariage forcé. Les comtes d'Angoulême et de Dunois étaient morts en 1467-1468 : leurs fils, tant que Louis XI vécut, se tinrent cois. Jean Il, duc de Bourbon, surveillé et harcelé par les gens du roi, rongeait son frein en silence : un valet de la garde-robe royale, Jean de Doyat, nommé bailli de Cusset en 1477, établit sa fortune politique en exploitant la méfiance que le roi gardait contre ce prince ; comme Jean II exerçai, à l'exemple de ses prédécesseurs, des droits dont la possession exclusive était revendiquée par la Monarchie (connaissance des cas privilégiés, délivrance des lettres de grâce, création des foires, frappe de la monnaie, etc.), ses officiers durent comparaître devant le Parlement, et, pour juger les procès importants, des Grands Jours furent institués à Montferrand en 1481. Les officiers du jeune duc d'Alençon, René, ayant eu également le malheur de déplaire au roi, René songea à se retirer auprès du duc de Bretagne : pour ce seul crime d'intention, il fut arrêté en 1481, et subit à Chinon une atroce captivité : pendant trois mois d'hiver, on le mit en une cage de fer d'un pas et demy de long, de quoy, disait-il, il a une espaule et une cuisse perdues. Quant à la maison d'Anjou, la mort, qui avait tant de fois servi les desseins de Louis, emporta avant lui le vieux René et son neveu le comte du Maine.

Le roi voulait toute la succession de ces deux princes, c'est-à-dire le comté du Maine et le duché d'Anjou, et, hors du royaume, le duché de Bar et le comté de Provence, sans parler des droits sur Naples, la Sicile, l'Aragon et le royaume de Jérusalem. Au moment de sa réconciliation avec Louis XI en 1476, René avait repris possession de l'Anjou, mais probablement sous condition de le léguer à la couronne. Il aurait du moins voulu assurer à son petit-fils, le duc de Lorraine, la possession du Barrois : mais Louis XI s'y opposa et, à la mort de René, en 1480, réunit au domaine royal les duchés d'Anjou et de Bar. La Provence, convoitée par le duc de Lorraine, lui échappa également et passa aux mains de Charles II, comte du Maine, qui n'avait point de postérité, et avait promis son héritage à Louis XI. Depuis plusieurs années, d'ailleurs, le roi s'était créé un parti en Provence : Palamède de Forbin, président du « Conseil éminent », recevait une pension de la cour de France. Charles II mourut en 1481, léguant à Louis XI le Maine et la Provence. Ainsi, sauf la Lorraine, tous les biens de la maison d'Anjou revenaient au domaine de la couronne, et le royaume acquérait Marseille et Toulon.

Dans le Midi, la victoire de la Royauté sur les grandes seigneuries était complète. La dynastie des comtes d'Armagnac avait disparu avec Jean V, et, depuis 1471, Charles d'Armagnac, vicomte de Fezensaguet, qui avait eu maille à partir avec les gens du roi, était prisonnier à hi Bastille. Les domaines de la maison de Foix étaient administrés par Madeleine de France. Alain, sire d'Albret, était un serviteur et un « compère » du roi. La petite Noblesse méridionale était restée, il est vrai, indocile et pillarde, et le commandeur Bernard Gros, dans son livre de raisons, nous montre l'Agenais en proie à de terribles désordres[15]. Louis XI et ses Parlements ne purent faire disparaître complètement cette vieille calamité de la guerre privée.

Il y avait encore une maison féodale complètement indépendante, celle de Bretagne. François Il refusa, en 1479, de fournir des troupes au roi pour la conquête de la Flandre. Louis XI, qui lui portoit grant hayne, garnit les frontières bretonnes de soldats, et, comme François n'avait que deux filles, le roi acheta les droits de la maison de Blois sur le duché, moyennant 50.000 écus. En 1481, le duc de Bretagne signa une alliance avec Maximilien et le roi d'Angleterre ; tous les partisans de la France dans le duché furent traités en ennemis publics. Ainsi Louis XI ne parvint pas à écraser complètement la grande Noblesse, non plus qu'à débarrasser les campagnes des hobereaux pillards. Il continua, avec plus d'habileté et de violence, l'œuvre de ses prédécesseurs, sans pouvoir l'achever.

Pour cette entreprise, la Bourgeoisie prêta au roi un secours très efficace. Les villes l'aidèrent à déjouer les coalitions féodales, à garder ses prisonniers politiques, à surveiller les menées des nobles, à arrêter leurs armées. Elles furent plus que jamais, au milieu des grands fiefs et même en dehors du royaume, des centres de propagande monarchique et française : en Savoie, notamment, c'est grâce à la Bourgeoisie que Louis XI put établir son protectorat. C'est qu'en effet les villes trouvaient en lui, contre les violences féodales, un défenseur toujours prêt, et l'annexion au domaine royal était pour elles une garantie, sinon d'indépendance, du moins de sécurité. Louis XI ne se lassait pas de prodiguer aux bourgeois, dans ses lettres et ses causeries familières, les flatteries et les promesses. En 4473, recevant les délégués de la ville d'Amiens, il ordonnait qu'on le laissât seul avec eux, disant : Je vueil parler à mes bons amis d'Amiens, non pas comme ambassadeurs, mais comme mes amis.

