HISTOIRE DE FRANCE

TOME QUATRIÈME — LES PREMIERS VALOIS ET LA GUERRE DE CENT ANS (1328-1422).

LIVRE V. — LES LETTRES ET LES ARTS.

CHAPITRE PREMIER. — LA VIE LITTÉRAIRE[1].

 

 

I. — ÉCOLES ET UNIVERSITÉS[2].

LE XIVe siècle, où la vie politique et sociale a été si profondément troublée, fut, cependant une époque de grande activité intellectuelle.

Les écoles étaient nombreuses à tous les degrés. On en trouvait dans de très petits villages, qui donnaient un enseignement primaire : écriture et lecture, un peu de grammaire, de comput et de liturgie. Il est à croire du reste qu'avec les troubles profonds du commencement du XVe siècle, beaucoup de ces humbles écoles disparurent, pour ne renaître que fort longtemps après, parfois même seulement en notre siècle.

Dans les villes, les églises paroissiales, les chapitres, les monastères avaient, d'ordinaire, leurs écoles. La plupart des écoliers ne dépassaient guère l'étude de Donat, c'est-à-dire des rudiments de la grammaire. Mais, dans certaines écoles capitulaires, par exemple celles de Notre-Dame de Paris, on lisait après le Donat, le Doctrinal d'Alexandre de Villedieu, autre manuel de grammaire, et les poètes profanes et chrétiens ; on y apprenait les difficultés grammaticales, la syntaxe et la prosodie, puis la rhétorique et des formules de correspondance ; on terminait par des éléments de logique. On y étudiait aussi avec soin le chant sacré. Tout était appris par cœur. Dans les écoles de Chartres, si fameuses depuis le temps de l'évêque Fulbert, au XIe siècle, des professeurs ès arts enseignaient les humanités ; des maîtres, la médecine ; des lecteurs, la théologie. Il y avait aussi des cours de droit, et même l'enseignement du droit canon était l'honneur des écoles chartraines.

Mais la haute culture était surtout donnée dans les Universités, qui, jusque vers le milieu du XIVe siècle, ont continué à développer leur organisation et leur enseignement. A Montpellier, les deux Universités de Médecine et de Droit venaient d'acquérir leurs statuts généraux. A Toulouse, les arts, le droit civil et canon, la théologie même étaient régulièrement enseignés. Les Universités d'Orléans et d'Angers, malgré une histoire souvent troublée, étaient en pleine renommée pour les études littéraires et le droit civil. Celle d'Avignon venait de naître, et bénéficiait du voisinage de la Papauté.

L'Université de Paris dépassait toutes les autres par le nombre de ses étudiants, l'étendue de ses privilèges, la qualité de ses études et la gloire de ses maîtres. Ses décisions faisaient loi pour les consciences ; elle était Ratio dictans in ecclesia, la Raison enseignant dans l'Église. Elle et le Pape étaient les deux lumières du monde, Papa et Universitas Parisiensis, duo lumina mundi. On disait que Minerve, la Sagesse, après avoir habité Athènes, puis Rome, était venue se fixer à Paris. Gerson appelait l'Université notre Paradis terrestre, auquel était l'Arbre de la science du bien et du mal.

Sur les pentes de la Montagne Sainte-Geneviève habitaient par centaines ses maîtres, par milliers ses écoliers et ses suppôts ; elle y faisait vivre de nombreux gens de métier. Le rôle de la Faculté des Arts donne, en 1349, cinq cent deux maîtres régents ; celui de 1403, sept cent quatre-vingt-dix, et encore est-il incomplet. Au synode de Paris de 1406, Jean Petit parlait de mille maîtres ès arts, et un assistant l'interrompait pour dire deux mille. Il y avait vers ce temps plus de deux cents maîtres, docteurs, licenciés ou bacheliers formés en théologie et en décret. On ne saurait déterminer le nombre des étudiants. Juvénal des Ursins dit sérieusement à propos d'une procession de 1412 : Et en fit une l'Université de Paris jusqu'à Saint-Denis, et quand les premiers étaient à Saint-Denis, le recteur était encore à Saint-Mathurin rue Saint-Jacques.

L'Université de Paris était très vivante. Dans les assemblées générales, dans les facultés et les nations, tout était mis en délibération, discuté, décidé : les études, la discipline, les revenus et les dépenses. Saint-Julien-le-Pauvre, Saint-Bernard, et surtout le cloître des Mathurins se remplissaient le matin, après la messe, de maîtres, de bacheliers, d'étudiants qui venaient aux réunions. Dans certaines rues, il n'y avait point de maison sans école ; de tous côtés, s'élevaient les bâtiments plus imposants des collèges ; partout on enseignait, on discutait. La vie se passait en longs commentaires d'auteurs, en argumentations, en disputes, selon le mot consacré. Il y avait des séances solennelles d'argumentation à la Faculté des Arts, dans les collèges de Navarre et de Sorbonne, où ces exercices se prolongeaient, même pendant les vacances. C'est au commencement du siècle qu'on rapporte l'institution de la soutenance dite Sorbonique, où l'auteur devait soutenir une thèse durant douze heures. L'Université n'avait jamais paru avoir autant d'activité intellectuelle.

Déjà cependant se manifestent des signes certains de décadence. La gloire de l'Université de Paris, c'était sa Faculté de théologie ; jusqu'assez avant dans le XIVe siècle, elle fut, pour ainsi dire, la seule école théologique officielle de la chrétienté : il semblait que l'unité de la foi voulût une école unique. La Papauté accepta longtemps cette idée, et Gerson encore l'affirmait. Or, dans cette faculté, illustre par-dessus toutes les autres, de graves abus s'introduisaient. Les épreuves qui menaient à la maîtrise étant longues, difficiles, les candidats cherchèrent à s'en dispenser. La licence ne devait être accordée que tous les deux ans : des examens furent autorisés pendant les vacances, comme en cachette. De plus, elle fut obtenue par protection, moyennant dispense pontificale, et même moyennant argent ; le chancelier de Notre-Dame la conférait ex gratia. Enfin les papes permirent l'octroi de la licence dans les autres Universités, et même dans des villes où il n'y avait pas d'Université, ce qui parut scandaleux : Cur non in stabula porcorum ? Pourquoi pas dans des étables à porcs ? disait-on. Ainsi le grade de maitre en théologie fut accessible aux sots, aux paresseux, à ceux qu'effrayaient les épreuves de Paris, ou qui y avaient échoué.

Il semble que ce monde universitaire ne soit plus dirigé. Le chancelier de Notre-Dame avait encore autorité sur les écoles ; mais, outre que cette autorité était toujours contestée, l'office de la chancellerie fut trop souvent mal occupé. De 1370 à 1389, Jean de la Chaleur fut obligé de rétracter plusieurs erreurs ; Nicolas de Saint-Saturnin, cardinal, absorbé par d'autres affaires, fut tout à fait indifférent et négligea même de conférer la licence ; Jean Blanchart la conféra trop, et se fit payer ; Jean de Guignicourt décerna les plus hauts grades de théologie pendant quatre ans, bien qu'il ne Mt que bachelier. A partir de 1389, Pierre d'Ailli et Gerson, malgré leur zèle, furent trop mêlés aux luttes politiques pour avoir une autorité efficace.

La multiplication des collèges fut de plus en plus nuisible aux études. Une trentaine de nouveaux s'ajoutèrent à ceux du nue siècle ; dans les premières années du XVe siècle, le nombre des bourses s'éleva à cinq cent soixante. On recevait aussi dans les collèges des élèves payants. La richesse de ces établissements, l'importance de leurs bourses, les prétentions de quelques-uns à la supériorité rompirent l'unité et l'égalité, et restreignirent la féconde liberté d'autrefois. Les écoles, qui jadis naissaient spontanément, grandissaient et mouraient, devinrent moins nombreuses, et furent moins fréquentées ; l'Université ne fut plus renouvelée et rajeunie comme par le passé ; les études perdirent beaucoup en variété et en originalité. Enfin, les couvents, qui avaient conquis leur place au milieu des écoles séculières, ceux des Dominicains, des Franciscains et des Augustins tirèrent à eux une forte partie de l'activité universitaire. On rechercha ces maisons calmes et disciplinées, où la vie était plus studieuse.

L'Université a déjà tant travaillé et tant discuté qu'elle en est épuisée. La science du divin agitait, depuis deux siècles, les écoles parisiennes. On y avait manié toutes les armes de la dialectique antique, perfectionnée par des clercs subtils et orgueilleux. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, à quelques années de distance, on avait vu Thomas d'Aquin enseigner que la théologie est une science, que la raison peut rendre compte de la religion, et la foi être prouvée par le raisonnement ; puis Duns Scot, soutenir que la raison ne saurait expliquer Dieu, qu'il n'y a de refuge pour l'esprit que dans l'autorité, et que, par suite, la théologie n'est que l'art de préparer le salut ; ce qui n'empêchait pas, du reste, le Docteur Subtil de raisonner à l'infini, et de multiplier les abstractions et les entités. Au fond, les méthodes officielles avaient donné tout ce qu'elles pouvaient produire. Et puis, les maîtres de la scolastique avaient disparu : Albert le Grand, en 1280, Thomas d'Aquin, en 1274, Bonaventure, la même année, Roger Bacon vers 1292, Duns Scot en 1308. Désormais, le savoir est condensé, figé dans des Sentences comme celles de Pierre Lombard, dans des Specula comme ceux de Vincent de Beauvais, ou des Sommes comme celles de Thomas d'Aquin. Il ne reste plus qu'à lire et à commenter ; on ne pouvait faire le compte des commentaires et des gloses sur les Sentences de Pierre Lombard. Encore les discussions sont-elles gâtées et rabaissées par la lutte des ordres mendiants, Franciscains et Dominicains, qui y transportent leur rivalité sans fin. Les uns étaient Thomistes, les autres Scotistes ; ils dogmatisaient à l'infini, et se perdaient dans d'insipides redites, dans les barbouillamenta Scoti.