Il exigea d'ailleurs beaucoup de ses amis. Ce fut principalement sur la Bourgeoisie que pesèrent les emprunts, les taxes extraordinaires, les réquisitions incessantes dont nous avons parlé. La tutelle exercée sur les bonnes villes par la noyauté devint, sous le règne de Louis XI, beaucoup plus étroite. Les prérogatives des municipalités en matière de finances, de justice, de travaux publics, voire de simple police, et les constitutions municipales elles-mêmes, furent souvent violées par le roi, qui s'arrogeait le droit de diminuer ou de supprimer les libertés locales et d'imposer des maires de son choix. Les mairies, loys et eschevinages, déclarait-il, nous pouvons renouveler, créer et ordonner à nostre bon plaisir et voulenté, sans que nulz y ait que veoir.

Quand il modifia les institutions d'une ville, ce fut presque toujours pour y partager le pouvoir entre les officiers royaux et quelques familles de riches bourgeois, dont il s'assurait la fidélité par l'anoblissement et des faveurs de toutes sortes. À Limoges, par exemple, il enleva aux artisans le droit de prendre part aux élections municipales, qui fut désormais le privilège d'un corps de cent notables. Il détestait le gouvernement démocratique, ne voulait point d'assemblées generales de grandes communitez, où la foule se laisse dominer par aucunes gens de mauvais esperit. On l'a appelé le roi des petites gens ; rien de moins exact : entre le menu peuple et lui, il n'y a pas eu de sympathie. Dans les villes, les révoltes contre les impôts royaux ont été l'œuvre des artisans, et ont été réprimées sans pitié par le roi, avec l'aide de l'aristocratie municipale. Louis XI n'a été que le roi des bourgeois, des bourgeois cossus qui lui donnaient leur argent sans se plaindre.

Un des principaux mobiles de sa politique économique fut de rendre plus riche et plus puissante la classe des marchands et des maîtres des corporations. Il s'occupa avec un esprit d'initiative, une autorité et une obstination que n'avaient jamais montrés ses prédécesseurs, de l'organisation du travail, des industries à protéger, des débouchés et des transports à créer. Ses nombreuses ordonnances concernant les métiers eurent généralement pour but de protéger les patrons contre les ouvriers, de réserver la maîtrise aux familles privilégiées, enfin de restreindre le travail libre au profit du système corporatif. Très soucieux, comme on l'a vu, de prendre l'avis des gens expers, il écouta surtout les patrons parisiens. En 1475, il réunit à l'Hôtel de Ville une assemblée où, avec ses conseillers, siégeaient des bourgeois et des marchands de Paris : cette commission élabora un règlement sur la draperie, qui fut publié en 1479 comme une ordonnance generale et perpetuelle, applicable dans tout le royaume. Ainsi Louis XI prétendait asservir les drapiers de la France entière aux mêmes règlements. Dans son gouvernement, la protection se doublait toujours de despotisme, et déjà y apparaissait la tendance moderne à l'uniformité administrative.

Il avait cependant l'esprit trop souple pour suivre, en pareille matière, une politique de principes, et, comme toujours, il sut s'accommoder aux circonstances. Pour développer en France la fabrication de la soie, il appela des ouvriers italiens, qu'il installa à Lyon en 1467, et il ne leur imposa point les entraves corporatives. Il rêvait de voir tous les oisifs s'employer à cette industrie de la soie : Tant gens d'eglises, nobles, femmes de religion que autres, qui à present sont oiseux, écrivait-il, y auront honneste et prouffitable occupacion. Ayant échoué à Lyon, il transporta les Italiens et leurs métiers à Tours, et, malgré la mauvaise volonté des Tourangeaux, la nouvelle manufacture prospéra. Son ordonnance de lei sur les mines fut à la fois très tyrannique et très libérale : il obligea les propriétaires à exploiter leurs gisements sous peine de déchéance, et établit, pour le contrôle, un office de maître général des mines, qu'il confia à l'actif Guillaume Cousinot ; mais il exempta des impôts et du guet les mantes et, les ouvriers, y compris les étrangers, car les ouvriers allemands étaient les plus habiles.

Tirer parti de toutes les ressources nationales, pour enrichir ses sujets et son trésor et pour empêcher le numéraire de sortir de France, tel fut le principe de sa politique commerciale. Venise monopolisait le trafic des épices : il institua un convoi maritime chargé d'aller les chercher à Alexandrie, et il finit par lancer ses corsaires contre la marine des Vénitiens, qui étaient coupables à la fois de contrarier ses projets d'hégémonie en Italie et de vendre à la France sans rien lui acheter. Après avoir essayé en vain de ressusciter la ville morte de Montpellier et de créer un grand port à Collioure, il s'empara avec joie de Marseille, qu'il regardait comme la place destinée à envoyer dans toute l'Europe du nord les denrées de la Méditerranée. Pour animer le commerce intérieur, il fonda un grand nombre de foires et de marchés. Il interdit à ses sujets de se rendre aux foires de Genève, condamna les infracteurs à des amendes énormes, et réussit ainsi à ruiner ces foires au profit de celles de Lyon. Mais il ne fut pas un protectionniste intransigeant. : il attira en France, par toutes sortes de faveurs, les marchands étrangers et rendit à Bordeaux sa prospérité en y tolérant les négociants anglais. La réconciliation politique et économique de la France et de l'Angleterre fut un de ses plus vifs désirs. Lorsque, grâce à son intervention, Henry VI fut rétabli sur le trône, en 1470. Louis XI s'empressa de négocier avec lui une trêve et un traité de libre-échange, et deux marchands de Tours reçurent mission officielle d'accompagner l'ambassade, avec une cargaison d'espiceries, de drap d'or et de soye, tailles et autres marchandises, afin que les Anglais pussent examiner ces produits et congneussent par effect que les marchans de France estaient puissante pour les fournir comme les autres nacions. Après le traité de Picquigny, Louis XI et Édouard IV conclurent une convention commerciale.

En 1461, le royaume était fort misérable. Louis XI le laissa-t-il plus prospère ? Malgré les plaintes de la Bourgeoisie, il parait certain que, sous son règne, la plupart des grandes villes, malgré le poids écrasant des exigences royales, se relevèrent en partie de leurs ruines et que certaines même, comme Orléans et Amiens, atteignirent une prospérité qu'elles n'avaient jamais connue. Il n'en fut pas de même des campagnes. Louis XI, loin de songer à adoucir le sort des paysans, eut un instant l'idée de leur faire supporter tout l'impôt, pour exonérer ses bonnes villes, et il ne recula que devant la crainte de mettre en dangier le fait de son argent. C'était surtout aux ruraux, tourmentés par le fisc, foulés par les gens d'armes, que Commynes pensait, lorsqu'il souhaitait que désormais les rois fussent ung peu plus piteux au peuple.

A défaut de pitié, Louis XI avait du bon sens, et, à la fin de son règne, il était résolu à laisser désormais ses sujets vivre en paix, et à travailler, de toutes les forces qui lui restaient, au développement de la richesse nationale. Il voulait amener les marchands du royaume à fonder une compagnie de cent mille livres et plus, pour merchander sur la mer du Levant et ailleurs, et faire grand nombre de galères, naves et aultres navires, affin que la marchandize ait cours en son royaulme, en façon que les estrangiers n'en ayent plus la cognoissance[16]. Quelques semaines avant sa mort, il autorisa les gens d'Église, les nobles et les officiers royaux à pratiquer le commerce, et annonça l'intention d'abolir les péages intérieurs. La prodigieuse diversité des poids et des mesures lui paraissait funeste au trafic et il se déclarait prêt à en décréter l'uniformité dans toute la France. De même, pour améliorer l'administration de la justice, qui excitait tant de plaintes, il ne voyait qu'un remède, l'unification des coutumes[17]. Il n'était sans doute pas en sa puissance de réaliser des plans aussi vastes. Ces projets, du moins, achèvent de mettre en lumière le caractère et les idées de ce singulier roi, qui eut vraiment une âme de révolutionnaire.

 

III. — LOUIS XI ET L'ÉGLISE[18].

Louis XI traita l'Église de France avec un cynique sans-gêne. Il importait à sa politique extérieure, notamment en Italie, et même à sa politique intérieure, que le pape ne lui fût point hostile ; d'autre part, la Pragmatique Sanction de 1438 était l'œuvre des conseillers au Parlement, des Universitaires, et de prélats d'esprit indépendant, et c'était autant de raisons pour qu'il eût peine à s'en accommoder, bien que la Pragmatique n'eût pas empêché Charles VII de garder, en fait, la haute main sur l'Église gallicane ; enfin la clause autorisant les princes du royaume à user de sollicitations bénignes auprès des électeurs, en faveur de leurs créatures, lui paraissait procurer à la Noblesse une dangereuse influence, et il pensait qu'un régime concordataire aurait l'avantage d'assurer le contrôle de la Royauté sur toutes les promotions ecclésiastiques. Il avait donc des motifs d'abolir la Pragmatique. Mais il en avait aussi de la conserver : il craignait l'abus des réserves, des grâces expectatives et des annates, et l'evacuation des pecunes de France en Italie ; les procès portés en cour de Rome ne lui déplaisaient pas moins ; et puis un roi comme lui pouvait difficilement s'entendre avec des pontifes d'humeur aussi autoritaire que Pie II († 1464), Paul II († 1471), et surtout Sixte IV, homme avide, rude et fourbe, qui regarda son élévation au Saint-Siège comme un moyen de s'enrichir, lui et ses neveux, et inaugura la politique du népotisme. Louis XI supprima donc et rétablit tour à tour la Pragmatique, selon les circonstances, et, pendant son règne, le Clergé de France ne sut jamais sous quel régime il vivait et qui devait conférer les bénéfices. La règle n'était plus que le bon plaisir du roi.

A son avènement, Louis se laissa facilement persuader par le légat Jean Jouffroy qu'il devait défaire ce que son père avait fait, et, dans des lettres du 27 novembre 1461, en des termes fort outrageants pour les auteurs de la Pragmatique, qu'il accusait d'avoir élevé dans le royaume un temple de licence, il déclara restituer au Saint-Siège l'empire absolu, la libre juridiction, et une puissance sans limites sur l'Église gallicane. Mais Pie Il ne remplit pas les promesses que le légat avait faites au roi, et refusa de soutenir la politique française en Italie. L'appui qu'il accorda au duc François II, dans l'affaire de la régale des évêchés bretons, acheva de le brouiller avec Louis XI. Celui-ci commençait à parler des droits de la couronne, de l'autorité de sa court de Parlement et de l'appel au futur Concile (lettres et édits de mai 1463, février et juin 1464), lorsque Pie II mourut.