Ainsi se préparait la ruine des grandes synthèses scolastiques, qui avaient fait la gloire du XIIIe siècle. Elles avaient cherché par la raison à trouver les vérités transcendantes et à expliquer logiquement Dieu, l'Univers, et la connaissance que nous en avons. Mais, dans la première moitié du XIVe siècle, reparaît avec plus de force la doctrine de Duns Scot. Durand de Saint-Pourçain, surtout Guillaume d'Ockam, Anglais et franciscain, qui enseigna à l'Université de Paris vers 1320 et mourut vers 1347, après une vie agitée, portent à la Scolastique le coup de grâce. Ockam, le Docteur Invincible, enseigne, avec une logique impitoyable, que les connaissances de l'homme se bornent à ce que lui fournit l'expérience ; les idées générales, les concepts universels, ne sont que les signes de notre connaissance et n'ont d'autre existence que celle que leur donne notre esprit. Par suite, la théologie n'est pas une science ; elle a pour objet des articles de foi qu'il faut accepter comme révélés, sans essayer de les démontrer par le raisonnement ; car on ne sait où peut mener la raison, avec des propositions qui ne sont pas évidentes en elles-mêmes. Et donnant aussitôt la preuve dans son Centilogium, Ockam montre pour cent propositions les conséquences hérétiques. Sa théologie réduit la raison à l'absurde et l'oblige à capituler. Sa philosophie se confine dans une sorte d'idéalisme, très dangereux, dans ses conséquences, pour la science du Moyen Age.

La Scolastique était condamnée à une déchéance qui devait se prolonger misérablement. La liste des erreurs et des propositions suspectes, qui ont occupé l'Université au XIVe siècle, est encore longue ; mais, depuis le milieu du siècle, ce sont d'ordinaire des paradoxes enfantins et fantaisistes, nés dans des esprits médiocres, qui veulent faire du bruit. A la fin du siècle, le silence se fit peu à peu. A part la question de l'Immaculée Conception mise de nouveau en discussion par le dominicain Jean de Monzon, l'activité doctrinale semble s'éteindre. Après les affirmations de Scot et d'Ockam, les grands esprits dans l'Université se tournent de nouveau vers le mysticisme. L'Imitation de Jésus-Christ, si elle est de ce temps, s'annonce dans les premières pages comme l'aveu d'une âme désillusionnée, qui ne cherche plus la vérité que dans les effusions de l'amour divin. Pierre d'Ailli renouvelle le mysticisme de Saint-Victor. Gerson, médiocre philosophe, mais fidèle disciple du pieux Bonaventure, décrit dans ses traités mystiques, les divers états de l'âme, naïvement ravie en Dieu.

Même décadence dans presque toutes les autres études. Seule la médecine prospéra. La Faculté de Décret de Paris resta toujours inférieure à celle d'Orléans. La Faculté des Arts était de plus en plus étrangère à la vraie culture littéraire. Les documents universitaires, par leur incorrection, montrent l'abaissement des études. Le latin des écoles ne cessait de se pervertir. A la fin du siècle, une réforme fut tentée : l'élégant Nicolas de Clamanges, humaniste de grand zèle, essaya de relever les études classiques, mais il appartenait à un petit groupe d'esprits raffinés et puristes, qui fut impuissant.

L'influence de l'Université dans l'Église et dans l'État ne doit pas faire illusion. Les circonstances qui la permirent étaient transitoires, et, d'ailleurs, elles firent grand tort aux études. L'Université souffrit de tous les malheurs du temps, de la difficulté des communications, des émeutes, des sièges. Elle fut divisée par les guerres civiles. Ce fut un honneur pour elle de travailler à l'œuvre, vaine du reste, de la réforme cabochienne ; mais elle entra dans les partis. Elle fut menée par la politique au parti bourguignon, l'abandonna forcément quand les Armagnacs rentrèrent dans Paris, puis y retourna pour longtemps, quand il fut devenu le parti anglais, en 1418. Elle harangua respectueusement Henry V, héritier de France. Elle condamnera Jeanne d'Arc. Dans la capitale du royaume, cette grande école universelle, comme insensible aux réalités vivantes, n'eut pas le sentiment national.

Le Schisme aussi lui fut funeste. Les affaires de l'Église romaine la passionnèrent ; pendant près de quarante ans, argent, talent, activité furent dépensés dans cette querelle. Les docteurs les plus fameux abandonnèrent leur enseignement, pour prêcher devant le roi, ou pour aller en ambassade à Avignon, à Rome, aux conciles, à travers tout le monde chrétien. Les études furent désertées par ceux qui en faisaient la gloire.

Enfin de nombreuses universités étrangères s'établissaient. La théologie n'était d'abord enseignée qu'à Paris et à Oxford ; elle le fut bientôt à Toulouse, à Bologne, à Pise, à Florence, à Prague, à Vienne, même avant le Schisme. Le Schisme en fit éclore de nouvelles. Elles étaient fondées à l'image de Paris ; mais elles lui firent concurrence, et l'exode même des étudiants parisiens assura leur fortune.

 

II. — LA LITTÉRATURE ET LA SOCIÉTÉ LAÏQUE[3].

DANS la société laïque, le goût des choses de l'esprit se développa singulièrement.

Les rois donnèrent l'exemple. Philippe VI achetait volontiers des livres. Sa femme Jeanne de Bourgogne fut la protectrice de tous les savants qui approchaient de la cour ; des traductions, une encyclopédie, des fables, un roman, lui ont été dédiés. Jean le Bon, leur fils, avait été élevé au milieu des beaux manuscrits, bien écrits et bien enluminés. Par ses soins, de grandes entreprises littéraires comme des traductions de Tite-Live et de la Bible furent commencées. Il emportait des livres dans ses bagages de guerre. Lorsqu'il vit Pétrarque, il voulut le retenir à sa cour. Nous savons que Charles V fut un lettré et un intellectuel. Avec plus de légèreté et d'insouciance, Charles VI continua les traditions paternelles. De 1380 à 1411, environ deux cent dix volumes entrèrent à la Bibliothèque du Louvre. Les fêtes de sa cour excitèrent la verve des poètes et l'activité des organisateurs de mystères.

Les frères de Charles V eurent comme lui de très belles collections de livres. Le duc de Berri en particulier fut un amateur très éclairé. Tous les écrivains comptaient sur sa curiosité et sa générosité. Aymeri du Peyrat lui fit hommage de ses Lamentations sur la mort de Charlemagne ; Jacques le Grand lui adressa son Livre de bonnes mœurs. C'est pour lui, ou, du moins, sur sa demande, que Jean Courtecuisse traduisit le traité de Senèque sur les Quatre Vertus, Pierre Leraut le livre espagnol des Formes, figures et images qui sont aux cieux, Jean d'Arras, l'histoire fabuleuse de Lusignan, et Laurent de Premierfait le Cas des nobles hommes et femmes de Boccace. Christine de Pisan lui offrit presque tous ses ouvrages[4]. Philippe le Hardi et son fils Jean sans Peur furent les protecteurs de Gerson, de Martin Porée, de Jean Petit, surtout de Christine de Pisan. Le duc de Bourbon se fit traduire le De Amicitia et le De Senectate de Cicéron. Le duc d'Orléans occupa neuf traducteurs à une nouvelle version de la Bible. Christine de Pisan, Honoré Bonet, Jacques le Grand, Eustache Deschamps furent honorés de ses bonnes grâces. Christine assistait aux fêtes qu'il donnait et en a laissé une gracieuse description. Deschamps était invité aux débauches du prince.

Ce goût des lettres fut répandu dans toute la société féodale. Froissart n'a eu qu'à se présenter avec ses chroniques et ses poésies pour gagner la faveur de Robert de Namur, de Wenceslas de Brabant, de Gui de Blois, du comte de Foix. Christine de Pisan a compté parmi ses admirateurs et bienfaiteurs la comtesse de Montpensier, Charles d'Albret, le sénéchal de Hainaut, le second maréchal Boucicaut et bien d'autres. Le prévôt de Paris, Guillaume de Tignonville, était en relation avec tous les esprits éminents de son temps et passait pour bon juge en littérature. Le Castillan Diaz de Gamez nous a laissé, dans le Victoria !, la description de la belle vie seigneuriale que menait, aux portes de Gisors, l'amiral Renaud de Trie : dans la journée, d'ordinaire le matin, pendant de paisibles promenades sur belles haquenées que conduisait madame l'Amirale, on pouvait entendre chanter par des voix diverses et bien accordées lais, deslais, virelais, chants, rondeaux, complaintes, ballades et toutes les sortes de chansons que les Français savent composer par grand art. Je vous déclare que, si celui qui s'y voyait eût pu le faire toujours durer, il n'aurait pas voulu autre paradis.

La haute bourgeoisie suivait l'exemple. Il n'y eut pas, sous Charles VI, d'amateur plus éclairé que Gontier Col, secrétaire royal, de bonne bourgeoisie de Senlis. Bureau de Dammartin tenait en son hôtel à Paris un bon clerc de Champagne, Laurent de Premierfait, et un cordelier frère Antoine d'Arezzo qui, à eux deux, traduisaient le Décaméron de Boccace. Le brave riche bourgeois qui a écrit le Ménagier de Paris connaissait Tite-Live, Josèphe, le Songe de Scipion, saint Jérôme, saint Augustin, saint Grégoire, Pétrarque, le Roman de la Rose. Bon nombre de villes, surtout au Nord du royaume, avaient organisé des concours poétiques ; des représentations de miracles y étaient données par des sociétés et des confréries comme le Puy d'Amour d'Abbeville, le Puy de Notre-Dame d'Amiens, le Puy d'Arras, le Puy des Palinods de Rouen.