Une ordonnance rendue le 10 septembre 1464, au moment de l'avènement de Paul II, prohiba les grâces expectatives, et, peu après, Louis XI accueillit favorablement un mémoire de Thomas Basin et des remontrances du Parlement au sujet de l'abrogation de la Pragmatique, abrogation qui ruinait le royaume matériellement et spirituellement : depuis trois ans, déclarait gravement le Parlement, Home a tiré tant d'argent hors de France que, sur le Pont au Change, où souloient les changeurs habiter, ne habite que chapeliers et, faiseurs de poupées. Mais, sur ces entrefaites, la guerre du Bien public éclata. L'attitude factieuse des évêques pragmaticiens, Thomas Basin et Guillaume d'Harcourt, la nécessité de chercher partout des appuis contre Monsieur Charles et ses alliés, plus tard l'avènement du Téméraire comme duc de Bourgogne, amenèrent Louis XI à composition : il révoqua les édits de 1463-1464 et abolit de nouveau la Pragmatique (1467). Son procureur général au Parlement protesta : il perdit sa charge. D'ailleurs le roi se félicitait en secret de cette protestation : elle préparait un revirement possible, qui faillit, en effet, avoir lieu à la fin du pontificat de Paul II.

Ayant besoin du pape Sixte IV pour empêcher le mariage de Monsieur Charles avec l'héritière de Bourgogne, Louis XI, en 1472, négocia avec lui un concordat et convia l'apôtre de la croisade contre les Turcs, le cardinal Bessarion, à venir en France. Mais Monsieur Charles était déjà mort quand le Concordat fut signé : le roi jugea complètement inutile de l'appliquer, et Bessarion n'obtint rien de lui pour la guerre sainte. À ce moment-là, non plus qu'à aucun autre, le roi n'avait songé sérieusement à soutenir la cause de la croisade. L'union des Chrétiens contre les Turcs, l'abolition de la Pragmatique, ce n'était pour lui que des mots, utiles à prononcer en certains cas.

De même, l'appel au Concile général fut un épouvantail qu'à maintes reprises il agita. Sixte IV, mécontent de l'inexécution du Concordat de 1472, refusa de donner la pourpre aux candidats agréables à Louis XI et érigea le siège d'Avignon en archevêché sans consulter le roi : or Louis avait rendu fort étroit le protectorat que ses prédécesseurs exerçaient déjà sur les États pontificaux de France ; il traitait les Avignonnais presque comme des sujets. Le 8 janvier 1476, il enjoignit aux prélats du royaume de se préparer à se rendre à Lyon, où serait tenu prochainement un Concile général pour remédier aux grans simonies, faultes et abbuz qui souillaient l'Église ; le même jour, il défendit aux bénéficiers de s'absenter du royaume sans sa permission, et désigna des commissaires chargés d'empêcher la publication des bulles contraires aux privilèges, franchises et libertés de l'Esglise gallicane. Le pape riposta en nommant son neveu Julien de la Rovère légat d'Avignon, à la place du cardinal de Bourbon (mars 1476). Julien de la Rovère, le futur Jules II, était un si habile homme, qu'il trouva le moyen d'apaiser Louis XI et de devenir son très cher et grant amy. Mais la faveur témoignée par Sixte IV à Maximilien d'Autriche et l'affaire des Pazzi rallumèrent le conflit entre le roi de France et le Saint-Siège. Louis XI réunit, le i3 septembre 1478, à Orléans, un concile de l'Église gallicane ; les prélats et les docteurs y protestèrent contre l'extraction des pecunes et autres abus qui se font de par Cour de Rome, au moyen de ceux qui tiennent nostre saint Père entre leurs mains, et ils demandèrent la convocation d'un Concile général.

Sixte IV ne céda point à ces menaces, comme on l'a vu. Ce Concile d'Orléans mérite pourtant de n'être pas oublié, car il montre à quelle étroite soumission Louis XI avait réduit le Clergé. Quelques prélats, il est vrai, ne s'étaient pas rendus à l'invitation du roi ; il s'en déclara pas contant, et écrivit au chancelier le 10 octobre : Faictes faire des mandemens à prendre leur temporel en ma main, car il ne fault pas qu'il y en ait nul qui recule en ceste matière. Jamais l'Église de France n'avait été traitée aussi despotiquement. Nous avons vu que Balue et Harancourt furent gardés en prison sans jugement, le roi ne voulant point d'un procès en Cour de Rome. En 1480, il fit enfermer à la Conciergerie le pieux évêque de Coutances, Geoffroy Herbert, coupable d'être le principal conseiller du duc de Bourbon. Pour échapper à ses soupçons, il fallait être servile, comme ce Jean Héberge, évêque d'Évreux, dont il disait : Il est bon diable d'evesque pour à ceste heure. je ne sçay ce qu'il sera à l'avenir : il est continuellement occupé à mon service. L'Université de Paris elle-même acceptait humblement l'intrusion des officiers royaux dans son administration intérieure. Quant à l'Inquisition, Louis XI ne la voulut pas dans son royaume : les inquisiteurs qui poursuivaient les Vaudois du Dauphiné reçurent l'ordre de se tenir cois, les affaires d'hérésie devant être soumises au Grand Conseil, et il leur fallut user de subterfuges pour continuer leur œuvre.

On devine quelle liberté, même dans les périodes où Louis XI parlait si haut des droits de l'Église gallicane, était laissée aux Chapitres et aux Couvents pour la collation des prébendes et l'élection d'un évêque ou d'un abbé, et de quel poids les intérêts spirituels de l'Église pouvaient peser sur les décisions du roi[19]. Il osa donner l'archevêché de Bordeaux à Arthur de Montauban, le meurtrier de Gilles de Bretagne. Tantôt il demandait au pape une nomination d'office, et défendait aux électeurs d'intervenir, tantôt il leur adressait une recommandation impérieuse, appuyée quelquefois par une troupe d'hommes d'armes et de Francs-Archers. Ayant besoin d'un homme de confiance à l'évêché d'Angers, ville qui est fort desirée et en pays de frontière, il écrivait aux chanoines, le 13 mai 1479 :

Chers et bien amez, nous vous avons escript par deux ou trois fois que vous voulsissez eslire maistre Augier de Brye, nostre conseiller ; de quoy n'en avez riens fait. Et pour ce, incontinent ces lettres veues, eslisez-le, car pour riens ne souffririons que autre eust l'evesché que nostre dit conseillier ; car se je congnoys homme qui y voise au contraire (qui s'y oppose), je luy feray vuider le royaulme de France, et n'y aura point de faulte.

Les abbayes, comme les évêchés, devaient être à sa discrétion, et ses protégés faisaient un scandaleux cumul de gros bénéfices. Sachant que l'abbé du Bec était malade, il recommandait d'avance aux religieux la candidature de son confesseur, l'évêque d'Avranches, et ajoutait : Ne soyez pas si depourveux de sens que vueilliez proceder à l'ellection ou postulacion d'autre que de nostre dit confesseur[20]. En 1479, au moment de la conquête de la Franche-Comté, il voulut donner l'abbaye de Saint-Pierre de Melun à l'archevêque de Besançon ; les religieux s'étant permis d'élire un des leurs pour abbé, les sergents du prévôt des maréchaux pénétrèrent dans le monastère, déguisés en paysans, et enlevèrent le nouvel élu, qui fut conduit en prison à Tours garroté comme ung larron.

Pendant les trois dernières années de sa vie, Louis XI ne parla plus de la Pragmatique, et son entente avec le Saint-Siège fut complète pour la collation des bénéfices, ainsi que pour les affaires d'Italie. Son ami Julien de la Rovère, venu derechef comme légat, obtint l'élargissement de Balue (20 décembre 1480) et de Harancourt. Louis XI, peu auparavant, avait failli mourir. Son premier souci était maintenant de retarder, par tous les moyens, l'inévitable échéance, car oncques homme ne craignit tant la mort, ny ne feit tant de choses pour cuyder y mettre remède. Sixte IV lui envoya une parcelle de la peau de saint Antoine de Padoue, le corporal sur quoy chantoit monseigneur sainct Pierre, et quantité d'autres reliques, l'autorisa à s'oindre avec l'huile de la Sainte Ampoule de Reims, enjoignit à l'ermite François de Paule de se rendre au Plessis-lès-Tours, et put ainsi obtenir du roi moribond tout ce qu'il voulut.

 

IV. — MORT DE LOUIS XI[21].

EN 1479, Commynes, au retour d'une ambassade à Florence, avait trouvé Louis XI envieilly. La même année, l'envoyé milanais Visconti écrivait que le roi venait d'être longtemps souffrant, et qu'on évitait de remuer sa bile. Chaque jour, ajoutait Visconti, il devient plus solitaire, et, comme tous les vieillards qui touchent à leur déclin, plus irascible. Il n'était pas facile à un ambassadeur de l'aborder : Sa dite Majesté a fait fabriquer un grand nombre de chausse-trapes très pointues, qu'elle a fait semer tout le long des chemins qui aboutissent à sa retraite, sauf une route très étroite et fort incommode où se tiennent ses gardes, afin que personne ne puisse approcher.

Cette retraite, c'était le Plessis-lès-Tours, dont les murailles se hérissèrent de tourelles, d'aiguillons et de treillis de fer. Surtout à partir de 1482, Louis XI s'y enferma, éloigna peu à peu ses conseillers, ne supporta auprès de lui que des gens de petite condition, qui devaient tout perdre le jour où il disparaîtrait. Nul homme ne le veoit (voyait), ne parloit à luy, sinon par son commandement. Il se méfiait même de sa fille Anne et de son gendre Beaujeu, et du petit dauphin, qu'il faisait étroitement garder à Amboise. Se sachant haï des grands et même de beaucoup de menuz, il craignait qu'on ne voulût le mettre en tutelle, soubz couleur de dire que son sens ne fust pas bon ne suffisant. Afin de donner le change à ceux qui avaient encore accès auprès de lui, il avait renoncé à ses pourpoints de gros drap et dissimulait sa maigreur sous de magnifiques robes de satin cramoisi. Et faisoit plus parler de luy parmy le royaulme qu'il ne feit jamais, et le faisoit de paour qu'on ne le tinst pour mort. Il destituait des officiers, cassait des gens d'armes, multipliait les aspres pugnitions, pour faire savoir qu'il vivait. Aussi ses subjectz trembloient devant luy : ce qu'il commandoit estoit incontinent acomply, sans nulle difficulté, ne excusation. À l'extérieur, jamais sa diplomatie n'avait été plus active ni plus heureuse : sans cesse arrivaient des ambassades pour solliciter une audience du tout-puissant roi, et sembloit presque que toute l'Europe ne fust faicte que pour luy porter obeissance.