Les principaux écrivains appartiennent à la société laïque. Les poètes Eustache Deschamps, Christine de Pisan, les écrivains politiques et moralistes Philippe de Mézières, Guillaume de Tignonville, l'auteur du Ménagier de Paris, l'historien Pierre d'Orgemont sont des laïques. Les écrivains qui sont pourvus de dignités ecclésiastiques ont plus vécu dans les cours et près des princes que dans l'Église. Philippe de Vitri, chanoine prébendé de six églises, avait été secrétaire royal sous Charles le Bel ; Philippe VI le nomma maître des requêtes de l'Hôtel ; Jean de Normandie l'appela à son conseil et le fit son secrétaire et son maître des requêtes. Guillaume de Machaut resta longtemps secrétaire du roi de Bohême, Jean l'Aveugle, et suivit son aventureux maître en Thuringe, en Bavière, en Silésie, en Pologne, en Lithuanie, en Prusse, en Lombardie. Lorsque Jean l'Aveugle eut été tué à Créci, Machaut fut quelque temps secrétaire de Jean le Bon. Devenu chanoine de Reims, il resta en relations avec les princes, toujours aimé et admiré. Au reste, presque tous les bons auteurs du siècle ont eu des offices dans l'administration royale, ou dans les hôtels princiers : Deschamps, d'abord simple messager, devint huissier d'armes du roi, puis bailli de Valois, châtelain de Fismes, maitre des eaux et forêts et enfin, plus tard, général des finances, ce qui était une très haute charge. Christine de Pisan avait épousé un notaire du roi ; son fils était attaché à la cour de Bourgogne. Pierre d'Orgemont était chancelier de France, Jean de Beaudribosc, dit de Montreuil, secrétaire du roi, Nicolas Oresme, conseiller de Charles V, Jean Petit, conseiller du duc de Bourgogne.

La noblesse ne se contentait pas de goûter la littérature ; elle s'y essayait. De nobles auteurs composèrent des ouvrages didactiques : Geoffroi de Charni traita de la chevalerie ; Tignonville réunit les Dits des philosophes ; Philippe de Mézières écrivit sur la religion, la politique, le droit public et la morale ; Jean le Bel, qui avait fait des vers dans sa jeunesse, rédigea dans sa vieillesse les Vraies Chroniques. La poésie fut une des distractions favorites des plus grands seigneurs. A la fin du XIVe siècle, l'avènement d'une nouvelle génération avide de plaisir, le ralentissement de la guerre anglaise, les fêtes et les loisirs de la vie princière, la facilité des intrigues sentimentales mirent à la mode les jeux d'esprit, où les gentilshommes luttaient de subtilité et de raffinement avec les poètes de profession. Dans les premières années du XVe siècle, la Cour amoureuse de Charles VI avait des ministres qui présentaient, aux jours d'assemblée, des ballades et autres pièces. C'est dans l'entourage des deux ducs Louis et Charles d'Orléans, que les gentilshommes poètes furent le plus nombreux. Un seigneur de la Suisse romande, Oton de Granson, a été loué et imité par Chaucer, qui le déclarait la fleur de ceux qui font des vers en France. Il est resté de lui trente-six petits poèmes, où il a exprimé ses plaintes amoureuses en vers touchants et gracieux. En général, cette poésie de cour est de forme mondaine, d'élégance froide et subtile, dans sa casuistique sentimentale. L'œuvre qui en donne le mieux l'idée est le Livre des Cent Ballades, composé sans doute en Orient par Jean le Sénéchal, sénéchal du comte d'Eu, durant les longs loisirs d'un pèlerinage et d'une captivité.

 

III. — LES INFLUENCES[5].

LE XIVe siècle a vécu en grande partie sur le fonds intellectuel que lui avaient légué les siècles précédents[6].

Le XIIIe siècle, à part quelques esprits tout à fait supérieurs et exceptionnels, comme Roger Bacon, avait été à la fois raisonneur et affamé d'autorité. La grande source de l'autorité, à côté des livres saints et des œuvres des Pères, avait été l'Antiquité. Les esprits cultivés du XIVe siècle, comme Pierre Bersuire, Nicolas Oresme, Jacques le Grand, Nicolas de Clemanges, Jean de Montreuil s'attachèrent plus passionnément encore à la connaissance de la littérature antique.

Ce zèle pour l'Antiquité fut entretenu par le voisinage de la cour pontificale d'Avignon et les relations avec l'Italie. Malgré l'invasion du Sacré Collège par les Limousins, la Curie comptait encore de nombreux Italiens ; elle était en rapports constants d'idées et d'affaires avec l'Italie entière. S'il n'y avait point eu de pape à Avignon, Pétrarque sans doute ne serait point venu s'y établir ; il n'eût point exercé sur les esprits d'élite cette fascination, qui est très sensible chez des hommes comme Bersuire, Philippe de Vitri, Philippe de Mézières, Jean de Montreuil. D'autre part, la cour de France était étroitement alliée avec les Visconti de Milan ; on y voyait souvent des Italiens, grands humanistes. Les relations avec Gènes, Venise, Pise, surtout Florence, la politique de la maison d'Anjou dans le royaume de Naples, les affaires du Schisme multiplièrent les négociations et les allées et venues. Philippe de Mézières, Guillaume Fillastre, Jacques le Grand, Jean de Montreuil ont fait le voyage d'Italie ou même ont séjourné au delà des monts ; Bersuire, Oresme, Gontier Col, Muret, Gerson, Nicolas de Clamanges ont fréquenté la cour d'Avignon. Par toutes ces voies, l'esprit de l'Antiquité et celui de l'Italie pouvaient pénétrer en France.

Alors nos écrivains se trouvèrent en face d'idées qui n'avaient pas encore leur expression suffisante dans la langue française. Le besoin de créer des mots fut surtout grand pour les traducteurs. Oresme a fait à ses lecteurs la confidence de ses embarras philologiques : dans le Traité sur la sphère, il a été souvent obligé de transcrire du latin des mots savants, en leur donnant une terminaison qui les habillait à la française. Il s'en est excusé et il a mis à la fin de son manuscrit un lexique de ces termes nouveaux. En tête de la traduction des Éthiques d'Aristote, les mêmes excuses et explications reparaissent. Mais, dans ce travail d'adaptation, ni Oresme, ni les autres traducteurs n'ont usé de grande discrétion. Ils ont puisé sans scrupule dans le vocabulaire latin et parmi les mots grecs latinisés. Bien des pages ont un aspect plus latin que français. Déjà on entend au ma siècle, contre ces abus, des plaintes, qui devancent de deux siècles les ironies de Rabelais. L'auteur d'une traduction du Psautier, faite en Lorraine, sans doute au milieu du XIVe siècle, critique non sans amertume les novateurs latinisants, et estime dans sa préface que dire le roman mot à mot selon le latin est chose corrompue et imparfaite. Peut-être notre langue doit-elle beaucoup plus aux formations savantes des écrivains du me siècle qu'à celles des humanistes du XVIe. Du reste, un grand nombre des mots ainsi nés au XIVe siècle, oubliés au XVe, ont été comme réinventés au XVIe.

Il ne faudrait pas croire que cette étude de l'Antiquité ait déjà produit un renouvellement et un affranchissement intellectuels, une Renaissance. L'Antiquité n'est, pour la plupart des auteurs du ma siècle, qu'un répertoire de textes sur la morale, la politique, la rhétorique, la logique et les diverses sciences. Les notions de littérature et d'histoire anciennes, les citations d'auteurs profanes prodiguées dans tous les ouvrages du siècle, sont en général tirées des œuvres des Pères de l'Église, de saint Augustin surtout, ou découpées dans des encyclopédies antérieures, comme les énormes Specula de Vincent de Beauvais, ou empruntées à des recueils de phrases, de pensées ou d'anecdotes. Les auteurs les plus savants comme Bersuire ou Le Grand ne font que continuer le travail de compilation et de placage du siècle précédent, sous les noms de Reductorium, Repertorium, Breviarium, Compendium, Collectio sententiarum, Sophologium. Les traductions, il est vrai, mettent un certain nombre d'auteurs comme Aristote, Tite-Live, Valère Maxime, à la portée de tous, mais très imparfaitement. L'esprit n'est pas sorti du moule scolastique. Aristote est encore, dans l'Université, le maitre de la Dialectique et de la Physique ; il l'est devenu de la Politique. C'est son autorité que proclament, ce sont ses œuvres que commentent Gilles de Rome, Buridan de Béthune, Nicolas d'Autricourt, Oresme. De lui, procèdent directement les traités de politique et de morale. Or, l'enseignement d'Aristote, avec les formes dogmatiques et impérieuses qu'il avait prises, ne pouvait être une inspiration suffisante d'humanisme. La plupart de ceux qui demandaient à l'Antiquité des procédés intellectuels et des textes de morale et d'édification, ne savaient ni la comprendre, ni en jouir.

Et cependant ce contact avec l'antique commence à produire des effets nouveaux. A la fin du siècle, dans la foule des érudits scolastiques, apparaissent deux ou trois humanistes, c'est-à-dire des esprits qui cherchent et trouvent, dans les lettres antiques, une manifestation d'humanité. Gontier Col, secrétaire du roi et du duc de Berri, dont on peut mieux du reste reconstituer l'activité diplomatique que la vie intellectuelle, devait être singulièrement épris d'antiquité, lui qui emportait toujours avec lui ses auteurs préférés, qui possédait un rarissime manuscrit de Pline le Jeune, le seul que connût Nicolas de Clamanges, et lui ne pouvait vivre sans son cher Virgile, l'apprenait par cœur et admirait en lui le maitre de toute sagesse, de toute éloquence et de toute poésie.