Volontairement captif dans cette estroicte prison du Plessis, il mesurait la grandeur de l'œuvre accomplie : il avait détruit la maison de Bourgogne, triomphé des grandes pratiques, trahisons et conspirations de la Noblesse, et l'annexion de la Franche-Comté, de la Provence et du Roussillon avait reculé les vieilles frontières du royaume, lequel royaume nous avons, disait-il, grâces à Dieu et par l'intercession de la très glorieuse et benoiste Vierge Marie sa mère, si bien entretenu, defendu et gouverné, que nous l'avons augmenté et accreu de toutes parts, à grand cure, sollicitude et diligence. Ni le souvenir de tant de meurtres juridiques, d'exécutions sommaires, de violences et de perfidies, ni le sentiment qu'il avait de son impopularité ne le troublaient ; il se répétait : Nous n'avons rien perdu de la couronne, mais icelle augmentée et accrue[22]. Sa conscience lui reprochait seulement d'avoir châtié trop durement Nemours ; et sa raison, d'avoir écarté, au début de son règne, presque tous les bons serviteurs de son père : le 21 septembre 1482, il réunit à Amboise une assemblée de seigneurs et de conseillers, où il fit promettre au dauphin de ne point renouveler cette imprudence.

Il avait fait, peu auparavant, un pèlerinage à Saint-Claude, pour demander au Bienheureux de lui procurer la santé, et il avait donné une vigne bourguignonne aux moines de l'abbaye, afin d'assurer spécialement la bonne disposition de son estomac. Il se sentait perdu, mais, dit Commynes, son grand cueur le portoit. Il était hydropique, et il avait eu deux attaques de paralysie, en 1480 et en 1481. Enfin, à tort ou à raison, il croyait avoir la lèpre, car il fit quérir en 1483 deux remèdes qu'on préconisait pour la guérison des lépreux : l'anneau de saint Zanobi, relique florentine, et du sang de tortues des îles du Cap Vert[23]. Tous ces maux, il les supportait sans se plaindre, et ne demandait qu'une chose : vivre, pour continuer à régner. Il était entouré d'une nuée d'astrologues, de médecins et de charlatans, dont il payait sans compter les pronostications et les panacées. Il fit de son premier médecin, le brutal et avide Jacques Coitier, un des plus riches et des plus puissants personnages du royaume. Mais surtout il prodigua les cadeaux à ses patrons célestes, occupa tout le Clergé du royaume à dire des messes et à faire des processions. Il contraignit à venir au Plessis deux saints dont les prières passaient pour toutes-puissantes, frère Bernardin, de Doullens, et l'ermite calabrais François de Paule.

Le 25 août 1483, il dut prendre le lit, et bien qu'il eût demandé à son entourage de ne jamais luy prononcer ce cruel mot de la mort, Coitier lui dit : Il en est faict de vous. Le roi, ajoute Commynes, endura vertueusement cette cruelle sentence, et toutes aultres choses, jusques à la mort, et plus que nul homme que j'aye jamais veu mourir. Il envoya à son fils les sceaux, sa vénerie, sa fauconnerie, une partie des archers de sa garde ; il donna au sire de Beaujeu toute la charge et gouvernement dudict roy son fils, demanda qu'on tint le jeune Charles à l'abri des mauvais conseils et qu'on évitât toute guerre pendant cinq ou six années. Sur son ordre, Pierre de Beaujeu, sans plus attendre, partit pour Amboise. Louis XI laissa entrer aussi dans sa chambre Pierre de Rohan, maréchal de Gié : c'était un de ces Bretons qu'il avait attirés à son service, tout en se méfiant d'eux ; comme Pierre de Rohan lui offrait un cordial, le roy lui dist qu'il n'en vouloit point, et qu'il avoit trop d'amis en Bretaigne. Il s'exprimait, dit Commynes, aussi sec comme si jamais n'eust esté mallade, et incessamment disoit quelque chose de sens. Mêlant à ses prières des instructions politiques, il parla, parla toujours, jusqu'au moment où la mort vint lui fermer les lèvres, le 30 août, vers sept heures du soir. Par sa volonté, il fut enterré très simplement, non point à Saint-Denis, mais dans l'église de Cléry, qu'il avait édifiée en l'honneur de Notre-Dame, sa suzeraine.

 

 

 



[1] SOURCES. Ordonnances, t. XV à XIX, 1811-1835. Lettres de Louis XI. Pilot de Thorey, Catalogue des actes de Louis XI relatifs au Dauphiné, 1899. Fortescue, De laudibus legum Angliæ, édit. Amos, 1825 ; Governance of England, édit Plummer,1885. Voir aussi le Journal des États généraux de 1484, par Jean Masselin, et, en Appendice, le Cahier des États, éd. A. Bernier, 1835.