Jean de Montreuil, aussi secrétaire du roi et diplomate, se disait volontiers disciple de Gontier Col ; il est allé en 1412 à Rome, où il connut Léonard l'Arétin, et à Florence où il fréquenta Niccolo Niccoli ; il fut l'ami de Coluccio Salutati. L'Arétin le déclarait homme plein d'humanisme. Montreuil a raconté sa vie intellectuelle dans ses lettres : il passe de longues heures, nous dit-il, à lire les auteurs antiques dont il est plus glorieux et plus délectable de savourer et de déguster les pensées, que d'accumuler les honneurs et les richesses. Il goûte passionnément Cicéron : Ô Marcus Tullius, on te doit éternellement célébrer. Qui donc a élégamment translaté la philosophie du grec en latin ? Tullius. Qui a pratiqué la rhétorique ? Tullius. Qui l'a exaltée ? Tullius. Le De Natura Deorum, le De Divinatione, le De Legibus, lui apprennent à vivre, honnêtement et heureusement, loin de la foule corrompue. Montreuil recherche les discours, les lettres, toutes les œuvres de son auteur préféré. Il en est si avide, qu'un calomniateur l'accuse d'avoir volé un manuscrit de Cicéron. Il aime aussi Virgile, Horace, Tite-Live ; il exalte Térence : Ô jours perdus, les jours où je ne te voyais pas, très doux, très grand, très élégant et très éloquent Térence, toi, dit Horace, le plus habile des hommes. Cette chaude admiration, ce tête-à-tête avec les poètes et les orateurs latins, cette communion de pensée avec eux, ce sont choses nouvelles en France. Avec Gontier Col et Nicolas de Clamanges, Montreuil est un précurseur.

En même temps la science des deux derniers siècles, surtout du XIIIe, fut cultivée et ressassée. D'anciennes compilations scientifiques et morales furent souvent recopiées et commentées, comme les Sentences de Pierre Lombard, le Policratique de Jean de Salisbury, le Trésor de Brunet Latin, la Somme le Roi de frère Laurent, le Livre des propriétés des choses de Barthélemi de Glanville, l'Image du monde, la Fontaine de toutes sciences de Sidrac, les Specula de Vincent de Beauvais, le Livre des secrets aux philosophes, le Livre de l'information des princes de Gilles de Rome. Dans ces recueils, les esprits du temps, trop faciles à contenter, croyaient trouver la science.

Parmi les livres du siècle précédent, un surtout fut lu de tous, admiré des uns, ardemment discuté par les autres, c'est le Roman de la Rose. La seconde partie, avec sa science pédante, ses allégories, ses artifices, devint une nouvelle Bible, et Jean Clopinel de Meun, l'auteur, passa pour un véritable prophète. On retrouve son influence surtout chez les poètes et les moralistes. La faveur du Roman de la Rose amena même à la fin du mye siècle une ardente controverse morale et littéraire. Jean de Meun avait cyniquement attaqué les femmes ; Christine de Pisan voulut les venger de ses vilains propos ; Gerson vint à son aide et partit en guerre contre Clopinel qu'il accusa d'immoralité et d'impiété. Le Roman de la Rose, que Pétrarque appréciait fort, fut vaillamment défendu par les humanistes, par Jean de Montreuil, Gontier et son frère Pierre Col : ils pardonnaient à cette œuvre bizarre sa longueur, ses faiblesses, son cadre d'allégories compliquées en faveur de l'esprit hardi, indépendant et frondeur qui y régnait, et que goûtaient vivement leurs claires intelligences d'humanistes[7].

 

IV. — POÉSIES ÉPIQUE, LYRIQUE ET DRAMATIQUE[8].

À en juger par les prénoms en faveur parmi les nobles, par les peintures, les verrières et les tapisseries qui décoraient les palais et les châteaux, surtout par les très nombreux manuscrits des bibliothèques royales et princières, les longs poèmes épiques des siècles précédents sont encore en honneur dans la société du XIVe siècle. Mais si le goût pour cette littérature est resté très vif, elle a perdu la force créatrice. Les remaniements tardifs d'Ogier, de Roland, du Voyage de Charlemagne, du Chevalier au Cygne, ou les poèmes originaux, tels que Hugues Capet, Charles le Chauve, Ciperis de Vignevaux, Florence de Rome, sont des produits de pleine décadence.

Les légendes de la Table Ronde, telles que le temps les avait formées ou déformées, répondaient mieux à l'idéal courtois et chevaleresque du XIVe siècle. A elles, se rattachent les plus intéressantes compositions du temps, comme le grand roman en prose de Perceforest et le Méliador de Froissart. Les quêtes d'aventures, les enchantements, la puissance des fées, les charmes et les mystères de toute sorte sont devenus le fond de tout récit romanesque. Pour la société aristocratique du temps, le plus grand charme de cette littérature, c'était qu'on y trouvait tout un système de relations sentimentales, une sorte de code de l'amour, encadré dans les épisodes les plus variés. Courir les aventures et les tournois à la recherche d'une dame à peine entrevue, devinée souvent à travers un récit ou un songe, aimée avec mystère d'un amour constant et raffiné ; vaincre, grâce à toute sorte de talismans, les difficultés et les obstacles ; donner l'exemple de la fidélité et de l'honneur ; être le plus vaillant pour mériter la faveur de la plus belle ; réunir toutes les vertus du chevalier errant et toutes les subtilités de l'amant courtois : voilà le beau songe qu'offraient aux esprits, en ce temps de réalités souvent si laides, les Lancelot, les Perceval, les Arthur, les Saigremor, les Tristan.

L'œuvre la plus caractéristique en ce genre est le poème de Froissart, Méliador. Froissart l'avait écrit à la requête de Wenceslas de Brabant, et y avait inséré les poésies légères de ce poète amateur. Il porta son œuvre, en 1388, à la cour du comte de Foix, à Orthez. Gaston Phœbus, qui ne dormait point, se faisait lire une partie de la nuit beaux déduits de chasse et faits d'armes de chevaliers ; il voulut entendre le roman de Méliador, le Chevalier au soleil d'or. Par tous les temps, à minuit, Froissart se rendait au château ; dans la grande salle, où il faisait plus clair que certes à Paradis terrestre, il lisait, au milieu d'un silence religieux. A raison de sept feuilles par veillée, la lecture dura six semaines. Méliador compte en effet trente mille petits vers de huit pieds ; encore n'est-il pas complet. C'est l'histoire d'Hermondine, fille du roi d'Écosse, poursuivie par l'amour brutal du chevalier Camel ; elle fait appel à l'amour courtois du chevalier qui, après une quête de cinq années, sera déclaré le plus vaillant. Au bout du temps marqué, elle le reconnaît en la personne de Méliador, le bleu Chevalier au soleil d'or. Dans l'histoire de ces cinq années d'épreuves, le poète a trouvé place pour toutes les inventions de son esprit, expert en matière chevaleresque et nourri des souvenirs de la Table Ronde : il y conte vingt à trente combats, cinq grands tournois, quatre histoires d'amour ; cinq dames sont délivrées de leurs grossiers ennemis. Deux cents chevaliers figurent au premier tournoi ; quinze cent soixante. au dernier ; deux cent quarante entreprennent la quête d'Hermondine ; à lui seul, Méliador triomphe de plus de vingt adversaires, plus redoutables les uns que les autres ; enfin, au grand tournoi donné par le roi Arthur, sur les bords de la Tweed, tout se termine par sept mariages. A ses personnages, Froissart a donné des noms sonores, Méliador, Agamannor, Albanor, Saigremor, Lucanor, Solidamas, etc. Il a mis, dans ce long et trop souvent ennuyeux poème, ses plus chères fantaisies.

La poésie lyrique du ma siècle est un art savant, qui s'apprenait suivant les règles les plus complexes. On n'y trouve plus la légère allure des chansons d'autrefois. Eustache Deschamps, en 1392, a écrit, sans doute pour le duc d'Orléans, l'art poétique de son temps, l'Art de clicher. Parmi les sortes de poèmes qu'il y énumère, au premier rang est la ballade : elle se compose de trois ou cinq strophes écrites sur les mêmes rimes, d'un refrain qui termine chaque strophe, et de l'envoi adressé au Prince, selon, sans doute, la coutume des concours poétiques appelés Puys d'amour. La répétition des rimes, le retour du refrain amènent parfois d'heureux effets, et donnent à ces petits poèmes un certain mouvement et un air de naïveté et de simplicité ; mais la ballade est trop souvent surchargée de toutes les complications imaginables de rythme et de rime, de façon à n'être plus qu'un tour de force. Eustache Deschamps en a composé une à huit manières, c'est-à-dire qui peut se lire de huit façons différentes. Le rondeau est à la mode comme la ballade. Ce qui plaisait en ce court poème, c'étaient également d'ingénieuses répétitions de vers et de rimes, qui permettaient toute sorte de combinaisons savantes. Les poèmes de plus longue haleine, lais, dits, complaintes, débats, épîtres, bien qu'ils soient écrits le plus souvent en vers simples de huit ou dix pieds, sont également assujettis à cette technique laborieuse. Il faut vaincre la fatigue et la répulsion qu'inspire au lecteur cette perpétuelle acrobatie, pour trouver, de loin en loin, dans ces poèmes grands et petits, l'expression d'un sentiment simple. Du moins, ils fournissent en grande abondance de curieux documents sur la société du XIVe siècle.