OUVRAGES À CONSULTER. Il n'y a pas d'étude d'ensemble, ni, hormis l'excellent ouvrage de M. Sée, Louis XI et les villes, 1891, d'études spéciales ; mais on consultera avec profit les travaux relatifs aux institutions de la France, surtout ceux de MM. Aubert, Picot, Dognon, Spont, Flammermont et les biographies citées livre III, ch. I, § 2.

[2] Texte (en latin) publié par De Maulde, La diplomatie au temps de Machiavel, t. I, p. 60, n. 2.

[3] Le problème monétaire préoccupa vivement Louis XI. Voir les Ordonnances, notamment t. XVI, p. 471 ; t. XVII, p. 14, 362, 534, 597, 619, 621 ; t. XVIII, p. 143 ; Un registre de la monnaie de Toulouse, pièces publ. par C. Douais, Annales du Midi, 1899.

[4] Aux termes du procès-verbal, étaient présents : les conseillers du roi, vingt-huit seigneurs et les mandataires d'une foule d'autres nobles, enfin les représentants de soixante-quatre bonnes villes, qui auraient élu chacune un clerc et deux laïcs. En réalité, le mode d'élection fut variable selon les villes. Voir P. Viollet, Élection des députés aux États Généraux réunis à Tours en 1468 et en 1484, Bibl. de l'École des Chartes, 1866.

[5] Sur leur histoire, encore mal connue pour cette époque, consulter notamment l'Histoire du Languedoc, nouv. édit., t. XII, 1889, Preuves ; Collection de documents publ. par la Soc. acad. de l'Aube, t. I, 1878 ; Comptes de Riscle, édit. Parfouru, t. I, 1886 ; Lettres de Louis XI, t. II, p. 156, 298 ; Pilot de Thorey, Catalogue (voir la table aux mots ÉTATS, FINANCES) ; les textes cités dans les travaux de MM. Sée, Dognon, Spont ; G. Dupont, Hist. du Cotentin, t. II, 1885.

[6] Il y eut à ce sujet d'incroyables esclandres à la Cour des aides de Paris, en 1468 ; c'est ainsi que Compains et Sabrevoys battirent maistre Charlot Cadier le première fois qu'il entra en la Chambre, après son institution, et tellement qu'il cria au meurtre (Rapport publié dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, 2e série, t. V, 1848-1849, p. 65-66).

[7] Sur le procès entre Commynes et les La Trémoille au sujet de la principauté de Talmont, et l'attitude du Parlement, voir Kervyn de Lettenhove, Lettres et négociations de Philippe de Commines, t. I, p. 100 et suiv.

[8] Sur ces procès politiques, voir les travaux de Douët d'Arcq, Forgeot, B. de Mandrot, P.-M. Perret, cités livre III, ch. I, § 2, ch. II, § 1 et ch. III, § 1. Fougère des Forts, Pierre d'Oriole, Positions des thèses de l'École des Chartes, 1891. Le connétable de Saint-Pol et le prince d'Orange furent jugés régulièrement par le Parlement.

[9] Cette section comprenait les juristes du Conseil, auxquels s'adjoignaient une douzaine de magistrats et de clercs qui ne faisaient point partie du Conseil politique. Elle s'appellera plus tard Grand Conseil, par opposition au Conseil politique, appelé Conseil étroit. Louis XI donne le nom de Grand Conseil tantôt au Conseil tout entier, tantôt à la section judiciaire. Cf. l'étude de M. Noël Valois, citée livre II, ch. V, § 1, et ses articles dans la Bibl. de l'École des Chartes, 1883.

[10] P. Dognon, Annales du Midi, 1898, p. 470 et suiv., a publié le premier arrêt en forme, issu du Grand Conseil, dont nous ayons le texte, arrêt rendu contre un seigneur assassin et pillard (1481).

[11] L'assignation du trésorier des guerres est de 907.362 livres en 1470 ; de 1.028.015 livres en 1473 ; de 2.70.000 livres en 1483.

[12] Sur les Francs-Archers : études de Spont et de Bonnault d'Houët, citées livre I, ch. V, § 1. P. Laurent, Les Francs-Archers de Mézières, Revue de Champagne, t. XXIV, 1889. Flammermont, Institutions municipales de Senlis, 1881.

[13] D'après Spont, Ann. du Midi, 1890, p. 498 ; 1891, p. 489-490. On vu que Charles VII se contentait d'un revenu total de 1.800.000 livres. — Charles VIII et Louis XII ne lèveront point, malgré les guerres d'Italie, de taille supérieure à 3.300.000 livres.

Budget royal à la mort de Louis XI : Domaine : 100.000 livres. Aides et gabelles : 655.000 livres. Taille : 3.900.000 livres. Total 4.655.000 livres.