Dans ce fatras de poèmes et de poètes, quelques noms se détachent : Philippe de Vitri fut admiré de Pétrarque qui le nomme l'unique poète gaulois. Il paraît avoir eu le bon goût de ne pas beaucoup écrire : son Chapel de fleurs de lys sur la croisade de Philippe VI, est insignifiant, mais le très court Dit de Franc-Gontier est d'une poésie rustique, vigoureuse. Au contraire, Guillaume de Machaut, le grand rhétoric de forme nouvelle, fut très prolixe ; il n'a pas laissé moins de quatre-vingt mille vers : un froid poème, La Prise d'Alexandrie, de nombreux Dits, quelquefois inspirés par une verve goguenarde assez heureuse, mais trop souvent remplis d'allégories et de complications sentimentales, enfin des poèmes de circonstance comme Confort d'ami, où les infortunes du roi de Navarre lui ont inspiré d'heureux vers. Son œuvre la plus curieuse est le Voir Dit. Il y conte, en neuf mille vers mélangés de prose, ses amours platoniques de sexagénaire pour une damoiselle gente, jeune, jolie, longue et droite, qu'il ne nomme point, et qui est sans doute imaginaire[9]. La dame, admiratrice des poèmes de Machaut, ambitieuse d'être son amie, lui envoie un fort joli rondeau auquel il répond par un rondeau et trois ballades. De la sorte s'engage un commerce poétique, mélangé de quelques lettres en prose. A la fin, le poète voulut voir son amie. Vieux, rude et mal gracieux, et même borgne, il arriva inquiet et troublé au rendez-vous. La dame très parée, tenant sous son bras une hermine à chaîne d'or, le reçut gracieusement. Le lendemain, dans un verger, elle s'endormit sur son giron. Tout tremblant, il lui fit à la bouche une amoureuse touche ; l'amie ne se fâcha point. Une fois encore, il la revit à Saint-Denis, à la foire du Lendit. Comme les hôtelleries étaient pleines, ils passèrent la nuit dans le même lit, en tout honneur. A l'adieu, la dame prit une clavette d'or, la clé de son trésor, et la lui donna à garder. Le Voir Dit, après quelques autres incidents, finit sans conclusion ; il ne pouvait guère en avoir une.

Froissart qui rima beaucoup dans sa jeunesse et un peu toute sa vie, se retrouve ici encore. Il a célébré l'amour courtois avec toute la prolixité de la métaphysique amoureuse du temps, usant de toutes les conventions, abusant de l'allégorie et de la mythologie antique. Ses titres ont la préciosité à la mode : Doux Congé, Paradis d'Amours, Épinette amoureuse, Horloge amoureuse, Joli buisson de Jeunesse, Plaidoirie de la Rose et de la Violette, etc. Mais il est trop charmant et trop vivant esprit, pour n'avoir pas rencontré des tours et des mots heureux sur l'amour qui est sens et vie, et dont les tristesses mêmes sont douces : rien ne vaut mélancolier, dit-il. Ses amours, du reste, ne lui ont donné qu'une mélancolie passagère. Il aimait la vie et en chantait volontiers les joies. Dans sa cure des Estinnes, il a décrit gaiement les petits bonheurs d'une douce vie épicurienne :

Quand je vois vallées et mons

Et vignes en chairs [chars] et en trelles,

Je di que le pays est bons

Et si destoupe [débouche] mes oreilles,

Quand j'œ vin verset de bouteilles.

Eustache Deschamps a écrit quatre-vingt-deux mille vers, répartis en seize cent soixante-quinze ballades, six cent soixante et onze rondeaux, quatre-vingts virelais, quatorze lais, vingt-huit farces, complaintes et traités, dix-sept lettres. Comme Vitri et Machaut, il était Champenois, natif de Vertus, d'origine fort obscure ; il n'est connu que par un prénom, Eustache ; Deschamps est un surnom qui lui vint d'une petite maison qu'il possédait aux champs. A Reims, il dut connaître Machaut, qu'il appelle son très doux maître. Jeune, il voulut tout assouvir et plus que son pouvoir ; bien me semblait, dit-il, que je fusse Roland. Au demeurant, il était fort laid et ne nous l'a point caché :

Se nul Noms [homme] doit estre roy de Laidure,

Pour plus laideur c'on [qu'on] ne porroit trouver,

Estre le doy par raison et droiture,

Car j'ay le groing con [comme] hure de sangler [sanglier]

Et aux singes puis asses ressambler.

D'abord messager au service de Charles V, il a visité en chacune partie Jérusalem, Égypte et Galilée ; du moins, il le dit. Il a été certainement en Bohême et en Moravie. Qui n'a pas vu beaucoup de pays, selon lui, n'a rien vu. Pourtant il n'aimait pas les aventures ; là où il y avait des coups à craindre, il était fort mal à son aise. Il se lamente d'avoir été contusionné dans un tournoi à Prague. Il redoutait, par-dessus tout, la mauvaise cuisine et le mauvais coucher.

Bien que les honneurs lui fussent venus, son humeur s'aigrit avec les années. Il ne se plut pas en mariage : Or est sur moi de femme le venin, dit-il. Ses deux enfants ne lui donnèrent qu'embarras et ennui. Il ne sent plus le besoin d'aimer, et s'en désole :

Adieu Printemps, adieu jeune saison,

Que [alors que] tous desduiz [plaisirs] sont deuz à créature.

Adieu Amours, adieu noble maison

Pleine jadis de fours et de verdure.

Adieu esté, autompne qui pou dure.

Yvers me vient, c'est-à-dire viellesce.

Pour ce, tristes, te di adieu, Jeunesce.

Par surcroit de malheur, les Anglais traversent la Champagne, passent à Vertus et brûlent sa maison. Dès lors, il a nom Brûlé des Champs, et ne cesse de gémir et de rimer jusqu'à sa mort (avant 1407).

Deschamps a son originalité, qui est d'être une sorte de réaliste. S'il a employé les formes usitées de son temps, et même en a exposé la théorie dans son Art de dictier, c'est sans doute par nécessité, non par goût. Il n'a pas l'esprit courtois ; il préfère l'amour à la guerre et recherche un bonheur tranquille et bourgeois. Ce naturel, si rare en ce temps-là, donne du prix à ses poèmes, malgré sa déplorable prolixité. Deschamps dessine d'après nature, non d'après un idéal convenu. Il a même un goût marqué pour le détail trivial et truculent ; il est volontiers gaulois.

Dame Christine de Pisan, une Italienne, fut le plus délicat poète du règne de Charles VI. Son père, Thomas de Pizano, était un médecin astrologue, doctorifié à l'Université de Bologne, et qui vivait à Venise. L'astrologue, appelé par Charles V, vint s'établir en France avec sa famille ; Charles V le goûtait fort. Christine épousa un petit gentilhomme picard, Étienne du Castel, notaire royal. Mais, après la mort de Charles V, le vieil astrologue perdit son crédit, devint malade et infirme ; il mourut vers 1385. En 1389, à trente-cinq ans, en fleur de jeunesse, la mort vint également happer Étienne du Castel. Veuve, avec de lourdes charges de famille, Christine réunit à grand'peine les débris d'une maigre fortune mal gérée, engagea des procès et en subit. Toute honteuse, à face rougie, elle emprunta. Elle vit venir chez elle les sergents : Et Dieu sait combien mon cœur tourmenté était, quand exécutions sur moi étaient faites et que mes chaussettes m'étaient levées par sergents ; à grand dommage m'était, mais plus craignais la honte. Elle se tira d'affaire par la littérature. Bien endoctrinée par son père, d'esprit délicat et rêveur, elle avait célébré en ballades et en rondeaux son bonheur d'épouse et chanté sa douleur de veuve. Ses premières poésies avaient été goûtées. Elle se fit femme de lettres, comptant sur la générosité des princes et des seigneurs. Elle multiplia les poésies, puis se mit à l'étude pour pouvoir entreprendre des ouvrages de plus haute portée. Elle acquit cette érudition naïve et confuse, dont on était si friand alors. En quelques années, elle produisit un nombre extraordinaire d'ouvrages de toute sorte, histoire, science politique, art militaire, morale, dévotion, etc. Surmenée de travail, malade, il lui arriva, pour terminer plus vite ou pour simplifier sa tâche, d'achever en prose ce qu'elle avait commencé en vers. Elle gagna ainsi sa vie. Les ducs de Bourgogne, de Berri, d'Orléans, flattés de ses dédicaces, y répondaient par des dons en argent.

L'œuvre poétique de Christine de Pisan renferme tous les genres, poésie légère et sentimentale, religieuse, didactique, amoureuse, pastorale, historique et politique. Elle. a suivi les modes du temps, mais son talent ingénieux n'est pas étouffé par les conventions. Christine avait la science du rythme ; elle trouvait des tours expressifs ; ses idées étaient fines, gracieuses, son cœur sensible et honnête. Elle a surtout chanté l'amour mondain, les joies de la rencontre, les confidences, les douleurs de l'absence et de l'oubli. Ce n'était qu'un jeu de son esprit ; de là, l'ordinaire froideur de ses dissertations amoureuses. Mais quand elle a laissé percer ses sentiments vrais, ses regrets d'épouse, ses angoisses de veuve, la profonde mélancolie qu'elle éprouvait à exprimer par couverture[10] des idées tendres et joyeuses, elle a fait ses meilleurs vers :

... Nul ne scet le traveil

Que mon pouvre cuer endure.

Pour ce muce [cache] ma doulour,

Qu'en nul je ne voy pitié.

Plus a l'en [a-t-on] cause de plour,

Moins treuve l'en d'amistié.

Pour ce plainte ne murmure

Ne fais de mon piteux dueil :

Ainçois ris, quant plourer vueil [veux],

Et sanz rime et sanz mesure

Je chante par couverture.

Les Français du XIVe siècle aimaient beaucoup les spectacles, surtout les tableaux vivants donnés dans les églises et sur les places aux grandes fêtes religieuses et aux entrées de souverains. Les pièces dialoguées durent être beaucoup plus rares ; il ne nous en a été conservé que quarante-trois. Trois sont des pièces isolées, parmi lesquelles la touchante histoire de Grisélidis ; quarante sont groupées en un recueil, sous le nom de Miracles Notre Dame. Elles semblent être du milieu du XIVe siècle. Elles procèdent évidemment d'une de ces associations pieuses et littéraires en l'honneur de la Vierge, appelées puys, si fréquentes dans les villes du Nord. Ce sont des  pièces bourgeoises, où les conventions courtoises n'ont pour ainsi dire pas pénétré. Elles ont été faites pour l'amusement et l'édification d'une foule naïve et crédule.

Le point de départ est toujours une intervention miraculeuse de la Vierge en faveur d'un coupable ou d'un malheureux. Les causes et les effets de cette intervention se développent en un dialogue de mille à deux mille vers, sans coupure de scènes ou d'actes. Parmi des personnages très variés, apparaissent régulièrement Dieu, la Vierge, les Anges, le Diable, des rois et des reines. Ils sont introduits ou disparaissent par le moyen de secrets, ou trucs, toujours les mêmes, avec accompagnement des mêmes chansons, rondeaux et motets. Mais l'action, où intervient Notre Dame, varie de miracle à miracle. Les sujets en sont pris partout : dans les Évangiles authentiques ou apocryphes, dans Grégoire de Tours, dans les chansons de geste, dans les vies des Saints, dans les recueils de légendes pieuses, dans l'imagination même des auteurs. Toute l'histoire, et Dieu sait quelle histoire ! y défile. Le véritable intérêt des miracles est que la société y est décrite du point de vue bourgeois et frondeur. Le clergé, du pape de Rome jusqu'aux plus simples nonnes, y apparaît avec toutes ses faiblesses. Les princes y sont souvent méchants ou ridicules. Les officiers royaux, surtout ceux de justice, et les gens de guerre sont redoutés et maudits. On y trouve aussi la générosité des sentiments populaires : la femme innocente, faussement accusée et condamnée, a dans les miracles une place d'honneur ; après les aventures les plus compliquées, son innocence est toujours reconnue et récompensée. Toujours, du reste, la bonne Vierge, sans souci des règles de la morale, au premier appel même du plus grand criminel, arrive, et elle demande et obtient le pardon.

 

V. — L'HISTOIRE[11].

L'HISTOIRE s'est mise décidément à parler français et en prose. Elle ne continue guère à employer le latin — et encore n'est-ce  pas d'une façon exclusive — qu'à l'abbaye de Saint-Denis, dans de  grandes compilations sans valeur littéraire. Des historiens écrivent encore en vers comme le pauvre homme Cuvelier dans sa Chronique rimée de du Guesclin, — vingt-deux mille vers ; — mais c'est plutôt une exception. Au reste, de la masse des compositions historiques, quelques œuvres seulement se détachent avec netteté.

Pierre d'Orgemont a composé sous les yeux de Charles V, pour faire suite aux Grandes Chroniques françaises de Saint-Denis, un récit presque officiel, simple, exact, un peu froid, très politique, où il faut souvent savoir lire entre les lignes ; le vieux chancelier est  un écrivain qui dit, après réflexion, tout juste ce qu'il veut dire. La Chronique des quatre premiers Valois — c'est le titre donné à un récit dont l'auteur est anonyme — est une œuvre sans art ni proportion, gauchement écrite, mais sincère, précise, et, par endroits, dramatique. L'auteur, chanoine de Rouen, sans doute, est un esprit curieux, original, libre des préjugés de son temps ; ses informations et son jugement sont bien à lui.

Jean le Bel, de Liège, auteur des Vraies Chroniques, né dans les dernières années du XIIIe siècle, porta les armes pendant sa jeunesse ; il fit la guerre en Écosse et servit aux tournois, puis devint chanoine de Liège. Il vécut largement dans son canonicat ; au dire d'un contemporain, il n'y avait alors homme vivant de plus franc ni de plus noble régiment ; il tenait table ouverte et portait riches habits et étoffes, semblables aux habits de bannerets. Son expérience personnelle et ses nombreuses relations lui donnaient des informations abondantes et précises ; il les a transcrites, fidèlement, sincèrement, sans recherche d'art, avec une sobriété vigoureuse : ce qu'il a mal fait, dit-il, qu'un autre avec l'aide de Dieu le fasse mieux. Il avait les préjugés les plus violents du monde au milieu duquel il vivait ; son œuvre en est plus vivante et plus pittoresque. Froissart lui doit infiniment : il s'est servi des Vraies Chroniques pour fonder et ordonner ses propres Chroniques jusqu'en 1356 ; mais bien qu'il l'ait souvent copié, il est très différent.

Jean Froissart, dont le nom se retrouve à tous les chapitres de l'histoire intellectuelle de ce temps, était fils d'un bourgeois de Valenciennes. N'ayant aucun goût pour le métier de marchand, il se fit clerc. En 1361, à vingt-quatre ans, en quête de protecteurs, il partit pour l'Angleterre, portant ses poésies et un premier essai sur la bataille de Poitiers. La reine Philippa, femme d'Édouard III, aimait à protéger ses compatriotes, les gens du Hainaut ; elle accueillit bien Froissart, et fit de lui un clerc de sa chambre. Il vécut six années à la cour la plus brillante et la plus chevaleresque de la Chrétienté, parmi les fêtes et les amours courtoises, et recueillit de la bouche des chevaliers anglais et de celle des Français prisonniers ou otages à Londres, mainte anecdote et maint beau récit. Il voyagea à travers l'Angleterre aux coûtages de la reine ; il alla même passer trois mois en Écosse auprès de David Bruce, qui l'emmena chevaucher, tout en devisant, à travers son royaume. En 1366, il séjourna à Bordeaux auprès du prince de Galles, qui le traitait en chroniqueur officiel. Il ne put à son grand regret accompagner son maître dans l'expédition d'Espagne ; mais il suivit le duc de Clarence qui se rendait à Milan pour épouser une Visconti. Puis il voyagea pour son propre compte ; monté sur une haquenée, et suivi d'un roussin qui portait ses bagages, il alla à Bologne, à Florence et à Rome. Chemin faisant, il rencontra le roi de Chypre et l'empereur de Constantinople, qui lui parlèrent de l'Orient. A son retour, il apprit que les saints anges du Paradis avaient ravi la reine d'Angleterre, et ce fut pour lui un grand deuil : car elle me fit et créa, dit-il.

Revenu aux Pays-Bas, un moment, il se mit, selon son expression, dans la marchandise, ne s'y plut pas, et trouva fortune près de nouveaux protecteurs : le duc et la duchesse de Brabant, qui tenaient à Bruxelles une cour magnifique, le duc Albert de Bavière, comte de Hollande et de Hainaut, Robert de Namur, rude homme de guerre et grand ami des Anglais, Gui de Blois, seigneur de Beaumont et de Chimai, fort épris de chevalerie. Gui de Blois pourvut Froissart, vers 1373, de la cure des Estinnes. Froissart y demeura dix ans, heureux, entouré de parents et d'amis, visitant ses protecteurs. La cure était lucrative ; pendant ces dix années, il laissa plus de 500 livres chez les taverniers qui se trouvaient sur la route de l'église au presbytère. C'est là, qu'à la requête de dame Philosophie et aussi à la demande de Robert de Namur, il fit la première rédaction de ses Chroniques, si vivante, si alerte et, de plus, si anglaise de sentiments. Quand il continua son travail, ses sentiments devinrent plus favorables à la France, pour plaire à Gui de Blois, son nouveau patron qui, ayant fait, à ce moment, de superbes héritages, entre autres celui du comté de Blois, s'attacha Froissart comme chapelain et le fit chanoine de Chimai.

Gui de Blois emmena plusieurs fois au château de Blois Froissart, qui connut là beaucoup de chevaliers français, et parcourut tout le pays de la Loire. Il était redevenu voyageur : en 1388, à l'automne, entraîné par certains récits, et voulant combler des lacunes dans ses informations, il partit pour le Midi de la France. A Pamiers, il rencontra un chevalier gascon, maitre Espaing de Lyon, grand conteur d'aventures, dont, huit jours durant, il exploita l'inépuisable faconde. Puis il reprit sa route : il alla à Orthez, menant avec lui pour les offrir au comte de Foix quatre grands lévriers, Brun, Tristan, Hector et Roland. La nuit, il lisait son Méliador au comte ; mais le jour, au château ou à l'hôtel de la Lune, il interrogeait les chevaliers et aventuriers de toute sorte qui étaient à Orthez. Il partit, ravi de sa moisson. A Avignon, il vit le pape et perdit sa bourse ; à Paris il assista à l'entrée de la reine Isabelle de Bavière. Puis il revint à Valenciennes et à Chimai, et rentra dans sa forge, pour mettre ses notes en œuvre et ses Chroniques à jour. Mais, souvent encore, il est sur les chemins : on le voit à la cour de Hainaut, au Quesnoi, à Paris, à Mortagne, auprès du sire de Couci, à Abbeville, à Middelbourg, où il va interroger une ambassade portugaise sur les affaires de la péninsule ibérique.

Vieilli, il voulut revoir cette Angleterre où il avait passé de si belles années : Et me semblait, en mon imagination, que, si vue l'avais, j'en vivrais plus longuement. Il alla donc, en 1395, offrir à Richard II ses Chroniques et ses vers ; mais à peine reconnut-il quelques vieillards dans ce pays où il avait eu tant d'amis : Tout m'y semblait nouvel, dit-il, ni je n'y connaissais âme. Quelques années après, Richard II était renversé et mis à mort. C'est à cet événement tragique que Froissart arrêta ses Chroniques. Il mourut à Chimai, après 1404.