[14] OUVRAGES À CONSULTER. Sur la Noblesse à la fin du règne, outre les ouvrages cités de Dupuy, Lecoy de La Marche, De Maulde, Samaran : A. Luchaire, Alain le Grand, sire d'Albret, 1879. A. Bardoux, Les grands baillis au XVe siècle, Jean de Doyat, Rev. histor. de droit franç. et étranger, t. IX, 1863. Perret, Boffille de Juge, Ann. du Midi, 1891 (pour le procès de René d'Alençon). Lecoq de La Marche, Louis XI et la succession de Provence, Rev. des Quest. hist., t. XLIII, 1888 — H. Sée, Louis XI et les villes, 1891. A. Giry, Les Établissements de Rouen, 1883-1885. — Sur la politique économique de Louis XI, outre les ouvrages généraux indiqués livre II, ch. I, §§ 3 et 5 (notamment ceux de H. Hauser et de R. Eberstadt) : V. de Valous, Etienne Turquet et les origines de la fabrique lyonnaise, 1868. Ariel Mouette, Dix ans à Tours sous Louis XI, 1890. J. Vaesen, La juridiction commerciale à Lyon sous l'ancien régime, 1879. De Maulde, Un essai d'exposition internationale en 1470, Comptes rendus des séances de l'Acad. des Inscr., 3 mai 1889. De La Roncière, Première guerre entre le protectionnisme et le libre-échange, Rev. des Quest. hist., t. LVIII, 1895.

[15] Bulletin historique et philologique, 1889, p. 124. Cf. André de Bellecombe, Histoire des seigneurs de Montpezat et de l'abbaye de Pérignac, 1898.

[16] Procès-verbal d'une assemblée de gens entendus de onze bonnes villes, à Tours, le 14 février 1482, Hist. du Languedoc, nouv. édit., t. XII, Preuves, p. 216.

[17] Ces desseins, ainsi que celui de convoquer prochainement les États Généraux, furent exposés aux députés des villes venus en Touraine à l'occasion de l'arrivée de la fiancée du dauphin. Voir Aug. Thierry, Monum. inéd. de l'Hist. du Tiers État, t. II, p. 409 ; Jehan Foulquart, Mémoires, Rev. de Champagne. t. I, 1876, p. 421 ; le récit du délégué de Clermont, dans A. Bardoux, Rev. hist. de droit franç. et étranger, t. IX, 1863, p. 31. Cf. Commynes, édit. Dupont. t. II, p. 209. En 1480, Louis XI avait ordonné à tous les baillis et sénéchaux d'envoyer à la chancellerie les coustumes et stilles de leurs dis bailliages, pour en faire une costume nouvelle (Quittance publ. par L. Delisle dans la Nouv. Rev. hist. de Droit, t. XVIII, 1894, p. 535).

[18] SOURCES ET OUVRAGES À CONSULTER. Les Lettres de Louis XI constituent une source particulièrement précieuse. Ouvrages de Pastor, Creighton, Rocquain, Perret, Delaborde, cités. H. Chassériaud, La Pragmatique Sanction sous le règne de Louis XI, Positions des thèses de l'École des Chartes, 1897. Ch. Fierville, Le cardinal Jean Jouffroy et son temps, 1874. Hey, Louis XI et les états pontificaux de France, 1899. Rashdall, The Universities of Europe in the middle ages, t. I, 1895. Arnaud, Louis XI et les Vaudois, Bull. hist. et philol., 1895. Douët d'Arcq, Élection contestée d'un abbé de Saint-Pierre de Melun, Bull. de la Soc. de l'Hist. de Paris, t. V, 1878. Sur la croisade : H. Vast, Le cardinal Bessarion, 1878 ; J. Philippe, Guillaume Fichet, 1892.

[19] Louis XI s'intéressa, il est vrai, en 1462, à la réforme de l'Ordre de Cluny (Ordonnances, t. XV, p. 548). Mais la décadence morale de l'Église, sous son règne, ne fit en général que s'accentuer. Voir notamment Martial d'Auvergne, Vigilles de Charles VII, édit Coustelier, t. II, p. 23 et suiv. ; Livre de raison de B. Gros, Bull. hist. et philol., 1889, p. 123. Cf. les biographies de Jean Balue, par Forgeot, 1895, et de Louis de Rochechouart, par C. Couderc, Rev. de l'Orient Latin, t. I, 1893.

[20] Lettre du 22 mars 1476 ; l'abbé étant mort le 4 mai, les religieux, inspirés tous ensemble par le suprême Créateur lui-même, par la voie du saint Esprit et de l'Inspiration divine, assure le bon chroniqueur du Bec, subitement, immédiatement et incontinent unanimement, d'accord, d'une seule voix, d'un seul esprit. sans aucune dissidence, et sans qu'aucune convention intervint, élurent le confesseur de Louis XI.

[21] SOURCES ET OUVRAGES À CONSULTER. À l'admirable récit de Commynes, il faut ajouter les lettres de Dimanche du Raynier et de M. de Pompadour, publ. dans le Journal de l'Institut historique, t. I, 1834, et dans les Arch. histor. de la Gironde, t. VI, 1884, et les docum. édités dans le Bull. du Comité des Trav. historiques et scientif., Section d'Histoire, 1884. p. 82-88. Les Annales et les Lettres de Gaguin, ainsi que les récits hagiographiques concernant saint François de Paule, donnent des renseignements douteux. — L. Jarry, Hist. de Cléry, 1899. Dr Chéreau, Les médecins de Louis XI, Union médicale, nouv. série, t. XV, 1862 ; Jacques Coitier, Bull. de la Soc. d'Agric. de Poligny, t. XXXIII et XXXIV, 1892-1893.

[22] Instructions du dauphin, 21 septembre 1482 (Ordonnances, t. XIX, p. 56-60).

[23] A. Desjardins, Mémoire sur la politique extérieure de Louis XI.— De La Roncière, Hist. de la marine française, t. II, p. 391 et suiv.