L'œuvre historique de Froissart embrasse près d'un siècle d'histoire de la France, de l'Angleterre, de la Flandre, de l'Écosse et de l'Espagne ; elle est le produit de cinquante années de recherches, d'interviews, d'enquêtes menées un peu partout. Elle a été, en même temps que le gagne-pain de l'auteur, la passion de sa vie. Sans se lasser, il l'a reprise et remaniée en rédactions successives.

Froissart déclare qu'il n'a pas voulu entasser les faits sans ouvrir ni éclaircir la matière ; ce serait, dit-il, chronique et non histoire. Il a donc voulu faire une histoire, et avec une intention morale : il désirait que son livre fût une école de prouesse et de chevalerie. En réalité, il n'a été le plus souvent qu'un conteur, sans philosophie aucune, épris jusqu'au snobisme des modes chevaleresques, dédaignant d'ordinaire tout le reste, presque souriant même aux pages les plus sombres, indifférent aux crimes des grands et aux souffrances des humbles, complaisant pour les bienfaiteurs dont il a successivement flatté les opinions contraires.

Il reste qu'il fut le peintre admirable de son époque. La société chevaleresque au milieu de laquelle il a vécu, il l'a fait vivre avec une intensité extraordinaire. Comme il l'admirait sans réserve, il n'en a rien caché : le mal et le bien, l'élégance et la brutalité, tout a passé dans ses Chroniques. Et son œil de poète a perçu avec une netteté merveilleuse les mouvements, les couleurs, et, sinon la vie intime et profonde, au moins les manifestations les plus éclatantes de la vie. Les pages les plus pittoresques et les plus gracieuses de notre vieille littérature se trouvent dans les récits ou les harangues de Froissart.

Après lui, au commencement du XVe siècle, l'historiographie française n'est plus représentée que par des œuvres médiocres. Christine de Pisan avait de hautes prétentions en écrivant le Livre des faits et bonnes mœurs du sage roi Charles V : elle voulut élever un monument à ce bon roi, et travailla de son mieux, consultant les chroniques, interrogeant les personnages politiques, mais elle déversa sur tout son livre sa trouble et pédantesque érudition. Elle s'imagina faire grand honneur à son héros en le présentant comme un disciple d'Aristote pour la politique et de Végèce pour la guerre. Le résultat, ce fut une œuvre manquée, prolixe et monotone. Le Livre des faits du bon messire Jean le Maingre dit Boucicaut a quelques-uns de ces défauts, si bien qu'on l'a attribué parfois à Christine, mais il est plus vivant et plus coloré.

 

VI. — LA LITTÉRATURE DIDACTIQUE[12].

LA littérature didactique tient une grande place dans ce temps de foi vive et de raisonneurs souvent pédantesques.

Si les théologiens rationalistes du XIVe siècle n'ont rien ajouté à l'œuvre de leurs prédécesseurs, la théologie mystique eut en France, aux dernières années du siècle, des docteurs, dont le plus illustre est Gerson. Il a écrit quelques petits traités en français où il recommande, avec une émotion sincère et qui se communique, la science savoureuse qui n'est pas dans les livres, mais qui est toute d'amour : Et à ce peuvent simples gens venir en laissant les cures du monde et en gardant leur cœur pur et net. L'Ascension de la Montagne de Contemplation se fait par trois degrés : l'humilité, la charité et la prière, la première où on languit d'amour, la seconde où on meurt d'amour, la troisième où on vit d'amour. La Mendicité spirituelle — qui s'appelle encore le Secret parlement de l'homme contemplatif avec son âme — est une oraison en guise d'un pauvre, qui demande son pain d'huis en huis : Prends-moi par la main, dit l'âme à son ange gardien, conduis-moi par la grande rue du Paradis, de porte en porte, où je puisse pleurer et crier : A la pauvre ! l'aumône pour Dieu ! Dans d'autres traités, se retrouvent les mêmes effusions. Mais Gerson sut éviter et condamna les excès où s'étaient laissé entraîner les mystiques allemands et flamands. On lui a attribué l'Imitation de Jésus-Christ, mais son amour divin est moins exalté, moins brûlant, plus pratique, plus séculier que celui du ou des mystérieux auteurs de ce livre.

L'éloquence religieuse et politique trouva naturellement carrière dans les grands conflits qui troublèrent l'Église et l'État. Les belles propositions faites, soit à l'Université, soit dans les assemblées du clergé et les conciles, soit devant les papes et les rois, par Pierre d'Ailli, Gerson, Courtecuisse, Fillastre, Boisratier, étaient fort admirées des contemporains : elles sont savantes et pathétiques, mais trop longues, trop subtiles, trop encombrées d'érudition. Jean Petit a pourtant de la verve, comme on l'a vu, et les discours de Guillaume Fillastre sur le Schisme ont une sincérité triviale et une bonhomie qui reposent de l'éloquence apprêtée. Eustache de Pavilli et le maitre des Mathurins, que les Parisiens aimaient tant à entendre au commencement du XVe siècle, avaient sans doute les mêmes qualités. Mais les plus remarquables propositions du temps furent celles de Gerson, où les sentiments les plus purs et les plus hautes pensées alternent avec les paradoxes, l'allégorie et l'érudition avec des détails d'une extrême familiarité.

La prédication ordinaire a laissé peu d'œuvres intéressantes, en dehors des sermons de Gerson, qui ont été pour la plupart prononcés dans son église de Saint-Jean de Grève ou dans d'autres paroisses de Paris. Il prêcha souvent aussi devant le roi et sa cour ; mais il n'aimait pas cette prédication solennelle. A vrai dire, pourtant, ses prônes ne diffèrent guère de ses sermons d'apparat. La langue est plus simple, le développement moins préparé ; mais ce sont les mêmes procédés, le même abus de l'allégorie, le même étalage d'érudition. De loin en loin, au milieu de bizarreries, la prière monte avec une simplicité et une ferveur admirables. Les longues allégories, où Gerson se complaisait, donnaient parfois à ses prédications une allure dramatique : son sermon devenait une sorte de mystère.

La littérature politique, très abondante, inspirée d'Aristote, s'enveloppa volontiers aussi d'allégories. Le cadre le plus, goûté fut celui du songe, d'ordinaire dialogué. Il y eut des songes de toute espèce. Le Songe du Vieux Pèlerin de Philippe de Mézières, écrit en 1389, est une œuvre confuse et originale. On y trouve un peu de] tout, de la géographie, de l'histoire, des anecdotes, une description de la pêche au hareng dans la mer du Nord, une description d'horloge italienne, et, au second et au troisième quartier, le tableau vivant des abus qui s'étaient introduits dans le gouvernement et dans les mœurs, enfin des conseils très précis à l'adresse du jeune Charles VI.

Dans le Songe du Verger, écrit pour Charles V en latin, puis traduit en français et augmenté, l'auteur — sans doute encore Philippe de Mézières — raconte une vision qui lui est venue en son dormant tout éveillé. Il se crut transporté en un verger plein de roses et de fleurs et de plusieurs autres délices. Là, il vit le roi en sa majesté royale, ayant à ses côtés deux reines très nobles et très dignes : c'étaient la Puissance spirituelle et la Puissance séculière. Gémissant et pleurant, elles suppliaient le roi, qui était grand clerc, de remettre la paix entre leurs ministres et officiers. Charles leur conseilla de prendre chacune un avocat : ce seront le Clerc et le Chevalier, hommes de belle éloquence et de grande science. Et ils se mettent en effet à discuter et à dialoguer grassement et pleinement, ainsi que les avocats ont usé en plaidoyant. Le Clerc défend la suprématie universelle de la Papauté, le Chevalier l'indépendance de la royauté dans le domaine temporel. A cette thèse principale s'ajoutent d'autres questions ecclésiastiques : les décimes levées sur le clergé, les privilèges de cléricature, le pouvoir temporel, la juridiction des officialités, l'existence des Ordres mendiants. Enfin l'auteur fait discuter à ses personnages tous les problèmes politiques et sociaux du temps : les droits de l'Empereur sur les États chrétiens, les prétentions du roi d'Angleterre à la couronne de France, la saisie par le roi de France du duché de Bretagne, l'instruction des princes, les armoiries, le duel judiciaire, la condition des Juifs et la légitimité de l'usure, la polygamie, l'astrologie. Tout est débattu avec une grande érudition : le Digeste, les Décrétales, les commentaires du droit civil et du droit canonique, les Pères de l'Église, Aristote et une foule d'ouvrages théologiques, juridiques, philosophiques ont été largement pillés.

Honoré Bonet — un écrivain politique aussi, — moine de l'Île-Barbe près de Lyon, s'établit, à la fin du siècle, à Paris dans la maison de la Tournelle, occupée jadis par Jean de Meun. Le souvenir de Jean de Meun lui inspira une composition bizarre, en forme de songe, moitié vers, moitié prose, l'Apparition de Jean de Meun, où il critique vivement les clercs, les nobles, les marchands ; il y recommande en particulier d'armer pour la défense du royaume, non les nobles, mais les paysans. L'Arbre des batailles, sous une forme plus didactique, traite de la politique, de la guerre, du droit des gens. La guerre, pour Bonet, est un moyen de retourner en accord et raison ; en tant que moyen de paix, elle vient de Dieu, sire et souverain gouverneur des batailles. Il se demande si l'on peut attaquer toujours et quand même le Sarrasin ; et il répond que non, car Notre-Seigneur Dieu a créé tous les biens de la terre pour les bons comme pour les méchants. On doit même épargner les Juifs, quelque mal qu'ils fassent ; d'ailleurs, s'ils nous font assez de mal, nous ne leur faisons guère de bien. L'idée sur laquelle il insiste le plus, c'est que la guerre ne doit pas faire tort à ceux qui ne font pas métier de guerre : En vérité, j'ai grande douleur au cœur de voir et ouïr le grand martyre que les gens de guerre font sans pitié ni merci aux pauvres laboureurs et autres gens, qui ne savent ni mal dire ni mal penser, et qui labourent pour toutes gens d'état, et desquels le pape, les rois et tous les seigneurs du monde ont, après Dieu, ce qu'ils mangent et ce qu'ils boivent et aussi ce qu'ils vêtent. Et nul d'eux n'en a cure.

Dans le Livre de faits d'armes et de chevalerie, Christine de Pisan a repris les idées de Bonet, en y ajoutant des dissertations techniques empruntées à Frontin et à Végèce. Son Livre de paix, commencé au moment où la guerre civile s'est déchaînée, en 1412, au vrai nombril de France, et achevé après la paix de Pontoise d'août 1413, lui a été l'occasion d'exprimer toutes les émotions que lui ont données les troubles de Paris et du royaume, et ses aspirations ardentes vers la paix, si difficile à faire et plus difficile encore à garder.

Tous ces écrivains politiques sont des moralistes. Les vices et les folies du temps, l'étrange désordre général, conduisaient tous les sages à moraliser. Oresme a traduit à la fois les Éthiques d'Aristote et sa Politique. Dans le prologue des Éthiques, il rapproche ces deux traités, dont l'un fait les bons hommes, et l'autre, les bons princes. Jacques le Grand moralise aussi dans le Livre des bonnes mœurs, et Christine de Pisan dans le Corps de Policie, le Livre et le Trésor de la Cité des Dames, où elle enseigne la vertu aux princes, aux chevaliers, aux dames et à l'université de tout le peuple.

Deux curieux ouvrages d'éducation ont été composés au XIVe siècle. L'un a été écrit, à l'usage de ses filles, par Messire Geoffroi de la Tour-Landri. Étant chevalier, il a pu payer deux clercs pour lui chercher des histoires dans la Bible et ailleurs, mais il a heureusement ajouté à cette érudition des exemples et des faits pris dans la vie contemporaine, et qui font l'intérêt de ses leçons de courtoisie et de morale. L'autre, de plus grande valeur, est le Ménagier de Paris.

Le bourgeois inconnu, qui a rédigé ce livre, vers la fin du siècle, est un homme de bon sens, d'esprit et de cœur qui exprime de fermes pensées en bon style simple. Ce n'est pas qu'il soit ignorant ; il a beaucoup lu, mais il est moins pédant que les autres moralistes du temps. De bonne bourgeoisie, sa maison était bien montée et confortable. Si l'on pouvait le prendre pour type de l'élite bourgeoise, il faudrait conclure que cette élite a une conception de la vie plus simple, plus droite, plus haute que le grand monde, avec son artificielle courtoisie. Mari âgé d'une femme très jeune et de plus grande naissance que lui, il l'appelle modestement chère sœur. Ses conseils ne sont point d'un vieux barbon, inquiet de la jeunesse et jaloux des plaisirs de sa femme, mais d'un vieil ami, qui parle en homme d'expérience. Il traite longuement de la confession, des sept grands péchés mortels, auxquels il oppose, par une antithèse familière au Moyen Age, les sept vertus cardinales. Il accompagne lui aussi ses préceptes d'exemples, mais bien choisis, contés simplement, avec malice. Ce sont des anecdotes, bourgeoises pour la plupart, des souvenirs personnels, puis deux véritables petits romans, très goûtés alors, l'histoire de Grisélidis et le roman de Mélibée et Prudence, Il a même transcrit en entier le poème moral de Jacques Bruant, le Chemin de Pauvreté et de Richesse. Après, vient le chapitre des soins du ménage : le bourgeois y enseigne avec une compétence parfaite comment une femme expérimentée doit traiter ses domestiques, faire son marché, diriger sa cuisine, combiner ses (liners, soigner son jardin. Par un court traité de vénerie se termine le Ménagier, le livre le plus curieux dans la littérature morale du XIVe siècle[13].

 

 

 



[1] OUVRAGES À CONSULTER. P. Paris, Les Manuscrits français de la Bibliothèque du Roi, 1836-1848. Leclerc, Discours sur l'état des lettres au XIVe siècle (Histoire littéraire de la France, XXIV), 2e édit., 1865. Histoire de la langue et de la littérature française des origines à 1900, publiée sous la direction de Petit de Julleville, II, 1896. G. Paris, La poésie du Moyen Âge, 2e série, 1895.

[2] SOURCES. Denifle et Chatelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, II, III, IV, 1890-1897.

OUVRAGES À CONSULTER. Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, 1665-1679. Denifle, Die Universitäten des Mittelalters bis 1400, 1885. Rashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages, 1895. Thurot, De l'organisation des écoles dans l'Université de Paris, 1850. Clerval, Les Écoles de Chartres au Moyen Âge, 1895. Übervreg-Heinze, Grundriss der Geschichte der Philosophie, 2e partie, Die Mittlere Zeit, 1898. De Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, 1900.

[3] SOURCES. De Laborde, Les ducs de Bourgogne. Études sur les lettres, les arts et l'industrie pendant le XVe siècle, Preuves, 1849-1852. Le Livre des Cent Ballades, éd. Queux de Saint-Hilaire, 1868.

OUVRAGES À CONSULTER. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, 1866-1881. Champollion, Louis et Charles, ducs d'Orléans, 1844. Le Roux de Lincy et Tisserand, Paris et ses historiens, 1867. Piaget, Oton de Granson, Romania, XIX, 1890, La Cour amoureuse de Charles VI, ibid., XX, 1891, Jean de Garencières, ibid., XXII, 1893.

[4] L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, I, 60.

[5] OUVRAGES À CONSULTER. Voigt, Die Wiederbelebung des classischen Alterthums, 2e édit., 1880-1881. De Nolhac, Pétrarque et l'humanisme, 1892. L. Pannier, Notice biographique sur P. Bersuire, traducteur français de Tite-Live, Bibliothèque de l'École des Chartes, XXXIII. 1872. F. Meunier, Étude sur la vie et les ouvrages de N. Oresme, 1857. A. Thomas, De Joannis de Monsterolio vita et operibus, 1883. Coville, De Jacobi Magni vita et operibus, 1889. Piaget, Martin Lefranc, prévôt de Lausanne, 1888.

[6] Pour le mouvement intellectuel au XIIIe siècle, voir t. III, 2e partie. Le XIVe siècle en France n'a presque rien ajouté de nouveau.

[7] Piaget, Chronologie des Épîtres sur le Roman de la Rose, Études romanes dédiées à Gaston Paris, 1891.

[8] SOURCES. Guillaume de Machaut, Œuvres choisies, éd. Tarbé, 1849. Froissart, Poésies, éd. Scheler, 1870-1872, et Meliador, éd. Longnon, 1898-1900. Eustache Deschamps, Œuvres, éd. Queux de Saint-Hilaire, en cours de publication depuis 1879. Christine de Pisan, Œuvres poétiques, éd. Roy, en cours de publication depuis 1886. Les Miracles de Notre-Dame, édit. G. Paris et U. Robert, 1876-1893.

OUVRAGES À CONSULTER. Histoire littéraire de la France, XXVI et XXXII, 1873-1898. E. Langlois, De Artibus rhetoricae rythmicae, 1892. Piaget, Le Chapel des fleurs de lys de Philippe de Vitry, Romania, XXVII, 1898. Sarradin, Eustache Deschamps, 1879. F. Koch, Leben und Werke der Christine de Pizan, 1885. Petit de Julleville, Les Mystères, 1880. Clédat, Le Théâtre au Moyen Âge, 1896.

[9] Voir G. Hans, Über Guillaume de Machauts Voir Dit, Zeitschrift fur romanises Philologie, XXII, 1898.

[10] En dissimulant.

[11] SOURCES. Voir les notices bibliographiques sur les sources placées en tête des chapitres de ce volume.

OUVRAGES A CONSULTER. Debidour, Les Chroniqueurs, II, 1892. G. Paris et Jeanroy, Extraits des Chroniqueurs français (notices), 3e édit., 1893. Kervyn de Lettenhove, Étude sur la vie de Froissart, dans l'édition des Chroniques de Froissart, I, 1870. G. Boissier, Froissart restitué d'après les manuscrits, Revue des Deux Mondes, février 1875. Mme M. Darmsteter, Froissart, 1894.

[12] SOURCES. Gersonii Opera, éd. Dupin, 1715. Le Songe du Vergier dans Brunet, Traitez des droits et libertez de l'Église Gallicane, II, 1731. Honoré Bonet, L'Apparition de Jean de Meun, éd. Pichon, 1845, et l'Arbre des batailles, éd. Nys, 1884. Le Livre du chevalier de la Tour Landry, éd. Montaiglon, 1857. Le Ménagier de Paris, éd. Pichon, 1847.

OUVRAGES A CONSULTER. Bourret, Essai sur les sermons français de Gerson, 1858. Jorga, Philippe de Mézières, 1898. Thomassy, Jean Gerson, 1843, et Essai sur les écrits politiques de Christine de Pisan, 1838.

[13] Ce ne sont là que les œuvres les plus saillantes, celles qui font le mieux connaître les idées, la société, les formes littéraires. A côté s'est largement développée toute nue littérature technique de droit, d'art militaire, de vénerie, d'agriculture, de musique, d'alchimie, d'astrologie, de médecine qui n'a ni le même intérêt, ni la même valeur. Mais partout, c'est le même zèle, la même impatience de labourer et d'étendre le champ des connaissances humaines.